Communiqué de presse
Transcription
Communiqué de presse
DOSSIER DE PRESSE Dead air Principe du continuum et autres investigations de la notion d’événement Exposition du 16 janvier au 18 avril 2009 - vernissage vendredi 16 janvier à partir de 18h Œuvres de Arman, John M Armleder, Robert Barry, Karina Bisch, Victor Burgin, Jeremy Deller, Peter Fischli et David Weiss, Hans Hollein, On Kawara, Joachim Mogarra, Nam June Paik, Seth Price, Rosemarie Trockel, Edward Weston, Heimo Zobernig. Invité à proposer une lecture de la collection du Frac Aquitaine, Julien Fronsacq a choisi d’explorer, à travers cette exposition intitulée Dead Air, deux mouvements historiques de l'art contemporain présents dans ce fonds : l’art conceptuel et Fluxus, mouvements issus des années 1960. Dead Air se présente comme une référence directe à 4’33 de John Cage, compositeur ayant Rosemarie Trockel, Leben heißt Strumpfhosen Stricken,1998. Collection Frac Aquitaine. inspiré Fluxus. 4’33, œuvre de 1952, consiste à Photo Pierre Leguillon faire interpréter par un, ou plusieurs musiciens trois mouvements musicaux, qui ne sont en réalité qu’un silence ; un silence relatif puisqu'il est constitué de l’ensemble des bruits, provenant du public, accidentels ou ceux, mêmes mineurs, qui nous environnent quotidiennement. Lors de l’enregistrement radiophonique et télévisuel de cette œuvre assuré cinquante après par la BBC, celle-ci fut obligée de modifier la sensibilité des microphones et transmetteurs afin d'éviter que la captation sonore ne soit coupée du fait de l’absence de signal, phénomène connu sous le nom de « dead air ». Ainsi Dead air évoque paradoxalement le projet de Cage : les obstacles technologiques à la réalisation de son œuvre et ses aléas, expressions du hasard auxquelles le compositeur était tant attaché. L’exposition Dead Air propose un groupe de treize œuvres issues de la collection du Frac Aquitaine, émanant d’artistes français ou étrangers, que complètent des œuvres de Seth Price et Jeremy Deller. L'exposition se présente comme un ensemble d’œuvres hétéroclites (peintures, sculptures, photographies et installations) ayant pour point commun les notions d’événement et d’expérience. Et si, au-delà même de la performance, Fluxus et Cage avaient élaboré des concepts cruciaux dans la relation de l’art au réel ? L’« event » (événement) serait alors selon Fluxus, « le moment privilégié de l'émergence de la réalité, la relation la plus directe et immédiate possible aux phénomènes réels ». Selon Cage, cette émergence reposait sur les principes très zen de hasard, de simultanéité et d’interpénétration des pôles. Loin d’une histoire linéaire, l’exposition explore des filiations insoupçonnées. Une collection n’étant jamais close sur elle-même et parce que tout principe d’exposition contient en soi un principe actif permanent, l’exposition inclut également deux artistes invités, Jeremy Deller et Seth Price, dont les travaux entrent en résonance avec les œuvres ici sélectionnées. À cette occasion, ces deux artistes proposeront des productions en étroite relation avec « Dead Air ». . ------------Julien Fronsacq est commissaire d'exposition au Palais de Tokyo et membre du comité technique du Frac Aquitaine. . ------------Programmation culturelle (en cours) - Week-end Télérama samedi 21 et dimanche 22 mars - Visite avec le commissaire d'exposition Julien Fronsacq - Projection de films expérimentaux - Conférence « Où va l’art… depuis John M Armleder ? » par Christian Besson ------------Ouverture du Frac Aquitaine du lundi au vendredi de 10h à 18h et le samedi de 14h à 18h. ------------.Information Commissariat : Julien Fronsacq presse Aurore Combasteix 05 56 24 70 72 [email protected] Le Frac-Collection Aquitaine est financé par le Conseil régional d’Aquitaine et la Direction régionale des Affaires culturelles d’Aquitaine – Ministère de la culture et de la communication Evénements programmés en relation avec l’exposition Week-end Musée Télérama Samedi 21 mars 2009 Visite avec le commissaire Julien Fronsacq à 15h Projections de films expérimentaux