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Observatoire du Management Alternatif
Alternative Management Observatory
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Cahier de recherche
Génération Précaire
ou
Comment et pourquoi un mouvement de contestation se
crée et se pérennise ?
Pierre-Antoine Chiarelli
29 septembre 2006
Majeure CEMS – HEC Paris
2005-2006
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
1
Genèse du présent document
Ce cahier de recherche a été réalisé sous la forme initiale d’un mémoire de recherche
dans le cadre de la Majeure Community of European Management School (CEMS), spécialité
de troisième année du programme Grande Ecole d’HEC Paris.
Il a été dirigé par Eve Chiapello, Professeur à HEC Paris et co-responsable de la
majeure Alternative Management, et soutenu le 29 septembre 2006 en présence d’Eve
Chiapello et de Ludovic François, Professeur affilié à HEC Paris.
Origins of this research
This research was originally presented as a research essay within the framework of the
Majeure “Community of European Management Schools” (CEMS), specialization of the
third-year HEC Paris business school program.
The essay has been supervised by Eve Chiapello, Professor in HEC Paris and
codirector of “Majeure Alternative Management”, and delivered on September, 29th 2007 in
the presence of Eve Chiapello.
Charte Ethique de l'Observatoire du Management Alternatif
Les documents de l'Observatoire du Management Alternatif sont publiés sous licence Creative Commons
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Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
2
Génération précaire ou comment et pourquoi un mouvement de
contestation se crée et se pérennise ?
Résumé: Ce mémoire traite du mouvement Génération Précaire qui s’est constitué afin de
contester les abus dans le système des stages et qui, compte tenu de ses effectifs
particulièrement restreint, a connu un véritable succès. Ce mémoire s’intéresse plus
particulièrement aux raisons qui ont amené la constitution du mouvement et à celles qui
permettent d’expliquer le succès évoqué.
Mots-clés : Frustration relative (Ted Gurr) - CATNET (Charles Tilly)- modes d’action relations aux médias -Nouveau Mouvement Social – Flash mobs – Stages – Mobilisation
Risk generation: how and why protest movements evolve and
renew themselves
Abstract : This thesis considers the Risk Generation movement, which was founded to contest
changes to internship training schemes. Despite the scarcity of its resources, this movement
was a real success. This paper is focused more on the reasons which explain the constitution
of the movements and those which explain its success.
Key words : Relative Deprivation (Ted Gurr) – CATNET (CharlesTilly) – action modalities –
relations to media – New Social movement – Flash mobs – internship – Mobilization
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
3
Remerciements
Je tiens à remercier tous ceux qui m’ont aidé dans la rédaction de ce mémoire.
Tout d’abord, je remercie sincèrement les différents membres de Génération Précaire
qui ont pris le temps de répondre à mes questions que ce soit par le questionnaire que j’avais
rédigé comme Leslie, Patrick et Ignacio, les entretiens que certains ont eu la gentillesse de
m’accorder comme Jacques et Aline.
Un grand merci à Amida, Aline, Fred, Jacques, Leslie, Isabelle, Patrick, Louis, Jean,
qui ont accepté ma présence lors de leur réunion.
Merci à mon relecteur attitré qui a écourté ses nuits pour traquer notamment les fautes
d’orthographe et de grammaire dont j’avais parsemé mon mémoire. Je te l’ai déjà écris à
chaque fois que du Canada je recevais un de tes mails envoyés entre 1h00 et 2h00 du matin
(heure française) mais tu mérites que je me répète : Merci encore papa.
Au sein de Génération Précaire, j’ai une gratitude toute particulière envers la grande
disponibilité, la gentillesse, la patience et le sourire de Géraldine qui a été mon intermédiaire
au sein du collectif, a répondu à mon questionnaire, m’a accordé un entretien et m’a convié à
la réunion qui se tenait chez elle.
Mon mémoire ne serait sûrement pas ce qu’il est sans les longues discussions
téléphoniques que j’ai pu avoir avec Elodie Vialle. Notre échange m’a permis d’approfondir
et de clarifier mes intuitions, de développer mes idées, de découvrir de nouveaux auteurs,
d’entendre d’autres idées. J’espère qu’elle aura pu, elle aussi, tirer profit de nos échanges
d’idées.
Je ne saurai assez remercier la disponibilité de madame Chiapello qui m’a suivi durant
toute la rédaction de ce mémoire, m’a prodigué des conseils toujours avisés, m’a laissé très
libre tant dans le choix de mon sujet que dans la manière de l’appréhender. Malgré la distance
occasionnée par mon échange en Allemagne et des emplois du temps assez récalcitrants, elle a
toujours su trouver le temps pour répondre à mes questions, et m’expliquer ce qu’elle
attendait. J’espère avoir bien entendu ses attentes et que ce travail y répondra.
Je m’excuse a posteriori auprès de Chloé Renault pour mes moments d’absence durant
lesquels, perdu dans mon travail et mes réflexions sur Génération Précaire j’ai pu apparaître
distant.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
4
Pour la précision de son ouvrage, l’intérêt des théories qu’il développe et la qualité de
ses explications, Erik Neveu mérite de figurer dans mes remerciements. La qualité de
Sociologie des Mouvements Sociaux en fait mon ouvrage de référence et m’a servi de fil
conducteur théorique.
Enfin, merci à monsieur Nioche qui m’a permis de préciser l’angle selon lequel étudier
Génération Précaire, M Perrotte qui m’a permis de mieux comprendre la manière dont
Génération Précaire était appréhendé par les média, M Chevalier qui a su m’accorder si
rapidement en entretien téléphonique.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
5
Table des matières
Introduction .............................................................................................................................. 7
Partie 1.
Théorie................................................................................................................... 9
1.1.
La création du mouvement...................................................................................... 9
1.1.1.
Hypothèse 1 : la frustration relative ................................................................... 9
1.1.2.
Le concept de frustration relative..................................................................... 10
1.1.3.
Hypothèse 2 : Le CATNET.............................................................................. 14
1.1.4.
Organisation, pérennité et efficacité du mouvement........................................ 16
1.1.5.
Hypothèse 3 : Nouveaux Mouvements Sociaux .............................................. 17
1.1.6.
Hypothèse 4 : La mobilisation ......................................................................... 19
Partie 2.
Méthode............................................................................................................... 21
2.1 Présentation du mouvement ..................................................................................... 21
2.2 Démarche ................................................................................................................... 22
2.2.1 Phase exploratoire ................................................................................................. 22
2.2.2 Phase théorique ..................................................................................................... 23
2.2.3 Enquête terrain ...................................................................................................... 23
2.3 Difficultés rencontrées : le problème de la proximité ............................................ 24
2.3.1 Un éloignement géographique… .......................................................................... 24
2.3.2 …qui n’empêche ni d’être trop proche des membres de Génération précaire… .. 24
2.3.3 … ni d’être au cœur de l’action........................................................................... 25
Partie 3.
Etude de cas ........................................................................................................ 27
3.1 D’un mouvement qui se constitue… ........................................................................ 27
3.1.1 25 personnes et plus et plus et plus… ................................................................. 27
3.1.2 … à l’organisation particulière............................................................................ 32
3.1.3 Le recrutement..................................................................................................... 38
3.1.4 Motivation ........................................................................................................... 42
3.2 … à un mouvement qui agit et qui communique.................................................... 46
3.2.1 Les modes d’action.............................................................................................. 46
3.2.2 Le rapport aux médias .......................................................................................... 52
3.2.3 Le rapport au politique ......................................................................................... 58
Conclusion : Quels résultats et quel avenir?........................................................................ 62
Bibliographie........................................................................................................................... 64
Annexes…… ........................................................................................................................... 69
Annexe A : Entretiens et questionnaires .............................................................................. 69
Annexe B: Issu du site de Génération Précaire .................................................................... 79
ANNEXES C : DIVERS ...................................................................................................... 96
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
6
Introduction
Génération Précaire (GP), tel est le nom que s’est donné le mouvement initié en
septembre 2005 pour dénoncer le recours abusif aux stagiaires au sein des entreprises. Avec le
temps, ce mouvement a pris de l’ampleur et a réussi à fédérer non seulement des membres
actifs mais aussi un nombre croissant de soutiens.
Alors que le système des stages existe depuis des siècles si l’on considère
l’apprentissage comme stage et sous sa forme actuelle depuis 1978 si l’on se réfère à
l’instauration de la convention de stage, il aura fallu attendre l’automne 2005 pour voir une
structure s’ériger en porte-parole des stagiaires. Jusque-là, les 800 000 stagiaires1 (moyenne
annuelle) ne disposaient d’aucune représentation.
Cette absence de représentation laisse perplexe surtout si on la compare à celle dont
bénéficient les 894 000 agriculteurs en France2. Comment se fait-il qu’une catégorie
regroupant autant de membres soit restée aussi longtemps silencieuse ? Pourquoi ni les
syndicats ni les gouvernements n’ont-ils tenté d’entendre et de faire entendre ces voix ? Ces
gens là n’avaient-ils donc rien à dire ? La vigueur manifestée par Génération Précaire pour
faire entendre ses revendications depuis un an nous prouve aisément le contraire.
Les réponses à ces questions sont sûrement à chercher dans la durée restreinte du statut
de stagiaire. Alors qu’un agriculteur exerce son métier plus de 40 ans durant, un stagiaire
n’exerce que quelques mois seulement et revient ensuite à ses études ou bien entre sur le
marché du travail pour briguer un CDD ou un CDI.
En outre, le dénominateur commun entre les stagiaires est très faible. Comme nous le
verrons par la suite, tout groupe s’organise autour d’un sentiment d’appartenance fort issu
d’une sociabilité volontaire ou bien d’identités catégorielles auxquelles les individus sont
assignés par des propriétés objectives3. La relation contractuelle à l’entreprise semble être le
seul dénominateur commun entre les stagiaires. Dès lors, de même qu’ aucun mouvement ne
représente les CDD ou les CDI dans leur ensemble, aucun mouvement ne représente les
1
Conseil Economique et Social, L’insertion professionnelle des jeunes issus de l’enseignement supérieur, Avis
et Rapport, 2005, p38 (avis présenté par M. Jean Louis Walter, Membre du Bureau du Conseil Economique et
Social,
président
du
Groupe
de
la
Confédération
française
de
l'encadrement
CGC
et membre de la Section du Travail).
2
Source Agrest (http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/bima2006n3.pdf).
3
Tilly, théorie du CATNET.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
7
stagiaires dans leur ensemble. La trop grande diversité au sein des CDD, des CDI ou parmi les
stagiaires prévient tout sentiment d’appartenance à un groupe.
L’extrême volatilité du statut de stagiaire associée à la grande diversité des stagiaires
(âge, milieux socioculturel, catégorie socioprofessionnelle) expliquerait donc l’absence de
représentation des stagiaires. Mais alors pourquoi ces explications qui ont prévalu jusqu’à
l’été 2005 sont elles prises en défaut à l’automne ? Comment Génération Précaire a-t-il su
surmonter des obstacles jusque là infranchissables ? Dans un premier temps, et afin d’étayer
une approche théorique, nous nous intéresserons à la création du mouvement, à l’origine de la
volonté de créer un tel mouvement. Dans un deuxième temps, nous étudierons la manière dont
ce mouvement s’est organisé, nous analyserons ses particularités ainsi que les raisons
expliquant sa pérennité et son succès.
Autant de questions qui m’intéressent non seulement en tant qu’ancien stagiaire mais
aussi pour avoir côtoyé des stagiaires qui ont parfois été confrontés aux abus dénoncés par
Génération Précaire. Car force est de constater que les stages offerts aux élèves d’HEC sont
souvent assortis de conditions privilégiées, comparées à la moyenne pratiquée.
Enfin, Génération Précaire retient mon intérêt par la forme nouvelle d’engagement
qu’il révèle. Entre autres exemples qui seront développés, l’apolitisme de ce mouvement qui
est non seulement affiché mais aussi jalousement défendu. Ces nouvelles formes
d’engagement, qui émergent depuis quelques années, m’intéressent particulièrement dans la
mesure où elles traduisent une volonté de concilier méfiance envers la classe politique et
intérêt pour la chose publique.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
8
Partie 1. Théorie
La première étape de ce mémoire consistera à s’intéresser aux prémices et au tout
premier temps du mouvement afin de dégager ce qui a permis une fédération autour d’un
projet commun (la dénonciation des abus du système des stages) alors même que ce qui réunit
les acteurs (le statut de stagiaire) est éphémère. Pour ce faire, j’expliquerai et utiliserai les
travaux de Ted Gurr exposés en 1971 dans Why Men Rebel sur l’analyse des frustrations afin
d’expliquer la naissance d’un mouvement de contestation. En outre je ferai aussi usage de la
théorie du CATNET4 élaborée par Charles Tilly.
Dans un deuxième temps, je m’attacherai à l’analyse de la manière dont ce
mouvement s’est structuré pour agir, son organisation interne, sa manière de communiquer
avec l’extérieur, son positionnement politique. Pour ce faire, j’utiliserai entre autre les travaux
d’Alberto Mellucci sur la définition des Nouveau Mouvement Sociaux5
(NMS) en
déterminant notamment dans quelle mesure le mouvement récent qu’est Génération Précaire
peut s’entendre comme un NMS au sens de Mellucci.
1.1.
La création du mouvement
1.1.1. Hypothèse 1 : la frustration relative
La décision de fonder Génération Précaire est issue d’une frustration relative
grandissante.
Dans cette mesure et si cette hypothèse est vérifiée, nous tenterons de faire un lien
entre la perception de la frustration relative, les valeurs concernées et le degré des modes
d’actions mis en œuvre.
Cette hypothèse est inspirée et adaptée du travail de Ted Gurr sur le concept de
frustration relative6.
4
From Mobilization to Revolution, Addison-Wesley, 1976.
Alberto Mellucci, L’invenzione del presente Movimenti sociali nelle societa complesse, Il Mulino, Bologne,
1982.
6
Why Men Rebel, Ted Gurr (1971), p 28.
5
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
9
1.1.2. Le concept de frustration relative
Le terme de frustration relative est la traduction de « Relative Deprivation » et se
définit comme l’état de perception par des acteurs de la différence entre les valeurs attendues
et les valeurs accessibles. Par valeur, Ted Gurr entend les événements, objets et conditions de
vie que les hommes désirent et s’efforcent d’atteindre ou d’obtenir. Les valeurs attendues
sont pour l’auteur les valeurs auxquelles les gens estiment avoir droit. Les valeurs accessibles
correspondent à celles que les gens pensent être en mesure d’atteindre et de conserver. En
outre, une troisième valeur correspond à la valeur atteinte dans les faits.
Comme nous le verrons par la suite (cf. : Les opportunités d’atteinte des valeurs à
l’échelle d’une collectivité), tout l’intérêt de cette théorie réside dans l’attention portée au
caractère relatif de la frustration, c’est à dire issue d’une comparaison entre réalisations et
aspirations.
Cependant, dans un premier temps et pour bien comprendre ce concept, il faut définir,
classer et hiérarchiser les valeurs au sens large (biens, conditions de vie, mode de vie) qui
seront l’entité comparée. Pour ce faire, Ted Gurr a choisi de synthétiser trois
travaux différents traitant de ce sujet:
Celui d’A.H Maslow et sa pyramide des besoins7.
Celui de Lasswell sur les valeurs et le pouvoir8.
Celui de Walter Garrison Runciman et son analyse sur les dimensions de l’inégalité
sociale.
Ce travail de synthèse permet d’établir le tableau suivant qui correspond à quatre listes
de catégories des valeurs dont la dernière à l’extrême droite représente la synthèse des trois
premières :
7
8
confère Annexe 16.
confère Annexe 17.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
10
La hiérachie des valeurs de
Les valeurs de Lasswell
Maslow
Les dimensions d’inégalité
Typologie composée
sociales de Runciman
VALEURS DE BIEN- ETRE
Besoins organiques
Bien-être, Richesse
Besoin de réalisation de soi
Compétence
Classe économique
Valeur Bien-être
Savoir
VALEUR DE DEFERENCE
besoins de sécurité
Puissance
besoin d’appartenance
Affection
besoin d’estime
Respect
Puissance
Valeur Puissance
Statut
Rectitude
Valeur Interpersonnelle
Source: Why Men Rebel, Ted Gurr,
p 26
La typologie des valeurs de Ted Gurr
Les valeurs de Bien-être sont celles qui contribuent directement au bien-être physique
et à la réalisation de soi. Cela inclut par exemple la nourriture, la santé, le confort physique
mais aussi l’utilisation et le développement des capacités mentales et physiques. Ces deux
classes dans les valeurs de bien-être font référence aux catégories de besoins économiques et
à ceux de réalisation de soi dans le tableau récapitulatif ci-dessus. Ces deux valeurs sont
étroitement liées l’une peut être un instrument pour atteindre l’autre et vice-versa.
Les valeurs de Puissance se déterminent comme étant les valeurs qui permettent à
quelqu’un d’influencer l’action des autres et d’éviter de voir ses propres actions influencées
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
11
par les autres. Ces valeurs regroupent à la fois les valeurs dites de participation et celles de
sécurité.
Enfin, les valeurs Interpersonnelles correspondent aux satisfactions psychologiques
recherchées dans des interactions non autoritaires avec d’autres individus ou groupes. Ces
valeurs regroupent trois classes intitulées statut, communalité et cohérence « idéationnelle ».
Le désir de statut est la volonté d’occuper un rôle qui confère de fait un certain prestige
auprès des gens avec qui l’on interagit. Le désir de communalité est lié à la classe précédente
et correspond au besoin de prendre part à des groupes (famille, communauté, association)
stables qui aident à se procurer affection et amitié. Enfin, la cohérence idéationnelle découle
de la certitude issue d’une adhésion partagée à des croyances sur la nature de la société et sur
la place à occuper au sein de cette société ainsi que sur les normes gouvernant les échanges
sociaux.
La production de frustration à l’échelle d’un groupe
Les définitions données dans la partie intitulée « le concept de la frustration relative »
peuvent aisément être élargies à un groupe de personnes. Dans la suite de cette partie, nous
prendrons le groupe comme unité de valeur et non pas un individu en particulier et nous nous
intéresserons aux différentes situations qui peuvent générer la frustration.
Empruntons à Erik Neveu9 un schéma récapitulatif que nous expliquerons ensuite.
9
Sociologie des mouvements sociaux, p 44, Erik Neveu, 3ème édition (2002), Edition La Découverte, collection
repères.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
12
fort
N
N
Niveau
d’espérance de
« valeur »
FRUSTRATION
Niveau de satisfaction
effective des attentes
Ecoulement du temps
faible
Source : Sociologie des mouvements sociaux, p 44
Ce schéma permet d’appréhender les différents scénarii possibles à l’origine d’une
frustration.
Tout d’abord, le scénario que nous qualifierons de frustration progressive. Il
intervient lorsque les attentes en matière d’accession à la distribution des ressources sociales
s’élèvent et que dans le même temps, les valeurs disponibles baissent. Un exemple de ce
scénario serait celui qui a présidé à la Révolution Française. En effet, des attentes croissantes
en termes de bien-être et de mobilité sociale apparues au cours d’une phase de prospérité et de
relative ouverture sociale ont été brutalement balayées par une crise économique.
Le deuxième scénario possible est nommé scénario du déclin et s’observe lorsque les
valeurs attendues restent stables mais que, du fait d’une perception négative du présent et de
l’avenir, les valeurs accessibles ou plutôt la perception des valeurs accessibles déclinent. C’est
ce phénomène qui permet d’expliquer l’opposition de certains artisans à la mécanisation.
Le troisième et dernier scénario est celui des aspirations montantes. Il découle de
valeurs disponibles qui varient peu par comparaison à des aspirations croissantes. Ce dernier
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
13
scénario a pu être observé lorsque les populations « colonisées » durent revenir chez elles et
perdre de fait le statut de citoyens qu’elles avaient acquis et dont elles avaient joui en
combattant pour la France lors de la seconde guerre mondiale. Ces populations constituèrent
par la suite un noyau de mobilisation anticolonialiste.
La mise en œuvre des actions
Face à ces situations de frustration l’individu –ou le groupe- dispose de trois niveaux
d’action pour atteindre les valeurs attendues, que nous regrouperons sous le terme générique
d’opportunités de valeur (value opportunities10). Ces opportunités de valeur sont :
L’opportunité personnelle qui correspond aux opportunités que rencontrent des
individus du fait de capacités héritées ou acquises.
L’opportunité sociétale qui comprend les actions normales qui peuvent être prises par
les membres d’une collectivité afin d’augmenter les valeurs. Ainsi concernant les valeurs
économiques on considérera l’étendue et le nombre des activités économiques ou bien encore
la facilité d’accès à de telles activités.
L’opportunité politique se réfère aux actions que peuvent mener des membres d’une
collectivité pour amener celle-ci à leur fournir les valeurs qu’ils souhaitent atteindre. C’est
dans cette catégorie que l’on classera par exemple les négociations collectives menées par les
travailleurs pour améliorer leurs conditions de vie ou de travail.
1.1.3. Hypothèse 2 : Le CATNET
Il y a eu une modification dans la composition du CATNET qui a permis de fédérer un
véritable noyau dur.
C’est à Charles Tilly que revient la paternité du concept de CATNET11 et par là même
celle d’une analyse axée sur la « sociabilité » dans son étude et sa définition des « groupes
organisés ». C’est à travers ce concept que Tilly explique qu’un groupe « prend » ou « ne
prend pas ». Erik Neveu a effectué un remarquable travail de vulgarisation de cette théorie en
langue française12 13 dont je me suis aussi inspiré.
10
Why Men Rebel, Ted Gurr (1971), p 28.
From Mobilization to Revolution, Addison-Wesley, 1976.
12
Sociologie des mouvements sociaux, p 60-62, Erik Neveu, 3ème édition (2002), Edition La
Découverte, collection repères.
11
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
14
Le terme CATNET provient d’une contraction des mots CATegorie et NETwork
(réseau) qui constituent les deux piliers de la théorie.
CATégorie
Par catégorie, Charles Tilly entend les caractéristiques absolument objectives qui
assignent les individus à un groupe, une catégorie ou plus précisément à une « identité
catégorielle ». Et donc, par définition les caractéristiques avec lesquelles il est très difficile
voire impossible de rompre. On pourra citer ainsi l’âge, la couleur de peau ou bien le sexe. La
spécialisation professionnelle ou bien la langue que l’on parle appartiennent aussi aux
éléments « catégorisant ». En effet, même s’ils sont un peu plus souples que les précédents, il
reste peu aisé de changer de métier ou de langue du jour au lendemain.
NETness
En parallèle de la catégorie, il existe une deuxième dimension : Le réseau (ou
NETness). Par réseau, on entendra les liens d’ordre électifs par opposition à ceux qui nous
sont assignés par un statut. Ces liens électifs correspondent à toutes les formes d'organisations
volontaires, constituées des syndicats, des associations, des mutuelles, des amicales, etc. C'est
l'univers des sociabilités partagées, le fait de faire du sport, de partir en vacances, d'avoir des
loisirs avec un certain nombre de personnes. Cela peut également être l'ensemble des
pratiques qui vont densifier les liens dans un groupe, le fermer sur lui même dans les cas
extrêmes et pathologiques comme les phénomènes d'endogamie ou le fait que les enfants
embrassent la carrière des parents. La logique du NETness est élective, les membres font le
choix (d’entrer dans un syndicat, de s’inscrire à un sport) et en contrepartie, les autres
membres du groupes dans lequel on a choisi de s’intégrer disposent aussi de la liberté
d’accepter ou non cette intégration.
13
http://www.seniorscopie.com/dossier/article.asp?id=030526200601 consulté le 7/08/06.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
15
Le CATNET
La théorie du CATNET consiste à combiner CATegorie et NETness et à se demander,
chaque fois qu'on analyse un groupe latent, comment s'articulent ou ne s'articulent pas
catégorie et réseau.
L’articulation dont il est question doit se lire de la façon suivante : Plus les facteurs de
réseau d'affinités, de sociabilités électives se superposent à des catégories objectives, plus, a
priori, le groupe qui est analysé pourra être considéré comme dur, dense et in fine capable de
se mobiliser.
Exemple
En reprenant la grille d’analyse Tillyenne du CATNET, Jacques Ozouf analyse le
groupe des instituteurs14.. Ainsi,
jusqu'aux années 50 la profession d’instituteurs était
fortement organisée. Elle était dotée de nombreux réseaux (mutuelles, groupes de camping,
compagnies d'assurances), qui se constituaient dès les écoles normales, institutions scolaires
aussi fermées que des couvents. Les instituteurs épousaient des institutrices, avaient une
vision fortement idéalisée de leur rôle de hussards noirs de la République. Autant de raisons
qui faisaient de ce groupe un groupe « dur ».
Une des raisons de l'affaiblissement des capacités de mobilisation du monde des
instituteurs aujourd'hui, réside dans l'affaiblissement de sa CATNET, symbolisé par exemple
par la hausse des mariages entre institutrices et cadres d’entreprises, ou le caractère moins
vocationnel, moins militant du choix de ce métier.
1.1.4. Organisation, pérennité et efficacité du mouvement
Après s’être intéressé au mouvement de contestation en tant que groupe et plus
précisément à sa composition, son homogénéité, sa cohérence et sa solidité, vient tout
naturellement la question de la manière dont il fonctionne, et interagit avec l’environnement
extérieur qu’il souhaite modifier et qui constitue sa raison d’être.
14
Jacque Ozouf, Nous les maitres d’école, Gallimard, 1973.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
16
1.1.5. Hypothèse 3 : Nouveaux Mouvements Sociaux
Génération Précaire qui apparaît comme ayant une structure à l’organisation très
horizontale, très souple, très réactive, ouverte, engagée mais non marquée politiquement est
un nouveau mouvement social. Notamment son rapport aux média et sa manière de
communiquer se révélèrent extrêmement adaptés et efficaces.
Pour vérifier cette hypothèse nous confronterons le mouvement Génération Précaire
aux quatre critères caractérisés par Mellucci dans sa définition des nouveaux mouvements
sociaux. Afin notamment de bien étudier la question du rapport aux média, nous insisterons
tout particulièrement sur les formes et les répertoires d’action.
