Résumé du mémoire

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Résumé du mémoire
Faculté d’Ingénierie biologique, agronomique et environnementale
Evaluation in vitro du potentiel bioprotecteur des
champignons mycorhiziens à arbuscules contre le
flétrissement bactérien de la tomate
Article de résumé
Présenté par Patrice Crozilhac
Promoteurs :
Prof. Stephane Declerck1
PhD. Student Katia Plouznikoff1
Ir. Marie Chave2
Lecteurs :
Prof. Claude Bragard (UCL/ELI/ELIM)
Prof. Xavier Draye (UCL/ELI/ISV/ELIA)
Article de résumé présenté pour les Crelan Awards
1, Earth and Life Institute, Mycology, Université catholique
de Louvain, B-1348 Louvain-la-Neuve, Belgium
2, INRA, UR1321 ASTRO, F-97170 Petit-Bourg, France
Année académique 2012-2013
Article de résumé
Figure 1. Principaux mécanismes impliqués dans la bioprotection des plantes par les CMA (d’après
Whipps, 2004)
Patrice Crozilhac - Année académique 2012-2013
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Article de résumé
Le sol représente le premier réservoir de biodiversité1 mais cette biodiversité est encore peu
valorisée dans les stratégies de gestion des agrosystèmes (Brussaard et al. 2007). Les
microorganismes associés à la plante fournissent de multiples services écosystémiques parmi
lesquels la bioprotection. Manipuler ces microorganismes pour accroître la santé et la productivité
des agrosystèmes est un levier majeur pour réduire leur dépendance aux intrants chimiques (Ryan et
al. 2009) et faciliter leur écologisation.
Pour accompagner la transition écologique, plusieurs plans, programmes et dispositifs ont émergé. En
Belgique, par exemple, les Mesures Agro-environnementales (MAE) mises en œuvre au travers du
Programme de Développement rural (PDR) visent notamment à réduire l’utilisation de pesticides tout
en maintenant un niveau élevé de production agricole. La mise en œuvre par les agriculteurs de
démarches d’intensification écologique conciliant compétitivité et respect de l’environnement est
cependant encore sous exploitée (Guillou et al., 2013).
Un parasitisme tellurique exacerbé
Contrastées en termes d’enjeux (i. de préservation de la biodiversité, ii. de sécurité alimentaire, iii. de
place de l’agriculture dans l’activité économique, iv. de sensibilisation des acteurs aux risques liés aux
productions agricoles), les importantes régions agricoles Belges comme les Antilles Françaises sont
des zones de forte production maraîchère où les solanacées (pomme de terre et tomate
principalement) sont une spéculation majeure mais reste cependant fragilisée par un parasitisme
tellurique exacerbé (bactéries, nématodes, champignons phytopathogènes) (Blancard, 2009).
Pour l’instant isolé aux régions tropicales et subtropicales, le flétrissement bactérien conduit à des
pertes de récolte pouvant aller jusqu’à 100 %. Dans les régions tempérées, le contrôle des nématodes
est également un véritable enjeu, suite aux restrictions d’emploi des nématicides chimiques
(Wesemael et al., 2011). En France déjà près de 40% des exploitations légumières du Sud-Est sont
touchés (Djian-Caporalino, 2010, 2012).
Une stratégie innovante de gestion des bioagresseurs
L’optimisation des rotations, en complémentarité de la gestion durable des résistances et du recours
aux techniques culturales telles que la solarisation, les rotations de cultures non-hôtes ou
assainissantes vis-à-vis des agents pathogènes majeurs rencontrés en cultures légumières plein sol,
est au cœur des stratégies innovantes de gestion des bioagresseurs telluriques en zone tempérée
comme en zone tropicale.
Certaines espèces, telles que l’oignon ou les crotalaires, au-delà de leurs propriétés directes sur les
agents pathogènes, sont connues pour leur capacité à mobiliser et multiplier des microorganismes
bioprotecteurs présents naturellement dans le sol, tels que les champignons mycorhiziens à
arbuscules (CMA).
Les CMA sont des microorganismes fongiques de la division des Gloméromycètes, anciennement
classés dans la famille des Zygomycètes (Schüßler et al., 2001). Ils forment des symbioses avec plus
de 80% des espèces végétales (Smith and Read, 2008).
L’association symbiotique des CMA avec le système racinaire des plantes apporte une série de
bénéfices à son hôte. Ces bénéfices multiples (multiservices) et bien référencés, sont qualifiés de
services écosystémiques (Tableau 1).
Un des services écosystémiques majeur procuré par la symbiose mycorhizienne est la bioprotection
des plantes hôtes contre certains pathogènes telluriques et aériens. Cette bioprotection est le résultat
d’interactions complexes et parfois synergiques entre la plante, le pathogène, les communautés
microbiennes de la rhizosphère et le CMA (Figure 1)
Parmi les nombreuses espèces d’intérêt agronomique qui bénéficient de la symbiose mycorhizienne,
la pomme de terre et la tomate font parties de celles qui maximise l’effet bioprotecteur des CMA
(Gallou et al, 2010; Gianinazzi et al, 2010).
1 gramme de sol rhizosphérique peut contenir jusqu’à 1011 microorganismes de plus de 30 000
espèces différentes (Berendsen et al. 2012).
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Les CMA, induisent un biocontrôle caractérisé par la réduction des symptômes des maladies
provoquées principalement par les champignons, les nématodes et les bactéries phytopathogènes du
sol.
