le club alpin français et l`emancipation feminine
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le club alpin français et l`emancipation feminine
LES FEMMES AU SEIN DU CLUB ALPIN FRANCAIS A LA FIN DU 19ème SIECLE Entre tradition et modernité Ottogalli Cécile, LMAS, Université de Savoie, CRIS, Lyon 1 Briot Marika, LMAS, Université de Savoie. Introduction Dans l’histoire des institutions sportives françaises, la naissance du Club Alpin Français (le 2 avril 1874) apparaît souvent de façon anecdotique et peu déterminante dans la structuration du sport moderne. Le statut ambigu de l’alpinisme dans l’espace des sports modernes à cette époque en constitue certainement l’une des raisons. Le Club Alpin Français va cependant permettre de sortir l’alpinisme de l’anonymat en assurant la transition entre l’aventure scientifique du 18ème siècle et le sport des ascensions en montagne d’aujourd’hui, grâce à l’institutionnalisation “ des loisirs de nature ” (Rauch, 1986). Cela se traduit par l’organisation et la réglementation progressive des conditions de pratique de l’alpinisme (aménagement de la montagne, organisation de la profession de guide, diffusion des expéditions et des travaux scientifiques). D’autres sociétés alpines voient le jour avant ou dans le même temps que le CAF, mais de part sa dimension nationale, son effectif (le plus important de France), et son recrutement social élitiste, le club occupe une place dominante dans l’organisation des pratiques de montagne. Il devient non seulement l’interlocuteur privilégié pour toutes les questions concernant la fréquentation des montagnes mais aussi sur la définition légitime de l’alpinisme (Hoibian, 1997). L’histoire de cette institution est d’autant plus originale qu’elle ne répond pas au vieil adage sur les associations sportives françaises : créées par et pour des hommes. Contrairement à ses homologues anglais ou suisses, les femmes sont présentes au sein du club dès les débuts de l’aventure. Au regard des travaux de Dominique Lejeune (1988), il semble que leur représentativité aux origines du club soit faible, mais leur présence “ insolite ” est cependant “ recherchée ” (p.219). A l’heure où la femme est considérée tant physiquement, que psychologiquement et socialement comme l’envers de l’homme ou de son assimilation au monde de l’enfance, il est intéressant de questionner la situation des femmes au sein du Club Alpin Français à la fin du 19ème siècle et de mettre en perspective ses résultats au regard de l’actualité. Problématique-hypothèses-méthodologie Quelle place et quels rôles occupent les femmes au sein du Club Alpin Français ? Nous posons l’hypothèse d’une représentation non négligeable des femmes dans l’institution comparativement aux autres associations sportives et d’une pluralité, voire même d’une ambiguïté des rôles assignés aux femmes. Des rôles qui évoluent peu et qui oscillent entre tradition (conformité à l’idéal type féminin de l’époque) et modernité (acteur du changement des mentalités sur la différenciation/répartition des rôles entre hommes et femmes). L’objectif de cette présentation est de dresser le panorama de la situation des femmes dans l’association à la fin du 19ème siècle. Les résultats présentés seront le fruit du traitement exhaustif des publications nationales du CAF (annuaires, bulletins trimestriels et mensuels) et des listes de membres du CAF sur la fin du 19ème siècle. Résultats et analyse Les femmes, en tant qu’ “ être humain appartenant au sexe capable de concevoir les enfants ”, ne sont pas seulement membres du club. On retrouve la trace dans les procès verbaux de la section de Savoie d’une femme (Madame Mailland) parmi les 30 membres fondateurs du club. Certes, elles ne représentent qu’un petit pourcentage des adhérents (entre 1 et 2% à la fin du 19ème siècle) mais leur représentativité sera grandissante au tournant du 20ème siècle (environ10% des nouveaux rentrants à partir de 1905). Ces femmes sont dans leur grande majorité des “ femmes mineures ”, (c’est à dire des femmes mariées) ou accompagnées d’un frère, d’un père, bref sous l’autorité d’un homme de la famille. Femmes mineures dans la vie de tous les jours, elles le resteront au club et dans la pratique des activités de montagne. L’exemple familial constitue souvent un déclencheur de la pratique alpine des femmes mais aussi dicte les qualités requises pour les pratiquantes (“ celles suffisantes pour suivre son mari ”). Issues de la bourgeoisie, certaines femmes adhérent au club davantage pour l’image sociale qu’il véhicule que pour la pratique de l’alpinisme. Sur les trente premières années du club, seules une dizaine de femmes françaises par décennie sont citées. Au delà des pratiquantes, le club compte aussi une secrétaire adjointe et membre du bureau de la section de haute-bourgogne et des femmes écrivaines dans les publications du club. Au niveau des pratiquantes, l’analyse des discours montre qu’il existe jusqu’aux années 1895, une forte incitation en faveur de la pratique alpine féminine. Mais les arguments utilisés sont de type avant tout économiques (voir propagandistes). La présence et la pratique des femmes symbolisent l’accessibilité et la facilité des ascensions. Elles jouent alors le rôle d’un faire valoir non seulement pour les hommes mais aussi pour le club quant à ses capacités d’aménagement de la montagne. Des arguments de type hygiéniques, patriotiques et sociaux sont aussi utilisés. A l’homme, l’organisation de l’activité et le pouvoir de décision, à la femme l’entretien de son corps, de son âme et la manifestation sociale du rang de la famille et des aménagements de la montagne grâce à son activité au sein du club. Le rôle des femmes au club est alors conforme aux attentes sociales de l’époque : femme-représentation et femme-mère. Parallèlement certaines femmes écrivent dans les annuaires et trouvent à travers les pages de la publication nationale un terrain d’expression de leurs revendications alpines et sociales. Ces femmes expriment alors leur volonté de rompre avec la conformité et deviennent des actrices du changement des mentalités, actrices dans la construction de la modernité. Conclusion Le rôle des femmes au CAF à la fin du 19ème siècle est multiple et ambigu. Ils oscillent entre conformité et rupture, entre tradition et modernité. Une perspective de recherche intéressante consisterait à faire une comparaison de la situation des femmes aux deux bornes de la vie du club. Observe-t-on aujourd’hui dans les sections du CAF la même ambiguïté dans les rôles des femmes et une oscillation entre tradition et modernité ? A l’aube du 21ème siècle, les premières données sur la faible représentativité des femmes dans les postes de direction, dans le personnel d’encadrement ou sur les modalités d’adhésion nous amènent d’ores et déjà à confirmer l’hypothèse du rôle secondaire ou traditionnelle des femmes, malgré d’autres initiatives plus égalitaristes. Même le “ fort ” pourcentage actuel de femme au club doit être relativisé compte tenu de la distribution des activités sportives (Davisse, 1998). La modernité ne se situe pas forcément dans l’actualité. Bibliographie : DAVISSE A, LOUVEAU C, FRAISSE G (1998) Sport, Ecole et société : La différence des sexes : féminin, masculin et activités sportives. Paris, L'harmattan. HOIBIAN O (1997) Au delà de la verticale…L’alpinisme : sport des élites ou sport pour tous ? Thèse de l’Université de Paris Sud-Orsay. LEJEUNE D (1988) Les alpinistes en France (1875-1919). Paris, CTHS. RAUCH A (1986) Naissance du Club Alpin Français : la convivialité, la nature et l'État (1874-1880). In : P Arnaud. La naissance du mouvement sportif associatif en France, PUL : 275-285.