La notion de Nouveau Mouvement Social (MNS) est double15. D’une part elle désigne
les nouvelles formes de contestation qui apparurent dans les années 1960/1970. D’autre part,
elle définit la théorie qui apparaît dans les années 1970 et qui, s’appuyant sur l’analyse des
mouvements évoqués ci-dessus, propose une nouvelle grille d’analyse des mouvements
sociaux en s’appuyant sur les ruptures apparaissant entre lesdits nouveaux mouvements
sociaux et les mouvements sociaux antérieurs.
Des sociologues tels que Touraine, Kriesi ou encore Riechmann s’inscrivent dans cette
école des Nouveaux mouvements sociaux. Cependant c’est Alberto Melluci qui effectuera le
premier des travaux sur le sujet. Il distinguera quatre dimensions16 qui marquent une rupture
nette avec les mouvements anciens tels que le syndicalisme ou les mouvements ouvriers.
Forme d’organisation et répertoire d’action
Les NMS se caractérisent tout d’abord par une méfiance prononcée envers les
mouvements de centralisation ou de délégation d’autorité à des états-majors distants. Ils leur
préfèrent le fonctionnement en Assemblée Générale et la possibilité d’un contrôle efficace des
dirigeants.
15
Sociologie des mouvements sociaux, p 66-68, Erik Neveu, 3ème édition (2002), Edition La Découverte,
collection repères.
16
Alberto Mellucci, L’invenzione del presente Movimenti sociali nelle societa complesse, Il Mulino, Bologne,
1982.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
17
La forte décentralisation des structures permet à chacun et notamment aux
composantes de base de disposer d’une véritable autonomie dans son action. C’est
vraisemblablement dans cette autonomie que se trouve l’explication de l’inventivité dont font
preuve les NMS pour relayer leurs messages à travers des actions peu institutionnalisées (sitin, occupation de locaux, grève de la faim) voire ludiques de protestation (flash-mob17) qui
répondent généralement bien aux attentes des médias. Cette variété dans les actions menées
tranche avec l’unicité de revendication que portent les NMS. En effet, les NMS ne s’occupent
en règle générale que d’un seul dossier et disparaissent avec la mise en place de leurs
revendications sur ce dossier.
Valeurs et revendications
La nature des revendications change avec les NMS. En effet, ces derniers ne
revendiquent pas une meilleure répartition des richesses ou un accès facilité aux instances
décisionnelles ou au pouvoir. Les revendications des NMS sont plus axées sur la résistance au
contrôle social, sur l’autonomie.
Ces revendications sont en même temps l’affirmation d’un style de vie ou d’identité
(le terme gay pride constituant un exemple remarquable de ce point) avec une place du corps
grandissante. Melluci voit dans la valorisation du corps ou de la nature la volonté d’échapper
à la rationalité calculatrice et quantitative du capitalisme moderne.
Rapport au politique
Les NMS ne cherchent pas à s’emparer du pouvoir. Valorisant l’autonomie, leur
objectif est au contraire d’échapper à l’emprise de l’Etat. Ils cherchent en effet à construire
des espaces d’autonomie et à réaffirmer l’indépendance de formes de sociabilité privées
contre l’emprise étatique.
17
cf. Annexe 18.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
18
Identité des acteurs
Les acteurs des NMS ne revendiquent pas l’appartenance à une classe ou catégorie
socioprofessionnelle mais élaborent de nouveaux principes identitaires (musulmans, antillais
etc.).
1.1.6. Hypothèse 4 : La mobilisation
La manière de recruter et de mobiliser de Génération Précaire constitue non seulement
une explication de sa réussite mais un gage de sa pérennité. A travers une absence apparente
de contrainte Génération Précaire utilise au mieux toutes les « bonnes volontés ».
Pour analyser ces questions de recrutement et d’activité au sein d’un mouvement de
contestation, nous allons reprendre les travaux de Mac Adam. L’analyse de Daniel Gaxie
servira quant à elle exclusivement à déterminer quelles sont les incitations permettant
l’investissement des militants.
Mac Adam18 s’est intéressé aux raisons expliquant qu’au sein d’un groupe donné,
certains soient actifs et d’autres passifs. Pour tenter de répondre à cette question, il mena une
enquête sur les étudiants volontaires pour soutenir les mouvements des droits civiques au
Mississippi. Il exploita 959 candidatures et, retrouvant la trace de 556 volontaires, il obtiendra
une réponse (écrite ou via un entretien) de 384 anciens militants. Le cœur de son analyse
consiste à déterminer pourquoi, alors que tous s’étaient portés candidats, certains allèrent sur
place militer et d’autres pas. Dans ses conclusions, il met en évidence trois variables qui en
croissant font croître la probabilité pour qu’un individu milite:
Le contact avec des personnes déjà engagées dans l’action militante
Une situation personnelle qui permet de minimiser les contraintes professionnelles.
Des projets personnels recevant l’aval des gens affectivement proches.
Nous reprendrons ces trois variables pour étudier lesquelles semblent pertinentes dans
le cas de Génération Précaire, lesquelles ne le sont pas et éventuellement si d’autres variables
apparaissent.
L’étude des travaux de Daniel Gaxie19 permet de compléter efficacement la théorie de
Mac Adam en s’attachant au quotidien des organisations et en tentant de comprendre les
18
Mac Adam, Freedom Summer, , Oxford university Press, Oxford, 1988.
Gaxie Daniel, Economie des partis et rétribution du militantisme, Revue française de science politique, 1977, p
123-154.
19
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
19
relations et interactions suscitant l’engagement. Il met ainsi principalement en avant la
dimension d’intégration sociale (convivialité du pot d’après réunion, sentiment valorisant de
participer à un juste combat, sentiment d’appartenir à une grande famille). Ayant analysé le
militantisme au sein des partis politiques, il mentionne encore des gains pouvant se ramener à
des gains monétaires tels que des postes à responsabilités ou bien des emplois permanents.
Enfin, il développe une théorie très intéressante qu’il nomme « effet surrégénérateur » et qui
fonctionne comme un cercle vertueux pour les organisations. Il observe que dans certaines
organisations et durant un temps donné, une course à l’action peut s’opérer. Pour reprendre
une métaphore de Daniel Gaxie, certaines structures militantes produisent « d’autant plus de
combustible qu’elles en consomment davantage ». Il ajoute que la satisfaction pour les
militants d’atteindre leurs objectifs et d’autant plus grande que les efforts pour y parvenir ont
été importants. Loin d’être retranché au bénéfice procuré par l’objectif atteint, l’effort
consenti pour l’atteindre s’y ajoute. Gaxie remarque d’ailleurs à ce sujet qu’une des fonctions
des organisateurs est d’entretenir l’activisme et ses satisfactions afin de susciter des
interactions, un intérêt solidaire supérieur primant sur les calculs individuels.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
20
Partie 2. Méthode
Dans cette partie, après avoir succinctement présenté le mouvement Génération
Précaire, j’exposerai la démarche que j’ai suivie pour l’étudier. Ensuite j’aborderai les
difficultés que j’ai pu rencontrer ainsi que les solutions que j’ai mises en place pour les
résoudre.
2.1 Présentation du mouvement
Grève des stagiaires ! Telle est la teneur du mail qui circule entre stagiaires courant
septembre 2005. Beaucoup font suivre cet appel, simplement parce qu’il est très facile de faire
suivre un mail, qu’au fond on n’est pas contre. Cependant, peu de gens y croient vraiment et
ce n’est qu’un noyau très restreint qui se réunit autour de Catherine l’auteur du message et la
créatrice du mouvement appelé Génération Précaire.
Peu de gens y croient et pourtant, ce mouvement va connaître un véritable
emballement médiatique grâce à une vraie maîtrise des codes des médias, l’utilisation de
symboles forts (dont le masque blanc qui est porté par les membres lors de toute
manifestation) et des revendications clairement exprimées qui suscitent un véritable élan de
sympathie.
Ces revendications20 peuvent être résumées de la manière suivante, un "statut" avec
des droits inscrits dans le Code du travail garantissant notamment :
Une rémunération systématique, progressive avec un minimum à hauteur de la moitié
du Smic et assujettie aux contributions sociales.
Un suivi pédagogique avec un tuteur qui conseille et perfectionne le stagiaire afin de
favoriser l’insertion des jeunes actifs.
Une limitation de la durée et du nombre des stages.
Un délai de carence entre les stages pour "casser" l’emploi déguisé en stage.
Le respect d’un quota de stagiaires par rapport à la masse salariale.
Le droit pour un stagiaire de cotiser pour les retraites.
20
cf. Annexe 11.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
21
Pour faire aboutir ces revendications audacieuses, Génération Précaire va mettre en
œuvre une manière originale de fonctionner, fondée sur une grande liberté d’action, un vrai
pragmatisme et une action médiatique très efficace. L’objet de ce mémoire consiste
précisément à décrire et analyser toutes les spécificités de ce collectif.
2.2 Démarche
Mon étude de Génération Précaire s’est articulée en plusieurs phases. Dans un premier
temps, j’ai effectué un travail exploratoire de recueil d’informations sur le mouvement afin
d’appréhender grossièrement le mouvement et d’élaborer quelques idées forces à son sujet.
Dans un deuxième temps, j’ai consulté divers ouvrages théoriques. Mon objectif était alors de
déterminer les théories qui pouvaient se révéler pertinentes sur l’objet étudié et d’élaborer des
hypothèses sur Génération Précaire. La dernière partie de mon travail consista à éprouver ces
hypothèses en assistant à une réunion de travail de Génération Précaire, et en questionnant les
membres de ce collectif.
2.2.1 Phase exploratoire
Durant la phase exploratoire j’ai constitué une revue de presse remontant jusqu’à
octobre 2005 et issue de ma lecture des principaux journaux français (le Monde, Libération, le
Figaro) sur support papier ou numérique, du moteur de recherche Google, des dossiers
proposés par Radio France et Le Monde mais aussi de la revue de presse effectuée par les
membres de Génération Précaire eux-même et proposée sur leur site21.
Ces différentes sources m’ont permis de recueillir plus de 70 articles de journaux aussi
divers que L’Humanité, L’Express, La Tribune, Les Echos, La Croix. Pour des raisons
matérielles, je ne joindrai pas tous ces articles à mon mémoire mais j’en donne cependant une
liste exhaustive en Annexe.
En parallèle de la revue de presse, j’ai consulté très régulièrement le site de Génération
Précaire, afin de suivre leurs actions, leur évolution.
21
http://www.generation-precaire.org/
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
22
2.2.2 Phase théorique
Durant toute cette phase théorique, mon document de base fut l’ouvrage d’Erik Neveu
intitulé Sociologie des mouvements sociaux (référence complète dans la bibliographie) que
j’ai fiché intégralement. Cet ouvrage vulgarise les courants théoriques traitant de l’étude des
mouvements sociaux. Il m’a permis d’acquérir une vision assez large des théories dont je
pouvais m’inspirer dans mon étude de Génération Précaire.
Traitant d’un grand nombre d’auteurs et de théories, la lecture de cet ouvrage se devait
d’être complétée. C’est pour cette raison que j’ai lu -en partie ou totalité- les ouvrages
sociologiques tels que Logique des Action collectives de Mansur Olson et Why Men Rebel de
Ted Gurr. En outre, j’ai eu recours à Internet (et notamment Wikipedia) pour préciser
certaines théories et travaux d’auteurs dont je me suis inspiré.
En parallèle de ce travail de lecture théorique, j’ai aussi lu des études menées par des
sociologues22 et publiées dans la Revue française de science politique sous le thème
« Devenir Militant ». Cette lecture active m’a non seulement permis de me familiariser avec
la manière de traiter un sujet sociologique mais certains travaux ont fait écho à mon propre
travail et j’ai ainsi pu intégrer des remarques, questionnements et grilles d’analyse à mon
mémoire.
2.2.3 Enquête terrain
La synthèse des deux phases précédentes m’a permis de constituer un questionnaire ou
grille d’entretien que j’ai utilisé lors de mes contacts avec les membres de Génération
Précaire. Suite à un mail envoyé par le biais de leur site à la mi-mars, j’ai reçu très rapidement
une réponse et j’ai été en contact téléphonique avec Géraldine, la personne chargée entre
autres des relations avec les étudiants rédigeant leurs mémoires et thèses. Grâce à sa
disponibilité, j’ai pu mener un questionnaire par téléphone, envoyer par écrit mes
questionnaires aux membres de Génération Précaire (les quatre réponses obtenues sont en
annexe) et assister à une de leurs réunions le 16 mai 2006.
Arrivé en avance à cette réunion, j’ai pu m’entretenir avec les premiers arrivants.
Ensuite, une fois la réunion lancée, je me suis contenté avec leur accord d’effectuer un
enregistrement audio. Je n’ai toutefois pu assister qu’au début de la réunion car, à la demande
22
Confère Bibliographie.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
23
des membres de Génération Précaire, j’ai quitté celle-ci lorsque furent abordés des sujets
ayant un impact politique.
Au cours de cette réunion, j’ai pris contact avec deux membres du mouvement , Aline et
Jacques, que j’ai revus le lendemain pour mener un entretien.
En parallèle, j’ai eu l’occasion, d’interroger l’universitaire Jean-Marie Chevalier23 ainsi
que le journaliste Derek Perrotte24.
2.3 Difficultés rencontrées : le problème de la proximité
2.3.1 Un éloignement géographique…
Durant mon mémoire, j’ai été confronté à une première difficulté pratique du fait de
mon éloignement géographique à partir de janvier 2006. En effet, j’ai effectué un échange
académique à l’université allemande de Cologne jusqu’en juillet 2006. De ce fait, je n’ai pu
assister ni à des manifestations organisées par Génération Précaire, ni à leurs réunions
ouvertes qui se tenaient au Théâtre de verre. Pour les mêmes raisons, je n’ai pu assister qu’à
une seule de leurs réunions et ne réaliser qu’un nombre limité d’entretiens car les périodes où
je me trouvais en France étaient limitées.
Cependant, cet inconvénient indéniable s’est trouvé estompé par la richesse du site de
Génération Précaire, les réponses écrites à mon questionnaire envoyées par certains membres,
les entretiens que j’ai pu mener ainsi que ceux menés par Elodie Vialle25 et un groupe de
travail de l’IEP de Toulouse26
2.3.2
…qui n’empêche ni d’être trop proche des membres de
Génération précaire…
La deuxième difficulté, plus importante encore à mes yeux concerne mon objectivité
face au sujet. Je suis en effet indéniablement proche des membres de Génération Précaire.
23
Professeur d’économie à l’université Paris IX-Dauphine, il soutient le mouvement depuis le début et a préfacé
le livre écrit par le collectif Génération Précaire.
24
Journaliste des Echos qui a suivi le mouvement.
25
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006.
26
Génération Précaire ou l’action des stagiaires, Frédéric Alegre, Claire Fernandez, Anaëlle Ingold, Lucile
Miniere Véronique Mondini, Carole Tourde, 2006.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
24
Comme eux, j’ai entre vingt et trente ans, comme eux, j’ai effectué des études supérieures,
comme eux j’ai fait des stages. De ce fait, je ne peux m’appuyer sur ce que Stéphane Béaud et
Florence Weber nomment les « impressions d’étrangeté »27 et, mon appartenance au même
milieu d’interconnaissance que les individus étudiés, m’empêche toute « enquête par
distanciation ». Le risque de prendre fait et cause pour ce mouvement dont les membres me
sont proches constituait aussi un écueil à éviter.
Face à ces difficultés, ma première décision fut d’essayer de ne pas prendre parti sur les
revendications afin de ne pas tomber dans un discours qui risquait de devenir politique et
partisan. Je n’ai cependant, pas occulté ces revendications que j’ai analysées notamment pour
en déterminer le caractère innovant. Je me suis efforcé de ne prendre en compte Génération
Précaire qu’en termes d’organisation. Ensuite, et dans la mesure où je ne pouvais de toute
manière pas occulter cette proximité avec les membres de Génération Précaire, j’ai tenté de
l’utiliser au mieux. C’est ainsi que j’ai tenté de comprendre à travers ma propre expérience ce
qui pouvait motiver un « jeune comme moi » à prendre part à ce mouvement, à choisir des
modes d’action etc. Bien sûr il ne s’agit pas de dire que tous les membres de Génération
Précaire sont non seulement homogènes mais qu’en outre ils me ressemblent… Loin de ce
biais très dangereux, j’ai utilisé ma ressemblance supposée avec certains membres pour
m’aider dans l’élaboration de mes hypothèses et pouvoir justement travailler sur toutes les
différences, les ruptures qui sont apparues.
2.3.3
… ni d’être au cœur de l’action
Lorsque j’ai commencé à étudier Génération Précaire, le mouvement avait à peine deux
mois. A l’heure où je soutiendrai ce mémoire, il soufflera tout juste sa première bougie. Cette
étude « à chaud » du mouvement présente le risque évident de ne pas avoir assez de recul sur
les évènements. Ainsi, le danger est grand de confondre les inflexions mineures et les
décisions majeures, de s’intéresser à ce qui s’avérerait n’être que détails et de passer à côté
des véritables tendances de fond.
Pour tenter d’apporter des réponses, j’ai cherché tout au long de mon travail à prendre
un recul maximum tout en restant conscient que seul le temps permettra de juger la pertinence
des éléments auxquels je me suis intéressé.
27
Guides de l’enquête de terrain, Repères.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
25
En outre, l’action dont il est question est essentiellement une action de contestation
« pacifique ». Or, certains ouvrages que j’ai pu analyser traitaient d’actions de contestation
plus « sauvages » (cf. Why Men Rebel de Ted Gurr par exemple). Tout un pan de leur analyse
ne pouvait donc pas être utilisé en tant que tel car il était question de violences, des degrés de
violence, du passage à l’acte.
Pour remédier à ces difficultés, j’ai du trier avec attention les théories et déterminer
lesquelles pouvaient être reprises telles quelles pour l’étude de Génération Précaire (comme la
théorie sur les Nouveaux Mouvements sociaux de Mellucci), quelles théories devaient être
adaptées et quelle théories ne pouvaient absolument pas être utilisées.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
26
Partie 3. Etude de cas
Réunion au Théâtre de Verre, pétition recueillant 15 000 signatures, site visité par près
d’un million de personnes, entretien avec le premier ministre Mr Dominique de Villepin,
grève lancée à l’échelle nationale le 24 novembre, couverture médiatique nationale voire
internationale, création d’un réseau européen. Mais de qui parle-t-on ? Sommes-nous en
présence d’un puissant syndicat ou du moins d’une organisation éprouvée, rompue aux règles
de la contestation ? Loin s’en faut, cette courte description n’est qu’un résumé certes partiel
(partial ?) de Génération Précaire. Ce mouvement (il n’a même pas le statut d’association)
qui, comme le stipule leur site, s’est donné pour mission de « fédérer tous ceux qui souhaitent
aboutir à une réforme du statut des stagiaires ». Ce mouvement qui, au dire d’un de ses
membres28, compte en moyenne 25 militants réellement actifs.
Mais alors, comment 25 personnes arrivent-elles à faire tant de bruit ?
3.1 D’un mouvement qui se constitue…
3.1.1
25 personnes et plus et plus et plus…
Tout d’abord parce que Génération Précaire sait profiter au mieux de toute les bonnes
volontés, de chaque minute qu’un sympathisant est prêt à lui accorder.
J’ai eu l’occasion de discuter de l’organisation de Génération Précaire avec Géraldine29,
en charge notamment de répondre à ceux qui réalisent des travaux universitaires sur le
collectif. La description qu’elle m’a faite du collectif peut se représenter de la manière
suivante :
28
29
cf. Annexe 1, entretien Géraldine.
Description plus complète en Annexe 21.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
27
Noyau
Raccords
Soutie
Sympathisan
Les définitions de noyau dur, raccords, soutiens et sympathisants 30 sont les suivantes :
Noyau dur (20/25 personnes):
Le noyau dur est constitué des personnes qui participent activement au mouvement, non
seulement à ses actions mais aussi à son organisation en participant notamment aux « AG » et
autres réunions.
Raccords (environ 110 personnes) :
Il s’agit de personnes qui ne viennent pas aux réunions mais envoient des mails et sont
sollicitées pour des actions précises en rapport avec leurs disponibilités et leurs capacités
(photocopies, faire passer les newsletters, mais aussi élaboration du logo de Génération
Précaire31 grâce à deux graphistes qui font partie du groupe des raccords).
Le moyen privilégié de contact avec ces personnes est le mail. Du fait de la grande
diversité des raccords, la décision de les organiser par pôles a été prise. Les pôles sont
constitués en fonction de critères tels que la localisation géographique où l’âge.
30
31
Que l’on retrouve avec la retranscription de l’entretien en Annexe 1.
Cf Annexe 22.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
28
Soutiens (nombre inconnu):
Il s’agit des gens qui gravitent autour de Génération Précaire et qui participent par
exemple à une action.
Sympathisants (nombre inconnu):
Le groupe des sympathisants est constitué de toutes les personnes qui soutiennent le
mouvement à travers des messages de soutien, des témoignages, des encouragements lors des
manifestations etc.
Le groupe Raccords : Mise en place d’un concept original et majeur…
Ce groupe des raccords me semble très intéressant à étudier car il est significatif de la
grande liberté d’engagement qui règne au sein de Génération Précaire et me semble être une
particularité importante de ce mouvement. Participer à Génération ce n’est pas entrer en
religion, chacun donne ce qu’il peut et tout le monde se contente des bonnes volontés qui se
manifestent. Bien sur le mouvement ne manque pas d’ambition et de projets, mais à aucun
moment, il n’exerce de pression exagérée sur ces membres où sur les personnes susceptibles
de donner « un coup de main ». Tactique ou inné, ce mode de fonctionnement a convaincu
plus d’une personne de participer à Génération Précaire et lui a permis de mener des actions
importantes en regard de ses effectifs réduits.
Avoir pensé et mis en place ce groupe des Raccords, traduit l’adaptation à une demande
paradoxale de nombreux « jeunes » qui consiste à s’engager sans avoir le sentiment de
s’enfermer. En outre, son fonctionnement limite considérablement les risques de frustration et
de conflit au sein de Génération Précaire. Pour mieux comprendre ce dernier point,
considérons une association X constituée de membres actifs (membres A) et d’autres qui bien
qu’intéressés et soutenant les revendications de l’association ne peuvent ou ne veulent
s’impliquer de manière trop conséquente et peuvent donc être considérés comme inactifs
(qu’on nommera I). De deux choses l’une, soit I décide tout de même de devenir membre en
signifiant ne pas vouloir « trop participer », soit I a peur de s’engager et préfère ne pas devenir
membre afin d’éviter le risque d’une sollicitation (temps, argent, idéologie etc.) trop
pressante.
Dans la première option, si I en reste à son idée première de faible implication, il est très
probable qu’il devra rapidement refuser des sollicitations venant de membres A qui
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
29
« oublieront » que la condition initiale à l’intégration au mouvement était une moindre
participation. Cette dissonance dans les capacités d’engagement ne manquera pas de créer une
frustration chez certains membres A ne trouvant pas chez leurs propres « frères »
l’engagement qu’ils estiment nécessaire à la bonne marche de l’association et au nom duquel
ils effectuent eux-mêmes des sacrifices. A l’inverse, le membre I ne supportera pas longtemps
des appels répétés à un engagement qu’il n’est pas prêt à donner, ce qui aboutira à un
désengagement total.
Dans la deuxième option, à savoir la décision de I de ne pas prendre part à l’association,
cette dernière se trouve de fait privée d’une force vive.
Avec l’existence du statut de Raccord, Génération Précaire apporte une solution à ce
dilemme en clarifiant la situation dès le début. En effet, être raccord, c’est exprimer
clairement, je vous soutiens, je suis prêt à vous aider mais pas à m’engager trop avant. Les
attentes des uns et des autres étant clairement exprimées au départ de l’engagement, les
sources de frustration sont limitées comme l’ont confirmé les réponses que j’ai pu obtenir sur
ce thème lors de mes entretiens.
Le statut de raccord me paraît devoir être mis en relation avec une société de
consommateurs et de « zappeurs ». On consommerait ainsi du mouvement contestataire sans
prendre trop de risque, ni trop d’engagement et en laissant toujours grande ouverte la porte de
sortie. Le terme même de raccord met en évidence le caractère potentiellement éphémère de
cette participation.
En outre, la mise en place de ce système apparaît comme une réponse originale à la
problématique du passager clandestin mise en évidence par Mancur Olson32. En effet, pour les
raisons évoquées ci-dessus ce système vise clairement à abaisser les coûts d’entrée.
… qui déteint sur l’organisation des membres du noyau dur
Il est intéressant de remarquer qu’au sein même du noyau dur, le raisonnement qui a
présidé à la mise en place des raccords persiste.
Lors de chaque entretien avec les membres actifs, cette grande liberté d’action mais
aussi et surtout de « non-action » a été évoquée. A tout moment, un membre de Génération
Précaire peut se mettre en retrait pour des raisons qui lui sont propres (famille, études ou tout
32
Logique de l’action Collective, Mancur Olson, Presse Universitaire de France, 1978.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
30
simplement nécessité de faire une pause face au mouvement chronophage qu’est Génération
Précaire). Il ne sera pas jugé par ses pairs qui continuent de se consacrer à Génération
Précaire. Lorsqu’il signifie son besoin de se mettre en retrait, le membre ne s’entendra pas
dire « Lâcheur, regarde tout ce que tu devrais encore faire ! Si tu pars, nous allons devoir
travailler encore plus pour compenser ton départ ». Au contraire, ce sont les paroles suivantes
qui seront prononcées « on comprend, merci pour tout ce que tu as fait et à bientôt ». Car pour
Génération Précaire, se mettre en retrait ne signifie pas s’exclure. A tout moment, une fois ses
contraintes extérieures surmontées, tout membre pourra reprendre naturellement sa place sans
rancœur de la part de ceux qu’il retrouve. Et, quand bien même la décision serait de ne plus
revenir, les membres de Génération Précaire restent sur cette attitude positive de remercier
pour le travail effectué et non de se plaindre du travail qui aurait pu être fait. La réponse de
Géraldine, interrogée sur ce thème33 est très claire :
« Tu participes comme tu veux et entre guillemets quand tu veux. Bon l’idéal c’est que
les gens soient présents et que l’engagement soit constant mais on a eu plusieurs personnes,
même bien plus de dix, je sais pas combien de personnes, un petit groupe quoi, qui ont
participé plusieurs fois, qui partaient et qui revenaient. Ils venaient un moment et après ils
repartaient. On a eu une fille comme ça qui a commencé fin novembre et qui est partie mi
décembre. Elle a travaillé à fond comme ça et puis après elle est partie. Moi je dis pas non à
ce genre de gens parce que ce qu’ils font pour le groupe quand même c’est important et après
s’ils veulent rester ils restent si ils veulent pas rester ils restent pas »
L’absence de rancœur est d’autant plus naturelle que ce mode de fonctionnement est
clairement annoncé et que beaucoup ont pu y avoir recours. Il fait manifestement partie du
socle des valeurs communes qui fondent et rapprochent les membres de Génération Précaire.
