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Observatoire du Management Alternatif Alternative Management Observatory __ Cahier de recherche Génération Précaire ou Comment et pourquoi un mouvement de contestation se crée et se pérennise ? Pierre-Antoine Chiarelli 29 septembre 2006 Majeure CEMS – HEC Paris 2005-2006 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 1 Genèse du présent document Ce cahier de recherche a été réalisé sous la forme initiale d’un mémoire de recherche dans le cadre de la Majeure Community of European Management School (CEMS), spécialité de troisième année du programme Grande Ecole d’HEC Paris. Il a été dirigé par Eve Chiapello, Professeur à HEC Paris et co-responsable de la majeure Alternative Management, et soutenu le 29 septembre 2006 en présence d’Eve Chiapello et de Ludovic François, Professeur affilié à HEC Paris. Origins of this research This research was originally presented as a research essay within the framework of the Majeure “Community of European Management Schools” (CEMS), specialization of the third-year HEC Paris business school program. The essay has been supervised by Eve Chiapello, Professor in HEC Paris and codirector of “Majeure Alternative Management”, and delivered on September, 29th 2007 in the presence of Eve Chiapello. Charte Ethique de l'Observatoire du Management Alternatif Les documents de l'Observatoire du Management Alternatif sont publiés sous licence Creative Commons http://creativecommons.org/licenses/by/2.0/fr/ pour promouvoir l'égalité de partage des ressources intellectuelles et le libre accès aux connaissances. L'exactitude, la fiabilité et la validité des renseignements ou opinions diffusés par l'Observatoire du Management Alternatif relèvent de la responsabilité exclusive de leurs auteurs. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 2 Génération précaire ou comment et pourquoi un mouvement de contestation se crée et se pérennise ? Résumé: Ce mémoire traite du mouvement Génération Précaire qui s’est constitué afin de contester les abus dans le système des stages et qui, compte tenu de ses effectifs particulièrement restreint, a connu un véritable succès. Ce mémoire s’intéresse plus particulièrement aux raisons qui ont amené la constitution du mouvement et à celles qui permettent d’expliquer le succès évoqué. Mots-clés : Frustration relative (Ted Gurr) - CATNET (Charles Tilly)- modes d’action relations aux médias -Nouveau Mouvement Social – Flash mobs – Stages – Mobilisation Risk generation: how and why protest movements evolve and renew themselves Abstract : This thesis considers the Risk Generation movement, which was founded to contest changes to internship training schemes. Despite the scarcity of its resources, this movement was a real success. This paper is focused more on the reasons which explain the constitution of the movements and those which explain its success. Key words : Relative Deprivation (Ted Gurr) – CATNET (CharlesTilly) – action modalities – relations to media – New Social movement – Flash mobs – internship – Mobilization Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 3 Remerciements Je tiens à remercier tous ceux qui m’ont aidé dans la rédaction de ce mémoire. Tout d’abord, je remercie sincèrement les différents membres de Génération Précaire qui ont pris le temps de répondre à mes questions que ce soit par le questionnaire que j’avais rédigé comme Leslie, Patrick et Ignacio, les entretiens que certains ont eu la gentillesse de m’accorder comme Jacques et Aline. Un grand merci à Amida, Aline, Fred, Jacques, Leslie, Isabelle, Patrick, Louis, Jean, qui ont accepté ma présence lors de leur réunion. Merci à mon relecteur attitré qui a écourté ses nuits pour traquer notamment les fautes d’orthographe et de grammaire dont j’avais parsemé mon mémoire. Je te l’ai déjà écris à chaque fois que du Canada je recevais un de tes mails envoyés entre 1h00 et 2h00 du matin (heure française) mais tu mérites que je me répète : Merci encore papa. Au sein de Génération Précaire, j’ai une gratitude toute particulière envers la grande disponibilité, la gentillesse, la patience et le sourire de Géraldine qui a été mon intermédiaire au sein du collectif, a répondu à mon questionnaire, m’a accordé un entretien et m’a convié à la réunion qui se tenait chez elle. Mon mémoire ne serait sûrement pas ce qu’il est sans les longues discussions téléphoniques que j’ai pu avoir avec Elodie Vialle. Notre échange m’a permis d’approfondir et de clarifier mes intuitions, de développer mes idées, de découvrir de nouveaux auteurs, d’entendre d’autres idées. J’espère qu’elle aura pu, elle aussi, tirer profit de nos échanges d’idées. Je ne saurai assez remercier la disponibilité de madame Chiapello qui m’a suivi durant toute la rédaction de ce mémoire, m’a prodigué des conseils toujours avisés, m’a laissé très libre tant dans le choix de mon sujet que dans la manière de l’appréhender. Malgré la distance occasionnée par mon échange en Allemagne et des emplois du temps assez récalcitrants, elle a toujours su trouver le temps pour répondre à mes questions, et m’expliquer ce qu’elle attendait. J’espère avoir bien entendu ses attentes et que ce travail y répondra. Je m’excuse a posteriori auprès de Chloé Renault pour mes moments d’absence durant lesquels, perdu dans mon travail et mes réflexions sur Génération Précaire j’ai pu apparaître distant. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 4 Pour la précision de son ouvrage, l’intérêt des théories qu’il développe et la qualité de ses explications, Erik Neveu mérite de figurer dans mes remerciements. La qualité de Sociologie des Mouvements Sociaux en fait mon ouvrage de référence et m’a servi de fil conducteur théorique. Enfin, merci à monsieur Nioche qui m’a permis de préciser l’angle selon lequel étudier Génération Précaire, M Perrotte qui m’a permis de mieux comprendre la manière dont Génération Précaire était appréhendé par les média, M Chevalier qui a su m’accorder si rapidement en entretien téléphonique. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 5 Table des matières Introduction .............................................................................................................................. 7 Partie 1. Théorie................................................................................................................... 9 1.1. La création du mouvement...................................................................................... 9 1.1.1. Hypothèse 1 : la frustration relative ................................................................... 9 1.1.2. Le concept de frustration relative..................................................................... 10 1.1.3. Hypothèse 2 : Le CATNET.............................................................................. 14 1.1.4. Organisation, pérennité et efficacité du mouvement........................................ 16 1.1.5. Hypothèse 3 : Nouveaux Mouvements Sociaux .............................................. 17 1.1.6. Hypothèse 4 : La mobilisation ......................................................................... 19 Partie 2. Méthode............................................................................................................... 21 2.1 Présentation du mouvement ..................................................................................... 21 2.2 Démarche ................................................................................................................... 22 2.2.1 Phase exploratoire ................................................................................................. 22 2.2.2 Phase théorique ..................................................................................................... 23 2.2.3 Enquête terrain ...................................................................................................... 23 2.3 Difficultés rencontrées : le problème de la proximité ............................................ 24 2.3.1 Un éloignement géographique… .......................................................................... 24 2.3.2 …qui n’empêche ni d’être trop proche des membres de Génération précaire… .. 24 2.3.3 … ni d’être au cœur de l’action........................................................................... 25 Partie 3. Etude de cas ........................................................................................................ 27 3.1 D’un mouvement qui se constitue… ........................................................................ 27 3.1.1 25 personnes et plus et plus et plus… ................................................................. 27 3.1.2 … à l’organisation particulière............................................................................ 32 3.1.3 Le recrutement..................................................................................................... 38 3.1.4 Motivation ........................................................................................................... 42 3.2 … à un mouvement qui agit et qui communique.................................................... 46 3.2.1 Les modes d’action.............................................................................................. 46 3.2.2 Le rapport aux médias .......................................................................................... 52 3.2.3 Le rapport au politique ......................................................................................... 58 Conclusion : Quels résultats et quel avenir?........................................................................ 62 Bibliographie........................................................................................................................... 64 Annexes…… ........................................................................................................................... 69 Annexe A : Entretiens et questionnaires .............................................................................. 69 Annexe B: Issu du site de Génération Précaire .................................................................... 79 ANNEXES C : DIVERS ...................................................................................................... 96 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 6 Introduction Génération Précaire (GP), tel est le nom que s’est donné le mouvement initié en septembre 2005 pour dénoncer le recours abusif aux stagiaires au sein des entreprises. Avec le temps, ce mouvement a pris de l’ampleur et a réussi à fédérer non seulement des membres actifs mais aussi un nombre croissant de soutiens. Alors que le système des stages existe depuis des siècles si l’on considère l’apprentissage comme stage et sous sa forme actuelle depuis 1978 si l’on se réfère à l’instauration de la convention de stage, il aura fallu attendre l’automne 2005 pour voir une structure s’ériger en porte-parole des stagiaires. Jusque-là, les 800 000 stagiaires1 (moyenne annuelle) ne disposaient d’aucune représentation. Cette absence de représentation laisse perplexe surtout si on la compare à celle dont bénéficient les 894 000 agriculteurs en France2. Comment se fait-il qu’une catégorie regroupant autant de membres soit restée aussi longtemps silencieuse ? Pourquoi ni les syndicats ni les gouvernements n’ont-ils tenté d’entendre et de faire entendre ces voix ? Ces gens là n’avaient-ils donc rien à dire ? La vigueur manifestée par Génération Précaire pour faire entendre ses revendications depuis un an nous prouve aisément le contraire. Les réponses à ces questions sont sûrement à chercher dans la durée restreinte du statut de stagiaire. Alors qu’un agriculteur exerce son métier plus de 40 ans durant, un stagiaire n’exerce que quelques mois seulement et revient ensuite à ses études ou bien entre sur le marché du travail pour briguer un CDD ou un CDI. En outre, le dénominateur commun entre les stagiaires est très faible. Comme nous le verrons par la suite, tout groupe s’organise autour d’un sentiment d’appartenance fort issu d’une sociabilité volontaire ou bien d’identités catégorielles auxquelles les individus sont assignés par des propriétés objectives3. La relation contractuelle à l’entreprise semble être le seul dénominateur commun entre les stagiaires. Dès lors, de même qu’ aucun mouvement ne représente les CDD ou les CDI dans leur ensemble, aucun mouvement ne représente les 1 Conseil Economique et Social, L’insertion professionnelle des jeunes issus de l’enseignement supérieur, Avis et Rapport, 2005, p38 (avis présenté par M. Jean Louis Walter, Membre du Bureau du Conseil Economique et Social, président du Groupe de la Confédération française de l'encadrement CGC et membre de la Section du Travail). 2 Source Agrest (http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/bima2006n3.pdf). 3 Tilly, théorie du CATNET. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 7 stagiaires dans leur ensemble. La trop grande diversité au sein des CDD, des CDI ou parmi les stagiaires prévient tout sentiment d’appartenance à un groupe. L’extrême volatilité du statut de stagiaire associée à la grande diversité des stagiaires (âge, milieux socioculturel, catégorie socioprofessionnelle) expliquerait donc l’absence de représentation des stagiaires. Mais alors pourquoi ces explications qui ont prévalu jusqu’à l’été 2005 sont elles prises en défaut à l’automne ? Comment Génération Précaire a-t-il su surmonter des obstacles jusque là infranchissables ? Dans un premier temps, et afin d’étayer une approche théorique, nous nous intéresserons à la création du mouvement, à l’origine de la volonté de créer un tel mouvement. Dans un deuxième temps, nous étudierons la manière dont ce mouvement s’est organisé, nous analyserons ses particularités ainsi que les raisons expliquant sa pérennité et son succès. Autant de questions qui m’intéressent non seulement en tant qu’ancien stagiaire mais aussi pour avoir côtoyé des stagiaires qui ont parfois été confrontés aux abus dénoncés par Génération Précaire. Car force est de constater que les stages offerts aux élèves d’HEC sont souvent assortis de conditions privilégiées, comparées à la moyenne pratiquée. Enfin, Génération Précaire retient mon intérêt par la forme nouvelle d’engagement qu’il révèle. Entre autres exemples qui seront développés, l’apolitisme de ce mouvement qui est non seulement affiché mais aussi jalousement défendu. Ces nouvelles formes d’engagement, qui émergent depuis quelques années, m’intéressent particulièrement dans la mesure où elles traduisent une volonté de concilier méfiance envers la classe politique et intérêt pour la chose publique. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 8 Partie 1. Théorie La première étape de ce mémoire consistera à s’intéresser aux prémices et au tout premier temps du mouvement afin de dégager ce qui a permis une fédération autour d’un projet commun (la dénonciation des abus du système des stages) alors même que ce qui réunit les acteurs (le statut de stagiaire) est éphémère. Pour ce faire, j’expliquerai et utiliserai les travaux de Ted Gurr exposés en 1971 dans Why Men Rebel sur l’analyse des frustrations afin d’expliquer la naissance d’un mouvement de contestation. En outre je ferai aussi usage de la théorie du CATNET4 élaborée par Charles Tilly. Dans un deuxième temps, je m’attacherai à l’analyse de la manière dont ce mouvement s’est structuré pour agir, son organisation interne, sa manière de communiquer avec l’extérieur, son positionnement politique. Pour ce faire, j’utiliserai entre autre les travaux d’Alberto Mellucci sur la définition des Nouveau Mouvement Sociaux5 (NMS) en déterminant notamment dans quelle mesure le mouvement récent qu’est Génération Précaire peut s’entendre comme un NMS au sens de Mellucci. 1.1. La création du mouvement 1.1.1. Hypothèse 1 : la frustration relative La décision de fonder Génération Précaire est issue d’une frustration relative grandissante. Dans cette mesure et si cette hypothèse est vérifiée, nous tenterons de faire un lien entre la perception de la frustration relative, les valeurs concernées et le degré des modes d’actions mis en œuvre. Cette hypothèse est inspirée et adaptée du travail de Ted Gurr sur le concept de frustration relative6. 4 From Mobilization to Revolution, Addison-Wesley, 1976. Alberto Mellucci, L’invenzione del presente Movimenti sociali nelle societa complesse, Il Mulino, Bologne, 1982. 6 Why Men Rebel, Ted Gurr (1971), p 28. 5 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 9 1.1.2. Le concept de frustration relative Le terme de frustration relative est la traduction de « Relative Deprivation » et se définit comme l’état de perception par des acteurs de la différence entre les valeurs attendues et les valeurs accessibles. Par valeur, Ted Gurr entend les événements, objets et conditions de vie que les hommes désirent et s’efforcent d’atteindre ou d’obtenir. Les valeurs attendues sont pour l’auteur les valeurs auxquelles les gens estiment avoir droit. Les valeurs accessibles correspondent à celles que les gens pensent être en mesure d’atteindre et de conserver. En outre, une troisième valeur correspond à la valeur atteinte dans les faits. Comme nous le verrons par la suite (cf. : Les opportunités d’atteinte des valeurs à l’échelle d’une collectivité), tout l’intérêt de cette théorie réside dans l’attention portée au caractère relatif de la frustration, c’est à dire issue d’une comparaison entre réalisations et aspirations. Cependant, dans un premier temps et pour bien comprendre ce concept, il faut définir, classer et hiérarchiser les valeurs au sens large (biens, conditions de vie, mode de vie) qui seront l’entité comparée. Pour ce faire, Ted Gurr a choisi de synthétiser trois travaux différents traitant de ce sujet: Celui d’A.H Maslow et sa pyramide des besoins7. Celui de Lasswell sur les valeurs et le pouvoir8. Celui de Walter Garrison Runciman et son analyse sur les dimensions de l’inégalité sociale. Ce travail de synthèse permet d’établir le tableau suivant qui correspond à quatre listes de catégories des valeurs dont la dernière à l’extrême droite représente la synthèse des trois premières : 7 8 confère Annexe 16. confère Annexe 17. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 10 La hiérachie des valeurs de Les valeurs de Lasswell Maslow Les dimensions d’inégalité Typologie composée sociales de Runciman VALEURS DE BIEN- ETRE Besoins organiques Bien-être, Richesse Besoin de réalisation de soi Compétence Classe économique Valeur Bien-être Savoir VALEUR DE DEFERENCE besoins de sécurité Puissance besoin d’appartenance Affection besoin d’estime Respect Puissance Valeur Puissance Statut Rectitude Valeur Interpersonnelle Source: Why Men Rebel, Ted Gurr, p 26 La typologie des valeurs de Ted Gurr Les valeurs de Bien-être sont celles qui contribuent directement au bien-être physique et à la réalisation de soi. Cela inclut par exemple la nourriture, la santé, le confort physique mais aussi l’utilisation et le développement des capacités mentales et physiques. Ces deux classes dans les valeurs de bien-être font référence aux catégories de besoins économiques et à ceux de réalisation de soi dans le tableau récapitulatif ci-dessus. Ces deux valeurs sont étroitement liées l’une peut être un instrument pour atteindre l’autre et vice-versa. Les valeurs de Puissance se déterminent comme étant les valeurs qui permettent à quelqu’un d’influencer l’action des autres et d’éviter de voir ses propres actions influencées Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 11 par les autres. Ces valeurs regroupent à la fois les valeurs dites de participation et celles de sécurité. Enfin, les valeurs Interpersonnelles correspondent aux satisfactions psychologiques recherchées dans des interactions non autoritaires avec d’autres individus ou groupes. Ces valeurs regroupent trois classes intitulées statut, communalité et cohérence « idéationnelle ». Le désir de statut est la volonté d’occuper un rôle qui confère de fait un certain prestige auprès des gens avec qui l’on interagit. Le désir de communalité est lié à la classe précédente et correspond au besoin de prendre part à des groupes (famille, communauté, association) stables qui aident à se procurer affection et amitié. Enfin, la cohérence idéationnelle découle de la certitude issue d’une adhésion partagée à des croyances sur la nature de la société et sur la place à occuper au sein de cette société ainsi que sur les normes gouvernant les échanges sociaux. La production de frustration à l’échelle d’un groupe Les définitions données dans la partie intitulée « le concept de la frustration relative » peuvent aisément être élargies à un groupe de personnes. Dans la suite de cette partie, nous prendrons le groupe comme unité de valeur et non pas un individu en particulier et nous nous intéresserons aux différentes situations qui peuvent générer la frustration. Empruntons à Erik Neveu9 un schéma récapitulatif que nous expliquerons ensuite. 9 Sociologie des mouvements sociaux, p 44, Erik Neveu, 3ème édition (2002), Edition La Découverte, collection repères. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 12 fort N N Niveau d’espérance de « valeur » FRUSTRATION Niveau de satisfaction effective des attentes Ecoulement du temps faible Source : Sociologie des mouvements sociaux, p 44 Ce schéma permet d’appréhender les différents scénarii possibles à l’origine d’une frustration. Tout d’abord, le scénario que nous qualifierons de frustration progressive. Il intervient lorsque les attentes en matière d’accession à la distribution des ressources sociales s’élèvent et que dans le même temps, les valeurs disponibles baissent. Un exemple de ce scénario serait celui qui a présidé à la Révolution Française. En effet, des attentes croissantes en termes de bien-être et de mobilité sociale apparues au cours d’une phase de prospérité et de relative ouverture sociale ont été brutalement balayées par une crise économique. Le deuxième scénario possible est nommé scénario du déclin et s’observe lorsque les valeurs attendues restent stables mais que, du fait d’une perception négative du présent et de l’avenir, les valeurs accessibles ou plutôt la perception des valeurs accessibles déclinent. C’est ce phénomène qui permet d’expliquer l’opposition de certains artisans à la mécanisation. Le troisième et dernier scénario est celui des aspirations montantes. Il découle de valeurs disponibles qui varient peu par comparaison à des aspirations croissantes. Ce dernier Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 13 scénario a pu être observé lorsque les populations « colonisées » durent revenir chez elles et perdre de fait le statut de citoyens qu’elles avaient acquis et dont elles avaient joui en combattant pour la France lors de la seconde guerre mondiale. Ces populations constituèrent par la suite un noyau de mobilisation anticolonialiste. La mise en œuvre des actions Face à ces situations de frustration l’individu –ou le groupe- dispose de trois niveaux d’action pour atteindre les valeurs attendues, que nous regrouperons sous le terme générique d’opportunités de valeur (value opportunities10). Ces opportunités de valeur sont : L’opportunité personnelle qui correspond aux opportunités que rencontrent des individus du fait de capacités héritées ou acquises. L’opportunité sociétale qui comprend les actions normales qui peuvent être prises par les membres d’une collectivité afin d’augmenter les valeurs. Ainsi concernant les valeurs économiques on considérera l’étendue et le nombre des activités économiques ou bien encore la facilité d’accès à de telles activités. L’opportunité politique se réfère aux actions que peuvent mener des membres d’une collectivité pour amener celle-ci à leur fournir les valeurs qu’ils souhaitent atteindre. C’est dans cette catégorie que l’on classera par exemple les négociations collectives menées par les travailleurs pour améliorer leurs conditions de vie ou de travail. 1.1.3. Hypothèse 2 : Le CATNET Il y a eu une modification dans la composition du CATNET qui a permis de fédérer un véritable noyau dur. C’est à Charles Tilly que revient la paternité du concept de CATNET11 et par là même celle d’une analyse axée sur la « sociabilité » dans son étude et sa définition des « groupes organisés ». C’est à travers ce concept que Tilly explique qu’un groupe « prend » ou « ne prend pas ». Erik Neveu a effectué un remarquable travail de vulgarisation de cette théorie en langue française12 13 dont je me suis aussi inspiré. 10 Why Men Rebel, Ted Gurr (1971), p 28. From Mobilization to Revolution, Addison-Wesley, 1976. 12 Sociologie des mouvements sociaux, p 60-62, Erik Neveu, 3ème édition (2002), Edition La Découverte, collection repères. 11 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 14 Le terme CATNET provient d’une contraction des mots CATegorie et NETwork (réseau) qui constituent les deux piliers de la théorie. CATégorie Par catégorie, Charles Tilly entend les caractéristiques absolument objectives qui assignent les individus à un groupe, une catégorie ou plus précisément à une « identité catégorielle ». Et donc, par définition les caractéristiques avec lesquelles il est très difficile voire impossible de rompre. On pourra citer ainsi l’âge, la couleur de peau ou bien le sexe. La spécialisation professionnelle ou bien la langue que l’on parle appartiennent aussi aux éléments « catégorisant ». En effet, même s’ils sont un peu plus souples que les précédents, il reste peu aisé de changer de métier ou de langue du jour au lendemain. NETness En parallèle de la catégorie, il existe une deuxième dimension : Le réseau (ou NETness). Par réseau, on entendra les liens d’ordre électifs par opposition à ceux qui nous sont assignés par un statut. Ces liens électifs correspondent à toutes les formes d'organisations volontaires, constituées des syndicats, des associations, des mutuelles, des amicales, etc. C'est l'univers des sociabilités partagées, le fait de faire du sport, de partir en vacances, d'avoir des loisirs avec un certain nombre de personnes. Cela peut également être l'ensemble des pratiques qui vont densifier les liens dans un groupe, le fermer sur lui même dans les cas extrêmes et pathologiques comme les phénomènes d'endogamie ou le fait que les enfants embrassent la carrière des parents. La logique du NETness est élective, les membres font le choix (d’entrer dans un syndicat, de s’inscrire à un sport) et en contrepartie, les autres membres du groupes dans lequel on a choisi de s’intégrer disposent aussi de la liberté d’accepter ou non cette intégration. 13 http://www.seniorscopie.com/dossier/article.asp?id=030526200601 consulté le 7/08/06. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 15 Le CATNET La théorie du CATNET consiste à combiner CATegorie et NETness et à se demander, chaque fois qu'on analyse un groupe latent, comment s'articulent ou ne s'articulent pas catégorie et réseau. L’articulation dont il est question doit se lire de la façon suivante : Plus les facteurs de réseau d'affinités, de sociabilités électives se superposent à des catégories objectives, plus, a priori, le groupe qui est analysé pourra être considéré comme dur, dense et in fine capable de se mobiliser. Exemple En reprenant la grille d’analyse Tillyenne du CATNET, Jacques Ozouf analyse le groupe des instituteurs14.. Ainsi, jusqu'aux années 50 la profession d’instituteurs était fortement organisée. Elle était dotée de nombreux réseaux (mutuelles, groupes de camping, compagnies d'assurances), qui se constituaient dès les écoles normales, institutions scolaires aussi fermées que des couvents. Les instituteurs épousaient des institutrices, avaient une vision fortement idéalisée de leur rôle de hussards noirs de la République. Autant de raisons qui faisaient de ce groupe un groupe « dur ». Une des raisons de l'affaiblissement des capacités de mobilisation du monde des instituteurs aujourd'hui, réside dans l'affaiblissement de sa CATNET, symbolisé par exemple par la hausse des mariages entre institutrices et cadres d’entreprises, ou le caractère moins vocationnel, moins militant du choix de ce métier. 1.1.4. Organisation, pérennité et efficacité du mouvement Après s’être intéressé au mouvement de contestation en tant que groupe et plus précisément à sa composition, son homogénéité, sa cohérence et sa solidité, vient tout naturellement la question de la manière dont il fonctionne, et interagit avec l’environnement extérieur qu’il souhaite modifier et qui constitue sa raison d’être. 14 Jacque Ozouf, Nous les maitres d’école, Gallimard, 1973. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 16 1.1.5. Hypothèse 3 : Nouveaux Mouvements Sociaux Génération Précaire qui apparaît comme ayant une structure à l’organisation très horizontale, très souple, très réactive, ouverte, engagée mais non marquée politiquement est un nouveau mouvement social. Notamment son rapport aux média et sa manière de communiquer se révélèrent extrêmement adaptés et efficaces. Pour vérifier cette hypothèse nous confronterons le mouvement Génération Précaire aux quatre critères caractérisés par Mellucci dans sa définition des nouveaux mouvements sociaux. Afin notamment de bien étudier la question du rapport aux média, nous insisterons tout particulièrement sur les formes et les répertoires d’action. La notion de Nouveau Mouvement Social (MNS) est double15. D’une part elle désigne les nouvelles formes de contestation qui apparurent dans les années 1960/1970. D’autre part, elle définit la théorie qui apparaît dans les années 1970 et qui, s’appuyant sur l’analyse des mouvements évoqués ci-dessus, propose une nouvelle grille d’analyse des mouvements sociaux en s’appuyant sur les ruptures apparaissant entre lesdits nouveaux mouvements sociaux et les mouvements sociaux antérieurs. Des sociologues tels que Touraine, Kriesi ou encore Riechmann s’inscrivent dans cette école des Nouveaux mouvements sociaux. Cependant c’est Alberto Melluci qui effectuera le premier des travaux sur le sujet. Il distinguera quatre dimensions16 qui marquent une rupture nette avec les mouvements anciens tels que le syndicalisme ou les mouvements ouvriers. Forme d’organisation et répertoire d’action Les NMS se caractérisent tout d’abord par une méfiance prononcée envers les mouvements de centralisation ou de délégation d’autorité à des états-majors distants. Ils leur préfèrent le fonctionnement en Assemblée Générale et la possibilité d’un contrôle efficace des dirigeants. 15 Sociologie des mouvements sociaux, p 66-68, Erik Neveu, 3ème édition (2002), Edition La Découverte, collection repères. 16 Alberto Mellucci, L’invenzione del presente Movimenti sociali nelle societa complesse, Il Mulino, Bologne, 1982. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 17 La forte décentralisation des structures permet à chacun et notamment aux composantes de base de disposer d’une véritable autonomie dans son action. C’est vraisemblablement dans cette autonomie que se trouve l’explication de l’inventivité dont font preuve les NMS pour relayer leurs messages à travers des actions peu institutionnalisées (sitin, occupation de locaux, grève de la faim) voire ludiques de protestation (flash-mob17) qui répondent généralement bien aux attentes des médias. Cette variété dans les actions menées tranche avec l’unicité de revendication que portent les NMS. En effet, les NMS ne s’occupent en règle générale que d’un seul dossier et disparaissent avec la mise en place de leurs revendications sur ce dossier. Valeurs et revendications La nature des revendications change avec les NMS. En effet, ces derniers ne revendiquent pas une meilleure répartition des richesses ou un accès facilité aux instances décisionnelles ou au pouvoir. Les revendications des NMS sont plus axées sur la résistance au contrôle social, sur l’autonomie. Ces revendications sont en même temps l’affirmation d’un style de vie ou d’identité (le terme gay pride constituant un exemple remarquable de ce point) avec une place du corps grandissante. Melluci voit dans la valorisation du corps ou de la nature la volonté d’échapper à la rationalité calculatrice et quantitative du capitalisme moderne. Rapport au politique Les NMS ne cherchent pas à s’emparer du pouvoir. Valorisant l’autonomie, leur objectif est au contraire d’échapper à l’emprise de l’Etat. Ils cherchent en effet à construire des espaces d’autonomie et à réaffirmer l’indépendance de formes de sociabilité privées contre l’emprise étatique. 17 cf. Annexe 18. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 18 Identité des acteurs Les acteurs des NMS ne revendiquent pas l’appartenance à une classe ou catégorie socioprofessionnelle mais élaborent de nouveaux principes identitaires (musulmans, antillais etc.). 1.1.6. Hypothèse 4 : La mobilisation La manière de recruter et de mobiliser de Génération Précaire constitue non seulement une explication de sa réussite mais un gage de sa pérennité. A travers une absence apparente de contrainte Génération Précaire utilise au mieux toutes les « bonnes volontés ». Pour analyser ces questions de recrutement et d’activité au sein d’un mouvement de contestation, nous allons reprendre les travaux de Mac Adam. L’analyse de Daniel Gaxie servira quant à elle exclusivement à déterminer quelles sont les incitations permettant l’investissement des militants. Mac Adam18 s’est intéressé aux raisons expliquant qu’au sein d’un groupe donné, certains soient actifs et d’autres passifs. Pour tenter de répondre à cette question, il mena une enquête sur les étudiants volontaires pour soutenir les mouvements des droits civiques au Mississippi. Il exploita 959 candidatures et, retrouvant la trace de 556 volontaires, il obtiendra une réponse (écrite ou via un entretien) de 384 anciens militants. Le cœur de son analyse consiste à déterminer pourquoi, alors que tous s’étaient portés candidats, certains allèrent sur place militer et d’autres pas. Dans ses conclusions, il met en évidence trois variables qui en croissant font croître la probabilité pour qu’un individu milite: Le contact avec des personnes déjà engagées dans l’action militante Une situation personnelle qui permet de minimiser les contraintes professionnelles. Des projets personnels recevant l’aval des gens affectivement proches. Nous reprendrons ces trois variables pour étudier lesquelles semblent pertinentes dans le cas de Génération Précaire, lesquelles ne le sont pas et éventuellement si d’autres variables apparaissent. L’étude des travaux de Daniel Gaxie19 permet de compléter efficacement la théorie de Mac Adam en s’attachant au quotidien des organisations et en tentant de comprendre les 18 Mac Adam, Freedom Summer, , Oxford university Press, Oxford, 1988. Gaxie Daniel, Economie des partis et rétribution du militantisme, Revue française de science politique, 1977, p 123-154. 19 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 19 relations et interactions suscitant l’engagement. Il met ainsi principalement en avant la dimension d’intégration sociale (convivialité du pot d’après réunion, sentiment valorisant de participer à un juste combat, sentiment d’appartenir à une grande famille). Ayant analysé le militantisme au sein des partis politiques, il mentionne encore des gains pouvant se ramener à des gains monétaires tels que des postes à responsabilités ou bien des emplois permanents. Enfin, il développe une théorie très intéressante qu’il nomme « effet surrégénérateur » et qui fonctionne comme un cercle vertueux pour les organisations. Il observe que dans certaines organisations et durant un temps donné, une course à l’action peut s’opérer. Pour reprendre une métaphore de Daniel Gaxie, certaines structures militantes produisent « d’autant plus de combustible qu’elles en consomment davantage ». Il ajoute que la satisfaction pour les militants d’atteindre leurs objectifs et d’autant plus grande que les efforts pour y parvenir ont été importants. Loin d’être retranché au bénéfice procuré par l’objectif atteint, l’effort consenti pour l’atteindre s’y ajoute. Gaxie remarque d’ailleurs à ce sujet qu’une des fonctions des organisateurs est d’entretenir l’activisme et ses satisfactions afin de susciter des interactions, un intérêt solidaire supérieur primant sur les calculs individuels. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 20 Partie 2. Méthode Dans cette partie, après avoir succinctement présenté le mouvement Génération Précaire, j’exposerai la démarche que j’ai suivie pour l’étudier. Ensuite j’aborderai les difficultés que j’ai pu rencontrer ainsi que les solutions que j’ai mises en place pour les résoudre. 2.1 Présentation du mouvement Grève des stagiaires ! Telle est la teneur du mail qui circule entre stagiaires courant septembre 2005. Beaucoup font suivre cet appel, simplement parce qu’il est très facile de faire suivre un mail, qu’au fond on n’est pas contre. Cependant, peu de gens y croient vraiment et ce n’est qu’un noyau très restreint qui se réunit autour de Catherine l’auteur du message et la créatrice du mouvement appelé Génération Précaire. Peu de gens y croient et pourtant, ce mouvement va connaître un véritable emballement médiatique grâce à une vraie maîtrise des codes des médias, l’utilisation de symboles forts (dont le masque blanc qui est porté par les membres lors de toute manifestation) et des revendications clairement exprimées qui suscitent un véritable élan de sympathie. Ces revendications20 peuvent être résumées de la manière suivante, un "statut" avec des droits inscrits dans le Code du travail garantissant notamment : Une rémunération systématique, progressive avec un minimum à hauteur de la moitié du Smic et assujettie aux contributions sociales. Un suivi pédagogique avec un tuteur qui conseille et perfectionne le stagiaire afin de favoriser l’insertion des jeunes actifs. Une limitation de la durée et du nombre des stages. Un délai de carence entre les stages pour "casser" l’emploi déguisé en stage. Le respect d’un quota de stagiaires par rapport à la masse salariale. Le droit pour un stagiaire de cotiser pour les retraites. 20 cf. Annexe 11. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 21 Pour faire aboutir ces revendications audacieuses, Génération Précaire va mettre en œuvre une manière originale de fonctionner, fondée sur une grande liberté d’action, un vrai pragmatisme et une action médiatique très efficace. L’objet de ce mémoire consiste précisément à décrire et analyser toutes les spécificités de ce collectif. 2.2 Démarche Mon étude de Génération Précaire s’est articulée en plusieurs phases. Dans un premier temps, j’ai effectué un travail exploratoire de recueil d’informations sur le mouvement afin d’appréhender grossièrement le mouvement et d’élaborer quelques idées forces à son sujet. Dans un deuxième temps, j’ai consulté divers ouvrages théoriques. Mon objectif était alors de déterminer les théories qui pouvaient se révéler pertinentes sur l’objet étudié et d’élaborer des hypothèses sur Génération Précaire. La dernière partie de mon travail consista à éprouver ces hypothèses en assistant à une réunion de travail de Génération Précaire, et en questionnant les membres de ce collectif. 2.2.1 Phase exploratoire Durant la phase exploratoire j’ai constitué une revue de presse remontant jusqu’à octobre 2005 et issue de ma lecture des principaux journaux français (le Monde, Libération, le Figaro) sur support papier ou numérique, du moteur de recherche Google, des dossiers proposés par Radio France et Le Monde mais aussi de la revue de presse effectuée par les membres de Génération Précaire eux-même et proposée sur leur site21. Ces différentes sources m’ont permis de recueillir plus de 70 articles de journaux aussi divers que L’Humanité, L’Express, La Tribune, Les Echos, La Croix. Pour des raisons matérielles, je ne joindrai pas tous ces articles à mon mémoire mais j’en donne cependant une liste exhaustive en Annexe. En parallèle de la revue de presse, j’ai consulté très régulièrement le site de Génération Précaire, afin de suivre leurs actions, leur évolution. 21 http://www.generation-precaire.org/ Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 22 2.2.2 Phase théorique Durant toute cette phase théorique, mon document de base fut l’ouvrage d’Erik Neveu intitulé Sociologie des mouvements sociaux (référence complète dans la bibliographie) que j’ai fiché intégralement. Cet ouvrage vulgarise les courants théoriques traitant de l’étude des mouvements sociaux. Il m’a permis d’acquérir une vision assez large des théories dont je pouvais m’inspirer dans mon étude de Génération Précaire. Traitant d’un grand nombre d’auteurs et de théories, la lecture de cet ouvrage se devait d’être complétée. C’est pour cette raison que j’ai lu -en partie ou totalité- les ouvrages sociologiques tels que Logique des Action collectives de Mansur Olson et Why Men Rebel de Ted Gurr. En outre, j’ai eu recours à Internet (et notamment Wikipedia) pour préciser certaines théories et travaux d’auteurs dont je me suis inspiré. En parallèle de ce travail de lecture théorique, j’ai aussi lu des études menées par des sociologues22 et publiées dans la Revue française de science politique sous le thème « Devenir Militant ». Cette lecture active m’a non seulement permis de me familiariser avec la manière de traiter un sujet sociologique mais certains travaux ont fait écho à mon propre travail et j’ai ainsi pu intégrer des remarques, questionnements et grilles d’analyse à mon mémoire. 2.2.3 Enquête terrain La synthèse des deux phases précédentes m’a permis de constituer un questionnaire ou grille d’entretien que j’ai utilisé lors de mes contacts avec les membres de Génération Précaire. Suite à un mail envoyé par le biais de leur site à la mi-mars, j’ai reçu très rapidement une réponse et j’ai été en contact téléphonique avec Géraldine, la personne chargée entre autres des relations avec les étudiants rédigeant leurs mémoires et thèses. Grâce à sa disponibilité, j’ai pu mener un questionnaire par téléphone, envoyer par écrit mes questionnaires aux membres de Génération Précaire (les quatre réponses obtenues sont en annexe) et assister à une de leurs réunions le 16 mai 2006. Arrivé en avance à cette réunion, j’ai pu m’entretenir avec les premiers arrivants. Ensuite, une fois la réunion lancée, je me suis contenté avec leur accord d’effectuer un enregistrement audio. Je n’ai toutefois pu assister qu’au début de la réunion car, à la demande 22 Confère Bibliographie. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 23 des membres de Génération Précaire, j’ai quitté celle-ci lorsque furent abordés des sujets ayant un impact politique. Au cours de cette réunion, j’ai pris contact avec deux membres du mouvement , Aline et Jacques, que j’ai revus le lendemain pour mener un entretien. En parallèle, j’ai eu l’occasion, d’interroger l’universitaire Jean-Marie Chevalier23 ainsi que le journaliste Derek Perrotte24. 2.3 Difficultés rencontrées : le problème de la proximité 2.3.1 Un éloignement géographique… Durant mon mémoire, j’ai été confronté à une première difficulté pratique du fait de mon éloignement géographique à partir de janvier 2006. En effet, j’ai effectué un échange académique à l’université allemande de Cologne jusqu’en juillet 2006. De ce fait, je n’ai pu assister ni à des manifestations organisées par Génération Précaire, ni à leurs réunions ouvertes qui se tenaient au Théâtre de verre. Pour les mêmes raisons, je n’ai pu assister qu’à une seule de leurs réunions et ne réaliser qu’un nombre limité d’entretiens car les périodes où je me trouvais en France étaient limitées. Cependant, cet inconvénient indéniable s’est trouvé estompé par la richesse du site de Génération Précaire, les réponses écrites à mon questionnaire envoyées par certains membres, les entretiens que j’ai pu mener ainsi que ceux menés par Elodie Vialle25 et un groupe de travail de l’IEP de Toulouse26 2.3.2 …qui n’empêche ni d’être trop proche des membres de Génération précaire… La deuxième difficulté, plus importante encore à mes yeux concerne mon objectivité face au sujet. Je suis en effet indéniablement proche des membres de Génération Précaire. 23 Professeur d’économie à l’université Paris IX-Dauphine, il soutient le mouvement depuis le début et a préfacé le livre écrit par le collectif Génération Précaire. 24 Journaliste des Echos qui a suivi le mouvement. 25 Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006. 26 Génération Précaire ou l’action des stagiaires, Frédéric Alegre, Claire Fernandez, Anaëlle Ingold, Lucile Miniere Véronique Mondini, Carole Tourde, 2006. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 24 Comme eux, j’ai entre vingt et trente ans, comme eux, j’ai effectué des études supérieures, comme eux j’ai fait des stages. De ce fait, je ne peux m’appuyer sur ce que Stéphane Béaud et Florence Weber nomment les « impressions d’étrangeté »27 et, mon appartenance au même milieu d’interconnaissance que les individus étudiés, m’empêche toute « enquête par distanciation ». Le risque de prendre fait et cause pour ce mouvement dont les membres me sont proches constituait aussi un écueil à éviter. Face à ces difficultés, ma première décision fut d’essayer de ne pas prendre parti sur les revendications afin de ne pas tomber dans un discours qui risquait de devenir politique et partisan. Je n’ai cependant, pas occulté ces revendications que j’ai analysées notamment pour en déterminer le caractère innovant. Je me suis efforcé de ne prendre en compte Génération Précaire qu’en termes d’organisation. Ensuite, et dans la mesure où je ne pouvais de toute manière pas occulter cette proximité avec les membres de Génération Précaire, j’ai tenté de l’utiliser au mieux. C’est ainsi que j’ai tenté de comprendre à travers ma propre expérience ce qui pouvait motiver un « jeune comme moi » à prendre part à ce mouvement, à choisir des modes d’action etc. Bien sûr il ne s’agit pas de dire que tous les membres de Génération Précaire sont non seulement homogènes mais qu’en outre ils me ressemblent… Loin de ce biais très dangereux, j’ai utilisé ma ressemblance supposée avec certains membres pour m’aider dans l’élaboration de mes hypothèses et pouvoir justement travailler sur toutes les différences, les ruptures qui sont apparues. 2.3.3 … ni d’être au cœur de l’action Lorsque j’ai commencé à étudier Génération Précaire, le mouvement avait à peine deux mois. A l’heure où je soutiendrai ce mémoire, il soufflera tout juste sa première bougie. Cette étude « à chaud » du mouvement présente le risque évident de ne pas avoir assez de recul sur les évènements. Ainsi, le danger est grand de confondre les inflexions mineures et les décisions majeures, de s’intéresser à ce qui s’avérerait n’être que détails et de passer à côté des véritables tendances de fond. Pour tenter d’apporter des réponses, j’ai cherché tout au long de mon travail à prendre un recul maximum tout en restant conscient que seul le temps permettra de juger la pertinence des éléments auxquels je me suis intéressé. 27 Guides de l’enquête de terrain, Repères. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 25 En outre, l’action dont il est question est essentiellement une action de contestation « pacifique ». Or, certains ouvrages que j’ai pu analyser traitaient d’actions de contestation plus « sauvages » (cf. Why Men Rebel de Ted Gurr par exemple). Tout un pan de leur analyse ne pouvait donc pas être utilisé en tant que tel car il était question de violences, des degrés de violence, du passage à l’acte. Pour remédier à ces difficultés, j’ai du trier avec attention les théories et déterminer lesquelles pouvaient être reprises telles quelles pour l’étude de Génération Précaire (comme la théorie sur les Nouveaux Mouvements sociaux de Mellucci), quelles théories devaient être adaptées et quelle théories ne pouvaient absolument pas être utilisées. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 26 Partie 3. Etude de cas Réunion au Théâtre de Verre, pétition recueillant 15 000 signatures, site visité par près d’un million de personnes, entretien avec le premier ministre Mr Dominique de Villepin, grève lancée à l’échelle nationale le 24 novembre, couverture médiatique nationale voire internationale, création d’un réseau européen. Mais de qui parle-t-on ? Sommes-nous en présence d’un puissant syndicat ou du moins d’une organisation éprouvée, rompue aux règles de la contestation ? Loin s’en faut, cette courte description n’est qu’un résumé certes partiel (partial ?) de Génération Précaire. Ce mouvement (il n’a même pas le statut d’association) qui, comme le stipule leur site, s’est donné pour mission de « fédérer tous ceux qui souhaitent aboutir à une réforme du statut des stagiaires ». Ce mouvement qui, au dire d’un de ses membres28, compte en moyenne 25 militants réellement actifs. Mais alors, comment 25 personnes arrivent-elles à faire tant de bruit ? 3.1 D’un mouvement qui se constitue… 3.1.1 25 personnes et plus et plus et plus… Tout d’abord parce que Génération Précaire sait profiter au mieux de toute les bonnes volontés, de chaque minute qu’un sympathisant est prêt à lui accorder. J’ai eu l’occasion de discuter de l’organisation de Génération Précaire avec Géraldine29, en charge notamment de répondre à ceux qui réalisent des travaux universitaires sur le collectif. La description qu’elle m’a faite du collectif peut se représenter de la manière suivante : 28 29 cf. Annexe 1, entretien Géraldine. Description plus complète en Annexe 21. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 27 Noyau Raccords Soutie Sympathisan Les définitions de noyau dur, raccords, soutiens et sympathisants 30 sont les suivantes : Noyau dur (20/25 personnes): Le noyau dur est constitué des personnes qui participent activement au mouvement, non seulement à ses actions mais aussi à son organisation en participant notamment aux « AG » et autres réunions. Raccords (environ 110 personnes) : Il s’agit de personnes qui ne viennent pas aux réunions mais envoient des mails et sont sollicitées pour des actions précises en rapport avec leurs disponibilités et leurs capacités (photocopies, faire passer les newsletters, mais aussi élaboration du logo de Génération Précaire31 grâce à deux graphistes qui font partie du groupe des raccords). Le moyen privilégié de contact avec ces personnes est le mail. Du fait de la grande diversité des raccords, la décision de les organiser par pôles a été prise. Les pôles sont constitués en fonction de critères tels que la localisation géographique où l’âge. 30 31 Que l’on retrouve avec la retranscription de l’entretien en Annexe 1. Cf Annexe 22. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 28 Soutiens (nombre inconnu): Il s’agit des gens qui gravitent autour de Génération Précaire et qui participent par exemple à une action. Sympathisants (nombre inconnu): Le groupe des sympathisants est constitué de toutes les personnes qui soutiennent le mouvement à travers des messages de soutien, des témoignages, des encouragements lors des manifestations etc. Le groupe Raccords : Mise en place d’un concept original et majeur… Ce groupe des raccords me semble très intéressant à étudier car il est significatif de la grande liberté d’engagement qui règne au sein de Génération Précaire et me semble être une particularité importante de ce mouvement. Participer à Génération ce n’est pas entrer en religion, chacun donne ce qu’il peut et tout le monde se contente des bonnes volontés qui se manifestent. Bien sur le mouvement ne manque pas d’ambition et de projets, mais à aucun moment, il n’exerce de pression exagérée sur ces membres où sur les personnes susceptibles de donner « un coup de main ». Tactique ou inné, ce mode de fonctionnement a convaincu plus d’une personne de participer à Génération Précaire et lui a permis de mener des actions importantes en regard de ses effectifs réduits. Avoir pensé et mis en place ce groupe des Raccords, traduit l’adaptation à une demande paradoxale de nombreux « jeunes » qui consiste à s’engager sans avoir le sentiment de s’enfermer. En outre, son fonctionnement limite considérablement les risques de frustration et de conflit au sein de Génération Précaire. Pour mieux comprendre ce dernier point, considérons une association X constituée de membres actifs (membres A) et d’autres qui bien qu’intéressés et soutenant les revendications de l’association ne peuvent ou ne veulent s’impliquer de manière trop conséquente et peuvent donc être considérés comme inactifs (qu’on nommera I). De deux choses l’une, soit I décide tout de même de devenir membre en signifiant ne pas vouloir « trop participer », soit I a peur de s’engager et préfère ne pas devenir membre afin d’éviter le risque d’une sollicitation (temps, argent, idéologie etc.) trop pressante. Dans la première option, si I en reste à son idée première de faible implication, il est très probable qu’il devra rapidement refuser des sollicitations venant de membres A qui Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 29 « oublieront » que la condition initiale à l’intégration au mouvement était une moindre participation. Cette dissonance dans les capacités d’engagement ne manquera pas de créer une frustration chez certains membres A ne trouvant pas chez leurs propres « frères » l’engagement qu’ils estiment nécessaire à la bonne marche de l’association et au nom duquel ils effectuent eux-mêmes des sacrifices. A l’inverse, le membre I ne supportera pas longtemps des appels répétés à un engagement qu’il n’est pas prêt à donner, ce qui aboutira à un désengagement total. Dans la deuxième option, à savoir la décision de I de ne pas prendre part à l’association, cette dernière se trouve de fait privée d’une force vive. Avec l’existence du statut de Raccord, Génération Précaire apporte une solution à ce dilemme en clarifiant la situation dès le début. En effet, être raccord, c’est exprimer clairement, je vous soutiens, je suis prêt à vous aider mais pas à m’engager trop avant. Les attentes des uns et des autres étant clairement exprimées au départ de l’engagement, les sources de frustration sont limitées comme l’ont confirmé les réponses que j’ai pu obtenir sur ce thème lors de mes entretiens. Le statut de raccord me paraît devoir être mis en relation avec une société de consommateurs et de « zappeurs ». On consommerait ainsi du mouvement contestataire sans prendre trop de risque, ni trop d’engagement et en laissant toujours grande ouverte la porte de sortie. Le terme même de raccord met en évidence le caractère potentiellement éphémère de cette participation. En outre, la mise en place de ce système apparaît comme une réponse originale à la problématique du passager clandestin mise en évidence par Mancur Olson32. En effet, pour les raisons évoquées ci-dessus ce système vise clairement à abaisser les coûts d’entrée. … qui déteint sur l’organisation des membres du noyau dur Il est intéressant de remarquer qu’au sein même du noyau dur, le raisonnement qui a présidé à la mise en place des raccords persiste. Lors de chaque entretien avec les membres actifs, cette grande liberté d’action mais aussi et surtout de « non-action » a été évoquée. A tout moment, un membre de Génération Précaire peut se mettre en retrait pour des raisons qui lui sont propres (famille, études ou tout 32 Logique de l’action Collective, Mancur Olson, Presse Universitaire de France, 1978. