MARY-JANE FOX, “GIRL SOLDIERS: HUMAN SECURITY AND

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MARY-JANE FOX, “GIRL SOLDIERS: HUMAN SECURITY AND
Revue de la Sécurité Humaine/ Human Security Journal – Issue 2 – June 2006
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MARY-JANE FOX, “GIRL SOLDIERS: HUMAN SECURITY
AND GENDERED INSECURITY”, IN SECURITY DIALOGUE,
VOL.35, N°4, DECEMBER 2004.
Marie-Therese Zelenka
L’article de Mary-Jane Fox, paru dans un numéro special de Security Dialogue, tente
d’explorer dans quelle mesure la problématique des filles-soldats peut être placée dans le
cadre de la sécurité humaine et ainsi être mieux appréhendée. Mary-Jane Fox est « Research
Associate » au département « Peace and Conflict Research » à l’université d’Uppsala. Elle y
effectue des recherches sur le rôle de la culture politique (« political culture ») dans les
conflits et dans la résolution des conflits ; elle se focalise également sur la situation des
femmes et des enfants en période de guerre et de conflits armés.
Les filles mineures associées aux forces armées ont longtemps été négligées dans la
question des enfants-soldats, car en les considérant comme « épouses » des combattants
adultes, on omettait leur emploi dans des fonctions militaires. Par conséquent, l’ouvrage de
Mazurana et McKay1 et l’étude détaillée de Keairns2 présentés par Mary-Jane Fox dans son
article, montrent que les filles remplissent manifestement des tâches militaires. Ces travaux
apportent ainsi des connaissances importantes sur la vie de ces filles pendant, mais également
après le conflit. Les filles utilisées comme combattantes, espionnes, kamikazes, porteuses,
pilleuses, cuisinières et esclaves sexuelles dans presque toutes les forces armées non-étatiques
du globe, plus rarement dans les forces armées étatiques, constituent selon les estimations de
Mazurana et McKay entre un dixième et un tiers des enfants-soldats. Pourtant leur présence
dans les groupes armés et leur participation active au combat restent largement ignorées,
d’autant plus qu’elles deviennent presque « invisibles » lors de la situation post-conflit et ont
ainsi peu de chance d’avoir accès aux programmes de démobilisation, désarmement et
réintégration (DDR). Les raisons de cette invisibilité dans le processus de réinsertion sont
multiples et ont été analysées dans les deux ouvrages clés de Mazurana & McKay et de
Keairns, mais également dans plusieurs rapports de l’UNICEF et de diverses ONG. Parmi les
raisons principales invoquées, on retrouve l’idée, toujours tenace chez ces filles, sous-tendant
qu’elles seraient obligées de rendre une arme pour avoir le droit de participer au programme
DDR, ce qui n’est plus le cas avec les programmes actuels mais cette information erronée
continue d’être propagée. De plus, les combattants adultes qui considèrent les filles comme
leurs « épouses », les empêchent de participer au processus DDR. Dans certains cas, ces filles
préfèrent d’ailleurs rester avec leurs « époux-rebelles » parce qu’elles ne voient pas d’autres
alternatives quand leurs familles demeurent introuvables ou n’acceptent plus de vivre avec
elles. Par conséquent, il s’avère être très important pour ces filles stigmatisées - car elles ont
participé aux combats et ont servi comme esclaves sexuelles - d’avoir accès aux programmes
DDR pour se créer un avenir et pouvoir être acceptées dans la société.
Mary-Jane Fox salue la recherche qui a été menée sur la problématique de ces filles
associées aux groupes armés, mais elle souligne également l’importance d’ajouter un cadre
1
Mazurana, Dyan & Susan McKay: Where are the Girls? Montreal: Rights & Democracy/ Canadian
International Development Agency, 2004.
2
Keairns, Yvonne E.: The Voices of Girl Soldiers. New York & Geneva: Quaker United Nations Office, 2002.