Peu de membres, comme nous le verrons par la suite, avaient jusqu’alors pris part activement
et durablement à des actions au sein d’un syndicat ou de tout autre mouvement, notamment
par crainte de récupération, d’ « embrigadement », ou de perte de sens critique.
Cette possibilité de prendre du recul apparaît même souvent comme une condition sine
qua non de l’engagement et l’une des raisons qui a convaincu les membres de s’engager
activement. Une autre raison, intimement liée à l’état d’esprit que nous venons d’évoquer et
que nous développerons par la suite fut, de l’avis de tous, l’indépendance politique du
collectif.
33
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Géraldine.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
31
En outre, certains membres soulignent que pour eux, l’engagement dans Génération
Précaire se concevait de manière ponctuelle. En effet, Génération Précaire porte une
revendication très claire et très précise (répondant en cela très exactement aux critères
énoncés par Mellucci dans sa définition des nouveaux mouvements sociaux). Or suite au
grand battage médiatique et aux prises de contacts avec des spécialistes et des politiques,
certains membres pensaient voir aboutir très rapidement leurs revendications. Une fois la
mission de Génération Précaire atteinte, la raison d’être de ce collectif disparaissait et par la
même leur engagement en son sein comme l’explique Amida34 « Dès le départ, le collectif était
voué à mourir. Moi je me disais, quand j’ai vu tout l’écho médiatique qu’on avait “ dans un mois on a
une loi “
»
Concernant cette possibilité de prendre du champ, il est très révélateur de remarquer
que, Catherine, la fondatrice même du mouvement, est en retrait depuis quelques temps sans
que cela semble poser le moindre problème. Comme expliqué précédemment, les membres ne
se sentent pas abandonnés mais en plus, il ne semble pas que le fonctionnement de Génération
Précaire pâtisse de cette prise (momentanée ?) de distance.
Ce dernier point découle de l’organisation très particulière de Génération Précaire qu’il
s’agit de préciser.
3.1.2
… à l’organisation particulière
Compte tenu du nombre réduit de membres réellement actifs (jamais plus de 25/30
personnes en même temps selon Géraldine), la structure de Génération Précaire est d’une
souplesse extrême même si certains points peuvent apparaître de prime abord comme très
contraignants.
Le principe de l’unanimité
En effet, les décisions au sein de Génération Précaire ne sont pas prises à la suite d’un
vote proportionnel mais à l’unanimité. Ce principe d’unanimité fut décidé lors des premiers
débats houleux comme le relate Louis35 :
34
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Amida.
35
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Louis.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
32
« Ca a été décidé un soir, alors qu on préparait notre doc de position. On
“s’engueulait “. Sur un point, à un moment, on n y arrivait pas alors on dit “allez on vote“. Et
puis il y a un mec à un moment qui dit « non il faut mieux qu’on fasse ça par consensus ». Et
tout le monde a dit ok. Et finalement, ça n a plus jamais été remis en question. Ca a été
imposé comme ça, sur une question à un moment donné. On a fait comme ça, on a continué
comme ça. »
Depuis, cette prise de décision à l’unanimité est l’un des fondements du fonctionnement
de Génération Précaire. On s’y soumet ou l’on quitte le mouvement comme l’indique
Géraldine en évoquant l’exemple de la seule personne qui ait tenté de faire prendre les
décision à la majorité et qui a finalement quitté le mouvement. Pour Géraldine, il est très
important de rester fidèle à la règle « on est tous d’accord ou on est pas d’accord »36 Jusqu’à
présent, cette recherche du consensus a permis de conserver une vraie cohésion au sein des
membres actifs. Les débats semblent avoir été plus houleux au début et il n’était pas toujours
aisé d’atteindre le consensus. Avec le temps, la confiance s’est instaurée entre les membres et
comme le souligne Jean37 « Bon voilà, si on n’est qu’un ou deux à ne pas être d’accord et que ce
n’est pas primordial, on accepte. Il faut dire que maintenant on se fait plus confiance ».
Cependant
une personne « farouchement opposée » comme le dit Géraldine peut bloquer la décision
finale ou bien la modifier. C’est ainsi que très peu de temps avant mon interview, un membre
dont l’anonymat sera conservé s’est opposé contre tous au principe de progressivité des
salaires qui avait été proposé et accepté par tous les autres membres. Sa position a été
entendue et le texte modifié jusqu’à obtention d’une solution convenable pour tous.
Maturité et pragmatisme
Ce fonctionnement est rendu possible non seulement en raison du faible nombre de
personnes qui prennent part à la décision et de leur maturité mais aussi grâce au domaine très
précis sur lequel portent les revendications. Génération Précaire parle des stages, les membres
de Génération Précaire sont là pour parler des stages et sont sur la question des stages
suffisamment proches quant à leurs revendications pour que le consensus soient possible.
Ainsi, comme le souligne Amida38 « On s’entend bien même si on peut avoir des grosses
36
cf Annexe 5.
En marge de l’entretien que j’ai mené avec Géraldine.
38
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Amida.
37
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
33
39
différences d’opinion … Là où ça m’a surpris, c’est qu’on discute, et on arrive toujours à un
consensus. Moi j’ai jamais eu l’impression de me trahir par telle décision par exemple
».
Lors de la réunion à laquelle j’ai pu assister, j’ai été impressionné par la grande rigueur
et le grand pragmatisme qui régnait. Une dizaine de membres étaient présents, l’ordre du jour
était clair, les problèmes et les questions posés étaient pratiques et précis. Il régnait une
véritable autodiscipline, une réelle écoute, la possibilité pour chacun de s’exprimer et assez
peu de discussions parasites. Lorsqu’un sujet soulevait trop de questions et menaçait de
cannibaliser la réunion, la décision de l’approfondir et de la préciser afin de régler la question
lors d’une réunion ultérieure était très rapidement prise. Une personne volontaire était chargée
d’effectuer ce travail. Cela permettait de passer à un autre sujet, de prendre des décisions très
pratiques, de nommer les membres chargés de les effectuer. En parallèle, tapant sur son
ordinateur, Patrick rédigeait en temps réel le compte-rendu de la séance, immédiatement
disponible par Internet à tous les participants et évitant tout temps mort et flou qui pourraient
ralentir l’action. A aucun moment, la réunion n’a dérapé vers des discours théoriques sans fin.
Cette grande efficacité dans la tenue des réunions provient certainement d’une alchimie
réussie entre l’expérience qu’ont certains membres de l’action militante avec le regard
nouveau apporté par des membres qui n’avaient jamais milité auparavant.
L’organisation en pôles
Si les décisions sont prises de manière collégiale, le fonctionnement quotidien de
Génération Précaire se structure autours de pôles (politique, juridique, mobilisation, média,
étude, régions, international, étude, témoignages et Internet)40. Les membres s’organisent
selon leurs compétences, leurs envies et leurs disponibilités. C’est ainsi que l’on retrouve un
grand nombre d’étudiants en Droit dans le pôle juridique qui furent notamment en charge de
la rédaction des amendements proposés à la classe politique. Le nombre de personnes au sein
d’un pôle varie en fonction des besoins et des bonnes volontés. Pour reprendre l’exemple du
pôle juridique, sa taille a pu varier entre trois et dix personnes.
Il n’est pas rare de voir des membres présents dans différents pôles en même temps. En
outre, nul besoin d’être dans le pôle Politique pour aller rencontrer un homme politique qui
sollicite un entretien avec Génération Précaire. A l’inverse, on observe aussi que certains
39
Orientation politiques etc.
Sois Stage et Tais-Toi ! Pour en finir avec l’exploitation des stagiaires, écrit par le collectif Génération
Précaire, Edition La Découverte, Avril 2006, note de bas de page, p19.
40
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
34
membres peuvent être complètement étrangers à certains pôles. Ainsi, Louis, qui est pourtant
l’un des membres fondateurs ne participe pas aux flash mobs. Et ce, bien qu’elles constituent,
comme nous le verrons par la suite, à la fois une marque de fabrique et une raison du succès
de Génération Précaire « Ah les flash mob, non. J’aime pas les flash mobs. J’aime pas les manifs,
même si je reconnais que c’est nécessaire pour le mouvement.“
41
»
Cette organisation en pôles symbolise bien l’absence totale de hiérarchie au sein de
Génération Précaire. Aucun pôle ne prédomine sur un autre et personne n’est au dessus de
l’autre comme le prouve la recherche du consensus. Les mouvements permanents d’un pôle à
l’autre rendent impossible l’établissement de « chefs de pôle » qui de toute manière ne sont
pas désirés. Ceci est d’autant plus vrai que Génération Précaire n’a aucune structure légale.
Ce n’est pas une association car aucune demande de statut n’a été déposée42. Il n’y a donc ni
président, ni secrétaire ni aucune relation hiérarchique d’aucune sorte. Sa structure, allégée au
maximum, ne dispose d’aucune lourdeur hiérarchique ou bureaucratique ce qui lui confère
une redoutable réactivité et rapidité d’action.
Les relations au sein du Collectif
En raison des besoins et de la forte implication des membres et du fait que la majorité de
ces deniers participent à plusieurs pôles, la circulation entre les différents pôles est très
présente. Les contacts noués durant les réunions « plénières » mais aussi en plus petit comité
ont modifié au cours du temps les relations entre les membres. Tous s’accordent maintenant à
dire que des liens d’amitié se sont tissés en parallèle de leur engagement. Des amitiés qui en
dehors du collectif n’auraient sûrement pas vu le jour du fait de la grande disparité de ses
membres43 comme souligné par Amida44 :
« Forcément il y a des gens du collectif avec qui j’ai plus d’affinités que d’autres. Parmi
les gens du collectif, il y en a qui sont des potes. Après, pendant les réunions, ça peut vite
partir en apéro. […]On s’entend bien même si on peut avoir des grosses différences
d’opinion…»
41
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Louis.
42
En fait, comme le mentionne Jean en marge de l’entretien que j’ai mené avec Géraldine, il existe unique ment
une structure destinée à gérer l’argent gagner grâce au livre que Génération Précaire a publié et qui sera évoquer
par la suite.
43
Que nous aborderons dans la partie traitant du recrutement.
44
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Amida.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
35
Ainsi, des amitiés indéniables se sont nouées avec notamment des fêtes d’anniversaire
passées en commun et la mise en place de référentiel commun en dehors même de Génération
Précaire.
Ainsi, suite à la réunion de Génération Précaire à laquelle j’ai assisté, j’avais pris
contacts séparément avec deux membres (Aline et Jacques) afin de poursuivre et de réaliser
entretien avec eux le lendemain. J’avais convenu avec les deux, que je m’adapterai à leurs
contraintes en les rejoignant au lieu et à l’horaire qui leur conviendrait. Quelle ne fut pas ma
surprise lorsque je reçu coup sur coup deux textos me fixant rendez-vous au même endroit (la
fontaine en face de la Sorbonne). Les horaires proposés étant rapprochés, j’ai décidé de
coupler les deux entretiens. Une fois réunis, Aline nous a proposé de nous diriger dans un bar
à vin de sa connaissance qui se situait à quelques centaines de mètres. Nous nous y rendîmes
et découvrions attablée un troisième membre de Génération Précaire qui discutait avec ses
amis (non Génération Précaire).
La recherche d’amitié nouvelles ne constituait pas une motivation initiale pour les
membres lors de leur choix de s’impliquer dans le mouvement. En effet, ces derniers sont bien
intégrés socialement et ne souffraient d’aucun problème relationnel particulier. Louis45 adopte
même une position originale à ce sujet « Oui, il y a des groupes d’amis qui se sont fait. Enfin moi,
ça va pas changer tellement. J’étais pote avec Patrick, et je vais garder le contact avec quelques
membres de Génération Précaire. Mais j’aimerais pas que ça devienne un groupe d’amis
»
L’organisation non parisienne
Si, de fait, l’activité de Génération Précaire se concentre sur Paris, on observe une
volonté d’étendre le mouvement à la fois en province et en Europe dès le début du
mouvement. C’est ainsi que des contacts ont été pris très rapidement avec des organisations
européennes, notamment DGB et Fair-Works-Verein en Allemagne qui s’étaient créées dès
2004 mais n’ont pas réussi à percer réellement sur cette question malgré un adossement au
SPD. Ces contacts se sont concrétisés par une manifestation européenne. Des manifestations
se sont déroulées à Paris, Berlin, Bruxelles, Vienne, Dresde et Stuttgart avec des mobilisations
d’ampleur très différente selon le pays.
Véritable locomotive de cette entente européenne grâce à leur succès national,
Génération Précaire a vu certain de ses codes (le masque) repris en Allemagne notamment par
45
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Louis.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
36
des organisations qui espèrent ainsi obtenir une plus grande reconnaissance que celle dont
elles bénéficient actuellement.
C’est d’ailleurs à l’instigation de Génération Précaire que la première réunion entre
stagiaires européens s’est tenue à Paris le 11 Février 2006. Elle regroupait notamment des
stagiaires espagnols et allemands en marge de la semaine de rencontre que Génération
Précaire avait organisée sur le thème « Stage et précarité ». Génération Précaire a en outre mis
en place un site Internet européen en cinq langues (français, anglais, allemand, espagnol et
italien)46. Pour le moment, force est d’avouer qu’ en raison de l’étendue des chantiers
nationaux, les échanges européens restent limités, d’autant plus qu’à l’exception de
l’Allemagne, il existe peu de structures dans les différents pays européens et que leur capacité
d’action est très faible. Il est cependant très intéressant de voir avec quelle rapidité la
dimension européenne s’est imposée au sein du collectif. Elle prouve à la fois la grande
liberté des membres47 ainsi que l’intérêt perçu par Génération Précaire d’augmenter
singulièrement son impact national en acquérant une dimension internationale.
Si la présence au niveau européen peut-être considérée comme un demi succès,
l’implantation de Génération Précaire en province est encore plus aléatoire. Malgré de réelles
tentatives, le mouvement a eu peu de succés en province. Il semble n’exister qu’une présence
très restreinte à Toulouse, Lyon, Marseille et Lyon. Les actions sont nettement moins
structurées qu’à Paris. Ainsi, à Toulouse, une manifestation s’est déroulée sans que les
participants ne portent de masques alors que, nous l’analyserons plus tard, manifester masqué
est primordial pour l’image de Génération Précaire. Disposant de très peu de moyens
financiers, les membres ne peuvent pas réellement se déplacer en province et les contacts
téléphoniques ou Internet ne suffisent pas à faire passer l’esprit et l’efficacité de la cellule
parisienne. Ce qui est tout à fait suffisant pour des actions ponctuelles, des raccords, ne l’est
plus pour des membres vraiment actifs et l’on atteint là les limites de contacts uniquement
virtuels. L’émulation des réunion, les échanges d’idées à bâtons rompus ne peuvent pas être
réellement remplacés par des appels téléphoniques, des mails ou des « chats ».
Outre cette difficulté, l’échec du développement en province s’explique aussi par le fait
que Génération est un mouvement qui a besoin des médias pour exister et mener une action
efficace. Or, en France, c’est à Paris que se concentrent les médias qui comptent.
46
47
http://www.generation-p.org/en/index.php.
C’est Jacques, instigateur de l’idée qui s’est chargé de la mettre en place.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
37
3.1.3
Le recrutement
La force des médias…
Les manières de se retrouver engagé auprès de Génération Précaires sont diverses. Les
tout premiers membres se sont rencontrés par le biais d’un forum Internet sur lequel ils
échangeaient leurs expériences et leurs ras-le-bol sur la question des stages. Catherine a eu
l’idée de lancer une grève des stagiaires et c’est pour préparer cette grève qu’a eu lieu la
première rencontre entre ceux qui allaient devenir les trois membres fondateurs (Patrick,
Louis et Catherine) de Génération Précaire. A la suite de cette réunion, un blog48 est crée qui
sert de repère et de lieu d’échange pour tous ceux qui entendent parler alors du mouvement
(grâce notamment à des mails qui circulent de boîtes en boîtes et qui annoncent ce projet de
grève).
La première manifestation qui se tient le 4 octobre ne mobilise que 25 personnes ; c’est
pourtant un véritable succès car la couverture médiatique de l’évènement est exceptionnelle
en comparaison du nombre de participants. Télévisions (Canal +, France 2 et TF1), radios
(France Info, France Culture, France Inter, RMC, Europe 1, RTL et Fun Radio) et journaux
(Le Monde et lemonde.fr, Libération, France Soir, Lille Plus et l’Humanité) répondent
présents. En fin de compte, il y a plus de journalistes que de manifestants. Grâce au traitement
positif que les médias réservent à cette première flash mob, de nombreuses personnes
contactent Génération Précaire dans les jours qui suivent..
Dès lors, les vagues de recrutement suivront souvent les actions médiatisées de
Génération Précaire telles que les flash mobs qui jouent un rôle majeur dans sa popularité,
non seulement car elles permettent d’avoir une visibilité médiatique mais qu’en outre, cette
visibilité s’accompagne d’un élan de sympathie comme nous l’étudierons lors de notre
analyse des modes d’action.
Il serait pourtant faux de réduire Génération Précaire à une bande de joyeux lurons
experts du spectacle de rue. Très vite, et par des moyens que nous analyserons par la suite, il a
su se positionner comme l’expert de la question des stages. A tel point que lorsque que
48
Définition en Annexe 18.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
38
Aline49 s’adresse au syndicat SUD suite à des problèmes dans le déroulement de son stage,
ces derniers s’avouent incompétents et la réorientent vers Génération Précaire.
Bien souvent les raisons ayant abouti au recrutement se mêlent. Les recherches Internet,
la découverte du site de Génération Précaire, les mails reçus par des connaissances, les
reportages et articles lus, vus ou entendus s’additionnent, se succèdent ou se superposent dans
les démarches de ceux qui finalement prendront part au mouvement..
…n’empêche pas certaines variables « Mc Adamienne » de jouer
Dans les réponses qu’ils apportent à la question de leurs motivations, les membres de
Génération Précaire évoquent naturellement deux des trois variables évoquées par Mc Adam
pour expliquer la probabilité croissante pour qu’un individu milite.
Une situation personnelle qui permet de minimiser les contraintes professionnelles
Il s’agit de la variable la plus fréquemment évoquée par les membres. Il faut dire qu’en
tant qu’étudiants, stagiaires ou bien demandeurs d’emploi, certains membres voyaient leurs
contraintes professionnelles singulièrement minimisées. Cela ne signifie pas que les membres
en question n’ont pas eu à consentir de réels sacrifices en consacrant un temps et une énergie
considérables au mouvement. Ce constat pointe simplement qu’ils étaient en mesure
d’effectuer ces sacrifices du fait des contraintes minimes évoquées.
Parmi les membres interrogés, un seul, Louis, a mentionné l’existence d’un emploi
(qui ne soit pas un stage) durant la période que j’ai analysée. Sa parole est éloquente:
« Au début de l’hiver oui [ne travaillait pas] et puis au mois de novembre j’ai bossé
mais c’était un boulot de prof en BTS. Un remplacement… C’était 15 ou 16h… Donc ça me
laissait du temps pour faire autre chose. En plus j étais un mauvais prof, je préparais pas
trop…Mais j ai vraiment été sur Génération Précaire une grosse partie de l’hiver.»
Une forte proportion de membres évoque a contrario la difficulté de mener de front le
combat de Génération Précaire avec les contraintes professionnelles qui naîtront à la rentrée
suite aux emplois qu’ils ont obtenus. Pour le moment en suspens durant les vacances d’été,
cette question sera au centre des débats de la rentrée comme l’indique la réponse de Patrick
lorsqu’on lui demande début août s’il a trouvé un travail.50
49
Cf entretien de Aline et Jacques en Annexe 2.
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Patrick.
50
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
39
« Oui un CDI. […]Du coup, maintenant je n’ai pas beaucoup de temps. C’est difficile
de faire les choses bien. Je vais continuer à suivre le mouvement, si je peux aider ils savent
qu’ils peuvent faire appel à moi. Il y en a qui y arrivent très bien. Avec mes horaires actuels,
ça va être difficile. »
Des projets personnels recevant l’aval des gens affectivement proches
L’aval des personnes proches est relativement présent dans les facteurs ayant motivé
l’implication au sein de Génération Précaire. A quelques exceptions près, les membres sont
issus de familles militantes qui avalisent cet engagement. Pour certains, comme pour Thomas,
c’est d’ailleurs l’occasion de tisser de nouvelles relations avec leurs parents :
« Tu étais issu d’un milieu militant ?
Oui…justement c’est intéressant parce que c’est quelque chose qui m’a réconcilié en
quelque sorte avec ma famille où on parle beaucoup politique, mais jamais on n’aurait
demandé aux enfants de faire de la politique, et il y a une espèce de tristesse à voir que les
enfants s’intéressent mais ne franchissent pas le pas, même si ils comprennent la base de cette
désaffection. Et moi depuis que j ai commencé Génération Précaire, ma mère, mes parents
m’ont toujours soutenu, tout le monde est derrière moi. »
Pour tous, le cercle des amis et connaissances constitue un formidable soutien pour
continuer car il leur confirme notamment que « la cause est juste ».
Mais assez peu de contact avec des personnes déjà engagées dans l’action militante
En revanche, très peu de membres ont mentionné le contact avec des personnes déjà
engagées dans l’action militante au sein de Génération Précaire. Et lorsque cet élément est
évoqué, il l‘est à la marge et n’explique pas l’engagement.
Ainsi, Jacques nous explique bien qu’il a « connu Génération Précaire par un ami qui [lui]
51
avait fait suivre l’appel à la pétition » .
Il faut cependant bien voir que cet ami en question n’a été
qu’un passeur d’e-mail, qu’il n’était pas impliqué dans le mouvement et qu’il n’a pas incité
Jacques à y prendre part. La majorité des membres de Génération Précaire ne se connaissaient
d’ailleurs pas avant de s’impliquer dans le collectif. En outre, étant donné l’état d’esprit des
membres, un prosélytisme soutenu serait contre-productif. Même si parler de leur engagement
ne rebute pas les membres, convaincre leurs proches d’y participer avec eux ne correspond
pas à leur mode de pensée. Ils refusent toute tentative de persuasion trop appuyée, redoutant
de participer à une organisation qui accueillerait (ou créerait) ce profil de personnes si
51
cf. Annexe 2.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
40
insistantes et donc si fermées. Cohérents avec eux-mêmes, ils ne recherchent donc pas à
démarcher leur entourage.
Qui plus est, les personnes qui seraient recrutées de la sorte ne correspondraient pas à
la structure d’esprit des membres en place. C’est ainsi que Aline « confesse » avoir « ramené
52
une copine à force de lui avoir parlé du mouvement. Il faut dire que depuis elle est partie »
. Aline
faisant partie des dernières arrivées (fin Février- courant mars) et l’entretien que j’ai mené
ayant eu lieu le 17 Mai, le passage de l’amie en question fut donc très rapide.
J’ai été étonné de constater que la question du recrutement ne semble pas une priorité.
Si les membres sont très accueillants vis à vis de tout nouveau, il n’existe aucune politique
réelle de recrutement. Il est ainsi intéressant de remarquer qu’aucun pôle recrutement n’existe.
Les raisons en sont multiples, tout d’abord, le fait qu’il ait semblé que les revendications
allaient être très rapidement acceptées grâce à la forte médiatisation, ensuite parce que les
membres préfèrent se concentrer exclusivement sur leur action, ce qui rend le mouvement
suffisamment visible pour que les personnes susceptibles de s’engager prennent connaissance
de l’existence de Génération.
…d’une grande diversité ?
Cette absence de prosélytisme direct est, à mon sens, l’une des explications de la grande
diversité des parcours qui se retrouvent à militer au sein de Génération Précaire. Il s’agit
d’ailleurs d’une diversité aisément mise en avant par les membres. Il est vrai que peu de
choses semblent rapprocher l’ancien étudiant syndicaliste nationaliste breton ayant suivi des
études de droit de l’étudiante chilienne venue à Paris il y a sept ans pour étudier la
conservation et la restauration du patrimoine. Les exemples pourraient se multiplier à l’infini
car en effet, il existe peu de points communs entre ces jeunes aux origines sociales, âges,
orientations politiques, centres d’intérêts et études bien différents. Avec tant de différences on
pourrait en venir à douter de la pertinence du modèle CATNET pour ce mouvement.
Il n’en est rien. A très peu d’exceptions près53, tous les membres ont effectué où sont en
train d’effectuer des études universitaires poussées. Si les études sont très différentes d’un
individu à l’autre, elles ont en commun de correspondre à des DESS, DEA ou plus. Cela
constitue indéniablement une CATégorie forte qui sert de base, de référentiel commun. Cet
élément est une réponse à la question posée en introduction sur les dénominateurs communs
52
53
Cf. Annexe 2.
Il a été mentionné l’existence d’un membre, Loïc qui suivait un BTS.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
41
entre tous les stagiaires. Génération Précaire ne défend pas tous les stagiaires, il défend
principalement les stagiaires qui comme eux ont fait de longues études comme le mentionne
d’ailleurs Patrick lors d’un passage sur RMC54 : « Le mouvement de Génération Précaire s’est
constituer pour mettre fin aux abus des stages abusifs qui concerne surtout bien sur les étudiants du
supérieur […] En fait je parle des stages du supérieur évidemment».
