Le corps de la Sixtine - Tracés. Revue de Sciences humaines

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Le corps de la Sixtine - Tracés. Revue de Sciences humaines
Le corps de la Sixtine
Michel-Ange est sans doute, à la Renaissance, l’exemple le plus pertinent du génie
libre et autonome. En donnant libre cours à son audendi potestas, il s’est affranchi du carcan
de l’orthodoxie iconographique. La voûte et le Jugement Dernier sont ainsi les œuvres les plus
scandaleuses de Buonarroti, elles ont suscitées des réactions radicales et ont provoqué
jusqu’au désir iconoclaste de destruction. La lecture actuelle de la Sixtine critique,
certainement à juste titre, les jugements à courte vue des contemporains de Michel-Ange,
mais ses apports restent limités : elle se contente d’ un travail de simple reconnaissance
iconologique et de construction d’un édifice théologique clos sur lui-même et coupé de la
production picturale.
Notre propos se voudrait à contre-courant de cette tentation réductrice : il faut repartir
de la réception primitive des fresques de la Chapelle, pour éviter ainsi de faire de MichelAnge un prophète intemporel et retrouver, par un décryptage en négatif de cette réception
littéralement violentée, les intentions premières du peintre ; le discours théologique a en effet
trop souvent fait oublier les horizons d’attente dans laquelle l’œuvre s’insérait.
Ainsi, en choisissant de polariser notre regard sur la représentation du corps, dont les
critiques modernes n’ont qu’à peine effleurer l’irréductibilité, nous préférons nous contenter
des lectures du 15ème et du 16ème siècles qui, par leur réaction violente, ont su dégager comme
indirectement et malgré elles, le caractère central et problématique du corps dans la Sixtine :
hapax iconographique et intrusion du profane dans le sacré, le corps bouleverse le
fonctionnement de l’image et le discours philosophique qui en découle, et fait vaciller
l’équilibre fragile que la Renaissance a réussi à promouvoir entre paganisme et christianisme.
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Cet article prend le contre-pied d’ une conférence prononcée au Lycée Henri IV en mai
2001 par Jacques Darriulat, professeur d’esthétique à la Sorbonne. Cette conférence,
éclairante sur bien des points, s’intitulait « Théologie de la Sixtine ». Notre propos tend plutôt
à montrer que la recherche d’une structure théologique cohérente à la voûte occulte de
nombreuses remarques quant aux statuts du corps et du mystère de l’incarnation. Au regard du
Jugement Dernier, qui pose, lui, de véritables questions théologiques, il faut davantage
inscrire la voûte dans une philosophie de l’existence, de l’érotisme et du salut. Pour cela, il
convient de revenir sur l’association qu’on a tentée de faire entre un discours théologique et
un sculpteur aussi sulfureux que Michel-Ange, et d’en examiner les fondements.
Car -il est bon de le souligner tout de suite- Michel-Ange n’est peintre que dans la mesure
où il utilise des pinceaux ; son œil est avant tout celui d’un sculpteur ; même peintre,
Buonarroti porte une attention particulière au corps qui est son objet d’études privilégié : il ne
peindra dès lors rien d’autre que des images sculpturales représentant toujours des corps.
Certes on nous rétorquera que Buonarroti était sans doute l’artiste le plus pieux de son
époque. Nous croyons évident que son art et son savoir-faire priment sur ses croyances, même
s’ils peuvent en être le reflet partiel. Autrement dit, d’une part, le choix d’un discours
théologique ne va pas de soi, et d’autre part, le corps doit reprendre une place centrale au sein
de la production picturale de Michel-Ange, ce que la perspective actuelle tendait à escamoter.
La part de sensualité inhérente à son travail est-elle compatible avec une signification
théologique ? Une théologie du corps est-elle véritablement possible ?
Quel est le propos d’un discours théologique sur la Sixtine ?
La première étape consiste à voir dans la Sixtine un organisme autonome, sorte de centre
primordial intégrant toutes les périphéries à un propos unifié. Plutôt que de peindre
primitivement d’immenses figures d’apôtres en une seule imago (au sens panofskien du
terme) Michel-Ange a préféré compartimenter les 500m² de la voûte et éviter une perspective
unique pour déployer une immense narratio qui exploiterait, par de subtiles liaisons, toute la
courbure de la voûte. Cette subdivision de l’espace visuel lui a imposé une exigence de
lisibilité et de continuité dans l’agencement des multiples petites fresques : l’ensemble devient
une matière textuelle et discursive. Les critiques sous-entendent fréquemment, sans
l’expliciter, que la voûte comme la façade orientale du Jugement Dernier se composent
comme un tercet ou un poème en trois strophes:
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- La voûte se divise en 3 temps : les 3 étapes de la création / les 3 étapes de la vie d’Adam /
les 3 étapes de la vie de Noé.
- Le Jugement Dernier se compose en 3 étages : de bas en haut les damnés et les rachetés /
le Christ et la foule des saints / les anges avec les instruments de la passion.
Le sens de lecture de la voûte semble a priori évident ; on suit une histoire qui débute de la
Création et finit à la vie de Noé et au Déluge ; pourtant, cette progression entropique n’est pas
valable : Michel-Ange a commencé à peindre l’histoire de Noé ( au niveau de la façade
occidentale où se situe l’entrée dans la chapelle ) pour finir par la Création (au niveau de
l’autel ). En adhérant au point de vue d’un spectateur qui suit l’itinéraire liturgique au sein de
la chapelle, Michel-Ange impose la lecture d’une régression anagogique vers les premiers
temps de la Création, en deçà du péché originel, et nous met en présence d’une régrédience
chronologique qui est surtout une progression théologique vers la restauration du divin, l’éveil
d’une âme qui parvient à la contemplation de Dieu.
La seconde étape inscrit l’œuvre de Buonarroti dans l’édifice de la Chapelle, parfaitement
cohérent et bouclé sur lui-même : cet édifice, construit sous Sixte IV, se fonde sur le modèle
du Temple de Salomon (1 unité de largeur / 2 unités de hauteur / 3 unités de longueur). La
Chapelle se veut donc une image matérielle d’un ordre divin destiné à l’humanité, le support
d’une interprétation de la condition humaine du point de vue divin. Or d’autres artistes que
MICHEL-ANGE ont été associés, avant lui, à ce projet comme BOTTICELLI, LE PERUGIN,
SIGNORELLI, et GHIRLANDAIO et ont représenté les vies de Moïse et du Christ sur les parois
latérales, ainsi mises en parallèle dans la correspondance de la loi et de la grâce. Autrement
dit, pour utiliser les catégories de Saint Paul et de Saint Augustin, l’état sub lege (Moïse) fait
face à l’état sub gratia (le Christ représente l’intériorisation de la loi, par laquelle la créature
participe à son propre salut). La structure de la Chapelle tendait donc à mettre en valeur une
certaine continuité des temps (Moïse sauvé des eaux / la Nativité), avec laquelle Michel-Ange
ne va d’ailleurs pas rompre : la voûte correspondra dès lors l’état ante lege ( avant la loi : le
Déluge et la Création) et la façade orientale représentera l’état in pace ( le Jugement Dernier
en tant qu’acheminement vers la paix éternelle de la Jérusalem Céleste).