de 14h à 18h et de 20h à 23h Dimanche 22 mars 2009 Conférence « Où va l’art… depuis John M Armleder ? » par Christian Besson de 15h à 16h30 Contact presse Aurore Combasteix [email protected] 05 56 24 70 72 Frac-Collection Aquitaine Hangar G2 - Bassin à flot n°1 Quai Armand Lalande 33300 Bordeaux Photos et légendes de l’exposition Dead air sont disponibles sur demande. Crédit photo : Jean-Christophe Garcia. Toute la programmation du Frac Aquitaine www.fracaquitaine.net Prochaine exposition du 29 avril au 9 mai 2009, SNOOKER, avec l'Ecole supérieure des Arts et de la Communication de Pau 2 LISTE DES ŒUVRES DEAD AIR Karina Bisch La Porte, 2008 Bois, acrylique sur contreplaqué 525 x 462 x 14 cm Collection Frac Aquitaine Quand Karina Bisch of Paris invite Mr et Mrs Fry of Texas... Cette œuvre relève à la fois de la peinture, de la sculpture et de l'architecture. Librement inspirée de dessins de Theo van Doesburg pour des projets de vitraux, cette porte combine deux principes : celui d’une architecture moderniste et celui, vernaculaire, de la maison à colombages, dans une forme légère. Empruntant au principe de la porte romaine, cette œuvre tient moins du monument commémoratif que d’une construction se rechargeant d’une énergie nouvelle tant elle évoque un passage et théâtralise l'entrée de l’espace d'exposition. Conçue pour l'exposition Mathematicus Groteske en janvier 2008, cette œuvre est aujourd’hui réactivée par l’artiste qui en modifie le principe de présentation, à la fois par l’inversion des panneaux pile/face et par l’ajout d’un panneau de couleur violette – jusqu’alors absente de la gamme de Vue de La Porte (Karina Bisch) et de Mr and Mrs couleurs initiale – et sur lequel est accrochée la photographie d’Edward Fry of Texas (Edward Weston) Weston. La pratique de Karina Bisch consiste à explorer des éléments issus de différentes époques et cultures : constructions modernes et motifs ornementaux, icônes de l’abstraction picturale et signes du Bauhaus, reflets des industries culturelles et du divertissement. « Ses œuvres, bien qu’érudites et informées, révèlent souvent un anachronisme irrévérencieux. Elle cultive ses sources, certes, mais sans excès de nostalgie. Ainsi, tient-elle une archive minutieuse, ordonnée selon une typologie qui lui est propre. Si Bisch déjoue habilement l’avidité du monde de l’art à toujours succomber au sang neuf et aux formes exclusives, elle ne se contente pas de refaire pour autant ce qu’on a trop vite cru reconnaître. Réévaluer les utopies, actualiser ces formes qu’elle dit « usées, vulgaires, galvaudées » est finalement au cœur de sa démarche. Prolonger l’idéal de l’art pour tous et l’art dans la vie ? Il n’est cependant nullement question de la fin de l’art. » (Anne Dressen, « Karina Bisch, Mathematicus Groteske, Frac Aquitaine, Bordeaux », Frog n°7, 2ème semestre 2008) Edward Weston Mr and Mrs Fry of Texas, 1941 Photographie noir et blanc 24,2 x 19,2 cm Collection Frac Aquitaine Quand Edward Weston entre dans l'univers de Karina Bisch... Datant du début des années 1940, cette photographie représente un couple, Mr et Mme Fry, originaire du Texas. Assis côte à côte devant leur maison, ils regardent fixement le spectateur. La composition de l’image est rigoureuse et stable, sans effet recherché de sophistication. Leurs vêtements sont modestes mais soignés : robe à col et poignets de dentelle, chemise blanche. Les mains, posées sur le muret ou retenant une canne, soulignent l’alternance de lignes verticales et horizontales qui composent l’image. Cette pose renforce l’ancrage 3 de ces deux personnes âgées au sein de leur univers familier : une « maison racine » autour de laquelle la végétation se déploie, plantations de part et d’autre, lierre au-dessus de leurs têtes. Monsieur et Madame Fry apparaissent comme deux monuments au sein d’un réseau de signes co-existants. Cette photographie ainsi associée à La Porte de Karina Bisch accueille le spectateur à l’entrée de l’exposition avec un couple au beau milieu d’une architecture vernaculaire mêlée d’entrelacs végétaux, annonçant une