Le champagne, d`hier à aujourd`hui

Transcription

Le champagne, d`hier à aujourd`hui
Le champagne
1 Le vin en Champagne avant le vin de Champagne
A Des vins gallo-romains aux vins de la Montagne
Les historiens sʼaccordent aujourdʼhui pour affirmer que ce nʼest pas en lʼhonneur de lʼempereur
Probus quʼa été érigée la Porte de Mars à Reims, mais plutôt en lʼhonneur de Jules César, sur
ordre dʼAgrippa, à la toute fin du premier siècle avant Jésus-Christ. Probus a sans doute
redonné aux autochtones de la Gaule le droit de vinifier, mais il nʼy a pas de preuves que ceux
de la région champenoise en aient profité. Le village, appelé Durocortorum, était alors la capitale
des Rèmes. Le territoire des Rèmes sʼétendait jusquʼà la Belgique actuelle. Ce village allait
devenir la ville des futurs rois de France et le berceau du champagne : Reims.
Si la vigne a été importée dans le sud de la Gaule dès le début du VIe siècle avant Jésus-Christ
par des colons grecs (phocéens), ce nʼest quʼau IIIe siècle que les premiers vignobles se
dessinèrent au nord de la Loire, grâce aux Romains. La Bourgogne et la Moselle furent les
premières régions septentrionales exploitées avant la Champagne, au Ve siècle.
Évêque de Reims entre 459 et 533, saint Rémi a largement contribué, par sa légende et les
miracles qui y sont associés, au prestige du vin de la région. Cependant, selon lʼanalyse des
écrits historiques médiévaux dont la plupart sont apocryphes, la réalité dʼun vin reconnu en
Champagne est à établir au VIIIe siècle.
Lʼordre monastique instauré par saint Benoît, dans la deuxième moitié du VIe siècle, voit
lʼéclosion dʼabbayes en Champagne au début du VIIe siècle. Celles de Saint-Rémi et de SaintPierre à Reims, de Saint-Pierre à Hautvillers, de Saint-Pierre à Châlons, de Saint-Sauveur à
Vertus, de Saint-Basle à Verzy, de Sainte-Marie à Avenay ou de Saint-Pierre- Saint-Paul à
Orbais en témoignent. Dʼautres abbayes se bâtiront au cours des siècles, comme lʼabbaye de
Molesme et celles de Saint-Martin à Épernay, de Notre-Dame à Sézanne ou celles de SaintNicaise et de Saint-Denis à Reims.
Lʼordre cistercien, plus austère que lʼordre bénédictin, voit le jour en 1155 grâce à saint Bernard,
qui crée lʼAbbaye de Clairvaux, héritière spirituelle de Cluny. Quatorze abbayes cisterciennes
seront bâties dans la Marne. Elles contribueront toutes à lʼessor du vignoble champenois.
Les conflits de royaumes et les traités qui en découlent instaurent les premiers découpages de
vignobles, dès le IXe siècle. Lʼexploitation des vignes est déjà partagée et administrée
sérieusement entre villages viticoles, officiellement reconnus par les pouvoirs. Pourtant, les
invasions périodiques de barbares et les nombreuses famines qui parsèmeront la fin du
millénaire enrayeront considérablement la viticulture.
Les comtes de Troyes deviennent Comtes de Champagne, le système féodal se consolide où
clergé – lʼarchevêché de Reims – et noblesse unissent leur pouvoir et leur richesse dans des
causes communes comme les croisades (1095), mais se provoquent et se querellent dans
lʼexploitation des terres. Le paysan exploité, qui est aussi un vigneron, en subit les
conséquences.
La Champagne du Haut Moyen Âge dʼalors nʼest pas reconnue pour son vin, mais pour son
commerce du drap. Pendant trois siècles, le vin local est consommé par la noblesse et sa
commercialisation est difficile en raison dʼun système de transport (fluvial et routier) médiocre et
dangereux. Jusquʼau XIVe siècle, cʼest le commerce du drap entre les Flandres, les Pays-Bas et
la Bourgogne qui fait la renommée de la Champagne. Cʼest au travers du succès de lʼindustrie
du drap et de la dentelle que les vins de quelques villages vont se distinguer. Reims et Châlons
resteront jusquʼau XVe siècle les villages viticoles incontournables de la Champagne. Leurs
courtiers nʼauront de cesse dʼessayer de vendre leurs vins à la cour de France qui boit
essentiellement les vins de Bourgogne et de Paris. Les vins dʼAÿ, de Vertus, de Cumières ou de
Damery sont parfois cités par les poètes, mais leur région dʼorigine nʼest pas encore reconnue,
alors quʼon parle déjà des vins dʼAnjou, de la Loire ou de la Provence.
Du XIIIe siècle au XVIIe siècle, la Champagne, passant aux mains des différentes dynasties
régnantes, est meurtrie par les conflits, les pestes et les famines. Sa production de vin est
artisanale et communautaire, elle souffre périodiquement des vicissitudes de ces changements
et de ces fléaux. Il faut attendre Le Grand Siècle et la centralisation des pouvoirs régnants qui
voit, entre autres, des travaux considérables comme la construction de routes, de voies fluviales
et dʼenceintes fortifiées autour de villes carrefours, pour que la Champagne sʼimpose en tant que
région viticole à part entière. Ses vins sont ceux « de la Rivière » (la Marne) ou « de la
Montagne » (Reims) et les villages, qui autrefois produisaient les meilleurs raisins, deviennent
des références de qualité quʼon inscrit sur les bouteilles.
B La création du vin de Champagne mousseux
À la fin du XVIIe siècle, la Champagne compte de nombreux cépages. Parmi les blancs, on
rencontre essentiellement le Morillon (ou Maurillon), aussi appelé Maubard ou Mauribard, le
Gouest (ou Gouais) blanc, le Meslier et, dans lʼAube actuelle, le Chasselas doré (ou Bar-surAube blanc) et lʼArbanne. Parmi les raisins noirs, le Morillon noir, le Morillon taconné et le
Morillon hâtif sont les plus populaires, car le Gouest (ou Gouais noir) nʼest pas apprécié. Le
Fromenteau ou Frumenteau ou Fromenté, appelé ailleurs Griset, Enfumé, Avernas gris
dʼOrléans ou Burot, est apprécié pour sa couleur et son comportement lors du pressurage. Le
village de Sillery créera sa notoriété grâce à lui.
