Albert Camus et le bouddhisme*

Transcription

Albert Camus et le bouddhisme*
프랑스문화연구」 제13집
2006. pp. 537~559
「
Albert Camus et le bouddhisme*
C Chae, Sook-Hee**
1)
Introduction
Camus a expliqué dans un entretien, en désignant Meursault, son
personnage principal de l'Etranger, que celui ci est "le seul christ que
nous méritions"1). Il a refusé d'accepter le christianisme qui,
"consacrant l'injustice, remet à Dieu le soin de la justice", mais ses
oeuvres ont le caractère de la moralité religieuse. (En fait, beaucoup de
critiques ont écrit sur le rapport d’Albert Camus avec le christianisme.)
Sans parler de Tarrou de la Peste qui a voulu devenir “un saint sans
Dieu”, on peut trouver ça et là, l'aspiration vers l'unité et le salut : “En somme, dit Tarrou avec simplicité, ce qui m’intéresse, c’est de
‐
* 본 논문은 부산대학교 자유과제 학술연구비 지원에 의함.
** Université Nationale de Pusan
1) Albert Camus, «Préface à l’édition universitaire américaine », Théâtre, récits
nouvelles, Gallimard, 1962, p. 19281929 , « On ne se tromperait donc pas
beaucoup en lisant dans l’Etranger l’histoire d’un homme qui, sans aucune
attitude héroïque, accepte de mourir pour la vérité. Il m’est arrivé de dire
aussi, et toujours paradoxalement, que j’avais essayé de figurer dans mon
personnage le seul christ que nous méritions. »
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savoir comment on devient un saint. – Mais vous ne croyez pas en
Dieu. – Justement. Peut on être un saint sans Dieu, c’est le seul
problème concret que je connaisse aujourd’hui.”2) Si Camus n'a pas
cessé de parler sur ‘l'absurde’, c'était parce qu'il avait d'autant plus 'la
nostalgie d'unité' et 'l'appétit d'absolu' : "Le désir profond de l'esprit
meme
̂
dans ses démarches les plus évoluées, dit l’auteur du Mythe de
Sisyphe, rejoint le sentiment inconscient de l'homme devant son
univers: il est exigence de familiarité, appétit de clarté. (…) Cette
nostalgie d'unité, cet appétit d'absolu illustre le mouvement essentiel du
drame humain."3)
Cet appétit d'absolu et d'unité était tout aussi bien celui du Bouddha,
qui n'aurait eu besoin de rien car il était prince d'un royaume. Si
Meursault était le seul Jésus que nous méritions pourquoi n'aurait t
il pas pu être aussi un Siddhartha parce que celui ci était aussi un
être pur et innocent? Sur la religion d’Asie, Camus avait seulement une
fois mentionné un sage d'Orient dans son oeuvre. Mais nous pouvons
découvrir dans son oeuvre la grande affinité avec la pensée bouddhique.
Par exemple, dans la passion contradictoire de Meursault qui “s’ouvre
pour la première fois à la tendre indifference du monde” et dans l'union
cosmique que Janine de l'Exil et le Royaume a pu éprouver, on peut
entrevoir la sensibilité caractéristique du bouddhisme.
Bien sur, comparer un écrivain connu comme homme d'action et
d'engagement à une religion qui consiste plutôt à travailler dans la
solitidue paraitra
̂
comme un projet un peu trop aventureux. Mais nous
‐
‐ ‐
‐
2) Albert Camus, “la Peste”, Théatres, récit nouvelles, op. cit., p.1427
3) Albert Camus, “Le Mythe de Sisyphe”, Essais, Gallimard, 1965, p.110
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pensons que ce genre d 'approche pourra contribuer d’une certaine
manière à donner un autre éclaircissment sur les oeuvres de Camus.
Le crédo de Meursault de l'Etranger est "ça m'est égal". Parlant de
la manière asistique, on dirait qu’il est ‘un homme de Tao’4), un être qui
est indifférent aux soucis quotidiens de la vie. Il ne s'intéresse pas à
son mariage, au meilleur avenir, au poste plus intéressant dans sa
compagnie. Il paraît ne pas être intéressé même au procès dont son
destin dépend. D'autre part, l'atmosphère étrange qui flotte sur l’oeuvre
de l'Etranger, le sentiment du néant, l'indifférence et le silence sereins
du personnage principal, et le bonheur paradisiaque que donne le soleil
et le ciel lumineux, tout cela nous amène à entrevoir l’affinité avec la
pensée bouddhique. Curieusement nous découvrons encore les points
communs entre ‘l'absurde’ de Camus et “la Vérité sainte de la douleur”
de l’enseignement du Bouddha. Nous trouvons aussi les resemblances
entre ‘la révolte’ de Camus et “le Chemin à huit branchements”du
bouddhisme. Pour terminer, nous avons voulu examiner l'Etranger en
tant que ‘le roman de la méditation’.
D’autre part, les caractéristiques particulières du bouddhisme; la
rationalité, la lucidité, l'humain, et le refus obstiné de la métaphysique
transcendante s'approchent des pensées de Camus. “Ce rationalisme du
Bouddha, dit André Migot dans son livre Le Bouddha, n’est autre chose
qu’une méthode expérimentale fondée sur une analyse scientifique des
4) Expression courrante en Asie pour désigner un homme qui vit dans le
détachement total comme s’il était arrivé à obtenir le Tao (le Principe
régulateur de l’univers).