exposition sous le signe protecteur Zen : interpénétration et simultanéité de pôles supposés opposés. Weston s'est attaché à montrer avec une grande sobriété l'intimité de ce couple, en suivant l’enseignement d’Alfred Stieglitz qui œuvra pour que la photographie s’affranchisse des codes esthétiques de la peinture. Il définit la « straight photography », photographie directe, qui contrastait avec les effets pictorialistes d’alors. Weston est en cela un des fondateurs d’une esthétique résolument moderne, en cherchant à exploiter les aspects propres à la photographie, c’est-à-dire le redoublement du réel en jouant sur la netteté, la frontalité, l’objectivité. On Kawara Feb.6, 1982 de la série Today Series, 6 février 1982 Liquitex sur toile 47,5 x 63 x 5,5 cm Boîte en carton contenant une page du New York Post du 6 février 1982 Collection Frac Aquitaine Quand l'œuvre est le résultat d'une performance quotidienne renouvelée... Le 4 janvier 1966, l’artiste japonais décide de commencer une longue série de tableaux, intitulée Date paintings : il s’agit de peindre en blanc sur une toile monochrome la date du jour, Vue des œuvres de J M Armleder et On Kawara. de conserver ce tableau dans une boîte confectionnée sur mesure, boîte contenant un extrait de la presse du pays dans lequel l’artiste se trouve à ce moment là. Seuls le format et la couleur du fond peuvent varier, ainsi que le libellé de la date qui obéit aux conventions du pays, ici les États-Unis. La date de réalisation de la toile donne son titre à l’œuvre et dit strictement le temps de l'exécution : soit un jour. L’artiste s’impose alors comme une règle cette matérialisation rigoureuse et littérale du temps. On Kawara va jusqu’à détruire la toile qui ne serait pas achevée à la fin du jour qu’elle est censée représenter. Dans cet esprit d’enregistrement scrupuleux du temps, l’artiste s’adonne également à d’autres pratiques telles des envois de télégrammes adressés à ses amis ou à des acteurs de la scène artistique avec la simple mention « I am still alive » (« je suis encore en vie »), ou de cartes postales où figurent au dos « I got up at …» (« je me suis levé à… »), des reconstitutions de ses lectures « I read », de ses déplacements « I went » ou de ses rencontres « I met ». Ces enregistrements renvoient à une temporalité abstraite dans laquelle on ne perçoit aucune dimension psychologique de la part de son auteur même s’il dit et décrit ses actions les plus concrètes et basiques. Les peintures n'existent qu'au jour le jour. Elles sont le résultat d'une performance quotidienne renouvelée. Aussi, le spectateur peut les envisager comme une performance et non comme une trace. On Kawara appartient au courant de l’art conceptuel. Un trait essentiel de l’art conceptuel consiste dans la prééminence du programme sur le résultat de l’œuvre. L’œuvre d’art, c’est l’idée qui en régit le principe, c’est là le projet de l’artiste qui par essence est infini comme le temps. 4 John M Armleder Furniture Sculpture n°186, 1988 Acrylique sur toile, antennes TV 4 ensembles identiques constitués chacun d’une peinture et de deux antennes de télévision Acrylique : 300 x 190,5 cm Antenne : 49 x 180 x 64 cm Dimensions totales variables Collection Frac Aquitaine Quand deux objets anachroniques dialoguent… En 1980, John Armleder réalise dans un logement désaffecté de Genève une exposition. Sur les murs, des motifs dans le style suprématiste sont peints à la peinture blanche. Plongés dans une obscurité relative, les visiteurs arpentent l’appartement à l’aide de torches électriques. Revisiter ainsi les formes empruntées au style dont l’artiste russe Kasimir Malévitch fut l’inventeur, dans les années 1910, revenait à les réinterpréter, comme on peut le faire d’un morceau de musique, même s’il a déjà été joué. L’année suivante, il commence la longue série des Furniture Sculptures, sculptures associant motifs peints et mobiliers trouvés, confrontant des formes et des styles issus de registres différents et de circonstances historiques spécifiques. Jeremy Deller The Uses of Literacy, 1997 