En ce sens, le discours théologique réduit la Sixtine à un système herméneutique où le
temps de l’histoire humaine, loin d’être une dispersion infinie, devient une circularité
temporelle repliée sur elle-même et saturée de correspondances. Or rien n’est plus médiéval
que de faire de l’Ancien Testament une préfiguration du Nouveau Testament ; certes la
Renaissance a fréquemment utilisé ce système de correspondance, mais ce n’est pas
caractériser la spécificité de l’époque, ni celle du travail de Michel-Ange, que de s’en
contenter.
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A l’intérieur de cet organisme autorégulé, le corps n’est d’ailleurs subordonné qu’à une
fonction expressive. La critique n’a pas manqué, par exemple, de constater que le corps
témoigne de l’intimité que l’humanité entretient avec le divin : en effet les corps
resplendissants et athlétiques d’Adam et d’Eve dans le jardin d’Eden se flétrissent sur la
même vignette, une fois qu’ils en sont chassés. Le travail sur les variations de l’âge du corps
et de son état de vieillissement est le moyen, pour Michel-Ange, de marquer l’entrée de
l’humanité dans une histoire profondément entropique.
Dans la même optique, la tripartition longitudinale de la voûte (lunettes et triangles/
ignudis/ vignettes centrales) est traversée par le même vecteur dans la graduelle révélation du
divin ; le corps est le moyen d’exprimer cette gradation : si, à mesure que l’on approche des
scènes de la Création, les corps des prophètes deviennent de plus en plus énergiques et
vigoureux, ceux des sibylles ont tendance à se flétrir et à être gagnés par la mélancolie :
En ce qui concerne les prophètes, on passe d’Isaïe, dont la vision intérieure semble être à
la mesure de la tension de son corps (torsion des mains et des pieds), à Ezéchiel, figure
énergique au profil nettement défini et aux accords chromatiques puissants qui reflètent
combien il est de plus en plus en proie au furor divinus. Daniel, ensuite, dont le regard tend à
s’écarter du livre et Jérémie, qui se retranche dans sa pensée montrent leur plus grande
intellection de la Parole Divine, pour déboucher enfin sur Jonas, dont le corps, par de
puissants effets de raccourcis, semble être renversé par le souffle divin et qui est le seul à
accéder à la vision directe de la scène de la Création.
En contrepoint de cette gradation dans l’anamnèse, les sibylles, sur le point de s’éteindre,
semblent être les victimes d’une cécité croissante. Tandis que la Delfica, encore jeune et belle,
voit son regard aimanté par une vision quasi tangible, la sibylle de Cumes n’est qu’une
matrone vieillissante, les lourds tissus de la sibylle de Perse montrent que « ses sangs étaient
refroidis par le passage du temps »(Vasari), et la sibylle de Lydie renonce à son activité
prophétique en fermant le livre des temps qu’elle n’arrive plus à lire : elle est le signe de la fin
des temps païens et l’ouverture du temps des prophètes.
Michel-Ange se sert donc de ce crescendo de l’activité psychique pour montrer combien
l’acuité spirituelle des prophètes se renforce, tandis que, en contrepoint, la cécité croissante
des sibylles marque leur affaiblissement. Le judaïque prend l’ampleur, que le paganisme perd.
C’est essentiellement à travers le travail expressif des corps, que Michel-Ange souligne ce
renversement. Les multiples ressources du corps, dont il exploite tout le répertoire, servent
alors de simples indicateurs, de simples jauges du souffle divin.
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De même les ignudis opèrent une nouvelle surenchère sur les vignettes centrales qu’ils
entourent de manière de plus en plus animée ; si, au départ, autour des scènes de la vie de
Noé, les ignudis forment des paires symétriques et complémentaires, simplement régies par
un contraposto, ceux qui entourent les scènes de la Création semblent s’émanciper de ce
carcan décoratif et s’affranchir de cette stricte symétrie pour mieux habiter les trois
dimensions. La représentation du nu sert donc, de façon incontestable, à promouvoir une
participation émotionnelle du corps aux vignettes de l’Ancien Testament.
L’erreur de la critique a été de réduire les ignudi à leur
fonction de participation
émotionnelle ; on était ainsi conduit à n’examiner que leur fonction, sans même envisager la
signification dont ils pouvaient être porteurs : CHARLES DE TOLNAY ne voit en eux que « des
esprits intermédiaires entre les divinités et les hommes », qui opéreraient le liaison entre les
prophètes et les storie centrales ; ce que KENNETH CLARK ne se prive pas de faire, en les
réduisant aux animae rationali des prophètes ; certes le corps fonctionne comme un réceptacle
de la Parole Divine qui le visite, son mouvement est bien une expression de la force divine, et
il est effectivement une forme fortement spiritualisée, mais on ne peut déduire, de là, comme
E.WIND, que les ignudis ne sont que des anges sans ailes qui manifestent le lien entre les actes
de la Création et les dons de l’esprit.
Pour un artiste renaissant, qui plus est sculpteur comme Michel-Ange, il est absurde de
réduire le corps à manifester les effets de liaison entre les différents compartiments de la
fresque. D’ailleurs, comment cette posture critique, qui tente peu ou prou de réduire la Sixtine
à un système théologique, se permet-elle d’analyser les ignudis, sans se poser à un seul instant
les questions de la nudité de Noé et de la notion de verecundia (pudeur), présentes dans une
des vignettes centrales, et que toute la culture chrétienne n’a cessées de promouvoir à travers
cette épisode de l’Ancien Testament ? Il est en effet bien problématique de voir un ignudo
commenter d’un rire sarcastique, à la façon de Cham, la nudité de Noé, que Michel-Ange ne
se prive d’ailleurs pas de représenter.
En somme notre travail doit mesurer les limites de l’ambition « théologisante » de la
critique, réévaluer la signification, jusque là bien maigre, du corps et questionner la présence
du nu dans un édifice aussi sacré que la Chapelle Sixtine. Quel est l’apport du nu ? Pourquoi
ce choix ? Simple provocation ou hardiesse porteuse d’une nouvelle philosophie de
l’incarnation ?
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L’intrusion du profane dans le sacré.
La perspective d’ANDRE CHASTEL, si elle n’oublie pas que les ignudis sont « au point
sensible de l’organisation théologique », parvient à s’extraire de toute réflexion strictement
fonctionnaliste et offre une piste plus intéressante. Plutôt que de dégager une fonction
héraldique, comme le fait Vasari ( les ignudis soutiennent les armes des Della Rovere, la
famille de Jules II et suggèrent la nostalgie d’un âge d’or ), ou une fonction décorative (les
ignudis seraient des anges sans ailes, ce que démentent les putti à l’arrière-plan ), CHASTEL
enracine sa réflexion dans la pensée même de Michel-Ange : celui-ci se considère comme un
sculpteur ; pour lui, sculpter c’est sculpter du nu et le nu, c’est inévitablement l’Antique,
autrement dit le paganisme. Faut-il croire dès lors que Buonarroti s’est complu dans
l’exaltation provocante d’une culture païenne ?