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êtres et des faits. Le premier conseil du Bouddha est 'douter'. Le doute
incite à la recherche, et la recherche est la voie qui conduit à la
connaissance.”5) Le Bouddha enseigne aussi que c’est seulement de
nous que viendra la lumière : “Ne vous confiez à aucun refuge en
dehors de vous. Attachez vous fortement à la vérité, qu’elle soit votre
flambeau. (…) Ne cherchez pas la sécurité en nul autre qu’en vous
même.”6)
Comme nous savons, ‘l'absurde’ et ‘la révolte’ de Camus sont fondés
sur le rationalisme le plus ferme. La lucidité est aussi la vertue la plus
importante dans les deux pensées. Dans le bouddhisme, la foi est fondée
sur la rationalité et la lucidité de l'esprit. La foi du bouddhiste n'est pas
la croyance aveugle et irrationnelle en certains dogmes, en la parole du
Bouddha ou d'une écriture révélée, elle est la conviction qu'il est
possible à l'homme de trouver la vérité. Ainsi le bouddhisme est une
religion très humaine comme l'absurde de Camus qui consiste
principalement dans le refus du transcendant. ‐
L'Absurde et La Vérité sainte de la douleur
Le fondement de la doctrine du bouddhisme se repose sur "les Quatre
Vérités saintes". 'Les Quatre Vérités saintes'7) parlent de l'existence de
la douleur, l'origine de la douleur, et la suppression de la douleur. Le
5) André Migot, Le Bouddha, Editions complexe, 1990, p.150
6) Ibid. p.150
7) C’est dans ce premier sermon que le Bouddha a le mieux défini le sens et la
portée de sa doctrine. Depuis, ce sermon a toujours été considéré comme
l’abrégé le plus parfait de toute la doctrine.
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Bouddha donnera ce sermon à ses cinq premiers disciples à Bénarès,
peu apès son Illumination : Citons ici les passages concernés :
"Voici ô moines, la vérité sainte sur la douleur : la naissance est
douleur, la vieillesse est douleur, la maladie est douleur, la mort est
douleur, l'union avec ce que l'on n'aime pas est douleur, la séparation
d'avec ce que l'on aime est douleur ; en résumé, les cinq sortes
d'objets de l'attachement sont douleur." "Voici, ô moines, la vérité sainte sur l'origine de la douleur : c'est la
soif de l'existence qui conduit, de re naissance en re naissance,
accompagnée du plaisir et de la convoitise, qui trouve ça et là son
plaisir : la soif de plaisir, la soif d'existence, la soif d'impermanence."
"Voici, ô moines, la vérité sainte sur la suppression de la douleur :
l'extinction de cette soif par l'anéantissement complet du désir, en
banissant le désir, en y renonçant, en s'en délivrant, en ne lui laissant
pas de place."
"Voici ô moines, la vérité sainte sur le chemin qui mène à la
suppression de la douleur : c'est le Chemin sacré à huit branches, qui
s'appelle : vues justes, volonté parfaite, langage pur, action pure,
moyens d'existence purs, application pure, attention parfaite, méditation
parfaite."8)
Nous trouvons beaucoup de ressemblances entre 'l'absurde' de
Camus et 'la Vérité sainte sur la douleur', la deuxième des Quatre
Vérités Saintes. Car, l'absurde ne dit pas autre chose que la douleur de
l'existence humaine et son inutilité : " Mourir volontairement suppose
‐
8) in André Migot, op. cit., p.160
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qu'on a reconnu, même instinctivement, le caractère dérisoire de cette
habitude, l'absence de toute raison profonde de vivre, le caractère
insensé de cette agitation quotidienne et l'inutilité de la souffrance."9)
Depuis Martha du Malentendu jusqu'à Caligula, tous les personnages
des oeuvres qui appartiennent au cycle de l'absurde, crient de la
douleur qui vient de l'injustice que Dieu fait à l'homme. "...il y a
quelques jours, s'écrit Caligula, une femme que j'aimais est morte.
Mais (...) Cette mort n'est rien, je te le jure ; elle est seulement le
signe d'une vérité qui me rend la lune nécessaire. C'est une vérité
toute simple et toute claire. (...) Les hommes meurent et ils ne sont pas
heureux."10) Et Martha de son côté crie à Maria dont le mari est tué
par elle : "Cela est dérisoire. Votre mari connaît maintenant la réponse,
cette maison épouvantable où nous serons enfin serrés les uns contre
les autres. (...) Comprenez que votre douleur ne s'égalera jamais à
l'injustice qu'on fait à l'homme."11)
Ce qui caractérise l'enseignement du Bouddha, c'est l'accentuation
qui est mise sur le fait qu'il y a la douleur dans l'existence humaine.
