Communiqué de presse

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Communiqué de presse
DOSSIER DE PRESSE
Dead air
Principe du continuum et autres investigations de la notion d’événement
Exposition du 16 janvier au 18 avril 2009 - vernissage vendredi 16 janvier à partir de 18h
Œuvres de Arman, John M Armleder, Robert Barry, Karina Bisch, Victor Burgin, Jeremy Deller, Peter
Fischli et David Weiss, Hans Hollein, On Kawara, Joachim Mogarra, Nam June Paik, Seth Price,
Rosemarie Trockel, Edward Weston, Heimo Zobernig.
Invité à proposer une lecture de la collection
du Frac Aquitaine, Julien Fronsacq a choisi
d’explorer, à travers cette exposition intitulée
Dead Air, deux mouvements historiques de
l'art contemporain présents dans ce fonds :
l’art conceptuel et Fluxus, mouvements issus
des années 1960.
Dead Air se présente comme une référence
directe à 4’33 de John Cage, compositeur ayant
Rosemarie Trockel, Leben heißt Strumpfhosen
Stricken,1998. Collection Frac Aquitaine.
inspiré Fluxus. 4’33, œuvre de 1952, consiste à
Photo Pierre Leguillon
faire interpréter par un, ou plusieurs musiciens
trois mouvements musicaux, qui ne sont en réalité qu’un silence ; un silence relatif puisqu'il
est constitué de l’ensemble des bruits, provenant du public, accidentels ou ceux, mêmes
mineurs, qui nous environnent quotidiennement.
Lors de l’enregistrement radiophonique et télévisuel de cette œuvre assuré cinquante
après par la BBC, celle-ci fut obligée de modifier la sensibilité des microphones et
transmetteurs afin d'éviter que la captation sonore ne soit coupée du fait de l’absence de
signal, phénomène connu sous le nom de « dead air ». Ainsi Dead air évoque
paradoxalement le projet de Cage : les obstacles technologiques à la réalisation de son
œuvre et ses aléas, expressions du hasard auxquelles le compositeur était tant attaché.
L’exposition Dead Air propose un groupe de treize œuvres issues de la collection du Frac
Aquitaine, émanant d’artistes français ou étrangers, que complètent des œuvres de Seth
Price et Jeremy Deller. L'exposition se présente comme un ensemble d’œuvres
hétéroclites (peintures, sculptures, photographies et installations) ayant pour point commun
les notions d’événement et d’expérience. Et si, au-delà même de la performance, Fluxus et
Cage avaient élaboré des concepts cruciaux dans la relation de l’art au réel ?
L’« event » (événement) serait alors selon Fluxus, « le moment privilégié de l'émergence
de la réalité, la relation la plus directe et immédiate possible aux phénomènes réels ».
Selon Cage, cette émergence reposait sur les principes très zen de hasard, de
simultanéité et d’interpénétration des pôles. Loin d’une histoire linéaire, l’exposition explore
des filiations insoupçonnées.
Une collection n’étant jamais
close sur elle-même et parce
que tout principe d’exposition
contient en soi un principe actif
permanent, l’exposition inclut
également deux artistes invités,
Jeremy Deller et Seth Price,
dont les travaux entrent en
résonance avec les œuvres ici
sélectionnées. À cette occasion,
ces deux artistes proposeront
des productions en étroite
relation avec « Dead Air ».
.
------------Julien Fronsacq est
commissaire d'exposition au
Palais de Tokyo et membre du
comité technique du
Frac Aquitaine.
.
------------Programmation culturelle
(en cours)
-
Week-end Télérama
samedi 21 et dimanche 22
mars
- Visite avec le commissaire
d'exposition Julien Fronsacq
- Projection de films
expérimentaux
- Conférence « Où va l’art…
depuis John M Armleder ? »
par Christian Besson
------------Ouverture du Frac Aquitaine
du lundi au vendredi de 10h à 18h
et le samedi de 14h à 18h.