Le Tondo Doni dément en réalité ce genre de raccourci rapide : ce tableau présente la
Sainte Famille au premier plan, et un groupe d’adolescents au second plan ; Marie, dans un
geste qui reste celui d’une porteuse d’amphore, montre symboliquement qu’un principe
nouveau-le Christ- vient dépasser un principe ancien et révolu, que représentent derrière, des
adolescents nus, en train de s’amouracher et de se jalouser, incapables de comprendre les
liens plus nobles qui unissent la Sainte Famille. La comparaison du Tondo avec les ignudi
produit une véritable ambiguïté sur la valeur axiologique que Michel-Ange attribue, en
général,, au nu. Comment Michel-Ange parvient-il à concilier une conception païenne du
corps comme image du divin et une autre qui le considère comme ce qui doit être dépassé et
rédimé ?
D’une part la Renaissance a réussi à concilier la culture chrétienne et une plus néoplatonicienne : c’est en effet à Florence que MARSILE FICIN a refondé l’académie
platonicienne avec PIC DE LA MIRANDOLE. Son ambition est d’intégrer à une même « religio
communis sive naturalis » des philosophes comme Platon -qui aurait pressenti la révélation
chrétienne- et des mystiques comme Hermès Trismégiste et Zoroastre ou même la tradition
kabbalistique. Son cosmos, gouverné par des sympathies et des ressemblances, est un univers
où la solitude n’existe pas, où le visible est une image du monde invisible, où l’amour humain
est le reflet de l’amour divin. Autant de visions qui intègrent plus ou moins les fondements
chrétiens de l’Analogie et de la Trinité. Pourtant, même à cette époque, le corps n’en reste pas
moins le vecteur de la faute originelle, se transmettant à travers la génération humaine ;
Ambroise et Augustin ont en effet imposé que le péché est d’ordre sexuel. Mais si le corps est
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à l’origine de la chute, il est aussi porteur d’une promesse du Salut par le mystère de
l’Incarnation. En réalité la philosophie renaissante a probablement retenu du christianisme
cette dimension du corps incarné : il est le lieu où se crée et se résout l’ambiguïté de l’homme,
dont la faiblesse désigne aussi pourtant sa dignité ; il devient en ce sens l’instrument de l’âme,
le moyen de son insertion dans le monde sensible, et représente un mode d’organisation
supérieure à valeur universelle ; ses harmonies intérieures, par l’équilibre des humeurs,
résument l’économie générale de la Nature : le corps humain est le signe parfait de la
splendeur divine. En ce sens il est le support de tout salut.
Mais il faut ajouter, d’autre part, que Michel-Ange n’a pu assimilé ces conceptions que
d’une manière originale. Cette dualité conciliante de la Renaissance ne s’exprime pas chez lui
sous la forme d’une contradiction, ni même d’une simple compatibilité ; mais cette dualité se
trouve plutôt transposée en un conflit intérieur pleinement consenti et destiné à être sublimé.
L’analyse de THOMAS MANN montre qu’au travail de Buonarroti s’est toujours mêlée une
sensualité torturante qui reflétait son aspiration au beau, que sa propre laideur entravait ; le
mouvement créateur s’alimente chez lui du tourment érotique et ainsi la consomption de la
sensualité participe à la sublimation de sa propre laideur. Pourtant, dans la Sixtine, MichelAnge semble se situer à la lisière de ce dualisme : pourquoi représenter la nudité de Noé,
chargée des valeurs chrétiennes de la pudeur et de la honte, s’il représente aussi le nu dans sa
conception antique ? En réalité Michel-Ange simplifie ce dualisme, en le dépassant : si
l’ignudo se moque de la nudité de Noé, comme son fils Cham le maudit, c’est probablement
parce que la nu des ignudi n’est pas la nudité de l’homme pêcheur. Les ignudi sont en deçà du
péché et de la notion de verecundia, dont il entend ne pas tenir compte. L’ignudo de MichelAnge est comme déjà ailleurs, étranger à cette culture, en quête d’autre chose.
« Nous n’avons pas d’autre avant-goût [de la beauté], pas d’autre fruit du ciel sur la
terre que le corps » (MICHEL-ANGE, Poèmes, sonnet 32 à Tommaso Cavalieri).
En juxtaposant un nu, dans tout ce qu’il a de profane, et les fondements de la pudeur
chrétienne, Michel-Ange parvient à peindre, à la fois, dans un propos métapictural, la nudité
(c’est-à-dire le dépouillement de Noé) et des nus (c’est-à-dire les corps des ignudi, épanouis et
assumant leur beauté).
Car, aussi profane soit-il, le nu n’en contient pas moins une part de sacré, et n’est pas
dépourvu de cette faculté de participation à l’épiphanie du divin. Michel-Ange avouait que :
« Dieu, dans sa bonté, ne se révèle pas autrement [à lui] que sous quelque gracieuse
apparence ».
La Beauté, en tant qu’elle se manifeste à travers les corps, est le mode même de
l’affleurement du divin. Conception bien spécifique de l’artiste florentin qu’il convient, par
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exemple, de distinguer d’un Léonard, pour qui le dessin, loin d’être un mode de révélation du
beau et du divin, n’est qu’un simple outil d’observation scientifique.
Cette adaptation périlleuse du nu dans un décor sacré, dont Michel-Ange mesurait
parfaitement les tenants et les aboutissants, n’ a d’ailleurs pas convenu aux autorités
pontificales qui ne toléraient le nu, qu’ au sein de programmes iconographiques strictes
(comme la crucifixion). Nombreux ont été ceux qui ont considéré le travail de Michel-Ange
comme pure transgression et pure subversion ; certes la part de provocation n’a jamais été
négligeable pour cet artiste au caractère réputé sulfureux et inconstant. Mais les raisons du
mécontentement du Vatican (sauf, bien évidemment, Jules II, qui lui offrait toute sa
confiance), loin de tenir à une banale incompatibilité d’humeur, relèvent de raisons bien plus
structurelles, liées au dysfonctionnement -même de l’image sacrée.
Le scandale Michel-Ange.
Les fresques de Michel-Ange sont en effet apparues à ses contemporains comme des
images souvent outrageantes et blasphématoires, et si Jules II s’est toujours voulu une caution
du génie de l’artiste, contre les crises quasi allergiques de certaines autorités du Vatican
(comme Biagio de Cesena qui ne voyait dans cette chapelle qu’ « un ouvrage bon pour une
étuve ou une auberge »), certains papes n’ont pas hésité à manifester leurs plus vives
critiques : parmi eux, Adrien VI, Paul VI qui chargea Daniele de Volterra de cacher par des
draperies les parties honteuses du Christ (ce qu’il fit avec une grande habileté). L’Académie
de Saint –Luc parvint en tout cas à éviter par ses exhortations répétées. Autant dire que
l’attention de l’époque, dans les milieux pontificaux en tout cas, s’est focalisée sur une
représentation du corps, que Michel-Ange savait bien évidemment polémique, et s’est très
vite transformée en une pure et instinctive réaction iconoclaste. Ainsi, après l’achèvement du
Jugement Dernier, éclatait un long contentieux, qui existait pourtant depuis l’achèvement de
la voûte, mais que Jules II était parvenu jusque-là à juguler. Comment expliquer ce réveil
aussi virulent que tardif ? Il semble que les sensibilités iconoclastes se soient avivées au
moment de la Réforme et de la Contre -Réforme, le sac de Rome de 1527 constituant, en tout
cas, une rupture nette avec l’époque renaissante. En effet les accusations menaçantes
d’idolâtrie, que les réformateurs pouvaient brandir contre la nouvelle Babylone, se sont
nettement amplifiés, et les précautions du Vatican à l’égard de l’image sacrée sont allées aussi
en grandissant.