Peintures, dessins, collages, photographies, livres Dimensions variables Collection Arts Council, Grande-Bretagne Quand l’œuvre naît d’une rencontre avec les fans… Depuis le début des années 1990, Jeremy Deller conçoit des projets documentaires selon la rencontre, notion à entendre de plusieurs manières. Acid Brass (1997) est l’invitation faite à une fanfare minière d’interpréter des tubes de musique acid house des années 1980, confrontant deux mouvements musicaux populaires particuliers. Quelques années plus tard, Battle of Orgreave (Bataille d’Orgreave) est une invitation aux différents acteurs d’un même conflit datant de 1984 – policiers et mineurs en grève – d’en reconstituer les étapes avec l’aide d’amateurs de reconstitutions historiques en costumes. La reconstitution confronte alors les points de vue d’un même événement et les relations de chacun à l’histoire. The Uses of Literacy est inspiré d’un livre de sociologie de Richard Hoggart (1957) éponyme. Si l’ouvrage d’Hoggart tentait de révéler les déterminismes culturels de la classe populaire du nord de l’Angleterre, l’œuvre de Jeremy Deller rassemble les écrits et les œuvres de fans du groupe rock « The Manic Street Preachers » formé en 1992. Vue des œuvres de J deller, J M Armleder et R Trockel Détail de l'œuvre de J Deller 5 Rosemarie Trockel Leben heißt Strumpfhosen stricken (Tricoter des collants c’est vivre), 1998 Photographie couleur, 17 photographies et photocopies noir et blanc, cartes postales, œufs peints 12 x 86 x 132 cm Collection Frac Aquitaine Quand l’œuvre invite à la manipulation des images… En 1993, Rosemarie Trockel conçoit une exposition à la galerie Leben heißt Strumpfhosen stricken, R Trockel. Photo Pierre Leguillon Xavier Hufkens de Bruxelles. Elle comprend un poulailler abritant des poules vivantes, une robe avec des œufs éclatés, un rideau d’œufs, ou encore un œuf en bronze noir. Au-delà de la forte présence de l’emblème, Rosemarie Trockel réalise un ensemble d’œuvres qui s’apparentent à une véritable matrice imaginaire favorisant chez le spectateur autant de projections mentales. Les différents éléments de l’œuvre Tricoter des collants c’est vivre ont en commun le motif ovale. L’action entreprise par la jeune fille - examinant des reproductions d’œuvres, entre autres de Brancusi, Bellini et de Trockel elle-même - est surtout un reflet plein d’humour des obsessions de l’amateur d’art cherchant des analogies parmi des productions artistiques demeurant polysémiques. Peter Fischli & David Weiss The Outlaws et Sans titre de la série Équilibres – Quiet Afternoon, 1985 Photographie couleur 34 x 24 cm chaque Collection Frac Aquitaine Quand l'œuvre suspend l'événement... Ces deux photographies sont issues de la série Équilibres - Un après-midi tranquille réalisée en 1984-1985. Elles fixent des constructions d'objets quotidiens (ustensiles, meubles de cuisine, éléments organiques). Photographiés sur un fond neutre, les objets « font leur cirque », empilés, superposés, dans un équilibre incertain et provisoire. « L'absurdité, l'humour et la poésie des images obtenues sont dus à la réunion cocasse d'objets qui Sans titre, P Fichli & D Weiss ont perdu leur identité et leur fonction, ainsi qu'à leur échafaudage fragile. Seules les qualités constructives et leurs capacités mécaniques sont requises. » (extrait du catalogue de l'exposition Fischli et Weiss, Musée de Grenoble, mars-avril 1988). Au-delà du caractère énigmatique, burlesque et fortuit de ces assemblages, se dégage une forte impression de déséquilibre qui contredit avec humour le titre de la série. Les après-midi étaient-ils vraiment si tranquilles ? La tension est bien présente. Tout semble tenir à un fil. Le spectateur est suspendu au bord d'un effondrement qu’on imagine imminent, dans cet instant juste avant la chute qu'il imagine inévitable. « Un souffle et le charme est rompu. Ce ne sont pas les objets qui nous fascinent, mais bien les rapports, les tensions, les incessants mouvements de transfert qui s’opèrent entre chaque élément et qui leur permettent d’affirmer une présence. Le procédé est connu : dans son fameux « Laocoon » écrit en 1766, Lessing définissait déjà, à propos de la peinture, l’instant précédant l’événement comme le moment de tension maximum, attribuant ainsi au spectateur un rôle d’acteur (« celui qui agit ») qui, jusqu’à aujourd’hui, ne devait jamais se démentir. » (Marc Olivier Wahler - Art press n°244, mars 1999). 