------------.Information
Commissariat : Julien Fronsacq
presse
Aurore Combasteix
05 56 24 70 72
[email protected]
Le Frac-Collection Aquitaine est financé par le Conseil régional d’Aquitaine et la Direction régionale
des Affaires culturelles d’Aquitaine – Ministère de la culture et de la communication
Evénements programmés en relation avec l’exposition
Week-end Musée Télérama
Samedi 21 mars 2009
Visite avec le commissaire Julien Fronsacq à 15h
Projections de films expérimentaux de 14h à 18h et de 20h à 23h
Dimanche 22 mars 2009
Conférence « Où va l’art… depuis John M Armleder ? » par Christian Besson de 15h à 16h30
Contact presse
Aurore Combasteix
[email protected]
05 56 24 70 72
Frac-Collection Aquitaine
Hangar G2 - Bassin à flot n°1
Quai Armand Lalande
33300 Bordeaux
Photos et légendes de l’exposition Dead air sont disponibles sur demande.
Crédit photo : Jean-Christophe Garcia.
Toute la programmation du Frac Aquitaine
www.fracaquitaine.net
Prochaine exposition du 29 avril au 9 mai 2009, SNOOKER, avec l'Ecole supérieure des Arts
et de la Communication de Pau
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LISTE DES ŒUVRES DEAD AIR
Karina Bisch
La Porte, 2008
Bois, acrylique sur contreplaqué
525 x 462 x 14 cm
Collection Frac Aquitaine
Quand Karina Bisch of Paris invite Mr et Mrs Fry of Texas...
Cette œuvre relève à la fois de la peinture, de la sculpture et de
l'architecture. Librement inspirée de dessins de Theo van Doesburg pour
des projets de vitraux, cette porte combine deux principes : celui d’une
architecture moderniste et celui, vernaculaire, de la maison à colombages,
dans une forme légère. Empruntant au principe de la porte romaine, cette
œuvre tient moins du monument commémoratif que d’une construction se
rechargeant d’une énergie nouvelle tant elle évoque un passage et
théâtralise l'entrée de l’espace d'exposition.
Conçue pour l'exposition Mathematicus Groteske en janvier 2008, cette
œuvre est aujourd’hui réactivée par l’artiste qui en modifie le principe de
présentation, à la fois par l’inversion des panneaux pile/face et par l’ajout
d’un panneau de couleur violette – jusqu’alors absente de la gamme de
Vue de La Porte (Karina Bisch) et de Mr and Mrs
couleurs initiale – et sur lequel est accrochée la photographie d’Edward
Fry of Texas (Edward Weston)
Weston.
La pratique de Karina Bisch consiste à explorer des éléments issus de différentes époques et
cultures : constructions modernes et motifs ornementaux, icônes de l’abstraction picturale et signes du
Bauhaus, reflets des industries culturelles et du divertissement.
« Ses œuvres, bien qu’érudites et informées, révèlent souvent un anachronisme irrévérencieux.
Elle cultive ses sources, certes, mais sans excès de nostalgie. Ainsi, tient-elle une archive minutieuse, ordonnée
selon une typologie qui lui est propre. Si Bisch déjoue habilement l’avidité du monde de l’art à toujours
succomber au sang neuf et aux formes exclusives, elle ne se contente pas de refaire pour autant ce qu’on a
trop vite cru reconnaître. Réévaluer les utopies, actualiser ces formes qu’elle dit
« usées, vulgaires, galvaudées » est finalement au cœur de sa démarche. Prolonger l’idéal de l’art pour tous et
l’art dans la vie ? Il n’est cependant nullement question de la fin de l’art. »
(Anne Dressen, « Karina Bisch, Mathematicus Groteske, Frac Aquitaine, Bordeaux », Frog n°7,
2ème semestre 2008)
Edward Weston
Mr and Mrs Fry of Texas, 1941
Photographie noir et blanc
24,2 x 19,2 cm
Collection Frac Aquitaine
Quand Edward Weston entre dans l'univers de Karina Bisch...
Datant du début des années 1940, cette photographie représente un couple,
Mr et Mme Fry, originaire du Texas. Assis côte à côte devant leur maison, ils
regardent fixement le spectateur. La composition de l’image est rigoureuse et
stable, sans effet recherché de sophistication. Leurs vêtements sont modestes
mais soignés : robe à col et poignets de dentelle, chemise blanche. Les mains,
posées sur le muret ou retenant une canne, soulignent l’alternance de lignes
verticales et horizontales qui composent l’image. Cette pose renforce l’ancrage
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de ces deux personnes âgées au sein de leur univers familier : une « maison racine » autour de laquelle la
végétation se déploie, plantations de part et d’autre, lierre au-dessus de leurs têtes. Monsieur et Madame Fry
apparaissent comme deux monuments au sein d’un réseau de signes co-existants.
