Murambi, le livre des ossements

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Murambi, le livre des ossements
Murambi, le livre
des ossements
Par Boris Boubacar Diop
Au Rwanda, on les appelle pudiquement les « sites du génocide ».
Ils sont, du fait de leur très grand nombre – près d’une centaine
pour les seules églises – et de leur répartition sur l’ensemble
du pays, un phénomène unique dans l’histoire récente des
tueries de masse. Ils permettent surtout de mieux comprendre
pourquoi les victimes du génocide de 1994, si proches de leurs
bourreaux à tous les sens du terme, n’avaient aucune chance
d’échapper à la mort. Et cela est souligné par le fait, peutêtre encore moins supportable, que des repentis continuent à
révéler aux gacaca les fosses où ils avaient hâtivement jetés
leurs voisins ou leurs plus chers amis quinze ans plus tôt…
Je ne savais rien de tout cela en embarquant le 4 août 1998 dans
un vol d’Ethiopian Airlines pour mon premier voyage à Kigali.
J’avais dû, comme des millions de personnes à travers le monde,
entendre à la radio les noms de plusieurs villes rwandaises sans y
prêter une attention particulière. Je suppose que celui de Murambi
s’était perdu dans le flot de phrases creuses qui, modulées sur
tous les tons par les envoyés spéciaux des grands medias, nous
donnent l’impression de ne pas être largués, voire d’être bien
informés. Il est vrai qu’il y a eu aussi entre avril et juillet 1994 de
grands moments de fraternité humaine et de dévouement. Je me
souviens, par exemple, du bouleversant témoignage d’une dame, de
« Médecins sans frontières » - ou de la Croix-Rouge. Les miliciens
interahamwe venaient de faire un carnage dans son hôpital de
fortune et elle ne comprenait pas que tout d’un coup l’univers
entier se prétende complètement impuissant face à ces jeunes
voyous ivres de sang… Arracher leurs pansements à des blessés,
les découper à coups de machette quasiment sur leur lit de mort,
elle ne comprenait pas. Des tueurs à ce point résolus à prendre
le destin de vitesse, elle n’avait jamais vu ça et elle en avait vu,
hein, et elle était folle de rage. Mais cette saine colère d’une
vraie humanitaire, c’était l’exception en ce printemps 94 où les
reporters parlaient, exactement comme les assassins, de guerre
civile et jamais de génocide. Les journalistes enchaînaient leurs
sornettes sur un tempo haletant et très professionnel et finalement
les mots - Rwanda. Tutsi. Hutu. Conseil de sécurité. Haine
millénaire. Evacuation. Atrocités – ne voulaient plus rien dire. Qui
pouvait, diable, espérer les faire tenir ensemble ? La banalisation
médiatique de l’horreur, c’est tout un art, subtil et pervers. A la
fin de chaque journée, le commun des mortels doit se résigner
à une nouvelle défaite, car aussitôt après les infos du soir, il lui
faut bien penser à ses petites affaires du lendemain. Et quelques
semaines plus tard, livrés à la plus haute des solitudes, plus d’un
million de corps s’amoncellent à Nyamata, Bisesero ou Kibungo.
Le spectacle de cette profanation est insoutenable et certains en
ont même dénoncé l’obscénité. Tout en comprenant leur réaction,
je suis de ceux pour qui les « sites » nous aident à mieux nous
situer par rapport à la tragédie rwandaise. En clair : chacun
de nous y a sa part de responsabilité, qu’il doit oser affronter.