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 30 simplement nécessité de faire une pause face au mouvement chronophage qu’est Génération Précaire). Il ne sera pas jugé par ses pairs qui continuent de se consacrer à Génération Précaire. Lorsqu’il signifie son besoin de se mettre en retrait, le membre ne s’entendra pas dire « Lâcheur, regarde tout ce que tu devrais encore faire ! Si tu pars, nous allons devoir travailler encore plus pour compenser ton départ ». Au contraire, ce sont les paroles suivantes qui seront prononcées « on comprend, merci pour tout ce que tu as fait et à bientôt ». Car pour Génération Précaire, se mettre en retrait ne signifie pas s’exclure. A tout moment, une fois ses contraintes extérieures surmontées, tout membre pourra reprendre naturellement sa place sans rancœur de la part de ceux qu’il retrouve. Et, quand bien même la décision serait de ne plus revenir, les membres de Génération Précaire restent sur cette attitude positive de remercier pour le travail effectué et non de se plaindre du travail qui aurait pu être fait. La réponse de Géraldine, interrogée sur ce thème33 est très claire : « Tu participes comme tu veux et entre guillemets quand tu veux. Bon l’idéal c’est que les gens soient présents et que l’engagement soit constant mais on a eu plusieurs personnes, même bien plus de dix, je sais pas combien de personnes, un petit groupe quoi, qui ont participé plusieurs fois, qui partaient et qui revenaient. Ils venaient un moment et après ils repartaient. On a eu une fille comme ça qui a commencé fin novembre et qui est partie mi décembre. Elle a travaillé à fond comme ça et puis après elle est partie. Moi je dis pas non à ce genre de gens parce que ce qu’ils font pour le groupe quand même c’est important et après s’ils veulent rester ils restent si ils veulent pas rester ils restent pas » L’absence de rancœur est d’autant plus naturelle que ce mode de fonctionnement est clairement annoncé et que beaucoup ont pu y avoir recours. Il fait manifestement partie du socle des valeurs communes qui fondent et rapprochent les membres de Génération Précaire. Peu de membres, comme nous le verrons par la suite, avaient jusqu’alors pris part activement et durablement à des actions au sein d’un syndicat ou de tout autre mouvement, notamment par crainte de récupération, d’ « embrigadement », ou de perte de sens critique. Cette possibilité de prendre du recul apparaît même souvent comme une condition sine qua non de l’engagement et l’une des raisons qui a convaincu les membres de s’engager activement. Une autre raison, intimement liée à l’état d’esprit que nous venons d’évoquer et que nous développerons par la suite fut, de l’avis de tous, l’indépendance politique du collectif. 33 Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Géraldine. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 31 En outre, certains membres soulignent que pour eux, l’engagement dans Génération Précaire se concevait de manière ponctuelle. En effet, Génération Précaire porte une revendication très claire et très précise (répondant en cela très exactement aux critères énoncés par Mellucci dans sa définition des nouveaux mouvements sociaux). Or suite au grand battage médiatique et aux prises de contacts avec des spécialistes et des politiques, certains membres pensaient voir aboutir très rapidement leurs revendications. Une fois la mission de Génération Précaire atteinte, la raison d’être de ce collectif disparaissait et par la même leur engagement en son sein comme l’explique Amida34 « Dès le départ, le collectif était voué à mourir. Moi je me disais, quand j’ai vu tout l’écho médiatique qu’on avait “ dans un mois on a une loi “ » Concernant cette possibilité de prendre du champ, il est très révélateur de remarquer que, Catherine, la fondatrice même du mouvement, est en retrait depuis quelques temps sans que cela semble poser le moindre problème. Comme expliqué précédemment, les membres ne se sentent pas abandonnés mais en plus, il ne semble pas que le fonctionnement de Génération Précaire pâtisse de cette prise (momentanée ?) de distance. Ce dernier point découle de l’organisation très particulière de Génération Précaire qu’il s’agit de préciser. 3.1.2 … à l’organisation particulière Compte tenu du nombre réduit de membres réellement actifs (jamais plus de 25/30 personnes en même temps selon Géraldine), la structure de Génération Précaire est d’une souplesse extrême même si certains points peuvent apparaître de prime abord comme très contraignants. Le principe de l’unanimité En effet, les décisions au sein de Génération Précaire ne sont pas prises à la suite d’un vote proportionnel mais à l’unanimité. Ce principe d’unanimité fut décidé lors des premiers débats houleux comme le relate Louis35 : 34 Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Amida. 35 Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Louis. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 32 « Ca a été décidé un soir, alors qu on préparait notre doc de position. On “s’engueulait “. Sur un point, à un moment, on n y arrivait pas alors on dit “allez on vote“. Et puis il y a un mec à un moment qui dit « non il faut mieux qu’on fasse ça par consensus ». Et tout le monde a dit ok. Et finalement, ça n a plus jamais été remis en question. Ca a été imposé comme ça, sur une question à un moment donné. On a fait comme ça, on a continué comme ça. » Depuis, cette prise de décision à l’unanimité est l’un des fondements du fonctionnement de Génération Précaire. On s’y soumet ou l’on quitte le mouvement comme l’indique Géraldine en évoquant l’exemple de la seule personne qui ait tenté de faire prendre les décision à la majorité et qui a finalement quitté le mouvement. Pour Géraldine, il est très important de rester fidèle à la règle « on est tous d’accord ou on est pas d’accord »36 Jusqu’à présent, cette recherche du consensus a permis de conserver une vraie cohésion au sein des membres actifs. Les débats semblent avoir été plus houleux au début et il n’était pas toujours aisé d’atteindre le consensus. Avec le temps, la confiance s’est instaurée entre les membres et comme le souligne Jean37 « Bon voilà, si on n’est qu’un ou deux à ne pas être d’accord et que ce n’est pas primordial, on accepte. Il faut dire que maintenant on se fait plus confiance ». Cependant une personne « farouchement opposée » comme le dit Géraldine peut bloquer la décision finale ou bien la modifier. C’est ainsi que très peu de temps avant mon interview, un membre dont l’anonymat sera conservé s’est opposé contre tous au principe de progressivité des salaires qui avait été proposé et accepté par tous les autres membres. Sa position a été entendue et le texte modifié jusqu’à obtention d’une solution convenable pour tous. Maturité et pragmatisme Ce fonctionnement est rendu possible non seulement en raison du faible nombre de personnes qui prennent part à la décision et de leur maturité mais aussi grâce au domaine très précis sur lequel portent les revendications. Génération Précaire parle des stages, les membres de Génération Précaire sont là pour parler des stages et sont sur la question des stages suffisamment proches quant à leurs revendications pour que le consensus soient possible. Ainsi, comme le souligne Amida38 « On s’entend bien même si on peut avoir des grosses 36 cf Annexe 5. En marge de l’entretien que j’ai mené avec Géraldine. 38 Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Amida. 37 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 33 39 différences d’opinion … Là où ça m’a surpris, c’est qu’on discute, et on arrive toujours à un consensus. Moi j’ai jamais eu l’impression de me trahir par telle décision par exemple ». Lors de la réunion à laquelle j’ai pu assister, j’ai été impressionné par la grande rigueur et le grand pragmatisme qui régnait. Une dizaine de membres étaient présents, l’ordre du jour était clair, les problèmes et les questions posés étaient pratiques et précis. Il régnait une véritable autodiscipline, une réelle écoute, la possibilité pour chacun de s’exprimer et assez peu de discussions parasites. Lorsqu’un sujet soulevait trop de questions et menaçait de cannibaliser la réunion, la décision de l’approfondir et de la préciser afin de régler la question lors d’une réunion ultérieure était très rapidement prise. Une personne volontaire était chargée d’effectuer ce travail. Cela permettait de passer à un autre sujet, de prendre des décisions très pratiques, de nommer les membres chargés de les effectuer. En parallèle, tapant sur son ordinateur, Patrick rédigeait en temps réel le compte-rendu de la séance, immédiatement disponible par Internet à tous les participants et évitant tout temps mort et flou qui pourraient ralentir l’action. A aucun moment, la réunion n’a dérapé vers des discours théoriques sans fin. Cette grande efficacité dans la tenue des réunions provient certainement d’une alchimie réussie entre l’expérience qu’ont certains membres de l’action militante avec le regard nouveau apporté par des membres qui n’avaient jamais milité auparavant. L’organisation en pôles Si les décisions sont prises de manière collégiale, le fonctionnement quotidien de Génération Précaire se structure autours de pôles (politique, juridique, mobilisation, média, étude, régions, international, étude, témoignages et Internet)40. Les membres s’organisent selon leurs compétences, leurs envies et leurs disponibilités. C’est ainsi que l’on retrouve un grand nombre d’étudiants en Droit dans le pôle juridique qui furent notamment en charge de la rédaction des amendements proposés à la classe politique. Le nombre de personnes au sein d’un pôle varie en fonction des besoins et des bonnes volontés. Pour reprendre l’exemple du pôle juridique, sa taille a pu varier entre trois et dix personnes. Il n’est pas rare de voir des membres présents dans différents pôles en même temps. En outre, nul besoin d’être dans le pôle Politique pour aller rencontrer un homme politique qui sollicite un entretien avec Génération Précaire. A l’inverse, on observe aussi que certains 39 Orientation politiques etc. Sois Stage et Tais-Toi ! Pour en finir avec l’exploitation des stagiaires, écrit par le collectif Génération Précaire, Edition La Découverte, Avril 2006, note de bas de page, p19. 40 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 34 membres peuvent être complètement étrangers à certains pôles. Ainsi, Louis, qui est pourtant l’un des membres fondateurs ne participe pas aux flash mobs. Et ce, bien qu’elles constituent, comme nous le verrons par la suite, à la fois une marque de fabrique et une raison du succès de Génération Précaire « Ah les flash mob, non. J’aime pas les flash mobs. J’aime pas les manifs, même si je reconnais que c’est nécessaire pour le mouvement.“ 41 » Cette organisation en pôles symbolise bien l’absence totale de hiérarchie au sein de Génération Précaire. Aucun pôle ne prédomine sur un autre et personne n’est au dessus de l’autre comme le prouve la recherche du consensus. Les mouvements permanents d’un pôle à l’autre rendent impossible l’établissement de « chefs de pôle » qui de toute manière ne sont pas désirés. Ceci est d’autant plus vrai que Génération Précaire n’a aucune structure légale. Ce n’est pas une association car aucune demande de statut n’a été déposée42. Il n’y a donc ni président, ni secrétaire ni aucune relation hiérarchique d’aucune sorte. Sa structure, allégée au maximum, ne dispose d’aucune lourdeur hiérarchique ou bureaucratique ce qui lui confère une redoutable réactivité et rapidité d’action. Les relations au sein du Collectif En raison des besoins et de la forte implication des membres et du fait que la majorité de ces deniers participent à plusieurs pôles, la circulation entre les différents pôles est très présente. Les contacts noués durant les réunions « plénières » mais aussi en plus petit comité ont modifié au cours du temps les relations entre les membres. Tous s’accordent maintenant à dire que des liens d’amitié se sont tissés en parallèle de leur engagement. Des amitiés qui en dehors du collectif n’auraient sûrement pas vu le jour du fait de la grande disparité de ses membres43 comme souligné par Amida44 : « Forcément il y a des gens du collectif avec qui j’ai plus d’affinités que d’autres. Parmi les gens du collectif, il y en a qui sont des potes. Après, pendant les réunions, ça peut vite partir en apéro. […]On s’entend bien même si on peut avoir des grosses différences d’opinion…» 41 Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Louis. 42 En fait, comme le mentionne Jean en marge de l’entretien que j’ai mené avec Géraldine, il existe unique ment une structure destinée à gérer l’argent gagner grâce au livre que Génération Précaire a publié et qui sera évoquer par la suite. 43 Que nous aborderons dans la partie traitant du recrutement. 44 Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Amida. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 35 Ainsi, des amitiés indéniables se sont nouées avec notamment des fêtes d’anniversaire passées en commun et la mise en place de référentiel commun en dehors même de Génération Précaire. Ainsi, suite à la réunion de Génération Précaire à laquelle j’ai assisté, j’avais pris contacts séparément avec deux membres (Aline et Jacques) afin de poursuivre et de réaliser entretien avec eux le lendemain. J’avais convenu avec les deux, que je m’adapterai à leurs contraintes en les rejoignant au lieu et à l’horaire qui leur conviendrait. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je reçu coup sur coup deux textos me fixant rendez-vous au même endroit (la fontaine en face de la Sorbonne). Les horaires proposés étant rapprochés, j’ai décidé de coupler les deux entretiens. Une fois réunis, Aline nous a proposé de nous diriger dans un bar à vin de sa connaissance qui se situait à quelques centaines de mètres. Nous nous y rendîmes et découvrions attablée un troisième membre de Génération Précaire qui discutait avec ses amis (non Génération Précaire). La recherche d’amitié nouvelles ne constituait pas une motivation initiale pour les membres lors de leur choix de s’impliquer dans le mouvement. En effet, ces derniers sont bien intégrés socialement et ne souffraient d’aucun problème relationnel particulier. Louis45 adopte même une position originale à ce sujet « Oui, il y a des groupes d’amis qui se sont fait. Enfin moi, ça va pas changer tellement. J’étais pote avec Patrick, et je vais garder le contact avec quelques membres de Génération Précaire. Mais j’aimerais pas que ça devienne un groupe d’amis » L’organisation non parisienne Si, de fait, l’activité de Génération Précaire se concentre sur Paris, on observe une volonté d’étendre le mouvement à la fois en province et en Europe dès le début du mouvement. C’est ainsi que des contacts ont été pris très rapidement avec des organisations européennes, notamment DGB et Fair-Works-Verein en Allemagne qui s’étaient créées dès 2004 mais n’ont pas réussi à percer réellement sur cette question malgré un adossement au SPD. Ces contacts se sont concrétisés par une manifestation européenne. Des manifestations se sont déroulées à Paris, Berlin, Bruxelles, Vienne, Dresde et Stuttgart avec des mobilisations d’ampleur très différente selon le pays. Véritable locomotive de cette entente européenne grâce à leur succès national, Génération Précaire a vu certain de ses codes (le masque) repris en Allemagne notamment par 45 Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Louis. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 36 des organisations qui espèrent ainsi obtenir une plus grande reconnaissance que celle dont elles bénéficient actuellement. C’est d’ailleurs à l’instigation de Génération Précaire que la première réunion entre stagiaires européens s’est tenue à Paris le 11 Février 2006. Elle regroupait notamment des stagiaires espagnols et allemands en marge de la semaine de rencontre que Génération Précaire avait organisée sur le thème « Stage et précarité ». Génération Précaire a en outre mis en place un site Internet européen en cinq langues (français, anglais, allemand, espagnol et italien)46. Pour le moment, force est d’avouer qu’ en raison de l’étendue des chantiers nationaux, les échanges européens restent limités, d’autant plus qu’à l’exception de l’Allemagne, il existe peu de structures dans les différents pays européens et que leur capacité d’action est très faible. Il est cependant très intéressant de voir avec quelle rapidité la dimension européenne s’est imposée au sein du collectif. Elle prouve à la fois la grande liberté des membres47 ainsi que l’intérêt perçu par Génération Précaire d’augmenter singulièrement son impact national en acquérant une dimension internationale. Si la présence au niveau européen peut-être considérée comme un demi succès, l’implantation de Génération Précaire en province est encore plus aléatoire. Malgré de réelles tentatives, le mouvement a eu peu de succés en province. Il semble n’exister qu’une présence très restreinte à Toulouse, Lyon, Marseille et Lyon. Les actions sont nettement moins structurées qu’à Paris. Ainsi, à Toulouse, une manifestation s’est déroulée sans que les participants ne portent de masques alors que, nous l’analyserons plus tard, manifester masqué est primordial pour l’image de Génération Précaire. Disposant de très peu de moyens financiers, les membres ne peuvent pas réellement se déplacer en province et les contacts téléphoniques ou Internet ne suffisent pas à faire passer l’esprit et l’efficacité de la cellule parisienne. Ce qui est tout à fait suffisant pour des actions ponctuelles, des raccords, ne l’est plus pour des membres vraiment actifs et l’on atteint là les limites de contacts uniquement virtuels. L’émulation des réunion, les échanges d’idées à bâtons rompus ne peuvent pas être réellement remplacés par des appels téléphoniques, des mails ou des « chats ». Outre cette difficulté, l’échec du développement en province s’explique aussi par le fait que Génération est un mouvement qui a besoin des médias pour exister et mener une action efficace. Or, en France, c’est à Paris que se concentrent les médias qui comptent. 46 47 http://www.generation-p.org/en/index.php. C’est Jacques, instigateur de l’idée qui s’est chargé de la mettre en place. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 37 3.1.3 Le recrutement La force des médias… Les manières de se retrouver engagé auprès de Génération Précaires sont diverses. Les tout premiers membres se sont rencontrés par le biais d’un forum Internet sur lequel ils échangeaient leurs expériences et leurs ras-le-bol sur la question des stages. Catherine a eu l’idée de lancer une grève des stagiaires et c’est pour préparer cette grève qu’a eu lieu la première rencontre entre ceux qui allaient devenir les trois membres fondateurs (Patrick, Louis et Catherine) de Génération Précaire. A la suite de cette réunion, un blog48 est crée qui sert de repère et de lieu d’échange pour tous ceux qui entendent parler alors du mouvement (grâce notamment à des mails qui circulent de boîtes en boîtes et qui annoncent ce projet de grève). La première manifestation qui se tient le 4 octobre ne mobilise que 25 personnes ; c’est pourtant un véritable succès car la couverture médiatique de l’évènement est exceptionnelle en comparaison du nombre de participants. Télévisions (Canal +, France 2 et TF1), radios (France Info, France Culture, France Inter, RMC, Europe 1, RTL et Fun Radio) et journaux (Le Monde et lemonde.fr, Libération, France Soir, Lille Plus et l’Humanité) répondent présents. En fin de compte, il y a plus de journalistes que de manifestants. Grâce au traitement positif que les médias réservent à cette première flash mob, de nombreuses personnes contactent Génération Précaire dans les jours qui suivent.. Dès lors, les vagues de recrutement suivront souvent les actions médiatisées de Génération Précaire telles que les flash mobs qui jouent un rôle majeur dans sa popularité, non seulement car elles permettent d’avoir une visibilité médiatique mais qu’en outre, cette visibilité s’accompagne d’un élan de sympathie comme nous l’étudierons lors de notre analyse des modes d’action. Il serait pourtant faux de réduire Génération Précaire à une bande de joyeux lurons experts du spectacle de rue. Très vite, et par des moyens que nous analyserons par la suite, il a su se positionner comme l’expert de la question des stages. A tel point que lorsque que 48 Définition en Annexe 18. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 38 Aline49 s’adresse au syndicat SUD suite à des problèmes dans le déroulement de son stage, ces derniers s’avouent incompétents et la réorientent vers Génération Précaire. Bien souvent les raisons ayant abouti au recrutement se mêlent. Les recherches Internet, la découverte du site de Génération Précaire, les mails reçus par des connaissances, les reportages et articles lus, vus ou entendus s’additionnent, se succèdent ou se superposent dans les démarches de ceux qui finalement prendront part au mouvement.. …n’empêche pas certaines variables « Mc Adamienne » de jouer Dans les réponses qu’ils apportent à la question de leurs motivations, les membres de Génération Précaire évoquent naturellement deux des trois variables évoquées par Mc Adam pour expliquer la probabilité croissante pour qu’un individu milite. Une situation personnelle qui permet de minimiser les contraintes professionnelles Il s’agit de la variable la plus fréquemment évoquée par les membres. Il faut dire qu’en tant qu’étudiants, stagiaires ou bien demandeurs d’emploi, certains membres voyaient leurs contraintes professionnelles singulièrement minimisées. Cela ne signifie pas que les membres en question n’ont pas eu à consentir de réels sacrifices en consacrant un temps et une énergie considérables au mouvement. Ce constat pointe simplement qu’ils étaient en mesure d’effectuer ces sacrifices du fait des contraintes minimes évoquées. Parmi les membres interrogés, un seul, Louis, a mentionné l’existence d’un emploi (qui ne soit pas un stage) durant la période que j’ai analysée. Sa parole est éloquente: « Au début de l’hiver oui [ne travaillait pas] et puis au mois de novembre j’ai bossé mais c’était un boulot de prof en BTS. Un remplacement… C’était 15 ou 16h… Donc ça me laissait du temps pour faire autre chose. En plus j étais un mauvais prof, je préparais pas trop…Mais j ai vraiment été sur Génération Précaire une grosse partie de l’hiver.» Une forte proportion de membres évoque a contrario la difficulté de mener de front le combat de Génération Précaire avec les contraintes professionnelles qui naîtront à la rentrée suite aux emplois qu’ils ont obtenus. Pour le moment en suspens durant les vacances d’été, cette question sera au centre des débats de la rentrée comme l’indique la réponse de Patrick lorsqu’on lui demande début août s’il a trouvé un travail.50 49 Cf entretien de Aline et Jacques en Annexe 2. Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Patrick. 50 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 39 « Oui un CDI. […]Du coup, maintenant je n’ai pas beaucoup de temps. C’est difficile de faire les choses bien. Je vais continuer à suivre le mouvement, si je peux aider ils savent qu’ils peuvent faire appel à moi. Il y en a qui y arrivent très bien. Avec mes horaires actuels, ça va être difficile. » Des projets personnels recevant l’aval des gens affectivement proches L’aval des personnes proches est relativement présent dans les facteurs ayant motivé l’implication au sein de Génération Précaire. A quelques exceptions près, les membres sont issus de familles militantes qui avalisent cet engagement. Pour certains, comme pour Thomas, c’est d’ailleurs l’occasion de tisser de nouvelles relations avec leurs parents : « Tu étais issu d’un milieu militant ? Oui…justement c’est intéressant parce que c’est quelque chose qui m’a réconcilié en quelque sorte avec ma famille où on parle beaucoup politique, mais jamais on n’aurait demandé aux enfants de faire de la politique, et il y a une espèce de tristesse à voir que les enfants s’intéressent mais ne franchissent pas le pas, même si ils comprennent la base de cette désaffection. Et moi depuis que j ai commencé Génération Précaire, ma mère, mes parents m’ont toujours soutenu, tout le monde est derrière moi. » Pour tous, le cercle des amis et connaissances constitue un formidable soutien pour continuer car il leur confirme notamment que « la cause est juste ». Mais assez peu de contact avec des personnes déjà engagées dans l’action militante En revanche, très peu de membres ont mentionné le contact avec des personnes déjà engagées dans l’action militante au sein de Génération Précaire. Et lorsque cet élément est évoqué, il l‘est à la marge et n’explique pas l’engagement. Ainsi, Jacques nous explique bien qu’il a « connu Génération Précaire par un ami qui [lui] 51 avait fait suivre l’appel à la pétition » . Il faut cependant bien voir que cet ami en question n’a été qu’un passeur d’e-mail, qu’il n’était pas impliqué dans le mouvement et qu’il n’a pas incité Jacques à y prendre part. La majorité des membres de Génération Précaire ne se connaissaient d’ailleurs pas avant de s’impliquer dans le collectif. En outre, étant donné l’état d’esprit des membres, un prosélytisme soutenu serait contre-productif. Même si parler de leur engagement ne rebute pas les membres, convaincre leurs proches d’y participer avec eux ne correspond pas à leur mode de pensée. Ils refusent toute tentative de persuasion trop appuyée, redoutant de participer à une organisation qui accueillerait (ou créerait) ce profil de personnes si 51 cf. Annexe 2. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 40 insistantes et donc si fermées. Cohérents avec eux-mêmes, ils ne recherchent donc pas à démarcher leur entourage. Qui plus est, les personnes qui seraient recrutées de la sorte ne correspondraient pas à la structure d’esprit des membres en place. C’est ainsi que Aline « confesse » avoir « ramené 52 une copine à force de lui avoir parlé du mouvement. Il faut dire que depuis elle est partie » . Aline faisant partie des dernières arrivées (fin Février- courant mars) et l’entretien que j’ai mené ayant eu lieu le 17 Mai, le passage de l’amie en question fut donc très rapide. J’ai été étonné de constater que la question du recrutement ne semble pas une priorité. Si les membres sont très accueillants vis à vis de tout nouveau, il n’existe aucune politique réelle de recrutement. Il est ainsi intéressant de remarquer qu’aucun pôle recrutement n’existe. Les raisons en sont multiples, tout d’abord, le fait qu’il ait semblé que les revendications allaient être très rapidement acceptées grâce à la forte médiatisation, ensuite parce que les membres préfèrent se concentrer exclusivement sur leur action, ce qui rend le mouvement suffisamment visible pour que les personnes susceptibles de s’engager prennent connaissance de l’existence de Génération. …d’une grande diversité ? Cette absence de prosélytisme direct est, à mon sens, l’une des explications de la grande diversité des parcours qui se retrouvent à militer au sein de Génération Précaire. Il s’agit d’ailleurs d’une diversité aisément mise en avant par les membres. Il est vrai que peu de choses semblent rapprocher l’ancien étudiant syndicaliste nationaliste breton ayant suivi des études de droit de l’étudiante chilienne venue à Paris il y a sept ans pour étudier la conservation et la restauration du patrimoine. Les exemples pourraient se multiplier à l’infini car en effet, il existe peu de points communs entre ces jeunes aux origines sociales, âges, orientations politiques, centres d’intérêts et études bien différents. Avec tant de différences on pourrait en venir à douter de la pertinence du modèle CATNET pour ce mouvement. Il n’en est rien. A très peu d’exceptions près53, tous les membres ont effectué où sont en train d’effectuer des études universitaires poussées. Si les études sont très différentes d’un individu à l’autre, elles ont en commun de correspondre à des DESS, DEA ou plus. Cela constitue indéniablement une CATégorie forte qui sert de base, de référentiel commun. Cet élément est une réponse à la question posée en introduction sur les dénominateurs communs 52 53 Cf. Annexe 2. Il a été mentionné l’existence d’un membre, Loïc qui suivait un BTS. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 41 entre tous les stagiaires. Génération Précaire ne défend pas tous les stagiaires, il défend principalement les stagiaires qui comme eux ont fait de longues études comme le mentionne d’ailleurs Patrick lors d’un passage sur RMC54 : « Le mouvement de Génération Précaire s’est constituer pour mettre fin aux abus des stages abusifs qui concerne surtout bien sur les étudiants du supérieur […] En fait je parle des stages du supérieur évidemment». Paradoxalement, ce mouvement qui défend les stagiaires compte assez peu de stagiaires. Pour être plus exact il compte assez peu de personnes qui effectuaient un stage au moment des entretiens. En effet, tous55 ont eu des expériences de stagiaires plus ou moins heureuses. Tous se sont trouvés confrontés à une difficulté, un problème qui a suscité en eux une prise de conscience. Cette prise de conscience varie d’un individu à l’autre. Cela peut être l’incapacité de sortir de la condition de stagiaire car les entreprises proposent des stages mais pas d’emploi (Catherine), un conflit avec son maître de stage dont on estime qu’il dévoie le système des stages (Aline), une révolte face aux rémunérations jugées indécentes au regard du travail effectué (Patrick). Comme l’exprime Leslie56, les membres de Génération Précaire sont des « revenus du stage » et c’est dans ce retour qu’ils puisent leur unité et leur motivation. 3.1.4 Motivation Je m’interrogeais en introduction et au début de mes recherches sur les raisons qui incitaient les membres de Génération Précaire à consacrer autant d’efforts pour modifier la condition du stagiaire alors qu’eux même n’étaient plus stagiaires ou ne le resteraient pas longtemps et qu’en outre, l’anonymat les empêche de retirer toute gloire immédiate et à venir. Il semblait alors que seul l’altruisme était le moteur de leur action, ce qui m’apparaissait comme peu probable. Suite à mes recherches sur ce thème, il m’est apparu qu’effectivement les membres actifs de Génération n’oubliaient pas de militer aussi pour eux. 54 RMC, émission "Les grandes gueules" du jeudi 20 avril 2006. A l’exception de Jean qui fait pourtant partie de Génération Précaire depuis Octobre et qui n’a jamais effectué de stage. 56 Cf. Questionnaire en Annexe 7. 55 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 42 Une action valorisante A travers l’aval des gens affectivement proches que nous avons traité ci-dessus, certains membres de Génération Précaire ont amélioré l’image qu’ils avaient d’eux-mêmes. Une image détériorée par des stages où ils avaient l’impression de se faire exploiter, de ne faire l’objet d’aucune reconnaissance et même parfois d’avoir du faire taire leur conscience. Et dans des cas extrêmes, ces éléments se cumulent comme le relate Thomas57 : «[Une] fille qui travaillait chez XXXX, pratiquement pas payée, elle n’avait pas le droit de dire qu’elle était stagiaire dans la boîte, elle travaillait aux ressources humaines et elle avait interdiction de prendre des homosexuels, des noirs et des arabes. Donc elle, elle avait la totale. Pour elle, le stage, ça avait été tellement oppressant.» Cette notion de valorisation est présente dans de nombreux entretiens. Par Génération Précaire, certains se revalorisent à leurs propres yeux en se rassurant sur leurs capacités. Des capacités que les stages effectués n’avaient pas permis de révéler ce qui avait pu provoquer une fragilisation des individus. Grâce à leur action au sein de Génération Précaire, ces individus là ont eu la possibilité de se reconstruire, de reprendre confiance en eux et en leurs capacités. Il s’agit en quelque sorte d’une contestation du système des stages comme thérapie contre les séquelles occasionnées par un stage destructeur. C’est cette lecture qui peut-être apporté à l’exemple donné par Thomas58 : « Tu veux dire que pour beaucoup de gens de Génération Précaire le fait de créer ce mouvement ça a remédié à un trouble personnel ? Oui, il y a des jeunes filles comme XXXX, c’était des gens qui sont venus chez nous dans un état de fragilité psychologique. Elle était vraiment en phase paradoxale, comme quelqu’un qui est en cure et qui peut facilement basculer dans un état où il peut se sentir mieux, mais où il est à la frontière. C’était pénible pour elle de revenir sur ces choses là. Elle était au moment où elle allait fabriquer la réponse, mais tout en étant encore dans la difficulté psychologique » 57 Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Thomas. 58 Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Thomas. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 43 Un plaisir à faire des sacrifices ou l’effet surrégénérateur La très forte implication des membres (lorsque qu’ils sont présents) ne saurait s’expliquer uniquement par la valorisation évoquée ci-dessus. En effet, nul besoin de consacrer des jours et des nuits au collectif pour restaurer l’image de soi. Cette implication extrême, ses sacrifices librement consentis59 ne peuvent s’expliquer que si l’on considère, comme Daniel Gaxie le suggère60, l’existence d’un effet qu’il nomme surrégénérateur. Ainsi le sentiment de satisfaction ressenti est d’autant plus fort que l’on a consenti des sacrifices, c’est à dire du temps ou des efforts. Cependant, se mobiliser pour Génération Précaire n’est pas un chemin de croix. L’ambiance au sein de ce collectif est très stimulante comme l’évoque Patrick61 : « Je te parlais de la rédaction des amendements. C’était vraiment grandiose. On s’est retrouvés entre juristes dans une ambiance…avec une vitesse et une sérénité... On se complétait naturellement, et quand des élus lisent les amendements sur une loi que tu as rédigé…On était super jeunes, on avait pour ainsi dire pas eu de vrai travail, et on se retrouvait à rédiger des amendements. C’était grandiose. Et on se battait pour quelque chose qui nous tenait à cœur. Tous les éléments étaient réunis pour que ce soit très fort. » Cette ambiance de travail stimulante et gratifiante constitue donc un élément supplémentaire permettant d’expliquer la motivation des membres à agir. Cependant, si cet effet de valorisation est réel car provenant de la certitude d’agir bien, pour la bonne cause, il ne constitue pas l’élément déclencheur de l’entrée à Génération Précaire. Ce n’est pas lui qui fait passer le pas car il n’intervient qu’une fois impliqué et actif au sein du collectif. Mais dont les sources de l’engagement résident dans une frustration relative latente Tous les membres de Génération Précaire décrivent un état de réelle frustration au moment d’entrer au sein du collectif et l’on peut retrouver notamment le scénario du déclin développés par Ted Gurr62. En effet, certains membres de Génération Précaire se sont vus contraint d’accepter des stages alors que, diplôme obtenu, ils recherchaient un emploi. Il leur 59 Comme nous l’avons vu, chaque membre est libre à tout moment de se désengager Gaxie Daniel, Economie des partis et rétribution du militantisme, Revue française de science politique, 1977, p 123-154. 61 Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Patrick. 62 Why Men Rebel, Ted Gurr (1971), p 28. 60 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 44 semble qu’ils ne pourront jamais échapper à ce statut de stagiaire63 alors même qu’ils aspirent à un emploi stable. Catherine, la fondatrice du mouvement n’exprime rien d’autre lorsqu’elle dit “Ce qu’on veut, c’est très classique : avoir un boulot, fonder une famille. Sans l’insertion professionnelle, on ne peut pas faire de projets d’avenir“ 64 Cette situation est nouvelle. Auparavant, les jeunes diplômés n’avaient aucun doute sur leurs capacités à obtenir un emploi et la relative sécurité matérielle qui l’accompagnait. Il s’agit d’un schéma typique de frustration due à un scénario du déclin, c'est-à-dire lorsque les valeurs attendues restent stables mais que, du fait d’une perception négative du présent et de l’avenir, les valeurs accessibles ou la perception des valeurs accessibles déclinent. Un passage du stage amateur au stage professionnel… Si l’on analyse en profondeur les raisons de cette frustration, on distingue deux éléments distincts et pourtant étroitement liés, deux éléments qui m’apparaissent essentiels dans la mesure où ils permirent la fédération de ce mouvement de contestation. Ces deux éléments sont d’une part les compétences toujours plus grande qui sont demandées aux stagiaires et de l’autre la durée toujours plus longue durant laquelle les jeunes effectuent des stages. Nous les résumerons en une expression apparemment antinomique : « la professionnalisation du stagiaire ». Du temps du stage « amateur », la rémunération était faible ou inexistante et l’intérêt des tâches pas toujours au rendez-vous (qui n’a pas entendu parler du stage café/photocopieuse) mais cela était justifié par une durée limitée (quelques mois maximum) associée à une « employabilité » du stagiaire très faible. Il s’agissait en quelque sorte d’un « bizutage » professionnel. Chacun faisait son stage pour passer ensuite à autre chose, aux choses sérieuses, à un véritable emploi. Les plus chanceux effectuaient un stage enrichissant et instructif, ce qui apparaissait comme une rétribution suffisante du travail fourni par ces personnes inexpérimentées. De nos jours, la problématique est toute autre. L’une des principales critiques envers les stages n’est pas leur manque d’intérêt, bien au contraire, mais le fait que les compétences attendues par de nombreuses entreprises sont extrêmement élevées et que les durées des stages s’allongent. Dans bien des cas il s’agit tout simplement d’occuper un véritable poste 63 64 Catherine, la fondatrice de Génération Précaire a 8 stages a son actif. Extrait de la Tribune.fr du 24/11/05 : Une grève pour défendre le statut des stagiaires de Natacha Crnjanski. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 45 alors que les rémunérations, elles, ne suivent pas ce qui parfois est vécu comme un manque de considération et une dévalorisation des compétences ou bien une exploitation. Dans tous les cas, c’est le statut qu’on leur offre qui est remis en cause par ces personnes Le fait qu’il ne soit plus rare que des étudiants effectuent des stages plusieurs années durant a d’ailleurs rendue possible la prise en compte du stagiaire en tant que classe. Jusqu’à l’apparition de Génération Précaire, ce malaise était diffus, vécu au niveau personnel mais jamais abordé comme un problème de société qui possède des solutions. La grande force de Catherine fut, de changer les cadres de perceptions et par là même de justifier son action et de créer la « classe » dont elle prenait la défense. 3.2 … à un mouvement qui agit et qui communique 3.2.1 Les modes d’action La grande force de Génération Précaire fut de réussir à allier la forme et le fond, le caractère ludique des actions au sérieux de l’expertise, la fraîcheur des idées au professionnalisme de leur mise en place. Des actions nouvelles Le caractère novateur, inventif et ludique de tout un pan du répertoire d’actions de Génération Précaire l’inscrit pleinement dans la définition que donne Mellucci des nouveaux mouvements sociaux. Mais, précisons les actions dont il s’agit. Tout d’abord, les flash-mob65 qui sont au cœur de la politique d’action. En parallèle de ces actions « physiques », Génération Précaire fait montre d’une grande maîtrise des moyens offerts par Internet avec un site très complet qui permet via des forums de mettre en relation, d’échanger des idées, de prendre contact, de présenter le programme, les actions ainsi que les retombées médiatiques66 qui en découlent. 65 Avec pas moins de 20 action flash mob annoncées en 6 mois sur le site de génération Précaire (http://www.generation-precaire.org/Mail-boule-de-neige ) et dont nous retrouvons majoritairement la trace dans l’historique en Annexe 12. 66 Via son site, Génération Précaire propose non seulement une traditionnelle revue de presse mais aussi ce qu’on pourrait nommer une revue radio /télévision en mettant en ligne des émissions où certains membres ont pu s’exprimer. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 46 La bonne utilisation d’Internet ne se limite pas à la gestion du site, puisque les membres savent jongler avec leurs boîtes mails67, les newsletters, les carnets d’adresses et groupes d’envoi. Ils utilisent en outre la possibilité offerte par Internet de militer avec son clavier en proposant notamment une grève virtuelle68 en parallèle de la grève physique menée le 24 novembre ou avec une pétition qui n’est disponible qu’en ligne. Génération Précaire apparaît indissociablement lié à l’usage d’Internet. Il fut le lieu de rencontres des 3 fondateurs à travers un forum de discussion et il est le moyen de contact avec Génération Précaire pour ses membres, ses contacts, ses soutiens. A propos de cet usage intensif et essentiel d’Internet Géraldine69 remarque. “Moi je demandais juste le mail, après s’ils voulaient mettre un nom, un pseudonyme etc. mais moi le mail me suffisait… Ca c’était le minimum syndical, il fallait avoir une connexion Internet pour être à GP car tout se passe par mail.“ D’une rare efficacité On ajoutera aux adjectifs novateur et ludique celui d’efficace car comme nous le verrons, si les actions que nous venons de décrire sont économes en ressources, elles sont d’une redoutable efficacité. On a déjà cité les formidables retombées médiatiques occasionnées par une flash-mob de 15 personnes durant laquelle il y eut plus de journalistes que de manifestants. Grâce à leur bon usage d’Internet, les membres de Génération Précaire sont en mesure d’apporter à chacun une information pertinente correspondant bien aux raisons qui l’ont fait prendre contact avec eux. Cela jouera notamment un rôle important vis à vis des médias comme nous le verrons par la suite car ils sont en mesure de répondre très vite aux attentes des médias en termes de témoignage. 67 Les adresses mails étant gérées via leurs sites, les membres agrègent dans leurs boite aux lettres les messages postés depuis les forums aux mails envoyés en direct de l’extérieur. 68 Les personnes qui pour diverses raisons ne pouvaient se rendre sur les lieux de la manifestation pouvaient tout de même « faire comme si » en se connectant à un site qui comptabilisait le nombre de connections durant les « manifestations physiques ». 69 Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Géraldine. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 47 La flash-mob70, marque de fabrique de Génération Précaire… Comme nous l’avons évoqué précédemment, Génération Précaire accorde une grande importance aux flash-mobs qui lui permet avec très peu de moyens de bénéficier d’une forte audience. Le collectif est rapidement passé maître dans l’art d’organiser des flash-mobs, au point d’être contacté par des étudiants rédigeant un mémoire sur ce thème ou par des personnes voulant elle-même organiser des flash-mobs. Les secrets de la réussite de Génération Précaire en ce qui concerne les flash-mobs sont une grande inventivité associée à une bonne organisation et à l’existence de relais média. Le succès d’une flash-mob provient d’abord de son caractère original et pertinent. Il s’agit de manier efficacement les symboles pour frapper les esprits. Génération Précaire a montré très tôt sa capacité à jouer avec les représentations et les symboles. Chaque flash-mob s’organise autours d’un thème et d’un lieu qui y fait écho. On trouvera en Annexe une liste des flash-mobs avec leurs thèmes et lieux mais on peut citer par exemple les flash-mobs des 14 Décembre 2005 et 11 Janvier 2005 sur les thèmes « Contre une Charte, pour la loi et pour l’Emploi » et « Non aux rabais sur les salariés » qui se déroulaient respectivement au Sénat et aux Galeries Lafayette. Au sujet du caractère original et de la créativité dont font preuve les membres de Génération Précaire depuis le début de leur action, il est intéressant de remarquer que Catherine, la fondatrice du mouvement a un parcours de formation artistique puisque, « après les Beaux-Arts et une licence de philosophie, elle complète sa formation par un DESS ’ Projet 71 culturel» . Cette « fibre » artistique se retrouve dans la mise en scène que nécessitent les flash mobs, le choix des dress-code (ou déguisement)72 et contribue beaucoup à la lisibilité de leur message en ajoutant des images aux mots et aux revendications. La mise en place des flash-mobs ne nécessite pas une mobilisation trop contraignante et c’est au pôle organisation que revient l’organisation de ces manifestations. Comme l’explique Thomas « une flash-mob, c’est vite préparé. Cet hiver il suffisait d’une journée pour se mettre d’accord sur une action, on envoyait un mail tard le soir aux journalistes. Et du coup on a fait 15 ou 18 flash-mobs. C’est pas une logistique de fou. Il faut 8 ou 10 personnes pour faire la flash-mob, 73 s’assurer de la présence de 4 à 5 médias » . 70 La rapidité dans la préparation provient aussi de cf. Annexe 19. 71 Article de Florence Le MÉHAUTÉ : « Kathy, bac +5, huit stages à son actif, mène la fronde des stagiaires » http://www.ouest-france.fr, consulté le 3.11.05. 72 cf. Annexe 23. 73 Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Thomas. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 48 l’expérience acquise au fur et à mesure par les membres du pôle organisation ainsi que de leur capacité à avoir très vite cerné les critères d’une flash-mob réussie et à appliquer ces critères en véritables professionnels. Plus que le nombre de participants, c’est la couverture média qui est importante afin de relayer le message. Pour se faire, deux éléments priment : la fréquence des évènements et la présence des média. La fréquence est permise par la souplesse intrinsèque des flash-mobs et le faible besoin en participants. En effet, un trop grand nombre de participants pourrait paradoxalement avoir un effet contre-productif en provoquant des difficultés avec les forces de l’ordre susceptibles de bloquer ces manifestations clandestines. En outre, Génération Précaire, comme nous l’analyserons par la suite ne recherche pas l’opposition frontale et inconditionnelle. Si ses membres sont très attachés à leurs revendications, ils cherchent à les obtenir par la négociation et la collaboration avec les institutions. S’opposer frontalement à la Police ou aux institutions devant lesquelles on manifeste (ministère, entreprise etc.) ne correspond donc pas à leur mode de fonctionnement et serait par ailleurs incompatible avec la faiblesse des effectifs actifs. Toutes les flash-mobs suivent donc un schéma assez similaire avec une annonce tardive tant aux potentiels participants qu’aux journalistes, un dress-code clair, une action très délimitée dans le temps et l’espace, usant par exemple d’un marquage au sol pour tracer les limites de la zone de manifestation, une attitude de collaboration « réfléchie » avec la police et les Renseignements Généraux. Les flash-mobs de Génération Précaire sont toujours en équilibre sur un fil afin de doser au mieux la spontanéité de l’action et les contingences de l’encadrement policier. Génération Précaire a su faire preuve de grands talents d’équilibriste et, à l’exception du petit malentendu que relate Thomas, leurs flashmobs se sont toujours déroulées comme ils le souhaitaient : « On était allé voir Publicis dans un quartier très quadrillé, et là on s’est fait coincer par les flics. Ils aimaient pas qu’on ait donné un point de rendez vous à l’Opéra et qu’après on allait bouger. Alors ils nous disent « Ah non, nous on a prévu que vous fassiez un truc à l’Opéra, vous allez faire un truc à l’Opéra ». Ils le savaient parce qu’ils avaient lu nos mails. Du coup, on est restés une heure à faire des gros tags avec nos craies devant l’Opéra Garnier, dont certains en anglais pour que les passants anglais comprennent. »74 La présence des médias faisant l’objet d’un développement spécifique, je ne l’évoquerai pas plus avant à ce stade du mémoire. 74 Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Thomas. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 49 … au service du fond des revendications Sans renier le caractère ludique qui caractérise les flash-mobs ainsi que certaines autres formes de leurs actions, Génération Précaire n’entend pas sacrifier le fond à la forme. Les revendications du collectif sont très claires75 et priment sur la forme d’expression. C’est pour cette raison que Génération Précaire a diversifié ses modes d’action afin de compléter les flash-mobs. Tout d’abord, en cohérence avec la lutte affichée contre les stages qui remplacent de véritables emplois, le pôle juridique propose d’étudier les dossiers des personnes qui envisagent de faire requalifier leur stage en CDI. Il les conseille et les soutient lorsqu’il estime que le dossier a de bonnes chances d’aboutir. De même, c’est dans une démarche d’explication et pour développer plus en profondeur son constat, ses propositions mais aussi les témoignages de nombreux stagiaires que le collectif s’est très vite attelé à la rédaction d’un livre qui fut publié dès avril 200676 soit six mois après la création du collectif. Ce livre est extrêmement important pour la légitimité de Génération Précaire car il confirme de fait l’expertise dans le domaine des stages que l’on conférait à ce collectif. Grâce à ce livre, Génération Précaire devient encore un peu plus un acteur incontournable face au problème de réglementation des stages, pour avoir porté en premier cette question sur le devant de la scène. Il était très important pour le collectif de ne pas se faire déposséder de cette expertise car dès lors il n’aurait plus eu de réelle légitimité et sa voix n’aurait plus été écoutée. Il risquait de se voir cantonné au rang de simple « amuseur public », d’épiphénomène contestataire sans conséquence. Ce pari majeur de l’expertise fut parfaitement relevé et principalement grâce au livre77 intitulé « Sois stage et tais-toi ». En effet, Génération Précaire est désormais régulièrement sollicité pour évoquer sa vision du statut de stagiaire que ce soit par les syndicats (toutes les centrales importantes sont entrées en contact avec eux), les partis politiques (avec entre autres des membres du parti communiste, du parti socialiste78, de l’UDF et de l’UMP79 et même de 75 cf. Annexe 11. Sois Stage et Tais-Toi ! Pour en finir avec l’exploitation des stagiaires, le collectif Génération Précaire, Edition La Découverte, Avril 2006. 77 Dont la couverture présentée en Annexe 24. 78 M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur PS de la Manche. 79 Valérie Pécresse, député UMP des Yvelines. 76 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 50 partis étrangers80), des associations (Euro May Day, No Vox), des instances universitaires81 et bien sur le gouvernement français82. Il est aussi à l’origine de rencontres organisées 6 au 11 février qui a permis à des personnes issues d’horizons très diverses83 (aussi bien des journalistes, des sociologues, des membres de collectifs et d’association, des personnes issues du monde de l’entreprise, des professeurs, des parents d’élève, des membres d’associations de stagiaires espagnoles et allemandes) sur le thème « stage et précarité des jeunes ». C’est cette expertise qui permettra à Génération Précaire de continuer son combat si les médias le délaissent et d’apparaître comme une référence de la société civile en ce qui concerne les étudiants ainsi que le remarque Louis84, « Nous, le fait qu on est écouté, ça fait que maintenant on est dans les carnets d’adresse des gens de la CGT quand ils veulent savoir ce que pense la jeunesse, Et ça, ça reste quand le soufflet médiatique est retombé ». Si Génération Précaire apporte tant de soin à apparaître comme un mouvement sérieux c’est qu’il a conscience que c’est la seule manière de convertir en résultat sa popularité. C’est grâce à cet équilibre entre un caractère ludique innovant et une cohérence sur le fond de ses revendications étayée par des propositions solides que Génération Précaire a pu mener une campagne de négociations des plus classique auprès du gouvernement. Car c’est encore là un autre paradoxe de ce collectif que d’ apporter des nouveautés au répertoire d’actions traditionnel, tout en cherchant in fine à atteindre ses objectifs par des méthodes très classiques, telles que la négociation et l’instauration d’une loi. C’est dans cette perspective qu’il faut interpréter Catherine lorsqu’elle annonce « A Génération précaire, on partage une ambiance bon enfant, mais on sait être adultes quand on rencontre des politiques. Nous ne sommes 85 pas naïfs. » . On touche là une des limites au caractère de Nouveau Mouvement Social de Génération Précaire. En effet, bien loin de vouloir s’affranchir du contrôle de l’état, Génération Précaire attend de la classe politique des réponses au problème qu’il a soulevé. Cette première limite quant au rapport avec le politique va de pair avec une deuxième limite qui concerne la nature même des revendications. Il est en effet intéressant de constater que loin d’affirmer le droit à un style de vie différent, la revendication ultime de Génération Précaire pourrait se résumer 80 Le SPD dans le cadre d’une loi sur les stages en Allemagne, Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Louis. 