Jusquʼalors, la vinification est pratiquement la même que dans les autres régions de France, et
la plus concurrentielle pour la Champagne est la Bourgogne, dont les vins rouges sont meilleurs.
Or, si les vins blancs, élaborés avec des raisins verts de la région, sont corrects, on sʼaperçoit
que les vins pâles issus de raisins rouges sont bien meilleurs que tous les autres vins, rouges
ou blancs. On va appeler quelque temps vin gris ce vin blanc élaboré à partir de raisins rouges,
et son succès incitera dʼautres régions à tenter lʼexpérience. Les conducteurs de vignes
comprennent rapidement que les grappes vendangées doivent être intactes et fraîches jusquʼau
pressoir, quʼaucun jus ne doit perler qui nʼaccélère la fermentation. Le chanoine Godinot a laissé
des traités explicites au sujet de la période des vendanges. La notion de fractionnement entre
les vins de cuvée et les vins de taille apparaît à cette époque.
Cependant, le vin blanc de Champagne, qui ne mousse pas encore, est plus fragile et sʼoxyde
facilement dans les fûts de conservation et de transport. La nécessité dʼun contenant étanche
devient primordiale et, vers 1670, on lʼembouteille. Ventrues et instables, les premières
bouteilles sont clissées pour mieux les protéger. Leur qualité très médiocre pousse les
professionnels du vin à des recherches pour améliorer ce nouveau contenant, ainsi que lʼobjet
qui le ferme. La goupille de bois, entourée de chanvre et de suie, nʼest ni fiable ni pratique. Le
liège, quʼon découvre grâce aux moines ibériques, la remplace rapidement. Dès le début du
XVIIIe siècle, une industrie du verre et du bouchon voit ainsi le jour en Champagne.
Procureur de lʼabbaye dʼHauvillers à son arrivée en 1668, Pierre dom Pérignon obtient plus tard
la charge du vignoble et celle de la production des vins. La plupart des hectares de vignes en
Champagne appartiennent alors aux abbayes locales. Le célèbre moine comprend que
lʼassemblage des meilleurs cépages est la base dʼun bon vin. Ces cépages peuvent provenir de
différentes parcelles, mais leurs qualités doivent être complémentaires. Jean Oudart, frère
bénédictin de lʼabbaye de Saint-Pierre-aux-Monts de Châlons, sʼoccupera de vignes à Pierry,
Avize, Cramant, Chouilly et Épernay jusquʼà sa mort en 1742. Cadet de Pierre dom Pérignon,
nous savons quʼils ont travaillé ensemble à lʼamélioration des vins de la région. Dans une lettre
du 13 novembre 1700, Adam Bertin du Rocheret explique au maréchal dʼArtagnan que (« Les
bons vins et plus excellents se vendent 400, 450, 500, 550 livres la queue. Les médiocrement
bons qui sont pourtant bons, se vendent 300 livres, ceux dʼaprès se vendent 150 livres.
Jʼomettais de vous dire que ceux des religieux dʼOviller et de Saint-Pierre sont de 800 et 900
livres. »)
En fait, à la fin du règne de Louis XIV, la Champagne nʼélabore pas officiellement de vin
mousseux, mais ses vins tranquilles sont enfin reconnus parmi les meilleurs du royaume de
France. Ils sont mentionnés dans les écrits des auteurs de lʼépoque, et même lorsque
lʼAngleterre est en guerre contre la France, les Britanniques en sont les plus fervents amateurs.
Ces derniers vont, les premiers, consacrer lʼeffervescence naissante du vin champenois.
Aucune date ne stipule la création du champagne en tant que tel et aucune personne nʼen est le
créateur. Pierre dom Pérignon a contribué à lʼamélioration du champagne en travaillant
essentiellement sur les variétés de cépages à assembler. Il a également utilisé le liège pour
boucher des bouteilles, mais il nʼest pas lʼinventeur du vin effervescent en Champagne. Le
chanoine Godinot, vers 1715, mentionne dans ses registres que lʼon peut consommer du vin
champenois qui mousse, depuis la dernière décennie du XVIIe siècle.
Les Britanniques, premiers négociants en vin de toute sorte et de toute origine, consomment du
vin effervescent depuis bien plus longtemps que les Français, puisquʼune fois quʼils ont acheté
les vins du continent, ils font mousser les vins chez eux, quelle que soit leur provenance
(Champagne, Moselle, Paris, Loire). Dès que le vin a abouti en tonneau dans leurs tavernes,
certaines cuvées de vin blanc ou gris aux origines plus nobles que dʼautres sont essayées à une
mise en bouteilles en vue dʼy voir apparaître de la mousse. En effet, le docteur Merret, à
Londres, sait produire de lʼeffervescence dans les vins tranquilles depuis le milieu du XVIIe
siècle. Il a observé quʼen mettant le vin en bouteille et en y ajoutant du sucre, sʼy développait
avec le temps du gaz carbonique. Il a également observé que la température est lʼun des
facteurs de développement de la mousse, car cʼest plusieurs mois après avoir embouteillé les
vins que des bulles apparaissent, cʼest-à-dire quʼune fermentation a lieu. Des particules en
suspension cohabitent dans les vins avec des bulles inégales et plus ou moins présentes. On
parle alors de vin mousseux, demi-mousse ou sableux pour ces vins qui portent le nom de
villages champenois.
Avant que le terme sablage, au début du XXe siècle, ne désigne lʼadjonction de sucre sur les
parois dʼun verre en vue dʼintensifier lʼeffervescence du vin une fois versé, il désignait le
phénomène dʼapparition des particules dans les bouteilles et, le plus souvent, le constat de
bouteilles floues.
La Champagne étant la plus fraîche des régions viticoles avec un climat identique à celui du sud
de lʼAngleterre, la température des vins achetés par les Britanniques ne variait pas lorsque les
fûts passaient de Reims à Londres. Les levures qui grouillaient toujours dans les tonneaux
voyageurs restaient endormies plus facilement grâce au froid londonien. En se réveillant au
printemps naissant, en raison de la hausse de température, elles se nourrissaient du sucre
résiduel du vin, puis elles mourraient et provoquaient alors lʼapparition du gaz carbonique.