Ceux dont les corps s’offrent à notre vue en tant d’endroits du
Rwanda ont certes d’abord été victimes de la décision, prise par
le colonel Theoneste Bagosora et le Hutu Power, de les exterminer
mais ils ont aussi été victimes de nos préjugés. Plus exactement,
sans le sentiment, partagé même par les Africains, qu’une vie
d’Africain ça ne compte pas vraiment, Bagosora et les siens
ne seraient jamais allés aussi loin, jamais ils n’auraient réussi
à éliminer pendant cent jours dix mille personnes par jour, en
direct, au vu et su de tous sans que, paradoxalement, personne
ne voie rien. Le régime de Kagamé n’a probablement pas pris
cette décision de gaieté de cœur mais il a fait preuve de lucidité
en laissant ces ossements exposés dans des lieux publics aussi
longtemps que possible. Sans des preuves aussi accablantes,
les négationnistes n’auraient eu aucun mal à disqualifier les
témoignages des survivants. Les génocidaires rwandais ont été
d’une si délirante cruauté qu’il est essentiel, pour rester crédible,
de raconter leurs « exploits » dans les lieux de mémoire prévus
à cet effet, sous la surveillance de ces corps en putréfaction, en
somme dans l’odeur de la mort. J’entends encore quelqu’un me
glisser à voix basse en juin 2000, pendant que nous nous dirigeons
vers le bus qui doit nous ramener de Murambi à Butare :
«
Qu’est-ce qui nous prouve que ce sont
bien des corps de Tutsi que nous venons de voir ? » La question était
particulièrement incongrue mais j’en ai aussitôt deviné les sous-entendus.
Je sais que mon interlocuteur, qui par ailleurs ignorait tout du génocide,
est un de ces intellectuels africains pour qui le pouvoir de Kagamé est
forcément aussi monstrueux que celui d’Habyarimana. Il pense, pour
ainsi dire par principe, que tout chef d’Etat africain est un remplisseur de
charniers. « On ne peut exclure » poursuit-il « que le FPR ait transporté
dans tous ces sites les restes de ceux qu’il a lui-même tués …»
Cela m’a laissé sans voix.
J’avais découvert Murambi deux ans plus tôt.
Je revois notre petite bande d’auteurs entrant, un matin d’août
1998, dans la cour de l’école technique inachevée. Plusieurs
groupes d’étrangers de toutes nationalités sont déjà là, qui
se croisent sans se voir. Car c’est aussi cela, les « sites » : on
vient s’y recueillir du monde entier. Celui-ci est bien plus vaste
que Nyamata et N’tarama, que nous avions visités les jours
précédents. Le guide nous montre le toit et les murs criblés
de balles et explique que les militaires, arrivés les premiers,
ont balancé des grenades et tiré dans le tas avant de céder la
place aux Interahamwe armés de machettes. Comme partout
ailleurs, le feu d’abord, puis le fer. Un survivant témoigne et son
récit, quasi identique à ceux entendus en d’autres lieux, est le
fil invisible reliant Kigarama à Murambi et Butare à Kibungo. Il
est aussi la preuve que les tueries, loin d’être l’expression d’une
colère spontanée, furent minutieusement préparées au plus haut
niveau de l’Etat rwandais. On peut résumer ainsi ces propos du
rescapé-type : « Aussitôt après l’attentat du 6 avril 1994, nous
nous sommes précipités vers les églises et les bâtiments publics
pour y chercher refuge. Les autorités nous ont encouragés à
nous y rassembler mais nous ne savions pas que c’était pour
pouvoir nous massacrer plus facilement. » Seuls ont survécu
ceux qui ont su mimer de façon convaincante leur propre mort,
souvent en se laissant submerger par les vrais cadavres.