Tableau 1 : Services écosystémiques rendus par les CMA, inspiré de Smith & Read (2008)
Actions des CMA
Modification de la morphologie des racines et
développement d’un réseau mycélien extra
racinaire complexe dans le sol
Services écosystémiques associés
Augmentation de l’adhérence plant/sol et de la
stabilité du sol (action de fixation et amélioration
de la structure du sol)
Augmentation de l’absorption de nutriments et
d’eau par la plante
Favorise la croissance des plantes, tout en
réduisant les besoins en engrais
Effet tampon contre les stress abiotiques
Augmentation de la résistance des plantes à la
sécheresse, à la salinité, à la pollution par les
métaux lourds et à l’épuisement des éléments
minéraux nutritifs
Sécrétion de ‘glomaline’ au niveau du sol
Augmentation de la stabilité du sol et de la
rétention d’eau
Protection contre les pathogènes telluriques et
aériens
Augmentation de la résistance des plantes contre
les stress biotiques réduisant ainsi l’apport de
produits phytochimiques
Modification du métabolisme et de la physiologie
des plantes
Biorégulation du développement et augmentation
de la qualité des plantes
La tomate : Une ‘cash crop’ modèle
Au-delà de son importance économique, du bénéfice fourni par les CMA et de son statut de plante
modèle, la tomate est une culture qui présente de nombreux avantages pour l’étude d’une telle
stratégie de lutte, transposable à d’autres cultures : cycle court, diversité très large de systèmes de
production (de l’agroforesterie à l’hydroponie), retour sur investissement potentiellement rapide pour
l’agriculteur.
Des processus à décrypter pour optimiser la mise en œuvre des plantes mycorhizotrophes et
assainissantes pour la bioprotection in situ.
L’objectif de ce travail était de déterminer comment associer des plantes potentiellement
mycorhizotrophes et biorégulatrices à la tomate pour la bioprotéger contre le flétrissement bactérien.
La bactérie tellurique R. solanacearum, responsable du flétrissement bactérien de la tomate, constitue
une contrainte biotique majeure dans les systèmes de cultures maraîchères en Martinique comme
dans toute la ceinture tropicale et subtropicale humide.
Parmi les espèces candidates, celles du genre Allium spp et Crotalaria spp ont été étudiées comme
plantes de services pour leurs potentiels biorégulateur et mycorhizotrophe.
L’évaluation en microcosme in vitro des processus de bioprotections impliqués est possible grâce aux
systèmes mis en place au sein du laboratoire de mycologie de l’UCL par Voets (2009). Ces systèmes
permettent l’étude des interactions des plantes mycorhizées avec des agents pathogènes en condition
monoxénique et de façon non destructive.
La stratégie expérimentale qui a été mise en œuvre a consisté à évaluer dans des systèmes de
culture in vitro associant une plantule de tomate et un CMA, le potentiel bioprotecteur des CMA contre
R. solanacearum.
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Cette expérience principale a reposée sur deux expériences préliminaires qui ont permis d’évaluer
d’une part le potentiel de Crotalaria spectabilis et Allium fistulosum comme plantes-donneuses de
mycorhizes pour la tomate et d’évaluer d’autre part la dynamique de colonisation des plants de tomate
par un CMA. L’incidence du flétrissement au cours du temps a été mesurée selon deux échelles
différentes (le pourcentage de plantes flétries (PWP) et l’échelle de He (DI)). Ces expériences ont été
complétées par une expérience exploratoire, visant à étudier le comportement in vitro de C. spectabilis
et A. fistulosum mycorhizés en présence de R. solanacearum.
L’analyse in vitro, de la dynamique de colonisation des plants de tomates par un CMA, a permis de
mettre en évidence une colonisation maximum des racines (20 ± 3%) par le CMA en 13 jours.
Les résultats obtenus in vitro, montre que la pré-mycorhization des plants de tomates par le CMA
Rhyzophagus irregularis MUCL 41833 diminue l’incidence du flétrissement causé par R.
solanacearum.
En effet, les mesures d’AUDPC, qui intègrent la progression du flétrissement pour chaque traitement,
ont permis d’évaluer la sévérité de la maladie sous 18 jours.
Une diminution de la sévérité de la maladie de 20% (± 0.4%) et de 21% (± 0.5%), selon
respectivement l’indice de flétrissement (DI) et le pourcentage de plantes flétries (PWP) a ainsi été
observée suite à une phase de pré-mycorhization des plants de tomates.
Ces observations ont permis de confirmer l’effet bioprotecteur des CMA et de mettre en évidence,
pour la première fois, la capacité de biocontrôle du R. irregularis MUCL 41833, chez des plants de
tomates infestés par R. solanacearum.
Ces résultats s’expliquent par différents mécanismes qui peuvent être synergiques. Ainsi les
hypothèses de compétition pour les sites de colonisations, d’induction de mécanismes de défense et
de modifications de la composition biochimique des exsudats, ont été discutés, comme facteurs de
bioprotection, induits par les CMA.
Une étape indispensable à la mise en place de stratégies de gestion agroécologique.
Ces recherches s’insèrent comme une piste originale et porteuse quant à la manière d’aborder
l’insertion des plantes de services mycorhizotrophes et à propriétés allélopathiques dans une rotation
culturale. Les résultats obtenus permettent de prétendre à une maitrise plus fine du potentiel
bioprotecteur des CMA contre le flétrissement bactérien de la tomate et ouvre ainsi un voie générique
d’utilisation des CMA comme agents de biocontrôles contre les pathogènes telluriques et aériens en
cultures maraichères et horticoles.
Références bibliographiques
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