Cette photographie ainsi associée à La Porte de Karina Bisch accueille le spectateur à l’entrée de l’exposition
avec un couple au beau milieu d’une architecture vernaculaire mêlée d’entrelacs végétaux, annonçant une
exposition sous le signe protecteur Zen : interpénétration et simultanéité de pôles supposés opposés. Weston
s'est attaché à montrer avec une grande sobriété l'intimité de ce couple, en suivant l’enseignement d’Alfred
Stieglitz qui œuvra pour que la photographie s’affranchisse des codes esthétiques de la peinture. Il définit la
« straight photography », photographie directe, qui contrastait avec les effets pictorialistes d’alors. Weston est
en cela un des fondateurs d’une esthétique résolument moderne, en cherchant à exploiter les aspects propres à
la photographie, c’est-à-dire le redoublement du réel en jouant sur la netteté, la frontalité, l’objectivité.
On Kawara
Feb.6, 1982 de la série Today Series, 6 février 1982
Liquitex sur toile
47,5 x 63 x 5,5 cm
Boîte en carton contenant une page du New York Post
du 6 février 1982
Collection Frac Aquitaine
Quand l'œuvre est le résultat d'une performance
quotidienne renouvelée...
Le 4 janvier 1966, l’artiste japonais décide de
commencer une longue série de tableaux,
intitulée Date paintings : il s’agit de peindre en blanc
sur une toile monochrome la date du jour,
Vue des œuvres de J M Armleder et On Kawara.
de conserver ce tableau dans une boîte
confectionnée sur mesure, boîte contenant un extrait
de la presse du pays dans lequel l’artiste se trouve à ce moment là. Seuls le format et la couleur du fond
peuvent varier, ainsi que le libellé de la date qui obéit aux conventions du pays, ici les États-Unis. La date de
réalisation de la toile donne son titre à l’œuvre et dit strictement le temps de l'exécution : soit un jour.
L’artiste s’impose alors comme une règle cette matérialisation rigoureuse et littérale du temps. On Kawara va
jusqu’à détruire la toile qui ne serait pas achevée à la fin du jour qu’elle est censée représenter. Dans cet esprit
d’enregistrement scrupuleux du temps, l’artiste s’adonne également à d’autres pratiques telles des envois de
télégrammes adressés à ses amis ou à des acteurs de la scène artistique avec la simple mention « I am still
alive » (« je suis encore en vie »), ou de cartes postales où figurent au dos « I got up at …» (« je me suis levé
à… »), des reconstitutions de ses lectures « I read », de ses déplacements « I went » ou de ses rencontres « I
met ». Ces enregistrements renvoient à une temporalité abstraite dans laquelle on ne perçoit aucune dimension
psychologique de la part de son auteur même s’il dit et décrit ses actions les plus concrètes et basiques. Les
peintures n'existent qu'au jour le jour. Elles sont le résultat d'une performance quotidienne renouvelée. Aussi, le
spectateur peut les envisager comme une performance et non comme une trace.
On Kawara appartient au courant de l’art conceptuel. Un trait essentiel de l’art conceptuel consiste dans la
prééminence du programme sur le résultat de l’œuvre. L’œuvre d’art, c’est l’idée qui en régit le principe, c’est là
le projet de l’artiste qui par essence est infini comme le temps.
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John M Armleder
Furniture Sculpture n°186, 1988
Acrylique sur toile, antennes TV
4 ensembles identiques constitués chacun d’une peinture et de deux antennes de télévision
Acrylique : 300 x 190,5 cm
Antenne : 49 x 180 x 64 cm
Dimensions totales variables
Collection Frac Aquitaine
Quand deux objets anachroniques dialoguent…
En 1980, John Armleder réalise dans un logement désaffecté de Genève une exposition. Sur les murs, des
motifs dans le style suprématiste sont peints à la peinture blanche. Plongés dans une obscurité relative, les
visiteurs arpentent l’appartement à l’aide de torches électriques. Revisiter ainsi les formes empruntées au style
dont l’artiste russe Kasimir Malévitch fut l’inventeur, dans les années 1910, revenait à les réinterpréter, comme
on peut le faire d’un morceau de musique, même s’il a déjà été joué. L’année suivante, il commence la longue
série des Furniture Sculptures, sculptures associant motifs peints et mobiliers trouvés, confrontant des formes et
des styles issus de registres différents et de circonstances historiques spécifiques.