Jusqu’ici le Vatican avait adopté une théorie efficace qui faisait la part entre les prétentions
iconophiles et les risques que dénonçaient les iconoclastes : cette théorie dite de la translatio
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ad prototypum s’attachait à mettre en avant la fonction de signe de l’image, et la réduisait à un
intermédiaire essentiellement transitoire, mais pourtant nécessaire au contact dévotionnel avec
le saint représenté ; en tant que signe, l’image se dégageait de toute compromission corporelle
propre à une iconodulie superstitieuse ; on soulignait ainsi la nature relationnelle du simulacre
entre l’esprit du spectateur et la présence immatérielle du prototype. Cette théorie avait le
bénéfice de s’abstraire du débat trop passionné de l’iconoclasme. Pourtant la Renaissance et
ses prétentions humanistes sont vite entrées en conflit avec les exigences des théologiens : le
culte renaissant de la prouesse et de la virtuosité artistiques a été ressenti comme
profondément contradictoire aux besoins de la piété iconophile. Le réalisme anatomique,
vivement conseillé par ALBERTI et magistralement pratiqué par POLLAIUOLO, exerçait un
pouvoir fascinant d’illusionnisme sur le spectateur, et faisait obstruction à la voie, que le
fidèle traçait de l’image visible signifiante à la réalité immatérielle signifiée. L’art, en tant
qu’il se manifestait sous la forme d’un trouble irréductible et strictement terrestre, et non plus
comme une relation transitive vers un ailleurs auréolé de sainteté, rentrait en contradiction
avec le sacré. La représentation avait bien lieu, mais au détriment d’un acheminement vers le
sacré. Tous les éléments – immense dignité du sujet à représenter et modes de représentation
inadéquats- étaient alors réunis pour une micro-crise iconoclaste. La Renaissance, en se
retirant, et son relatif mouvement de laïcisation avec elle, laissait ainsi à ses héritiers un long
contentieux.
La principale offensive menée contre Michel-Ange est l’œuvre de G.A.GILIO, auteur d’un
ouvrage s’intitulant Dialogue sur les erreurs et les abus des peintres… avec de nombreuses
remarques sur le Jugement Dernier de Michel-Ange… avec des clarifications sur la façon
dont les images sacrées devraient être peintes . Comment s’articule sa critique ? Il accuse
d’une part de mettre les nécessités de l’art au-dessus de toute autre considération (ce que
personne ne saurait démentir : Vasari rapporte en effet que Michel-Ange aurait répondu à
Jules II, le pressant d’achever la voûte : « quand je serai satisfait du point de vue de l’art ») ; il
lui reproche d’autre part de s’être totalement émancipé de toute finalité édifiante, par des
effets ingénieux qui empiètent sur la fonction dévotionnelle et didactique de l’œuvre, alors
que la théologie iconophile, que GILIO représentait par excellence, était contrainte de réduire
au maximum l’impact sensible de l’image : il s’agissait de frapper, pour susciter la piété, non
pour arrêter le regard. Enfin l’exigence primordiale de clarté est sans cesse réaffirmée par
GILIO, pour qui les contorsions des corps de Michel-Ange sont le signe d’une contorsion plus
grave, celle du sens. Le corps se doit donc aussi discret que possible pour préserver le statut
de signe de l’image. En somme le plus grand risque était, certes, que les gens ordinaires ne
réagissent pas devant l’image comme ils le devaient (c’est-à-dire par des rires ou par des
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pensées honteuses), mais aussi plus généralement que les frontières entre image sacrée et
image profane s’effacent. Michel-Ange constitue, par conséquent, le bouc-émissaire idéal
pour GILIO, et cela pour quatre raisons majeures :
- D’abord le Christ imberbe, au corps puissamment athlétique, se rapproche sensiblement
d’un Apollon ; cette seule et brutale occurrence visuelle du Christ dans la chapelle contraste
avec sa présence pressentie à travers les symboles : Jonas, par exemple, ainsi que l’arbre de la
connaissance qui anticipe sur la forme de la Croix (Saint Ambroise disait d’ailleurs très
laconiquement « la mort à travers l’arbre, la vie à travers la Croix »). Autant de prémisses qui
en font le moteur souterrain de l’histoire de l’humanité, mais qui ne préparent pas notre regard
à une apparition aussi prégnante et subversive que celle du Jugement Dernier. La
ressemblance avec Apollon a permis à certains d’affirmer le caractère héliocentrique de la
fresque, qui anticiperait, de quelques années, sur la publication des thèses de Copernic,
toutefois parvenues jusqu’au Vatican, dès 1533, et que Clément VII aurait accueillies avec
bienveillance. Le corps du Christ, tout auréolé d’un pigment jaune brillant, serait pour ainsi
dire le cœur énergétique de toute la fresque, à laquelle il dicterait ce puissant mouvement de
rotation.
- L’effroi de la Vierge constitue l’un des autres pans de la critique de GILIO :
traditionnellement, dans une scène de ce type, Marie et Jean-Baptiste sont associées dans la
figure de la Déesis (intercession) pour susciter la pitié du Christ ; modification, donc, de la
tradition iconographique, qui ne tient ,ici , en fait qu’aux convictions pessimistes de MichelAnge sur la justification de la foi par elle seule et sur la vanité de toute intercession : il met
ainsi d’autant mieux en valeur l’impassibilité de la gestuelle orchestrale du Christ.
- Pourtant, ce qui est fondamentalement « capriccio e licenza », ce qui heurte le plus « la
convenienza », ce sont les poses indécentes et les culbutes de corps, que Michel-Ange s’est
complu à insérer dans la fresque, notamment avec Saint Blaise et Sainte Catherine de Sienne
– à coup sûr l’exemple le plus marquant : « pour mieux faire rire les gens, il l’a faite s’incliner
en un geste peu honnête devant Saint Blaise qui, se tenant au dessus d’elle, la menace de ses
peignes » (en réalité Blaise semble sodomiser la sainte) et GILIO, très imaginatif,
d’ajouter : « et elle se retourne vers lui comme si elle lui disait : que dois-je faire ? ou quelque
chose de ce genre » ; on peut remarquer d’autre part Minos, dans l’angle inférieur droit, sorte
de maître de cérémonie, peint sous les traits de Biagio da Cesena, autour duquel se love un
serpent qu’il soutient complaisamment de sa main droite, et qui lui fait une fellation : en
somme une sorte d’emblème du mal entendu comme abus corporel.
- Mais ce qui choque le plus sensiblement notre censeur, ce sont « les anges sans ailes »
indiscernables des démons, qui rappellent les nus athlétiques (ignudi) encadrant les stories de
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la voûte. Se posent ici les questions du statut et de la figurabilité du corps au moment du
Jugement Dernier, que nous allons être amenés à résoudre.
En somme, alors que Michel-Ange parvenait au sommet de son art, si imprégné de
l’épistémè humaniste, où le corps, sorte de référent absolu, constituait le centre de
convergence de toutes les sympathies de ce monde, le corps basculait, dans le même temps,
dans le domaine de l’infigurable.
Il s’agit dès lors de retenir de cette première réception la vision du corps comme un
élément perturbateur du fonctionnement de l’image sacrée et de trouver une place
satisfaisante et signifiante du corps, qui ne soit plus seulement fonctionnelle. Son articulation
au fonctionnement de l’image doit être par ailleurs élucidée.)