Cette passion et cette affirmation se montrent aussi chez l'auteur du
Mythe de Sisyphe. Tout le contenu du Mythe de Sisyphe montre le
même désespoir et le même doute que le Bouddha avant son départ
pour l'errance ascétique. "Cette nostalgie d'unité, cet appétit d'absolu
illustre le mouvement essentiel du drame humain." s'est écrié l'homme
absurde. Toute la philosophie que Camus examine, de Kierkegaard
9) Albert Camus, « Le Mythe de Sisyphe », Essais, op. cit., p.101
10) Albert Camus, « Caligula », Théâtres, récits nouvelles, op. cit., p.16
11) « Le Malentendu », Théâtres, récits nouvelles, op. cit., p.179
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jusqu’à Jaspers et Chestov n'est que l'affirmation de la situation sans
issue de l'homme. Le Mythe de Sisyphe commence et se termine par
l'affirmation passionnée de l'absence de l'unité. "Il (Jaspers) sait, dit
Camus, que nous ne pouvons arriver à rien qui transcende le jeu mortel
des apparences. Il sait que la fin de l'esprit, c'est l'échec."12) La
passion, la sincérité et la gravité mises amplement dans l'argument sur
‘l'absurde’ du Mythe de Sisyphe, on les trouvent chez tous les
personnages des oeuvres du cycle de l'absurde. N'est ce pas en fait ce
cri de la douleur qui a rendu les oeuvres de Camus éternelles? Ces
paroles du Bouddha qui rappellent le mythe de la Mère Niobé raconté
par Camus, témoignent de l'universalité de la douleur dont parlent à la
fois Camus et le Bouddha. En voyant une mère qui se lamente sur la
mort de sa fille, le Bouddha lui dit : "Quatre vingt quatre mille jeunes
filles qui toutes s'appelaient Jiva
̂
ont été brulées
̂
à cette place de
crémation. Laquelle d'entre elles est ce que tu pleures?"13) “Je me
révolte donc nous sommes," cette thèse de l'homme révolté ne montre
t elle pas elle aussi l'universalité de la douleur? ‐
‐
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‐ ‐
La 'douleur' vient dans tous les deux cas de l'impermanence.
L'absurde de Camus n'est rien d'autre que le cri de la révolte contre
l'impermanence. Caligula, l'homme de la révolte négative, devient fou
depuis la mort de son amante Drusilla, en trouvant que même la
tristesse ne dure pas. La douleur que désigne 'La Vérité sainte de la
douleur' n’est pas autre chose que l'impermanence. En fait, elle vient de
l'ignorance des grands principes bouddiques d'impermanence et de non
12) “Le Mythe de Sisyphe”, op. cit., p.115
13) André Migot, op. cit., p.162
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ego. C’est aussi la compréhension sur la cruauté du temps de
l’homme absurde : "Il appartient au temps et à cette horreur qui le
saisit, dit Camus, il y reconnaît son pire ennemi. Demain, il souhaitait
demain, quand tout lui même aurait dû s'y refuser."14) La souffrance
dont parle le Bouddha et l'absurde dont parle Camus viennent ainsi
tous les deux de l'ignorance, la croyance erronée en l'existence d'un
"moi" personnel stable, d'un "moi" suprême et permanent.
‐
‐
Le Bouddha enseigne que tout est sous la loi de l'impermanence et
rien ne constitue ‘le moi’ : "Que des Bouddhas paraissent dans le monde
ou qu'il n'en paraisse pas, le fait demeure que toutes choses sont
sujettes à la douleur, que toutes choses sont impermanentes qu'aucune
d'elles ne constitue un "moi"15) D'après l'enseignement du bouddisme,
son propre corps même n'est pas le vrai être. Il n'est qu'un des
processus qui sont en train de changer perpétuellement : "Le corps
n'est donc qu'un processus perpétuellement changeant, un tourbillon de
causes et d'effets éphémères et transitoires; il n'est pas une chose
formée; mais une chose qui se forme, chaque formation faisant
continuellement place à de nouvelles formations. Ce qui nous empêche
de comprendre cette loi d'impermanence, c'est l'attachement."16) L'absurde de Camus n'est pas autre chose que le sentiment de
souffrance de découvrir l'impermanence de l’existence. Dans “un
raisonnement absurde” du Mythe de Sisyphe, Camus dit : "Si j'essaie
de saisir ce moi dont je m'assure, si j'essaie de le définir et de le
14) « Le Mythe de Sisyphe », op. cit., p. 107
15) André Migot, op. cit., p.182
16) Ibid., p.183
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résumer, il n'est plus qu'une eau qui coule entre mes doigts."17) Dans
le monde tout change dans la relation. C'est par “la chaîne des origines
de l'interdépendance” que le Bouddha a expliqué cette loi : "La chaîne
des origines interdépendantes est un complexe d'influences réciproques
dans lesquelles tous les éléments entrent en jeu. Chacun des chaînons,
bien que désigné par un nom, est en réalité un agréat d'éléments
instables en perpétuel devenir."18) Entre les choses physiques,
physiologiques et psychiques, il existe les chaines
̂
de l'interdépendance.
Dans cet ordre des choses, les humains transmigrent. La cause de cette
interdépendance est l'ignorance et son résultat est la douleur. Ce
rapport de la douleur et de l'ignorance est identique dans l'absurde de
Camus. Dans celui ci, la cause est le manque de la lucidité. Regarder
l'absurde en face avec lucidité, c'est échapper à l'absurde. C'est comme
si dans le bouddhisme, on peut échapper à la douleur par "les vues
justes".