Paradoxalement, ce mouvement qui défend les stagiaires compte assez peu de stagiaires.
Pour être plus exact il compte assez peu de personnes qui effectuaient un stage au moment des
entretiens. En effet, tous55 ont eu des expériences de stagiaires plus ou moins heureuses. Tous
se sont trouvés confrontés à une difficulté, un problème qui a suscité en eux une prise de
conscience. Cette prise de conscience varie d’un individu à l’autre. Cela peut être l’incapacité
de sortir de la condition de stagiaire car les entreprises proposent des stages mais pas d’emploi
(Catherine), un conflit avec son maître de stage dont on estime qu’il dévoie le système des
stages (Aline), une révolte face aux rémunérations jugées indécentes au regard du travail
effectué (Patrick). Comme l’exprime Leslie56, les membres de Génération Précaire sont des
« revenus du stage » et c’est dans ce retour qu’ils puisent leur unité et leur motivation.
3.1.4
Motivation
Je m’interrogeais en introduction et au début de mes recherches sur les raisons qui
incitaient les membres de Génération Précaire à consacrer autant d’efforts pour modifier la
condition du stagiaire alors qu’eux même n’étaient plus stagiaires ou ne le resteraient pas
longtemps et qu’en outre, l’anonymat les empêche de retirer toute gloire immédiate et à venir.
Il semblait alors que seul l’altruisme était le moteur de leur action, ce qui m’apparaissait
comme peu probable.
Suite à mes recherches sur ce thème, il m’est apparu qu’effectivement les membres
actifs de Génération n’oubliaient pas de militer aussi pour eux.
54
RMC, émission "Les grandes gueules" du jeudi 20 avril 2006.
A l’exception de Jean qui fait pourtant partie de Génération Précaire depuis Octobre et qui n’a jamais effectué
de stage.
56
Cf. Questionnaire en Annexe 7.
55
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
42
Une action valorisante
A travers l’aval des gens affectivement proches que nous avons traité ci-dessus, certains
membres de Génération Précaire ont amélioré l’image qu’ils avaient d’eux-mêmes. Une
image détériorée par des stages où ils avaient l’impression de se faire exploiter, de ne faire
l’objet d’aucune reconnaissance et même parfois d’avoir du faire taire leur conscience. Et
dans des cas extrêmes, ces éléments se cumulent comme le relate Thomas57 :
«[Une] fille qui travaillait chez XXXX, pratiquement pas payée, elle n’avait pas le droit
de dire qu’elle était stagiaire dans la boîte, elle travaillait aux ressources humaines et elle avait
interdiction de prendre des homosexuels, des noirs et des arabes. Donc elle, elle avait la totale.
Pour elle, le stage, ça avait été tellement oppressant.»
Cette notion de valorisation est présente dans de nombreux entretiens. Par Génération
Précaire, certains se revalorisent à leurs propres yeux en se rassurant sur leurs capacités. Des
capacités que les stages effectués n’avaient pas permis de révéler ce qui avait pu provoquer
une fragilisation des individus. Grâce à leur action au sein de Génération Précaire, ces
individus là ont eu la possibilité de se reconstruire, de reprendre confiance en eux et en leurs
capacités. Il s’agit en quelque sorte d’une contestation du système des stages comme thérapie
contre les séquelles occasionnées par un stage destructeur. C’est cette lecture qui peut-être
apporté à l’exemple donné par Thomas58 :
« Tu veux dire que pour beaucoup de gens de Génération Précaire le fait de créer ce
mouvement ça a remédié à un trouble personnel ?
Oui, il y a des jeunes filles comme XXXX, c’était des gens qui sont venus chez nous
dans un état de fragilité psychologique. Elle était vraiment en phase paradoxale, comme
quelqu’un qui est en cure et qui peut facilement basculer dans un état où il peut se sentir
mieux, mais où il est à la frontière. C’était pénible pour elle de revenir sur ces choses là. Elle
était au moment où elle allait fabriquer la réponse, mais tout en étant encore dans la difficulté
psychologique »
57
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Thomas.
58
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Thomas.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
43
Un plaisir à faire des sacrifices ou l’effet surrégénérateur
La très forte implication des membres (lorsque qu’ils sont présents) ne saurait
s’expliquer uniquement par la valorisation évoquée ci-dessus. En effet, nul besoin de
consacrer des jours et des nuits au collectif pour restaurer l’image de soi.
Cette implication extrême, ses sacrifices librement consentis59 ne peuvent s’expliquer
que si l’on considère, comme Daniel Gaxie le suggère60, l’existence d’un effet qu’il nomme
surrégénérateur. Ainsi le sentiment de satisfaction ressenti est d’autant plus fort que l’on a
consenti des sacrifices, c’est à dire du temps ou des efforts. Cependant, se mobiliser pour
Génération Précaire n’est pas un chemin de croix. L’ambiance au sein de ce collectif est très
stimulante comme l’évoque Patrick61 :
« Je te parlais de la rédaction des amendements. C’était vraiment grandiose. On s’est
retrouvés entre juristes dans une ambiance…avec une vitesse et une sérénité... On se
complétait naturellement, et quand des élus lisent les amendements sur une loi que tu as
rédigé…On était super jeunes, on avait pour ainsi dire pas eu de vrai travail, et on se
retrouvait à rédiger des amendements. C’était grandiose. Et on se battait pour quelque chose
qui nous tenait à cœur. Tous les éléments étaient réunis pour que ce soit très fort. »
Cette ambiance de travail stimulante et gratifiante constitue donc un élément
supplémentaire permettant d’expliquer la motivation des membres à agir.
Cependant, si cet effet de valorisation est réel car provenant de la certitude d’agir bien,
pour la bonne cause, il ne constitue pas l’élément déclencheur de l’entrée à Génération
Précaire. Ce n’est pas lui qui fait passer le pas car il n’intervient qu’une fois impliqué et actif
au sein du collectif.
Mais dont les sources de l’engagement résident dans une frustration relative latente
Tous les membres de Génération Précaire décrivent un état de réelle frustration au
moment d’entrer au sein du collectif et l’on peut retrouver notamment le scénario du déclin
développés par Ted Gurr62. En effet, certains membres de Génération Précaire se sont vus
contraint d’accepter des stages alors que, diplôme obtenu, ils recherchaient un emploi. Il leur
59
Comme nous l’avons vu, chaque membre est libre à tout moment de se désengager
Gaxie Daniel, Economie des partis et rétribution du militantisme, Revue française de science politique, 1977, p
123-154.
61
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Patrick.
62
Why Men Rebel, Ted Gurr (1971), p 28.
60
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
44
semble qu’ils ne pourront jamais échapper à ce statut de stagiaire63 alors même qu’ils aspirent
à un emploi stable. Catherine, la fondatrice du mouvement n’exprime rien d’autre lorsqu’elle
dit “Ce qu’on veut, c’est très classique : avoir un boulot, fonder une famille. Sans l’insertion
professionnelle, on ne peut pas faire de projets d’avenir“
64
Cette situation est nouvelle. Auparavant, les jeunes diplômés n’avaient aucun doute sur
leurs capacités à obtenir un emploi et la relative sécurité matérielle qui l’accompagnait. Il
s’agit d’un schéma typique de frustration due à un scénario du déclin, c'est-à-dire lorsque les
valeurs attendues restent stables mais que, du fait d’une perception négative du présent et de
l’avenir, les valeurs accessibles ou la perception des valeurs accessibles déclinent.
Un passage du stage amateur au stage professionnel…
Si l’on analyse en profondeur les raisons de cette frustration, on distingue deux éléments
distincts et pourtant étroitement liés, deux éléments qui m’apparaissent essentiels dans la
mesure où ils permirent la fédération de ce mouvement de contestation. Ces deux éléments
sont d’une part les compétences toujours plus grande qui sont demandées aux stagiaires et de
l’autre la durée toujours plus longue durant laquelle les jeunes effectuent des stages. Nous les
résumerons en une expression apparemment antinomique : « la professionnalisation du
stagiaire ».
Du temps du stage « amateur », la rémunération était faible ou inexistante et l’intérêt
des tâches pas toujours au rendez-vous (qui n’a pas entendu parler du stage
café/photocopieuse) mais cela était justifié par une durée limitée (quelques mois maximum)
associée à une « employabilité » du stagiaire très faible. Il s’agissait en quelque sorte d’un
« bizutage » professionnel. Chacun faisait son stage pour passer ensuite à autre chose, aux
choses sérieuses, à un véritable emploi. Les plus chanceux effectuaient un stage enrichissant
et instructif, ce qui apparaissait comme une rétribution suffisante du travail fourni par ces
personnes inexpérimentées.
De nos jours, la problématique est toute autre. L’une des principales critiques envers les
stages n’est pas leur manque d’intérêt, bien au contraire, mais le fait que les compétences
attendues par de nombreuses entreprises sont extrêmement élevées et que les durées des
stages s’allongent. Dans bien des cas il s’agit tout simplement d’occuper un véritable poste
63
64
Catherine, la fondatrice de Génération Précaire a 8 stages a son actif.
Extrait de la Tribune.fr du 24/11/05 : Une grève pour défendre le statut des stagiaires de Natacha Crnjanski.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
45
alors que les rémunérations, elles, ne suivent pas ce qui parfois est vécu comme un manque de
considération et une dévalorisation des compétences ou bien une exploitation. Dans tous les
cas, c’est le statut qu’on leur offre qui est remis en cause par ces personnes
Le fait qu’il ne soit plus rare que des étudiants effectuent des stages plusieurs années
durant a d’ailleurs rendue possible la prise en compte du stagiaire en tant que classe. Jusqu’à
l’apparition de Génération Précaire, ce malaise était diffus, vécu au niveau personnel mais
jamais abordé comme un problème de société qui possède des solutions. La grande force de
Catherine fut, de changer les cadres de perceptions et par là même de justifier son action et de
créer la « classe » dont elle prenait la défense.
3.2 … à un mouvement qui agit et qui communique
3.2.1
Les modes d’action
La grande force de Génération Précaire fut de réussir à allier la forme et le fond, le
caractère ludique des actions au sérieux de l’expertise, la fraîcheur des idées au
professionnalisme de leur mise en place.
Des actions nouvelles
Le caractère novateur, inventif et ludique de tout un pan du répertoire d’actions de
Génération Précaire l’inscrit pleinement dans la définition que donne Mellucci des nouveaux
mouvements sociaux.
Mais, précisons les actions dont il s’agit. Tout d’abord, les flash-mob65 qui sont au cœur
de la politique d’action. En parallèle de ces actions « physiques », Génération Précaire fait
montre d’une grande maîtrise des moyens offerts par Internet avec un site très complet qui
permet via des forums de mettre en relation, d’échanger des idées, de prendre contact, de
présenter le programme, les actions ainsi que les retombées médiatiques66 qui en découlent.
65
Avec pas moins de 20 action flash mob annoncées en 6 mois sur le site de génération Précaire
(http://www.generation-precaire.org/Mail-boule-de-neige ) et dont nous retrouvons majoritairement la trace dans
l’historique en Annexe 12.
66
Via son site, Génération Précaire propose non seulement une traditionnelle revue de presse mais aussi ce qu’on
pourrait nommer une revue radio /télévision en mettant en ligne des émissions où certains membres ont pu
s’exprimer.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
46
La bonne utilisation d’Internet ne se limite pas à la gestion du site, puisque les membres
savent jongler avec leurs boîtes mails67, les newsletters, les carnets d’adresses et groupes
d’envoi. Ils utilisent en outre la possibilité offerte par Internet de militer avec son clavier en
proposant notamment une grève virtuelle68 en parallèle de la grève physique menée le 24
novembre ou avec une pétition qui n’est disponible qu’en ligne.
Génération Précaire apparaît indissociablement lié à l’usage d’Internet. Il fut le lieu de
rencontres des 3 fondateurs à travers un forum de discussion et il est le moyen de contact avec
Génération Précaire pour ses membres, ses contacts, ses soutiens. A propos de cet usage
intensif et essentiel d’Internet Géraldine69 remarque.
“Moi je demandais juste le mail, après s’ils voulaient mettre un nom, un pseudonyme
etc. mais moi le mail me suffisait… Ca c’était le minimum syndical, il fallait avoir une
connexion Internet pour être à GP car tout se passe par mail.“
D’une rare efficacité
On ajoutera aux adjectifs novateur et ludique celui d’efficace car comme nous le
verrons, si les actions que nous venons de décrire sont économes en ressources, elles sont
d’une redoutable efficacité. On a déjà cité les formidables retombées médiatiques
occasionnées par une flash-mob de 15 personnes durant laquelle il y eut plus de journalistes
que de manifestants.
Grâce à leur bon usage d’Internet, les membres de Génération Précaire sont en mesure
d’apporter à chacun une information pertinente correspondant bien aux raisons qui l’ont fait
prendre contact avec eux. Cela jouera notamment un rôle important vis à vis des médias
comme nous le verrons par la suite car ils sont en mesure de répondre très vite aux attentes
des médias en termes de témoignage.
67
Les adresses mails étant gérées via leurs sites, les membres agrègent dans leurs boite aux lettres les messages
postés depuis les forums aux mails envoyés en direct de l’extérieur.
68
Les personnes qui pour diverses raisons ne pouvaient se rendre sur les lieux de la manifestation pouvaient tout
de même « faire comme si » en se connectant à un site qui comptabilisait le nombre de connections durant les
« manifestations physiques ».
69
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Géraldine.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
47
La flash-mob70, marque de fabrique de Génération Précaire…
Comme nous l’avons évoqué précédemment, Génération Précaire accorde une grande
importance aux flash-mobs qui lui permet avec très peu de moyens de bénéficier d’une forte
audience. Le collectif est rapidement passé maître dans l’art d’organiser des flash-mobs, au
point d’être contacté par des étudiants rédigeant un mémoire sur ce thème ou par des
personnes voulant elle-même organiser des flash-mobs.
Les secrets de la réussite de Génération Précaire en ce qui concerne les flash-mobs sont
une grande inventivité associée à une bonne organisation et à l’existence de relais média.
Le succès d’une flash-mob provient d’abord de son caractère original et pertinent. Il
s’agit de manier efficacement les symboles pour frapper les esprits. Génération Précaire a
montré très tôt sa capacité à jouer avec les représentations et les symboles. Chaque flash-mob
s’organise autours d’un thème et d’un lieu qui y fait écho. On trouvera en Annexe une liste
des flash-mobs avec leurs thèmes et lieux mais on peut citer par exemple les flash-mobs des
14 Décembre 2005 et 11 Janvier 2005 sur les thèmes « Contre une Charte, pour la loi et pour
l’Emploi » et « Non aux rabais sur les salariés » qui se déroulaient respectivement au Sénat et
aux Galeries Lafayette. Au sujet du caractère original et de la créativité dont font preuve les
membres de Génération Précaire depuis le début de leur action, il est intéressant de remarquer
que Catherine, la fondatrice du mouvement a un parcours de formation artistique puisque,
« après les Beaux-Arts et une licence de philosophie, elle complète sa formation par un DESS ’ Projet
71
culturel»
. Cette « fibre » artistique se retrouve dans la mise en scène que nécessitent les flash
mobs, le choix des dress-code (ou déguisement)72 et contribue beaucoup à la lisibilité de leur
message en ajoutant des images aux mots et aux revendications.
La mise en place des flash-mobs ne nécessite pas une mobilisation trop contraignante et
c’est au pôle organisation que revient l’organisation de ces manifestations. Comme l’explique
Thomas « une flash-mob, c’est vite préparé. Cet hiver il suffisait d’une journée pour se mettre
d’accord sur une action, on envoyait un mail tard le soir aux journalistes. Et du coup on a fait 15 ou 18
flash-mobs. C’est pas une logistique de fou. Il faut 8 ou 10 personnes pour faire la flash-mob,
73
s’assurer de la présence de 4 à 5 médias » .
70
La rapidité dans la préparation provient aussi de
cf. Annexe 19.
71
Article de Florence Le MÉHAUTÉ : « Kathy, bac +5, huit stages à son actif, mène la fronde des stagiaires »
http://www.ouest-france.fr, consulté le 3.11.05.
72
cf. Annexe 23.
73
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Thomas.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
48
l’expérience acquise au fur et à mesure par les membres du pôle organisation ainsi que de leur
capacité à avoir très vite cerné les critères d’une flash-mob réussie et à appliquer ces critères
en véritables professionnels.
Plus que le nombre de participants, c’est la couverture média qui est importante afin de
relayer le message. Pour se faire, deux éléments priment : la fréquence des évènements et la
présence des média.
La fréquence est permise par la souplesse intrinsèque des flash-mobs et le faible besoin
en participants. En effet, un trop grand nombre de participants pourrait paradoxalement avoir
un effet contre-productif en provoquant des difficultés avec les forces de l’ordre susceptibles
de bloquer ces manifestations clandestines. En outre, Génération Précaire, comme nous
l’analyserons par la suite ne recherche pas l’opposition frontale et inconditionnelle. Si ses
membres sont très attachés à leurs revendications, ils cherchent à les obtenir par la
négociation et la collaboration avec les institutions. S’opposer frontalement à la Police ou aux
institutions devant lesquelles on manifeste (ministère, entreprise etc.) ne correspond donc pas
à leur mode de fonctionnement et serait par ailleurs incompatible avec la faiblesse des
effectifs actifs. Toutes les flash-mobs suivent donc un schéma assez similaire avec une
annonce tardive tant aux potentiels participants qu’aux journalistes, un dress-code clair, une
action très délimitée dans le temps et l’espace, usant par exemple d’un marquage au sol pour
tracer les limites de la zone de manifestation, une attitude de collaboration « réfléchie » avec
la police et les Renseignements Généraux. Les flash-mobs de Génération Précaire sont
toujours en équilibre sur un fil afin de doser au mieux la spontanéité de l’action et les
contingences de l’encadrement policier. Génération Précaire a su faire preuve de grands
talents d’équilibriste et, à l’exception du petit malentendu que relate Thomas, leurs flashmobs se sont toujours déroulées comme ils le souhaitaient :
« On était allé voir Publicis dans un quartier très quadrillé, et là on s’est fait coincer par
les flics. Ils aimaient pas qu’on ait donné un point de rendez vous à l’Opéra et qu’après on
allait bouger. Alors ils nous disent « Ah non, nous on a prévu que vous fassiez un truc à
l’Opéra, vous allez faire un truc à l’Opéra ». Ils le savaient parce qu’ils avaient lu nos mails.
Du coup, on est restés une heure à faire des gros tags avec nos craies devant l’Opéra Garnier,
dont certains en anglais pour que les passants anglais comprennent. »74
La présence des médias faisant l’objet d’un développement spécifique, je ne l’évoquerai
pas plus avant à ce stade du mémoire.
74
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Thomas.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
49
… au service du fond des revendications
Sans renier le caractère ludique qui caractérise les flash-mobs ainsi que certaines autres
formes de leurs actions, Génération Précaire n’entend pas sacrifier le fond à la forme. Les
revendications du collectif sont très claires75 et priment sur la forme d’expression.
C’est pour cette raison que Génération Précaire a diversifié ses modes d’action afin de
compléter les flash-mobs.
Tout d’abord, en cohérence avec la lutte affichée contre les stages qui remplacent de
véritables emplois, le pôle juridique propose d’étudier les dossiers des personnes qui
envisagent de faire requalifier leur stage en CDI. Il les conseille et les soutient lorsqu’il estime
que le dossier a de bonnes chances d’aboutir.
De même, c’est dans une démarche d’explication et pour développer plus en profondeur
son constat, ses propositions mais aussi les témoignages de nombreux stagiaires que le
collectif s’est très vite attelé à la rédaction d’un livre qui fut publié dès avril 200676 soit six
mois après la création du collectif. Ce livre est extrêmement important pour la légitimité de
Génération Précaire car il confirme de fait l’expertise dans le domaine des stages que l’on
conférait à ce collectif. Grâce à ce livre, Génération Précaire devient encore un peu plus un
acteur incontournable face au problème de réglementation des stages, pour avoir porté en
premier cette question sur le devant de la scène. Il était très important pour le collectif de ne
pas se faire déposséder de cette expertise car dès lors il n’aurait plus eu de réelle légitimité et
sa voix n’aurait plus été écoutée. Il risquait de se voir cantonné au rang de simple « amuseur
public », d’épiphénomène contestataire sans conséquence.
Ce pari majeur de l’expertise fut parfaitement relevé et principalement grâce au livre77
intitulé « Sois stage et tais-toi ». En effet, Génération Précaire est désormais régulièrement
sollicité pour évoquer sa vision du statut de stagiaire que ce soit par les syndicats (toutes les
centrales importantes sont entrées en contact avec eux), les partis politiques (avec entre autres
des membres du parti communiste, du parti socialiste78, de l’UDF et de l’UMP79 et même de
75
cf. Annexe 11.
Sois Stage et Tais-Toi ! Pour en finir avec l’exploitation des stagiaires, le collectif Génération Précaire,
Edition La Découverte, Avril 2006.
77
Dont la couverture présentée en Annexe 24.
78
M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur PS de la Manche.
79
Valérie Pécresse, député UMP des Yvelines.
76
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
50
partis étrangers80), des associations (Euro May Day, No Vox), des instances universitaires81 et
bien sur le gouvernement français82. Il est aussi à l’origine de rencontres organisées 6 au 11
février qui a permis à des personnes issues d’horizons très diverses83 (aussi bien des
journalistes, des sociologues, des membres de collectifs et d’association, des personnes issues
du monde de l’entreprise, des professeurs, des parents d’élève, des membres d’associations de
stagiaires espagnoles et allemandes) sur le thème « stage et précarité des jeunes ».
C’est cette expertise qui permettra à Génération Précaire de continuer son combat si les
médias le délaissent et d’apparaître comme une référence de la société civile en ce qui
concerne les étudiants ainsi que le remarque Louis84, « Nous, le fait qu on est écouté, ça fait que
maintenant on est dans les carnets d’adresse des gens de la CGT quand ils veulent savoir ce que
pense la jeunesse, Et ça, ça reste quand le soufflet médiatique est retombé ».
Si Génération Précaire apporte tant de soin à apparaître comme un mouvement sérieux
c’est qu’il a conscience que c’est la seule manière de convertir en résultat sa popularité. C’est
grâce à cet équilibre entre un caractère ludique innovant et une cohérence sur le fond de ses
revendications étayée par des propositions solides que Génération Précaire a pu mener une
campagne de négociations des plus classique auprès du gouvernement. Car c’est encore là un
autre paradoxe de ce collectif que d’ apporter des nouveautés au répertoire d’actions
traditionnel, tout en cherchant in fine à atteindre ses objectifs par des méthodes très
classiques, telles que la négociation et l’instauration d’une loi. C’est dans cette perspective
qu’il faut interpréter Catherine lorsqu’elle annonce « A Génération précaire, on partage une
ambiance bon enfant, mais on sait être adultes quand on rencontre des politiques. Nous ne sommes
85
pas naïfs. » .
On touche là une des limites au caractère de Nouveau Mouvement Social de Génération
Précaire. En effet, bien loin de vouloir s’affranchir du contrôle de l’état, Génération Précaire
attend de la classe politique des réponses au problème qu’il a soulevé. Cette première limite
quant au rapport avec le politique va de pair avec une deuxième limite qui concerne la nature
même des revendications. Il est en effet intéressant de constater que loin d’affirmer le droit à
un style de vie différent, la revendication ultime de Génération Précaire pourrait se résumer
80
Le SPD dans le cadre d’une loi sur les stages en Allemagne, Génération Précaire : naissance et perspectives
d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus d’entretien, entretien Louis.
81
Génération Précaire fut entendu dans le cadre de la commission Hetzel sur débat national « Université-Emploi.
82
Monsieur De Villepin, premier Ministre, Monsieur Larcher, ministre délégué à l’Emploi, au Travail et à
l’Insertion professionnelle des jeunes et monsieur Goulard, ministre délégué à l’Enseignement supérieur et à la
Recherche.
83
Le programme complet de ces rencontres avec la liste des participants est donné en Annexe 14.
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Louis.
85
L’Express : Génération Précaire "les stagiaires ne sont ni de gauche ni de droite", mardi 20 décembre 2005,par
Eric Lecluyse.
84
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
51
comme suit : Donnez-nous la possibilité de vivre normalement, sans précarité. Ainsi,
Catherine, interrogée par une journaliste86 quant aux revendications du collectif répond « Ce
qu’on veut, c’est très classique : avoir un boulot, fonder une famille. Sans l’insertion professionnelle,
on ne peut pas faire de projets d’avenir
». On se retrouve dans un schéma très particulier de
revendication puisqu’en fait, Génération Précaire demande à bénéficier des mêmes droits que
ceux dont a bénéficié la génération de ses parents. Il est intéressant de remarquer que ce
registre de revendication va à l’encontre de la théorie élaborée par Tilly qui constatait qu’à
partir du XIXème siècle, le registre de revendication était d’ordre proactif, c’est à dire
réclamation d’un droit n’ayant jusque là jamais existé ou été reconnu. On se retrouverait au
contraire dans un répertoire que Tilly fait cesser au XVIIème et qui est de type compétitif,
c’est à dire, si l’on considère les stagiaires comme une communauté, la défense au sein d’une
communauté (ou à l ‘égard d’une communauté voisine) des ressources concurrencées par
d’autres..
Génération Précaire apparaît dès lors comme un mouvement paradoxal qui se sert de
techniques nouvelles pour mener à bien un combat somme toute classique de négociation
visant à l’instauration d’une loi. Pour ce faire, il va même jusqu’à rédiger des propositions de
loi qui sont soumises aux députés et parfois reprises telles quelles lors des discussions à
l’Assemblée Nationale. Ainsi le combat au grand jour mené sous une exposition médiatique
maximale que Génération Précaire maîtrise, comme nous allons le voir au chapitre suivant, a
donc pour objectif de placer le collectif dans une situation optimale pour mener un combat
très traditionnel de procédure législative et de discussion de lois.