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Notre première piste d’enquête se veut en réalité assez simple : le rôle de l’anatomie dans
la représentation du corps, ni le talent de Michel-Ange en ce domaine, ne font véritablement
doute : la science anatomique s’est prétendue au service de l’expression artistique, depuis
ALBERTI, dans la théorie, et depuis POLLAIUOLO, dans la pratique, qui est, aux yeux de Vasari,
« le premier à montrer comment il convient de rechercher les muscles, si l’on veut qu’ils
occupent leur propre place dans la représentation d’un nu ». Moyen efficace d’expression
artistique (voir, par exemple, combien le caractère anguleux des épaules, chez les peintres
florentins comme Signorelli et Michel-Ange, confère une puissance plastique et devient un
véritable symbole d’énergie), l’anatomie permet de développer les facultés de perceptions de
l’artiste et d’exploiter le simple fait que l’œil sait toujours plus qu’il ne voit. Cependant
l’enjeu philosophique, qui la sous-tend, n’en demeure pas moins flou et obscur. On pourrait
l’ élucider en revenant sur la critique de l’œil cartésien qu’opère MERLEAU-PONTY dans L’œil
et l’esprit: le phénoménologue refuse le surplus de connaissance que l’œil possède par
rapport à son simple voir ; or cette faculté de vision, qui prétend s’épurer, ne peut plus
nécessairement faire du corps une totalité organique, le corps se fragmente et se marginalise
en lui-même, scindé par des fissures internes : une main, par exemple, ma main se détache
indépendante de ma volonté comme de mon corps. L’œil phénoménologique-à l’origine de
tant de visions picturales modernes du corps fragmenté (Matisse et bien d’autres...)-, sans
pour autant n’y voir qu’une mécanique creuse et inerte, oublie le corps comme centre
normatif de production de valeurs et tend parfois à se focaliser sur la scission du corps, sur
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l’émergence d’une périphérie se détachant d’un centre.
BONNEFOY,
dams la même optique,
ajoute dans sa préface aux Portraits de la Renaissance de LORNE CAMPBELL :
« Que le portraitiste cherche à reproduire ce que ses yeux voient, seulement ses yeux, et
la figure se décomposera »
Vision pourtant synthétique, la phénoménologie est donc obligée de faire comme si le
corps était une unité finalisée et producteur de sens : l’unité physiologique de notre corps,
inscrite en sa plus grande profondeur, n’est pour elle rien d’autre qu’une fiction. Au contraire
l’étude anatomique, quoique méthode analytique, en tant qu’elle se trouve au service d’une
production artistique, parvient malgré tout à recomposer le corps dans son unité organique et
plastique et à l’envisager comme une intériorité et une profondeur : les exemples empruntées
à la chapelle Sixtine sont pléthoriques, et si Michel-Ange se complait dans l’art de la torsion
et de la distorsion –rappelons la fascination qu’il a pour le torse du Belvédère-, c’est qu’il sait
exploiter l’élasticité des liaisons corporelles, sans pour autant les rompre. Le corps selon
Michel-Ange apparaît donc comme un centre animé et traversé par un mouvement
organisateur profond et comme souterrain. Pour confirmer notre propos, nous voudrions
revenir sur l’image bien sûr trop connue et trop véhiculée par les pizzerias que nous
fréquentons, l’image de la création d’Adam, et en particulier, sur la figure de Dieu, dont
aucun critique ne signale que le drapé qui l’enveloppe dessine la forme d’une coupe de
cerveau. Que nous apporte ce simple constat ? D’une part que le corps est traversé par une
énergie, par un souffle qui est celui de l’Esprit, sorte de pneuma, qui en garantit l’unité et
l’organisation finalisée. D’autre part que l’anatomie est moins l’occasion un peu absurde de
faire ostentation de son génie, que d’exprimer l’énergie vitale, singulière et spécifique, d’un
corps qui se dilate et s’épanouit. De sorte que le corps, bien plus que d’être le réceptacle
expressif des caprices des humeurs, constitue aussi et surtout le microcosme où va s’imprimer
le divin.
Dès lors sensualisme et érotisme, en tant qu’ils sont les signes d’un organisme parvenant à
jouir de lui-même et de sa propre beauté, deviennent les véritables charnières, les articulations
majeures d’un discours théologique, conduit à basculer dans la recherche terrestre du sacré.
La peinture de Michel-Ange ne serait finalement rien d’autre qu’une archéologie de ce qui est,
dans le corps, vestigium du divin. Pourtant, une autre question vient immédiatement à se
poser : comment figurer le corps au moment anhistorique par excellence que constitue le
Jugement Dernier, au moment eschatologique de la résurrection de la chair ? La double
perspective, qu’adopte Buonarroti, sécrète en quelque sorte deux visions du corps : d’une part
un corps, écrin d’une trace idéale (vestigium) du divin, se soumettant lui-même à une
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interrogation de type archéologique ; d’autre part un corps qui doit être en parfaite adéquation
avec la chair rédimée, une vision téléologique et totale d’un corps idéalisé.
Une archéologie du corps.
A l’intérieur de la voûte, le corps fonctionne comme un point nodal actif où la précarité
d’une existence troublée se ressource dans ce qui reste de profondément divin en lui. Toute
cette pensée repose en réalité sur une vision de l’homme comme ambiguïté, immiscion de
terrestre et de céleste.
Ambiguïté d’ordre sexuelle, bien évidemment ; d’aucuns n’ont manqué de relever combien
la femme chez Michel-Ange reproduit des dimensions démesurées pour son sexe, tout
simplement comparables à la physionomie de l’homme (voir la très athlétique Eve dans la
scène de la tentation) ; la sexuation chez Michel-Ange ne se distingue donc pas par des
critères univoques de taille.
Mais, primordialement, l’homme trouve une place en ce monde, dont l’ambivalence, bien
plus profonde qu’au travers de simples critères physiologiques, recouvre plutôt une dimension
davantage philosophique. PIC
DE LA
MIRANDOLE, dans sa très éclairante Oratio de Hominis
Dignitate, s’adresse, à la place de Dieu, à Adam :
« Je ne t’ai donné ni visage, ni place qui te soit propre, ni aucun don qui te soit
particulier, ô Adam, afin que ton visage, ta place, et tes dons, tu les veuilles, les
conquières et les possèdes par toi même. Nature enferme d’autres espèces en des lois
par moi établies. Mais toi, que ne limite aucune borne, par ton propre arbitre, entre les
mains duquel je t’ai placé, tu te définis par toi même. Je t’ai placé au milieu du monde ,
afin que tu puisses contempler ce que contient le monde. Je ne t’ai fait ni céleste, ni
terrestre, mortel ou immortel, afin que de toi-même, librement, à la façon d’un bon
peintre ou d’un sculpteur habile, tu achèves ta propre forme. »
Ce passage célèbre, que seule MARCIA HALL se permet d’associer à la création d’Adam quoique allusivement - doit être pleinement considéré comme une glose quasi littérale de la
scène peinte par Michel-Ange : on ne saurait dire si l’artiste connaissait cette source, mais on
peut du moins penser à une affinité conceptuelle entre les deux florentins. L’exaltation des
facultés spirituelles de l’homme n’est pas dissociée de celle du corps humain, qui est un
miroir du divin. Ce geste ample de transmission, de transfert d’une force divine, d’une énergie
infinie, même dans une chair finie et mortelle, donne à l’homme ce statut de pour-soi capable
de se conformer à ce qu’il est, donc de sécréter sa propre vérité et de produire ses propres
valeurs. Peint avec des touches délicates, floues et claires-obscures, figuré par une plastique
pourtant sculpturale qui souligne son entière souveraineté, le corps d’Adam devient aussi une
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forme organique parvenant à la vie, à la autonomie. A la croisée des chemins, l’homme est
alors aussi bien à même de faire le Bien que le Mal, de participer à son salut comme à sa
damnation. Cet organisme potentiellement parfait est, au sens claudélien du terme, l’être du
Drame :
« Avec la Révélation Chrétienne,… nous avons à trouver notre Route vers des sommets
de lumière et des abîmes de misère. »
Autrement dit, l’homme a en mains tous les atouts nécessaires à la conquête de son salut et
son corps, entendu comme un mode d’organisation supérieur, constitue moins l’écran où se
projette l’histoire de son rachat, que l’écrin recelant les clés mêmes de sa quête et lui signalant
l’horizon de sa béatitude. La voûte de la Sixtine ne prétend, pour ainsi dire, figurer rien
d’autre que le drame corporel du salut humain.
