Sébastien Buemi lors d`un entraînement à Monaco.

Transcription

Sébastien Buemi lors d`un entraînement à Monaco.
Sébastien Buemi lors d’un
nous, samaritains
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entraînement
à Monaco.
Poste sanitaire au Grand Prix de Monaco
Bolides et samaritains
sur la Riviera
Dominik Senn/cli
Foto: Motorsport-Magazin.com
Depuis 1996, quatre à six samaritains genevois auxquels se sont joint
des Fribourgeois en 2009, assistent
régulièrement au Grand Prix de Monaco. Leur mission, assurer le service sanitaire pour les spectateurs
qui se massent le long du parcours.
L’ensemble du service est placé sous
la responsabilité de la Croix-Rouge
monégasque qui invite des secouristes de toute l’Europe. La CroixRouge suisse n’étant pas directement
active dans le secourisme, ce sont les
samaritains qui ont l’honneur d’être
invités. Mais il ne s’agit pas que
d’une simple partie de plaisir.
Tradition centenaire
Les débuts de l’aventure automobile
sur le Rocher remontent sans doute
à la première édition du Rallye de
Monte-Carlo, lancé en 1911, il y a
exactement cent ans, notamment
par le prince Albert Ier, arrièregrand-père du prince régnant. Au
début il s’agissait surtout d’une
course destinée à attirer des touristes
pendant la saison d’hiver à Monaco.
Aujourd’hui, Albert II est non seulement souverain de la principauté,
mais également président de la
Croix-Rouge monégasque. Les samaritains romands ont donc l’honneur d’être invités personnellement
par le prince à se rendre sur le Rocher.
Les débuts de la collaboration remontent à 1995, lorsqu’une équipe
genevoise qui défendait les couleurs
de la Suisse au concours européen
de premiers secours FACE a fraternisé avec les représentants de Monaco. Dans la foulée, elle fut invitée
pour la première fois en 1996 pour
participer au service sanitaire du
Grand Prix se souvient Alain de Felice, un des participants de l’époque.
Aujourd’hui, c’est devenu une tradi-
tion et depuis 2000, les Genevois
prennent aussi du service dans le
cadre du Grand Prix Historique qui
se déroule sur le même parcours.
Renforts de Fribourg
Pour la troisième fois, un quatuor de
Fribourgeois se joindra à l’équipe
genevoise explique la présidente
cantonale, Béatrice Aebischer de
Gurmels. Pour elle, le 69e Grand
Prix sera le second. Cette année, les
Suisses serviront dans la principauté
pendant quatre jours, du 26 au 29
mai. Ils partent ce mercredi avec
armes et bagages pour retrouver leur
cantonnement, sans doute un dortoir ou une caserne de police sans
aucun confort, précise la présidente.
À midi pile, le briefing est donné
par Rémy Tornatore, directeur du
secourisme Croix-Rouge monégasque. Il annonce les détails du
programme et remet les cartes de
légitimation. Détail amusant, la
séance se déroule au siège de la
Croix-Rouge qui est domiciliée au
boulevard de Suisse.
« La carte de légitimation est essentielle pour nous faufiler parmi le
public, sinon, on ne nous laisserait
pas passer », explique Béatrice Aebischer. Chaque jour de course, les
samaritains sont de service de 6
heures à 18 heures. Dès 6 heures 30,
la ville est bouclée et plus aucun véhicule ne peut y circuler, hormis sur
le trajet de la course. Dès 7 heures,
les samaritains et un peu plus d’une
centaine de secouristes CroixRouge issus d’autres pays européens, dont des Allemands, des Italiens, des Français, des Autrichiens,
Reportage
Monte-Carlo, une perle de la Riviera, un circuit de formule 1 sous les yeux du prince Albert, des
moteurs qui hurlent, des pneumatiques qui chauffent, des virages pris au plus serré et l’odeur
pénétrante de carburant et de caoutchouc fondu, rien ne semble plus éloigné des samaritains, et
pourtant.
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L’équipe de Fribourgeois avec un
véhicule samaritain du garage Marti AG
à Niedergösgen.
Les protections auriculaires sont une évidence pour Murielle Droux, Gumefens,
Béatrice Aebischer, Gurmels (Cormondes), Pauline Vieillard, Morlon, et Isaline
Vauthey, Fribourg.
nous, samaritains 5/11
des Serbes, des Monténégrins et
bien sûr, des Monégasques, se répartissent sur les postes qui leur ont
été attribués autour du circuit. Et
déjà les premiers moteurs vrombissent …
Reportage
Longue journée de service
Ensuite commence une longue journée de service, en général sous une
chaleur accablante et dans un bruit
assourdissant. Béatrice Aebischer se
souvient que l’année dernière, la
plupart des personnes qui ont sollicité les services des secouristes souffraient de la chaleur et de déshydratation. Il y a aussi d’innombrables
chutes dans les tribunes qui provoquent des entorses plus ou moins
graves, car les marches sont pernicieuses.
présidente fribourgeoise. Certains
postes sont plus prisés que d’autres,
comme celui du rocher près du château avec vue sur le port ou le dimanche, la loge princière d’où Albert II procède à la proclamation
des résultats. Sur d’autres postes,
comme ceux des grandes tribunes,
les équipes se relayent toutes les
deux heures car le travail des secouristes est parfois éprouvant.