6 Victor Burgin Toutes les choses matérielles Tous les critères Tout moment antérieur au moment présent De la série Énoncés performatifs, 1970 Texte imprimé en noir sur papier 31 x 43 cm Collection Frac Aquitaine Quand l’œuvre apparaît au fil de la lecture… Tout moment antérieur au moment présent, Toutes les choses matérielles et Tous les critères sont issus de la série Énoncés performatifs. Ils se présentent sous la forme de phrases précédées d’un numéro, tapées à la machine, alignées en deux colonnes, sur papier blanc format portrait A4. Le visiteur est invité à lire cette suite de propositions numérotées, chaque nouvelle proposition renvoie à l’une ou plusieurs des précédentes, le langage constituant pour l’artiste une voie d’accès à l’image : « ce sont les mêmes marques, un rapport noir et blanc, qui font ressortir une image et un mot, donc, dans un sens l’image, le mot, c’est la même chose, c’est la même matière ». (Interview de l’artiste, Sans Titre, octobre 1991) Les dimensions linguistiques et performatives – induites par l’intitulé même du titre de l’œuvre – permettent à Victor Burgin de renouer avec l’esprit libéré de toutes contraintes muséographiques des années 1970, période durant laquelle l’artiste hésitait à entrer dans le cadre conventionnel de la galerie, privilégiant la rue comme lieu de présentation de son travail. Hans Hollein Schwarzenberg, 1981 Console Loupe d’érable, bois laqué et doré Édition Memphis, Milan 70 x 140 x 40 cm Collection Frac Aquitaine Quand l’équilibre ne tient qu’à un fil… Vue des œuvres de H Hollein et V Burgin Schwarzenberg est une console composée de trois parties. Chacune est traitée dans un matériau différent. Cette libre combinaison de textures hétéroclites accompagne une association de lignes à la fois courbes et anguleuses. Chaque élément possède ainsi sa propre dynamique. Dans le regard du visiteur, l’ensemble déploie des jeux de tensions : lourd-léger, endroit-envers, ouvert-fermé, stable-mouvant. Dans ce jeu de voisinage et d’interférence qu’affectionne Hans Hollein, l’objet demeure léger et élégant, dans la lignée des meubles édités par Memphis. Ce collage dissonant allie raffinement et humour, un mélange des genres assumé par l’artiste. Hans Hollein aime cette complexité. La citation suivante, concernant son travail d’architecte, peut aussi s’appliquer à son travail de designer, refusant lui-même toute distinction entre art, design et architecture et croyant dans leur interaction : « La vie, les gens, les situations sont complexes. Je pense que l’architecture doit montrer l’hétérogénéité et la complexité de la vie… J’ai vraiment une vue manichéenne du monde. Il existe toujours un conflit, une collision entre le naturel et le géométrique, l’artificiel et la nature ; parce que le comportement humain est ainsi fait. » (Interview par Véronique Prest, Hans Hollein, l’architecture n’a pas de but, Art press n°115, juin 1987) Cette console au style « néo-néo-classique » présente un plateau peu commun ; toutefois, elle trouvera son utilité sans que sa fonction lui soit dictée au moment de sa conception. La même absence de fonctionnalité caractérise les recherches d’Hollein dans le domaine de l’architecture. Outre sa conception antagonique de l’architecture, son refus de la fonctionnalité atteste de son véritable désir de faire table rase des acquis de la modernité comme la fonctionnalité, le progrès, ou la fusion des arts au service de la production de commodités démocratiques. 