Jeremy Deller
The Uses of Literacy, 1997
Peintures, dessins, collages, photographies, livres
Dimensions variables
Collection Arts Council, Grande-Bretagne
Quand l’œuvre naît d’une rencontre avec les fans…
Depuis le début des années 1990, Jeremy Deller conçoit
des projets documentaires selon la rencontre, notion à
entendre de plusieurs manières. Acid Brass (1997) est
l’invitation faite à une fanfare minière d’interpréter des tubes
de musique acid house des années 1980, confrontant deux
mouvements musicaux populaires particuliers.
Quelques années plus tard, Battle of Orgreave (Bataille
d’Orgreave) est une invitation aux différents acteurs d’un
même conflit datant de 1984 – policiers et mineurs en
grève – d’en reconstituer les étapes avec l’aide d’amateurs
de reconstitutions historiques en costumes. La
reconstitution confronte alors les points de vue d’un même
événement et les relations de chacun à l’histoire.
The Uses of Literacy est inspiré d’un livre de sociologie de
Richard Hoggart (1957) éponyme. Si l’ouvrage d’Hoggart
tentait de révéler les déterminismes culturels de la classe
populaire du nord de l’Angleterre, l’œuvre de Jeremy Deller
rassemble les écrits et les œuvres de fans du groupe rock
« The Manic Street Preachers » formé en 1992.
Vue des œuvres de J deller, J M Armleder et R Trockel
Détail de l'œuvre de J Deller
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Rosemarie Trockel
Leben heißt Strumpfhosen stricken (Tricoter des collants c’est
vivre), 1998
Photographie couleur, 17 photographies et photocopies noir et blanc, cartes
postales, œufs peints
12 x 86 x 132 cm
Collection Frac Aquitaine
Quand l’œuvre invite à la manipulation des images…
En 1993, Rosemarie Trockel conçoit une exposition à la galerie
Leben heißt Strumpfhosen stricken,
R Trockel. Photo Pierre Leguillon
Xavier Hufkens de Bruxelles. Elle comprend un poulailler abritant
des poules vivantes, une robe avec des œufs éclatés, un rideau
d’œufs, ou encore un œuf en bronze noir. Au-delà de la forte présence de l’emblème, Rosemarie Trockel réalise
un ensemble d’œuvres qui s’apparentent à une véritable matrice imaginaire favorisant chez le spectateur autant
de projections mentales. Les différents éléments de l’œuvre Tricoter des collants c’est vivre ont en commun le
motif ovale. L’action entreprise par la jeune fille - examinant des reproductions d’œuvres, entre autres de
Brancusi, Bellini et de Trockel elle-même - est surtout un reflet plein d’humour des obsessions de l’amateur d’art
cherchant des analogies parmi des productions artistiques demeurant polysémiques.
Peter Fischli & David Weiss
The Outlaws et Sans titre
de la série Équilibres – Quiet Afternoon, 1985
Photographie couleur
34 x 24 cm chaque
Collection Frac Aquitaine
Quand l'œuvre suspend l'événement...
Ces deux photographies sont issues de la série Équilibres - Un après-midi
tranquille réalisée en 1984-1985. Elles fixent des constructions d'objets
quotidiens (ustensiles, meubles de cuisine, éléments organiques).
Photographiés sur un fond neutre, les objets « font leur cirque », empilés,
superposés, dans un équilibre incertain et provisoire. « L'absurdité, l'humour
et la poésie des images obtenues sont dus à la réunion cocasse d'objets qui
Sans titre, P Fichli & D Weiss
ont perdu leur identité et leur fonction, ainsi qu'à leur échafaudage fragile.
Seules les qualités constructives et leurs capacités mécaniques sont requises. » (extrait du catalogue de
l'exposition Fischli et Weiss, Musée de Grenoble, mars-avril 1988).
Au-delà du caractère énigmatique, burlesque et fortuit de ces assemblages, se dégage une forte impression de
déséquilibre qui contredit avec humour le titre de la série. Les après-midi étaient-ils vraiment si tranquilles ? La
tension est bien présente. Tout semble tenir à un fil. Le spectateur est suspendu au bord d'un effondrement
qu’on imagine imminent, dans cet instant juste avant la chute qu'il imagine inévitable.