Cette vision humaniste se conforme d’ailleurs parfaitement à l’espace liturgique, dans
lequel elle s’inscrit. La Chapelle Sixtine est réservée à des sacrements bien particuliers
célébrant notamment la noblesse et la dignité de l’homme, fait , faut-il le rappeler, ad
imaginem et ad similitudinem Dei. L’occupation symbolique de l’espace sacré se trouve
comme véhiculée et tractée par la fresque qui retrace les tensions de cette histoire, que l’on
pourrait nommer « de la dissemblance », c’est-à-dire de cette non-conformité à l’imago Dei.
La spécificité du travail de Michel-Ange consiste moins à retracer le souvenir de cette
ressemblance passée et presque révolue, que les modalités de cette douloureuse réminiscence.
La superposition des ignudi aux vignettes centrales joue un rôle fondamental, qu’il nous faut
ici élucider ; je reviendrais, pour cela, sur une remarque faite plus haut : les ignudi, à mesure
qu’ils remontent vers les scènes de la Création, s’animent et animent l’espace alentour, par un
emportement extatique, ils habitent de mieux en mieux leur environnement et s’émancipent de
la surface picturale. Cette distanciation par rapport à l’espace neutre de l’armature fonctionne
comme un accès à la troisième dimension, c’est-à-dire à la profondeur, et montre d’ailleurs
qu’on ne peut les cantonner à un rôle structurant de liaison. « Charnières vivantes », comme
l’écrit CHASTEL, qui participent à la cohésion de l’ensemble, ils empiètent pourtant parfois,
dans un mouvement d’insoumission, sur la vignette qu’ils encadrent et incarnent plutôt la
dissemblance, comme une manière d’inquiétude. Que l’on pense par exmple à Plotin, pour qui
la dissemblance à soi-même est une dissemblance à Dieu. Ils intériorisent, en leur chair
propre, en leur vécu de l’agitation, le mouvement même de l’existence, l’extase de la
dissemblance. Ils sont le versant négatif d’une conformité toujours espérée, jamais plus
qu’esquissée, l’allusion en creux à un état divin enraciné en leur chair, qu’ils désignent
comme vestigium. En eux se mêlent l’espoir et la ruine, l’évocation de la trace et la déréliction
d’un effondrement. Comme on l’a vu, ce n’est pas les penser vraiment que de les réduire à des
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enveloppes corporelles se faisant les témoins (au sens d’instruments de mesure) de leur
dissemblances : ils sont moins indicateurs qu’indiciels- si l’on peut emprunter à la sémiotique
de PIERCE la notion d’indice à entendre comme « le reste matériel d’une énigme passée, le
vestige d’un contact ». De sorte que l’analyse iconologique (qu’est-ce que je vois là ?)
achoppe sur les ignudi et doit être par conséquent légitimement dépassé par une analyse
sémiotique (qu’est-ce qu’on me désigne là ?).
Vers quoi les ignudi font-ils vraiment signe ? Revenons une fois encore sur les plus
impétueux d’entre eux : ils illustrent la figura serpentinata, dont l’archétype est le Torse du
Belvédère, grande source d’inspiration de Buonarroti. Cette posture manifeste le tourment de
l’existence comme tout à la fois un accès authentique à la liberté et l’appréhension d’une
inéluctable fatalité, l’ambiguisation d’une libération d’un organisme se révoltant par la
soumission du corps aux souffles de la Parole Divine inscrite en lui. Les regards
incandescents, que les ignudi font fuser autour d’eux, créent un champ invisible où s’exaspère
une lutte entre un avenir, dont ils pressentent l’avènement, et qui puise leur énergie corporelle,
et leur désir vital de se maintenir hic et nunc. Une consomption tragique, qui se manifeste par
leur torsion sensuelle, semble ronger une existence toujours sur le point de s’effondrer et de
s’abolir, oscillant sans cesse entre la jouissance inconsciente de leur corps et de leur présent et
une conscience inquiète de la préservation de ce miracle. Finalement Michel-Ange ne prétend
rien d’autre que sacraliser l’existence, avant tout comme un miracle ontique, comme une
indicialité du divin, par delà toute déréliction possible.
Dès lors il convient de réévaluer et même d’inverser la subordination des ignudi aux
storie : le rapport herméneutique renversé provisoirement, ce sont les vignettes centrales qui,
en se tramant dans leur dos telles un souvenir confus, exhibent les ignudi comme la fugace
apparition d’une incertaine sacralité. Ce que montre ici Michel-Ange et que l’on a bien
souvent oublié de souligner, c’est une humanité limitée et mortelle, et non pas seulement des
intercesseurs entre les prophètes et les actes de la Création, oui, une humanité pressentie
comme une incarnation profondément inquiète et angoissée. Le corps des ignudi est
l’expression d’une tension, d’une quête spontanée du salut, ou pour emprunter une notion à
RAYMOND RUYER, le corps humain se veut la « profération » d’une recherche d’un modèle
qui sourd en lui.