81 Génération Précaire fut entendu dans le cadre de la commission Hetzel sur débat national « Université-Emploi. 82 Monsieur De Villepin, premier Ministre, Monsieur Larcher, ministre délégué à l’Emploi, au Travail et à l’Insertion professionnelle des jeunes et monsieur Goulard, ministre délégué à l’Enseignement supérieur et à la Recherche. 83 Le programme complet de ces rencontres avec la liste des participants est donné en Annexe 14. Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Louis. 85 L’Express : Génération Précaire "les stagiaires ne sont ni de gauche ni de droite", mardi 20 décembre 2005,par Eric Lecluyse. 84 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 51 comme suit : Donnez-nous la possibilité de vivre normalement, sans précarité. Ainsi, Catherine, interrogée par une journaliste86 quant aux revendications du collectif répond « Ce qu’on veut, c’est très classique : avoir un boulot, fonder une famille. Sans l’insertion professionnelle, on ne peut pas faire de projets d’avenir ». On se retrouve dans un schéma très particulier de revendication puisqu’en fait, Génération Précaire demande à bénéficier des mêmes droits que ceux dont a bénéficié la génération de ses parents. Il est intéressant de remarquer que ce registre de revendication va à l’encontre de la théorie élaborée par Tilly qui constatait qu’à partir du XIXème siècle, le registre de revendication était d’ordre proactif, c’est à dire réclamation d’un droit n’ayant jusque là jamais existé ou été reconnu. On se retrouverait au contraire dans un répertoire que Tilly fait cesser au XVIIème et qui est de type compétitif, c’est à dire, si l’on considère les stagiaires comme une communauté, la défense au sein d’une communauté (ou à l ‘égard d’une communauté voisine) des ressources concurrencées par d’autres.. Génération Précaire apparaît dès lors comme un mouvement paradoxal qui se sert de techniques nouvelles pour mener à bien un combat somme toute classique de négociation visant à l’instauration d’une loi. Pour ce faire, il va même jusqu’à rédiger des propositions de loi qui sont soumises aux députés et parfois reprises telles quelles lors des discussions à l’Assemblée Nationale. Ainsi le combat au grand jour mené sous une exposition médiatique maximale que Génération Précaire maîtrise, comme nous allons le voir au chapitre suivant, a donc pour objectif de placer le collectif dans une situation optimale pour mener un combat très traditionnel de procédure législative et de discussion de lois. 3.2.2 Le rapport aux médias Comme nous l’avons déjà évoqué, l’une des grandes forces de Génération Précaire et sa capacité à bénéficier d’une très bonne couverture médiatique. Cette « efficacité média » est loin d’être due au hasard. Elle provient d’une attention toute particulière apportée aux médias qui se traduit dans le choix des actions ainsi que dans le type de relations entretenues avec les journalistes. 86 Natacha Crnjanski, Une grève pour défendre le statut des stagiaires LaTribune.fr, 24.11.05. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 52 Le choix des actions Là encore, les flash-mobs apparaissent comme symboliques car elles sont très efficaces pour qui veut bénéficier d’une couverture média. En effet, ces derniers sont friands d’images afin d’alimenter les journaux télévisés ou papier. Or c’est justement des images fortes, des slogans en action que propose Génération Précaire à travers ses flash-mobs. Images fortes encore avec le choix du code vestimentaire et plus précisément du masque blanc que porte tout membre de Génération Précaire lorsqu’il manifeste, qu’il est filmé ou bien qu’il est photographié87. Ce masque a d’ailleurs a été choisi comme symbole sur le logo88 du mouvement. De l’importance du masque L’intérêt du masque pour les membres de Génération Précaire est multiple. D’une part, il confère un véritable attrait médiatique car il génère de fait du mystère et attire l’attention par son caractère nouveau. En effet, cette manière de se mettre en avant de manière cachée n’est pas commune. Jacques, confirme d’ailleurs cet attrait du masque pour les média89. On retrouve paradoxalement ce souci d’apparaître masqué chez des mouvements terroristes ou à l’action violente90 avec qui Génération Précaire n’a absolument rien à voir car pour le collectif, le masque n’est pas uniquement un moyen de se dissimuler, c’est aussi un message. La fonction première du masque est bien évidemment de cacher le visage des manifestants afin de les protéger d’un éventuel « remerciement » de la part de l’employeur chez qui ils effectuent leur stage et qui n’apprécierait pas de voir l’un de ses stagiaires membre actif au sein de Génération Précaire se produire en public. Cette première explication renforce le message selon lequel les stagiaires vivent dans la précarité. Ce qui permet aux membres du collectif de répéter qu’un stagiaire peut se voir remercié du jour au lendemain, sans explication ni prime de « licenciement » puisqu’il n’existe aucun statut réel de la fonction de stagiaire. Grâce à ce masque Génération Précaire, loin d’être un mouvement sans tête, est au contraire un mouvement à mille têtes. La personne masquée qui est interviewée pourrait aussi bien être le voisin de palier, le neveu ou la fille du commerçant du quartier. Cela fait prendre 87 cf Annexe 24. cf. Annexe 22. 89 cf Annexe 2. 90 Du type FLNC. 88 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 53 conscience à chacun qu’il connaît des stagiaires autour de lui. Les stagiaires, plus que l’armée des sans-nom sont l’armée des sans-visage et c’est donc sans visage que leurs représentants apparaissent. Tout comme un stagiaire est interchangeable avec un autre pour un poste, un membre de Génération Précaire est ainsi interchangeable avec un autre pour une interview. De plus, cet anonymat évite de braquer le feu des projecteurs sur un membre ou deux du collectif qui deviendraient dès lors les porte-parole du mouvement. Rétif à toute hiérarchie comme nous l’avons déjà analysé, Génération Précaire apprécie cette liberté conférée par le masque. Il permet en plus d’accentuer la collégialité des prises de position. En effet, ce n’est pas X ou Y qui parle au nom de Génération Précaire, c’est Génération Précaire même qui s’exprime à travers le masque qui le symbolise. Comme le dit Amida91 « Avec les masques, tu parles pour le collectif au nom du collectif ». Toutefois cet anonymat peut être une arme à double tranchant. Certes il limite le risque d’avoir au sein de Génération Précaire des membres plus intéressés par l’apparition de leur visage sur les écrans de télévision que par l’amélioration du statut des stagiaires-Risque réel si l’ on considère la volonté d’accueil par Génération Précaire de toutes les bonnes volontés et auquel le mouvement s’est trouvé confronté malgré la « protection » du masque comme le relate Thomas92 : « Sinon on a eu un espèce de mythomane, un copain de Patrick, et Catherine93 lui a demandé tout de suite des choses à faire. Et il venait juste parce qu’il y avait le feu médiatique. […]. Il réinventait l’histoire de GP. Donc on lui a dit de partir. C’était un risque mais tu sais si tu passes une mauvaise info par plusieurs canaux, il ne faut pas sortir des énormités ». Ce risque est cependant limité puisqu’ il n’est apparu qu’à une seule reprise. Lors de la réunion à laquelle j’ai assisté, j’ai d’ailleurs pu remarquer que l’apparition médiatique ne semblait pas attirer outre mesure les membres présents. Ils ne se disputaient pas pour être interviewés par tel ou tel média qui avait sollicité Génération Précaire. A l’inverse, le danger d’apparaître toujours masqués est de permettre à des personnes étrangères au mouvement de s’exprimer en son nom. A première vue, cela semble très simple puisqu’il suffit de porter un masque pour être « étiqueté » Génération Précaire. C’est ce qui s’est produit sur le plateau d’ « A vous de juger », présenté par Arlette Chabot le jeudi 16 mars, lorsqu’un ancien stagiaire portant un masque blanc s’est exprimé pour défendre le 91 Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Amida. 92 Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Thomas. 93 Membres fondateurs de Génération Précaire. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 54 CPE94. La réaction de Génération Précaire fut très rapide et démontre sa maîtrise du monde des média. Dans un premier temps, grâce à un appel immédiat au standard de l’émission ils ont réussi à faire apporter par Arlette Chabot un rectificatif sur l’intervention du stagiaire masqué. Dans un deuxième temps, un communiqué a été envoyé à différentes rédactions dès le lendemain pour préciser la position du mouvement. Ce type de malentendu reste très limité grâce notamment à la très bonne gestion des médias dont fait preuve le collectif. La « gestion » des médias Génération Précaire, un expert des médias… Tout d’abord, il convient de remarquer que certains membres de Génération Précaire connaissent très bien le fonctionnement du monde des médias pour y avoir effectué eux-même des stages95. Cet ancrage dans le monde des médias leur permet tout d’abord de bénéficier d’un carnet d’adresses initiales qui a permis de lancer la « machine médiatique ». Plus important encore, cela leur a permis de connaître de l’intérieur la manière de travailler des journalistes, leurs contraintes et leurs attentes et notamment de savoir exactement tout ce qui pouvait permettre la meilleure couverture possible. Outre le choix de manifestations « accrocheuses » que nous avons déjà évoquées, le collectif, convaincu de l’importance primordiale des médias a su se montrer très réactif et disponible, proposer un discours simple et efficace et surtout faciliter au maximum le travail des journalistes. … conscient de l’importance des médias… Chez Génération Précaire, la conscience de l’importance du relais média est très forte, notamment pour compenser un manque initial de légitimité. De quel droit, en effet, une trentaine d’individus dont certains ne sont même plus stagiaires osent-ils parler au nom de 800 000 personnes ? Il est donc crucial pour eux de se faire voir et d’apparaître grâce aux médias et par la pertinence de leurs propositions comme un partenaire obligé susceptible de 94 Génération Précaire s’était positionné contre. Le drôle de stagiaire invité sur France 2, NouvelObs.com, 17.03.06. 95 Thomas a notamment effectué des stages chez Radio France, Patrick a écrit dans Alternative Economique. 94 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 55 peser sur les décisions. Mais pour faire valoir ses propositions, encore faut-il se faire entendre et c’est bien là tout l’enjeu : ils ont besoin de bénéficier d’un relais média important Connaisseurs des arcanes médiatiques, ils jouent le jeu au plus serré afin de toujours avoir la main, c’est à dire bénéficier d’une grande couverture tout en maîtrisant leur image et leur message. Comme le souligne Géraldine 96« nous ne sommes pas un produit des médias. Ils sont notre moyen de com ». Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’une de leur première flash-mob s’est déroulé auprès de Radio France. Non seulement l’un des membres « connaissait la maison » pour y avoir effectué un stage mais en plus cela constituait l’un des moyens les plus efficaces pour attirer l’attention des journalistes. Une fois l’attention captée, il leur a « suffi » de s’assurer des retombées médiatiques conséquentes et positives par les moyens que je vais décrire. …d’une grande réactivité… Le premier atout de Génération Précaire consiste en sa grande réactivité et en sa capacité à répondre à un grand nombre d’interviews et de sollicitations. En effet, grâce à l’usage des masques, tous les membres actifs peuvent prendre la parole au nom du collectif. On assiste donc à un partage des interventions qui permet de répondre à tous les médias, du plus grand au plus petit. Bien sur, les personnes les plus à l’aise face au micros et caméras interviendront plus facilement face aux médias les plus importants. La disponibilité envers les journalistes fait partie des préoccupations majeures des membres de Génération Précaire afin d’asseoir la crédibilité du mouvement et de convaincre les journaliste de son sérieux, condition nécessaire pour bénéficier de « papiers » positifs. Comme le souligne Thomas97 « Le challenge des médias, c’est qu’ils savent qu’on n’est pas nombreux et ils essaient de voir si on peut répondre. Ca aussi, c’est pour tester la crédibilité d’un mouvement […]Ca c’est du professionnalisme […]Et nous on répondait à tout. Aux canards étrangers, tout ça te fait gagner en crédibilité. ». Derek Perrotte, le journaliste qui a suivi le mouvement pour les Echos et que j’ai pu interroger confirme que cette disponibilité est bien réelle : « Ils sont toujours joignables, essentiel aussi. »98 96 cf Questionnaire en Annexe 5. Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Thomas. 98 Entretien Derek Perrotte, Annexe 9. 97 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 56 …d’un discours simple et efficace Le deuxième point très important que domine Génération Précaire est celui d’un discours « clair, simple et concis »99 . Ce travail sur le discours est capital car il permet d’éviter la déformation du message. En effet, les journalistes sont souvent amenés à élaguer les arguments exposés au cours des entretiens et la synthèse qui en résulte peut ne plus correspondre à l’esprit du message initial. En proposant dès l’origine un discours clair et concis, Génération Précaire limite les risques de le voir transformer. En outre, cette clarté est d’une grande importance pour garantir l’homogénéité des prises de position alors que beaucoup de membres sont appelés à intervenir auprès de nombreux média. Un discours trop compliqué, trop long ou bien des arguments qui laissent place à l’interprétation constitueraient autant de risques pour le collectif de voir ses membres se contredire dans leurs déclarations et ruinerait l’image positive acquise grâce à leur disponibilité. …qui « pré mâche » le travail des journalistes Enfin, Génération Précaire fait preuve d’une grande efficacité pour faciliter le travail des journalistes. Au delà de leur réelle disponibilité et de leur discours efficace, les membres du collectif s’emploient à faire gagner du temps aux journalistes, ce qui est essentiel dans cette activité. Tout d’abord, la clarté du discours que nous évoquions constitue un premier gain pour le journaliste. Nul besoin de synthétiser des exigences dispersées, compliquées à expliquer : Génération Précaire à fait ce premier travail de synthèse et sert un discours « prêt au média ». Qui plus est ce discours clair et concis est loin d’être fade puisqu’une véritable attention est portée aux mots, aux slogans, aux images. Le cas échéant, en véritables acteurs, les manifestants s’adaptent aux contraintes médiatiques comme le prouve l’anecdote évoquée par le collectif dans son livre100 :« La pluie est en train d’effacer notre déclaration, peinte sur une tablette en bois, et Olivier 101 a de plus en plus de mal à la lire. Pendant environ une heure, il va devoir rejouer la scène cinq fois pour les journalistes qui sont arrivés en retard ». 99 Entretien Derek Perrotte, Annexe 9. Sois Stage et Tais-Toi ! Pour en finir avec l’exploitation des stagiaires, le collectif Génération Précaire, Edition La Découverte, Avril 2006, p11-12. 101 Un acteur venu déclamer un texte rédigé par Génération Précaire. 100 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 57 Afin de répondre à toute demande de journalistes cherchant à illustrer leurs sujets, le collectif a su très tôt se constituer une base de témoignages et de contacts experts en sociologie ou en économie etc.. « Et du coup on avait des réponses à tout. Genre, Le Figaro Eco m’appelle « Oui bonjour est ce que vous avez des exemples de stagiaires dans l’hôtellerie ? ». Et moi j avais devant moi mes 50 dossiers, que des gens de GP triaient jour et nuit. Et donc je leur fabriquais leur papier. Et donc les manipulait aussi. Parce que je leur fournissais le témoignage mais j’étais aussi l’expert. J’avais aussi une liste de contacts (sociologues, économistes, chercheurs…) qui illustraient tel ou tel aspect, tel ou tel angle. »102. Cette capacité relationnelle affichée par Génération Précaire est également confirmée du coté des journalistes comme le souligne la remarque de Derek Perrotte103 « Ils nous ont bien mis en permanence en relation avec des stagiaires qui pouvaient témoigner, ce qui était essentiel, pour rendre le sujet concret, vivant, l'inscrire dans le réel et pas seulement dans la lutte juridique ». Cette compétence est d’une grande importance puisque non seulement elle facilite le travail du journaliste et augmente les chances qu’il traite du sujet (ou bien qu’il en reparle, fort de l’aide qu’il aura reçu la première fois) mais elle permet aussi à Génération Précaire d’asseoir son rôle d’expert, de partenaire indispensable sur la question des stages et bien sur de contrôler encore plus son message en fournissant les coordonnées des personnes qui seront interrogées. Les journalistes sont ainsi orientés vers les personnes qui certes répondent à leurs critères mais aussi et surtout à ceux de Génération Précaire… Tout le jeu consiste à utiliser au mieux les médias sans se faire utiliser. Génération Précaire a su prouver sa compétence sur ce point. «Qui n'essaie pas d'utiliser les médias ? tout cela est un jeu, à nous journalistes d'être objectifs. Et la dessus, GP est bon, mais on sait encore faire notre métier ! »104. Cette même précaution face à la récupération médiatique se retrouve d’ailleurs vis à vis de la récupération politique. 3.2.3 Le rapport au politique Les rapports entretenus entre Génération Précaire et la classe politique sont très intéressants car comme j’ai pu le mentionner en introduction, Génération Précaire est très attaché à son indépendance et veille avec un soin particulier à éviter toute tentative de récupération politique. Dans le même temps, son action est éminemment politique, dans la 102 Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Thomas. 103 Entretien Derek Perrotte, Annexe 9. 104 Entretien Derek Perrotte, Annexe 9. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 58 mesure où elle s’adresse à la classe politique en général et vise à une solution législative et donc votée par les politiques. La politique au sein de Génération Précaire Les membres de Génération Précaire représentent un panel politique assez large qui s’étend de l’extrême gauche de l’échiquier politique à l’UMP. On remarque cependant d’après les différents entretiens menés que leur centre de gravité se situe plutôt à gauche. Cette pluralité politique est totalement revendiquée et assumée tout comme l’est l’absence de membres proches de l’extrême droite. Géraldine explique ainsi que « quand même on n’a pas de gens du Front National »105. A première vue, une telle disparité politique semble difficilement conciliable avec une action efficace. En fait, il faut bien comprendre que l’action de Génération Précaire dépasse les clivages politiques pour s’intéresser à la condition des stagiaires. Sur cette question précise, les convictions politiques n’ont plus cours. La peur de la récupération Outre le consensus qui s’est instauré sur la question des stages, on retrouve un autre consensus fondateur qui consiste à lutter contre toute tentative de récupération politique. Pour chacun des membres, il est très clair que l’action du mouvement ne saurait pas être récupérée par quelque parti ou syndicat que ce soit. Ainsi, cette indépendance a fait l’objet d’une condition sine qua non de la part de Jacques pour prendre part au collectif. Comme il l’explique106, il a attendu un petit mois après son premier contact avec Génération Précaire pour s’assurer de l’indépendance du mouvement et décider de s’y engager. Aline107 confirme en expliquant que si la même contestation s’était organisée à l’instigation d’un syndicat ou d’un parti, elle n’y aurait pas pris part. L’exemple de Jacques, qui n’a pas de passé militant, et de Aline, qui a pour sa part déjà milité, symbolise remarquablement la grande défiance de Génération Précaire dans son ensemble envers les grands appareils politiques. Certains anciens militants ont quitté ce type de mouvement déçus de voir leurs initiatives bridées, leur actions limitées et écœurés par les discussions sans fin. Les autres n’ont jamais éprouvé le besoin de s’engager, que ce soit par 105 cf Annexe 1. Cf.Annexe 2. 107 Cf Annexe 2. 106 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 59 crainte de soutenir un mouvement qui ne serait pas le porte-parole exact de leurs aspirations, par conviction de l’inefficacité des appareils ou bien tout simplement parce qu’aucune cause ne les a jamais enflammés. Les moyens pour l’éviter Ainsi, pour éviter le risque de récupération, les membres de Génération Précaire ont adopté un mode de fonctionnement particulier afin de s’adapter au mieux à leurs différentes contraintes. En effet, s’il ne souhaite pas se politiser, c’est vers la classe politique que se tourne le mouvement pour faire accepter ses propositions. Il ne peut donc pas choisir une politique dite d’«évitement» qui consisterait à refuser tout contact avec les partis et les syndicats. Cette attitude irresponsable condamnerait de facto toute chance de succès. Génération Précaire choisit d’adopter une politique de disponibilité maximale, c’est à dire de répondre favorablement à toutes les sollicitations sérieuses. Leur raisonnement est le suivant, en répondant favorablement à toute sollicitation nous ne pouvons pas être soupçonnés de favoriser tel parti ou tel syndicat. Dans la même optique, ils se sont refusés à faire le premier pas et ont attendu d’être contactés suite aux premières retombées médiatiques de leurs manifestations. La participation à ce genre de réunions fait elle aussi l’objet d’une attention particulière. En effet, dans la mesure du possible ils interviennent par binômes en prenant soin des inclinations politiques de ces deux participants. Idéalement, ils cherchent à déléguer une personne a priori proche de la sensibilité rencontrée et une autre plus distante. Cette répartition des rôles bien connue entre le « gentil » et le « méchant » a pour objet de prévenir tout risque de sympathie trop prononcée. Elle permet aussi bien évidemment de conserver un discours d’une grande cohérence. Les binômes ne sont jamais fixes, ils évoluent au grè des disponibilités des membres, de leur intérêt pour l’interlocuteur. Ainsi lors de la réunion à laquelle j’ai pu assister, la désignation des personnes qui devaient rencontrer Dominique Strauss-Kahn fut beaucoup plus aisée que celle des membres qui devraient tenir un stand dans une manifestation organisée par les jeunes communistes. Comme toujours, Génération Précaire fait preuve de souplesse face à ces règles et il peut bien sûr arriver qu’une personne seule rencontre des interlocuteurs ou bien que le binôme ne puisse se structurer sur la base « gentil »/ « méchant » faute de « gentil » ou de « méchant » disponible… Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 60 Cette attitude face au monde politique confirme des éléments déjà analysé à propos d’autres thèmes. Ainsi, comme pour le recrutement de nouveaux membres, Génération Précaire n’a pas de politique spécifique pour entrer en contact avec des partis ou des syndicats si ce n’est de s’appuyer sur son impact médiatique et d’accueillir positivement toute sollicitation. Tout comme face aux médias, le mouvement fait preuve d’une grande capacité à se rendre disponible et à répondre à toutes les sollicitations « politiques ». La lutte contre toute dépendance face au politique se retrouve dans l’absence même de statut du collectif. Comme déjà évoqué, aucun statut n’a été déposé et Génération Précaire n’a pas le statut d’association. Si certains réclament le dépôt des statuts pour pouvoir bénéficier de subventions, d’autre s’y opposent craignant de perdre leur liberté s’ils étaient dépendants de subventions. C’est la même logique qui leur a fait refuser une offre de la mairie de Paris comme le mentionne Thomas108 « Ah oui aussi : très tôt la mairie de Paris nous a proposé de nous prêter une salle. Et bien nous on préférait rester dans notre squat non chauffé car c’était notre indépendance à nous.». 108 Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Thomas. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 61 Conclusion : Quels résultats et quel avenir? Arrivé à la fin de ce travail, il convient de remarquer que les Hypothèses émises au début de ce mémoire sont validées à l’exception de celle qui consistait à voir dans Génération Précaire un exemple typique de Nouveau Mouvement Social. Comme nous avons pu le montrer, Génération Précaire se définit plus comme un mouvement hybride qui utilise des moyens nouveaux et novateurs pour atteindre des objectifs classiques. Cette utilisation de nouveaux moyens est, comme nous l’avons expliqué, source d’une grande efficacité. Cependant, cette efficacité de Génération Précaire dont nous avons détaillée les aspects les plus significatifs contraste singulièrement avec les résultats obtenus un an après sa création. Si la question des stages fut effectivement médiatisée, les objectifs de Génération Précaire ne furent pas atteints. Certes, le Gouvernement a prêté l’oreille aux revendications et a reçu certains membres de Génération Précaire pour finalement instaurer une Charte sur les stages. Cependant, cette Charte ne satisfait pas Génération Précaire qui la trouve non seulement pas assez ambitieuse mais aussi et surtout totalement inefficace car non contraignante. Ainsi, loin de l’euphorie des débuts, les membres n’envisagent plus de voir leurs revendications adoptées rapidement. S’ils se placent désormais dans un temps plus long, leur détermination ne s’émousse pas pour autant. Elle s’adapte seulement aux exigences du calendrier politique qui rend extrêmement improbable un changement majeur avant les élections présidentielles de 2007. D’ici là, l’objectif est de continuer à « occuper le terrain » et à faire de la question des stages un thème obligé de la campagne. En seront-ils capables ? Derek Perrotte109 semblent très pessimiste. Ainsi, il répond de la manière suivante à la question « pensez-vous que ce mouvement a un avenir ? (Médiatiquement ?) » « Pas vraiment. Le débat est clos et le ministère a tranché, même si Génération Précaire n'est pas content du résultat. Ils n'ont malheureusement pour eux pas d'autres moyens de pression. Le soutien es syndicats est réel mais ces derniers ne vont pas non plus mettre le pays sans dessus dessous pour eux. Le débat ressurgira peut être un jour mais pas tout de suite c'est certain. De plus, ce mouvement est par essence éphémère, les gens le rejoignant et le quittant au gré de leurs propres évolutions pros. Bref, tout cela ne peut avoir qu'un temps. ». 