Bien sûr que les samaritains suivent aussi ce qui se passe sur le circuit. IIs sont particulièrement
curieux de savoir comment se comportera Sébastien Buemi, le seul
Suisse en lice. L’Aiglon court dans
l’écurie Toro Rosso qu’il a rejointe
après le départ de Sebastian Vettel
et s’être placé en seizième place du
n
classement général en 2010.
« Nous représentons bien la Suisse »
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savent qu’ils peuvent compter sur
les Helvètes, vous voyez, nous
représentons bien notre pays.
Béatrice Aebischer avec un volant
authentique provenant d’une voiture
de formule 1.
Madame Aebischer, quelles sont
les conditions pour participer au
voyage de Monaco ?
Il faut obligatoirement parler et lire
le français, l’anglais et l’allemand
sont un atout supplémentaire. Il faut
aussi être en pleine forme physique
et psychique pour être en mesure
d’effectuer les nombreuses interventions. Il ne faut pas sous-estimer le
bruit et la chaleur, voire la pluie
pendant ces quatre jours.
Quelle impression les secouristes
suisses laissent-ils à Monaco ?
Nous sommes toujours de bonne
humeur et arborons une tenue
impeccable, la même pour tout le
monde. Nos ticheurtes arborent le
logo samaritain qui se voit bien et
nous attachons une grande importance à la ponctualité. On nous dit
que nous fonctionnons comme des
montres suisses. Les organisateurs
nous, samaritains 5/11
« Ce n’est pas une partie de rigolade
d’arpenter les tribunes avec un sac à
dos pesant, sous la chaleur et dans
un bruit permanent. À Monaco, les
chemins menant d’un point A à un
point B ne sont jamais à plat. Une
des plus grosses difficultés est de
hisser les personnes handicapées
sur les tribunes. En 2010, nous
avons dû porter assistance à une
personne qui se trouvait dans la
zone VIP et présentait une urgence
cardiaque. La seule solution pour
l’évacuer était de recourir au matelas vacuum. Un local de nettoyage
que nous avions dû commencer par
ranger le matin était prévu comme
poste de secours. Dans la plupart
des cas, il est préférable de pouvoir
compter sur des secouristes qui disposent d’expérience », conclut la
Comment les spectateurs réagissent-ils à votre intervention ?
Ils sont très reconnaissants quand
nous leur donnons à boire ou que
nous remettons des bouchons
auriculaires à leurs enfants. Nous en
distribuons gratuitement tant que
nos provisions sont suffisantes.
L’inconscience des spectateurs est
parfois atterrante.
Profitez-vous aussi du spectacle de
la course ?
Bien sûr. Parfois c’est juste une
barrière qui nous sépare d’un bolide.
Nous voyons les pilotes de très près.
Pour le week-end à venir, nous
avons sollicité un rendez-vous
auprès de Sébastien Buemi.
Peut-être qu’il nous l’accordera ?
Qui est-ce qui finance le voyage à
Monaco ?
Les Fribourgeois, nous payons le
voyage de notre propre poche. Ni
l’association cantonale, ni les
sections nous soutiennent financièrement. C’est la raison pour
laquelle nous cherchons des
sponsors. Nous sacrifions une
semaine de vacances et ne rentrons
que le lundi, en plus nous devons
régler l’essence, les péages autoroutiers, trois repas du soir et les
tenues samaritaines. La CroixRouge monégasque ne se charge
que de l’hébergement et des repas.
Nous sommes des idéalistes.
Que vous apportent tous ces
sacrifices ?
La rencontre avec des secouristes en
provenance de toute l’Europe est
une très belle récompense. Le jeudi
soir, la Croix-Rouge monégasque
organise un buffet avec des personnalités politiques et le vendredi se
déroule la fête de l’amitié au cours
de laquelle nous échangeons de
grandes quantités de gruyère, de
viande séchée et de chocolat contre
des produits régionaux apportés par
les autres participants.
Madame Aebischer, qu’est-ce qui a
motivé votre participation personnelle ?
(Elle rit.) Je suis fan de course
automobile. Je dispose d’une licence
de karting qui m’autorise à participer à des compétitions internationales et j’ai concouru lors de deux
championnats du monde en Italie et
au Luxembourg.
Qu’est-ce qui vous a le plus
impressionnée en 2010 à Monaco ?
Quand, au moment des remerciements, le prince Albert m’a parlé de
Fribourg qu’il semble bien connaître.
J’étais complètement déconcertée et
ne savais que répondre. Nous
devions lui adresser la parole comme
ses sujets en l’appelant « Monseigneur ». Je m’en souviendrai
toujours.