3.2.2 Le rapport aux médias
Comme nous l’avons déjà évoqué, l’une des grandes forces de Génération Précaire et sa
capacité à bénéficier d’une très bonne couverture médiatique. Cette « efficacité média » est
loin d’être due au hasard. Elle provient d’une attention toute particulière apportée aux médias
qui se traduit dans le choix des actions ainsi que dans le type de relations entretenues avec les
journalistes.
86
Natacha Crnjanski, Une grève pour défendre le statut des stagiaires LaTribune.fr, 24.11.05.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
52
Le choix des actions
Là encore, les flash-mobs apparaissent comme symboliques car elles sont très efficaces
pour qui veut bénéficier d’une couverture média. En effet, ces derniers sont friands d’images
afin d’alimenter les journaux télévisés ou papier. Or c’est justement des images fortes, des
slogans en action que propose Génération Précaire à travers ses flash-mobs.
Images fortes encore avec le choix du code vestimentaire et plus précisément du masque
blanc que porte tout membre de Génération Précaire lorsqu’il manifeste, qu’il est filmé ou
bien qu’il est photographié87. Ce masque a d’ailleurs a été choisi comme symbole sur le
logo88 du mouvement.
De l’importance du masque
L’intérêt du masque pour les membres de Génération Précaire est multiple. D’une part,
il confère un véritable attrait médiatique car il génère de fait du mystère et attire l’attention
par son caractère nouveau. En effet, cette manière de se mettre en avant de manière cachée
n’est pas commune. Jacques, confirme d’ailleurs cet attrait du masque pour les média89.
On retrouve paradoxalement ce souci d’apparaître masqué chez des mouvements
terroristes ou à l’action violente90 avec qui Génération Précaire n’a absolument rien à voir car
pour le collectif, le masque n’est pas uniquement un moyen de se dissimuler, c’est aussi un
message.
La fonction première du masque est bien évidemment de cacher le visage des
manifestants afin de les protéger d’un éventuel « remerciement » de la part de l’employeur
chez qui ils effectuent leur stage et qui n’apprécierait pas de voir l’un de ses stagiaires
membre actif au sein de Génération Précaire se produire en public. Cette première explication
renforce le message selon lequel les stagiaires vivent dans la précarité. Ce qui permet aux
membres du collectif de répéter qu’un stagiaire peut se voir remercié du jour au lendemain,
sans explication ni prime de « licenciement » puisqu’il n’existe aucun statut réel de la
fonction de stagiaire.
Grâce à ce masque Génération Précaire, loin d’être un mouvement sans tête, est au
contraire un mouvement à mille têtes. La personne masquée qui est interviewée pourrait aussi
bien être le voisin de palier, le neveu ou la fille du commerçant du quartier. Cela fait prendre
87
cf Annexe 24.
cf. Annexe 22.
89
cf Annexe 2.
90
Du type FLNC.
88
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
53
conscience à chacun qu’il connaît des stagiaires autour de lui. Les stagiaires, plus que l’armée
des sans-nom sont l’armée des sans-visage et c’est donc sans visage que leurs représentants
apparaissent. Tout comme un stagiaire est interchangeable avec un autre pour un poste, un
membre de Génération Précaire est ainsi interchangeable avec un autre pour une interview.
De plus, cet anonymat évite de braquer le feu des projecteurs sur un membre ou deux du
collectif qui deviendraient dès lors les porte-parole du mouvement. Rétif à toute hiérarchie
comme nous l’avons déjà analysé, Génération Précaire apprécie cette liberté conférée par le
masque. Il permet en plus d’accentuer la collégialité des prises de position. En effet, ce n’est
pas X ou Y qui parle au nom de Génération Précaire, c’est Génération Précaire même qui
s’exprime à travers le masque qui le symbolise. Comme le dit Amida91 « Avec les masques,
tu parles pour le collectif au nom du collectif ».
Toutefois cet anonymat peut être une arme à double tranchant. Certes il limite le risque
d’avoir au sein de Génération Précaire des membres plus intéressés par l’apparition de leur
visage sur les écrans de télévision que par l’amélioration du statut des stagiaires-Risque réel si
l’ on considère la volonté d’accueil par Génération Précaire de toutes les bonnes volontés et
auquel le mouvement s’est trouvé confronté malgré la « protection » du masque comme le
relate Thomas92 : « Sinon on a eu un espèce de mythomane, un copain de Patrick, et
Catherine93 lui a demandé tout de suite des choses à faire. Et il venait juste parce qu’il y avait
le feu médiatique. […]. Il réinventait l’histoire de GP. Donc on lui a dit de partir. C’était un
risque mais tu sais si tu passes une mauvaise info par plusieurs canaux, il ne faut pas sortir des
énormités ». Ce risque est cependant limité puisqu’ il n’est apparu qu’à une seule reprise. Lors
de la réunion à laquelle j’ai assisté, j’ai d’ailleurs pu remarquer que l’apparition médiatique ne
semblait pas attirer outre mesure les membres présents. Ils ne se disputaient pas pour être
interviewés par tel ou tel média qui avait sollicité Génération Précaire.
A l’inverse, le danger d’apparaître toujours masqués est de permettre à des personnes
étrangères au mouvement de s’exprimer en son nom. A première vue, cela semble très simple
puisqu’il suffit de porter un masque pour être « étiqueté » Génération Précaire. C’est ce qui
s’est produit sur le plateau d’ « A vous de juger », présenté par Arlette Chabot le jeudi 16
mars, lorsqu’un ancien stagiaire portant un masque blanc s’est exprimé pour défendre le
91
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Amida.
92
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Thomas.
93
Membres fondateurs de Génération Précaire.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
54
CPE94. La réaction de Génération Précaire fut très rapide et démontre sa maîtrise du monde
des média. Dans un premier temps, grâce à un appel immédiat au standard de l’émission ils
ont réussi à faire apporter par Arlette Chabot un rectificatif sur l’intervention du stagiaire
masqué. Dans un deuxième temps, un communiqué a été envoyé à différentes rédactions dès
le lendemain pour préciser la position du mouvement.
Ce type de malentendu reste très limité grâce notamment à la très bonne gestion des
médias dont fait preuve le collectif.
La « gestion » des médias
Génération Précaire, un expert des médias…
Tout d’abord, il convient de remarquer que certains membres de Génération Précaire
connaissent très bien le fonctionnement du monde des médias pour y avoir effectué eux-même
des stages95.
Cet ancrage dans le monde des médias leur permet tout d’abord de bénéficier d’un
carnet d’adresses initiales qui a permis de lancer la « machine médiatique ».
Plus important encore, cela leur a permis de connaître de l’intérieur la manière de
travailler des journalistes, leurs contraintes et leurs attentes et notamment de savoir
exactement tout ce qui pouvait permettre la meilleure couverture possible.
Outre le choix de manifestations « accrocheuses » que nous avons déjà évoquées, le
collectif, convaincu de l’importance primordiale des médias a su se montrer très réactif et
disponible, proposer un discours simple et efficace et surtout faciliter au maximum le travail
des journalistes.
… conscient de l’importance des médias…
Chez Génération Précaire, la conscience de l’importance du relais média est très forte,
notamment pour compenser un manque initial de légitimité. De quel droit, en effet, une
trentaine d’individus dont certains ne sont même plus stagiaires osent-ils parler au nom de
800 000 personnes ? Il est donc crucial pour eux de se faire voir et d’apparaître grâce aux
médias et par la pertinence de leurs propositions comme un partenaire obligé susceptible de
94
Génération Précaire s’était positionné contre.
Le drôle de stagiaire invité sur France 2, NouvelObs.com, 17.03.06.
95
Thomas a notamment effectué des stages chez Radio France, Patrick a écrit dans Alternative Economique.
94
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
55
peser sur les décisions. Mais pour faire valoir ses propositions, encore faut-il se faire entendre
et c’est bien là tout l’enjeu : ils ont besoin de bénéficier d’un relais média important
Connaisseurs des arcanes médiatiques, ils jouent le jeu au plus serré afin de toujours
avoir la main, c’est à dire bénéficier d’une grande couverture tout en maîtrisant leur image et
leur message. Comme le souligne Géraldine 96« nous ne sommes pas un produit des médias. Ils
sont notre moyen de com
».
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’une de leur première flash-mob s’est déroulé auprès
de Radio France. Non seulement l’un des membres « connaissait la maison » pour y avoir
effectué un stage mais en plus cela constituait l’un des moyens les plus efficaces pour attirer
l’attention des journalistes. Une fois l’attention captée, il leur a « suffi » de s’assurer des
retombées médiatiques conséquentes et positives par les moyens que je vais décrire.
…d’une grande réactivité…
Le premier atout de Génération Précaire consiste en sa grande réactivité et en sa capacité
à répondre à un grand nombre d’interviews et de sollicitations. En effet, grâce à l’usage des
masques, tous les membres actifs peuvent prendre la parole au nom du collectif. On assiste
donc à un partage des interventions qui permet de répondre à tous les médias, du plus grand
au plus petit. Bien sur, les personnes les plus à l’aise face au micros et caméras interviendront
plus facilement face aux médias les plus importants.
La disponibilité envers les journalistes fait partie des préoccupations majeures des
membres de Génération Précaire afin d’asseoir la crédibilité du mouvement et de convaincre
les journaliste de son sérieux, condition nécessaire pour bénéficier de « papiers » positifs.
Comme le souligne Thomas97 « Le challenge des médias, c’est qu’ils savent qu’on n’est pas
nombreux et ils essaient de voir si on peut répondre. Ca aussi, c’est pour tester la crédibilité d’un
mouvement […]Ca c’est du professionnalisme […]Et nous on répondait à tout. Aux canards étrangers,
tout ça te fait gagner en crédibilité.
». Derek Perrotte, le journaliste qui a suivi le mouvement
pour les Echos et que j’ai pu interroger confirme que cette disponibilité est bien réelle : « Ils
sont toujours joignables, essentiel aussi.
»98
96
cf Questionnaire en Annexe 5.
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Thomas.
98
Entretien Derek Perrotte, Annexe 9.
97
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
56
…d’un discours simple et efficace
Le deuxième point très important que domine Génération Précaire est celui d’un
discours « clair, simple et concis »99 . Ce travail sur le discours est capital car il permet d’éviter
la déformation du message. En effet, les journalistes sont souvent amenés à élaguer les
arguments exposés au cours des entretiens et la synthèse qui en résulte peut ne plus
correspondre à l’esprit du message initial. En proposant dès l’origine un discours clair et
concis, Génération Précaire limite les risques de le voir transformer.
En outre, cette clarté est d’une grande importance pour garantir l’homogénéité des prises
de position alors que beaucoup de membres sont appelés à intervenir auprès de nombreux
média. Un discours trop compliqué, trop long ou bien des arguments qui laissent place à
l’interprétation constitueraient autant de risques pour le collectif de voir ses membres se
contredire dans leurs déclarations et ruinerait l’image positive acquise grâce à leur
disponibilité.
…qui « pré mâche » le travail des journalistes
Enfin, Génération Précaire fait preuve d’une grande efficacité pour faciliter le travail des
journalistes. Au delà de leur réelle disponibilité et de leur discours efficace, les membres du
collectif s’emploient à faire gagner du temps aux journalistes, ce qui est essentiel dans cette
activité.
Tout d’abord, la clarté du discours que nous évoquions constitue un premier gain pour le
journaliste. Nul besoin de synthétiser des exigences dispersées, compliquées à expliquer :
Génération Précaire à fait ce premier travail de synthèse et sert un discours « prêt au média ».
Qui plus est ce discours clair et concis est loin d’être fade puisqu’une véritable attention est
portée aux mots, aux slogans, aux images. Le cas échéant, en véritables acteurs, les
manifestants s’adaptent aux contraintes médiatiques comme le prouve l’anecdote évoquée par
le collectif dans son livre100 :« La pluie est en train d’effacer notre déclaration, peinte sur une
tablette en bois, et Olivier
101
a de plus en plus de mal à la lire. Pendant environ une heure, il va devoir
rejouer la scène cinq fois pour les journalistes qui sont arrivés en retard ».
99
Entretien Derek Perrotte, Annexe 9.
Sois Stage et Tais-Toi ! Pour en finir avec l’exploitation des stagiaires, le collectif Génération Précaire,
Edition La Découverte, Avril 2006, p11-12.
101
Un acteur venu déclamer un texte rédigé par Génération Précaire.
100
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
57
Afin de répondre à toute demande de journalistes cherchant à illustrer leurs sujets, le
collectif a su très tôt se constituer une base de témoignages et de contacts experts en
sociologie ou en économie etc.. « Et du coup on avait des réponses à tout. Genre, Le Figaro Eco
m’appelle « Oui bonjour est ce que vous avez des exemples de stagiaires dans l’hôtellerie ? ». Et moi
j avais devant moi mes 50 dossiers, que des gens de GP triaient jour et nuit. Et donc je leur fabriquais
leur papier. Et donc les manipulait aussi. Parce que je leur fournissais le témoignage mais j’étais aussi
l’expert. J’avais aussi une liste de contacts (sociologues, économistes, chercheurs…) qui illustraient
tel ou tel aspect, tel ou tel angle.
»102. Cette capacité relationnelle affichée par Génération
Précaire est également confirmée du coté des journalistes comme le souligne la remarque de
Derek Perrotte103 « Ils nous ont bien mis en permanence en relation avec des stagiaires qui
pouvaient témoigner, ce qui était essentiel, pour rendre le sujet concret, vivant, l'inscrire dans le réel et
pas seulement dans la lutte juridique ».
Cette compétence est d’une grande importance puisque non seulement elle facilite le
travail du journaliste et augmente les chances qu’il traite du sujet (ou bien qu’il en reparle,
fort de l’aide qu’il aura reçu la première fois) mais elle permet aussi à Génération Précaire
d’asseoir son rôle d’expert, de partenaire indispensable sur la question des stages et bien sur
de contrôler encore plus son message en fournissant les coordonnées des personnes qui seront
interrogées. Les journalistes sont ainsi orientés vers les personnes qui certes répondent à leurs
critères mais aussi et surtout à ceux de Génération Précaire…
Tout le jeu consiste à utiliser au mieux les médias sans se faire utiliser. Génération
Précaire a su prouver sa compétence sur ce point. «Qui n'essaie pas d'utiliser les médias ? tout
cela est un jeu, à nous journalistes d'être objectifs. Et la dessus, GP est bon, mais on sait encore faire
notre métier !
»104. Cette même précaution face à la récupération médiatique se retrouve
d’ailleurs vis à vis de la récupération politique.
3.2.3 Le rapport au politique
Les rapports entretenus entre Génération Précaire et la classe politique sont très
intéressants car comme j’ai pu le mentionner en introduction, Génération Précaire est très
attaché à son indépendance et veille avec un soin particulier à éviter toute tentative de
récupération politique. Dans le même temps, son action est éminemment politique, dans la
102
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Thomas.
103
Entretien Derek Perrotte, Annexe 9.
104
Entretien Derek Perrotte, Annexe 9.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
58
mesure où elle s’adresse à la classe politique en général et vise à une solution législative et
donc votée par les politiques.
La politique au sein de Génération Précaire
Les membres de Génération Précaire représentent un panel politique assez large qui
s’étend de l’extrême gauche de l’échiquier politique à l’UMP. On remarque cependant d’après
les différents entretiens menés que leur centre de gravité se situe plutôt à gauche.
Cette pluralité politique est totalement revendiquée et assumée tout comme l’est
l’absence de membres proches de l’extrême droite. Géraldine explique ainsi que « quand
même on n’a pas de gens du Front National
»105. A première vue, une telle disparité politique
semble difficilement conciliable avec une action efficace. En fait, il faut bien comprendre que
l’action de Génération Précaire dépasse les clivages politiques pour s’intéresser à la condition
des stagiaires. Sur cette question précise, les convictions politiques n’ont plus cours.
La peur de la récupération
Outre le consensus qui s’est instauré sur la question des stages, on retrouve un autre
consensus fondateur qui consiste à lutter contre toute tentative de récupération politique. Pour
chacun des membres, il est très clair que l’action du mouvement ne saurait pas être récupérée
par quelque parti ou syndicat que ce soit. Ainsi, cette indépendance a fait l’objet d’une
condition sine qua non de la part de Jacques pour prendre part au collectif. Comme il
l’explique106, il a attendu un petit mois après son premier contact avec Génération Précaire
pour s’assurer de l’indépendance du mouvement et décider de s’y engager. Aline107 confirme
en expliquant que si la même contestation s’était organisée à l’instigation d’un syndicat ou
d’un parti, elle n’y aurait pas pris part.
L’exemple de Jacques, qui n’a pas de passé militant, et de Aline, qui a pour sa part déjà
milité, symbolise remarquablement la grande défiance de Génération Précaire dans son
ensemble envers les grands appareils politiques. Certains anciens militants ont quitté ce type
de mouvement déçus de voir leurs initiatives bridées, leur actions limitées et écœurés par les
discussions sans fin. Les autres n’ont jamais éprouvé le besoin de s’engager, que ce soit par
105
cf Annexe 1.
Cf.Annexe 2.
107
Cf Annexe 2.
106
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
59
crainte de soutenir un mouvement qui ne serait pas le porte-parole exact de leurs aspirations,
par conviction de l’inefficacité des appareils ou bien tout simplement parce qu’aucune cause
ne les a jamais enflammés.
Les moyens pour l’éviter
Ainsi, pour éviter le risque de récupération, les membres de Génération Précaire ont
adopté un mode de fonctionnement particulier afin de s’adapter au mieux à leurs différentes
contraintes. En effet, s’il ne souhaite pas se politiser, c’est vers la classe politique que se
tourne le mouvement pour faire accepter ses propositions. Il ne peut donc pas choisir une
politique dite d’«évitement» qui consisterait à refuser tout contact avec les partis et les
syndicats. Cette attitude irresponsable condamnerait de facto toute chance de succès.
Génération Précaire choisit d’adopter une politique de disponibilité maximale, c’est à
dire de répondre favorablement à toutes les sollicitations sérieuses. Leur raisonnement est le
suivant, en répondant favorablement à toute sollicitation nous ne pouvons pas être soupçonnés
de favoriser tel parti ou tel syndicat. Dans la même optique, ils se sont refusés à faire le
premier pas et ont attendu d’être contactés suite aux premières retombées médiatiques de leurs
manifestations.
La participation à ce genre de réunions fait elle aussi l’objet d’une attention particulière.
En effet, dans la mesure du possible ils interviennent par binômes en prenant soin des
inclinations politiques de ces deux participants. Idéalement, ils cherchent à déléguer une
personne a priori proche de la sensibilité rencontrée et une autre plus distante. Cette
répartition des rôles bien connue entre le « gentil » et le « méchant » a pour objet de prévenir
tout risque de sympathie trop prononcée. Elle permet aussi bien évidemment de conserver un
discours d’une grande cohérence.
Les binômes ne sont jamais fixes, ils évoluent au grè des disponibilités des membres, de
leur intérêt pour l’interlocuteur. Ainsi lors de la réunion à laquelle j’ai pu assister, la
désignation des personnes qui devaient rencontrer Dominique Strauss-Kahn fut beaucoup plus
aisée que celle des membres qui devraient tenir un stand dans une manifestation organisée par
les jeunes communistes. Comme toujours, Génération Précaire fait preuve de souplesse face à
ces règles et il peut bien sûr arriver qu’une personne seule rencontre des interlocuteurs ou bien
que le binôme ne puisse se structurer sur la base « gentil »/ « méchant » faute de « gentil » ou
de « méchant » disponible…
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
60
Cette attitude face au monde politique confirme des éléments déjà analysé à propos
d’autres thèmes. Ainsi, comme pour le recrutement de nouveaux membres, Génération
Précaire n’a pas de politique spécifique pour entrer en contact avec des partis ou des syndicats
si ce n’est de s’appuyer sur son impact médiatique et d’accueillir positivement toute
sollicitation. Tout comme face aux médias, le mouvement fait preuve d’une grande capacité à
se rendre disponible et à répondre à toutes les sollicitations « politiques ».
La lutte contre toute dépendance face au politique se retrouve dans l’absence même de
statut du collectif. Comme déjà évoqué, aucun statut n’a été déposé et Génération Précaire n’a
pas le statut d’association. Si certains réclament le dépôt des statuts pour pouvoir bénéficier
de subventions, d’autre s’y opposent craignant de perdre leur liberté s’ils étaient dépendants
de subventions. C’est la même logique qui leur a fait refuser une offre de la mairie de Paris
comme le mentionne Thomas108 « Ah oui aussi : très tôt la mairie de Paris nous a proposé de nous
prêter une salle. Et bien nous on préférait rester dans notre squat non chauffé car c’était notre
indépendance à nous.».
108
Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social, Elodie Vialle, septembre 2006, corpus
d’entretien, entretien Thomas.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
61
Conclusion : Quels résultats et quel avenir?
Arrivé à la fin de ce travail, il convient de remarquer que les Hypothèses émises au
début de ce mémoire sont validées à l’exception de celle qui consistait à voir dans Génération
Précaire un exemple typique de Nouveau Mouvement Social. Comme nous avons pu le
montrer, Génération Précaire se définit plus comme un mouvement hybride qui utilise des
moyens nouveaux et novateurs pour atteindre des objectifs classiques.
Cette utilisation de nouveaux moyens est, comme nous l’avons expliqué, source d’une
grande efficacité. Cependant, cette efficacité de Génération Précaire dont nous avons détaillée
les aspects les plus significatifs contraste singulièrement avec les résultats obtenus un an après
sa création. Si la question des stages fut effectivement médiatisée, les objectifs de Génération
Précaire ne furent pas atteints. Certes, le Gouvernement a prêté l’oreille aux revendications et
a reçu certains membres de Génération Précaire pour finalement instaurer une Charte sur les
stages. Cependant, cette Charte ne satisfait pas Génération Précaire qui la trouve non
seulement pas assez ambitieuse mais aussi et surtout totalement inefficace car non
contraignante.
Ainsi, loin de l’euphorie des débuts, les membres n’envisagent plus de voir leurs
revendications adoptées rapidement. S’ils se placent désormais dans un temps plus long, leur
détermination ne s’émousse pas pour autant. Elle s’adapte seulement aux exigences du
calendrier politique qui rend extrêmement improbable un changement majeur avant les
élections présidentielles de 2007. D’ici là, l’objectif est de continuer à « occuper le terrain » et
à faire de la question des stages un thème obligé de la campagne. En seront-ils capables ?
Derek Perrotte109 semblent très pessimiste. Ainsi, il répond de la manière suivante à la
question « pensez-vous que ce mouvement a un avenir ? (Médiatiquement ?) »
« Pas vraiment. Le débat est clos et le ministère a tranché, même si Génération Précaire
n'est pas content du résultat. Ils n'ont malheureusement pour eux pas d'autres moyens de
pression. Le soutien es syndicats est réel mais ces derniers ne vont pas non plus mettre le pays
sans dessus dessous pour eux. Le débat ressurgira peut être un jour mais pas tout de suite c'est
certain. De plus, ce mouvement est par essence éphémère, les gens le rejoignant et le quittant
au gré de leurs propres évolutions pros. Bref, tout cela ne peut avoir qu'un temps. ».
109
Entretien Derek Perrotte, Annexe 9.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
62
Je suis pour ma part plus optimiste. Selon moi, la souplesse et l’intelligence de ce
mouvement devraient lui permettre de s’adapter s’il le souhaite à ces nouvelles contraintes
extérieures. Je pense que Génération Précaire est tout à fait à même de rééditer son « exploit »
de l’année passée.
Cet optimisme quant à sa capacité de réaction face aux contraintes extérieures est
cependant contrebalancé par un véritable pessimisme sur la capacité qu’aura Génération
Précaire à conserver sa cohésion en interne. En effet, j’ai précédemment souligné
l’importance du fait que le discours de Génération Précaire ne portait que sur la question des
stages. Un domaine dans lequel le collectif s’était positionné comme un expert incontournable
et question sur laquelle chaque membre se retrouvait sur ce qu’il convient d’appeler un plus
petit dénominateur commun et ce, quelles que soient ses convictions politiques, origines
sociales etc. Hors, un nombre croissant de membres ne cachent pas leurs souhaits de voir le
domaine de revendication de Génération Précaire s’élargir à d’autres thèmes110 déjà discutés
sur la scène publique ou non. Pour le moment, le débat se poursuit et aucun consensus n’est
trouvé ce qui signifie chez Génération Précaire que rien ne sera fait dans l’état actuel des
discussions. Cependant, si l’unanimité se dessinait, cela constituerait à mon avis une grave
erreur et signerait à terme la fin du collectif. En effet, la visibilité du mouvement serait
brouillée, son statut d’expert sur les nouveaux sujets moins convaincant et surtout, le plus
petit dénominateur commun serait irrémédiablement perdu.
Enfin, je voudrais clôturer ce mémoire par une question. Génération Précaire ne
préfigure-t-il pas un nouveau type de contestation, une contestation très pragmatique, efficace
dont l’organisation aura su s’adapter aux nouvelles contraintes de notre temps ? Ainsi, il faut
tenir compte de la difficulté des jeunes à s’engager durablement du fait de la société de
zappeur dans laquelle ils vivent mais aussi de leur prudence face à la politique. Ces
mouvements du troisième millénaire concentreraient leurs actions dans un temps court, usant
au mieux des capacités de chaque bonne volonté en développant notamment une grande
maîtrise d’Internet et des média, seuls outils capable de frapper fort, vite et large. Une
maîtrise qui ne va pas sans repenser la manière qu’ont les mouvements de contestation de
s’organiser, d’interagir et d’agir.