‐
Nous trouvons chez les personnages du cycle de l’absurde,
l'indifférence clairvoyante qui semble proche de l’état de méditation
bouddhique. Dans l'essai de "Entre oui et non", le narrateur appelle
cette indifférence l'état où "la soif de vie est éteinte" : “Quand tout est
fini, la soif de vie est éteinte. Est ce là ce qu'on appelle le bonheur?
"19) Ce moment de l'intervalle entre oui et non où "l'on recueillit
seulement la transparence et la simplicité des paradis perdues"20) nous
rappelle la paix transparnente de la méditation. C'est encore l'image de
‐
17) « Le Mythe de Sisyphe », op., cit., p.111
18) André Migot, op. cit., p.180
19) “L’Envers et l’Endroit”, op. cit., p.23
20) Ibid., p.28
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la mère minérale, mère immobile de l'enfant Camus qui "se perd dans
la poursuite éperdue d'une rainure du parquet" "dans le silence animal
"21). C'est aussi l'image de la mère Niobé qui devient le rocher après
avoir perdu ses sept fils et sept filles. Ce sont des images où la soif de
vie est éteinte ayant quitté "l'espoir et le dégout de vivre." Ce sont des
images qui représentent le sentiment absurde qui est le fondement
même de la sensibilité camusienne : "Ainsi, chaque fois qu'il m'a
semblé éprouver le sens profond du monde, c'est sa simplicité qui m'a
toujours bouleversé. Ma mère, ce soir, et son étrange indifférence."22)
L'indifférence sereine de l'homme camusien rejoint ainsi l'état du non
attachement et de l'oubli de soi d'un bouddhiste. L’immobilité où se
plonge Meursault dans sa prison n'est pas loin de celle de sa mère.
“J’ai souvent pensé alors, dit Meursault, que si l’on m’avait fait vivre
dans un tronc d’arbre sec, sans autre occupation que de regarder la
fleur du ciel au dessus de ma tête, je m’y serais peu à peu habitué”23)
‐
La Révolte et Le Chemin sacré à huit
branchements
La moralité représentée par 'la révolte' de Camus s'approche presque
de celle de religieux ; Sa proposition est "la liberté limitée" et consite
aussi à dire : "Ne tue pas". : "La conséquence de la révolte, dit l'auteur
de l'Homme révolté, au contraire, est de refuser sa légitimation au
21) Ibid., p.25
22) Ibid. p .28
23) “L’Etranger”, Théâtre, récits nouvelles, op. cit., p.1180
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meurtre puisque, dans son principe, elle est protestation contre la mort.
"24) Une de ses autres propositions dit : "Je me révolte donc nous
sommes." Et "sa seule vertu sera, plongé dans les ténèbres, de ne pas
céder à leur vertige obscur ; enchaîné au mal, de se traîner obstinément
vers le bien."25)
La compréhension du Bouddha sur 'la douleur de l'existence' et sur
son remède égalent à celle de Rieux de La Peste. Car celui ci dit :
"Pour le moment il y a des malades et il faut les guérir. Ensuite, ils
réfléchiront et moi aussi. Mais le plus pressé est de les guérir." Et du
côté du Bouddha, le but pratique pourvuivi par lui aussi est la guérison
de la douleur : "De même que la grande mer, dit le Bouddha, ô
disciples, n'est pénétrée que d'une seule saveur, celle du sel, de meme
̂
aussi, ô disciples, ma doctrine n'est pénétrée que d'une seule saveur,
celle de la douleur et de la cessation de la douleur."26) Ainsi, le
Bouddha enseignant "Les 4 Vérités saintes" était lui aussi un médecin
: “Ainsi agit le Bouddha, non en philosophe, mais en médecin."27)
L'accent que le bouddhisme met sur la douleur a fait souvent
considérer cette religion comme pessimiste. Mais, prendre conscience du
mal, ce n'est pas du pessimisme. "Est il pessimiste, demande toujours
Migot, le médecin qui diagnostique une tuberculose ou un cancer, qui
prend en meme
̂
temps les mesures pour combattre le mal?"28) Comme
les prescriptions du Bouddha sont d'ordre intellectuel, psychique et
‐
‐
‐
24) Albert Camus, « L’Homme révolté », Théâtre, récits nouvelles, op. cit.,
p.689
25) Ibid.
26) André Migot, op. cit., p.147
27) Ibid., p.162163
28) Ibid.
‐
548
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ethique, on ne verra pas de difficultés pour rapprocher ‘la révolte’ du
bouddhisme.
La moralité de la ‘révolte’ de Camus et "Le chemin sacré à huit
branchements" que donne le Bouddha comme remède semblent avoir
plusieurs points communs. Comme le remède donné à 'l'absurde' est 'la
révolte' chez Camus, celui donné à 'la douleur' est 'le Chemin sacré à
huit branchements'. 'Le Chemin sacré à huit branchements' qui est le
coeur de la doctrine bouddhique est la voie qui mène à la suppression
de la douleur. Il est désigné ainsi : vues justes, volonté parfaite,
langage pur, action pure, moyens d'existence purs, effort parfait,
attention parfaite, méditation parfaite."