Certains tonneaux débordaient, se fendaient ou explosaient. Cependant, cette deuxième
fermentation nʼétait pas systématique, car des tonneaux contenaient du vin qui avait été
convenablement élaboré, cʼest-à-dire qui avait naturellement terminé ses fermentations. Le vin
restait donc tranquille. Cette deuxième fermentation fut donc éventuelle et surtout inégale
pendant des décennies. Certains négociants anglais désirant voir apparaître de la mousse vont
avoir recours
à la bouteille en tant que contenant, à la suite des constats du docteur Merret.
En chauffant le verre au charbon de bois et en le renforçant au manganèse dès le XVIIe siècle,
les Britanniques créent des bouteilles à la silhouette toujours difforme, mais bien plus solides.
Lʼeffervescence engendrée reste comprimée entre les parois du verre opaque, de couleur noire.
Très vite, ce verre sʼéclaircit, verdoie et devient translucide, ce qui permet dʼy percevoir les
résidus. Les premiers contrôles de qualité de la seconde fermentation naissent grâce à
lʼindustrialisation du métier de verrier et de bouchonnier. En disposant de ces bouteilles
résistantes et de bouchons étanches grâce au liège provenant de comptoirs commerciaux
britanniques en Espagne et au Portugal, les négociants londoniens deviennent les premiers à
maîtriser la pétulance du vin. Le début du XVIIIe siècle marque lʼaccélération des progrès dans
lʼunivers du vin, aussi bien dans la conduite de la vigne et dans la vinification que dans le
conditionnement et la commercialisation. Lʼindustrie du vin de Champagne est lʼun des
principaux moteurs de cette évolution. Dès le règne de Louis XV, des cristalleries françaises se
spécialisent dans lʼélaboration de bouteilles pour le champagne.
Le champagne est finalement une invention collective, issue de lʼouverture dʼesprit de moines
savants, dʼartisans novateurs et de professeurs défricheurs dʼune science à venir, lʼœnologie.
Encouragés par les familles de négociants, ils vont populariser lʼeffervescence dans le vin et
faire du champagne son ambassadeur universel.
2 Le Champagne, empereur des vins effervescents
A Les cépages du champagne
Le vin de Champagne mousseux sous Louis XIV nʼavait pas le même goût que celui
dʼaujourdʼhui. Sa couleur nʼétait pas translucide, il était cinq fois plus sucré, ses saveurs étaient
différentes et son effervescence variait. On ajoutait du sucre de façon systématique avant le
bouchonnage final afin dʼassurer la tenue des arômes et une certaine garantie dʼeffervescence.
Des dizaines de cépages noirs et blancs étaient plantés en Champagne, certains donnaient du
raisin à manger ou à boire, dʼautres donnaient du raisin à moût pour le vin. Jusquʼà la fin du
XVIIIe siècle, les ordres monastiques, propriétaires ou locataires de parcelles, sélectionneront
ceux qui ont les meilleures qualités pour lʼélaboration du champagne. Au XIXe siècle, les maisons
de négoce leur succèderont.
Lʼarbanne, le petit meslier, le pinot blanc et ses variétés (petit blanc, blanc doré, gros blanc,
épinette, beaunois, arboisier), lʼenfumé, le gouais noir, le morillon, le gamay, le chasselas rouge
ou le teinturier étaient les cépages les plus cultivés.
Parmi eux, trois autres cépages, plus résistants et moins grossiers, plus adaptés aux multiples
nécessités de vinification, prendront progressivement leur place : le pinot meunier, le pinot noir
et le chardonnay. Ces trois cépages assemblés vont dessiner la typicité du champagne.
Le pinot meunier confère le bouquet et la rondeur. Le pinot noir apporte des arômes de fruits
rouges, il donne du corps et de la puissance au vin. Le chardonnay offre des arômes floraux,
apporte la finesse, la minéralité et lʼaptitude au lent vieillissement.
Depuis quelques années, les vieux cépages champenois quʼon avait décidé dʼécarter après la
crise phylloxérique, comme lʼarbanne, le fromenteau et le petit meslier, sont à nouveau
exploités. Ils sont parmi les cépages autorisés en Champagne et ils entrent parfois dans les
assemblages des trois cépages dominants pour des cuvées particulières de certaines maisons.
B Le terroir du champagne
Les cépages qui ont été retenus pour créer le goût typique du champagne lʼont été aussi parce
quʼils sʼadaptaient aux facteurs de la combinaison du climat et du sol : le terroir. La Champagne
est à la limite septentrionale de la culture de la vigne, sa température moyenne annuelle est de
10 °C. Or, la vigne ne peut survivre sous cette température. Les zones champenoises où lʼon a
décidé dʼexploiter la vigne sont donc les plus exposées au soleil. À la fois océanique et
continental, le climat champenois se distingue de celui des autres régions viticultrices.
Lʼinfluence océanique apporte régulièrement et suffisamment dʼeau, mais lʼinfluence
continentale engendre des gelées destructrices. Les contrastes thermiques y sont peu élevés
dʼune saison à lʼautre, lʼinsolation moyenne étant à peine de 1650 heures par an ! La région de
Bordeaux, par exemple, dépasse les 2000 heures.
Quant au sous-sol champenois, il est issu dʼun affaissement géologique provoqué il y a
plusieurs millions dʼannées qui a laissé des couches de sédiments particulières. Divers types de
sols sont ainsi apparus et, dans la zone actuelle de la Champagne, le calcaire, la marne, et
surtout la craie ont prédominé. La craie très poreuse caractérise le sous-sol champenois, car
elle est constituée de mollusques fossilisés quʼon appelle bélemnites. Elle forme ainsi un
réservoir dʼeau pour tous les végétaux locaux.
Après maintes observations et études, les Champenois ont planté le chardonnay, le pinot
meunier et le pinot noir dans des zones propices, adaptées aux qualités et aux comportements
de chaque cépage.
On détermine aujourdʼhui 5 aires champenoises : la Vallée de la Marne, la Montagne de Reims,
la Côte des Blancs, la Côte de Sézanne et la Côte des Bar.