110
Que pour des raisons de confidentialité, je ne peux pas mentionner.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
63
Bibliographie
- Travaux sociologiques
- Corpus « Devenir Militant », Revue française de science politique Année 2001, volume
51, numéro 1
- « Entrer, Rester en Humanitaire : Des Fondateurs de MSF aux membres actuels des ONG
médicales française »
Johanna Siméan
Revue française de science politique, Année 2001, Volume 51, Numéro 1 p. 47 – 72
- « L'entrée en politique des jeunes Italiens : modèles explicatifs de l'adhésion partisane »
Ettore Recchi
Revue française de science politique, Année 2001, Volume 51, Numéro 1 p. 155 – 174
- « Carrières militantes, et vocation à la morale : les militants de la Ligue des droits de
l'homme dans les années 1980 »
Eric Agrikoliansky
Revue française de science politique, Année 2001, Volume 51, Numéro 1 p. 27 – 46
- « Les 50 ans de la RFSP : une relecture cavalière des débuts »
Jean Leca
Revue française de science politique, Année 2001, Volume 51, Numéro 1 p. 5 – 17
- « Les jeunes militants du Front national : Trois modèles d'engagement et de cheminement »
Valérie Lafont
Revue française de science politique, Année 2001, Volume 51, Numéro 1 p. 175 – 198
- Autres ouvrages
- Neveu, E. (2002), Sociologie des mouvements sociaux, Edition La Découverte, collection
repères, 3ème édition (2002)
- Olson ; M. (1978), Logique de l’action Collective, Presse Universitaire de France, 1978
- Guur, T. (1970), Why Men Rebel , Princeton University Press, Princeton, New-Jersey, 1970
- Vialle, E. (2006), Génération Précaire : naissance et perspectives d'un mouvement social,
Mémoire présenté à l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon dans le cadre du séminaire
"Mouvements sociaux au prisme des notions de classe, de genre et de race" sous la direction
de Sophie Béroud, septembre 2006
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
64
- Alegre, F. Fernandez, C. Ingold, A. Miniere, L. Mondini, V. Tourde, C. (2006), Génération
Précaire ou l’action des stagiaires, Travail présenté dans le cadre du cours d’IEP – 4ème
année du diplôme intitulé Nouvelles formes de participation politique et dirigé par Eric
DARRAS et Patrick WEISBEIN, 2006
- TILOUCH, H. (2002), Les nouvelles formes d'action collective dans le champ politique : le
cas des motive-e-s à Toulouse, thèse de Diplôme d'Etudes Approfondies de Science Politique
de l’Institut d'Etudes Politiques de Lyon, Université Lyon II, dirigée par : Monsieur
LECOMTE Patrick
- Journaux
- AFP
« French interns », 23.11.05
« Des stagiaires défilent "masqués" pour dénoncer leur exploitation », 01.11.05
« Génération Précaire contre une charte pour les stagiaires »,13.12.2005
« Stages : Génération précaire propose des amendements aux sénateurs », 21.02.06
« La charte sécurisant les stages signée par le gouvernement et le patronat », 4.05.2006
« Manifestation de précaires à Paris », 26.05.2006
- La Tribune
« Une grève pour défendre le statut des stagiaires », 24.11.05
« Stagiaires : La CFDT soutient le mouvement », 24.11.05
- Le Figaro
« Les masques de la précarité, » Francois D’Orcival , le 22.04.06
« La Charte des stages signée aujourd’hui », 26.04.06
- Le Magazine
« Interview : Génération Précaire », Thomas Tobias, 03.03.06,
« Le Magazine », Thomas Tobias, 25.01.06
- Le Monde
« Le statut des stagiaires hors de l’Hexagone », 28.11.05
« Les stagiaires, armée de réserve de l’entreprise », 04.11.05
« Les stagiaires profitent des soldes pour réinterpeller le gouvernement », Nils Hédouin
12.01.06
« Le stage, un tremplin qui ne doit pas se transformer en galère », 17.01.06
« Tribune dans le Monde », 24.03.06
« Génération Précaire, un problème européen », 31.03.06
« Le gouvernement lance une charte destinée à sécuriser les stages en entreprise », 26.04.06
- Les Echos
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
65
« Un cruel bizutage social, » Paul Fabra, 13.03.06
« 25.11.05, Derek Perrotte »
« L’inspection du travail veut lutter contre les abus », Derek Perrotte , 06.04.06
- L’Expansion
« Les stagiaires se rebiffent contre les abus des entreprises », 31.10.05
« Les stagiaires en grève reçus par le ministre du Travail et le patronat », 21.11.05
« Première manifestation européenne de stagiaires », 30.03.06
- L’Express
« Génération Précaire "les stagiaires ne sont ni de gauche ni de droite" », Eric Lecluyse,
20.12.05
« La révolte des stagiaires », Valentine Piedelievre, 31.10.05
« Le péril Jeunes », Marie Cousin, 06.02.06
« Sous le masque, le combat », Marcelo Wesfreid, 06.04.06
- L’Humanité
« La précarité comme seul salaire », 31.10.05
« Paris. Une manif jeune, jeune, jeune... » l’Humanité, Christelle Chabaud, 08.03.06
« Contre le CPE. ils ont dit », 28.01.06
« Surtout, sois stage et tais-toi ! », Christelle Chabaud, 18.04.06
« "Une institutionnalisation du sous-salariat" », le 05.04.06
- Libération
« Stagiaire, un boulot sans nom », 21.11.05
« La précarité comme loi », Annick Coupe et Aurélien Piolot, 03.02.06
« Voyages en classe précaire », Sonya Faure, le 18.04.06
« L’internationale précaire mobilisée », Christian Losson, 02.05.06
- Nouvel Obs
« Le mouvement des stagiaires reçu cette semaine », 21.11.05
« Les stagiaires en colère se mobilisent », 01.11.05
« Kathy, bac +5, huit stages à son actif, mène la fronde des stagiaires », 31.10.05
« Les six plaies de l’emploi des jeunes », 02.02.06
« Le drôle de stagiaire invité sur France 2 », 17.03.06
« Au secours, j’embauche un jeune ! », Jacqueline de Linares, 02.03.06
« Forum sur la condition des stagiaires en entreprise, le CPE etc. », 10.04.2006
- Reuters
« "Génération précaire" déçue par un entretien avec Villepin », 23.02.06
« Vers une indemnisation des stagiaires de plus de 3 mois », 16.01.06
« Les stagiaires de Génération précaire repartent au front », 13.04.06,
« Création d’une "charte des stages étudiants en entreprise" », 26.04.06
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
66
- 20 Minutes
« Stages en voie de reconnaissance », 17.01.06
« Des stagiaires fatigués de n’avoir que la gueule de l’emploi », 28.10.05
« Les stagiaires ne valident pas le plan emploi, Laure de Charrette », 13.04.2006
« "On milite pour la pénalisation de l’abus du stage" »,13.04.06
- Autre
„Praktikanten kommen und gehen“, Jungle-world.com, 30.11.05
„Mobilisation pour une réforme du statut des stagiaires », E-SciencesPo.com, 24.11.05
« La generación de los becarios se lanza a la calle en Francia Cinco.Días », 24.11.05
« Lorsque stagiaire rime avec précaire », Nice-Premiere.com, 23.11.05
hns-info.net : « Génération Précaire » : Newsletter N°4 - Novembre 2005
« Les stagiaires ne veulent plus être des vaches à traire ! », Clicanoo.com, 17.11.05
« Une association de stagiaires se mobilise contre les abus », E-go.fr, 15.11.05
« Les stagiaires se rebiffent », cadremploi.fr, 09.11.05
La-croix.com, 01.11.05
« Des stagiaires se mobilisent contre les "abus" des entreprises », Voila.fr, 31.10.05
« Conseils à une entreprise pour prendre un stagiaire », Marianne Rey, Lentreprise.com,
29.11.2005
« Génération galère », Alternatives Economiques, Novembre 2005
« Ils démasquent les stages abusifs », Ouest France, 23.11.05
« Kathy, bac +5, huit stages à son actif, mène la fronde des stagiaires », Florence Le Méhauté,
http://www.ouest-france.fr, consulté le 3.11.05
Fenetreeurope.com : "Social : la précarité se défend aussi au niveau européen", 23.03.2006
„Praktikanten wehren sich“, Die Tageszeitung, Anne NILL, 29.03.06
« Génération Précaire », Télérama, Mathilde Blottière, 29.03.06
« L’indemnisation des stages de plus de trois mois bientôt obligatoire », Challenges.fr
06.04.06
« Cette jeunesse qui gagne », Politis, Michel Soudais et Thierry Brun, 20.04.2006
« Sois stage et tais toi ! », Hobsons.fr, Gwenole Guiomard, le 21.04.06
chat avec Génération Précaire, linternaute.com, 24.04.2006
« La charte des stages jugée bidon » , TF1, Sophie LUTRAND, 26.04.06
« Question à François Goulard, ministre délégué à l’Enseignement supérieur », Challenges,
Flore de Bodman, 27.04.06
« Nous sommes tous des stagiaires », Indymedia.org,29.03.06
« GPE, ou galère de la première embauche », Strategies.fr, 07.04.06
« Edito: Charte au printemps, stagiaires mécontents », CadreOnLine.fr, 03.05.06
« La gestion des stagiaires, une thématique de RSE ? », Novethic.fr, Sylvie Touboul, 27.04.06
- Radio
« Deux générations face à l’emploi » RadioFrance.fr, 13.03.06 par Anne-Laure Barral
« Le contrat première embauche face à la rue », Rfi.fr, le 07.02.06
RMC, émission "Les grandes gueules", 20.04.06
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
67
- Sites Internet
Site de Génération Précaire :
http://www.generation-precaire.org/ consulté régulièrement à partir de 11/ 2005
Site de Génération P :
http://www.generation-p.org/en/index.php consulté régulièrement à partir de 07/2005
Sur Laswell :
http://www.hawaii.edu/intlrel/pols315/Text/Theory/lasswell.htm, consulté le 22/07/06
Wikipédia :
www.wikipedia.fr
Site des Racailles de France :
http://racaillesdefrance.free.fr/
Sur la théorie du CATNET :
http://www.seniorscopie.com/dossier/article.asp?id=030526200601
consulté le 7/08/06
- Autre
Le collectif Génération Précaire (2006), Sois Stage et Tais-Toi ! Pour en finir avec
l’exploitation des stagiaires, Edition La Découverte, Avril 2006
Béaud, S. Weber , F. (1997), Guide de l'enquête de terrain, La Découverte (1997)
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
68
Annexes
Annexe A : Entretiens et questionnaires
- Synthèse de l’entretien réalisé auprès de Géraldine et Aline le 16/05/06
Géraldine :
Administration des mails
En contact avec les thésards, les raccords
Travaille sur l’espagnol pour le site européen
Adresses mail via le site sont renvoyées par l’administrateur du forum vers la boite en
@génération précaire.org qui gère ainsi de manière centrale tous les mails qui les concernent
(ceux venant du forum et ceux adressés directement à leurs adresses).
Ces mails sont ensuite triés et rangés dans des « pochettes » différentes (action internationale,
projet, média)
Une dizaine de personne les ont contactés pour les mémoires
Organisation : Noyau dur (20/25 personnes)
. Raccords (ne viennent pas aux réunions mais envoient des mails et sont sollicité pour des
photocopies, faire passer les newsletters). Il y a deux graphistes dans ce groupe. Un graphiste
raccord a fait le logo. Pour certains, beaucoup de mails sont échangés sans connaître les gens
(tête, lieu où habite etc.). Grande diversité des raccords (environ 110 personnes) organisés en
pôles (région, niveau européen, vieux, âge). La majorité on ne sait pas où ils habitent, ce
qu’ils font. Certains sont venus aux réunions/AG sans s’engager plus que ca
. Gens qui gravitent autour, qui viennent pour une action. Leur nombre n’est pas connu.
. Adhérent, témoignent, appuient etc.
En novembre/décembre, 3000 personnes dans la newsletter. Mise en place d’une mailing-liste
pour éviter de perdre du temps lors des envois d’emails. Ils semblent encore exister des
doublons qui se résorbent. Envoi d’email prend moins d’une heure par jour.
Le plus long, c’est de répondre aux e-mails entre les personnes qui envoient des mails via le
forum et ceux qui participent aux forums.
Modération du forum à partir de fin novembre début décembre car démarrage d’insultes etc.
Au début, volonté de ne pas modérer mais pas tenable. Réponse suite à la participation sur
forum sur les gros sujets, les incompréhensions etc. Plusieurs personnes font ca (Tobias,
Géraldine, Isabelle, Catherine). Beaucoup de boulot (2h00 minimum par jour pour Géraldine)
Aline : travaille sur le site européen
Va peu sur le forum
Formation d’informatique
Site européen est en 6 langues.
Site projet depuis décembre, lancé depuis février.
Fait appel aux compétences des motivés
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
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Allemands ont été les premiers (un an avant) à s’être organisé autour du problème mais se
sont organisé différemment (en relation avec les syndicats). Ils ont suivi ensuite l’exemple de
GP. Il s’agit de deux groupes en fait. Ils ont eu besoin de plus de temps pour avoir l’appui des
médias, la visibilité
Explication de la visibilité
Importance de l’appel par internet qui a très bien marché.
Carnet d’adresse de gens qui avaient travaillé avec les médias. Maintenant, ce sont eux qui se
font contacter.
Importance du contexte. C’était le moment.
Sympathie suscité (relais lors de la manif à la maison de la radio dont la distribution de tract
était interdite.
Position constructive, réfléchie. On dit non à la situation et on propose telle pour telle chose.
On ne va pas voter la loi. Non, on donne des pistes légales à partir de notre constat de la
situation. Notamment grâce au pôle juriste.
Les revendications ne sont pas immédiate. C’est venu avec le temps.
Au début, 3 personnes. Puis 10.
Puis quelques autres a permis la constitution de pôle en fonction des besoins. Les pôles
existent par rapport à des besoins mais au démarrage rien de fixe et rigide. Les pôles se sont
fait en fonction des besoins (média, juridique, mobilisation/flash mob). Les mêmes personnes
peuvent être dans différents pôles.
Avec le temps, les pôles se sont organisés, étoffés et spécialisés un peu. Maintenant certains
gens sont plus actifs dans certains pôles.
A chaque fois, il y avait des personnes disponibles qui disposaient des compétences
nécessaires.
Pôle juridique : juriste
Le non-engagement à des syndicats et des partis politiques facilitent l’engagement même
limités (raccords). Les gens arrivent plus facilement, ils sont plus prêts à participer. Beaucoup
de gens ne participent pas aux réunions, tournent autours mais sont prêt à aider. Les gens
hésitent à s’engager, hésitent à s’afficher
Il n’y a pas de hiérarchie. Il y a des choses à faire. Chacun peut faire des choses à leur échelle.
Il n’y a pas de pression, même si on veut partir. C’est libre, les gens viennent, partent.
Question posées : Frustration de voir des gens de passage qui s’impliquent moins (raccords
etc.) ?
Au démarrage pensait avoir plein de gens. Alors que parfois, il n’y a que 10 personnes pour
une flashmob. Certaines frustration quand peu de personnes présentes lors des grandes
manifestations populaires.
Ils disposent d’un gros capital sympathie. Les gens les reconnaissent et les apprécient.
Le noyau dur dispose d’une boite personnelle en @générationprécaire.org
Quand certaines personnes ne sont pas d’accord, ils attendent d’atteindre un consensus avant
de faire quelque chose.
Ex : le CPE. Au début, position diffère selon les personnes. Du coup statut quo et travail de
recherche de certains dont ils font bénéficier tout le monde. A la fin, tout le monde est
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d’accord ou Ok pour suivre la décision prise. Fonctionnement adulte ou certains peuvent
accepter de s’effacer. (« si on n’est que deux on dit voilà et on s’efface »).
Le principe de base de fonctionnement est l’unanimité. Une personne ne l’avait pas comprise
et voulait que les décisions soient prises à la majorité. Il a été recadré et finalement s’est
éloigné du mouvement.
Une seule personne contre qqch peut mettre un veto. Ex d’une personne qui a fait changer
qqch.
Il y a des moments où pas le temps de discuter => pas assez de discussion => soucis a
posteriori.
Fonctionne beaucoup par mails.
Il existe un large panel de personnalité (pas diplomate / diplomate)
Il n’existe pas charte écrite pour fixer les régles par écrits.
Il n’existe pas de statut excepté une structure pour récupérer l’Ag du livre.
Il existe deux règles implicites fortes :
Pas structuré (ni hiérarchiquement, ni structuré du tout)
Non partisan.
=> fonctionne par consensus.
Il faudrait l’unanimité pour faire changer cela.
« Pour l’instant ça marche bien comme ça. »
Sur l’élargissement à d’autres revendications, statu quo car pas d’unanimité (moitié des
gens pour et moitié des gens contre)
Une personne a fini par partir d’elle-même. Elle n’était pas en phase car elle demandait sans
cesse de voter.
« On ne vote pas. On n’a jamais voté et on ne votera jamais » (Géraldine). C’est pas l’idée. En
plus, difficulté à rassembler tout le monde durant les réunions => problème si mise en place
de %age
Catherine est respectée (« c’est elle qui a fait l’appel ») mais « entre nous, ça marche pareils »
elle n’a pas un poids déterminant et le mouvement pourrait fonctionner sans elle. C’est
d’ailleurs dans ce sens que le mouvement a été structuré par Catherine dès le début.
- Synthèse de l’entretien réalisé auprès de Aline et Jacques le 17/05/06
Aline :
Aigrie suite à un stage qui a mal tourné (initiative prise mal perçue) => prise de contact suite à
la première manif des stagiaires.
Un certain moment de rdv manqué.
Première rencontre « physique » lors de la semaine de débat
Engagement fin mars, soit un mois et demi plus tard.
Jacques :
Mouvement connu suite à un mail reçu d’un ami sur la pétition.
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Pétition signée tout de suite car expérience d’un an de stage (marqué par le fait qu’il a
expérimenté le fait qu’un stagiaire prenait le travail d’un CDI, en l’occurrence 2 stagiaire dans
un service et une personne en contrat à mi-temps)
A suivi le mouvement pendant un mois via Internet et les newsletters car ne voulait pas de
récup politique.
Avait une vision très construite du mouvement (pôle, le théâtre de verre, impression de
beaucoup de participants, micro etc.)
Arrivée un peu avant la grande grève du 24 Novembre => surpris de voir le peu de personnes
et le caractère artisanal. Est entré dans un creux de vague. Accueil très bon, a tout de suite eu
quelque chose à faire.
Beaucoup de membres de GP cherchent un travail et ne se voit proposer que des stages.
Pas le cas de Aline et Jacques
Soutien de chercheurs
Cas d’un membre actif qui n’a pas fait de stage
Des soutiens sont dans le monde de l’entreprise et « ont peur » car emploi qu’ils occupent
sont maintenant donné à des stagiaires (concurrence salarié/stagiaire)
Soutien de parents et professeurs.
La majorité ne se bat pas pour elle-même
Les membres actifs refusent maintenant des stages mais travaillent pour eux dans la mesure
où cela pèse quand même sur le marché de l’emploi.
Aline : militante avant. Avait crée en 2002 un collectif Ras L’Front.
Dans les rangs de GP, il y a des gens au passé engagé très différent.
Très grande diversité.
Ce qui a fait que le mouvement marche.
Réunion générale par semaine + petite réunion (1/2 par semaine) 20/30 mails par jours (du
fait de la décision par consensus). Très prenant.
Très souple sur l’engagement (si emploi décroché, retour en province)
A force de travailler
Le mouvement pourrait continuer sans les fondateurs ?
Oui
Catherine est d’ailleurs en retrait depuis quelques temps.
Il n’y pas de porte-parole
Les fondateurs historiques peuvent avoir un certain poids mais lors des réunions GP, on a
plutôt tendance à faire parler les nouveaux pour avoir des idées nouvelles.
Dépend beaucoup du temps qu’on peut donner.
Comptez-vous rester dans GP :
Oui, Aline a passé beaucoup de temps. Au niveau personnel ça ne m’apporte rien à moi mais
je le fais quand même car c’est utile, ça va faire connaître le mouvement en Espagne,
Allemagne, Italie.
Compte continuer (car Internet est possible n’importe où).
Il y a des heures qui sont dédiés.
Jacques. Quand il est arrivé, il ne pensait pas à s’impliquer car il avait déjà pas mal de choses.
Ils sont devenus une bande de copain. Quoi qu’il arrive après, on continuera à se voir. S’il n’y
avait pas cette ambiance de groupe qui marche bien.
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Ils se voient en dehors du cadre GP.
Si la loi était passée :
Au départ du mouvement volonté de mouvement éphémère pour atteindre les objectifs fixés.
Maintenant impact atteint jamais envisagé à sa création
Jamais on n’aurait imaginé (Canal+, France 3en direct, écriture d’un livre)
Certainement on va travailler sur d’autres sujets
Aline est rentré plus tard mais on lui a tout de suite donné quelque chose à la mesure de ce
qu’elle voulait faire. Dès qu’il y a de nouvelles personnes, on leur demande leur avis etc.
Jacques : Ce qui est bien c’est qu’on travaille sur des projet concret avec une méthode
sympathique de consensus)
Consensus
N’entraîne pas trop d’inertie.
Grande force de dire qu’on est tous d’accord sur les points travaillés
Force car approfondi la réflexion (Sophie et le fait d’avoir des contacts avec les hommes
politiques)
Dès qu’un sujet voit les gens s’opposer, on entend le point de vue de chacun
Avec les mouvements de personnes, les consensus évoluent
Couleur politiques
Toute tendance politique représenté hors extrême droite. Anciens représentants de syndicat et
parti mais aussi des gens sans affinités politiques.
Gens très diplomates, gens très rentre-dedans =fait avancer les choses
Y a-t-il eu tentatives de récupération politique ?
Non.
Font attention à avoir des « couples » partisan/non partisan lors des échanges avec les
associations politisés.
Du fait de l’organisation, les mêmes personnes (du pôle politique ?) sont allées voir tous les
partis.
Par rapport aux partis, ils font de la sensibilisation. Ils aimeraient que les partis reprennent
leurs revendications. Leurs propositions n’ont pas changé. L’éventuelle influence des partis
politiques est la modalité suivie par GP pour faire aboutir les revendications.
Expertise sur le stage. Reconnu comme tel. Mais ils ne s’appellent pas Génération stagiaire.
Ils vont éventuellement passer à autre chose s’ils obtiennent ce qu’ils veulent sur le stage.
Historique du nom
Source de polémique et débat lorsqu’il a fallu le choisi.
Il faut voir avec Patrick
Pionnier de la prise de conscience de la précarisation des jeunes
Si la même dénonciation des stages avait eu lieu dans le cadre d’un syndicat ou d’un parti
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Attaché au côté apolitique.
Le parti a les compétences en interne, laissons le faire.
Aline était allée voir le PS lors de ses problèmes avec son stage qui l’ont orienté vers GP.
Attendent une alliance de tous les syndicats. Ils ne veulent pas se mettre à dos un syndicat en
s’alliant avec d’autres syndicats.
Origines des militants
Très divers (parents au Medef, tradition militante)
Aline s’est plus investie que lors de la création de son collectif en 2002 car :
Bonne base
Gens très motivés
Etait dégoûtée de son stage. A trouvé une écoute, des conseils => a voulu se battre à leur côté
Prosélytisme
Essaye, envoie les newsletters
A fait acheter le bouquin à une de ses amis
En parle pas mal à ses parents qui en parlent à leurs amis.
Bouche à oreille et Internet
Concrètement a ramené une personne dans le mouvement qui depuis est partie.
Ca reste très personnel. C’est une question d’implication personnelle.
« on fait de l’information, après les gens
Jacques
En parle autours de lui.
Des amis le reconnaissent suite à ses prestations télé.
Pas d’amis qui s’impliquent même s’ils trouvent ça bien.
Sujet de discussion récurrent avec les amis car c’est une des choses principales de sa vie mais
pas de volonté de recruter absolument.
A utilisé son réseau pour aider (graphiste)
Avec journaliste
Des gens qui suivent très régulièrement, les soutiennent.
Bon carnet d’adresse, à jour et dense.
Beaucoup de stagiaire dans les media ont entendu parlé du mvt et en ont parlé aux journalistes
avec qui ils travaillaient.
En outre, il y a des membres de GP qui ont travaillé dans les média.
Ils avaient des choses à dire.
Le masque a bien plu.
Ils se font maintenant appeler par les médias pour savoir s’il ne pourrait pas obtenir des
témoignages. => s’installe dans la durée.
Les médias les considèrent maintenant comme un interlocuteur privilégié même si au début ils
avaient des doutes sur la pérennité du mouvement.
Canal+
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Le mouvement a marché grâce aux médias. Ils se sentent peut-être un petit peu responsable.
On ne va pas taper sur les médias. On n’est pas là pour taper sur untel ou untel. On est là pour
dénoncer un système.
Trouves des excuses à Canal+ et aux médias qui en parlent au moins (/t aux administrations
qui font un black-out total)
Comment les nouveaux viennent :
Site Internet
Bouche à oreille
Manif
Media
- Réunion du 16/05/06
Participants à la réunion:
Amida, diplômée de l’IEP de Toulouse en 2005, venue sur Paris pour un stage. Travaille
maintenant à temps partiel pour un syndicat arrivée dans le mouvement le 12/10
Aline, Maîtrise d’histoire
Fred,
Jacques, maîtrise d’histoire. Deux ans de stage.
Leslie, Maîtrise en LEA, DESS communication. Toujours militante « dans ma tête »
Isabelle, stage de merde où elle a été exploitée.
Patrick, 7 stages, DEA Eco, pas mal militant
Louis, déjà milité, appartient à la vague créatrice
Jean, jamais de stage, GP depuis Octobre
Les vagues d’arrivés de participant font suite aux grandes actions
Entré de manière « indépendante », il y a peu de gens qui ont fait rentrer des copains etc.
Choix des personnes qui vont rencontrer les personnalités ayant demandé un entretien
(DSK,La Passerelle, mouvement jeunes communistes)
DSK :
Motivation
Disponibilité
Mise en contexte de l’entretien (pour DSK, volonté de rencontrer la société civile dans le
cadre de l’écriture de son « bouquin de campagne)
Se mettre d’accord sur les points importants à faire passer (projet de loi, faire bien attention à
ne pas se faire récupérer)
Ils y vont en tant que GP + DSK intéressé par l’originalité du mouvement.
Discussion sur le projet de loi en relation avec un député/sénateur.
Les communistes :
Font attention au thème et aux autres personnes/mouvements invités.