Parmi les huit branchements du Chemin sacré, sauf 'la concentration
parfaite' et 'la méditation parfaite', nous trouvons des points
ressemblants entre la moralité de la révolte et celle du bouddhisme. Le
premier branchement est désigné comme "Les vues justes". Il s'agit de
la compréhension claire sur les trois caractères de la réalité qui sont la
douleur (dukkha), l'impermanence (anicca), le non soi ou absence
d'ego (anatta)." Chez Camus aussi la révolte consiste tout d'abord à
regarder l'absurde en face. Dans "Un raisonnement absurde" du Mythe
de Sisyphe, Camus dit : "Le désir profond de l'esprit même dans ses
démarches les plus évoluées rejoint le sentiment inconscient de
l'homme devant son univers : il est exigence de familiarité, appétit de
clarté."29) Sisyphe qui est aussi l'homme révolté, "revenant vers son
rocher, contemple cette suite d'actions sans lien qui devient son destin."
‐
29) “Le Mythe de Sisyphe” op. cit., p.110
Albert Camus et le bouddhisme
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Et "persuadé de l'origine tout humaine de tout ce qui est humain,
aveugle qui désire voir et qui sait que la nuit n'a pas de fin, il est
toujours en marche."30)
Observons maintenant "La volonté parfaite" qui est le deuxième
branchement du Chemin sacré en meme
̂
temps que "L'effort parfait" qui
est le sixième.
'La volonté parfaite' et 'l'effort parfait' sont des qualités trop
naturelles comme principes de conduite pour un bouddhiste qui est un
ascète errant. Les conduites admirables du Bouddha ; sans parler de sa
volonté pure de quitter son palais royal, sa quete
̂ acharnée pour la
Vérité, sa peine et son ascèse vont de soi pour insister sur ces deux
vertues. L'homme révolté de sa part, ne trouve pas de repos. Voici
l'attitude ascétique du révolté : "Le révolté ne peut donc trouver le
repos. Il sait le bien et fait malgré lui le mal. La valeur qui le tient
debout ne lui est jamais donnée une fois pour toutes, il doit la maintenir
sans cesse. L'etre
̂
qu'il obtient s'effondre si la révolte à nouveau ne le
soutient."31) Et dans La Peste, Tarrou dit : Ce qui est naturel, c’est le
microbe. Le reste, la santé, l’intégrité, la pureté, si vous voulez c’est un
effet de la volonté et d’une volonté qui ne doit jamais s’arrêter."32) Et
ces deux vertus ; 'la volonté parfaite' et 'l'effort parfait' touchent le
sommet avec Sisyphe qui "enseigne la fidélité supérieure qui nie les
dieux et soulève les rochers."33)
Du côté du Bouddha, il s'est consacré au problème du mal auquel il
30) Ibid., op. cit., p.198
31) « L’Homme révolté », op. cit., p.689
32) “La Peste”, op. cit., p.1426
33) « Le Mythe de Sisyphe », op. cit., p.198
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채 숙 희
a trouvé la solution la plus lucide et la plus pertitnente. Il n'a pas
appelé les dieux à l'aide. Ce n'est donc ni en dieu ni en incarnation
divine mais en homme, et en solitaire, que le Bouddha s'est lancé dans
cette entreprise titanesque; il y fallait une volonté et une énergie
indomptables. Le bouddhisme est une école de grande énergie et
d'audace spirituelle. Ecoutons les paroles du Bouddha : "Guerriers,
guerriers nous appelons nous. Nous combattons pour la vertu élévée
pour le haut effort, pour la sublime sagesse, aussi nous appelons nous
guerriers."34)
Le troisième branchement du Chemin sacré, qui est « langage pur »
rappelle « le langage clair » que l’homme révolté de Camus veut tenir
dans l’obscurité de son chemin.
Car, « la logique du révolté est ( ...) de s’efforcer au langage clair
pour ne pas épaissir le mensonge universel et de parier, face à la
douleur des hommes, pour le bonheur. »35)
Dans « La Pensée de Midi » Camus dit encore que « Chaque
équivoque, chaque malentendu suscite la mort ; le langage clair, le mot
simple, peut seul sauver de cette mort.»36) En effet, Jean, le héro du
Malentendu « meurt seul », car il n’a pas dit ce qu’il fallait à temps. A
propos de celui ci, l’auteur dira : « Si l’homme veut être reconnu, il lui
faut dire simplement qui il est. S’il se tait ou s’il ment, il meurt seul, et
tout autour de lui est voué au malheur. » Le cinquième branchement du 'Chemin sacré' qui est “le moyen
d’existences purs”est le principe de "ne pas tuer" ou de ne pas travailler
‐
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‐
34) Voir Le Bouddha, op. cit., p.163
35) “L’Homme révolté”, op. cit., p.688
36) Ibid., p.687
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dans le métier de tuer ou de faire tuer. Et ceci s'accorde très
curieusement au principe de l'homme révolté. Dans le dialogue entre
Rieux et Tarrou de la Peste, on trouve le meme
̂
souci à l'égard du
meurtre. Voici la réponse de Tarrou : "Avec le temps, j'ai simplement
aperçu que même ceux qui étaient meilleurs que l'autres ne pouvaient
s'empêcher aujourd'hui de tuer ou de laisser tuer parce que c'était dans
la logique où ils vivaient et que nous ne pouvions pas faire un geste en
ce monde sans risquer de faire mourir. (...) Et c'est pourquoi j'ai décidé
de refuser tout ce qui, de près ou de loin, pour de bonnes ou de
mauvaises raisons, fait mourir ou justifie qu'on fasse mourir."37) Dans
l'Homme révolté Camus dénonce furieusement le meurtre légitimé et
rationnel qui risque de s'en trouver justifier : "L'action révoltée
authentique ne consentira à s'armer que pour des institutions qui
limitent la violence, non pour celles qui la codifient. Une révolution ne
vaut la peine qu'on meure pour elle que si elle assure sans délai la
suppression de la peine de mort;"38) "S'il tue lui même, enfin, il
acceptera la mort." c'est la parole prononcée à propos de Kaliayev,
terroriste révolutionnaire des Justes. "Fidèle à ses origines, continue
Camus, le révolté démontre dans le sacrifice que sa vraie liberté n'est
pas à l'égard du meurtre, mais à l'égard de sa propre mort."