Le Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC) explique clairement ce choix :
« Lʼaire de production de la vigne est rigoureusement définie. Elle représente
environ 3 % des superficies consacrées en France à la viticulture.
La Montagne de Reims est un large plateau, à faible relief, qui sʼincline lentement à lʼapproche
des vallées de la Vesle et de lʼArdre au nord, et de la Marne au sud. La vigne couvre
abondamment les flancs de ce plateau. La Vallée de la Marne sʼétend sur une centaine de
kilomètres depuis Saâcy-sur-Marne dans le département de la Seine-et-Marne, jusquʼà Tourssur- Marne au-delà dʼÉpernay. La vigne sʼétale sur les coteaux qui descendent en pentes plus
ou moins douces jusquʼau bord de la rivière ainsi que dans de pittoresques vallons bordant de
part et dʼautre la vallée.
La Côte des Blancs, ainsi appelée parce quʼelle produit presque exclusivement des raisins
blancs, est une couvre abondamment les flancs de ce plateau.
La Vallée de la Marne sʼétend sur une centaine de kilomètres depuis Saâcy- sur-Marne dans le
département de la Seine-et-Marne, jusquʼà Tours-sur-Marne au-delà dʼÉpernay. La vigne sʼétale
sur les coteaux qui descendent en pentes plus ou moins douces jusquʼau bord de la rivière ainsi
que dans de pittoresques vallons bordant de part et dʼautre la vallée.
La Côte des Blancs, ainsi appelée parce quʼelle produit presque exclusivement des raisins
blancs, est une falaise perpendiculaire à la Montagne de Reims et placée au sud dʼÉpernay. Au
sud du département de la Marne, la vigne est visible par intermittence au nord et au sud de
Sézanne. Dans la région de Vitry-le-François, les surfaces plantées restent limitées à quelques
communes.
La Côte des Bar prolonge au sud le secteur vinicole. En dehors de Villenauxe-la-Grande,
continuation de la partie méridionale du vignoble marnais, et de Montgueux, à proximité
immédiate de Troyes, qui ne possèdent que quelques dizaines dʼhectares, les vignes sont
groupées autour de Bar-sur-Seine et de Bar-sur-Aube. À lʼest de cette dernière ville, le
département de la Haute-Marne peut revendiquer lʼexistence de quelques dizaines dʼhectares
de vignes. »
La Côte des Blancs et la Côte de Sézanne sont donc essentiellement plantées de chardonnay.
La Montagne de Reims est plantée de pinot noir.
La Vallée de la Marne est surtout plantée de pinot meunier.
Enfin, la Côte des Bar est propice à la culture du pinot noir.
C Les étapes de lʼélaboration du Champagne
1 - La vendange et le pressurage
La vendange sʼécoule durant deux semaines selon les zones champenoises. Les raisins sont
apportés aux vendangeoirs pour être pressés selon des règlements très précis.
Les pressoirs traditionnels dits de type vertical ne reçoivent que 4 tonnes de raisin. Le jus
pressé sʼécoule latéralement, au travers des lattes. Durant les années 1960 sont apparus des
pressoirs horizontaux – quʼon utilisait déjà dans les autres régions viticoles – constitués de
plateaux et de vis sans fin, ou dʼune membrane pneumatique formant une vessie gonflable. Le
Comité interprofessionnel du vin de Champagne les a officiellement autorisés en 1971, tout en
les faisant adapter aux normes régionales.
Dans les pressoirs traditionnels, carrés ou circulaires, les raisins sont déposés sans les tasser,
puis on forme un dôme qui permettra de mieux répartir les effets de la pression. Une première
serrée, qui nʼexcède pas une pression de 150 kg par centimètre carré, est alors entreprise. On
procède à une retrousse après avoir extrait environ 10 hectolitres (1000 l) de jus : on recentre le
raisin moins pressuré qui est resté en périphérie du pressoir.
Les règlements autorisent trois serrées et deux retrousses pour extraire 20,5 hectolitres (2050 l)
de moût quʼon appelle la cuvée.
La serrée suivante est pratiquée sur les raisins écrasés restant pour obtenir la première taille,
qui donnera 410 litres de jus.
Enfin, une dernière serrée, précédée dʼun dernier taillage (répartition et découpe du marc
restant), donne la deuxième taille, soit 90 litres de jus.
On appelle marc gras ce qui reste de cette deuxième taille. Il est transféré dans un pressoir
cylindrique et vertical, plus petit, quʼon appelle le séchoir. Grâce à lui, on obtient le marc sec, qui
sera utilisé pour faire du marc de champagne (eau de vie).
2 - Élaboration du vin de base
Entre octobre et décembre, on procède à une vinification de vin blanc traditionnel avec une
fermentation alcoolique, puis une fermentation malolactique (laissée au choix du viticulteur).
Les moûts qui proviennent du pressurage sont débourbés : on retire les pellicules, les pépins ou
la terre restée en suspension. On peut procéder par collage, par filtration ou par centrifugation.
Dans le même temps, on pratique un sulfitage qui retarde la fermentation, élimine les ferments
de maladies éventuelles et prévient lʼoxydation.
On déverse finalement ces moûts dans des cuves de fermentation qui peuvent être en acier
émaillé, en inox, en ciment vitrifié ou en bois (foudres ou pièces). La fermentation alcoolique
peut enfin sʼenclencher, mais si le vinificateur juge que le jus nʼest pas assez riche en sucre, il
est autorisé, à ce moment-là précisément, à ajouter de la saccharose pure. On appelle cela la
chaptalisation. Elle doit être considérée avec attention, car elle provoque lʼaugmentation du
degré dʼalcool. Or, le titre dʼalcool maximum étant de 13 degrés pour le champagne, le
vinificateur doit prévoir le contrôle scrupuleux des étapes de vinification suivantes – notamment
la prise de mousse – afin de ne pas dépasser ce titre.
La fermentation malolactique est une phase de correction qui permet de faire chuter lʼacidité du
vin. Elle nʼest pas appliquée par toutes les maisons de champagne, car elle peut gommer la
fraîcheur, la finesse et le potentiel de vieillissement du vin. Il sʼagit en fait de la transformation de
lʼacide malique en acide lactique, par voie bactérienne. Elle suit durant plusieurs jours la
fermentation alcoolique si le vinificateur lʼapplique.