Sujet du débat : formation, logement, précarité, solidarité
Reste « étudiants » car le dimanche matin 9h00 bloque beaucoup de gens.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
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La Passerelle :
Soirée dans le cadre de la sortie du bouquin, la Passerelle fait la communication
mais…
…c’est à eux d’organiser la soirée
Thèmes proposés : Sur le stage entre eux ?
Elargir le débat à la précarité?
Décident de partir des stages vers GP => précarité du marché de l’emploi
Question sur l’orientation universitaire ou plus avec acteurs du terrain
Ils sont en questionnement sur nécessité d’intéresser les gens (débat à la Passerelle) et
ne pas perdre le fil de leur action.
Quand le thème atteint un consensus, recherche immédiate d’un titre accrocheur.
Pas d’implication stratégique => on peut se faire plaisir, invité « qui on veut »
Au final, proposition via un mail à tous leurs contacts du thème de la réunion avec un appel
ouvert à la participation pour être invité au débat et invité des soutiens etc.
Dans le choix des personnes à envoyer, font attention de ne pas envoyer uniquement
quelqu’un en affinité avec le mouvement (SUD Etudiant en l’occurrence) ou la personne.
Participation à groupe de travail sur les questions de revenu, emploi etc (Stop précarité, Droit
des Femmes etc.). Mais pour y être allé la fois précédente, ne pense pas qu’ils aient leur place
dedans.
Jeux
Jeux gratuit pour que le concepteur se fasse de la publicité.
Question de mettre un lien direct ou pas du site de GP vers le site du concepteur du jeux.
« On n’est pas là pour faire de la pub »
Trouvé un nom pour le jeux :
Mise de mémoire sur le site
Passage aux questions plus politiques
- Corpus de Questionnaires
Exceptées les fautes de frappe qui ont été corrigées, le contenu des réponses données cidessous n’a pas été modifié.
- Questionnaire vierge
envoyé aux membres de Génération Précaire par le biais de Géraldine le 9 Mai
Bonjour,
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
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Merci de prendre le temps de lire ces questions. Avant que vous les lisiez, je voudrais préciser
un peu ma démarche (et me présenter par la même occasion)…
Je suis en dernière année d’HEC et dans le cadre de mon mémoire, j’ai choisi de m’intéresser
à votre mouvement et plus particulièrement à la manière dont il a débuté ainsi que les raisons
qui expliquent sa réussite.
Je trouve votre mouvement très intéressant à plus d’un titre. Non seulement par vos
revendications (c’est l’ancien stagiaire qui parle…), mais aussi par votre mode de
fonctionnement.
Je comprends tout à fait votre soucis d’anonymat que je respecterai en ne citant pas les
personnes nommément. Je vous ferai bien sur parvenir un exemplaire de mon mémoire si
vous le souhaitez.
Je vous laisse maintenant avec mes questions. Elles n’ont pas d’autre intérêt que de vous
donner une idée des thèmes que j’aimerai aborder lors de notre rencontre. Bien évidemment,
je ne vous demande aucune réponse écrite (je me charge de noter ce que vous me direz de
vive-voix…)
A la semaine prochaine.
Pierre-Antoine
Les questions précédées d’une * sont plutôt destinées aux personnes présentes depuis le début
de l’aventure.
La construction du mouvement
La motivation
* Qu’est ce qui a motivé la création de Génération Précaire ?
Qu’est ce qui a motivé votre adhésion à Génération Précaire ? Est-ce sur un « coup de tête », à
la suite d’une réflexion ?
A titre personnel, quelles sont/étaient vos attentes en effectuant vos stages ? Qu’avez-vous
trouvé ?
Origine des membres
Qu’avez-vous en commun selon vous avec les autres membres de Génération
Précaire (origine sociale, préoccupation, statut, formation etc.) ?
Avez-vous été sensibilisé à ce type de mouvement par des proches, des rencontres, des
expériences antérieures ?
Comment réussit-il à perdurer et à s’organiser ?
Organisation des débuts et rapports aux média
* Comment le mouvement a-t-il pris forme, notamment les premières étapes (première prise
de contact web, première rencontre « physique », premières actions sur le web, premières
manifestations « physiques ».)
Votre mouvement semble beaucoup utiliser les média pour relayer son message. Vous
percevez-vous de la même manière? Orientez-vous vos actions pour disposez d’une
couverture médiatique relayant vos revendications ? Certains d’entre vous avaient-ils déjà une
expérience dans les média ?
Structure
Pourquoi ne pas vouloir de représentants clairement identifiés ? Comment décidez-vous des
gens qui participeront aux interviews, combien de personnes peuvent être considérées comme
étant ou ayant été porte-parole.
Nouveaux membres
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
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Par quel biais arrivent les nouveaux membres de GP.
Y-t-il des participants qui ne sont pas stagiaires
Concernant l’engagement des membres, quels sont les freins et les facteurs favorisant
l’engagement ? Selon vous, que cherchent les gens dans ce mouvement ?
Autre
* Quelles ont été les motivations/raisons pour l’utilisation du masque ?
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
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Annexe B: Issu du site de Génération Précaire
- Page de présentation du mouvement par Génération Précaire eux-même
http://www.generation-precaire.org/-Presentation-de-Generation- ,consulté le 16 août 2006
Présentation de Génération-Précaire
Qui sommes-nous ?
Le mouvement génération précaire est né d’un appel à la grève spontané et diffusé sur
internet début septembre 2005, destiné à dénoncer une situation intolérable : l’existence d’un
véritable sous-salariat toujours disponible, sans cesse renouvelé et sans aucun droit. A la suite
de cet appel s’est tissé un réseau de stagiaires, présents ex ou futurs, ayant en commun d’être
révoltés face au constat qu’il est aujourd’hui possible et légal d’enchaîner des stages nonpayés ou sous-payés malgré une formation souvent pointue et renforcée par de nombreuses
expériences.
Aujourd’hui étudiants, chômeurs ou salariés précaires pour les plus chanceux, nous
dénonçons publiquement une situation dont personne ne parle bien qu’elle soit connue de
tous : il existe en France une « armée de réserve » de plusieurs centaines de milliers de
travailleurs qui n’ont aucun droit, pas même le droit à un salaire. Scientifiques, juristes,
commerciaux, gestionnaires, nous travaillons dans tous les secteurs d’activité, dans le public
comme dans le privé. Nous sommes pourtant isolés et aucun syndicat ne nous défend, ne nous
comprend. Nous avons conscience de peser lourdement sur le débat social et de tirer
l’ensemble des salariés vers le bas. Pourtant, nous n’aspirons qu’à une chose : avoir notre
place dans la société.
Nos revendications sont simples : que le stagiaire bénéficie d’un véritable statut intégré
dans le droit du travail. Ce statut doit comprendre une rémunération minimum, progressive et
sur laquelle seront prélevées toutes les cotisations sociales en vigueur. Les conflits du travail
nés dans le cadre d’un stage doivent également relever de la compétence des Prud’hommes.
Le site www.generation-precaire.org a pour vocation de fédérer tous ceux qui souhaitent
aboutir à cette réforme du statut des stagiaires. Nous comptons faire pression sur les
partenaires sociaux, sur les élus et sur le gouvernement afin d’obtenir rapidement cette
réforme. Cette revendication est éminemment politique, au premier sens du terme. Pour
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
79
autant, nous ne sommes liés à aucune organisation politique ou syndicale et entendons rester
indépendants. Toutes les compétences et toutes les énergies sont les bienvenues.
Génération
Précaire
existe
aussi
en
régions
http://www.generation-
precaire.org/article.php3 ?id_article=115
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
80
- Propositions présentées par Génération Précaire sur leur site
http://www.generation-precaire.org/Reforme-des-stages-Propositions-de, consulté le 18 août
2006
Génération Précaire
Les stagiaires revendiquent leurs Droits
Propositions pour la réforme du statut des stagiaires
Vous trouverez dans cet article ci dessous ou dans le fichier pdf une présentation
synthétique de nos propositions de réforme.
Génération-Précaire : Propositions de réforme des stages
Qui est Génération-Précaire ?
Le mouvement génération précaire est né d’un appel à la grève spontané et diffusé sur
internet début septembre 2005, destiné à dénoncer une situation intolérable : l’existence d’un
véritable sous-salariat toujours disponible, sans cesse renouvelé et sans aucun droit. A la suite
de cet appel s’est tissé un réseau de stagiaires, présents ex ou futurs, ayant en commun d’être
révoltés face a ce simple constat : Il est aujourd’hui possible et légal d’enchaîner des stages
non ou sous-payés malgré une formation exigeante et bien souvent complétée par plusieurs
expériences professionnelles. Stagiaires de tous les secteurs d’activité, dans le public comme
dans le privé nous avons conscience de tirer vers le bas les conditions de travail et de
rémunération de l’ensemble des salariés.
Génération Précaire est un collectif non partisan qui revendique son indépendance vis-à-vis
de tout parti politique ou syndicat. Les membres du collectif proviennent d’horizons divers,
ont des convictions politiques variées mais partagent le même objectif : la réforme des stages.
Avertissement : ce document traite uniquement des stagiaires étudiants du supérieur ou
bénéficiant d’une convention délivrée par un organisme habilité. Ne sont donc pas concernés :
Les stages "d’observation" de très courte durée
Les stages des élèves du secondaire
Les stages de la formation professionnelle continue des salariés
Les stages des étudiants en contrat d’apprentissage
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
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Les stages des étudiants en contrat de professionnalisation
La situation des stages en France
Conçus à l’origine comme une ouverture du monde universitaire au monde professionnel,
les stages ont acquis une importance décisive dans l’insertion professionnelle. Dans un
contexte de chômage massif des jeunes, les stages ne constituent plus un « tremplin pour
l’emploi » mais tendent à enfermer les jeunes actifs dans la précarité.
Des stages plus nombreux et toujours plus longs
Le Conseil Economique et Social chiffre à 800.000 le nombre de stagiaires chaque année.
De son côté, l’APEC estime que 90% des diplômés de niveau bac + 4 et plus ont effectué au
moins un stage au cours de leurs études, 50% en ayant effectué trois ou plus.
Par ailleurs, la durée des stages s’est allongée. Les formations de troisième cycle
recommandent ainsi des stages d’une durée de quatre à six mois. Des formations d’écoles de
commerce ou d’ingénieurs incitent quant à elles leurs étudiants à effectuer des stages d’un an
dans le cadre d’années "de césure". Pour une majorité d’étudiants, la durée totale de travail
comme stagiaire au cours de leurs études dépasse aujourd’hui un an.
Le stage est devenu de facto une étape obligatoire dans le parcours des étudiants, un prérequis indispensable mais certainement pas suffisant pour l’obtention d’un emploi stable.
La mise à disposition d’une véritable force de travail
La multiplication des stages pour les étudiants et l’allongement régulier de la durée des
études ont fourni aux entreprises, administrations et associations une quantité croissante de
stagiaires. Confrontées à une conjoncture économique difficile, les employeurs ont peu à peu
appris à utiliser cette main d’œuvre dont la rémunération n’est pas obligatoire.
Le "contrat moral" initial du stage, outil « gagnant-gagnant », mi-pédagogique, miprofessionnel, s’est peu à peu perdu.
Il est aujourd’hui fréquent que les stagiaires occupent de véritables postes de travail, sans
aucune dimension pédagogique. Plus grave, des stagiaires se succèdent parfois indéfiniment
sur un même poste remplaçant ainsi un salarié permanent.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
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Confrontés à un marché de l’emploi caractérisé par un très fort taux de chômage des
jeunes, les stagiaires acceptent d’occuper des postes de salariés. Près de 25% des jeunes actifs
sont touchés par le chômage (Insee, 2005) et préfèrent travailler « gratuitement » comme
stagiaires plutôt que de renoncer à leur insertion dans le domaine ans lequel ils se sont
spécialisés et de se désinsérer socialement et professionnellement.
Plus grave encore, de nombreux diplômés prolongent artificiellement la durée de leurs
études à la seule fin de continuer à effectuer des stages.
Pour autant, le statut juridique des stages ne s’est pas adapté à cette évolution.
Un régime juridique inadapté
Alors que les apprentis et les étudiants en contrat de professionnalisation bénéficient d’une
reconnaissance et d’un statut, le droit du travail ignore les stagiaires.
Les stagiaires ne sont jamais considérés comme des salariés mais comme des étudiants.
Leur protection sociale relève de l’université. Ils ne bénéficient d’aucune des protections
assurées par le droit du travail et ne peuvent prétendre à une rémunération.
Un arrêté du 20 décembre 1986 exonère de cotisations sociales les entreprises qui
"gratifient" leurs stagiaires en stage obligatoire conventionné d’un montant inférieur à 30% du
SMIC. Cette disposition crée un effet de seuil important, au point que des rémunérations
supérieures sont très rares, indépendamment du travail fourni par le stagiaire et de la durée du
stage.
Mais bien souvent les stagiaires ne bénéficient d’aucune rémunération, en particulier pour
les stages effectués dans le secteur public.
Les stagiaires ne bénéficient d’aucun droit en contrepartie de leur travail :
Pas le droit de participer au financement de la protection sociale :Les stagiaires ne cotisent
notamment ni pour la retraite, ni pour l’assurance chômage
Pas le droit de toucher une rémunération décente pour leur travail :La quasi-totalité des
stagiaires gagne au maximum 30% du SMIC, soit 360€... ou environ 60% du seuil de
pauvreté... Le statut de stagiaire est en outre incompatible avec la perception du RMI.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
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Pas le droit de prendre des congés payés ou de bénéficier de RTT : Un stagiaire travaille
donc plus longtemps que ses collègues salariés.
Pas le droit de saisir les Prud’hommes, de se syndiquer ou de revendiquer une
amélioration de son statut : Un stagiaire peut ainsi être renvoyé du jour au lendemain sans
motif, sans préavis ni indemnités.
Des conséquences sociales destructrices
Néfastes d’un point de vue économique social, les stages abusifs jouent contre l’emploi des
jeunes et au-delà, pèsent sur l’ensemble de la société.
Pour les étudiants et les jeunes actifs :
Chômage massif et difficultés d’insertion : les stages, en remplaçant parfois de vrais
postes (CDD / CDI) sont un obstacle supplémentaire à l’insertion des jeunes actifs.
Infantilisation durable des jeunes adultes : du fait de leur précarité, les jeunes actifs ne
peuvent pas s’autonomiser. Ils rencontrent notamment de grandes difficultés d’accès aux
logements ou au crédit.
Problème psychologique du manque de reconnaissance : l’insertion dans l’entreprise par
le stage est souvent vécue comme une humiliation. Les jeunes développent alors un sentiment
de défiance envers un monde du travail apparemment sans loi ni considération.
Pour le marché du travail et l’économie :
Concurrence déloyale entre entreprises : les entreprises qui abusent des stages instaurent
une concurrence destructrice en réduisant indument leurs couts de production (dumping
social)
Précarisation générale des salaires et des conditions de travail : Les stagiaires ne sont
qu’une facette des invisibles, les « sans-droits », les intérimaires, les pigistes, les intermittents,
les « temps partiel imposés », etc. Du fait du statut actuel des stagiaires, les entreprises n’ont
en effet pas intérêt à proposer des heures supplémentaires, de nouveaux postes, des piges ou
des missions d’interim...
Un frein à la mobilité professionnelle : les personnes qui souhaiteraient se réorienter y
renoncent de peur d’être confrontées à la « concurrence déloyale » de stagiaires sous-payés.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
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Pour la société en général :
Coût accru de la formation pour les familles : 90% des diplômés ont fait au moins un
stage et 50% en ont fait plus de trois, les jeunes adultes sont donc autonomes de plus en plus
tardivement. Certains redoublent exprès pour conserver leur statut d’étudiant et obtenir une
convention de stage.
Accentuation des inégalités sociales : l’expérience professionnelle et les stages sont
devenus un critère décisif pour l’obtention du premier emploi. Ceux qui n’ont pas été en
mesure de financer une année ou plus de stages sont « disqualifiés » dans leur recherche
d’emploi.
Des propositions simples pour en finir avec l’injustice et favoriser l’emploi
Statut et rémunération, pour rendre au stage son caractère pédagogique et utile pour
l’insertion professionnelle
1/ Inscrire le statut du stagiaire dans le Code du Travail
Nous demandons que le statut du stagiaire relève du Code du Travail pendant la durée de
son stage, avec les droits et obligations afférents, au même titre que les apprentis ou les
étudiants en contrat de professionnalisation.
La durée du stage doit également être limitée dans le temps.
Il nous semble par ailleurs essentiel que l’impact des stages sur le marché du travail et la
population active soit enfin pris en compte dans les études publiques, type INSEE.
2/ Responsabilisation des parties prenantes :
Nous souhaitons que le stage retrouve son caractère pédagogique et favorise l’insertion des
jeunes actifs. La loi doit préciser les obligations de chacun.
Pour l’organisme de formation :
Obligation de contrôler l’adéquation du stage avec la formation dispensée
Faculté de dénoncer la convention de stage si l’institution d’accueil n’assure pas
d’encadrement pédagogique
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
85
Pour l’entreprise, administration ou association d’accueil :
Obligation d’instaurer un tutorat adéquat
Respect d’un délai de carence entre deux stagiaires sur un même poste
Instauration d’un quota de stagiaires par rapport au nombre de salariés
Pour le stagiaire :
Obligation d’évaluer l’apport de son stage par rapport à sa formation, ainsi que la qualité
de
l’accueil
et
de
l’encadrement
pédagogique
dont
il
a
bénéficié.
Respect du lien de subordination qui le lie à l’employeur.
3/ Instaurer une rémunération minimale, progressive, et assujettie aux contributions
sociales
Rémunération minimale : nous demandons que les stages soient systématiquement
rémunérés à hauteur de la moitié du SMIC et que ce niveau devienne le plancher obligatoire
et minimum.
Objectif : donner corps au principe selon lequel « Quiconque travaille a droit à une
rémunération équitable et satisfaisante » (Article 23 de la Déclaration Universelle des Droits
de l’Homme). Ce niveau minimal de rémunération reflète la valeur du stage qui doit être à la
fois une période de travail et une expérience pédagogique.
Rémunération progressive : nous demandons une progression de la rémunération en
fonction du nombre de mois de stage effectués.
Objectif : remédier aux stages longs où le stagiaire devient « rentable » en réduisant
l’écart, aujourd’hui considérable, entre un employé « régulier » et un stagiaire. Ce système
simple, facilement applicable, et non discriminant, permet en outre de ne pas pénaliser les
employeurs qui souhaitent s’inscrire dans une véritable démarche de formation et qui
recrutent des stagiaires sur une durée plus courte.
Rémunération assujettie aux cotisations sociales : il nous semble essentiel que les
stagiaires comme les employeurs participent pleinement au fonctionnement du système de
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
86
protection sociale en s’acquittant de toutes les cotisations sociales en vigueur et ce, dès le
premier euro de rémunération.
Objectif : inscription du stage comme véritable composante du système français de
protection sociale.
- Historique du mouvement Génération Précaire
Historique non exhaustif élaboré à l’aide de la revue de presse et des archives du site de
Génération Précaire
SEPTEMBRE
9 Septembre 2005
Création du blog
Appel à la grève spontané et diffusé sur internet.
OCTOBRE
4 Octobre : 1ère manifestation
Environ 25 participants défilent pour l’emploi et le pouvoir d’achat devant les média suivants
Canal+ France 2 etTF1,France Info, France Culture, France Inter, RMC, Europe 1, RTL, Fun ,
Le Monde et lemonde.fr, Libération, France Soir, Lille Plus l’Humanité.
6 Octobre :Pétition adressée à plusieurs ministres du gouvernement -dont celui du Travailpour exiger une réforme du statut du stagiaire, "une étude chiffrée de l’impact des stages
abusifs sur le marché de l’emploi", la "fin des stages non-rémunérés", ou encore "des stages à
la fois formateurs et qui offrent une rémunération décente".
8 Octobre 2005 : Newsletter 2
12 Octobre 2005 : 1ère grande rencontre au théatre de verre
25 Octobre 2005: Newsletter 3
26 Octobre 2005 : Rencontre
NOVEMBRE
1er Novembre 2005 : Grève/Manifestation devant le ministère du Travail à Paris
4 Novembre 2005: Newsletter 4
9 Novembre 2005 : Réunion publique
14 Novembre 2005 : Flash mob à la Défense, symbole de la prospérité qui héberge de
nombreux précaires
15 Novembre 2005 : Début du cycle de rencontre des organisations syndicales et patronales
ainsi que des groupes parlementaires.
16 Novembre 2005 : Flash mob dans les locaux de Hachette Edition
17 et 18 Novembre 2005 : Distribution de tracts dans les cantines de grandes entreprises
18 Novembre 2005: Newsletter 5
21 Novembre 2005 : Flash mob 4 et conférence de presse au théâtre de verre
22 Novembre 2005 : Grande Réunion publique au Théâtre de verre
24 Novembre 2005 : Grève (500 personnes ont participé au cours de la journée, dont 300 à
Bastille à 16h) et autant de grévistes virtuels
Diverses actions, flash mob au siège du quotidien Libération, manifestation devant la maison
de la radio, rencontre avec M Larcher, ministre de l’Emploi, Déclaration des Droits de
l’Homme et du stagiaire
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
87
30 Novembre 2005 : Question au Gouvernement par Mr au sujet des stages.
30 Novembre 2005 : Newsletter 6
DECEMBRE
2 Décembre 2005 : question au Sénat sur le statut des stagiaires
5 Décembre 2005 : Rencontre
9 Décembre 2005 : Newsletter 7
12 Décembre 2005: préparation devant caméra de la flash mob
13 Décembre: préparation hors caméra de la flash mob
14 Décembre 2005 : Flash Mob 8 au Sénat : Contre une Charte, pour la loi et pour l’Emploi
15 Décembre 2005 : Réception au ministère de l’Education
22 Décembre 2005 : Réception au ministère du Travail
30 Décembre 2005 : Newsletter Hors série
JANVIER
10 Janvier: soirée accueil et information
11 Janvier 2005 : Flash mob 9 : Non aux rabais sur les salariés aux Galeries Lafayette
20 Janvier 2006: Flash mob n° 10 : Génération Précaire nettoie le système des stages devant
le palais Brogniart
FEVRIER
2 Février 2006: Le collectif Génération Précaire PACA ouvre son site
2 Février 2006: Newsletter 8
Du 6 au 11 Février 2006 : Rencontres "stages et précarité"
7 Février 2006: participation à la Grande manifestation nationale et flash-mob 11 devant
l’ANPE internationale
23 Février 2006 : Rencontre avec Dominique de Villepin
MARS
1er Mars 2006 : réunion Publique
7 Mars 2006 : Manifestation en face de Darty sur le thème « Pourquoi inventer de nouveaux
contrats quand il suffit de réguler les stages ?“
9 Mars 2006 : Flash mob 12 : La main dans le pot à confiture
15 Mars 2006 : Sur France 2, dans l'émission "A vous de juger",
apparaissait un "stagiaire masqué" qui n’appartenait pas à Génération Précaire et qui s'est
déclaré pour le CPE, sur fond d'images de manifestations de Génération-Précaire.
AVRIL
1 Avril 2006: 1ère manifestation européenne de stagiaires, simultanément à Paris, Berlin,
Vienne, Bruxelles, Dresde, Stuttgart
3 Avril 2006 : Newsletter 9
4Avril 2006: Flash mob 11: antidopage
13 Avril 2006 : Parution du livre Sois stage et tais-toi! Et actions spéciales organisées à cette
occasion dont notamment la remise au premier ministre des 15000 signatures obtenues pour la
pétition.
26 Avril 2006: Assemblée Générale en même temps que la sortie par le gouvernement de la
charte des stages
28 Avril 2006: Appel à manifester pour l’Euro May Day (1er mai des Précaires en Europe)
MAI
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
88
1er Mai 2006: Manifestation sur le thème “Faite du Travail“
Du 4 au 7 Mai 2006: Participation au Forum Social Européen à Athènes
Le
mouvement
des
stagiaires
est
intervenu
lors
des
séminaires :
Luttes et revendications contre la précarisation de l’emploi dans l’UE
Les nouveaux mécanismes de précarité et d’exclusion dans la ville
L’emploi des jeunes, précarité et nouveaux outils pour construire la solidarité et la résistance
sur le plan international.
workshop européen « La situation sociale et juridique des jeunes en stage
Du 12 au 14 Mai 2006 : Participation au Forum « la nouvelle Critique Sociale » à Grenoble
Deux membres de Génération Précaire sont intervenues sur les thèmes : "Conflits sociaux
d’aujourd’hui et de demain" et "La France des 16-25 ans"
23 Mai 2006: Débat organisé à La passerellesur le thème « Stages, chômage et contrats
kleenex : une précarité hégémonique ? »
élargir la question des stages au problème de l’insertion professionnelle et de la précarisation
des conditions de travail
JUIN
15 Juin 2006 : Newsletter 10
19 Juin 2006: Débat : Enseignement supérieur et emploi : quelle place pour le stage ?
21 Juin 2006 : Audition des membres de Génération Précaire par la commission Hetzel à
propos de l’avenir de l’Université
- Bilan Tiré au bout de 6 mois
http://www.generation-precaire.org/Mail-boule-de-neige, Consulté le 19/08/06
BILAN
DES
SIX
MOIS
DE
GENERATION
PRECAIRE
Génération Précaire c'est :
Un énorme travail de sensibilisation :
Trois manifestations dévouées aux stagiaires (4 octobre, 1er novembre et 24 novembre)
Plus de vingt flash mob pour sensibiliser l'opinion sur les abus de stages. Beaucoup ont visé
des entreprises « stagiophages » (Hachette Editions, Radio France, M6, Société Générale,
etc.)
La première manifestation européenne de stagiaires en simultané avec Berlin, Bruxelles,
Vienne et Dresde (1er avril)
15 000 signatures de notre pétition.
5 000 témoignages en ligne et 700.000 pages vues sur le site.
Des centaines d'articles de presse, des dizaines de télés, des radios à répétition dans toute la
France, en Europe et dans le monde.