A Murambi non plus les maîtres d’œuvre du génocide n’ont rien
voulu laisser au hasard. On peut même dire qu’ils ont été plus
froidement calculateurs que partout ailleurs. Ce sont eux en effet
qui organisent dans les moindres détails le regroupement de leurs
futures victimes en cet endroit précis, sans doute parce qu’il est
un des lieux fermés les plus étendus de la ville. Une importante
personnalité de l’église y va même de sa parole d’homme de Dieu :
« Je me porte garant de votre sécurité, il ne vous sera fait aucun
mal » dit-il aux hésitants. Le piège fonctionne à merveille, car
des fuyards qui étaient sur le point d’atteindre le Burundi tout
proche font suffisamment confiance à toutes ces autorités pour
revenir sur leurs pas. Ils se sentent d’autant plus en sûreté dans
l’immense cour que des hommes armés protègent les lieux. Cela
aurait pu être la plus belle histoire du génocide. Elle en sera au
contraire la plus affreuse. Ceux dont les corps sont visibles, seize
ans après, dans les salles de l’école technique inachevée ne s’en
doutent naturellement pas. Pendant quelques jours tout est si
normal à Murambi qu’un semblant de vie sociale s’y organise. On
ne donne certes pas assez à manger aux réfugiés, l’alimentation
en eau est soudain interrompue mais on leur jure que c’est à cause
du chaos dans lequel le pays est plongé. En fait il s’agit surtout
de les affaiblir avant l’attaque finale. Le bref face-à-face, quasi
unique au Rwanda, entre les tueurs et leurs victimes, est peutêtre le seul événement évoquant, même de loin, les camps de la
mort nazis. Partout ailleurs, quelques heures après l’irruption
de la Garde présidentielle puis des Interahamwe, presque tout
le monde était mort au milieu de cris de haine et de terreur.
A Murambi les Tutsi ont fini par subir le même sort que les
autres mais ils ont eu le temps d’entretenir une espérance qui,
aujourd’hui, nous rend leur fin encore plus atroce. Sur trente à
quarante mille réfugiés de l’école technique de Murambi, environ
dix en ressortiront vivants. J’en ai rencontré une à Kigali, dans
le quartier de Nyamirambo, pour les besoins de mon roman.
La suite de l’histoire implique les militaires français de
l’Opération Turquoise. Lorsque ceux-ci arrivent dans la zone
en juin 1994, leurs chefs estiment que l’école est l’endroit idéal
pour abriter un QG. Mais que faire des dizaines de milliers
de corps abandonnés sur place par les Interahamwe ? Loin
de s ‘en émouvoir, les officiers de Turquoise n’y voient qu’un
petit embarras technique, plutôt facile à résoudre. Ils prêtent
du matériel aux organisateurs du massacre et ceux-ci font
creuser de grands trous où des milliers de cadavres sont jetés
pêle-mêle. Et que font les hommes de Turquoise lorsque les
charniers sont bien remblayés ? Eh bien, aussi incroyable
que cela puisse paraître, ils plantent le drapeau tricolore audessus des charniers, ils installent des barbecues au-dessus des
charniers et ils tracent un terrain de volley-ball au-dessus des
charniers. Aujourd’hui une inscription rappelle cet épisode peu
glorieux d’une expédition qui se voulait… humanitaire : « Les
soldats français jouaient au volley ici » peut-on en effet lire sur
une plaque posée à même le gazon. Et afin que nul n’en ignore,
la phrase est déclinée aussi en anglais et en kinyarwanda.
A la parution de Murambi, le livre des ossements, on m’a invité
à le présenter lors du journal de 13 heures sur France Inter. J’ai
alors évoqué le comportement abject des militaires de Turquoise
dans cette ville du sud-ouest du Rwanda. Le journaliste – c’était
Christophe Hondelatte - jusque-là très aimable, n’a guère
apprécié et l’a bien montré. L’incident a eu lieu en direct il y a
dix ans, à une époque où presque aucun Français ne voulait
entendre parler du rôle de la France au Rwanda. Les mentalités
semblent avoir beaucoup évolué depuis lors car de telles
révélations suscitent de nos jours plus de honte que de colère.
On pourrait croire que chaque mémorial rwandais est l’exacte
réplique des autres et que si on en a visité un on les a tous vus.