Après cette étape, on obtient un vin tranquille blanc de Champagne non effervescent quʼon peut
commercialiser sous lʼAppellation Coteaux Champenois.
On obtient surtout un vin prêt à devenir du champagne.
3 - Lʼassemblage
Le champagne est avant tout un vin dʼassemblage, car on additionne les cépages, les terroirs,
les crus et les récoltes. Cependant, une maison de champagne peut décider de privilégier un
seul ou plusieurs de ces facteurs. Un champagne issu dʼune seule récolte, dit champagne
millésimé, est généralement élaboré lorsquʼon juge que le cycle végétatif et la vendange dʼune
seule année ont été parfaits. Si une maison possède des parcelles sur un village aux
caractéristiques particulières qui en ont fait un Grand Cru, par exemple, elle peut élaborer une
cuvée issue uniquement de ce cru quʼelle mentionnera sur lʼétiquette de la bouteille. Enfin, une
maison peut élaborer un champagne avec un seul cépage, blanc ou noir. Lʼétiquette
mentionnera alors Blanc de Blancs si le chardonnay est contenu à 100 % dans la bouteille ou
Blanc de Noirs, si le pinot noir ou le pinot meunier est contenu à 100 % dans la bouteille.
Cependant, les caractéristiques du style de vin dʼune marque se refléteront toujours dans son
champagne standard qui, le plus souvent, est un assemblage de tous ces facteurs.
Le travail est donc complexe pour le chef de cave, entouré de son équipe dʼexperts, car il doit
aussi respecter le style de vin de la maison, établi selon la tradition. 15
Cʼest à partir du mois de janvier quʼon assemble les vins, cʼest-à-dire que le chef de cave et son
équipe goûtent les vins dits clairs, les vins de la dernière récolte, issus de différents cépages et
de différents villages. Cette période peut sʼétaler jusquʼau printemps. Chaque semaine, on goûte
des échantillons de vin pour établir la cuvée. Une fois quʼelle est décidée, on assemble les vins
qui lʼont constituée dans dʼénormes foudres ou des cuves dʼacier inoxydable.
Une partie des nombreux vins qui ne serviront pas à lʼélaboration de la cuvée va engendrer ce
quʼon appelle les vins de réserve, car ils vont vieillir en fût ou en cuve durant plusieurs années.
Chacun dʼeux peut être utilisé par le chef de cave, en addition au vin de la cuvée, selon une
quantité de son choix qui peut atteindre jusquʼà 40 % de lʼassemblage. Cet apport permet
dʼarrondir le vin de lʼannée, dʼaméliorer sa maturation et enfin, dʼassurer un goût propre à la
maison de champagne, donc son style. Lʼaddition de vins de réserve engendre évidemment un
champagne non millésimé.
Lorsque la période de lʼassemblage a été complétée, on procède à la phase du tirage
quʼon peut aussi appeler la champagnisation du vin.
4 - Le tirage
Le terme tirage désigne lʼensemble des opérations de mise en bouteille du vin tranquille obtenu
à lʼissue du premier cycle de vinification. Elle amorce la fameuse prise de mousse qui sʼillustre
par lʼapparition du gaz carbonique et quʼon appelle la seconde fermentation.
On ajoute au vin élaboré dans les cuves un mélange dʼadjuvants de remuage, des ferments, du
vin et du sucre candi quʼon appelle liqueur de tirage, puis on lʼembouteille. Cʼest donc dans les
bouteilles que le vin deviendra effervescent. Cette opération est aujourdʼhui automatisée sur des
chaînes électriques à grande cadence. Les bouteilles sont bouchées provisoirement avec une
capsule couronne munie dʼun opercule en polyéthylène creux quʼon appelle « bidule ». Il garantit
lʼétanchéité à lʼair et à la pression tout en servant de réceptacle au dépôt de levures qui se
formera dans la bouteille. Cʼest donc dans cette dernière que sera commercialisé le champagne
car, à partir de cette étape, le vin ne changera plus de contenant.
Le champagne doit toujours être commercialisé dans les flacons qui ont subi la seconde
fermentation, cʼest-à-dire ceux dʼune contenance de 75 cl ou 1,5 l. Les autres formats de
bouteilles reçoivent le vin par soutirage.
Autrefois, le bouchon du tirage était en liège comme le bouchon du dosage, cʼest-à-dire comme
celui de la phase finale dʼembouteillage. Il était maintenu par une agrafe métallique crochetée à
la bague du goulot. Plus solide et plus fiable que la ficelle, ce système facilitait également le
moment du dégorgement. La capsule-couronne expérimentée dans les années 1950 lʼoccultera
définitivement, car elle se pose facilement, elle est hermétique, elle ne sʼarrache pas et
finalement, elle se retire bien plus facilement. Certaines cuvées de prestige sont par ailleurs
bouchées aujourdʼhui avec un bouchon à agrafe qui, sur un plan uniquement « marketing »,
apporte un aspect authentique et original.
5 - Lʼélevage et le remuage
La Champagne dispose de caves naturelles crayeuses et de caves en briques, construites au fil
des siècles, qui permettent à ses vins dʼêtre stockés dans un environnement idéal, à une
température et une hygrométrie adéquates constantes, et à lʼabri de la lumière. Les bouteilles y
sont donc descendues pour le processus de la seconde fermentation. Dans chacune dʼelles, les
levures se nourrissent du sucre du vin, provoquent une élévation de lʼalcool de 1,2 à 1,3 degré
et développent du gaz carbonique (6kg/cm2). Cette prise de mousse est cruciale, car elle
détermine la qualité de lʼeffervescence finale. Elle doit être lente pour que les bulles soient fines,
régulières et persistantes, et que la mousse soit crémeuse et durable. Les bouteilles sont mises
sur lattes (« entreillage ») : elles sont superposées par centaines au creux de niches construites
dans les caves. Cette période de prise de mousse peut durer 10 mois. Les levures meurent pour
se transformer en lies et provoquer alors une phase dʼautolyse : elles enrichissent le vin en
acides aminés et en protéines grâce à leur suspension.