BETWEEN THE LINES: Mary-Jane Fox, “Girl Soldiers: Human Security and Gendered
Insecurity”, in Security Dialogue, Vol.35, n°4, December 2004.
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théorique afin de compléter ces études surtout empiriques pour le moment. Pourtant, il n’est
pas toujours facile de trouver la bonne approche théorique, par exemple un premier obstacle
se fait jour lorsqu’il s’agit de définir l’identité d’une fille-soldat. D’un côté elle dispose d’un
statut d’enfant en tant que mineure mais de l’autre elle subit aussi des expériences violentes
liées à son « genre » féminin. Etant donné que ces expériences se distinguent de celles des
garçons (ce qui indique l’aspect du genre), il paraît dès lors utile d’analyser ce phénomène
également à partir des théories féministes en se focalisant sur la dialectique « les femmes et
les conflits armés ». Mais si les femmes et les filles partagent des expériences communes dans
des forces et groupes armés, la problématique des filles-soldats n’a pas encore trouvé sa place
dans la littérature du genre. Pourtant Mazurana et McKay démontrent dans leur ouvrage que
c’est bien le sexisme et la misogynie qui aggravent la situation des filles dans les groupes
armés. Toutefois, Mary-Jane Fox souligne que l’abus sexuel dont la plupart des filles-soldats
sont victimes appartient malgré tout à une catégorie différente puisqu’il s’agit d’abord d’une
violence sexuelle contre des enfants. Mais le fait qu'elles soient enfants et aussi de sexe
féminin (« genre ») ne suffit pas selon l’auteur à expliquer pourquoi ces filles-soldats se
retrouvent dans la catégorie des plus vulnérables. Pour cette raison, Mary-Jane Fox pense que
l’approche de la sécurité humaine permet d’apporter un éclairage nouveau sur cette
problématique. Elle souhaite ici pointer du doigt les situations d’effondrement étatique et, par
la même occasion souvent d’effondrement sociétale. Des situations où un Etat n’est plus
capable de protéger ces enfants et encore moins son propre avenir contre les menaces
représentées par des groupes armés ou bien que cet Etat commette lui-même des actes
violents. De plus, les filles font face à une double insécurité parce que l’Etat ne réussit pas à
les protéger contre les menaces résultant du conflit armé mais également de la situation postconflit, n’obtenant pas l’aide et le soutien dont elles auraient besoin pendant le processus de
réinsertion. Mary-Jane Fox se prononce donc en faveur d’une démarche sous l’angle de la
sécurité humaine car cette approche contribue à considérer les violations de droits subies par
ces filles en tant que problèmes d’insécurité qui ne peuvent être résolus par l’État seul. Par
conséquent, un déplacement de cette question au niveau international aide à mieux
appréhender la problématique des enfants-soldats en général et celle des filles-soldats en
particulier.
Selon Mary-Jane Fox, la sécurité humaine et les études de genre (« gender studies »)
constituent le cadre théorique idéal pour analyser la question des filles associées aux groupes
armés. C’est pourquoi elle souligne la nécessité de prendre en considération cette
problématique dans ces deux domaines de recherche et de préférence en créant un lien entre
les approches. Cet article se montre particulièrement intéressant pour ceux qui cherchent une
première introduction au sujet des filles-soldats à travers la littérature la plus actuelle
concernant cette problématique. En revanche, s‘il propose l’apport d’une perspective sécurité
humaine, l’article ne contient pas à proprement parler une tentative d’approche théorique
basée justement sur la sécurité humaine. Cependant Mary-Jane Fox ne revendique pas vouloir
construire un cadre théorique dans cet article mais cherche davantage à souligner en quoi la
problématique des filles associées aux groupes armés mérite d’être corrélée à la sécurité
humaine ; et ceci en vue d’impulser de futures recherches.
BETWEEN THE LINES: Mary-Jane Fox, “Girl Soldiers: Human Security and Gendered
Insecurity”, in Security Dialogue, Vol.35, n°4, December 2004.