109 Entretien Derek Perrotte, Annexe 9. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 62 Je suis pour ma part plus optimiste. Selon moi, la souplesse et l’intelligence de ce mouvement devraient lui permettre de s’adapter s’il le souhaite à ces nouvelles contraintes extérieures. Je pense que Génération Précaire est tout à fait à même de rééditer son « exploit » de l’année passée. Cet optimisme quant à sa capacité de réaction face aux contraintes extérieures est cependant contrebalancé par un véritable pessimisme sur la capacité qu’aura Génération Précaire à conserver sa cohésion en interne. En effet, j’ai précédemment souligné l’importance du fait que le discours de Génération Précaire ne portait que sur la question des stages. Un domaine dans lequel le collectif s’était positionné comme un expert incontournable et question sur laquelle chaque membre se retrouvait sur ce qu’il convient d’appeler un plus petit dénominateur commun et ce, quelles que soient ses convictions politiques, origines sociales etc. Hors, un nombre croissant de membres ne cachent pas leurs souhaits de voir le domaine de revendication de Génération Précaire s’élargir à d’autres thèmes110 déjà discutés sur la scène publique ou non. Pour le moment, le débat se poursuit et aucun consensus n’est trouvé ce qui signifie chez Génération Précaire que rien ne sera fait dans l’état actuel des discussions. Cependant, si l’unanimité se dessinait, cela constituerait à mon avis une grave erreur et signerait à terme la fin du collectif. En effet, la visibilité du mouvement serait brouillée, son statut d’expert sur les nouveaux sujets moins convaincant et surtout, le plus petit dénominateur commun serait irrémédiablement perdu. Enfin, je voudrais clôturer ce mémoire par une question. Génération Précaire ne préfigure-t-il pas un nouveau type de contestation, une contestation très pragmatique, efficace dont l’organisation aura su s’adapter aux nouvelles contraintes de notre temps ? Ainsi, il faut tenir compte de la difficulté des jeunes à s’engager durablement du fait de la société de zappeur dans laquelle ils vivent mais aussi de leur prudence face à la politique. Ces mouvements du troisième millénaire concentreraient leurs actions dans un temps court, usant au mieux des capacités de chaque bonne volonté en développant notamment une grande maîtrise d’Internet et des média, seuls outils capable de frapper fort, vite et large. Une maîtrise qui ne va pas sans repenser la manière qu’ont les mouvements de contestation de s’organiser, d’interagir et d’agir. 110 Que pour des raisons de confidentialité, je ne peux pas mentionner. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 63 Bibliographie - Travaux sociologiques - Corpus « Devenir Militant », Revue française de science politique Année 2001, volume 51, numéro 1 - « Entrer, Rester en Humanitaire : Des Fondateurs de MSF aux membres actuels des ONG médicales française » Johanna Siméan Revue française de science politique, Année 2001, Volume 51, Numéro 1 p. 47 – 72 - « L'entrée en politique des jeunes Italiens : modèles explicatifs de l'adhésion partisane » Ettore Recchi Revue française de science politique, Année 2001, Volume 51, Numéro 1 p. 155 – 174 - « Carrières militantes, et vocation à la morale : les militants de la Ligue des droits de l'homme dans les années 1980 » Eric Agrikoliansky Revue française de science politique, Année 2001, Volume 51, Numéro 1 p. 27 – 46 - « Les 50 ans de la RFSP : une relecture cavalière des débuts » Jean Leca Revue française de science politique, Année 2001, Volume 51, Numéro 1 p. 5 – 17 - « Les jeunes militants du Front national : Trois modèles d'engagement et de cheminement » Valérie Lafont Revue française de science politique, Année 2001, Volume 51, Numéro 1 p. 175 – 198 - Autres ouvrages - Neveu, E. (2002), Sociologie des mouvements sociaux, Edition La Découverte, collection repères, 3ème édition (2002) - Olson ; M. (1978), Logique de l’action Collective, Presse Universitaire de France, 1978 - Guur, T. (1970), Why Men Rebel , Princeton University Press, Princeton, New-Jersey, 1970 - Vialle, E. (2006), Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Mémoire présenté à l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon dans le cadre du séminaire "Mouvements sociaux au prisme des notions de classe, de genre et de race" sous la direction de Sophie Béroud, septembre 2006 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 64 - Alegre, F. Fernandez, C. Ingold, A. Miniere, L. Mondini, V. Tourde, C. (2006), Génération Précaire ou l’action des stagiaires, Travail présenté dans le cadre du cours d’IEP – 4ème année du diplôme intitulé Nouvelles formes de participation politique et dirigé par Eric DARRAS et Patrick WEISBEIN, 2006 - TILOUCH, H. (2002), Les nouvelles formes d'action collective dans le champ politique : le cas des motive-e-s à Toulouse, thèse de Diplôme d'Etudes Approfondies de Science Politique de l’Institut d'Etudes Politiques de Lyon, Université Lyon II, dirigée par : Monsieur LECOMTE Patrick - Journaux - AFP « French interns », 23.11.05 « Des stagiaires défilent "masqués" pour dénoncer leur exploitation », 01.11.05 « Génération Précaire contre une charte pour les stagiaires »,13.12.2005 « Stages : Génération précaire propose des amendements aux sénateurs », 21.02.06 « La charte sécurisant les stages signée par le gouvernement et le patronat », 4.05.2006 « Manifestation de précaires à Paris », 26.05.2006 - La Tribune « Une grève pour défendre le statut des stagiaires », 24.11.05 « Stagiaires : La CFDT soutient le mouvement », 24.11.05 - Le Figaro « Les masques de la précarité, » Francois D’Orcival , le 22.04.06 « La Charte des stages signée aujourd’hui », 26.04.06 - Le Magazine « Interview : Génération Précaire », Thomas Tobias, 03.03.06, « Le Magazine », Thomas Tobias, 25.01.06 - Le Monde « Le statut des stagiaires hors de l’Hexagone », 28.11.05 « Les stagiaires, armée de réserve de l’entreprise », 04.11.05 « Les stagiaires profitent des soldes pour réinterpeller le gouvernement », Nils Hédouin 12.01.06 « Le stage, un tremplin qui ne doit pas se transformer en galère », 17.01.06 « Tribune dans le Monde », 24.03.06 « Génération Précaire, un problème européen », 31.03.06 « Le gouvernement lance une charte destinée à sécuriser les stages en entreprise », 26.04.06 - Les Echos Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 65 « Un cruel bizutage social, » Paul Fabra, 13.03.06 « 25.11.05, Derek Perrotte » « L’inspection du travail veut lutter contre les abus », Derek Perrotte , 06.04.06 - L’Expansion « Les stagiaires se rebiffent contre les abus des entreprises », 31.10.05 « Les stagiaires en grève reçus par le ministre du Travail et le patronat », 21.11.05 « Première manifestation européenne de stagiaires », 30.03.06 - L’Express « Génération Précaire "les stagiaires ne sont ni de gauche ni de droite" », Eric Lecluyse, 20.12.05 « La révolte des stagiaires », Valentine Piedelievre, 31.10.05 « Le péril Jeunes », Marie Cousin, 06.02.06 « Sous le masque, le combat », Marcelo Wesfreid, 06.04.06 - L’Humanité « La précarité comme seul salaire », 31.10.05 « Paris. Une manif jeune, jeune, jeune... » l’Humanité, Christelle Chabaud, 08.03.06 « Contre le CPE. ils ont dit », 28.01.06 « Surtout, sois stage et tais-toi ! », Christelle Chabaud, 18.04.06 « "Une institutionnalisation du sous-salariat" », le 05.04.06 - Libération « Stagiaire, un boulot sans nom », 21.11.05 « La précarité comme loi », Annick Coupe et Aurélien Piolot, 03.02.06 « Voyages en classe précaire », Sonya Faure, le 18.04.06 « L’internationale précaire mobilisée », Christian Losson, 02.05.06 - Nouvel Obs « Le mouvement des stagiaires reçu cette semaine », 21.11.05 « Les stagiaires en colère se mobilisent », 01.11.05 « Kathy, bac +5, huit stages à son actif, mène la fronde des stagiaires », 31.10.05 « Les six plaies de l’emploi des jeunes », 02.02.06 « Le drôle de stagiaire invité sur France 2 », 17.03.06 « Au secours, j’embauche un jeune ! », Jacqueline de Linares, 02.03.06 « Forum sur la condition des stagiaires en entreprise, le CPE etc. », 10.04.2006 - Reuters « "Génération précaire" déçue par un entretien avec Villepin », 23.02.06 « Vers une indemnisation des stagiaires de plus de 3 mois », 16.01.06 « Les stagiaires de Génération précaire repartent au front », 13.04.06, « Création d’une "charte des stages étudiants en entreprise" », 26.04.06 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 66 - 20 Minutes « Stages en voie de reconnaissance », 17.01.06 « Des stagiaires fatigués de n’avoir que la gueule de l’emploi », 28.10.05 « Les stagiaires ne valident pas le plan emploi, Laure de Charrette », 13.04.2006 « "On milite pour la pénalisation de l’abus du stage" »,13.04.06 - Autre „Praktikanten kommen und gehen“, Jungle-world.com, 30.11.05 „Mobilisation pour une réforme du statut des stagiaires », E-SciencesPo.com, 24.11.05 « La generación de los becarios se lanza a la calle en Francia Cinco.Días », 24.11.05 « Lorsque stagiaire rime avec précaire », Nice-Premiere.com, 23.11.05 hns-info.net : « Génération Précaire » : Newsletter N°4 - Novembre 2005 « Les stagiaires ne veulent plus être des vaches à traire ! », Clicanoo.com, 17.11.05 « Une association de stagiaires se mobilise contre les abus », E-go.fr, 15.11.05 « Les stagiaires se rebiffent », cadremploi.fr, 09.11.05 La-croix.com, 01.11.05 « Des stagiaires se mobilisent contre les "abus" des entreprises », Voila.fr, 31.10.05 « Conseils à une entreprise pour prendre un stagiaire », Marianne Rey, Lentreprise.com, 29.11.2005 « Génération galère », Alternatives Economiques, Novembre 2005 « Ils démasquent les stages abusifs », Ouest France, 23.11.05 « Kathy, bac +5, huit stages à son actif, mène la fronde des stagiaires », Florence Le Méhauté, http://www.ouest-france.fr, consulté le 3.11.05 Fenetreeurope.com : "Social : la précarité se défend aussi au niveau européen", 23.03.2006 „Praktikanten wehren sich“, Die Tageszeitung, Anne NILL, 29.03.06 « Génération Précaire », Télérama, Mathilde Blottière, 29.03.06 « L’indemnisation des stages de plus de trois mois bientôt obligatoire », Challenges.fr 06.04.06 « Cette jeunesse qui gagne », Politis, Michel Soudais et Thierry Brun, 20.04.2006 « Sois stage et tais toi ! », Hobsons.fr, Gwenole Guiomard, le 21.04.06 chat avec Génération Précaire, linternaute.com, 24.04.2006 « La charte des stages jugée bidon » , TF1, Sophie LUTRAND, 26.04.06 « Question à François Goulard, ministre délégué à l’Enseignement supérieur », Challenges, Flore de Bodman, 27.04.06 « Nous sommes tous des stagiaires », Indymedia.org,29.03.06 « GPE, ou galère de la première embauche », Strategies.fr, 07.04.06 « Edito: Charte au printemps, stagiaires mécontents », CadreOnLine.fr, 03.05.06 « La gestion des stagiaires, une thématique de RSE ? », Novethic.fr, Sylvie Touboul, 27.04.06 - Radio « Deux générations face à l’emploi » RadioFrance.fr, 13.03.06 par Anne-Laure Barral « Le contrat première embauche face à la rue », Rfi.fr, le 07.02.06 RMC, émission "Les grandes gueules", 20.04.06 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 67 - Sites Internet Site de Génération Précaire : http://www.generation-precaire.org/ consulté régulièrement à partir de 11/ 2005 Site de Génération P : http://www.generation-p.org/en/index.php consulté régulièrement à partir de 07/2005 Sur Laswell : http://www.hawaii.edu/intlrel/pols315/Text/Theory/lasswell.htm, consulté le 22/07/06 Wikipédia : www.wikipedia.fr Site des Racailles de France : http://racaillesdefrance.free.fr/ Sur la théorie du CATNET : http://www.seniorscopie.com/dossier/article.asp?id=030526200601 consulté le 7/08/06 - Autre Le collectif Génération Précaire (2006), Sois Stage et Tais-Toi ! Pour en finir avec l’exploitation des stagiaires, Edition La Découverte, Avril 2006 Béaud, S. Weber , F. (1997), Guide de l'enquête de terrain, La Découverte (1997) Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 68 Annexes Annexe A : Entretiens et questionnaires - Synthèse de l’entretien réalisé auprès de Géraldine et Aline le 16/05/06 Géraldine : Administration des mails En contact avec les thésards, les raccords Travaille sur l’espagnol pour le site européen Adresses mail via le site sont renvoyées par l’administrateur du forum vers la boite en @génération précaire.org qui gère ainsi de manière centrale tous les mails qui les concernent (ceux venant du forum et ceux adressés directement à leurs adresses). Ces mails sont ensuite triés et rangés dans des « pochettes » différentes (action internationale, projet, média) Une dizaine de personne les ont contactés pour les mémoires Organisation : Noyau dur (20/25 personnes) . Raccords (ne viennent pas aux réunions mais envoient des mails et sont sollicité pour des photocopies, faire passer les newsletters). Il y a deux graphistes dans ce groupe. Un graphiste raccord a fait le logo. Pour certains, beaucoup de mails sont échangés sans connaître les gens (tête, lieu où habite etc.). Grande diversité des raccords (environ 110 personnes) organisés en pôles (région, niveau européen, vieux, âge). La majorité on ne sait pas où ils habitent, ce qu’ils font. Certains sont venus aux réunions/AG sans s’engager plus que ca . Gens qui gravitent autour, qui viennent pour une action. Leur nombre n’est pas connu. . Adhérent, témoignent, appuient etc. En novembre/décembre, 3000 personnes dans la newsletter. Mise en place d’une mailing-liste pour éviter de perdre du temps lors des envois d’emails. Ils semblent encore exister des doublons qui se résorbent. Envoi d’email prend moins d’une heure par jour. Le plus long, c’est de répondre aux e-mails entre les personnes qui envoient des mails via le forum et ceux qui participent aux forums. Modération du forum à partir de fin novembre début décembre car démarrage d’insultes etc. Au début, volonté de ne pas modérer mais pas tenable. Réponse suite à la participation sur forum sur les gros sujets, les incompréhensions etc. Plusieurs personnes font ca (Tobias, Géraldine, Isabelle, Catherine). Beaucoup de boulot (2h00 minimum par jour pour Géraldine) Aline : travaille sur le site européen Va peu sur le forum Formation d’informatique Site européen est en 6 langues. Site projet depuis décembre, lancé depuis février. Fait appel aux compétences des motivés Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 69 Allemands ont été les premiers (un an avant) à s’être organisé autour du problème mais se sont organisé différemment (en relation avec les syndicats). Ils ont suivi ensuite l’exemple de GP. Il s’agit de deux groupes en fait. Ils ont eu besoin de plus de temps pour avoir l’appui des médias, la visibilité Explication de la visibilité Importance de l’appel par internet qui a très bien marché. Carnet d’adresse de gens qui avaient travaillé avec les médias. Maintenant, ce sont eux qui se font contacter. Importance du contexte. C’était le moment. Sympathie suscité (relais lors de la manif à la maison de la radio dont la distribution de tract était interdite. Position constructive, réfléchie. On dit non à la situation et on propose telle pour telle chose. On ne va pas voter la loi. Non, on donne des pistes légales à partir de notre constat de la situation. Notamment grâce au pôle juriste. Les revendications ne sont pas immédiate. C’est venu avec le temps. Au début, 3 personnes. Puis 10. Puis quelques autres a permis la constitution de pôle en fonction des besoins. Les pôles existent par rapport à des besoins mais au démarrage rien de fixe et rigide. Les pôles se sont fait en fonction des besoins (média, juridique, mobilisation/flash mob). Les mêmes personnes peuvent être dans différents pôles. Avec le temps, les pôles se sont organisés, étoffés et spécialisés un peu. Maintenant certains gens sont plus actifs dans certains pôles. A chaque fois, il y avait des personnes disponibles qui disposaient des compétences nécessaires. Pôle juridique : juriste Le non-engagement à des syndicats et des partis politiques facilitent l’engagement même limités (raccords). Les gens arrivent plus facilement, ils sont plus prêts à participer. Beaucoup de gens ne participent pas aux réunions, tournent autours mais sont prêt à aider. Les gens hésitent à s’engager, hésitent à s’afficher Il n’y a pas de hiérarchie. Il y a des choses à faire. Chacun peut faire des choses à leur échelle. Il n’y a pas de pression, même si on veut partir. C’est libre, les gens viennent, partent. Question posées : Frustration de voir des gens de passage qui s’impliquent moins (raccords etc.) ? Au démarrage pensait avoir plein de gens. Alors que parfois, il n’y a que 10 personnes pour une flashmob. Certaines frustration quand peu de personnes présentes lors des grandes manifestations populaires. Ils disposent d’un gros capital sympathie. Les gens les reconnaissent et les apprécient. Le noyau dur dispose d’une boite personnelle en @générationprécaire.org Quand certaines personnes ne sont pas d’accord, ils attendent d’atteindre un consensus avant de faire quelque chose. Ex : le CPE. Au début, position diffère selon les personnes. Du coup statut quo et travail de recherche de certains dont ils font bénéficier tout le monde. A la fin, tout le monde est Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 70 d’accord ou Ok pour suivre la décision prise. Fonctionnement adulte ou certains peuvent accepter de s’effacer. (« si on n’est que deux on dit voilà et on s’efface »). Le principe de base de fonctionnement est l’unanimité. Une personne ne l’avait pas comprise et voulait que les décisions soient prises à la majorité. Il a été recadré et finalement s’est éloigné du mouvement. Une seule personne contre qqch peut mettre un veto. Ex d’une personne qui a fait changer qqch. Il y a des moments où pas le temps de discuter => pas assez de discussion => soucis a posteriori. Fonctionne beaucoup par mails. Il existe un large panel de personnalité (pas diplomate / diplomate) Il n’existe pas charte écrite pour fixer les régles par écrits. Il n’existe pas de statut excepté une structure pour récupérer l’Ag du livre. Il existe deux règles implicites fortes : Pas structuré (ni hiérarchiquement, ni structuré du tout) Non partisan. => fonctionne par consensus. Il faudrait l’unanimité pour faire changer cela. « Pour l’instant ça marche bien comme ça. » Sur l’élargissement à d’autres revendications, statu quo car pas d’unanimité (moitié des gens pour et moitié des gens contre) Une personne a fini par partir d’elle-même. Elle n’était pas en phase car elle demandait sans cesse de voter. « On ne vote pas. On n’a jamais voté et on ne votera jamais » (Géraldine). C’est pas l’idée. En plus, difficulté à rassembler tout le monde durant les réunions => problème si mise en place de %age Catherine est respectée (« c’est elle qui a fait l’appel ») mais « entre nous, ça marche pareils » elle n’a pas un poids déterminant et le mouvement pourrait fonctionner sans elle. C’est d’ailleurs dans ce sens que le mouvement a été structuré par Catherine dès le début. - Synthèse de l’entretien réalisé auprès de Aline et Jacques le 17/05/06 Aline : Aigrie suite à un stage qui a mal tourné (initiative prise mal perçue) => prise de contact suite à la première manif des stagiaires. Un certain moment de rdv manqué. Première rencontre « physique » lors de la semaine de débat Engagement fin mars, soit un mois et demi plus tard. Jacques : Mouvement connu suite à un mail reçu d’un ami sur la pétition. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 71 Pétition signée tout de suite car expérience d’un an de stage (marqué par le fait qu’il a expérimenté le fait qu’un stagiaire prenait le travail d’un CDI, en l’occurrence 2 stagiaire dans un service et une personne en contrat à mi-temps) A suivi le mouvement pendant un mois via Internet et les newsletters car ne voulait pas de récup politique. Avait une vision très construite du mouvement (pôle, le théâtre de verre, impression de beaucoup de participants, micro etc.) Arrivée un peu avant la grande grève du 24 Novembre => surpris de voir le peu de personnes et le caractère artisanal. Est entré dans un creux de vague. Accueil très bon, a tout de suite eu quelque chose à faire. Beaucoup de membres de GP cherchent un travail et ne se voit proposer que des stages. Pas le cas de Aline et Jacques Soutien de chercheurs Cas d’un membre actif qui n’a pas fait de stage Des soutiens sont dans le monde de l’entreprise et « ont peur » car emploi qu’ils occupent sont maintenant donné à des stagiaires (concurrence salarié/stagiaire) Soutien de parents et professeurs. La majorité ne se bat pas pour elle-même Les membres actifs refusent maintenant des stages mais travaillent pour eux dans la mesure où cela pèse quand même sur le marché de l’emploi. Aline : militante avant. Avait crée en 2002 un collectif Ras L’Front. Dans les rangs de GP, il y a des gens au passé engagé très différent. Très grande diversité. Ce qui a fait que le mouvement marche. Réunion générale par semaine + petite réunion (1/2 par semaine) 20/30 mails par jours (du fait de la décision par consensus). Très prenant. Très souple sur l’engagement (si emploi décroché, retour en province) A force de travailler Le mouvement pourrait continuer sans les fondateurs ? Oui Catherine est d’ailleurs en retrait depuis quelques temps. Il n’y pas de porte-parole Les fondateurs historiques peuvent avoir un certain poids mais lors des réunions GP, on a plutôt tendance à faire parler les nouveaux pour avoir des idées nouvelles. Dépend beaucoup du temps qu’on peut donner. Comptez-vous rester dans GP : Oui, Aline a passé beaucoup de temps. Au niveau personnel ça ne m’apporte rien à moi mais je le fais quand même car c’est utile, ça va faire connaître le mouvement en Espagne, Allemagne, Italie. Compte continuer (car Internet est possible n’importe où). Il y a des heures qui sont dédiés. Jacques. Quand il est arrivé, il ne pensait pas à s’impliquer car il avait déjà pas mal de choses. Ils sont devenus une bande de copain. Quoi qu’il arrive après, on continuera à se voir. S’il n’y avait pas cette ambiance de groupe qui marche bien. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 72 Ils se voient en dehors du cadre GP. Si la loi était passée : Au départ du mouvement volonté de mouvement éphémère pour atteindre les objectifs fixés. Maintenant impact atteint jamais envisagé à sa création Jamais on n’aurait imaginé (Canal+, France 3en direct, écriture d’un livre) Certainement on va travailler sur d’autres sujets Aline est rentré plus tard mais on lui a tout de suite donné quelque chose à la mesure de ce qu’elle voulait faire. Dès qu’il y a de nouvelles personnes, on leur demande leur avis etc. Jacques : Ce qui est bien c’est qu’on travaille sur des projet concret avec une méthode sympathique de consensus) Consensus N’entraîne pas trop d’inertie. Grande force de dire qu’on est tous d’accord sur les points travaillés Force car approfondi la réflexion (Sophie et le fait d’avoir des contacts avec les hommes politiques) Dès qu’un sujet voit les gens s’opposer, on entend le point de vue de chacun Avec les mouvements de personnes, les consensus évoluent Couleur politiques Toute tendance politique représenté hors extrême droite. Anciens représentants de syndicat et parti mais aussi des gens sans affinités politiques. Gens très diplomates, gens très rentre-dedans =fait avancer les choses Y a-t-il eu tentatives de récupération politique ? Non. Font attention à avoir des « couples » partisan/non partisan lors des échanges avec les associations politisés. Du fait de l’organisation, les mêmes personnes (du pôle politique ?) sont allées voir tous les partis. Par rapport aux partis, ils font de la sensibilisation. Ils aimeraient que les partis reprennent leurs revendications. Leurs propositions n’ont pas changé. L’éventuelle influence des partis politiques est la modalité suivie par GP pour faire aboutir les revendications. Expertise sur le stage. Reconnu comme tel. Mais ils ne s’appellent pas Génération stagiaire. Ils vont éventuellement passer à autre chose s’ils obtiennent ce qu’ils veulent sur le stage. Historique du nom Source de polémique et débat lorsqu’il a fallu le choisi. Il faut voir avec Patrick Pionnier de la prise de conscience de la précarisation des jeunes Si la même dénonciation des stages avait eu lieu dans le cadre d’un syndicat ou d’un parti Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 73 Attaché au côté apolitique. Le parti a les compétences en interne, laissons le faire. Aline était allée voir le PS lors de ses problèmes avec son stage qui l’ont orienté vers GP. Attendent une alliance de tous les syndicats. Ils ne veulent pas se mettre à dos un syndicat en s’alliant avec d’autres syndicats. Origines des militants Très divers (parents au Medef, tradition militante) Aline s’est plus investie que lors de la création de son collectif en 2002 car : Bonne base Gens très motivés Etait dégoûtée de son stage. A trouvé une écoute, des conseils => a voulu se battre à leur côté Prosélytisme Essaye, envoie les newsletters A fait acheter le bouquin à une de ses amis En parle pas mal à ses parents qui en parlent à leurs amis. Bouche à oreille et Internet Concrètement a ramené une personne dans le mouvement qui depuis est partie. Ca reste très personnel. C’est une question d’implication personnelle. « on fait de l’information, après les gens Jacques En parle autours de lui. Des amis le reconnaissent suite à ses prestations télé. Pas d’amis qui s’impliquent même s’ils trouvent ça bien. Sujet de discussion récurrent avec les amis car c’est une des choses principales de sa vie mais pas de volonté de recruter absolument. A utilisé son réseau pour aider (graphiste) Avec journaliste Des gens qui suivent très régulièrement, les soutiennent. Bon carnet d’adresse, à jour et dense. Beaucoup de stagiaire dans les media ont entendu parlé du mvt et en ont parlé aux journalistes avec qui ils travaillaient. En outre, il y a des membres de GP qui ont travaillé dans les média. Ils avaient des choses à dire. Le masque a bien plu. Ils se font maintenant appeler par les médias pour savoir s’il ne pourrait pas obtenir des témoignages. => s’installe dans la durée. Les médias les considèrent maintenant comme un interlocuteur privilégié même si au début ils avaient des doutes sur la pérennité du mouvement. Canal+ Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 74 Le mouvement a marché grâce aux médias. Ils se sentent peut-être un petit peu responsable. On ne va pas taper sur les médias. On n’est pas là pour taper sur untel ou untel. On est là pour dénoncer un système. Trouves des excuses à Canal+ et aux médias qui en parlent au moins (/t aux administrations qui font un black-out total) Comment les nouveaux viennent : Site Internet Bouche à oreille Manif Media - Réunion du 16/05/06 Participants à la réunion: Amida, diplômée de l’IEP de Toulouse en 2005, venue sur Paris pour un stage. Travaille maintenant à temps partiel pour un syndicat arrivée dans le mouvement le 12/10 Aline, Maîtrise d’histoire Fred, Jacques, maîtrise d’histoire. Deux ans de stage. Leslie, Maîtrise en LEA, DESS communication. Toujours militante « dans ma tête » Isabelle, stage de merde où elle a été exploitée. Patrick, 7 stages, DEA Eco, pas mal militant Louis, déjà milité, appartient à la vague créatrice Jean, jamais de stage, GP depuis Octobre Les vagues d’arrivés de participant font suite aux grandes actions Entré de manière « indépendante », il y a peu de gens qui ont fait rentrer des copains etc. Choix des personnes qui vont rencontrer les personnalités ayant demandé un entretien (DSK,La Passerelle, mouvement jeunes communistes) DSK : Motivation Disponibilité Mise en contexte de l’entretien (pour DSK, volonté de rencontrer la société civile dans le cadre de l’écriture de son « bouquin de campagne) Se mettre d’accord sur les points importants à faire passer (projet de loi, faire bien attention à ne pas se faire récupérer) Ils y vont en tant que GP + DSK intéressé par l’originalité du mouvement. Discussion sur le projet de loi en relation avec un député/sénateur. Les communistes : Font attention au thème et aux autres personnes/mouvements invités. Sujet du débat : formation, logement, précarité, solidarité Reste « étudiants » car le dimanche matin 9h00 bloque beaucoup de gens. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 75 La Passerelle : Soirée dans le cadre de la sortie du bouquin, la Passerelle fait la communication mais… …c’est à eux d’organiser la soirée Thèmes proposés : Sur le stage entre eux ? Elargir le débat à la précarité? Décident de partir des stages vers GP => précarité du marché de l’emploi Question sur l’orientation universitaire ou plus avec acteurs du terrain Ils sont en questionnement sur nécessité d’intéresser les gens (débat à la Passerelle) et ne pas perdre le fil de leur action. Quand le thème atteint un consensus, recherche immédiate d’un titre accrocheur. Pas d’implication stratégique => on peut se faire plaisir, invité « qui on veut » Au final, proposition via un mail à tous leurs contacts du thème de la réunion avec un appel ouvert à la participation pour être invité au débat et invité des soutiens etc. Dans le choix des personnes à envoyer, font attention de ne pas envoyer uniquement quelqu’un en affinité avec le mouvement (SUD Etudiant en l’occurrence) ou la personne. Participation à groupe de travail sur les questions de revenu, emploi etc (Stop précarité, Droit des Femmes etc.). Mais pour y être allé la fois précédente, ne pense pas qu’ils aient leur place dedans. Jeux Jeux gratuit pour que le concepteur se fasse de la publicité. Question de mettre un lien direct ou pas du site de GP vers le site du concepteur du jeux. « On n’est pas là pour faire de la pub » Trouvé un nom pour le jeux : Mise de mémoire sur le site Passage aux questions plus politiques - Corpus de Questionnaires Exceptées les fautes de frappe qui ont été corrigées, le contenu des réponses données cidessous n’a pas été modifié. - Questionnaire vierge envoyé aux membres de Génération Précaire par le biais de Géraldine le 9 Mai Bonjour, Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 76 Merci de prendre le temps de lire ces questions. Avant que vous les lisiez, je voudrais préciser un peu ma démarche (et me présenter par la même occasion)… Je suis en dernière année d’HEC et dans le cadre de mon mémoire, j’ai choisi de m’intéresser à votre mouvement et plus particulièrement à la manière dont il a débuté ainsi que les raisons qui expliquent sa réussite. Je trouve votre mouvement très intéressant à plus d’un titre. Non seulement par vos revendications (c’est l’ancien stagiaire qui parle…), mais aussi par votre mode de fonctionnement. Je comprends tout à fait votre soucis d’anonymat que je respecterai en ne citant pas les personnes nommément. Je vous ferai bien sur parvenir un exemplaire de mon mémoire si vous le souhaitez. Je vous laisse maintenant avec mes questions. Elles n’ont pas d’autre intérêt que de vous donner une idée des thèmes que j’aimerai aborder lors de notre rencontre. Bien évidemment, je ne vous demande aucune réponse écrite (je me charge de noter ce que vous me direz de vive-voix…) A la semaine prochaine. Pierre-Antoine Les questions précédées d’une * sont plutôt destinées aux personnes présentes depuis le début de l’aventure. La construction du mouvement La motivation * Qu’est ce qui a motivé la création de Génération Précaire ? Qu’est ce qui a motivé votre adhésion à Génération Précaire ? Est-ce sur un « coup de tête », à la suite d’une réflexion ? A titre personnel, quelles sont/étaient vos attentes en effectuant vos stages ? Qu’avez-vous trouvé ? Origine des membres Qu’avez-vous en commun selon vous avec les autres membres de Génération Précaire (origine sociale, préoccupation, statut, formation etc.) ? Avez-vous été sensibilisé à ce type de mouvement par des proches, des rencontres, des expériences antérieures ? Comment réussit-il à perdurer et à s’organiser ? Organisation des débuts et rapports aux média * Comment le mouvement a-t-il pris forme, notamment les premières étapes (première prise de contact web, première rencontre « physique », premières actions sur le web, premières manifestations « physiques ».) Votre mouvement semble beaucoup utiliser les média pour relayer son message. Vous percevez-vous de la même manière? Orientez-vous vos actions pour disposez d’une couverture médiatique relayant vos revendications ? Certains d’entre vous avaient-ils déjà une expérience dans les média ? Structure Pourquoi ne pas vouloir de représentants clairement identifiés ? Comment décidez-vous des gens qui participeront aux interviews, combien de personnes peuvent être considérées comme étant ou ayant été porte-parole. Nouveaux membres Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 77 Par quel biais arrivent les nouveaux membres de GP. Y-t-il des participants qui ne sont pas stagiaires Concernant l’engagement des membres, quels sont les freins et les facteurs favorisant l’engagement ? Selon vous, que cherchent les gens dans ce mouvement ? Autre * Quelles ont été les motivations/raisons pour l’utilisation du masque ? Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 78 Annexe B: Issu du site de Génération Précaire - Page de présentation du mouvement par Génération Précaire eux-même http://www.generation-precaire.org/-Presentation-de-Generation- ,consulté le 16 août 2006 Présentation de Génération-Précaire Qui sommes-nous ? Le mouvement génération précaire est né d’un appel à la grève spontané et diffusé sur internet début septembre 2005, destiné à dénoncer une situation intolérable : l’existence d’un véritable sous-salariat toujours disponible, sans cesse renouvelé et sans aucun droit. A la suite de cet appel s’est tissé un réseau de stagiaires, présents ex ou futurs, ayant en commun d’être révoltés face au constat qu’il est aujourd’hui possible et légal d’enchaîner des stages nonpayés ou sous-payés malgré une formation souvent pointue et renforcée par de nombreuses expériences. Aujourd’hui étudiants, chômeurs ou salariés précaires pour les plus chanceux, nous dénonçons publiquement une situation dont personne ne parle bien qu’elle soit connue de tous : il existe en France une « armée de réserve » de plusieurs centaines de milliers de travailleurs qui n’ont aucun droit, pas même le droit à un salaire. Scientifiques, juristes, commerciaux, gestionnaires, nous travaillons dans tous les secteurs d’activité, dans le public comme dans le privé. Nous sommes pourtant isolés et aucun syndicat ne nous défend, ne nous comprend. Nous avons conscience de peser lourdement sur le débat social et de tirer l’ensemble des salariés vers le bas. Pourtant, nous n’aspirons qu’à une chose : avoir notre place dans la société. Nos revendications sont simples : que le stagiaire bénéficie d’un véritable statut intégré dans le droit du travail. Ce statut doit comprendre une rémunération minimum, progressive et sur laquelle seront prélevées toutes les cotisations sociales en vigueur. Les conflits du travail nés dans le cadre d’un stage doivent également relever de la compétence des Prud’hommes. Le site www.generation-precaire.org a pour vocation de fédérer tous ceux qui souhaitent aboutir à cette réforme du statut des stagiaires. Nous comptons faire pression sur les partenaires sociaux, sur les élus et sur le gouvernement afin d’obtenir rapidement cette réforme. Cette revendication est éminemment politique, au premier sens du terme. Pour Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 79 autant, nous ne sommes liés à aucune organisation politique ou syndicale et entendons rester indépendants. Toutes les compétences et toutes les énergies sont les bienvenues. Génération Précaire existe aussi en régions http://www.generation- precaire.org/article.php3 ?id_article=115 Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 80 - Propositions présentées par Génération Précaire sur leur site http://www.generation-precaire.org/Reforme-des-stages-Propositions-de, consulté le 18 août 2006 Génération Précaire Les stagiaires revendiquent leurs Droits Propositions pour la réforme du statut des stagiaires Vous trouverez dans cet article ci dessous ou dans le fichier pdf une présentation synthétique de nos propositions de réforme. Génération-Précaire : Propositions de réforme des stages Qui est Génération-Précaire ? Le mouvement génération précaire est né d’un appel à la grève spontané et diffusé sur internet début septembre 2005, destiné à dénoncer une situation intolérable : l’existence d’un véritable sous-salariat toujours disponible, sans cesse renouvelé et sans aucun droit. A la suite de cet appel s’est tissé un réseau de stagiaires, présents ex ou futurs, ayant en commun d’être révoltés face a ce simple constat : Il est aujourd’hui possible et légal d’enchaîner des stages non ou sous-payés malgré une formation exigeante et bien souvent complétée par plusieurs expériences professionnelles. Stagiaires de tous les secteurs d’activité, dans le public comme dans le privé nous avons conscience de tirer vers le bas les conditions de travail et de rémunération de l’ensemble des salariés. Génération Précaire est un collectif non partisan qui revendique son indépendance vis-à-vis de tout parti politique ou syndicat. Les membres du collectif proviennent d’horizons divers, ont des convictions politiques variées mais partagent le même objectif : la réforme des stages. Avertissement : ce document traite uniquement des stagiaires étudiants du supérieur ou bénéficiant d’une convention délivrée par un organisme habilité. Ne sont donc pas concernés : Les stages "d’observation" de très courte durée Les stages des élèves du secondaire Les stages de la formation professionnelle continue des salariés Les stages des étudiants en contrat d’apprentissage Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 81 Les stages des étudiants en contrat de professionnalisation La situation des stages en France Conçus à l’origine comme une ouverture du monde universitaire au monde professionnel, les stages ont acquis une importance décisive dans l’insertion professionnelle. Dans un contexte de chômage massif des jeunes, les stages ne constituent plus un « tremplin pour l’emploi » mais tendent à enfermer les jeunes actifs dans la précarité. Des stages plus nombreux et toujours plus longs Le Conseil Economique et Social chiffre à 800.000 le nombre de stagiaires chaque année. De son côté, l’APEC estime que 90% des diplômés de niveau bac + 4 et plus ont effectué au moins un stage au cours de leurs études, 50% en ayant effectué trois ou plus. Par ailleurs, la durée des stages s’est allongée. Les formations de troisième cycle recommandent ainsi des stages d’une durée de quatre à six mois. Des formations d’écoles de commerce ou d’ingénieurs incitent quant à elles leurs étudiants à effectuer des stages d’un an dans le cadre d’années "de césure". Pour une majorité d’étudiants, la durée totale de travail comme stagiaire au cours de leurs études dépasse aujourd’hui un an. Le stage est devenu de facto une étape obligatoire dans le parcours des étudiants, un prérequis indispensable mais certainement pas suffisant pour l’obtention d’un emploi stable. La mise à disposition d’une véritable force de travail La multiplication des stages pour les étudiants et l’allongement régulier de la durée des études ont fourni aux entreprises, administrations et associations une quantité croissante de stagiaires. Confrontées à une conjoncture économique difficile, les employeurs ont peu à peu appris à utiliser cette main d’œuvre dont la rémunération n’est pas obligatoire. Le "contrat moral" initial du stage, outil « gagnant-gagnant », mi-pédagogique, miprofessionnel, s’est peu à peu perdu. Il est aujourd’hui fréquent que les stagiaires occupent de véritables postes de travail, sans aucune dimension pédagogique. Plus grave, des stagiaires se succèdent parfois indéfiniment sur un même poste remplaçant ainsi un salarié permanent. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 82 Confrontés à un marché de l’emploi caractérisé par un très fort taux de chômage des jeunes, les stagiaires acceptent d’occuper des postes de salariés. Près de 25% des jeunes actifs sont touchés par le chômage (Insee, 2005) et préfèrent travailler « gratuitement » comme stagiaires plutôt que de renoncer à leur insertion dans le domaine ans lequel ils se sont spécialisés et de se désinsérer socialement et professionnellement. Plus grave encore, de nombreux diplômés prolongent artificiellement la durée de leurs études à la seule fin de continuer à effectuer des stages. Pour autant, le statut juridique des stages ne s’est pas adapté à cette évolution. Un régime juridique inadapté Alors que les apprentis et les étudiants en contrat de professionnalisation bénéficient d’une reconnaissance et d’un statut, le droit du travail ignore les stagiaires. Les stagiaires ne sont jamais considérés comme des salariés mais comme des étudiants. Leur protection sociale relève de l’université. Ils ne bénéficient d’aucune des protections assurées par le droit du travail et ne peuvent prétendre à une rémunération. Un arrêté du 20 décembre 1986 exonère de cotisations sociales les entreprises qui "gratifient" leurs stagiaires en stage obligatoire conventionné d’un montant inférieur à 30% du SMIC. Cette disposition crée un effet de seuil important, au point que des rémunérations supérieures sont très rares, indépendamment du travail fourni par le stagiaire et de la durée du stage. Mais bien souvent les stagiaires ne bénéficient d’aucune rémunération, en particulier pour les stages effectués dans le secteur public. Les stagiaires ne bénéficient d’aucun droit en contrepartie de leur travail : Pas le droit de participer au financement de la protection sociale :Les stagiaires ne cotisent notamment ni pour la retraite, ni pour l’assurance chômage Pas le droit de toucher une rémunération décente pour leur travail :La quasi-totalité des stagiaires gagne au maximum 30% du SMIC, soit 360€... ou environ 60% du seuil de pauvreté... Le statut de stagiaire est en outre incompatible avec la perception du RMI. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 83 Pas le droit de prendre des congés payés ou de bénéficier de RTT : Un stagiaire travaille donc plus longtemps que ses collègues salariés. Pas le droit de saisir les Prud’hommes, de se syndiquer ou de revendiquer une amélioration de son statut : Un stagiaire peut ainsi être renvoyé du jour au lendemain sans motif, sans préavis ni indemnités. Des conséquences sociales destructrices Néfastes d’un point de vue économique social, les stages abusifs jouent contre l’emploi des jeunes et au-delà, pèsent sur l’ensemble de la société. Pour les étudiants et les jeunes actifs : Chômage massif et difficultés d’insertion : les stages, en remplaçant parfois de vrais postes (CDD / CDI) sont un obstacle supplémentaire à l’insertion des jeunes actifs. Infantilisation durable des jeunes adultes : du fait de leur précarité, les jeunes actifs ne peuvent pas s’autonomiser. Ils rencontrent notamment de grandes difficultés d’accès aux logements ou au crédit. Problème psychologique du manque de reconnaissance : l’insertion dans l’entreprise par le stage est souvent vécue comme une humiliation. Les jeunes développent alors un sentiment de défiance envers un monde du travail apparemment sans loi ni considération. Pour le marché du travail et l’économie : Concurrence déloyale entre entreprises : les entreprises qui abusent des stages instaurent une concurrence destructrice en réduisant indument leurs couts de production (dumping social) Précarisation générale des salaires et des conditions de travail : Les stagiaires ne sont qu’une facette des invisibles, les « sans-droits », les intérimaires, les pigistes, les intermittents, les « temps partiel imposés », etc. Du fait du statut actuel des stagiaires, les entreprises n’ont en effet pas intérêt à proposer des heures supplémentaires, de nouveaux postes, des piges ou des missions d’interim... Un frein à la mobilité professionnelle : les personnes qui souhaiteraient se réorienter y renoncent de peur d’être confrontées à la « concurrence déloyale » de stagiaires sous-payés. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 84 Pour la société en général : Coût accru de la formation pour les familles : 90% des diplômés ont fait au moins un stage et 50% en ont fait plus de trois, les jeunes adultes sont donc autonomes de plus en plus tardivement. Certains redoublent exprès pour conserver leur statut d’étudiant et obtenir une convention de stage. Accentuation des inégalités sociales : l’expérience professionnelle et les stages sont devenus un critère décisif pour l’obtention du premier emploi. Ceux qui n’ont pas été en mesure de financer une année ou plus de stages sont « disqualifiés » dans leur recherche d’emploi. Des propositions simples pour en finir avec l’injustice et favoriser l’emploi Statut et rémunération, pour rendre au stage son caractère pédagogique et utile pour l’insertion professionnelle 1/ Inscrire le statut du stagiaire dans le Code du Travail Nous demandons que le statut du stagiaire relève du Code du Travail pendant la durée de son stage, avec les droits et obligations afférents, au même titre que les apprentis ou les étudiants en contrat de professionnalisation. La durée du stage doit également être limitée dans le temps. Il nous semble par ailleurs essentiel que l’impact des stages sur le marché du travail et la population active soit enfin pris en compte dans les études publiques, type INSEE. 2/ Responsabilisation des parties prenantes : Nous souhaitons que le stage retrouve son caractère pédagogique et favorise l’insertion des jeunes actifs. La loi doit préciser les obligations de chacun. Pour l’organisme de formation : Obligation de contrôler l’adéquation du stage avec la formation dispensée Faculté de dénoncer la convention de stage si l’institution d’accueil n’assure pas d’encadrement pédagogique Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 85 Pour l’entreprise, administration ou association d’accueil : Obligation d’instaurer un tutorat adéquat Respect d’un délai de carence entre deux stagiaires sur un même poste Instauration d’un quota de stagiaires par rapport au nombre de salariés Pour le stagiaire : Obligation d’évaluer l’apport de son stage par rapport à sa formation, ainsi que la qualité de l’accueil et de l’encadrement pédagogique dont il a bénéficié. Respect du lien de subordination qui le lie à l’employeur. 3/ Instaurer une rémunération minimale, progressive, et assujettie aux contributions sociales Rémunération minimale : nous demandons que les stages soient systématiquement rémunérés à hauteur de la moitié du SMIC et que ce niveau devienne le plancher obligatoire et minimum. Objectif : donner corps au principe selon lequel « Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante » (Article 23 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme). Ce niveau minimal de rémunération reflète la valeur du stage qui doit être à la fois une période de travail et une expérience pédagogique. Rémunération progressive : nous demandons une progression de la rémunération en fonction du nombre de mois de stage effectués. Objectif : remédier aux stages longs où le stagiaire devient « rentable » en réduisant l’écart, aujourd’hui considérable, entre un employé « régulier » et un stagiaire. Ce système simple, facilement applicable, et non discriminant, permet en outre de ne pas pénaliser les employeurs qui souhaitent s’inscrire dans une véritable démarche de formation et qui recrutent des stagiaires sur une durée plus courte. Rémunération assujettie aux cotisations sociales : il nous semble essentiel que les stagiaires comme les employeurs participent pleinement au fonctionnement du système de Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 86 protection sociale en s’acquittant de toutes les cotisations sociales en vigueur et ce, dès le premier euro de rémunération. Objectif : inscription du stage comme véritable composante du système français de protection sociale. - Historique du mouvement Génération Précaire Historique non exhaustif élaboré à l’aide de la revue de presse et des archives du site de Génération Précaire SEPTEMBRE 9 Septembre 2005 Création du blog Appel à la grève spontané et diffusé sur internet. OCTOBRE 4 Octobre : 1ère manifestation Environ 25 participants défilent pour l’emploi et le pouvoir d’achat devant les média suivants Canal+ France 2 etTF1,France Info, France Culture, France Inter, RMC, Europe 1, RTL, Fun , Le Monde et lemonde.fr, Libération, France Soir, Lille Plus l’Humanité. 6 Octobre :Pétition adressée à plusieurs ministres du gouvernement -dont celui du Travailpour exiger une réforme du statut du stagiaire, "une étude chiffrée de l’impact des stages abusifs sur le marché de l’emploi", la "fin des stages non-rémunérés", ou encore "des stages à la fois formateurs et qui offrent une rémunération décente". 8 Octobre 2005 : Newsletter 2 12 Octobre 2005 : 1ère grande rencontre au théatre de verre 25 Octobre 2005: Newsletter 3 26 Octobre 2005 : Rencontre NOVEMBRE 1er Novembre 2005 : Grève/Manifestation devant le ministère du Travail à Paris 4 Novembre 2005: Newsletter 4 9 Novembre 2005 : Réunion publique 14 Novembre 2005 : Flash mob à la Défense, symbole de la prospérité qui héberge de nombreux précaires 15 Novembre 2005 : Début du cycle de rencontre des organisations syndicales et patronales ainsi que des groupes parlementaires. 16 Novembre 2005 : Flash mob dans les locaux de Hachette Edition 17 et 18 Novembre 2005 : Distribution de tracts dans les cantines de grandes entreprises 18 Novembre 2005: Newsletter 5 21 Novembre 2005 : Flash mob 4 et conférence de presse au théâtre de verre 22 Novembre 2005 : Grande Réunion publique au Théâtre de verre 24 Novembre 2005 : Grève (500 personnes ont participé au cours de la journée, dont 300 à Bastille à 16h) et autant de grévistes virtuels Diverses actions, flash mob au siège du quotidien Libération, manifestation devant la maison de la radio, rencontre avec M Larcher, ministre de l’Emploi, Déclaration des Droits de l’Homme et du stagiaire Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 87 30 Novembre 2005 : Question au Gouvernement par Mr au sujet des stages. 30 Novembre 2005 : Newsletter 6 DECEMBRE 2 Décembre 2005 : question au Sénat sur le statut des stagiaires 5 Décembre 2005 : Rencontre 9 Décembre 2005 : Newsletter 7 12 Décembre 2005: préparation devant caméra de la flash mob 13 Décembre: préparation hors caméra de la flash mob 14 Décembre 2005 : Flash Mob 8 au Sénat : Contre une Charte, pour la loi et pour l’Emploi 15 Décembre 2005 : Réception au ministère de l’Education 22 Décembre 2005 : Réception au ministère du Travail 30 Décembre 2005 : Newsletter Hors série JANVIER 10 Janvier: soirée accueil et information 11 Janvier 2005 : Flash mob 9 : Non aux rabais sur les salariés aux Galeries Lafayette 20 Janvier 2006: Flash mob n° 10 : Génération Précaire nettoie le système des stages devant le palais Brogniart FEVRIER 2 Février 2006: Le collectif Génération Précaire PACA ouvre son site 2 Février 2006: Newsletter 8 Du 6 au 11 Février 2006 : Rencontres "stages et précarité" 7 Février 2006: participation à la Grande manifestation nationale et flash-mob 11 devant l’ANPE internationale 23 Février 2006 : Rencontre avec Dominique de Villepin MARS 1er Mars 2006 : réunion Publique 7 Mars 2006 : Manifestation en face de Darty sur le thème « Pourquoi inventer de nouveaux contrats quand il suffit de réguler les stages ?“ 9 Mars 2006 : Flash mob 12 : La main dans le pot à confiture 15 Mars 2006 : Sur France 2, dans l'émission "A vous de juger", apparaissait un "stagiaire masqué" qui n’appartenait pas à Génération Précaire et qui s'est déclaré pour le CPE, sur fond d'images de manifestations de Génération-Précaire. AVRIL 1 Avril 2006: 1ère manifestation européenne de stagiaires, simultanément à Paris, Berlin, Vienne, Bruxelles, Dresde, Stuttgart 3 Avril 2006 : Newsletter 9 4Avril 2006: Flash mob 11: antidopage 13 Avril 2006 : Parution du livre Sois stage et tais-toi! Et actions spéciales organisées à cette occasion dont notamment la remise au premier ministre des 15000 signatures obtenues pour la pétition. 26 Avril 2006: Assemblée Générale en même temps que la sortie par le gouvernement de la charte des stages 28 Avril 2006: Appel à manifester pour l’Euro May Day (1er mai des Précaires en Europe) MAI Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 88 1er Mai 2006: Manifestation sur le thème “Faite du Travail“ Du 4 au 7 Mai 2006: Participation au Forum Social Européen à Athènes Le mouvement des stagiaires est intervenu lors des séminaires : Luttes et revendications contre la précarisation de l’emploi dans l’UE Les nouveaux mécanismes de précarité et d’exclusion dans la ville L’emploi des jeunes, précarité et nouveaux outils pour construire la solidarité et la résistance sur le plan international. workshop européen « La situation sociale et juridique des jeunes en stage Du 12 au 14 Mai 2006 : Participation au Forum « la nouvelle Critique Sociale » à Grenoble Deux membres de Génération Précaire sont intervenues sur les thèmes : "Conflits sociaux d’aujourd’hui et de demain" et "La France des 16-25 ans" 23 Mai 2006: Débat organisé à La passerellesur le thème « Stages, chômage et contrats kleenex : une précarité hégémonique ? » élargir la question des stages au problème de l’insertion professionnelle et de la précarisation des conditions de travail JUIN 15 Juin 2006 : Newsletter 10 19 Juin 2006: Débat : Enseignement supérieur et emploi : quelle place pour le stage ? 21 Juin 2006 : Audition des membres de Génération Précaire par la commission Hetzel à propos de l’avenir de l’Université - Bilan Tiré au bout de 6 mois http://www.generation-precaire.org/Mail-boule-de-neige, Consulté le 19/08/06 BILAN DES SIX MOIS DE GENERATION PRECAIRE Génération Précaire c'est : Un énorme travail de sensibilisation : Trois manifestations dévouées aux stagiaires (4 octobre, 1er novembre et 24 novembre) Plus de vingt flash mob pour sensibiliser l'opinion sur les abus de stages. Beaucoup ont visé des entreprises « stagiophages » (Hachette Editions, Radio France, M6, Société Générale, etc.) La première manifestation européenne de stagiaires en simultané avec Berlin, Bruxelles, Vienne et Dresde (1er avril) 15 000 signatures de notre pétition. 