« Un souffle et le charme est rompu. Ce ne sont pas les objets qui nous fascinent, mais bien les rapports, les
tensions, les incessants mouvements de transfert qui s’opèrent entre chaque élément et qui leur permettent
d’affirmer une présence. Le procédé est connu : dans son fameux « Laocoon » écrit en 1766, Lessing définissait
déjà, à propos de la peinture, l’instant précédant l’événement comme le moment de tension maximum,
attribuant ainsi au spectateur un rôle d’acteur (« celui qui agit ») qui, jusqu’à aujourd’hui, ne devait jamais se
démentir. » (Marc Olivier Wahler - Art press n°244, mars 1999).
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Victor Burgin
Toutes les choses matérielles
Tous les critères
Tout moment antérieur au moment présent
De la série Énoncés performatifs, 1970
Texte imprimé en noir sur papier
31 x 43 cm
Collection Frac Aquitaine
Quand l’œuvre apparaît au fil de la lecture…
Tout moment antérieur au moment présent, Toutes les choses
matérielles et Tous les critères sont issus de la série Énoncés
performatifs. Ils se présentent sous la forme de phrases précédées d’un numéro, tapées à la machine, alignées
en deux colonnes, sur papier blanc format portrait A4. Le visiteur est invité à lire cette suite de propositions
numérotées, chaque nouvelle proposition renvoie à l’une ou plusieurs des précédentes, le langage constituant
pour l’artiste une voie d’accès à l’image : « ce sont les mêmes marques, un rapport noir et blanc, qui font
ressortir une image et un mot, donc, dans un sens l’image, le mot, c’est la même chose, c’est la même
matière ». (Interview de l’artiste, Sans Titre, octobre 1991)
Les dimensions linguistiques et performatives – induites par l’intitulé même du titre de l’œuvre – permettent à
Victor Burgin de renouer avec l’esprit libéré de toutes contraintes muséographiques des années 1970, période
durant laquelle l’artiste hésitait à entrer dans le cadre conventionnel de la galerie, privilégiant la rue comme lieu
de présentation de son travail.
Hans Hollein
Schwarzenberg, 1981
Console
Loupe d’érable, bois laqué et doré
Édition Memphis, Milan
70 x 140 x 40 cm
Collection Frac Aquitaine
Quand l’équilibre ne tient qu’à un fil…
Vue des œuvres de H Hollein et V Burgin
Schwarzenberg est une console composée de trois parties.
Chacune est traitée dans un matériau différent. Cette libre combinaison de textures hétéroclites accompagne
une association de lignes
à la fois courbes et anguleuses. Chaque élément possède ainsi sa propre dynamique. Dans le regard du
visiteur, l’ensemble déploie des jeux de tensions : lourd-léger, endroit-envers, ouvert-fermé,
stable-mouvant.
Dans ce jeu de voisinage et d’interférence qu’affectionne Hans Hollein, l’objet demeure léger
et élégant, dans la lignée des meubles édités par Memphis. Ce collage dissonant allie raffinement
et humour, un mélange des genres assumé par l’artiste. Hans Hollein aime cette complexité. La citation
suivante, concernant son travail d’architecte, peut aussi s’appliquer à son travail de designer, refusant lui-même
toute distinction entre art, design et architecture et croyant dans leur interaction : « La vie, les gens, les
situations sont complexes. Je pense que l’architecture doit montrer l’hétérogénéité et la complexité de la vie…
J’ai vraiment une vue manichéenne du monde. Il existe toujours un conflit, une collision entre le naturel
et le géométrique, l’artificiel et la nature ; parce que le comportement humain est ainsi fait. »
(Interview par Véronique Prest, Hans Hollein, l’architecture n’a pas de but, Art press n°115, juin 1987)
Cette console au style « néo-néo-classique » présente un plateau peu commun ; toutefois, elle trouvera son
utilité sans que sa fonction lui soit dictée au moment de sa conception. La même absence de fonctionnalité
caractérise les recherches d’Hollein dans le domaine de l’architecture. Outre sa conception antagonique de
l’architecture, son refus de la fonctionnalité atteste de son véritable désir de faire table rase des acquis de la
modernité comme la fonctionnalité, le progrès, ou la fusion des arts au service de la production de commodités
démocratiques.
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La conception antagonique de l’architecture et du design ont amené Hans Hollein à l’emploi spécifique du
montage de formes emblématiques. L’éclectisme est pour lui une issue à l’héritage moderne
et un usage ambigu des stéréotypes.
