L`hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN)

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L`hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN)
DOSSIER
L’hémoglobinurie
paroxystique
nocturne
(HPN)
Propos recueillis par Maïa Amri
Entretien avec la professeure Nadia Boudjerra,
chef de service en hématologie au CHU de Béni Messous.
Santé Mag: Pourriez-vous nous définir,
en peu de mots, l’hémoglobinurie
paroxystique nocturne (HPN) ?
Pre Nadia Boudjerra: C’est une maladie
bénigne et en même temps grave,
car, elle entraîne des complications
majeures.
Elle est due à une atteinte de la cellule
souche, au niveau de la moelle, c'est-àdire, la première cellule qui va donner
naissance à tous les éléments figurés au
niveau du sang.
Donc, c’est une mutation acquise, au
niveau de la cellule souche, qui va
entraîner un déficit d’un ancrage, c'est
à dire, les protéines, qui vont essayer de
lutter contre la destruction des globules
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rouges, qui est liée au complexe majeur
au complément. Il y a des protéines qui
permettent d’éviter que le complément
soit attaqué. Ces protéines se trouvent
au niveau de la membrane des cellules
sanguines et comme il y a un déficit de
ces protéines lié à un déficit d'ancrage,
c'est-à-dire, comme l’ancre d’un bateau,
il n'y aura plus de possibilités pour ces
protéines de se fixer au niveau de la
membrane et donc, elles ne pourront
plus protéger les cellules, contre l’action
lytique du complément, ce qui fait que
les globules rouges vont être détruits,
entraînant une hémolyse.
Il y a, aussi, une association avec une
atteinte au niveau de la moelle, car, il va
y avoir une aplasie médullaire.
Comme il y a ce clone de cellules qui sont
mutées, il va y avoir un environnement
au niveau de la moelle qui sera en faveur,
justement, d’une aplasie médullaire. De
ce fait, cette destruction des globules
rouges et cette aplasie médullaire
vont donner des signes cliniques de
l’hémoglobinurie paroxystique nocturne.
Quel est le traitement de cette maladie?
Le tableau clinique étant variable, il
peut y avoir une aplasie médullaire, une
hémolyse, une thrombose et il peut y
avoir aussi un déficit d’une seule lignée.
C'est ce qu’on appelle les cytopénies.
Les traitements dépendent du tableau
clinique que va présenter le malade.
Il peut présenter un tableau d’aplasie
médullaire et donc le traitement c’est
souvent: Les immunosuppresseurs, les
androgènes et la greffe de moelle dans
les cas sévères.
Il peut présenter une forme hémolytique
et dans ce cas, les corticoïdes peuvent
être donnés dans un premier temps, mais,
dans cette forme, c’est l’Eculizumab
qui est le meilleur traitement, car, il
permet de bloquer la destruction des
globules rouges. La suite dépendra
de l’hémolyse, si elle est importante,
ou non, car, l’Eculizumab est indiqué
dans ces formes, notamment, quand le
taux de LDH est élevé. Il y a des formes
cytopéniques qui peuvent répondre,
également aux immunosuppresseurs.
Il y a les formes thrombotiques et elles
sont, généralement, la complication
grave de la maladie et ce sont celles qui
sont à l’origine des décès des malades.
Dans les formes thrombotiques, là aussi,
le traitement par l’Eculizumab est
indiqué, car, la greffe de moelle, d’après
les toutes récentes publications n’est pas
efficace dans les formes thrombotiques
DOSSIER
Entretien avec le professeur Hocine Ait-Ali,
chef de service d’hématologie au CHU de Tizi-Ouzou.
Santé Mag: Comment défineriez-vous l'HPN et quels sont les moyens de son
diagnostic ?
Pr Hocine Ait-Ali: Il y a plusieurs moyens de diagnostic de l’hémoglobinurie
paroxystique nocturne. En général, c’est une hémolyse chronique d’un malade, qui
vient avec des douleurs de ventre, de la fatigue et un ictère.
Existe-t-il une population à risque?
Non, car c’est une maladie acquise. Elle peut apparaître à tout âge et la moyenne
d’âge est située entre la trentaine et la quarantaine.
Quelles sont les complications de la maladie?
Les principales complications sont la thrombose et l’insuffisance rénale. Elles sont
les causes principales du décès du malade
Entretien avec le professeur Nourddine Sidi Mansour,
chef de service d’hématologie au CHU de Constantine.
très certainement sous-estimée et il
doit y avoir beaucoup plus de cas que
ça ne l’est actuellement.
On est en train de finaliser le projet,
car, au niveau de la Société algérienne
d’hématologie et de transfusion
sanguine, nous avons créé un groupe
spécialisé dans cette pathologie et nous
avons fait une réunion, où on a mis en
place les prémices de ce registre, qui
sera très prochainement présenté au
ministère de la Santé, pour validation.
Santé Mag: Existe-il des données
épidémiologiques en Algérie de cette
maladie?
Pr Nourddine Sidi Mansour: Des
données exactes, non, mais, on vient
de faire récemment un recensement
des patients et on a retrouvé 85
patients atteints de cette pathologie
rare, au niveau national et qui sont
hospitalisés dans les différents services
d’hématologie des CHU.
Nous comptons, très probablement,
lancer un registre de cette maladie, avec
le laboratoire Alexion et le ministère de
la Santé.
C’est un laboratoire qui va essayer de
mettre à notre disposition les moyens
et l’environnement nécessaires, pour
l’élaboration de cet important registre,
car, c’est lui qui va nous donner la
physionomie de cette maladie en
Algérie, laquelle est très méconnue et
Comment
évaluez-vous
cette
rencontre scientifique organisée par
les laboratoires Alexion?
