Pot aux roses derrière les rochers

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Pot aux roses derrière les rochers
Pot aux roses derrière
les rochers
Coline CHEVIS
2nde C
7h35. Ok, il faut que je parte, j'ai du boulot. J'écartais le bras de Timothée de
ma jambe , le pied de Sam de mon torse et je me levais difficilement en titubant. Puis
tenant tant bien que mal sur mes jambes je rassemblais mes affaires d'une main tremblante dans mon sac.
- Bon, j'y vais les gars ! Lançais-je aux espèces de gros tas difformes étalés dans la
pièce, Fredo se
releva sur un coude, et essaya de me regarder dans les yeux.
- Quoi, Déjà ?
- Ouais, je sais mais il y a... oh la vache, ma tête...
- Tu veux vrai-... Hips ! ...-ment pas rester ici... tu pourras partir ce midi si tu v...
- Non. Merci Fredo mais... Burp ! ...pardon. Je vais y aller.
- Eh ! Ben' ! Attends ! T'as Oubl...
Je n'entendis pas la suite, la porte était déjà fermé derrière moi. Je titubais. Je ne
voyais pas très clair. Le chemin devant moi paraissait plein de virages et de trous.
J'avais la tête lourde. Je ne me souvenais pas d'hier. Je me rappelais seulement du cinquième verre que me tendait Manu. Pff... si Maman me voyait comme ça... La tête me
tournait dangereusement. Je décidais de m'assoir sur un banc. Puis soudain, mon estomac se révulsa. Je me penchais en avant. J'eus l'impression de régurgiter tout mon
être. Je relevais la tête et m'appuyais le dos contre le banc.
Quand je rouvris les yeux il étais 9h15. J'avais dormi pendant plus de deux
heures ?! Et dehors par dessus tout ! Puis, retour à la réalité; un violent mal de tête me
martelait le crâne. Je me levait et continuait de marcher. J'avançais encore pendant
quelques temps et enfin, j'aperçus ma maison. Elle était située tout au bord de la mer.
Une petite maison aux volets bleus où je peux chaque jour observer les oiseaux.
C'était mon rêve de gosse, c'est devenu mon passe-temps. Je me suis installé à Pornic
pour cette raison. Aujourd'hui je suis des études spécialisées pour devenir ornithologue. J'aime les oiseaux, je les observe, les répertorie... c'est ma passion. Je marchais
lentement en longeant la plage, quand j'aperçus au loin une jeune fille aux nattes
blondes qui virevoltait sur le sable mouillé. Pieds nus, le nez tendu vers le ciel azur,
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elle faisait tourner encore et encore sa robe rouge vif sous le soleil matinal. Sûrement
une de ces jeunes parisiennes en vacances . Ce n'était pas la première fois que je la
voyais sur cette plage. La jeune fille s'arrêta. Sa robe retomba instantanément sur ses
genoux. Elle regardait le ciel. Je suivis son regard. Un oiseau entièrement rose planait
librement dans le ciel limpide. Un goéland semblait-il au premier abord. Mais un goéland rose ?! Pas un rose pâle, non, un rose bien fuchsia, presque fluo ! Éberlué, je
cherchais en vitesse mon appareil photo. Je fouillais mon sac de fond en comble, sans
succès. Je me souvins. Voilà ce que j'ai oublié chez Fredo. Je reposais mon regard sur
cet être bizarre, puis sous l'effet de la douleur qui me martelait le crâne, je fermais les
yeux un long moment. Mon mal de tête se calma. Quand je rouvris les yeux le goéland n'était plus là et un coup d'œil sur la plage me permit de constater que la jeune
fille était partie. J'ai sûrement un peu trop forcé sur l'alcool hier soir... pour voir un
goéland rose, tout de même.