Un livre écrit à 14 « petites mains » : "Sois stage et tais toi ! Pour en finir avec l'exploitation des
stagiaires "
Un lobbying acharné :
Auprès des parlementaires et sénateurs pour obtenir une réglementation des stages. Merci
aux 6.000 personnes qui ont écrit à leurs parlementaires à notre invitation.
Des rendez vous le Premier ministre, aux ministères du travail et de l'éducation nationale.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
89
Des rencontres avec tous les interlocuteurs pertinents : syndicats, employeurs, professeurs,
inspecteurs du travail, etc.
Le lancement en avril du 1er cas de requalification de stage en CDI devant les prud'hommes et
sûrement devant la Chambre pénale. Six autres cas sont actuellement à l'étude.
Le résultat : Les stages ont été incorporés dans la loi sur l'égalité des chances (article 9).
La convention de stage est obligatoire et obligatoirement tripartite une convention-type sera
établie par décret,
Les stages de plus de 3 mois seront obligatoirement indemnisés 360 euros minimum (Décret
en cours),
La limitation des stages est fixée à six mois pour les stages hors cursus pédagogique.
C'EST INSUFFISANT ! GENERATION PRECAIRE CONTINUE DONC DE MILITER
POUR LA REFORME DES STAGES !
Il y a 800 000 stages en France par an dont environ 100 000 constituent des emplois déguisés.
Le stage post diplôme est un frein à l'embauche des jeunes diplômés. Il contribue au chômage, à la baisse des
salaires et à l'augmentation des compétences requises pour le premier poste
LE STAGIAIRE DOIT BENEFICIER D'UNE VERITABLE REGLEMENTATION ET FIGURER DANS LE
CODE DU TRAVAIL. Mieux encadrer les stages c'est créer de l'emploi.Il faut redonner au stage sa
vocation pédagogique. C'est possible : 3 propositions de lois sont à l'étude à l'Assemblée Nationale et au
Sénat, à nous de mettre la pression !
Nos prochains rendez-vous :
Le 26 avril : Assemblée générale, Venez nous rejoindre !
Le 1er mai : Manifestation pour la "Faites du Travail" - Rendez-vous à 18h à Pigalle.
Du 4 au 7 mai : Forum Social Européen d'Athènes
Et bien sur de nouvelles flash-mobs contre des entreprises et institutions stagiophages...
Plus d'infos via notre newsletter et notre site
Signez la pétition en ligne si vous ne l'avez pas encore fait, et faites
tourner
ce
mail !
A
bientôt
L'équipe
de
Génération-
Précairehttp://www.generation-precaire.org
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
90
Programme des Rencontres "stages et précarité des jeunes"
(organisé par Génération Précaire du 6 au 11 février )
Source : http://www.generation-precaire.org/+du-6-au-11-fevrier-Semaine-de
Lundi 6 février de 17 à 20h :
Stages et contrats précaires. Vers la disparition des CDI ?
Discussions autour du projet de loi sur l'égalité des chances : CPE, stages,
discriminations, .
En présence de représentants des cinq principales centrales syndicales
M. Glayman (sociologue)
M.Davidoff (Inspecteur du travail)
M. Gaudu (Professeur de droit social)
Mardi 7 février de 18 à 21 h :
Nouveaux précaires, nouveaux militants.
Les nouvelles formes de précarité et les nouvelles manières de la combattre.
Anne Rambach " les intellos précaires "
Evelyne Perrin, auteure de "Chômeurs et précaires au coeur de la question sociale" et
"Syndicats et collectifs face à la précarité" sociologue
Isabelle Sommier (sous réserve) Maître de Conférences de Science Politique, auteure de "
les nouveaux mouvements contestataires à l'heure de la mondialisation "
AC
La Coordination des intermittents et précaires d'Île-de-France
BAC
Annie Pourre de No Vox
Dal
Droit devant
Vamos
jeunes chercheurs contre la précarité
Stop précarité
Mercredi 8 février de 18 à 21 h:
Les dérives du système d'enseignement supérieur.
Crise de contenu et opportunisme financier des organismes de formation.
Georges Horn (RH, écoles de commerces)
Jean Marie Chevalier (Professeur de Sciences Economiques à l'Université Paris Dauphine)
Katherine Khodorowsky (Dir comm CIDJ)
Jeudi 9 février de 18 à 21 h :
Egalité des chances ?
Etat des lieux des conditions de vie des jeunes et topographie des discriminations
sexuelles, raciales, culturelles, sociales, etc.
Martin Hirsch (Président d'Emmaüs France)
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
91
Robert Castel (Sociologue, agrégé de philosophie, directeur d'études à l'EHESS)
Ni putes ni soumises,
Collectif Banlieues du monde,
Des parents d'élèves.
Vendredi 10 février de 18 à 21 h :
L'entreprise c'est la vie ?
L'entreprise : impossible de faire sans, comment faire avec ?
Valerie Corman (Medef)
Catherine Halpern (journaliste à Sciences humaines)
Anne Meronno (inspectrice du travail)
Marcello Wesfreid ( journaliste à l'Express)
Thomas Ehrstein (DG de TEC France)
Samedi 11 février :
17h : Atelier requalifications
18-20 h : Génération Précaire : une génération européenne ?
Les stages en Europe, les réseaux émergents et la tentation de l'exil.
Louis Chauvel (sociologue français, spécialisé dans l'analyse des structures sociales et du
changement par génération)
Hélène Chabrol (Consultante en entreprise, auteure d'un mémoire de DEA sur l'insertion des
jeunes)
Renaud Charles (journaliste au monde.fr)
Précarios, collectif de précaires espagnols
Fairwork collectif allemand
Mathieu Slotz (journaliste à Die Zeit, Berlin)
20h :Bilan / apéritif
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
92
- Exemple d’annonce citée sur le site de Génération Précaire
http://www.generation-precaire.org/_discussion.php3?id_forum=6737#forum6737 consulté le
16/08/06
23-05-2006 Pays : France Région : Ile de France Département : Paris Ville : PARIS 1
Début du travail : début juin Type de contrat : Stage Salaire : non rémunéré Niveau
d’expérience : Etudiant Présentation de l’entreprise : Concept Store en plein coeur de Paris
(1er arrondissement) 200m2 mode homme-femme, prêt à porter et accessoires mais également
des co-brandings avec des marques telles que Rossignol, Le Coq Sportif... Intitulé du poste :
STAGE DE VENTE
Description : Recherche un(e) vendeur(se) pour sa boutique parisienne Profil : - dynamique
grande
disponibilité
maîtrise
de
l’anglais
connaissance
de
mode
uniquement avec convention de stage Contact : Philippe BADIA
http://www.generation-precaire.org/_discussion.php3?id_forum=7053#forum7053 consulté le
16/08/06
Stage du 01/05/2006 pour une durée de 6-12 mois
XXXXXX, basée à Paris, agit dans plus de 60 pays avec un réseau international
d’organisations affiliées en Europe (Angleterre, Italie, Espagne, Belgique, Portugal), aux
Etats-Unis, en Amérique Latine (Mexique, Brésil, Argentine), en Asie (Inde, Chine, Japon),
en Afrique (Maroc, Sénégal et Bénin) et dans les Emirats Arabes Unis (Dubaï). PlaNet
Finance soutient le développement de la microfinance par de nombreuses activités qui
renforcent le secteur dans son ensemble, les gouvernements et responsables politiques ou
directement les institutions de microfinance. XXXXXX contribue à la fois à la
professionnalisation et au refinancement du secteur de la microfinance.
Dans le cadre du développement de ses activités, XXXXXX recherche un(e) stagiaire
« Web Designer » au sein du département Formation et Support Technique.
Le département Formation et Support Technique de XXXXXX propose une offre de
formation en ligne sur sa plate-forme www. XXXXXX.org.
Le Web designer est responsable des activités suivantes :
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
93
Le développement des modules de formations. Ce dernie est réalisé sous Flash et
comprend également des travaux d’infographie avec Photoshop (traitement d’images,
réalisation de graphiques, illustrations,..).
Développement des cours en ligne à partir de story-boards créés sous PowerPoint. Les
cours doivent être également formatés pour une version off-line sur CD-Rom.
Participation à des travaux d’infographie du département (supports de communication,
sites Web,...)
L’administration de la plate-forme XXXXXX www. XXXXXX.org comprend les
activités suivantes :
Maintenance de la plate-forme Oracle
d’organisation partenaires
Développement de sites de formation
Gestion des inscriptions des apprenants : inscription et suivi
Reporting des activités de la plate-forme : nombre d’inscriptions, identification des
apprenants,
Développement de requêtes SQL Mise en ligne et mise à jour des contenus de formation
Mise à jour des outils de communication
Création et suivi des sessions de tutorat
Formation et suivi des tuteurs
Le stagiaire sera formé à l’administration de la plate-forme ilearning d’Oracle
Stage Rémunéré
Profil Recherché :
PROFIL :
Devellopeur informatique (formation Bac +2/+5).
et
force
Bonne
de
capacités
proposition. Rigueur
rédactionnelles.
Sens
et
du
Sens des responsabilités, autonomie
grande
capacité
contact
et
du
organisationnelle.
travail
en
équipe.
Maîtrise des outils informatiques : Pack Office (Word, Excel, PowerPoint) et des logiciels
(PowerPoint, Photoshop, Flash,Dreamweawer...)
Anglais indispensable, espagnol souhaité.
Le candidat devra faire preuve d’une forte motivation associative.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
94
Statut : Le poste à pourvoir est un stage obligatoire avec convention et indemnisé.
(365€/mois et 762€ à partir du 7ème mois+ Remboursement des titres de transport à 50%)
Début et durée de la mission : Le poste est à pourvoir au immédiatement pour une durée
minimum de 6 mois.
Procédure de sélection : Envoyez votre C.V. et lettre de motivation avec la Réf :
TTS/WD/LA à : Ludivine XXXXXX Responsable du Recrutement E-Mail : XXXXXX.org
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
95
ANNEXES C : DIVERS
- La pyramide des besoins de Maslow
A.H Maslow a bâti une théorie du besoin dans lequel le besoin n’est plus défini comme
la fuite d’un déplaisir ou comme une sensation mais comme un élément indispensable à la vie
de l’être humain qui est issue non seulement d’éléments physiologiques et instinctifs mais
aussi culturels et sociaux. Ces besoins sont source de motivation de la part des individus qui
les éprouvent, c’est à dire des raisons que se donnent les individus pour agir.
A.H a développé une théorie dans laquelle les besoins sont hiérarchisé et où la condition
sine qua non pour qu’un un besoin supérieur puisse être satisfait est que les besoins
« inférieurs » soient déjà satisfaits. La pyramide des besoins établie par A.H Maslow est la
suivante : Les besoins organiques, de sécurité (safety), d’appartenance (belongingness),
d’estime (esteem) et enfin de réalisation de soi (self actualisation). Il est intéressant de
constater 111 que les besoins importants sont ceux qui ne sont pas encore satisfaits, en suivant
la hiérarchie.
Tout d’abord, les besoins organiques. Il s’agit des besoins fondamentaux au maintien
de la vie : respiration, alimentation, élimination, maintien de la température, repos et sommeil,
activité musculaire et neurologique, contact corporel, vie sexuelle112. Dans nos sociétés
développées, ces besoins sont comblés dans l’ensemble.
Ensuite viennent le besoins de sécurité qui correspondent aux besoins psychologiques
de sécurité (protection physique et psychologique, emploi, stabilité familiale et
professionnelle), de propriété (avoir des choses et des lieux à soi) et de maîtrise de
l’environnement (pouvoir sur l'extérieur. Le maintien de la sécurité physique implique la
réduction ou l'élimination des dangers qui menacent le corps ou la vie de la personne. Le
danger peut être une maladie, un accident, un risque ou l'exposition à un environnement
dangereux..
Par la suite, on voit apparaître les besoin d’appartenance et d’amour , c’est à dire les
besoins sociaux : affectivité (être accepté tel que l'on est, recevoir et donner amour et
tendresse, avoir des amis et un réseau de communication satisfaisant), estime de la part des
autres (être reconnu comme ayant de la valeur) et appartenance (acceptation des autres avec
leurs différences, ainsi que par l'appartenance à un groupe). Ainsi les mouvements de
111
La sociologie des organisation initiation, 5ème édition revue et corrigée, octobre 1989, Philippe Bernoux,
Edition du Seuil, Collection Point Essais, p78-82.
112
http://www.educspe.com/content/view/184/52/ consulté le 22/07/06.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
96
solidarité de classe, d’identité à sa classe, le militantisme social s’inscrivent dans le cadre de
ces besoins d’appartenance
Le besoin d’estime intervient ensuite. Il se compose de deux éléments. Le premier,
individuel, d’estime de soi et le deuxième social de prestige. Le besoin d'estime de soi est à
rattacher au désir de force, de maîtrise et de compétence . Celui de prestige se rapporte quant
à lui au notions de réussite et de mérite.
Enfin le dernier besoin consiste en un besoin de réalisation de soi ou d’actualisation de
soi. Chez de nombreux individus, ce besoin d'actualisation de soi comprend des besoins de
compréhension cognitive (nouveauté, exploration, connaissance), ainsi que des besoins
esthétiques (musique, art, beauté, ordre). Mais cette actualisation de soi n’est jamais atteinte et
réclame une recherche continuelle. La personne qui s'est actualisée a l'esprit mûr et sa
personnalité est multidimensionnelle ; elle est souvent capable d'assumer et de mener à terme
des tâches multiples et elle tire satisfaction du travail bien fait. Elle peut juger de son
apparence, de la qualité de son travail et de la façon dont elle résout les problèmes sans se
soumettre entièrement à l'opinion des autres. Bien qu'elle ait des échecs et des doutes, elle y
fait généralement face avec réalisme. La façon dont une personne réussit à satisfaire le besoin
d'actualisation de soi dépend de ses besoins actuels, de son environnement et des agents
stressants. Pour s'actualiser, la personne doit créer un équilibre entre ses besoins, les agents
stressants et sa capacité d'adaptation aux changements et aux exigences de son organisme et
de son environnement.
On représente traditionnellement cette théorie sous la forme suivante :
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
97
besoin de réalisation de soi
besoin d’estime
besoin d’appartenance et d’amour
besoins de sécurité
besoins organiques
- Lasswell
http://www.hawaii.edu/intlrel/pols315/Text/Theory/lasswell.htm
Lasswell's Value Theory Resconstructed as Means* Richard W. Chadwick
Lasswell's Values as Attributes and Relations
Attributes
Relations
(Lasswell: "welfare values")
---------------------------Health
Wealth
Enlightenment Skill
(Lasswell: "deference values")
-----------------------------Affection
Rectitude
Power
Respect
Lasswell categorized values in terms of "deference" and "welfare." "Deference" simply
refers to one accepting the cues or instructions of another. One "defers" to another's opinions,
beliefs, desires, directives. A "welfare" value represented stored worth, a "stock" or ability of
some type. More generally, one can say that Lasswell's welfare values are valued attributes,
and deference values are valued relations.
Lasswell's idea of "deference" points to the control aspect of human relations. For
instance: why does one person follow the lead of another? Because they fear the other
(Lasswell: power), love the other (affection), feel it is expected traditionally (respect), or
simply because it is the right thing to do, i.e., good for society (rectitude). But we can think of
"relations" in general rather than in terms of a particular characteristic of a relation, in this
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
98
case, passivity vs. activity. Relations such as of affection or love, need not be only passive or
active, or submissive vs. dominant; they can and often are more mutual or interactive.
Leo Bogee, for instance, describes leaders as dominant vs. easy-going. The easy-going
leader isn't submissive but rather more attentive to a situation, taking time to evaluate, and
then takes action; while the dominant leader tends more to take an action then evaluate the
outcome and think about future action. "Relations" rather than "deference" leaves room for
both the dominant and easy-going styles to be described as more or less powerful or
empowered in a relationship, rather than conceptualizing empowerment as a zero- or constantsum.
Of course, thinking of "relations" in general rather than "deference" relations in
particular, still permits one to characterize a relationship as coercive or attractive in nature.
Lasswell was principally concerned with power as coercive influence, that is, influence based
on the fear of deprivation. He characterized the politicization of a relationship as introducing
into it a severe threat to something highly valued. Politics then, was about the management of
coercive relations. It was therefore natural for him to use the term "deference" to refer to such
values as respect and affection because it was the threat of deprivation of such values that
concerned him.
Lasswell's concern with coercion needlessly limits application of his values typology to
coercive relations when in fact the typology applies to attractive relations as well. Would he,
for instance, have thought about "whether it is better to be feared than loved" (Machiavelli) in
politics? One would doubt whether the question could arise within his framework, since it
would be the fear induced by a threat of deprivation of love that would be of interest, and
even such deprivation only in the context of power assessments. Thus there may be much to
gain by broadening the application of the typology to include, say, empowerment,
cooperation, collaboration, and competition, by giving (hence attracting) rather than coercing.
- Blog
Extraits de l’article issu de Wikipédia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Blog), consulté le
15/08/06
Un blog est un site web sur lequel une ou plusieurs personnes s'expriment de façon
libre, sur la base d'une certaine périodicité. Son expression est décomposée en unités
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
99
chronologiques, chaque unité est susceptible d'être commentée par les lecteurs et est le plus
souvent enrichie de liens externes. C'est un outil de publication en ligne en quasi temps réel.
- Flash mob
Article issu de Wikipédia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Flash_mob), consulté le 8/08/06
Un flash mob, traduit généralement par foule éclair ou mobilisation éclair est le
rassemblement d'un groupe de personnes dans un lieu public pour y effectuer quelque chose
de particulier avant de se disperser rapidement. Généralement organisé au moyen d'Internet,
les participants (les flashmobbers) ne se connaissent pas pour la plupart.
Le phénomène des flash mobs a commencé début 2003 aux États-Unis lorsque des
personnes ont pris connaissance par Internet d'évènements organisés par une personne ou un
groupe nommé le « Mob Project », et planifiés pour New York. Le premier flash mob, qui
devait se dérouler dans un magasin, n'a pas vraiment eu lieu car les forces de l'ordre averties
du
projet,
avaient
investi
les
lieux
et
ont
effrayé
les
participants.
Les organisateurs ont évité ce problème pour le deuxième flash mob en envoyant les
participants dans des zones préliminaires où ils ont reçu des instructions sur le lieu final et
l'évènement juste avant qu'il ne commence. Environ deux cent personnes ont convergé vers le
neuvième étage d'un grand magasin, dans le rayon des tapis, se rassemblant autour d'un tapis
particulièrement cher. Quiconque était approché par un vendeur devait lui expliquer que les
participants vivaient ensemble dans les environs de New York, qu'ils voulaient acheter un
tapis et qu'ils prenaient toutes leurs décisions d'achat ensemble.
Une convergence rapide d'individus sans lien préalable, suivi d'une disparition tout aussi
rapide est devenue la caractéristique du phénomène des flash mobs. Sur internet, des sites par
ville permettent de s'inscrire pour recevoir des instructions et participer à la prochaine
mobilisation éclair.
Les flash mobs se sont rapidement étendus à l'Asie, et à partir d'août 2003 en Europe,
Amérique latine et Australie. La Presse rapporte que Montréal, le 9 août 2003, une
quarantaine de personnes se sont ainsi réunis entre 13h19 et 13h22 sur l'esplanade de la Placedes-Arts en criant «Coin! Coin!» et ont jeté dans le bassin plus de 200 canards en plastique
jaune avant de se disperser subitement.[…] Montréal a ainsi devancé Toronto et Vancouver,
où des foules éclair devraient se tenir prochainement.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
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A Paris le 28 août 2003 a eu lieu le premier flash mob français. Une centaine de
personnes se sont retrouvées dans le hall du musée du Louvre, ont marché rapidement en
parlant au téléphone. Elles se sont immobilisées soudainement, ont applaudi quelque chose en
l'air puis se sont dispersées. Il a été réitéré un an plus tard : 300 personnes y ont participé.
À Montréal encore une fois, le 7 avril 2006, à 19h00 au square Dorchester, une centaine
de personnes ont participés à une bataille d'oreillers.
Les analystes se perdent en conjectures sur ce phénomène: S'agit-il d'un nouvel avatar
de l'intervention artistique (happening en anglais), plutôt d'art plastique ou de théâtre? Est-ce
une nouvelle forme de convivialité urbaine, une réappropriation de l'espace public ?
- Les membres
Catherine
33 ans.
Fondatrice du mouvement.
Deux diplômes (Beaux-Arts et une licence de philosophie, complété par une formation par un
DESS ’ Projet culturel’) bac +5.
Huit stages sur son CV, dont un seul ’ rémunéré’ (150€ par mois).
Aline
23 ans.
Milite essentiellement dans le pole international et s’occupe principalement du site Internet
européen (génération-p.org). Elle a déjà milité auparavant en montant notamment un collectif
Ras l’Front
Après une maîtrise d’Histoire, elle suit un DEA d’Histoire Contemporaine.
A effectué trois stages dont le premier s’est très mal déroulé et elle a démissionné avant le
terme prévu.
Thomas :
N’avait jamais milité auparavant
A intégré le mouvement dès Octobre
A suivi des études de philosophie et a échoué à plusieurs reprise à l’Agrégation et au CAPES
de Philosophie avant de suivre une formation de journaliste radio .
A effectué notamment un stage pour le site Internet d’un Atlas
Journaliste dans une radio nationale durant l’été, il dispose d’un CDI à mi-temps dans une
grande entreprise d’enquête marketing et de sondage où il effectue de la veille audiovisuel.
Patrick :
Patrick est arrivé dans le collectif en novembre.
N’avait jamais milité auparavant.
Il travaille essentiellement dans le pole juridique/ requalification et a notamment participé à la
rédaction des amendements proposés aux députés.
A effectué 15 mois de stage au total, dans une entreprise de conseil puis dans une entreprise
de grande consommation.
A obtenu un CDI dans une grande entreprise énergétique
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
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Amida :
23 ans
Milite surtout dans le pôle politique et avait déjà milité, notamment à SUD Etudiant, des
collectifs ponctuels anti-G8 ainsi que dans la création de média alternatifs
Présente dans le mouvement dès Octobre
A effectué quatre stages qui dans l’ensemble ne se sont pas mal déroulés.
Après ces études à l’IEP de Toulouse, entame un DEA d’histoire sociale, du salariat et du
syndicalisme
Louis :
31 ans
Milite principalement dans le pôle politique et avais déjà milité par le passé (« Red H »qui
travaille sur la communicabilité des droits de l’homme. Le syndicat étudiant A « Dazont »
(avenir en breton), qui revendiquait l’identité bretonne avec une position nationaliste.
Un des trois fondateurs.
A suivi quatre ans de droit public, un an de sciences politique, et un troisième cycle en gestion
après mes études. Après avoir effectué de nombreux petits boulots (notamment en
Angleterre), il travaillait durant l’hiver comme professeur remplaçant en BTS et est
actuellement salarié en CDD dans une grande banque française.
Géraldine
33 ans, chilienne, en France depuis 7 ans.
N’avait jamais milité auparavant mais s’est depuis impliquée dans un autre mouvement en
parallèle. A intégré le mouvement dès Octobre
Etudie en Conservation et restauration de patrimoines à Paris
Elle s’occupe notamment de répondre à ceux qui réalisent des travaux universitaires sur le
collectif mais aussi des contacts avec les raccords et les personnes qui participent aux
réunions publiques.
A effectué un stage de 6 mois non payé aux Etats-Unis et a du travailler en parallèle de ses
études.
Elle a décidé de créer son entreprise en collaboration avec des amis
- Les pôles
Issu de l’entretien mené par Elodie Vialle auprès de Géraldine
Tu as mobilisation (régionale, sur paris, internationale) en ce moment il y a une présentation
des revendications au niveau européen (la pétition et le site européen). A Paris, tu as les flashs
mob, les contacts, établir les contacts.
Et après on l’a nommé communication (il y a le livre et les contacts avec les journalistes), la
liste de contacts, les documentaires (LCP, la chaîne parlementaire, le documentaire de
Ruxandra) et un autre documentaire en septembre sur Arte, mais sur les jeunes en général.
Il y a le pôle études.
Il y a le pôle juridique et requalifications. L’idée c’est de prendre les gens qui étaient exploités
pour étudier leur cas et les requalifier en CDD. Le problème c’est que les gens ne voulaient
plus aller aux prud’hommes au dernier moment. Et si on te donne ton CDI/CDD, vive ton
entourage et l’ambiance de travail…Mais si une personne en stage prouve qu’elle fait un
remplacement, il peut y avoir requalification.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
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Le pole soutien. C’est le nom qu’on donne au pole qui regroupe de tous les gens qui nous
soutiennent. Sénateurs, famille, grand-père perdu au milieu de nulle part…Il peut y avoir de
tout, des gens importants comme des gens pas importants.
Tu as le pole politique (ils contactent les sénateurs, parlementaires, les syndicats), on est
en contact avec Valérie Pecresse (elle a travaillé sur la problématique de la jeunesse)-et
Godefroy, un sénateur PS qui reprend quasiment l’intégralité de nos propositions.
- Mail annoncant une flash-mob et annoncant le dress-code
http://www.generation-precaire.org/Newsletter-Fevrier pour la Flash-mob 11 du 7
Février 2006 devant l’ANPE internationale
Le 7 février, dans toute la France, les syndicats appellent à une manifestation contre le projet de loi
sur le CPE.
Depuis sa création, Génération Précaire participe aux grandes manifestations intersyndicales.
L’objectif : rappeler aux syndicats et aux pouvoirs publics que les stagiaires sont des travailleurs
précaires qui ne doivent pas être oubliés.
REJOIGNEZ NOUS,
NOUS pour la manifestation du 7 février ! Nous protesterons contre la précarisation
des jeunes sous toutes ses formes!
Toujours sans étiquette mais avec imagination et bonne humeur!
Alors venez vêtus de noir avec un masque blanc ainsi qu'avec......Une carotte, un tuteur et une
ficelle!!!!!
Pour Paris : départ à 14 heures de Bastille, RDV 13H45 au 48 boulevard de la bastille devant l’ANPE
internationale.
Chiarelli PA.- « Génération précaire » - Septembre 2006
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