Lʼélevage du vin doit être de 15 mois pour un champagne non millésimé et il doit être de 3 ans
pour un champagne millésimé. En général, toutes les maisons accentuent cette obligation. Les
cuvées classiques restent couchées de 18 mois à 24 mois, les cuvées millésimées peuvent
rester sur lattes jusquʼà 8 années et les cuvées de prestige peuvent passer plus de 10 années
sous terre avant leur commercialisation !
Le remuage consiste à clarifier le vin par rotation des bouteilles qui, quelques mois avant la date
de commercialisation décidée, sont inclinées. Cette opération est progressive. Autrefois, toutes
les bouteilles étaient entreposées sur un pupitre (chevalet de bois), à lʼenvers, le goulot vers le
sol. Cʼest ainsi quʼon rassemblait le dépôt dans le col de la bouteille dans le but de lʼexpulser
plus tard et dʼéviter que le vin soit flou. Une per- sonne appelée « remueur » était chargée de
tourner chaque bouteille afin que le dépôt se décolle uniformément de la paroi interne du verre
et gagne le col. Au fil des semaines, le remueur redressait peu à peu les bouteilles pour les
amener à la verticale, soit sur « pointe », tête en bas. Si certaines cuvées spéciales ou de
prestige sont encore manipulées de la sorte, la majorité des maisons de champagne utilise
aujourdʼhui un système plus rapide et plus confortable : le gyropalette, un énorme casier
métallique motorisé et programmable informatiquement, provoquant une rotation et un
relèvement régulier des bouteilles qui y sont déposées. Un pupitre peut supporter 120 bouteilles,
tandis quʼun gyropalette a une capacité moyenne, selon les modèles, de 500 bouteilles. Le
succès du champagne et lʼaugmentation de sa production au cours des vingt dernières années
ont évidemment systématisé lʼusage du gyropalette, puisquʼil a permis de multiplier par
cinquante la capacité de « remuage ».
Le « dépointage » consiste à récupérer les bouteilles après le remuage pour les stocker la
pointe toujours dirigée vers le sol, chaque goulot étant calé dans le culot de la bouteille
inférieure, formant ainsi ce quʼon appelle une « masse » – un entassement ingénieux de milliers
de bouteilles – qui attend le « dégorgement ».
6 - Le dégorgement et le dosage
Le « dégorgement » est lʼexpulsion du dépôt accumulé dans le col de la bouteille. Il y a deux
façons de procéder : « à la volée » comme autrefois, ou « à la glace » selon une technique
moderne mécanisée et rapide dont le principe fut créé à la fin du XIXe siècle, puis amélioré. Dans
le premier cas, il sʼagit dʼune manipulation humaine qui demande une grande dextérité. En
prenant soin de toujours la laisser à la verticale, le goulot vers le bas, la bouteille est placée sur
lʼun des avant-bras du « dégorgeur », lʼouvrier expert en la matière, le culot coincé dans le creux
de son bras. De lʼautre main, il emprisonne la capsule-couronne avec une pince à dégorger – clé
à décapsuler – et, tout en relevant rapidement la bouteille, il arrache la capsule. Cette opération
où tout est simultané est complexe et délicate, car le dégorgeur doit observer la bulle de gaz
carbonique qui grimpe vers le dépôt au moment du basculement de la bouteille, de lʼarrachage
de la capsule et de lʼextraction du dépôt. Dans une fraction de secondes le dégorgeur obture le
goulot de la bouteille avec son pouce, dès que le dépôt a été éjecté par la pression. Il peut alors
contrôler la limpidité du vin et le humer pour vérifier son odeur.
Dans le deuxième cas, on aura pris soin de congeler le dépôt figé dans le col de la bouteille,
grâce à un bain de saumure réfrigérée, avant de lʼexpulser. Des centaines de bouteilles
retournées à la verticale circulent à la chaîne et passent dans un bac réfrigérant de saumure (25 °C) dont le niveau est adapté à la hauteur des cols de bouteilles. Le dépôt contenu dans
chacune fige alors en un bouchon de glace. Cette congélation dure quelques minutes, puis les
bouteilles sont retournées et décapsulées simultanément grâce à un système mécanisé. La
pression expulse à la fois la capsule, le bidule et le dépôt congelé.
On procède alors au dosage du vin, cʼest-à-dire à lʼaddition dʼune « liqueur dʼexpédition » (ou «
liqueur de dosage ») qui va déterminer la catégorie de champagne et combler le vide laissé par
le dégorgement.
La liqueur est constituée de sucre pur et de vieux vin de Champagne, dʼau moins deux ans
dʼâge. Le taux de sucre de chaque liqueur utilisée détermine la catégorie qui va dʼextra-brut à
doux. Cʼest une doseuse automatique qui la distribue sur la chaîne de bouteilles.
Pour les vins qui ne sont pas dosés, on ajoute du vin de Champagne sans sucre de canne.
Lʼétape du bouchage et du museletage suit simultanément celle du dosage, car le gaz
carbonique du vin ne doit pas être en contact, ou le moins longtemps possible, avec lʼoxygène.
7 - Le bouchage et le museletage
La particularité formelle dʼun bouchon de champagne extirpé dʼune bouteille est due à la
pression quʼil a subie dans son rôle dʼobturateur. Il doit évidemment être étanche et facile à
retirer, sans occasionner dʼincident. Sa fabrication, sa hauteur et son diamètre, qui ont évolué au
fil des siècles, furent conjoints à lʼévolution de la qualité des bouteilles et aux recherches sur le
phénomène de la fermentation. Aujourdʼhui, le bouchon à champagne doit supporter une
pression de lʼordre de 5 à 6 kg/cm2. Il est fait de liège aggloméré dans sa partie supérieure et sa
base est constituée de 2 ou 3 rondelles de 6 mm superposées. Ces dernières forment la partie
qui est au contact du vin. Le terme « Champagne » doit toujours apparaître sur le bouchon. Si le
vin est issu dʼune seule récolte, lʼinscription du millésime est obligatoire. En souvenir dʼune
période de vendanges particulièrement faste en 1811, année du passage dʼune comète, certains
producteurs champenois ont pris lʼhabitude de faire marquer le dessin dʼune étoile à flammèches
sur leurs bouchons. Si leur introduction dans les cols de bouteille fut aussi lʼobjet de plusieurs
essais de machines pendant 150 ans, le défi majeur fut de trouver le moyen quʼils nʼen sortent
plus une fois bloqués. Lʼinvention du muselet en 1844 par Adolphe Jacquesson va assurer ce
maintien.