‐
‐
'La concentration parfaite', le septième branchement du Sentier sacré
et 'la méditation parfaite, le huitième, concernent surtout le principe de
la méditation. Ils sont donc incomparables avec le principe de l'homme
révolté camusien qui est celui de l'homme d'action. Mais dans un sens,
37) Ibid., p.1425
38) Ibid., p.695
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채 숙 희
le maintient ascétique de la conscience lucide sur l'absurde rappelle la
concentration parfaite de l'homme de la méditation. Car seule la
concentration parfaite sur son action, réussira à faire l'homme révolté
devenir "un saint sans Dieu". "L'honnête homme, dira Tarrou, celui qui
n'infecte presque personne, c'est celui qui a le moins de distraction
possible. Et il en faut de la volonté et de la tension pour ne jamais etre
̂
distrait!"39)
L'Etranger ou le récit de la méditation
L'Etranger est non seulement le récit du silence, comme dit Sartre,
mais aussi le récit de la méditation. Ce constat parait̂ bien étonnant.
Comment serait il possible qu'une oeuvre faite par le langage puisse ê
tre la méditation où le silence seul demeure et où la réflexion et le
raisonnement se taisent? En ce qui concerne ce problème, Sartre s'est
posé aussi la question : "Aussi dans l'Etranger a-t-il entrepris de se
taire. Mais comment se taire avec des mots? Comment rendre avec des
concepts la succession impensable et désordonnée des présents?"40)
Avec la musique ou la peinture où on s'exprime avec le son et la
couleur, la création absurde peut réussir. Mais la littérature est une
forme d'art où le désir d'expliquer est le plus fort. L'auteur lui meme
̂
se demande s'il est possible de faire une oeuvre absurde en littérature.
"Mais parmi toutes les pensées, dit il, qui partent de l'absurde, j'ai vu
que bien peu s'y maintenaient. (...) Parallèlement je dois me demander:
‐
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39) “La Peste”, op. cit., p.1426
40) Jean Paul Sartre, Situations I, Gallimard, 1947, p.104
Albert Camus et le bouddhisme
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une oeuvre absurde est elle possible?"41) L'Etranger qui est 'la
création absurde' est une oeuvre où l'auteur se plait̂ à décrire la réalité
telle qu'elle est. "Incapable de sublimer le réel, la pensée s'arrete
̂ à le
mimer." dit l’auteur du Mythe de Sisyphe. Voici encore l'explication de
Camus sur la création absurde qui nous expliquera comment l'Etranger
peut etre
̂
le récit de la méditation : "Pour l'homme absurde, il ne s'agit
plus d'expliquer et de résoudre, mais d'éprouver et de décrire. Tout
commence par l'indifférence clairvoyante."42) Persuadée de l'inutilité
d'expliquer, elle préfère se taire, donc montrer seulement en image :
"Mais justement le choix qu'ils ont fait d'écrire en images plutot̂ qu'en
raisonnements est révélateur d'une certaine pensée qui leur est
commune, persuadée de l'inutilité de tout principe d'explication et
convaincue du message enseignant de l'apparence sensible. Ils
considèrent l'oeuvre à la fois comme une fin et un commencement."
‐
Si on faisait un film de l'Etranger, on verrait défiler des images d'un
homme qui se tient dans le silence d'un bout à l'autre. Comme si on
voit dans un film sans voix. Cet homme, non seulement ne parle pas,
mais aussi semble n'avoir guère d'idées, ni de jugement. Il n'a pas l'air
d'avoir la volonté de s'expliquer ni de réfléchir. Il n'a pas de projet
spécial pour un meilleur avenir. Il apparaitra
̂
donc plutot̂ dans l'attitude
tranquille et paisible. L'Etranger peut etre
̂
une histoire d'un bouddhiste.
Pourquoi pas en effet, Camus ayant considéré Meursault comme le seul
Jésus que nous puissions devenir? Il est comme un enfant innocent.
Les gens simples et bons l'aiment sans savoir trop pourquoi. Il montre
41) « Le Mythe de Sisyphe », op. cit., p.175
42) Ibid., p.174
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채 숙 희
l'indifférence aux choses auxquelles les gens pretent
̂
beaucoup d'efforts
et de soucis. Il est noble, beau, et calme. (On ne parle pas ici
simplement de la beauté physique) A celui qui vit dans la simplicité et
l'indifférence clairvoyante, tout est enregistré automatiquement dans sa
conscience transparente. Il voit, entend, et goute.