Ce n’est pas tout à fait le cas car chacun de ces lieux a, pour
ainsi dire, son identité et ses vibrations propres. Celles-ci ont
d’ailleurs toujours plus à voir avec la vie autour d’eux qu’avec
les corps qui y sont entassés. Quand je repense à Nyamata,
ce ne sont pas les squelettes des victimes qui me reviennent à
l’esprit mais plutôt la voix traînante du rescapé qui s’adresse à
nous de façon très imagée, son visage étonnamment expressif
et ses yeux pétillants d’intelligence. Mais Nyamata, c’est aussi
Teresa Mukandori parce que, justement, même de l’au-delà
et après avoir subi des atrocités littéralement insensées, elle
semble être restée si pleine de force et de vie. Ce n’est pas un
hasard si Teresa Mukandori est présente dans trois ou quatre des
ouvrages de notre groupe d’auteurs et si elle occupe une place
centrale dans celui de Koulsy Lamko, La phalène des collines.
A N’tarama, ce sont des paysans assis sur l’herbe, à une vingtaine
de mètres de l’entrée de l’église, qui attirent mon attention. Ils
nous suivent du regard en parlant entre eux à voix basse. La
scène m’a intrigué, peut-être à tort, mais je me suis souvent
demandé depuis ce jour qui étaient réellement ces paysans,
quelles avaient été leurs relations avec les morts de l’église de
Nyamata et ce qu’ils pouvaient bien être en train de se dire en
prenant des airs si mystérieux. Autant de questions qu’il sera
pendant encore longtemps difficile d’esquiver au Rwanda…
A Nyarubuye, tout près de la frontière tanzanienne, nous
trouvons dans la cour de l’église complètement dévastée des
jeunes gens occupés à toutes sortes de travaux de maçonnerie
et de menuiserie. Cette fois-ci, notre interlocuteur est un des
tueurs. Nous voulons lui faire dire pourquoi ses camarades et
lui ont sauvagement assassiné tant d’innocents. Il nous supplie
de le croire sur parole et semble n’avoir qu’une réponse à toutes
nos questions: « Le bourgmestre nous a demandé de tuer les
Tutsi, alors nous avons obéi. » Pas plus compliqué que ça. Je me
désintéresse de lui, car je veux savoir qui sont ces ouvriers qui
vont et viennent autour de nous. Eh bien, ce sont tout simplement
des prisonniers qui pour une fois ne portent pas leur fameuse
tenue rose. Ces ex Interahamwe ont sévi à Nyarubuye en 1994 et
les corps que nous venons de voir étendus sur des tables en bois,
c’est le résultat de leur « travail », pour utiliser un mot qui leur
était cher et qui, par un détour historique absolument inattendu,
fait écho à Auschwitz. Ils sont en train d’accomplir leur peine de
travaux forcés sur le théâtre de leurs méfaits. Je lève la tête et
mon regard accroche celui de l’un d’eux, accroupi sur le toit de
l’église. Il se produit alors une chose que je n’oublierai jamais :
l’homme s’arrête de travailler, m’observe d’un air de défi, pose son
marteau devant lui et me fait un vigoureux bras d’honneur. Lui, il
ne regrette rien et a enfin l’occasion de le faire savoir à quelqu’un
sans courir le moindre risque. Au-delà de ma personne, c’est sans
doute tout notre groupe qui l’exaspère. Il doit penser que nous
sommes des fumiers, nous tous qui, sans même être des Rwandais,
venons du monde entier manifester notre compassion pour ces
Inyenzi qui n’avaient de toute façon jamais mérité de vivre. Les
corps des enfants qu’il avait taillés en pièces et des femmes qu’il
avait violées étaient dispersés un peu partout au-dessous de
lui mais il s’en foutait. Il avait ponctué son bras d’honneur d’un
petit sourire méprisant. Cela m’a évidemment troublé et peutêtre même ai-je éprouvé un vague sentiment de défaite. Pendant
un court instant, j’ai réussi à me rassurer en me disant que le
prisonnier avait surtout agi ainsi par dépit. Après tout, il avait
perdu et il le savait. J’aurais pourtant tout donné pour oublier
notre affrontement silencieux. Mais j’ai beau faire, je ne peux
effacer de ma mémoire le regard de cet inconnu de Nyarubuye,
toujours aussi chargé de haine quatre ans après le génocide.