Pour la phase dʼélevage, les bouchons dits de tirage, introduits plus profondément dans le col
des bouteilles que les bouchons dits de dosage ou dʼexpédition, étaient maintenus par une
ficelle liée à la bague du goulot. Cette opération avait lieu avant la descente en cave des
bouteilles. Obscures et humides, les caves et leurs niches étaient le repère de rongeurs qui
rognaient régulièrement le lien humecté par le liquide sucré qui perlait des bouteilles couchées
ou relevées.
Le champagne de cette époque étant considérablement plus sucré que celui dʼaujourdʼhui, les
bouchons pouvaient coller à la paroi du col, mais de nombreuses archives indiquent que la
plupart dʼentre eux glissaient tout de même facilement. La pression non contrôlée qui sʼexerçait
dans les flacons les faisait sauter malgré tout, et dʼautant plus facilement lorsquʼun rongeur avait
défait les liens qui les maintenaient. Un bouchon dʼexpédition nʼétait pas autant enfoncé dans le
col dʼune bouteille quʼun bouchon de tirage. Il fallait pouvoir lʼextirper plus facilement au moment
de la consommation du vin.
Adolphe Jacquesson était très créatif. Après avoir innové en plantant des ceps de vigne en ligne
quand tout le monde les plantait encore en foule, il trouva le moyen de créer de la lumière dans
les couloirs souterrains des caves. En effet, comme on entreposait les bouteilles à la lumière
des bougies ou des lampes à huile – car lʼélectricité nʼavait toujours pas été apportée sous terre
– il eut lʼidée de placer des plaques de fer contre les murs qui recevaient la lumière du jour des
crayères ou des galeries. Lʼinstallation de lʼéclairage électrique dans les premières caves força
son ingéniosité et Adolphe Jacquesson eut lʼidée de récupérer ces plaques, de les découper et
dʼen faire des chapeaux de protection à bouchon maintenu par les ficelles de chanvre ! Deux
ans plus tard, les ficelles furent remplacées par deux agrafes métalliques entrecroisées.
Ce rempart contre la pression du gaz dʼun côté et les dents de rongeurs de lʼautre sera
systématiquement utilisé dès la fin du XIXe siècle. Sa forme, son matériau et son application
seront améliorés au fil des décennies, après quʼAdolphe Jacquesson eut déposé son brevet en
1844.
Le muselet (fils métalliques torsadés et plaque dʼaluminium) supplanta complètement lʼagrafe et
la ficelle sur les bouchons de dosage, après la Première Guerre mondiale.
Très vite, les maisons de champagne utilisèrent la plaque comme objet décoratif en y apposant
leur logo ou un motif symbolique, distinguant leur identité et favorisant leur repérage. Ainsi est
née la placomusophilie, lʼart de collectionner les plaques de muselet. Il est aujourdʼhui posé de
façon automatique par un système pneumatique appelé « museleteuse » qui, sur une chaîne
dʼembouteillage, précède le piquetage et le mirage.
8 - Le piquetage et le mirage
Le piquetage est une simple agitation des bouteilles dont le but est de faire en sorte que le vin et
la liqueur de dosage soient convenablement mélangés. Elles sont retournées automatiquement
par le même système. On appelait autrefois cette opération « le poignettage », car elle était faite
par les ouvriers, à la main. Au bout de la chaîne, une personne attend les bouteilles afin quʼelles
soient finalement « mirées » : on vérifie quʼaucun dépôt ne trouble le vin.
Les bouteilles sont alors descendues en cave pour un stockage final qui durera environ un
trimestre, avant leur habillage, cʼest-à-dire la pose de lʼétiquette, de la coiffe et dʼune éventuelle
collerette. Lʼétiquette mentionne neuf indications obligatoires depuis 1979.
D - Les Crus de Champagne
En Champagne, c’était une cotation (en pourcentage) qui fixait le prix du raisin que le négociant
achetait et achète toujours au vigneron. Une échelle des crus avait été instaurée à la suite des
émeutes et des batailles juridiques qui précédèrent la Première Guerre mondiale, afin de
protéger les intérêts des deux professions. En fonction de l’histoire, de la qualité du terroir et du
raisin, les villages de Champagne étaient classés entre 80 et 100%.
Celle-ci a évolué au cours du XXe siècle, puisqu’en 1911 elle allait de 22,55 à 100 %. Des
reclassements ont été apportés en 1920, en 1941 et en 1985, à la suite de revalorisations des
communes dont les méthodes de culture du raisin s’étaient améliorées.
Le principe était simple : on établissait la valeur du kilogramme de raisin dans les crus classés à
100 %, puis celle-ci servait de référence pour déterminer le prix du kilogramme de raisin dans
les autres crus. En outre, cette échelle tenait compte de la couleur du raisin, le classement du
raisin noir pouvait donc varier par rapport à celui du raisin blanc sur une même commune.
Toutefois, depuis que l’Union européenne a interdit la fixation du prix du kilo de raisin, l’échelle
des crus n’a plus cours en Champagne depuis 2003, mais tenant compte des usages locaux,
loyaux et constants, le cahier des charges de l’appellation Champagne a conservé les
dénominations « grand cru » pour 17 villages et « premier cru » pour 42 villages. Il n’y a plus de
référence à la couleur des raisins (ainsi Tours-sur-Marne qui était « grand cru » pour ses raisins
noirs et « premier cru » pour ses raisins blancs, est désormais uniquement dans la catégorie
« grand cru ». De même que Chouilly, qui était « grand cru » pour ses raisins blancs et
« premier cru » pour ses raisins noirs, reste également une « grand cru ».
Aujourd’hui, la champagne viticole compte 319 communes répertoriées et classées. Les grands
crus et les premiers crus occupent environ un tiers de la surface totale de la Champagne
viticole.
Un propriétaire peut posséder des vignes sur tous les crus, toutefois, s’il mentionne « grand
cru » sur ses étiquettes, il faut obligatoirement que le contenu de la bouteille soit issu à 100% de
vignes classées « grand cru » et s’il mentionne « premier cru », le contenu de la bouteille devra
être issu à 100% de vignes classées « premier cru ».