Mardi matin, alors que je m'étais levé la tête plutôt claire, les idées saines, il
m'est arrivé une histoire un peu semblable. Je prenais le car comme tous les matins
pour aller à l'école d'ornithologie près de St Nazaire. Je m'installais à une place libre
côté fenêtre. Devant mon moi, une jeune fille blonde écoutait de la musique, je la reconnaissais, c'était la jeune parisienne à la robe bleue d'hier...enfin, je crois. Le véhicule traversa le bourg de Pornic. J'allais prendre mon courage à deux mains pour essayer de lui demander si elle en savait plus sur le goéland rose d'hier. Mais le car
s'arrêta à l'arrêt près de l'usine de croquettes. Elle se leva et descendit d'une démarche
majestueuse. Je vis son visage, c'était bien elle. Elle s'arrêta et fixa une des poubelle
de l'usine. Je posais mon regard sur celle-ci à mon tour, mais ne vis rien que des détritus et des restes de couleurs roses, verts... mais soudain, je vis une forme bouger, un
oiseau semblait-il, oui, un goéland. Un goéland vert même. Un goéland vert ?! Le car
démarra. Je me levais et collais le nez contre la vitre. Je vis comme dernière image la
jeune parisienne qui me regardait de ses yeux verts d'un air insistant.
Arrivé à l'école, j'allais voir Yves. Yves, c'est un mec bien. Il se fout jamais de
toi, qu'importe ce que tu dit. Il ne parle pas beaucoup, il est calme, zen, passif...ça fait
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du bien de parler avec lui. En plus de ça, il est incollable lorsque l'on parle d'oiseaux.
C'est aussi un peu pour ça que je décidais d'aller le voir.
- Dis, les goélands roses ou verts, tu crois que ça peux exister ? lui demandais-je.
Il me dévisagea pendant un long moment et contre toute attente il se mit à rire aux
éclat. Son rire grave résonna dans le couloir de l'école. Déstabilisé, je reculais. Il se
retourna et me laissa planté là. Au beau milieu du couloir. Les gens s'écartaient en me
voyant, sûrement en voyant mon visage décomposé, ou ayant vus la scène, préféraient se tenir à l'écart de celui qui avait réussi à faire rire Yves. Je me ressaisis. Mon
cœur se remit à battre et mon sang circula de nouveau. Je pus enfin réfléchir. Je n'ai
tout de même pas rêvé. Je les ai vraiment vus moi, ces goélands. Mais même Yves me
prend pour un fou. Très bien, je mènerais ma propre enquête.
Je passais les soirs où j'avais du temps libre et le weekend qui suivi à poser des
questions discrètes aux commerçants sur ces mystérieux goélands. Je pus alors m'acquérir en une semaine la réputation d'un fou à la recherche d'oiseaux fluos. Comment
devrais-je le prendre ? Il fallait s'y attendre. Mais en attendant, aucune information
concernant des goélands roses ou verts ne me parvins. Je commençais à perdre espoir
mais un samedi matin comme les autres, alors que je partais au marché, une voix
m'interpella :
- Jeune homme ! Jeune homme !
Je me retournais. Une vieille dame toute fripée m'appelait de sa voix grêle et
tremblante. Elle tenait un petit stand d'herbe à tisanes et infusions. Ses longs cheveux
gris pendouillaient sur ses épaules tels des serpents, cachés par cette masse grise on
pouvait discerner des joues saillantes, et un teint pâle, presque maladif. On devinait
son âge aux sillons de ses rides et sa fatigue aux poches sous ses yeux. Je m'arrêtais et
m'approchais de la grand-mère. Elle me regarda étrangement de ses yeux verts perfides.
- Mon garçon, dit-elle, tu devrais aller acheter le journal d'aujourd'hui et lire la page
15, tu seras sûrement intéressé par ce qu'il raconte.
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- Le journal ?
- Oui, oui, allez jeune homme, mais surtout, après l'avoir acheté, ne l'ouvre pas avant
d'être arrivé chez toi. C'est bien compris ?
Je ne pouvais pas protester, je ne sais pas pourquoi, mais j'eus envie de faire ce
qu'elle me dit. C'était comme si j’étais hypnotisé. Ses yeux verts étaient semblables à
ceux de la jeune parisienne, perçants et pétillant, qui cachent bien plus qu'ils en
montrent. Un frisson me parcouru. Cette vieille dame me faisait froid dans le dos. Je
fis pourtant ce qu'elle me conseilla. C'est ainsi que je me rendis au tabac/presse du
coin acheter le journal, et que je rentrais chez moi. Ne pouvant plus attendre, j'ouvris
le journal à la page 15 et cherchais un article qui pourrais m'intéresser. Au premier regard, je ne vis rien d'intéressant. Puis en regardant un peu mieux, je découvris un petit
article, bien caché dans un coin, que personne n'aurait remarqué. Je commençais à le
lire.