7 La conception antagonique de l’architecture et du design ont amené Hans Hollein à l’emploi spécifique du montage de formes emblématiques. L’éclectisme est pour lui une issue à l’héritage moderne et un usage ambigu des stéréotypes. Joachim Mogarra Bouquet perpétuel, 1988 Fleurs coupées, vase, eau Dimensions variables Collection Frac Aquitaine Quand l'œuvre est à entretenir quotidiennement et n'existe que le temps de l'exposition... Ce Bouquet perpétuel se compose d’un bouquet de fleurs naturelles disposé dans un vase éventuellement posé sur un socle. La particularité du Bouquet perpétuel réside dans le libre choix du vase, du socle et des fleurs qui le composent par le commissaire d'exposition. De plus, l’entretien du bouquet est confié à l’institution qui accueille l’œuvre. Joachim Mogarra affirme ainsi le caractère aléatoire de l’œuvre et une forme de délégation : le geste artistique ne passe pas par le biais de l’artiste mais peut être ici « délégué » selon un protocole défini dans un courrier qui a valeur de contrat et d’œuvre. L’extrait suivant, d’une lettre écrite à Jean-François Dumont, galeriste, Vue des œuvres de J Mogarra et H Zobernig le 3 juin 1988, décrit ici son intention : « J’ai pensé sur le chemin du retour à ce bouquet et je crois que le fait de l’entretenir quotidiennement lui donnera une dimension autrement plus importante. S’agissant d’un « bouquet perpétuel », cette représentation du réel est censée durer exactement le temps que le réel lui-même et se transformer de concert avec lui… Le bouquet peut varier selon les saisons et l’humeur des personnes affectées à son entretien. Il peut être un superbe ikebana ou un simple bouquet de coquelicots, au gré des promenades. Il dit par là que le geste artistique est un engagement de tous les jours, une mission et une quête dont on hérite, à laquelle on travaille, qu’on lègue. Perpétuation de l’œuvre commune, idée de solidarité et vision édénique du monde… Le fait d’être plusieurs à l’entretenir a pour moi un rapport avec le geste de passer la flamme olympique, celui de poser sa pierre à l’édifice commun, ou encore la course de relais. Une idée de quotidienneté (quelque chose à voir avec la tournée matinale du boulanger) comme un rapport avec les pratiques de caractère sacré… ». Cette œuvre, créée par l’artiste, n’est jamais tout à fait la même. Elle est le reflet de ceux qui lui donnent une existence. Heimo Zobernig Sans titre, 1989 Carton, résine synthétique et miroir brisé 292 x 147 x 14 cm Collection Frac Aquitaine Quand l’accident se double d’un reflet… L’œuvre intitulée Sans titre de Heimo Zobernig est composée d’une structure en bois et en carton qui supporte un grand miroir brisé en plusieurs endroits. Un autre miroir, plus petit et vierge de tout impact, est collé sur le premier. Cet objet possède plusieurs possibilités d’accrochage qui varient selon l’environnement dans lequel il prend place. Tour à tour tableau, quand il est accroché directement au mur, ou sculpture, quand il est posé au sol et prend appui contre le mur, ce miroir réfléchit l’espace d’exposition. Il reflète les œuvres alentour, et renvoie éventuellement au spectateur sa propre image. 8 Echappant ainsi à une vision synthétique tant elle réfléchit de manière fragmentaire tout ce qui l’entoure, cette œuvre demeure emblématique du travail de Heimo Zobernig qui, depuis la fin des années 1970, peut être successivement associé à l’abstraction géométrique, au minimalisme et à l’art conceptuel avant d’être relié plus récemment à une critique institutionnelle. Ses œuvres, par leur aspect inachevé ou par leur économie de moyens et les matériaux utilisés (carton, contreplaqué, polystyrène…), nient toute appartenance à l’esthétique moderniste. L’apparence est sobre, sans ornement, tout élément superflu étant exclu. S’il y a citations, c’est pour affirmer une « modernité sceptique » et témoigner d’une mise en doute du formalisme. D’une façon générale, l’artiste entend signifier que les œuvres perdent leur autonomie et deviennent des objets : elles gagnent une fonction, servent de mobilier et se cachent derrière l’utilitaire. « Je mets les choses à plat, je ne veux pas faire quelque chose de mystérieux. Mon intention n’est pas d’utiliser des symboles pour faire éclore un monde ou transcender. Mes œuvres