La dénomination Premier Cru est plus utilisée que la dénomination Grand Cru.
17 Grands Crus : Ambonnay, Avize, Aÿ, Beaumont-sur-Vesle, Bouzy, Chouilly, Cramant,
Louvois, Mailly-Champagne, Le Mesnil-sur-Oger, Oger, Oiry, Puisieulx, Sillery, Tours-sur-Marne,
Verzenay et Verzy.
42 Premiers Crus : Avenay, Bergères-les-Vertus, Bezannes, Billy le Grand, Bisseuil, Chamery,
Champillon, Chigny les Roses, Coligny, Cormontreuil, Coulommes la Montagne, Cuis,
Cumières, Dizy, Ecueil, Etrechy, Grauves, Hautvillers, Jouy les Reims, Les Mesneux, Ludes,
Mareuil sur Aÿ, Montbré, Mutigny, Pargny les Reims, Pierry, Rilly la Montagne, Sacy, Sermiers,
Taissy, Tauxières-Mutry, Trépail, Trois Puits, Vaudemanges, Vertus, Villedommange, Villeneuve
Renneville, Villers Allerand, Villers-aux-Noeuds, Villers-Marmery, Voipreux, Vrigny
E - L'étiquette de champagne
Depuis 1979, une étiquette de champagne mentionne neuf indications obligatoires:
- la mention Champagne, sans la formule « Appellation d'origine contrôlée », car il n'y a de
champagne qu'en Champagne;
- la marque (qui est la dénomination originale de chaque maison);
- la teneur en sucre résiduel, c'est-à-dire la catégorie du vin: extra-brut, brut nature, brut, extra
dry, sec, demi-sec ou doux;
- le volume nominal énoncé en centilitres ou en millilitres;
- le titre alcoométrique acquis, exprimé en pourcentage, lequel varie entre 10° vol. et 13° vol.
maximum;
- le nom et le prénom de l'élaborateur ou la dénomination sociale de l'entreprise, en toutes
lettres ou en code, précédés de l'expression « élaboré par » ou « élaborateur »;
- la commune d'élaboration, c'est-à-dire le territoire sur lequel l'élaboration a été réalisée. Cette
indication doit apparaître à la suite du nom ou de la raison sociale. Lorsque la mention de
l'élaborateur est effectuée à l'aide d'un code, le nom de la commune est également codé
- le pays d'origine (Produit de France);
- l'immatriculation professionnelle attribuée par le Comité interprofessionnel du vin de
Champagne (CIVC) à chaque élaborateur, pour chacune des marques utilisées. Cette
immatriculation comporte une suite de petits chiffres précédés de deux initiales indiquant le
statut de celui qui élabore et commercialise le vin.
F - Statut professionnel des producteurs de champagne
RM (récoltant-manipulant): il sʼagit dʼune bouteille élaborée par un vigneron qui a cultivé,
vendangé, vinifié et commercialisé lui-même sa production.
RC (récoltant-coopérateur): il sʼagit dʼune bouteille provenant dʼun vigneron qui a confié à une
coopérative le soin de préparer son vin. Elle vinifie et embouteille le vin avant de le rétrocéder au
vigneron, qui y appose son nom.
NM (négociant-manipulant): il sʼagit dʼune bouteille provenant dʼune maison de champagne qui
peut posséder des hectares de vignes, mais qui complète ses approvisionnements auprès de
viti- culteurs et de coopératives. En général, toutes les étapes de lʼélaboration du champagne
sont con- trôlées par le négociant-manipulant.
CM (coopérative manipulante): il sʼagit dʼune bouteille dont le champagne a été élaboré avec les
raisins de vignerons ayant adhéré à une coopérative. Le champagne sera vendu sous le nom
éponyme de la coopérative ou sous une marque créée.
MA (marque auxiliaire): il sʼagit dʼune bouteille dont le champagne a été élaboré par un
négociant ou une coopérative et qui est acheté par un distributeur (le plus souvent une grande
surface com- merciale), qui le revend sous sa propre marque.
G - Les noms et les contenances de bouteilles de champagne
La bouteille de champagne traditionnelle a une contenance de 75 cl. Seuls la demi-bouteille, la
bouteille et le magnum sont utilisés pour lʼélevage du vin, cʼest-à-dire durant la phase de
seconde fermentation. Les autres formats, plus modestes ou plus volumineux, sont remplis avec
du vin déjà élaboré. Par ailleurs, certaines maisons se permettent dʼélever leurs vins dans le
format dit jéroboam quʼelles commercialisent pour des occasions spéciales.
• le huitième : 9,4 cl (inusité)
• le quart : 18,7 ou 20 cl (utilisé surtout par les compagnies aériennes et maritimes)
• le demi:37,5cl
• le médium : 60 cl (inusité)
• la bouteille : 75 cl
• le magnum : 1,5 l (2 bouteilles)
• le jéroboam : 3 l (4 bouteilles)
• le réhoboam : 4,5 l (6 bouteilles)
• le mathusalem : 6 l (8 bouteilles)
• le salmanazar : 9 l (12 bouteilles)
• le balthazar : 12 l (16 bouteilles)
• le nabuchodonosor : 15 l (20 bouteilles)
• le Salomon : 18 l (24 bouteilles)
• le souverain : 26,25 l (35 bouteilles)
• le primat : 27 l (36 bouteilles)
• le melchisédec : 30 l (40 bouteilles). Ce flacon pèse 54 kg lorsquʼil est plein.
H – Les catégories de champagne et leur teneur en sucre*
CHAMPAGNE EXTRA BRUT : entre 0 et 6 g/l**
CHAMPAGNE BRUT : inférieur à 12 g/l
CHAMPAGNE EXTRA DRY : entre 12 et 17 g/l
CHAMPAGNE SEC : entre 17 et 32 g/l
CHAMPAGNE DEMI-SEC : entre 32 et 50 g/l
CHAMPAGNE DOUX : supérieur à 50 g/l
*Notez que ces catégories sont valables pour tous les vins effervescents des pays viticoles issus
de la Communauté européenne depuis 2010.
**Si le vin contient moins de 3 gr de sucre, les mentions Nature ou Zéro Dosage sont autorisées.