« Une nouvelle race de goéland ?
Le célèbre chercheur en ornithologie, Antoine Patacoin à décrété avoir trouvé une
nouvelle race de goéland: le larus fluorus. Il aurait soit disant après deux ans de
voyage dans le monde, vu à plusieurs reprises près de la mer des goélands de couleurs tout à fait extraordinaires. Il a mené une petite recherche et en a déduit que
chez les goélands fluorescents, les mâles sont de couleurs roses, les femelles vertes et
les petits bleus. Ces goélands sont contrairement aux autres très timides, peureux et
rares sont ceux qui en voient. Cette race aurait été créé par l'assimilation de croquettes vertes et rouges par plusieurs goéland qui se seraient ensuite proliféré. »
J'avais donc bien raison, ces goélands existent bel et bien, je ne suis tout de
même pas fou ! Je pris mon téléphone portable et composais le numéro de Yves.
- Yves, tu as le journal presse océan d'aujourd'hui sous la main ?
- Heu, oui.
- Bien, regarde l'article en bas à droite de la page 15.
- … j'y suis. Il y a un article sur la mort d'un homme dans un accident de voiture... et
alors ?
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- Non, tu vois pas l'article sur une nouvelle race de goéland ?
- … non, il n'y a aucun article là dessus. Si tu es encore sûr de tes goélands roses, va
voir un médecin, mon grand, c'est sûrement que tout ne tourne pas rond chez toi.
Il raccrocha. Encore sous le choc, je fixais l'article avec incrédulité. Suis-je en train
de devenir fou ?
Mais pourquoi suis-je le seul à voir des choses bizarres ? La grand-mère. C'est elle
qui m'a mis sur la voie. Elle sait sûrement quelque chose. Je mis mes chaussures et
mon blouson en vitesse et me précipitais dehors. Je courus jusqu'au village. J'arrivais
enfin, essoufflé, plié en deux devant l'emplacement du stand de la grand-mère. Je levais la yeux. A la place du petit stand aux herbes d'infusions et aux tisanes de la
vieille dame, je vis une grande table avec posé en vrac dessus des vieux livres tout
abimés et assis derrière un monsieur un peu rondelet, au crâne dégarni et à l'air pas
très aimable. Je m'approchais du stand et demandais:
- Excusez-moi, vous n'auriez pas vu la dame qui était à votre place ce matin ?
Il me regarda, avec un air de profond dédain et une certaine pitié.
- Il n'y a eu que moi ici aujourd'hui mon gars. Tu dois te tromper d'endroit.
Je le regardais, abasourdi, incapable de répliquer. Ce n'est pas possible, pourtant, je
l'ai vu de mes propres yeux ! Des ces mêmes yeux qui ont vus les goélands rose et
vert. Découragé, me prenant moi même pour un fou, je décidais de rentrer chez moi.
Assis sur ma chaise. Le regard posé sur la mer que je voyais à travers la vitre
de ma cuisine, je méditais. Je finis par prendre mon courage à deux mains et ouvris le
journal page 15. Je descendis lentement les yeux jusqu'à l'emplacement de l'article du
goéland. A la place je vis un article qui parlais d'un accident de voiture sans intérêt. Je
refermais doucement le journal, me levais et allais marcher pied nus sur la plage.
Alors je suis vraiment fou ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je marchais ainsi depuis plusieurs heures, quand j'entendis des voix venant de derrière les rochers. Intrigué j'allais jeter un coup d'œil. Ce que je vis alors, me coupa le souffle. Plusieurs de
mes amis, accompagnés de Yves agrippaient un goéland. Fredo tenait dans sa main
une bombe de couleur bleue. Je jetais un coup d'œil sur la plage légèrement plus loin
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et vis la jeune parisienne et la grand-mère du stand assises côte à côte à discuter l'air
complice. Je tombais de haut.
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