se suffisent à elles-mêmes ». Ce qui à première vue apparaît être une sculpture monolithique s’avère être un miroir paradoxal. Remplissant sa fonction réflexive, cette surface, ayant fait l’objet d’une altération, démultiplie les points de vue sur l’espace et concentre le regard sue la surface brisée. Arman Violons brûlés, 1970 Violons brûlés et collés sur panneau de bois aggloméré 73 x 119 x 6 cm Collection Frac Aquitaine Quand l'événement a déjà eu lieu... Cette œuvre est constituée de plusieurs violons découpés, collés sur un panneau de bois aggloméré et brûlés au chalumeau. Selon les zones, le bois a été calciné ou a été épargné par les flammes. Les Vue de l'œuvre de Arman depuis le miroir de Zobernig fragments de violons évoquent des silhouettes en négatif, sortes de vides silencieux. Mettre le feu à cet instrument emblématique de la « musique classique » peut paraître provocateur. Les cubistes, avant lui, avaient déjà fragmenté de nombreux instruments de musique mais l’iconoclasme appliqué à un objet réel devient ici passage à l’acte. « Découper un violon en tranches fines est un acte scandaleux. L’application d’une méthode qu’on pourrait appliquer à du saucisson, mais qui n’est pas destinée à un violon, provoque un « twistage » de la pensée, un changement qui, naturellement, opère une action psychologique. Et j’aime bien jouer à mettre des quantités sur d’autres : faire exploser une voiture, démolir un piano à coups de masse, parce que j’ai toujours été conscient de ce que l’opération avait d’incongru, même si je la faisais très sérieusement. Il y a aussi un désir certainement un petit peu archéologique…de montrer quelque chose qu’on ne voit pas, qu’on n’a pas vu. » (Arman, 1963). Arman conçoit des séries selon des processus précis : Imprimer (Allures d’objets en 1955), multiplier (Accumulations à partir de 1959), scier (Coupes en 1961), casser (Colères à partir de 1961), brûler (Combustions en 1963), amalgamer (Inclusions en 1964), troquer (Le grand Tas des échanges en 1966), monumentaliser (à partir de 1970)… Il s’empare d’objets usuels issus de la société de consommation pour leur appliquer deux principes contraires : conservation (par l’accumulation) et destruction radicale. Violons brûlés est dans la veine des Colères et des Combustions, séries de destructions systématiques et barbares d’objets usuels qui sont une façon pour Arman de saboter le système des objets et d’œuvrer à contrecourant. Arman se rattache ainsi au courant des « Nouveaux réalistes » (Jacques Villeglé, Raymond Hains, Yves Klein…), défini par Pierre Restany en 1960. 9 Seth Price Akademische Graffiti (Graffiti académique), 2009 Cd audio, 38’50’’ Production Frac Aquitaine (en vente) 8-4, 9-5, 10-6, 11-7, 2007 MP3 gravé sur Dvd, 8h07’3’’ Quand l’œuvre crée l’ambiance… À l’occasion de l’exposition Dead Air au Frac Aquitaine, Seth Price (né en 1973) présente plusieurs œuvres. En parallèle à la production d’un disque intitulé Akademische Graffiti, l’artiste a souhaité diffuser dans les espaces du Frac, sans qu’on en distingue précisément la source, une compilation de musique d’ambiance de style dance intitulée 8-4, 9-5, 10-6, 11-7. Ces deux objets aux stratégies de diffusion spécifiques sont respectivement accompagnés de textes. Pour le disque, les deux textes suivant : Was ist Los? (Que se passe-t-il ?), 2003-05, traduction française Sacha Roullet et Seth Price, Décor Holes, Unique Source All Natural Suicide Gang, éditions Dispersion, 2003-2005. Pour la musique « d’ambiance » : For A Friend, 2008. Seth Price s’intéresse aux systèmes médiatiques qui se sont profondément modifiés à l’ère post-industrielle devenant de plus en plus complexes. Price observe la façon dont un objet donné est informé par sa circulation. L’usage de compilations musicales et de production de textes critiques éclectiques participent à Title Variable (2001). Ailleurs, l’artiste réemploie des vidéos soumises à une transformation (« post-production »). À partir des épreuves (rushes) (CBS et ABC) documentant la tentative d’assassinat de Reagan, Seth Price réalise