le figaro - PollingVox

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TRIBUNE PUBLIEE DANS LES PAGES CHAMPS LIBRES/DEBATS
LE FIGARO – VENDREDI 21 MARS 2014 MUNICIPALES – A QUI PROFITE L’ABSTENTION ?
Municipales : à qui profite l’abstention ?
La progression de l’abstention au premier tour des élections municipales est une
constante depuis 1977. Sur cette période, elle passe en métropole de 21 ,1% à
33,5%. Encore ne s’agit-il là que d’une moyenne générale, tempérée par la plus
forte propension au vote dans les communes rurales. Si l’on considère les villes
moyennes, de 9 000 à 30 000 habitants, le taux d’abstention en 2008 s’élevait à
38,9%, et pour les communes plus peuplées, à 43,3% avec des records
vertigineux dans des villes comme Roubaix (60,5%), Stains (56,3%) ou SaintDenis (56,2%). La commune peut bien apparaître dans les sondages comme un
espace relativement préservé du désenchantement général de la société française
- selon une étude récente de l’IPSOS 63% des Français déclaraient leur
confiance en les maires -, l’abstention se banalise aussi dans le cadre de la
démocratie municipale.
Pour en saisir l’impact sur les équilibres politiques lors du prochain scrutin, il
faut distinguer entre une abstention structurelle et une abstention conjoncturelle.
La première tient avant tout à l’âge des individus, les plus jeunes, les moins
insérés socialement, et aussi les plus récemment installés dans la commune,
votant moins que les autres. La seconde forme de l’abstention varie selon les
circonstances politiques, et c’est celle-ci qui jouera le plus grand rôle dimanche
prochain. On en a eu un exemple frappant de cette démobilisation conjoncturelle
lors des élections législatives de 2012, marquée par un autre record d’abstention
– 42,8% au premier tour -, du fait du désintérêt de nombreux électeurs de droite
à l’égard d’un scrutin qui ne leur semblait ne pouvoir être que la ratification de
la victoire socialiste à la présidentielle.
La facilité nouvelle avec laquelle on assume un vote intermittent se retourne
aujourd’hui contre la gauche. A l’heure où l’action de l’exécutif suscite
perplexité et déception dans son propre camp, une bonne partie des électeurs de
François Hollande du 6 mai 2012 pourrait choisir le boycott des urnes. Ainsi,
les indices de participation montre une tentation pour l’abstention légèrement
plus forte parmi les sympathisants socialistes que chez ceux de l’UMP. Surtout,
les autres électeurs de gauche, ceux qui ont choisi Jean-Luc Mélenchon, Eva
Joly ou un candidat d’extrême-gauche en 2012, seront d’autant plus réticents à
aller voter que bien souvent ils ne disposeront pas d’une liste portant leurs
propres couleurs dans leur commune. Ainsi, en 2008, dans les villes de 9 000 à
30 000 habitants, on ne trouvait en moyenne que de 3,3 listes en compétition.
On évoque souvent la sur-abstention des électeurs frontistes dans les villes où la
formation de Marine Le Pen ne sera pas présente dimanche prochain, il ne faut
pas négliger celle des électeurs de gauche ne pouvant se résoudre à voter pour
une liste dominée par le parti au pouvoir.
Le facteur essentiel est là, dans la dynamique des élections intermédiaires, celles
où l’on assiste à la démobilisation des partisans d’un pouvoir impopulaire, qui
profite mécaniquement à l’opposition. L’UMP en a pâtit entre 2007 et 2012, elle
devrait aujourd’hui en profiter, malgré les triangulaires avec le Front national.
Que le principal parti de l’opposition ait aujourd’hui, selon l’institut BVA, une
cote d’opinion de 37%, au lieu de seulement 31% pour le Parti socialiste ne
compte guère. L’important est que se maintienne la mobilisation relative de
l’électorat de droite. Le profil socio-démographique de celui-ci y contribuera,
mais aussi la force en son sein de motivations négatives par rapport à l’état du
pays et à la politique suivie depuis deux ans. A l’inverse, l’incapacité actuelle du
gouvernement à produire de l’adhésion à gauche pour son action – selon une
étude PollingVox, seuls 3% des Français citent spontanément la politique
sociale, là où François Hollande était le plus attendu par ses électeurs, comme
élément positif de son bilan -, nourrira un différentiel d’abstention défavorable
aux listes conduites par le Parti socialiste. Dans le climat actuel de défiance
généralisée à l’égard du personnel politique, les listes de l’opposition, quelles
que soient la qualité de leur projet et celle de leurs candidats, y trouveront leur
principal atout électoral.
Jérôme Sainte-Marie