faire face avril 01 - Paratetra

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faire face avril 01 - Paratetra
Faire Face, avril 2001.
L’angoisse de la fuite
L’incontinence urinaire et fécale est un problème commun à de nombreux
handicaps. S’il est un domaine qu’elle altère davantage, ce sont les relations
sexuelles. Chercheurs et médecins s’en préoccupent de plus en plus, mais
encore faut-il que le malade ose en parler.
«Quand je me mouille, je me sens redevenir un bébé», confie Daniel, désemparé, 42
ans et paraplégique. «J’ai tellement honte que je ne pourrai pas en parler à mon
partenaire», murmure Pascale, atteinte de sclérose en plaques.
La perte incontrôlée des urines ou des matières fécales peut survenir dans diverses
circonstances, mais c’est lorsque ces "fuites" arrivent pendant les rapports sexuels
qu’elles génèrent la plus forte angoisse. Nus, peau contre peau, il est alors impossible
de s’en cacher, ce qui augmente éventuellement l’appréhension de ne pas être à la
hauteur, inquiétude également vécue par les valides. La fuite est vécue comme une
profonde humiliation, au point que certaines personnes handicapées préfèrent éviter
toute relation.
Les pathologies concernées sont, entre autres, les lésions médullaires, le spina
bifida, la sclérose en plaques (SEP), l’hémiplégie par accident vasculaire cérébral
(AVC), et le traumatisme crânien. Pourtant, les personnes handicapées ne sont pas les
seules à souffrir de ce symptôme. «En France, plus de trois millions de personnes
souffrent d’incontinence urinaire. C’est un véritable problème de santé publique.
Pourtant, moins de 20% d’entre elles l’évoquent ou bénéficient d’un traitement»,
regrette le Professeur Alain Pigné, président de l’Association d’aide aux personnes
incontinentes (AAPI).
Au moment de l’acte amoureux, il existe des moyens simples et efficaces pour
éviter les fuites. Les premières choses à faire sont de s’abstenir de boire quelques
heures avant l’acte, et de vider sa vessie. Ainsi, les personnes peuvent-elles rester
continentes pendant environ trois heures. En cas de sonde urinaire à demeure, des
précautions techniques sont nécessaires (lire l’encadré). Celles-ci nécessitent un
moment de préparation, au même titre que la toilette intime ou la mise en place d’un
préservatif ou d’un diaphragme. Ces moments de déconcentration affective peuvent
se transformer en jeux préliminaires. Lorsque les risques de fuites sont encore
présents, la femme utilisera un obturateur urétral, si elle le supporte, et l’homme, un
préservatif. Plus angoissante encore, l’incontinence sphinctérienne est très mal vécue
dans la relation sentimentale. Et pour cause, les personnes qui en souffrent ont
l’impression de retourner au stade du nourrisson. Il est possible, au moment de la
relation sexuelle, d’utiliser un tampon obturateur anal en mousse.
L’aspect technique ne peut être dissocié de l’aspect psychologique. Tout
d’abord, Il est primordial de dépasser le sentiment de culpabilité. L’incontinence, sans
être une fatalité, n’a pas été choisie. Elle touche indistinctement jeunes et seniors,
hommes et femmes de toutes classes sociales. Chaque personne concernée peut
dépasser l’obsession de la fuite et l’humiliation de se "salir" devant un partenaire,
grâce à un travail de réflexion sur elle-même. Aidé ou non par un thérapeute, les
questions fondamentales seront abordées : pourquoi ne pas vouloir engager une
relation, en prétextant les fuites urinaires, si celles-ci peuvent être évitées par des
gestes simples ? Comment et quand parler à l’autre du risque de fuite ? Arnaud, 30
ans, paraplégique, a réussi à dépasser ses angoisses : «La crainte d’avoir des fuites
me gâchait le plaisir de la relation sexuelle. Mais j’ai appris à dédramatiser, avec
humour. D’abord, j’ai tout de suite prévenu ma partenaire, en lui expliquant que je
n’ai pas le contrôle de mes sphincters. Puis, avant de faire l’amour, j’évite de boire et
je vide ma vessie. La spontanéité en prend un coup, mais le cours des choses est vite
repris. Les petits accidents, ça n’a aucune importance et ne tue pas l’amour que me
porte mon amie». Bernadette Soulier le confirme : «Si le partenaire n’est pas choqué
par la présence d’une sonde urinaire, pourquoi l’être soi-même ? S’il a choisi d’être
avec une personne handicapée, c’est qu’il est prêt et accepte, dès le départ, de
rencontrer des anomalies physiques. Il aime l’autre en bloc. Le partenaire handicapé
qui prend conscience de cela dépassera plus facilement ses difficultés», explique le
médecin.
Le dialogue dans le couple, et d’une manière plus générale, la généralisation de
l’information permettront de relativiser le problème, sans le nier. Car oser en parler,
c’est aussi maintenir en alerte le corps médical pour qu’il prenne davantage en
considération ce problème, et continue de chercher de nouvelles solutions.
Encadré
Préparatifs et précautions, par le docteur Bernadette soulier, médecin et sexologue
Avant le rapport sexuel, dans le cas où l’un des partenaires est doté d’une sonde urinaire à
demeure, la poche collectrice peut s’enlever, après avoir clampé la sonde. Afin de ne pas gêner
le rapport, la femme remontera la sonde le long du pli de l’aine sur l’abdomen, puis la
redescendra le long de la cuisse. L’homme apposera la sonde le long de la verge, en prévoyant
que celle-ci sera en érection, puis le long de la cuisse. Un préservatif solidarisera la verge avec
la sonde. Si on ne peut laisser la sonde clampée, la poche collectrice, une fois changée, peut
être pliée en quatre et maintenue, par exemple, sur un côté de l’abdomen avec du sparadrap.
Même principe en cas de dérivation par une poche urinaire abdominale, type dérivation de
Bricker. S’il existe une dérivation urinaire continente par stomie abdominale, la personne
videra l’urine par auto-sondage. Quand il existe une poche de colostomie, due à une dérivation
chirurgicale du colon directement à la paroi intestinale, une poche neuve sera pliée en quatre
et fixée sur l’abdomen à l’aide de sparadrap.
Contacts
Association d’aide aux personnes incontinentes (AAPI), 5, av Maréchal Juin,
92100 Boulogne. Tél. : 01 46 99 18 99. [email protected]
SOS sexualité, numéro indigo (0,99 F/mn), 0 825 00 00 10, animé par des médecins
de l’Association pour le développement de l’information et de la recherche sur la
sexualité (ADIRS). Les personnes handicapées peuvent y trouver des réponses à leurs
difficultés spécifiques.
Bibliographie
Un amour comme tant d’autres ? Handicaps moteurs et sexualité, Dr Bernadette
Soulier, Ed. APF, Avril 2001