Joachim Mogarra
Bouquet perpétuel, 1988
Fleurs coupées, vase, eau
Dimensions variables
Collection Frac Aquitaine
Quand l'œuvre est à entretenir quotidiennement et n'existe que le
temps de l'exposition...
Ce Bouquet perpétuel se compose d’un bouquet de fleurs naturelles
disposé dans un vase éventuellement posé sur un socle. La particularité
du Bouquet perpétuel réside dans le libre choix du vase, du socle et des
fleurs qui le composent par le commissaire d'exposition. De plus,
l’entretien du bouquet est confié à l’institution qui accueille l’œuvre.
Joachim Mogarra affirme ainsi le caractère aléatoire de l’œuvre et une
forme de délégation : le geste artistique ne passe pas par le biais de
l’artiste mais peut être ici « délégué » selon un protocole défini dans un
courrier qui a valeur de contrat et d’œuvre.
L’extrait suivant, d’une lettre écrite à Jean-François Dumont, galeriste,
Vue des œuvres de J Mogarra et H Zobernig
le 3 juin 1988, décrit ici son intention : « J’ai pensé sur le chemin du
retour à ce bouquet et je crois que le fait de l’entretenir quotidiennement
lui donnera une dimension autrement plus importante. S’agissant d’un « bouquet perpétuel », cette
représentation du réel est censée durer exactement le temps que le réel lui-même et se transformer de concert
avec lui… Le bouquet peut varier selon les saisons et l’humeur des personnes affectées à son entretien. Il peut
être un superbe ikebana ou un simple bouquet de coquelicots, au gré des promenades. Il dit par là que le geste
artistique est un engagement de tous les jours, une mission et une quête dont on hérite, à laquelle on travaille,
qu’on lègue. Perpétuation de l’œuvre commune, idée de solidarité et vision édénique du monde… Le fait d’être
plusieurs à l’entretenir a pour moi un rapport avec le geste de passer la flamme olympique, celui de poser sa
pierre à l’édifice commun, ou encore la course de relais. Une idée de quotidienneté (quelque chose à voir avec
la tournée matinale du boulanger) comme un rapport avec les pratiques de caractère sacré… ».
Cette œuvre, créée par l’artiste, n’est jamais tout à fait la même. Elle est le reflet de ceux qui lui donnent une
existence.
Heimo Zobernig
Sans titre, 1989
Carton, résine synthétique et miroir brisé
292 x 147 x 14 cm
Collection Frac Aquitaine
Quand l’accident se double d’un reflet…
L’œuvre intitulée Sans titre de Heimo Zobernig est composée d’une structure en bois et en carton
qui supporte un grand miroir brisé en plusieurs endroits. Un autre miroir, plus petit et vierge de tout impact, est
collé sur le premier.
Cet objet possède plusieurs possibilités d’accrochage qui varient selon l’environnement dans lequel il prend
place. Tour à tour tableau, quand il est accroché directement au mur, ou sculpture, quand il est posé au sol et
prend appui contre le mur, ce miroir réfléchit l’espace d’exposition. Il reflète les œuvres alentour, et renvoie
éventuellement au spectateur sa propre image.
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Echappant ainsi à une vision synthétique tant elle réfléchit de manière fragmentaire tout ce qui l’entoure, cette
œuvre demeure emblématique du travail de Heimo Zobernig qui, depuis la fin des années 1970, peut être
successivement associé à l’abstraction géométrique, au minimalisme et à l’art conceptuel avant d’être relié plus
récemment à une critique institutionnelle.
Ses œuvres, par leur aspect inachevé ou par leur économie de moyens et les matériaux utilisés (carton,
contreplaqué, polystyrène…), nient toute appartenance à l’esthétique moderniste. L’apparence est sobre, sans
ornement, tout élément superflu étant exclu.
S’il y a citations, c’est pour affirmer une « modernité sceptique » et témoigner d’une mise en doute du
formalisme. D’une façon générale, l’artiste entend signifier que les œuvres perdent leur autonomie et
deviennent des objets : elles gagnent une fonction, servent de mobilier et se cachent derrière l’utilitaire. « Je
mets les choses à plat, je ne veux pas faire quelque chose de mystérieux. Mon intention n’est pas d’utiliser des
symboles pour faire éclore un monde ou transcender. Mes œuvres se suffisent à elles-mêmes ». Ce qui à
première vue apparaît être une sculpture monolithique s’avère être un miroir paradoxal. Remplissant sa fonction
réflexive, cette surface, ayant fait l’objet d’une altération, démultiplie les points de vue sur l’espace et concentre
le regard sue la surface brisée.