̂ Il sent le monde repu
de ses richesses. : "l’explication est vaine, mais la sensation reste et
avec elle, les appels incessants d'un univers inépuisable en quantité”,
dira l’homme absurde.43) Ici, pourrait on dire que les yeux de
Meursault sont si purs que les objets extérieurs s'y reflètent comme
dans un miroir. Ou bien ses yeux sont comme une sorte d’objectif de
caméra qui filment automatiquement le monde extérieur. Sur ce procédé
d'art de Camus, c'est Sartre qui donne une explication tout à fait
pertinente : " (…) entre les personnages dont il parle et le lecteur il va
intercaler une cloison vitrée. Qu'y a t il de plus inepte en effet que
des hommes derrière une vitre? Il semble qu'elle laisse tout passer, elle
n'arrete
̂ qu'une chose, le sens de leurs gestes. Reste à choisir la vitre :
ce sera la conscience de l'Etranger. C'est bien, en effet une
transparence : nous voyons tout ce qu'elle voit. Seulement on l'a
construite de telle sorte qu'elle soit transparente aux choses et opaque
aux significations "44) Cette conscience qui est presque rien, une pure translucidité, une
passivité pure qui enregistre tous les faits est en effet celle d'un
homme en méditation. Dans le bouddhisme on peut trouver une
expression, ou un état d'ame
̂
qui correspond exactement à cet état de
conscience; c'est le mot "Hai Inn" qui signifie "la Mer si tranquille et
‐
‐ ‐
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43) Ibid., p.174
44) Jean Paul Sartre, Situations I, op. cit., p.107
Albert Camus et le bouddhisme
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pure qu'elle reflète exactement le monde tel qu'il est. Cet art admirable
de Camus qui a su écrire une oeuvre qui se tait est dû à la technique
dite américaine. Les phrases y sont juxtaposées en évitant les liaisons
causales qui introduiraient dans le récit un embryon d'explication.
Ecoutons encore Sartre sur le rapprochement de deux styles : "Ce que
notre auteur emprunte à Hemingway, c'est donc la discontinuité du
temps. Nous comprenons mieux, à présent, la coupe de son récit :
chaque phrase est un présent. Mais non pas un présent indécis qui fait
tache et se prolonge un peu sur le présent qui le suit. La phrase est
nette, sans bavures, fermée sur soi; elle est séparée de la phrase
suivante par un néant, come l'instant de Descartes est séparé de
l'instant qui le suit. Entre chaque phrase et la suivante le monde
s'anéantit et renait̂ : la parole, dès qu'elle s'élève est une création ex
nihilo; une phrase de l'Etranger c'est une ile."
̂ 45) Comme nous l’avons examiné jusqu'ici, on peut considérer Meursault
comme un etre
̂
libre qui s'est échappé de 'l'ignorance' par le
détachement. Pourrait on dire sans doute qu'il est tombé dans la
méditation malgré lui? En effet, lorsque Camus rédigeait L'Etranger,
face à la menace de tuberculose, devant ses jours peut etre
̂
comptés, il
est possible qu'il menait une vie de moine. Comme son personnage, désillusionné et privé de l'espoir, il aurait vu le monde dans
l'indifférence sereine et clairvoyante. Cette indifférence sereine, on la
voit aussi dans l'enseignement du Bouddha, dans le sutra de Diamant :
"Puisque toutes les lois du monde sont comme les reves
̂
, les écumes,
les rosées et les éclairs, que soit considérée ainsi la réalité du monde."
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‐
45) Ibid., p.109
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채 숙 희
Bibliographie
1. Oeuvres d'Albert Camus
, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1962
Essais, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1965
Carnets I, Mai 1935-février 1942, Gallimard, 1962
