prendre un enfant par la main
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Livres Prendre un enfant par la main L’histoire de ces Eclaireurs israélites de France partis à la recherche des enfants juifs cachés durant la guerre Hélène Schoumann L e roman d’Ariane Bois, prix Wizo 2016, est proprement bouleversant. Il raconte avec un style flamboyant une histoire peu connue, celle de ces enfants juifs cachés pendant la guerre et retrouvés par les Eclaireurs israélites de France. « Il ne suffit pas de ne pas les oublier » ; cette citation de Simone Veil que l’auteure met en exergue de son livre, résume à merveille le travail d’Ariane Bois : rappeler une seconde fois ces enfances volées. En Israël, on les appelait « les shlihim » – les envoyés ou missionnaires – ou bien aussi « les anges », tous ces jeunes éclaireurs qui, après la Seconde Guerre mondiale, ont parcouru le monde pour retrouver les enfants dont les parents étaient morts dans les camps et les ramener dans l’Etat nouvellement créé. Le roman d’Ariane Bois évoque ce sujet mais en racontant ce qui s’est passé dans l’Hexagone. Les dépisteurs français, de jeunes juifs anciens scouts et souvent résistants, sont traumatisés. Le héros, Simon Mandel, devenu célèbre architecte à New York, raconte l’histoire de sa jeunesse et de ses années passées sur les routes avec la belle Lena, une Polonaise rescapée du ghetto, écorchée vive. Simon est issu d’une famille assimilée. Son père, un avocat francmaçon, et sa mère, professeure, étaient parfaitement intégrés et vivaient à l’ombre des problèmes dans leur grand appartement cossu du 7e arrondissement. Comme tant d’autres, Henri, le père, a couru se faire recenser… Simon perdra toute sa famille excepté son petit frère Elie qu’il finira par retrouver. Ses parents et sa sœur ont été déportés à Auschwitz, son grand frère est tombé au combat. Tel un parcours initiatique, Simon entreprend un long chemin pour retrouver ces enfants perdus, qui sont comme autant de cailloux parsemés sur sa route. Ces visages meurtris, c’est par exemple celui de Rebecca, attachée et martyrisée par un paysan et que Simon finira par adopter. Certains de ces enfants sont aimés et intégrés à leur famille d’adoption, quand d’autres vivent dans des couvents où ils ont été cachés. Beaucoup d’entre eux ont été convertis au catholicisme. Dès 1945, certains de ces petits ont été regroupés dans une grande bâtisse en bordure de la forêt de Jouy-en-Josas. Avec minutie et émotion, l’auteure nous fait revivre l’atmosphère de cet orphelinat de fortune où le directeur, un ancien Eclaireur israélite, n’a que 27 ans… Quelle que soit leur situation, tous ces enfants tendent les bras et nous déchirent le cœur. Et Ariane Bois de rappeler que 11 400 enfants de France ont été envoyés dans les camps, et que seulement 250 d’entre eux ont eu la chance de revenir. La romancière nous fait ensuite revivre Israël à ses débuts – les balbutiements de cette terre, la déclaration d’indépendance, puis la guerre – à travers son double de plume, Lena, partie là-bas avec ses rêves. Simon, lui, intégré et très français, n’adhère pas du tout au sionisme, qu’il assimile à des souvenirs de dîners de collecte rasoirs. Il promet toutefois à Lena de la rejoindre, mais le sort en décidera autrement. Saluons le réalisme du roman qui nous entraîne dans l’époque de l’après-guerre en France et nous fait revivre ces années difficiles. Le livre se referme et Ariane Bois nous laisse sur le seuil, au bord d’un bonheur retrouvé à New York pour Simon Mandel, enfin reconstruit. Nous le savons déjà, ces héros si jeunes et fragiles auxquels on s’attache forcément vont nous manquer… Le gardien de nos frères, Ariane Bois, éditions Belfond L’auteure présentera l’ouvrage à l’Institut français de Tel-Aviv le 26 octobre 2016 A lire aussi Au fond de l’abîme La nuit des Juifs-vivants Juifs et musulmans au Maroc Le 6 août 1942, le pasteur d’Aix, Henri Manen, apprend que les autorités françaises ont décidé de livrer aux nazis les prisonniers retenus au Camp des Milles. Convaincu que ces déportés, parmi lesquels des femmes, des vieillards, des enfants, sont voués à une mort certaine, Henri Manen, aidé par sa femme Alice, le pasteur Donadille et son réseau, ainsi que l’OSE, mettra tout en œuvre pendant le mois qui suit pour en sauver le maximum. Au fond de l’abîme relate ces 34 jours totalement dédiés à la cause des persécutés, un témoignage « en direct » écrit pour alerter les autorités sur les méthodes de la police française et sensibiliser les populations civiles au sort des juifs. Repris dès décembre 1942 dans la presse juive new-yorkaise, c’est un cri d’alerte poussé par une conscience révoltée devant la soumission à l’ignominie. Varsovie, années 2010. Sous une trappe au fond de sa cave, un couple découvre les zombies de juifs assassinés pendant la Deuxième Guerre mondiale. Des centaines d’ombres en guenilles sortent de sous la terre et réinvestissent leur ville, lancée dans la frénésie consumériste. La nuit des Juifs-vivants ose soulever une question refoulée : comment vivre au-dessus des cadavres des trois cent mille juifs du ghetto de Varsovie exterminés ? Avec ce roman à l’humour féroce, l’auteur se livre au passage à une critique à la tronçonneuse de la société polonaise contemporaine. Né en 1968, l’auteur vit à Varsovie. Diplômé en sciences politiques et en journalisme, il mène une carrière dans la fonction publique. De 2007 à 2014, il a été conseiller en communication du Premier ministre polonais Donald Tusk jusqu’au changement de gouvernement. Sa carrière littéraire a débuté avec un premier roman en 2009. La nuit des Juifs-vivants est son premier ouvrage traduit en français. Avant le milieu du XXe siècle, les communautés juives du Maroc étaient fortes de 250 000 âmes coexistant avec dix millions de musulmans. Aujourd’hui, elles comptent moins de 3 000 personnes. L’auteur remet en perspective leur présence plus que bimillénaire dans le pays. Rappelant qu’elles formaient la première communauté juive du monde arabe, Mohammed Kenbib souligne leur contribution à l’histoire du Maroc, à sa culture, son patrimoine, son économie, ses échanges maritimes et sa diplomatie. Il analyse les bouleversements provoqués par la présence européenne, le protectorat, la Deuxième Guerre mondiale – principalement la Shoah – et le conflit du Moyen-Orient. Il évoque aussi les juifs du Maroc d’aujourd’hui, ainsi que les liens que gardent avec ce pays près d’un million de leurs coreligionnaires d’origine marocaine vivant pour la plupart en Israël, en France, au Canada et ailleurs dans le monde. Henri Manen Editions Ampelos Igor Ostachowicz Editions de l’Antilope 22 | Jerusalem post Édition FranÇaise | 16 septembre 2016 Mohammed Kenbib Editions Tallandier