Arman
Violons brûlés, 1970
Violons brûlés et collés sur panneau de bois aggloméré
73 x 119 x 6 cm
Collection Frac Aquitaine
Quand l'événement a déjà eu lieu...
Cette œuvre est constituée de plusieurs violons découpés, collés sur
un panneau de bois aggloméré et brûlés au chalumeau. Selon les
zones, le bois a été calciné ou a été épargné par les flammes. Les
Vue de l'œuvre de Arman depuis le miroir de
Zobernig
fragments de violons évoquent des silhouettes en négatif, sortes de
vides silencieux. Mettre le feu à cet instrument emblématique de la
« musique classique » peut paraître provocateur. Les cubistes, avant lui, avaient déjà fragmenté de nombreux
instruments de musique mais l’iconoclasme appliqué à un objet réel devient ici passage à l’acte.
« Découper un violon en tranches fines est un acte scandaleux. L’application d’une méthode qu’on pourrait
appliquer à du saucisson, mais qui n’est pas destinée à un violon, provoque un « twistage » de la pensée, un
changement qui, naturellement, opère une action psychologique. Et j’aime bien jouer à mettre des quantités sur
d’autres : faire exploser une voiture, démolir un piano à coups de masse, parce que j’ai toujours été conscient
de ce que l’opération avait d’incongru, même si je la faisais très sérieusement. Il y a aussi un désir certainement
un petit peu archéologique…de montrer quelque chose qu’on ne voit pas, qu’on n’a pas vu. » (Arman, 1963).
Arman conçoit des séries selon des processus précis : Imprimer (Allures d’objets en 1955), multiplier
(Accumulations à partir de 1959), scier (Coupes en 1961), casser (Colères à partir de 1961), brûler
(Combustions en 1963), amalgamer (Inclusions en 1964), troquer (Le grand Tas des échanges en 1966),
monumentaliser (à partir de 1970)…
Il s’empare d’objets usuels issus de la société de consommation pour leur appliquer deux principes contraires :
conservation (par l’accumulation) et destruction radicale.
Violons brûlés est dans la veine des Colères et des Combustions, séries de destructions systématiques et
barbares d’objets usuels qui sont une façon pour Arman de saboter le système des objets et d’œuvrer à contrecourant. Arman se rattache ainsi au courant des « Nouveaux réalistes » (Jacques Villeglé, Raymond Hains,
Yves Klein…), défini par Pierre Restany en 1960.
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Seth Price
Akademische Graffiti (Graffiti académique), 2009
Cd audio, 38’50’’
Production Frac Aquitaine (en vente)
8-4, 9-5, 10-6, 11-7, 2007
MP3 gravé sur Dvd, 8h07’3’’
Quand l’œuvre crée l’ambiance…
À l’occasion de l’exposition Dead Air au Frac Aquitaine, Seth Price (né en 1973) présente plusieurs œuvres.
En parallèle à la production d’un disque intitulé Akademische Graffiti, l’artiste a souhaité diffuser dans les
espaces du Frac, sans qu’on en distingue précisément la source, une compilation de musique d’ambiance de
style dance intitulée 8-4, 9-5, 10-6, 11-7.
Ces deux objets aux stratégies de diffusion spécifiques sont respectivement accompagnés de textes.
Pour le disque, les deux textes suivant : Was ist Los? (Que se passe-t-il ?), 2003-05, traduction française Sacha
Roullet et Seth Price, Décor Holes, Unique Source All Natural Suicide Gang, éditions Dispersion, 2003-2005.
Pour la musique « d’ambiance » : For A Friend, 2008.
Seth Price s’intéresse aux systèmes médiatiques qui se sont profondément modifiés à l’ère
post-industrielle devenant de plus en plus complexes. Price observe la façon dont un objet donné
est informé par sa circulation. L’usage de compilations musicales et de production de textes critiques
éclectiques participent à Title Variable (2001). Ailleurs, l’artiste réemploie des vidéos soumises
à une transformation (« post-production »). À partir des épreuves (rushes) (CBS et ABC) documentant la
tentative d’assassinat de Reagan, Seth Price réalise un film énigmatique et elliptique (Copyright 2006 Seth
Price) où la vitesse et la couleur s’altèrent progressivement.