un film énigmatique et elliptique (Copyright 2006 Seth Price) où la vitesse et la couleur s’altèrent progressivement. Par des opérations très diversifiées, l’artiste observe la circulation des signes et la manière dont celle-ci participe à la production de sens afin de révéler des corrélations aussi différentes que : manipulation – violence, distribution - pouvoir, autorité – simulation. Nam June Paik Oil TV, 1978-1982 Meuble télévision, bougie 86 x 46 x 59 cm Collection Frac Aquitaine Quand l'œuvre invite avec humour à la méditation... Oil TV est une sculpture composée de deux objets : un meuble de télévision des années 1950 vidé de son dispositif intérieur et une bougie incandescente. Ces deux éléments n’ont aucun lien a priori : le meuble de télévision renvoie à l’idée d’un flux d’images et de sons alors que la bougie blanche évoque le recueillement ou le silence. Cette invitation à la méditation n’est pas dénuée d’humour ; le dispositif engage le spectateur à laisser émerger ses propres images intérieures. Cette pièce fait référence à la philosophie Zen que Nam June Paik expérimentera, non en Corée dont il est originaire, mais aux ÉtatsVue de l'œuvre de NJ Paik Unis par l'intermédiaire de John Cage. « De même que la technique du collage a remplacé la peinture à l’huile, le tube cathodique remplacera la toile » déclarait Nam June Paik. En effet, depuis les années 1960, la télévision est devenu le medium favori de l’artiste. Il s’est approprié l’objet (l’écran ou le moniteur) et l’image pour les manipuler et leur faire subir des transformations. Assemblage d’écrans, distorsion d’images forment des sculptures ou des installations, souvent saturées visuellement. Ses œuvres s’inscrivent dans une recherche de 10 nouveaux effets technico-sensoriels. En explorant et en détournant les matériaux électroniques et acoustiques, Paik ne crée pas des objets inertes mais des œuvres agissant sur ceux qui les regardent. Nam June Paik fut, dès le début des années 1960, un acteur du mouvement Fluxus. Ce groupe d’artistes internationaux refuse les institutions artistiques, entend saper la conception traditionnelle de l’artiste et remet en cause la notion de Beaux-Arts. Le jeu, le gag, l’ironie, le hasard, le déplacement, l’expérimentation deviennent des valeurs positives. Privilégiant l’action et le processus sur l’objet « fini », leurs pratiques artistiques questionnent les frontières entre l’art et la vie. Robert Barry Returning, 1975-1977 Projection en continu de 5’24’’ de 81 diapositives couleur et noir et blanc Dimensions variables Collection Frac Aquitaine Quand le spectateur et le contexte participent à l'apparition de l'œuvre... Returning est un diaporama composée de 81 diapositives projetées en boucle suivant un ordre et un rythme rigoureux. Le passage de chaque diapositive est ponctué par le cliquetis de Vue de l'œuvre de R Barry l’appareil. Les paysages inscrits dans un cercle renvoie au caractère circulaire de cette œuvre qui, fonctionnant en boucle, n’a ni début ni fin. Les textes sont des mots choisis par l’artiste au gré de ses lectures. Entre les images et les mots, les diapositives noires forment des intervalles, creusent un espace. Elles plongent par intermittence le spectateur dans l’obscurité, créant une situation d’attente, une ponctuation, ou un temps dans lequel il peut opérer ses propres correspondances. De cette obscurité, Robert Barry dit qu’ « elle enveloppe » le spectateur. Elle procure une « intimité ». Elle offre également au spectateur la « liberté » de quitter la pièce au moment où il le souhaite. L'expérience du spectateur est un élément constitutif de l'œuvre. Ce qui constitue l'œuvre, c'est finalement tout ce qui se passe dans la conscience du public à partir de l'espace qui l'entoure et du temps qu'il appréhende, plus qu'en regardant l'œuvre. L'œuvre évolue constamment, puisque chaque contexte, mais aussi chaque spectateur, modifie sa constitution. Tous les visuels de ce document sont crédités Jean-Christophe Garcia, excepté celui de l'œuvre de Rosermarie Trockel, de Pierre Leguillon. 11