Carnets II, Janvier 1942-mars 1951, Gallimard, 1964
La Mort heureuse, Gallimard, 1971
Journaux de voyage, Gallimard, 1978
Le Premier homme, Gallimard, 1994
̂
Théatre, récits, nouvelles
2. Etudes sur Albert Camus
M.G. Barrier, L'Art du récit dans l'Etranger, Nizet, 1962
M.Bouchez, Les Justes, Camus, Paris, Hatier, 1974
J.C.Brisville, Camus, Bibliothèque idéale, Gallimard, 1959
Alain Costes, Albert Camus ou la parole manquante, Paris, Payot, 1973
M.Crochet, Les Mythes dans l'oeuvre de Camus, Paris, Editions
universitaires, 1973
Raymond Gai-Crosier, Les envers d'un échec, le théatre d'Albert
Camus, Lettres modernes, Minard, 1967
P.A.Fortier, Une lecture de Camus, La valeur des éléments descriptifs
dans l'oeuvre romanesque, ed. Klincksieck, Paris, 1977
J.Gassin, L'Univers symblolique d'Albert Camus, Librairie Minard, 1981
P.Ginestier, Pour connaitre
̂
la pensée de Camus, Paris, Bordas, 1964
Jean Grenier, Albert Camus, souvenirs, Paris, Gallimard, 1968
Albert Camus et le bouddhisme
557
Roger Grenier, Album Camus, La Pléiade, Gallimard, 1982
B.Gros, L'Homme révolté, Camus, Paris, Hatier
H.R.Lottman, Albert Camus, Paris, Ed. du Seuil
Roger Quillot, La Mer et les prisons, essai sur Albert Camus,
Gallimard, rééd. 1970
P.Nguyen-Van-Huy, La métamorphose du bonheur chez Albert Camus,
à la Baconnière, Suisse, 1968
3. Quelques articles sur Albert Camus
R.M.Albérès, "Albert Camus dans son siècle, témoin et étranger", La
Table ronde, n. 146 fév. 1960, pp.9-15
R.Barthes, "L'Etranger, roman solaire," Les critiques de notre temps et
Camus, Paris, Garnier, 1970, pp.60-64
J.Gassin, "La guillotine", Albert Camus 8, La revue des lettres
modernes, 1976
J.P.Sartre, "L'Explication de l'Etranger", Les critiques de notre temps
et Camus, Paris, Garnier, 1970, pp. 41-56 Situation I, Gallimard,
Paris, 1959
mots-clés: MOT-CLE, Albert Camus, Le bouddhisme, Le récit de la
méditation, L'absurde, La révolte
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채 숙 희
<국문요약>
알베르 까뮈와 불교
채숙희
알베르 까뮈의 작품 세계와 불교사상은 서로 유사성을 보인다. 까뮈의
“부조리” 사상과 붓다의 가르침인 “4성제” 사이에 공통적인 요소들을 발
견할 수 있고, 까뮈의 “저항”의 모랄과 불교의 “8정도” 사이에도 유사성이
있다. 한편, 이방인에서는 ‘명상 소설’이라고 부를 수 있을 흥미로운 점
들을 발견할 수 있다.
“세계의 다정한 무관심에 자신을 여는” 뫼르소의 태도 속에서 그리고
왕국과 적국의 쟈닌느가 체험하는 우주와의 합일 속에서 우리는 불교의
“무아”사상과의 유사성을 찾아볼 수 있다. 작품 이방인 위에 떠도는 특
이한 분위기; 無의 감정, 주인공의 경건한 무관심과 침묵, 자연과 하나되는
천상적 행복감 등은 모두 불교적 세계를 느끼게 해준다.
고통의 진리를 설하고 있는 4성제에서와 마찬가지로, 까뮈의 부조리 계
열 작품의 인물들은 인간에게 가해진 부당한 고통으로 절규한다. 고통은
비항구성(impermanence)에서 비롯되며, 불교의 無明과 까뮈의 부조리는
모두 ‘나’를 항구적 존재라고 믿는 데에서 온다. 부조리 작품의 주인공들에
게서 우리는 불교적 명상에서 볼 수 있는 ‘명철한 무관심’을 발견한다. 표
리의 “예스와 노우사이“에서 화자는 “생에 대한 갈증이 꺼져버린 상태”
를 무관심이라고 동시에 부르고 있고, “잃어버린 천국의 단순함과 투명함
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을 받아들이는” “명상의 투명한 평화”를 느낀다고 말하고 있다. 까뮈 인간
의 경건한 무관심은 이와같이 불교 명상 상태에서 느끼는 無我와 무집착
의 상태와 접근된다. 어머니의 부동성을 닮아가는 감옥 속의 뫼르소의 부
동성은 그 한 예이다.
부조리에 대한 치료로서 까뮈가 제시한 저항의 모랄은 붓다가 고통에
대한 치료법으로 제시한 “8정도”와 많은 공통점을 가진다. 그 중 “正見”은
부조리인간이 가져야하는 “명철성에 대한 욕구”와 유사하다: 시지프는
“자기의 바위로 되돌아오면서 자기의 운명이 된 일련의 행동을 명상한다.”
8정도 중의 하나인 “완전한 의지”와 “완전한 노력”은 “휴식을 모르는” 저
항인의 태도와 같다. “正言”은 저항인이 어두운 길 속에서 견지하고자하는
특질이기도 하다. “보편적 거짓을 더 두텁게 하지 않기 위해 저항인이 견
지하고자하는 것은 분명한 언어“이기 때문이다.
마지막으로 사르트르가 지적한 바 “침묵의 소설”인 이방인은 그대로
‘명상의 소설’이라고 할 수 있다. “말을 하면서, (즉 글을 쓰면서) 어떻게
침묵을 유지할 것인가”라는 사르트르의 질문에서 우리는 이미, 이방인이
침묵의 소설이면서 곧 명상의 소설임을 확인한다. 작가 스스로도 이미 “부
조리 작품은(그 자체로서 침묵인) 가능한가?”라고 자문하고 있는 데에서
우리는 이러한 노력과 경향을 볼 수 있다. 명철한 무관심과 단순함 속에
사는 사람에게는 모든 것이 투명한 그의 의식 속에 자동적으로 기록된다.
순수한 수동성인 이 의식은 바로 명상하는 사람의 의식이다. 말로 표현하
면서 (글로 쓰면서) 침묵을 지키는 데 성공하고 있는 이 놀라운 작품은 그
리하여 ‘명상 소설’이라고 부를 수 있을 것이다.
주제어: 알베르 까뮈, 불교, 명상소설, 부조리, 저항
논문투고일 2006년 10월 15일
심사완료일 2006년 11월 20일