Par des opérations très diversifiées, l’artiste observe la circulation des signes et la manière dont
celle-ci participe à la production de sens afin de révéler des corrélations aussi différentes que : manipulation –
violence, distribution - pouvoir, autorité – simulation.
Nam June Paik
Oil TV, 1978-1982
Meuble télévision, bougie
86 x 46 x 59 cm
Collection Frac Aquitaine
Quand l'œuvre invite avec humour à la méditation...
Oil TV est une sculpture composée de deux objets : un meuble de télévision
des années 1950 vidé de son dispositif intérieur et une bougie
incandescente.
Ces deux éléments n’ont aucun lien a priori : le meuble de télévision renvoie
à l’idée d’un flux d’images et de sons alors que la bougie blanche évoque le
recueillement ou le silence. Cette invitation à la méditation n’est pas dénuée
d’humour ; le dispositif engage le spectateur à laisser émerger ses propres
images intérieures. Cette pièce fait référence à la philosophie Zen que Nam
June Paik expérimentera, non en Corée dont il est originaire, mais aux ÉtatsVue de l'œuvre de NJ Paik
Unis par l'intermédiaire de John Cage.
« De même que la technique du collage a remplacé la peinture à l’huile, le
tube cathodique remplacera la toile » déclarait Nam June Paik. En effet, depuis les années 1960, la télévision
est devenu le medium favori de l’artiste. Il s’est approprié l’objet (l’écran ou le moniteur) et l’image pour les
manipuler et leur faire subir des transformations. Assemblage d’écrans, distorsion d’images forment des
sculptures ou des installations, souvent saturées visuellement. Ses œuvres s’inscrivent dans une recherche de
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nouveaux effets technico-sensoriels. En explorant et en détournant les matériaux électroniques et acoustiques,
Paik ne crée pas des objets inertes mais des œuvres agissant sur ceux qui les regardent.
Nam June Paik fut, dès le début des années 1960, un acteur du mouvement Fluxus. Ce groupe d’artistes
internationaux refuse les institutions artistiques, entend saper la conception traditionnelle
de l’artiste et remet en cause la notion de Beaux-Arts.
Le jeu, le gag, l’ironie, le hasard, le déplacement, l’expérimentation deviennent des valeurs positives.
Privilégiant l’action et le processus sur l’objet « fini », leurs pratiques artistiques questionnent les frontières entre
l’art et la vie.
Robert Barry
Returning, 1975-1977
Projection en continu de 5’24’’ de 81 diapositives couleur et noir et blanc
Dimensions variables
Collection Frac Aquitaine
Quand le spectateur et le contexte participent à l'apparition
de l'œuvre...
Returning est un diaporama composée de 81 diapositives
projetées en boucle suivant un ordre et un rythme rigoureux. Le
passage de chaque diapositive est ponctué par le cliquetis de
Vue de l'œuvre de R Barry
l’appareil.
Les paysages inscrits dans un cercle renvoie au caractère
circulaire de cette œuvre qui, fonctionnant en boucle, n’a ni début ni fin.
Les textes sont des mots choisis par l’artiste au gré de ses lectures.
Entre les images et les mots, les diapositives noires forment des intervalles, creusent un espace.
Elles plongent par intermittence le spectateur dans l’obscurité, créant une situation d’attente, une ponctuation,
ou un temps dans lequel il peut opérer ses propres correspondances.
De cette obscurité, Robert Barry dit qu’ « elle enveloppe » le spectateur. Elle procure une « intimité ». Elle offre
également au spectateur la « liberté » de quitter la pièce au moment où il le souhaite.
L'expérience du spectateur est un élément constitutif de l'œuvre.
Ce qui constitue l'œuvre, c'est finalement tout ce qui se passe dans la conscience du public à partir de l'espace
qui l'entoure et du temps qu'il appréhende, plus qu'en regardant l'œuvre. L'œuvre évolue constamment, puisque
chaque contexte, mais aussi chaque spectateur, modifie sa constitution.
Tous les visuels de ce document sont crédités Jean-Christophe Garcia, excepté celui de l'œuvre de
Rosermarie Trockel, de Pierre Leguillon.
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