En réalité, un archétype de l’incarnation habite toute la fresque et la traverse de part en
part : le Christ, non pas présent par une représentation figurale, mais par des présages
symboliques. Nous avons déjà évoqué l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal, qui
reproduisait la forme de la Croix, ainsi que la figure de Jonas, mais ne doivent pas être oubliés
l’écoinçon du Serpent d’Airain, où la guérison de ceux qu’ont mordus les serpents renvoie au
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pouvoir thaumaturge et salvateur de la Croix, la crucifixion d’Aman, la figure de Noé en train
de planter la vigne et de faire un sacrifice, préfigurant ainsi le mystère eucharistique. Tous ces
éléments récurrents participent à la concrétion d’un climat prégnant d’expectative. Paradoxe,
comme l’écrit DIDI-HUBERMANN d’une « visibilité qui prend toute sa valeur… de l’attente
d’une visibilité qu’elle ne montre pas. » Le Christ fonctionne donc comme le centre invisible
de toute la voûte qui polarise et aimante les regards des ignudi. Pourquoi ne peut-on pas
penser, qu’Adam, plutôt que le Christ, joue ce rôle d’archétype ? Si Michel-Ange retrace
inévitablement l’épisode de la faute qu’il manifeste d’ailleurs comme un drame de la
flétrissure, il entend nous montrer qu’Adam fonctionne certes comme un héritage à gérer, qui
nous place sur la rampe de l’histoire de la dissemblance, mais qu’il est bien loin d’en
constituer la destination ou la finalité. Adam enclenche cette histoire, qui se résout par
l’incarnation christique. En outre si les ancêtres du Christ, placés dans les espaces
triangulaires, constituent cette humanité enlisée dans une mélancolique expectative, les ignudi
représentent une humanité plus vigoureuse, parce qu’elle a trouvé, ou du moins pressenti en
elle le modèle archétypal, qui la sous-tend et l’informe de l’intérieur. En d’autres termes, à
l’intérieur de la voûte, lancé sur le tremplin de la rédemption, le corps humain oscille entre
une archéologie du corps d’Adam, comme lieu d’impression du modèle divin, et une
téléologie du Christ incarné, qu’il pressent à travers les symboles. Il devient le légitime acteur
du drame, qui figure, par excellence, l’union sublime des contraires, celui de l’Incarnation.
Une eschatologie du corps.
Il faut, alors, dans un deuxième temps, réévaluer l’articulation de la voûte à la façade
orientale du Jugement Dernier. Si la voûte peut constituer une réflexion sur l’inscription de
l’écriture biblique au cœur même de l’existence et du corps, la perspective eschatologique du
Jugement Dernier nous impose une révolution copernicienne au sens stricte du terme :
Michel-Ange bascule d’un système pour l’essentiel humaniste et géocentrique, où l’homme
est inscrit dans un lignage d’ordre divin, à un système théocentrique et héliocentrique (ce qui,
rappelons-le, n’a rien d’un paradoxe : les thèses de Copernic qui circulaient dans la Vatican
étaient lues avec attention et sans doute acceptées, avant qu’on construise la trop fameuse
affaire). Autrefois dans une présence-absence symbolique, le Christ manifeste désormais sa
stature rayonnante et fait graviter autour de lui les élus et les damnés dans un tourbillon
immobile. De centre invisible, informant souterrainement toute la voûte, il se manifeste dans
une impassible plénitude. Pour référer au Christ, Michel-Ange n’utilise plus des symboles,
mais désormais une simple et fulgurante image qui actualise brutalement le mystère du corps,
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jusque là voilé par l’existence qui était conçue comme l’écart variable de l’homme avec
l’imago Dei.
Il faut donc comprendre le passage de la voûte à la façade orientale comme un véritable
saut qualitatif, qui s’opère non pas directement autour de la représentation du corps (le style
de Buonarroti n’évolue guère, si ce n’est dans le sens d’une plus grande exhibition de
l’anatomie), mais, comme indirectement, autour du statut du Christ et de la conception du
corps. Un insensible glissement s’effectue, qui doit apparaître comme une rupture, et qui
repose sur l’ambiguïté d’un même signifiant pour deux référents différents : le corps peint est
le même instrument pour désigner deux corporéités qu’il faut impérativement distinguer :
d’une part le corps de l’existence dans la voûte, d’autre part le corps le jour du Jugement
Dernier.
Deux indices nous sont livrés par l’artiste, qui nous font basculer dans un univers
symbolique différent : d’abord, en dessous du Christ, à sa droite, Saint Barthélemy tenant sa
dépouille mortelle (c’est un des martyrs auquel on a arraché la peau) juxtapose deux images
du corps, dont une –la dépouille- n’est qu’une simple enveloppe à endosser pendant notre
passage sur Terre et contraste avec l’autre- le corps musculeux et vigoureux du saint. On peut
en outre facilement associer cette dualité corps/chair aux morts, de l’angle inférieur gauche de
la fresque, à peine sortis de leur tombes et de leur linceuls : c’est le deuxième signe exposé
par Michel-Ange. Les squelettes endossent une corporéité nouvelle, point de départ d’une
réincarnation en une chair idéale. La blancheur macabre des corps à peine exhumés tend à
s’estomper, à mesure que les élus sont entraînés dans cette ascension. Michel-Ange met ainsi
en valeur l’assomption d’un corps idéal par une gravitation surnaturelle, par un magnétisme
ascensionnel qui nous arrache à la terre, qui joue d’ailleurs à merveille sur l’élasticité du
corps.
Que désigne cette double figuration d’une chair à rédimer et d’une promesse d’un nouveau
corps ? Certains n’ont pas manqué de se contenter d’identifier la source biblique et d’y voir
une transcription picturale d’Ezéchiel (XXXVII,1-11) :
« Ainsi parle Yahvé à ces ossements… Je mettrai sur vous les nerfs, je ferai pousser sur
vous la peau, je vous donnerai un esprit et vous vivrez et vous suivrez Yahvé »
Le corps se renouvelle en tant qu’il est pleine conscience de sa filiation divine, et
réintroduction d’un souffle qui le réorganise de l’intérieur. Ainsi peut s’opérer le distinguo
entre chair (simple enveloppe matérielle) et le corps (intériorité vivante). Pourtant, ce maigre
apport nous le montre bien, on ne doit pas se contenter d’analyser l’image de Michel-Ange
comme une traduction du texte d’Ezéchiel, mais y voir une ambiguïté du signe-corps pour
deux référents possibles : en nous faisant basculer dans un nouvel univers du corps, l’image se
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maintient dans sa figurativité et le corps s’appréhende comme une métaphore limite de notre
résurrection. Le corps peint fonde une sémiotique qui sert de tremplin à un imaginaire du
corps ressuscité.