Et Murambi ? J’y suis retourné à plusieurs reprises depuis
1998. De quelque côté que l’on se tourne une haie vive, sombre
et gigantesque, arrête le regard. Elle semble enserrer et
étouffer le site comme un boa le ferait de sa proie. Au-delà, il
y a sûrement des habitations. J’en suis du moins convaincu,
de manière, je le sens, parfaitement irrationnelle. Des gens
vivent donc encore dans ces maisons, qui ont été témoins de
l’immense panique et des cris de frayeur causés par l’assaut
meurtrier des Interahamwe le 21 avril 1994. Mais existent-telles seulement, ces maisons ? Je me demande parfois si, à force
de les inventer à chacun de mes passages à Murambi, je n’ai pas
fini par les rendre, en quelque sorte, imaginairement réelles.
On le sait : pour les étranges politiciens du Hutu Power, livrer
les cadavres des Tutsi aux chiens et aux vautours était une façon
comme une autre de signer leurs crimes. Murambi a été l’unique
exception à cette règle puisque les corps, d’abord abandonnés
sur place, ont fini par être enterrés pour permettre à Turquoise
d’occuper les lieux. Il est impossible de faire le tour des salles
du site sans être frappé par l’état de conservation quasi parfait
des restes exhumés de ces milliers de Tutsi après la victoire du
FPR. Selon le guide, c’est en raison de la nature argileuse du sol
où on les avait ensevelis qu’ils ne se sont pas démembrés. C’est
aussi ce qui explique leur couleur rougeâtre. Jamais des morts
n’ont paru aussi puissamment expressifs. On reconnaît très
bien les enfants et sous nos yeux se reproduit le dernier geste,
dérisoire et vain, par lequel beaucoup, voyant un Interahamwe
fondre sur eux, avaient essayé d’échapper aux machettes.
A chacun de mes voyages au Rwanda, je suis retourné à Murambi.
Il est devenu un des mémoriaux les plus importants du pays et
une administration s’y est peu à peu mise en place. On est invité
à signer un « Livre d’or » et la visite est organisée selon un rituel
précis. Dans ce qui devait être le réfectoire, les habits maculés
de sang des victimes sont accrochés à des séchoirs. En faisant le
tour des salles, on s’aperçoit que les squelettes, toujours aussi bien
conservés, ne sont plus couleur d’argile. Régulièrement traités à
la chaux depuis des années, ils sont devenus blanchâtres. Dans
une salle, sont disposées les armes blanches qui ont servi au
carnage : marteaux, machettes, gourdins cloutés. On se demande,
effaré : comment des milliers de pères de famille en sont-ils
soudain arrivés à penser qu’il est normal de fracasser des crânes
de nouveaux-nés avec ces gourdins hérissés de clous rouillés ?
Les salles, à une dizaine de mètres du bâtiment central,
sont identiques. Pourtant même si on sait que toutes vont
offrir le même spectacle, on a du mal à ne pas s’arrêter
pendant au moins quelques minutes dans chacune d’elles.
En témoignage de respect. Et aussi parce qu’on espère qu’au
bout du chemin des réponses surgiront de quelque part.
Des réponses à quelles questions ? Elles trottent dans la tête
mais il n’y a pas de mots pour les exprimer. Peut-être s’étonnet-on tout simplement de se trouver tel jour de sa vie en ce lieu
précis et nulle part ailleurs ? Cheminer en silence parmi des
milliers de cadavres est une expérience singulière. Une petite voix
intérieure nous dit confusément qu’elle va bien loin au-delà du
bel alibi du Never again… Cette fascination pour l’horreur, nous
mesurons à quel point elle peut être malsaine et nous aimerions
bien croire que nous la subissons. Mais comment pouvons-nous
être sûrs de ne pas être de vulgaires voyeurs ? Quoi qu’il en soit,
à Murambi le trouble est tel que nos yeux ne savent jamais s’ils
doivent rester fixés sur les cadavres - pour affronter la dure réalité
du mal sur notre terre – ou alors s’en détourner, par pudeur.