5 000 témoignages en ligne et 700.000 pages vues sur le site. Des centaines d'articles de presse, des dizaines de télés, des radios à répétition dans toute la France, en Europe et dans le monde. Un livre écrit à 14 « petites mains » : "Sois stage et tais toi ! Pour en finir avec l'exploitation des stagiaires " Un lobbying acharné : Auprès des parlementaires et sénateurs pour obtenir une réglementation des stages. Merci aux 6.000 personnes qui ont écrit à leurs parlementaires à notre invitation. Des rendez vous le Premier ministre, aux ministères du travail et de l'éducation nationale. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 89 Des rencontres avec tous les interlocuteurs pertinents : syndicats, employeurs, professeurs, inspecteurs du travail, etc. Le lancement en avril du 1er cas de requalification de stage en CDI devant les prud'hommes et sûrement devant la Chambre pénale. Six autres cas sont actuellement à l'étude. Le résultat : Les stages ont été incorporés dans la loi sur l'égalité des chances (article 9). La convention de stage est obligatoire et obligatoirement tripartite une convention-type sera établie par décret, Les stages de plus de 3 mois seront obligatoirement indemnisés 360 euros minimum (Décret en cours), La limitation des stages est fixée à six mois pour les stages hors cursus pédagogique. C'EST INSUFFISANT ! GENERATION PRECAIRE CONTINUE DONC DE MILITER POUR LA REFORME DES STAGES ! Il y a 800 000 stages en France par an dont environ 100 000 constituent des emplois déguisés. Le stage post diplôme est un frein à l'embauche des jeunes diplômés. Il contribue au chômage, à la baisse des salaires et à l'augmentation des compétences requises pour le premier poste LE STAGIAIRE DOIT BENEFICIER D'UNE VERITABLE REGLEMENTATION ET FIGURER DANS LE CODE DU TRAVAIL. Mieux encadrer les stages c'est créer de l'emploi.Il faut redonner au stage sa vocation pédagogique. C'est possible : 3 propositions de lois sont à l'étude à l'Assemblée Nationale et au Sénat, à nous de mettre la pression ! Nos prochains rendez-vous : Le 26 avril : Assemblée générale, Venez nous rejoindre ! Le 1er mai : Manifestation pour la "Faites du Travail" - Rendez-vous à 18h à Pigalle. Du 4 au 7 mai : Forum Social Européen d'Athènes Et bien sur de nouvelles flash-mobs contre des entreprises et institutions stagiophages... Plus d'infos via notre newsletter et notre site Signez la pétition en ligne si vous ne l'avez pas encore fait, et faites tourner ce mail ! A bientôt L'équipe de Génération- Précairehttp://www.generation-precaire.org Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 90 Programme des Rencontres "stages et précarité des jeunes" (organisé par Génération Précaire du 6 au 11 février ) Source : http://www.generation-precaire.org/+du-6-au-11-fevrier-Semaine-de Lundi 6 février de 17 à 20h : Stages et contrats précaires. Vers la disparition des CDI ? Discussions autour du projet de loi sur l'égalité des chances : CPE, stages, discriminations, . En présence de représentants des cinq principales centrales syndicales M. Glayman (sociologue) M.Davidoff (Inspecteur du travail) M. Gaudu (Professeur de droit social) Mardi 7 février de 18 à 21 h : Nouveaux précaires, nouveaux militants. Les nouvelles formes de précarité et les nouvelles manières de la combattre. Anne Rambach " les intellos précaires " Evelyne Perrin, auteure de "Chômeurs et précaires au coeur de la question sociale" et "Syndicats et collectifs face à la précarité" sociologue Isabelle Sommier (sous réserve) Maître de Conférences de Science Politique, auteure de " les nouveaux mouvements contestataires à l'heure de la mondialisation " AC La Coordination des intermittents et précaires d'Île-de-France BAC Annie Pourre de No Vox Dal Droit devant Vamos jeunes chercheurs contre la précarité Stop précarité Mercredi 8 février de 18 à 21 h: Les dérives du système d'enseignement supérieur. Crise de contenu et opportunisme financier des organismes de formation. Georges Horn (RH, écoles de commerces) Jean Marie Chevalier (Professeur de Sciences Economiques à l'Université Paris Dauphine) Katherine Khodorowsky (Dir comm CIDJ) Jeudi 9 février de 18 à 21 h : Egalité des chances ? Etat des lieux des conditions de vie des jeunes et topographie des discriminations sexuelles, raciales, culturelles, sociales, etc. Martin Hirsch (Président d'Emmaüs France) Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 91 Robert Castel (Sociologue, agrégé de philosophie, directeur d'études à l'EHESS) Ni putes ni soumises, Collectif Banlieues du monde, Des parents d'élèves. Vendredi 10 février de 18 à 21 h : L'entreprise c'est la vie ? L'entreprise : impossible de faire sans, comment faire avec ? Valerie Corman (Medef) Catherine Halpern (journaliste à Sciences humaines) Anne Meronno (inspectrice du travail) Marcello Wesfreid ( journaliste à l'Express) Thomas Ehrstein (DG de TEC France) Samedi 11 février : 17h : Atelier requalifications 18-20 h : Génération Précaire : une génération européenne ? Les stages en Europe, les réseaux émergents et la tentation de l'exil. Louis Chauvel (sociologue français, spécialisé dans l'analyse des structures sociales et du changement par génération) Hélène Chabrol (Consultante en entreprise, auteure d'un mémoire de DEA sur l'insertion des jeunes) Renaud Charles (journaliste au monde.fr) Précarios, collectif de précaires espagnols Fairwork collectif allemand Mathieu Slotz (journaliste à Die Zeit, Berlin) 20h :Bilan / apéritif Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 92 - Exemple d’annonce citée sur le site de Génération Précaire http://www.generation-precaire.org/_discussion.php3?id_forum=6737#forum6737 consulté le 16/08/06 23-05-2006 Pays : France Région : Ile de France Département : Paris Ville : PARIS 1 Début du travail : début juin Type de contrat : Stage Salaire : non rémunéré Niveau d’expérience : Etudiant Présentation de l’entreprise : Concept Store en plein coeur de Paris (1er arrondissement) 200m2 mode homme-femme, prêt à porter et accessoires mais également des co-brandings avec des marques telles que Rossignol, Le Coq Sportif... Intitulé du poste : STAGE DE VENTE Description : Recherche un(e) vendeur(se) pour sa boutique parisienne Profil : - dynamique grande disponibilité maîtrise de l’anglais connaissance de mode uniquement avec convention de stage Contact : Philippe BADIA http://www.generation-precaire.org/_discussion.php3?id_forum=7053#forum7053 consulté le 16/08/06 Stage du 01/05/2006 pour une durée de 6-12 mois XXXXXX, basée à Paris, agit dans plus de 60 pays avec un réseau international d’organisations affiliées en Europe (Angleterre, Italie, Espagne, Belgique, Portugal), aux Etats-Unis, en Amérique Latine (Mexique, Brésil, Argentine), en Asie (Inde, Chine, Japon), en Afrique (Maroc, Sénégal et Bénin) et dans les Emirats Arabes Unis (Dubaï). PlaNet Finance soutient le développement de la microfinance par de nombreuses activités qui renforcent le secteur dans son ensemble, les gouvernements et responsables politiques ou directement les institutions de microfinance. XXXXXX contribue à la fois à la professionnalisation et au refinancement du secteur de la microfinance. Dans le cadre du développement de ses activités, XXXXXX recherche un(e) stagiaire « Web Designer » au sein du département Formation et Support Technique. Le département Formation et Support Technique de XXXXXX propose une offre de formation en ligne sur sa plate-forme www. XXXXXX.org. Le Web designer est responsable des activités suivantes : Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 93 Le développement des modules de formations. Ce dernie est réalisé sous Flash et comprend également des travaux d’infographie avec Photoshop (traitement d’images, réalisation de graphiques, illustrations,..). Développement des cours en ligne à partir de story-boards créés sous PowerPoint. Les cours doivent être également formatés pour une version off-line sur CD-Rom. Participation à des travaux d’infographie du département (supports de communication, sites Web,...) L’administration de la plate-forme XXXXXX www. XXXXXX.org comprend les activités suivantes : Maintenance de la plate-forme Oracle d’organisation partenaires Développement de sites de formation Gestion des inscriptions des apprenants : inscription et suivi Reporting des activités de la plate-forme : nombre d’inscriptions, identification des apprenants, Développement de requêtes SQL Mise en ligne et mise à jour des contenus de formation Mise à jour des outils de communication Création et suivi des sessions de tutorat Formation et suivi des tuteurs Le stagiaire sera formé à l’administration de la plate-forme ilearning d’Oracle Stage Rémunéré Profil Recherché : PROFIL : Devellopeur informatique (formation Bac +2/+5). et force Bonne de capacités proposition. Rigueur rédactionnelles. Sens et du Sens des responsabilités, autonomie grande capacité contact et du organisationnelle. travail en équipe. Maîtrise des outils informatiques : Pack Office (Word, Excel, PowerPoint) et des logiciels (PowerPoint, Photoshop, Flash,Dreamweawer...) Anglais indispensable, espagnol souhaité. Le candidat devra faire preuve d’une forte motivation associative. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 94 Statut : Le poste à pourvoir est un stage obligatoire avec convention et indemnisé. (365€/mois et 762€ à partir du 7ème mois+ Remboursement des titres de transport à 50%) Début et durée de la mission : Le poste est à pourvoir au immédiatement pour une durée minimum de 6 mois. Procédure de sélection : Envoyez votre C.V. et lettre de motivation avec la Réf : TTS/WD/LA à : Ludivine XXXXXX Responsable du Recrutement E-Mail : XXXXXX.org Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 95 ANNEXES C : DIVERS - La pyramide des besoins de Maslow A.H Maslow a bâti une théorie du besoin dans lequel le besoin n’est plus défini comme la fuite d’un déplaisir ou comme une sensation mais comme un élément indispensable à la vie de l’être humain qui est issue non seulement d’éléments physiologiques et instinctifs mais aussi culturels et sociaux. Ces besoins sont source de motivation de la part des individus qui les éprouvent, c’est à dire des raisons que se donnent les individus pour agir. A.H a développé une théorie dans laquelle les besoins sont hiérarchisé et où la condition sine qua non pour qu’un un besoin supérieur puisse être satisfait est que les besoins « inférieurs » soient déjà satisfaits. La pyramide des besoins établie par A.H Maslow est la suivante : Les besoins organiques, de sécurité (safety), d’appartenance (belongingness), d’estime (esteem) et enfin de réalisation de soi (self actualisation). Il est intéressant de constater 111 que les besoins importants sont ceux qui ne sont pas encore satisfaits, en suivant la hiérarchie. Tout d’abord, les besoins organiques. Il s’agit des besoins fondamentaux au maintien de la vie : respiration, alimentation, élimination, maintien de la température, repos et sommeil, activité musculaire et neurologique, contact corporel, vie sexuelle112. Dans nos sociétés développées, ces besoins sont comblés dans l’ensemble. Ensuite viennent le besoins de sécurité qui correspondent aux besoins psychologiques de sécurité (protection physique et psychologique, emploi, stabilité familiale et professionnelle), de propriété (avoir des choses et des lieux à soi) et de maîtrise de l’environnement (pouvoir sur l'extérieur. Le maintien de la sécurité physique implique la réduction ou l'élimination des dangers qui menacent le corps ou la vie de la personne. Le danger peut être une maladie, un accident, un risque ou l'exposition à un environnement dangereux.. Par la suite, on voit apparaître les besoin d’appartenance et d’amour , c’est à dire les besoins sociaux : affectivité (être accepté tel que l'on est, recevoir et donner amour et tendresse, avoir des amis et un réseau de communication satisfaisant), estime de la part des autres (être reconnu comme ayant de la valeur) et appartenance (acceptation des autres avec leurs différences, ainsi que par l'appartenance à un groupe). Ainsi les mouvements de 111 La sociologie des organisation initiation, 5ème édition revue et corrigée, octobre 1989, Philippe Bernoux, Edition du Seuil, Collection Point Essais, p78-82. 112 http://www.educspe.com/content/view/184/52/ consulté le 22/07/06. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 96 solidarité de classe, d’identité à sa classe, le militantisme social s’inscrivent dans le cadre de ces besoins d’appartenance Le besoin d’estime intervient ensuite. Il se compose de deux éléments. Le premier, individuel, d’estime de soi et le deuxième social de prestige. Le besoin d'estime de soi est à rattacher au désir de force, de maîtrise et de compétence . Celui de prestige se rapporte quant à lui au notions de réussite et de mérite. Enfin le dernier besoin consiste en un besoin de réalisation de soi ou d’actualisation de soi. Chez de nombreux individus, ce besoin d'actualisation de soi comprend des besoins de compréhension cognitive (nouveauté, exploration, connaissance), ainsi que des besoins esthétiques (musique, art, beauté, ordre). Mais cette actualisation de soi n’est jamais atteinte et réclame une recherche continuelle. La personne qui s'est actualisée a l'esprit mûr et sa personnalité est multidimensionnelle ; elle est souvent capable d'assumer et de mener à terme des tâches multiples et elle tire satisfaction du travail bien fait. Elle peut juger de son apparence, de la qualité de son travail et de la façon dont elle résout les problèmes sans se soumettre entièrement à l'opinion des autres. Bien qu'elle ait des échecs et des doutes, elle y fait généralement face avec réalisme. La façon dont une personne réussit à satisfaire le besoin d'actualisation de soi dépend de ses besoins actuels, de son environnement et des agents stressants. Pour s'actualiser, la personne doit créer un équilibre entre ses besoins, les agents stressants et sa capacité d'adaptation aux changements et aux exigences de son organisme et de son environnement. On représente traditionnellement cette théorie sous la forme suivante : Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 97 besoin de réalisation de soi besoin d’estime besoin d’appartenance et d’amour besoins de sécurité besoins organiques - Lasswell http://www.hawaii.edu/intlrel/pols315/Text/Theory/lasswell.htm Lasswell's Value Theory Resconstructed as Means* Richard W. Chadwick Lasswell's Values as Attributes and Relations Attributes Relations (Lasswell: "welfare values") ---------------------------Health Wealth Enlightenment Skill (Lasswell: "deference values") -----------------------------Affection Rectitude Power Respect Lasswell categorized values in terms of "deference" and "welfare." "Deference" simply refers to one accepting the cues or instructions of another. One "defers" to another's opinions, beliefs, desires, directives. A "welfare" value represented stored worth, a "stock" or ability of some type. More generally, one can say that Lasswell's welfare values are valued attributes, and deference values are valued relations. Lasswell's idea of "deference" points to the control aspect of human relations. For instance: why does one person follow the lead of another? Because they fear the other (Lasswell: power), love the other (affection), feel it is expected traditionally (respect), or simply because it is the right thing to do, i.e., good for society (rectitude). But we can think of "relations" in general rather than in terms of a particular characteristic of a relation, in this Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 98 case, passivity vs. activity. Relations such as of affection or love, need not be only passive or active, or submissive vs. dominant; they can and often are more mutual or interactive. Leo Bogee, for instance, describes leaders as dominant vs. easy-going. The easy-going leader isn't submissive but rather more attentive to a situation, taking time to evaluate, and then takes action; while the dominant leader tends more to take an action then evaluate the outcome and think about future action. "Relations" rather than "deference" leaves room for both the dominant and easy-going styles to be described as more or less powerful or empowered in a relationship, rather than conceptualizing empowerment as a zero- or constantsum. Of course, thinking of "relations" in general rather than "deference" relations in particular, still permits one to characterize a relationship as coercive or attractive in nature. Lasswell was principally concerned with power as coercive influence, that is, influence based on the fear of deprivation. He characterized the politicization of a relationship as introducing into it a severe threat to something highly valued. Politics then, was about the management of coercive relations. It was therefore natural for him to use the term "deference" to refer to such values as respect and affection because it was the threat of deprivation of such values that concerned him. Lasswell's concern with coercion needlessly limits application of his values typology to coercive relations when in fact the typology applies to attractive relations as well. Would he, for instance, have thought about "whether it is better to be feared than loved" (Machiavelli) in politics? One would doubt whether the question could arise within his framework, since it would be the fear induced by a threat of deprivation of love that would be of interest, and even such deprivation only in the context of power assessments. Thus there may be much to gain by broadening the application of the typology to include, say, empowerment, cooperation, collaboration, and competition, by giving (hence attracting) rather than coercing. - Blog Extraits de l’article issu de Wikipédia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Blog), consulté le 15/08/06 Un blog est un site web sur lequel une ou plusieurs personnes s'expriment de façon libre, sur la base d'une certaine périodicité. Son expression est décomposée en unités Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 99 chronologiques, chaque unité est susceptible d'être commentée par les lecteurs et est le plus souvent enrichie de liens externes. C'est un outil de publication en ligne en quasi temps réel. - Flash mob Article issu de Wikipédia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Flash_mob), consulté le 8/08/06 Un flash mob, traduit généralement par foule éclair ou mobilisation éclair est le rassemblement d'un groupe de personnes dans un lieu public pour y effectuer quelque chose de particulier avant de se disperser rapidement. Généralement organisé au moyen d'Internet, les participants (les flashmobbers) ne se connaissent pas pour la plupart. Le phénomène des flash mobs a commencé début 2003 aux États-Unis lorsque des personnes ont pris connaissance par Internet d'évènements organisés par une personne ou un groupe nommé le « Mob Project », et planifiés pour New York. Le premier flash mob, qui devait se dérouler dans un magasin, n'a pas vraiment eu lieu car les forces de l'ordre averties du projet, avaient investi les lieux et ont effrayé les participants. Les organisateurs ont évité ce problème pour le deuxième flash mob en envoyant les participants dans des zones préliminaires où ils ont reçu des instructions sur le lieu final et l'évènement juste avant qu'il ne commence. Environ deux cent personnes ont convergé vers le neuvième étage d'un grand magasin, dans le rayon des tapis, se rassemblant autour d'un tapis particulièrement cher. Quiconque était approché par un vendeur devait lui expliquer que les participants vivaient ensemble dans les environs de New York, qu'ils voulaient acheter un tapis et qu'ils prenaient toutes leurs décisions d'achat ensemble. Une convergence rapide d'individus sans lien préalable, suivi d'une disparition tout aussi rapide est devenue la caractéristique du phénomène des flash mobs. Sur internet, des sites par ville permettent de s'inscrire pour recevoir des instructions et participer à la prochaine mobilisation éclair. Les flash mobs se sont rapidement étendus à l'Asie, et à partir d'août 2003 en Europe, Amérique latine et Australie. La Presse rapporte que Montréal, le 9 août 2003, une quarantaine de personnes se sont ainsi réunis entre 13h19 et 13h22 sur l'esplanade de la Placedes-Arts en criant «Coin! Coin!» et ont jeté dans le bassin plus de 200 canards en plastique jaune avant de se disperser subitement.[…] Montréal a ainsi devancé Toronto et Vancouver, où des foules éclair devraient se tenir prochainement. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 100 A Paris le 28 août 2003 a eu lieu le premier flash mob français. Une centaine de personnes se sont retrouvées dans le hall du musée du Louvre, ont marché rapidement en parlant au téléphone. Elles se sont immobilisées soudainement, ont applaudi quelque chose en l'air puis se sont dispersées. Il a été réitéré un an plus tard : 300 personnes y ont participé. À Montréal encore une fois, le 7 avril 2006, à 19h00 au square Dorchester, une centaine de personnes ont participés à une bataille d'oreillers. Les analystes se perdent en conjectures sur ce phénomène: S'agit-il d'un nouvel avatar de l'intervention artistique (happening en anglais), plutôt d'art plastique ou de théâtre? Est-ce une nouvelle forme de convivialité urbaine, une réappropriation de l'espace public ? - Les membres Catherine 33 ans. Fondatrice du mouvement. Deux diplômes (Beaux-Arts et une licence de philosophie, complété par une formation par un DESS ’ Projet culturel’) bac +5. Huit stages sur son CV, dont un seul ’ rémunéré’ (150€ par mois). Aline 23 ans. Milite essentiellement dans le pole international et s’occupe principalement du site Internet européen (génération-p.org). Elle a déjà milité auparavant en montant notamment un collectif Ras l’Front Après une maîtrise d’Histoire, elle suit un DEA d’Histoire Contemporaine. A effectué trois stages dont le premier s’est très mal déroulé et elle a démissionné avant le terme prévu. Thomas : N’avait jamais milité auparavant A intégré le mouvement dès Octobre A suivi des études de philosophie et a échoué à plusieurs reprise à l’Agrégation et au CAPES de Philosophie avant de suivre une formation de journaliste radio . A effectué notamment un stage pour le site Internet d’un Atlas Journaliste dans une radio nationale durant l’été, il dispose d’un CDI à mi-temps dans une grande entreprise d’enquête marketing et de sondage où il effectue de la veille audiovisuel. Patrick : Patrick est arrivé dans le collectif en novembre. N’avait jamais milité auparavant. Il travaille essentiellement dans le pole juridique/ requalification et a notamment participé à la rédaction des amendements proposés aux députés. A effectué 15 mois de stage au total, dans une entreprise de conseil puis dans une entreprise de grande consommation. A obtenu un CDI dans une grande entreprise énergétique Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 101 Amida : 23 ans Milite surtout dans le pôle politique et avait déjà milité, notamment à SUD Etudiant, des collectifs ponctuels anti-G8 ainsi que dans la création de média alternatifs Présente dans le mouvement dès Octobre A effectué quatre stages qui dans l’ensemble ne se sont pas mal déroulés. Après ces études à l’IEP de Toulouse, entame un DEA d’histoire sociale, du salariat et du syndicalisme Louis : 31 ans Milite principalement dans le pôle politique et avais déjà milité par le passé (« Red H »qui travaille sur la communicabilité des droits de l’homme. Le syndicat étudiant A « Dazont » (avenir en breton), qui revendiquait l’identité bretonne avec une position nationaliste. Un des trois fondateurs. A suivi quatre ans de droit public, un an de sciences politique, et un troisième cycle en gestion après mes études. Après avoir effectué de nombreux petits boulots (notamment en Angleterre), il travaillait durant l’hiver comme professeur remplaçant en BTS et est actuellement salarié en CDD dans une grande banque française. Géraldine 33 ans, chilienne, en France depuis 7 ans. N’avait jamais milité auparavant mais s’est depuis impliquée dans un autre mouvement en parallèle. A intégré le mouvement dès Octobre Etudie en Conservation et restauration de patrimoines à Paris Elle s’occupe notamment de répondre à ceux qui réalisent des travaux universitaires sur le collectif mais aussi des contacts avec les raccords et les personnes qui participent aux réunions publiques. A effectué un stage de 6 mois non payé aux Etats-Unis et a du travailler en parallèle de ses études. Elle a décidé de créer son entreprise en collaboration avec des amis - Les pôles Issu de l’entretien mené par Elodie Vialle auprès de Géraldine Tu as mobilisation (régionale, sur paris, internationale) en ce moment il y a une présentation des revendications au niveau européen (la pétition et le site européen). A Paris, tu as les flashs mob, les contacts, établir les contacts. Et après on l’a nommé communication (il y a le livre et les contacts avec les journalistes), la liste de contacts, les documentaires (LCP, la chaîne parlementaire, le documentaire de Ruxandra) et un autre documentaire en septembre sur Arte, mais sur les jeunes en général. Il y a le pôle études. Il y a le pôle juridique et requalifications. L’idée c’est de prendre les gens qui étaient exploités pour étudier leur cas et les requalifier en CDD. Le problème c’est que les gens ne voulaient plus aller aux prud’hommes au dernier moment. Et si on te donne ton CDI/CDD, vive ton entourage et l’ambiance de travail…Mais si une personne en stage prouve qu’elle fait un remplacement, il peut y avoir requalification. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 102 Le pole soutien. C’est le nom qu’on donne au pole qui regroupe de tous les gens qui nous soutiennent. Sénateurs, famille, grand-père perdu au milieu de nulle part…Il peut y avoir de tout, des gens importants comme des gens pas importants. Tu as le pole politique (ils contactent les sénateurs, parlementaires, les syndicats), on est en contact avec Valérie Pecresse (elle a travaillé sur la problématique de la jeunesse)-et Godefroy, un sénateur PS qui reprend quasiment l’intégralité de nos propositions. - Mail annoncant une flash-mob et annoncant le dress-code http://www.generation-precaire.org/Newsletter-Fevrier pour la Flash-mob 11 du 7 Février 2006 devant l’ANPE internationale Le 7 février, dans toute la France, les syndicats appellent à une manifestation contre le projet de loi sur le CPE. Depuis sa création, Génération Précaire participe aux grandes manifestations intersyndicales. L’objectif : rappeler aux syndicats et aux pouvoirs publics que les stagiaires sont des travailleurs précaires qui ne doivent pas être oubliés. REJOIGNEZ NOUS, NOUS pour la manifestation du 7 février ! Nous protesterons contre la précarisation des jeunes sous toutes ses formes! Toujours sans étiquette mais avec imagination et bonne humeur! Alors venez vêtus de noir avec un masque blanc ainsi qu'avec......Une carotte, un tuteur et une ficelle!!!!! Pour Paris : départ à 14 heures de Bastille, RDV 13H45 au 48 boulevard de la bastille devant l’ANPE internationale. Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006 103