Si Michel-Ange construit subrepticement une nouvelle sémiotique pour nous faire passer
dans une autre sphère de valeurs, la question de la figurabilité de cet imaginaire de la fin des
temps ne se pose pas moins de façon fondamentale : comment nous représenter le jour du
Jugement Dernier ? A quoi nous faire ressembler ? A quoi référer le corps ? Michel-Ange
s’est forcément posé ces questions en des termes précis, dans la mesure où son époque voyait
se développer avec une ampleur considérable un débat sur la nature de la résurrection. Pour le
comprendre, revenons au XIIème siècle : Averroès, s’appuyant sur Aristote, soutenait la
mortalité des âmes individuelles et, corrélativement, une immortalité collective, où l’individu
se fondait, comme dans un esprit transcendantal. A la Renaissance, Marsile Ficin s’est occupé
de réfuter cette thèse, en s’appuyant sur le principe de la dignité humaine, sur notre position
centrale dans le cosmos, ainsi que sur notre désir de ressembler à Dieu. Plus tard, au XVème
siècle, un théologien du nom de TOMMASO DE VIO, dit CAJETAN, si célèbre et influent qu’il
put prétendre à la succession de Clément VII, fut à l’origine d’une disputatio sur ce sujet et de
la promulgation, par le concile de Latran V, d’un décret soutenant la doctrine de la vie
individuelle dans la mort. Cette décision n’apaisa pas le débat qui secouait le Vatican à
l’époque de Michel-Ange. CAJETAN invita alors à revenir aux sources fondamentales de la foi,
à savoir L’Epître aux Corinthiens : s’inquiétant des croyances hellénisantes des Corinthiens,
Saint Paul s’interroge :
« Mais, dira-t-on, comment les morts ressuscitent-ils ? Avec quels corps reviennentils ? … on est semé dans la corruption, on ressuscite dans l’incorruptibilité ; on est semé
dans l’ignominie, on ressuscite dans la gloire… on est semé corps physique, on
ressuscite corps spirituel »
Et CAJETAN d’insister dans ses commentaires de Saint Paul :
« Il ne dit pas qu’on ressuscite spirituel, mais qu’on ressuscite corps spirituel »
Michel-Ange trouva là peut-être un socle théorique qui justifiait a posteriori l’insistante
carnation de ses personnages et leur nudité : la tendance de chaque corps à se singulariser par
une posture originale renvoyait effectivement à l’individualité dans la résurrection et la nudité
des corps , quant à elle, permettait ainsi d’évoquer, non pas des âmes désincarnés et abstraites,
mais au sens strict du terme, des corps spirituels. Pourtant, si l’on poursuit la lecture des textes
de CAJETAN, il commente ce passage de Saint Paul :
« De même que nous avons porté l’image du terrestre, nous porterons l’image du
céleste. »
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par cette glose :
« Notre corps est comparé sans hyperbole à un corps céleste. »
Par le biais de la théologie, le corps ressuscité s’impose donc à Michel-Ange sous sa forme
spirituelle et idéalisée et ne semble pouvoir se figurer que par une métaphore visuelle. Pour
notre part, nous préférons penser que Michel-Ange a vu là à propos du statut du corps, moins
une justification, qu’une convergence du discours du théologien avec sa propre table des
valeurs. L’hypothèse insatisfaisante d’une subordination de l’image à l’écrit, si elle est
incontestable, doit en tout cas être dépassée, et exige un approfondissement du contexte de
réflexion théologique au sein du Vatican.
Dès lors, comment mieux représenter un corps céleste que par un nu, forme idéalisée par
excellence ? D’autant plus que, dans le contexte théologique que nous avons tenu à préciser,
la présence du nu se justifie et n’a rien plus d’outrageant : par exemple, Paul III, le successeur
de Clément VII commanditaire du Jugement Dernier, n’a jamais protesté contre cette
exhibition du corps, à la différence de GILIO. Par delà le prosaïsme de ce censeur zélé, la
représentation du corps dans le Jugement Dernier doit être comprise comme une nouvelle
modalité du dépassement de la nudité par le nu idéalisé : la différence principale avec la
voûte, où s’opérait une régression archéologique du corps en deçà de la verecundia, réside ici
dans la sublimation téléologique du corps vers un horizon spirituel nouveau.
Ici encore l’œuvre célèbre une vision de l’homme comme créature particulière de Dieu et
faite à son image. Mais soulignons pourtant que le christ fonctionne comme un référent
absolu, qui nous arrache à l’interminable état de dissemblance. Le Jugement Dernier est la
puissante conjuration de ce que Saint Augustin appelle la regio dissimilitudinis :
« Et j’ai découvert que j’étais loin de toi, dans la région de la dissemblance »
Le Jugement Dernier provoque le retrait de la dissemblance, entendue comme la région où
Dieu n’est pas un être à voir, pour faire place à une actualisation fulgurante d’une
ressemblance rénovée et réhabilitée. Ressemblance ni de contrariété (l’acteur et son rôle), ni
d’égalité (le Christ et Dieu), si l’on tient à utiliser les termes d’Hugues de saint Victor, mais
ressemblance médiatisée par le prototype christique, qui nous réinstalle dans la visée de notre
filiation divine.
III
Georges DIDI-HUBERMANN écrit à propos de l’Incarnation :
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« Toute [sa] figurabilité se révèle comme le vacillement perpétuel entre l’iconicité
(proche du concept médiéval de l’imago) qui suppose la ressemblance …et l’indicialité
(proche du mot vestigium), qui, elle, suppose la dissemblance. »
Cette remarque constitue, à bien des égards, la matrice de notre réflexion sur le rapport
corps au statut de l’image : Michel-Ange nous fait transiter d’une indicialité, où le corps est
trace du divin et recherche de cette trace, c’est-à-dire approfondissement, à une iconicité, où
le corps est un des supports de la métaphore visuelle de la ressemblance. Cet insensible
glissement s’opère, que nous présentons délibérément comme un brutal basculement, repose
en fait sur l’ambivalence d’une même figuration de l’image-corps pour deux théologies qui
donnent une place tout à fait différente au corps. Un même signe donc pour deux « mondes
ontologiques » différents, si l’on peut emprunter ce terme à PAVEL.
Un subtil dosage régirait ainsi la Chapelle : sur la voûte, plus il y a dissemblance, plus
le corps prend de relief, plus l’avènement de la plénitude de l’imago est retardé ; en revanche,
pour le moment anhistorique et eschatologique, plus il y a ressemblance, plus le corps est
support d’une analogie avec un modèle divin, plus ses aspérités se lissent au profit d’une
plénitude de l’imago et d’une pertinence du discours théologique.
Le Jugement Dernier constitue une imago au sens médiéval du terme, c’est-à-dire une
image dont la relation référentielle n’est ni brouillée, ni médiatisée, mais directe, immédiate,
et évidente. Comment l’expliquer, sinon par l’écart qui la sépare de la narratio de la voûte, où
le déploiement temporel et discursif exhibe une recherche existentielle du sens du corps ?
c’est-à-dire par l’écart homologique entre un corps qui est dégagement du sens et de l’image
et un corps qui est davantage éclat de l’image et épiphanie du sens ?
En ce sens une théologie du corps est possible, comme contrepoint d’une perspective
existentielle, dont le premier plan serait, un instant seulement, occupé par les ignudi, dans le
dos des quels se jouent et se rejouent les scènes de la Création. Car, pour Michel-Ange, le
corps humain apparaît comme irrégularité, comme écart, comme irréductibilité : comme un
excès de sens, qui peut troubler la référentiation de l’image au modèle de l’imago Dei . Et rien
ne caractérise mieux l’essence du drame humain .
Florent Coste
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Bibliographie indicative :
BESANÇON (A.), L’Image Interdite : une Histoire Intellectuelle de l’Iconoclasme, Fayard,
1994
CLARK (K.), Le Nu, tomes 1 et 2, Pluriel
CHASTEL (A.), Art et Humanisme à Florence au Temps de Laurent le Magnifique : Etudes
sur la Renaissance et l’Humanisme Platonicien, PUF,1959
CHASTEL (A.), Le Sac de Rome, 1527 : du Premier Maniérisme à la Contre-Réforme,
Gallimard
CHASTEL(A.), Fables, Formes, Figures, Flammarion,1984
DE TOLNAY (C.), Michel Angelo, P.Tisné,1951
DE VECCHI (P.L), Michel-Ange : La Chapelle Sixtine, Citadelles&Mazenod, 1996
HALL (M.), Michel-Ange et la Sixtine, La Renaissance du Livre,2001
MICHEL-ANGE, Poèmes, préface de Pierre Leyris, Mazarine, 1983
MONDZAIN (M-J), Image, Icône, Economie : les sources byzantines de l’imaginaire
contemporain, Seuil, 1996
PANOFSKY (E.), Idea, Gallimard, 1983
YOURCENAR (M.), exergue de L’Oeuvre au Noir, Bibliothèque de la Pléiade, 1982, p.559
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