C’est une rencontre très positive, car
il est toujours important de réunir les
experts et parler autour d’une maladie,
qui touche les patients algériens. Elle
va nous permettre, également, de faire
un algorithme pour le traitement de ces
patients, car, ils ont plusieurs étiologies
donc plusieurs types de traitements et
c’est à nous de les définir et les mettre
en place.
Si on vous disait l’hémoglobinurie
paroxystique nocturne, que diriezvous, spontanément?
Faites attention aux décès ! Ce sont des
malades qui peuvent mourir tout de
suite et ce qu’on peut dire, également,
est qu’il faut la diagnostiquer et il faut
mettre les moyens.
Elle est mal diagnostiquée pour deux
raisons:
La première, par la méconnaissance
de la maladie. Il faut sensibiliser le
personnel médical à rechercher les
symptômes cliniques qui sont simples
et à faire les examens biologiques qui
sont importants, afin de diagnostiquer
cette maladie et permettre aux patients
de pouvoir être traités, car, il ne faut
pas oublier que c’est une maladie, dans
la plupart des cas bénigne, si elle est
traitée et le traitement peut donner aux
patients une vie tout à fait normale.
Mais, si, malheureusement, le malade
n’est pas traité, il aura des complications
multi-organiques qui peuvent entraîner
le décès, à plus au moins long terme.
La deuxième, par l’indisponibilité des
réactifs et c’est pour cette raison que
notre deuxième projet actuel, après
celui du registre, est de sensibiliser
les autorités sanitaires pour qu’elles
mettent à notre disposition les réactifs
nécessaires, afin de mettre en évidence
cette maladie, d’autant que presque
tous les CHU possèdent les moyens
humains et matériels, afin de faire le
diagnostic.
On est bloqué, actuellement, par
l’indisponibilité des réactifs et on ne
comprend pas pourquoi ces réactifs
sont indisponibles en Algérie.
Ce ne sont pas des réactifs qui coûtent
excessivement chers et ce sont des
diagnostics qu’on peut faire en Algérie.
Actuellement, on est obligé d’envoyer
les prélèvements dans les différents
centres en Europe, alors qu’ils peuvent
se faire, facilement, en Algérie, pour
peu qu’il y ait cette disponibilité
régulière des réactifs
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DOSSIER
Entretien avec le professeur Salah-Eddine Belakehal,
chef de service d’hématologie à l’hôpital Ain-Naâja, vice-président de la
Société algérienne d’hématologie et Coordinateur national de cytométrie.
L’hémoglobinurie paroxystique nocturne pose un double problème en Algérie, sur les
plans diagnostic et thérapeutique.
Dans les formes hémolytiques et dans les formes thrombotiques, il y a l’indication d’un
traitement qu’on appelle l’Eculizumab, qui permet de bloquer la cascade
de complément. Le traitement procure aux malades traités une qualité de vie meilleure.
Elles ne sont plus fatiguées et n’ont plus d’anémie. Elles ne sont plus transfusées et n’ont
plus d’hémolyse et plus de thromboses. Le seul inconvénient de cette molécule est son
coût, qui est très élevé. C’est un traitement continu, car, c’est une maladie chronique.
Existe-il des données épidémiologiques en Algérie de cette maladie?
Justement, on en a discuté et fait une première approche épidémiologique ence qui
concerne les cas d’HPN, en Algérie. Il y a une sous-estimation, car, on n’a pas pu recenser
tous les cas.
Il y a ceux qui sont suivis, en majorité dans les services d’hématologie, certains cas sont suivis au niveau des services de néphrologie
et d’autres dans les services de gastrologie, voire, en médecine interne.
Alors, on a discuté, afin de mettre en place un registre national, qui va permettre de regrouper tous les cas d’HPN, au niveau national.
Aussi, peut-être qu’il y aura un ou deux centres d’excellences qui vont faire le diagnostic des clones HPN en Algérie.
C’est une proposition qui sera soumise au ministère de la Santé, afin de mettre en place au moins deux centres d’excellence pour le
diagnostic et la prise en charge des clones HPN.
Comment évaluez-vous cette rencontre scientifique organisée par les laboratoires Alexion?
Elle est très positive. Je remercie les laboratoires Alexion. Ils ont contribué à aider le groupe algérien de cytométrie et également
certains services par leur apport en réactifs et des formations.
Aussi, on a convenu de l’organisation de trois réunions au niveau national dédiées au diagnostic de cette maladie et deux réunions
internationales
Entretien avec le professeur Mohamed Salim Nekkal,
chef de service hématologie au CHU Béni-Messous.
Santé Mag: Comment évaluez-vous cette rencontre scientifique organisée par les
laboratoires Alexion?
Pr Mohamed Salim Nekkal: On devrait multiplier ce genre de rencontres. Notre
Société algérienne d’hématologie s’intéresse, de plus en plus, à ce type de maladie.
D’ailleurs, on est tiré vers le haut, car, on s’intéresse à des maladies rares et graves.
Pour les plus jeunes d’entre nous, c’est un excellent exercice, car, aujourd’hui, ce
n’est pas de la théorie. On parle de nos malades et en même temps, ce sont des
réunions de groupes, dont le but principal est d’homogénéiser et d’uniformiser la
prise en charge de cette maladie, à l’échelle nationale.
Quels sont les symptômes de cette maladie ?
Il y a deux types de symptômes auxquels il faut penser: soit, ce sont des urines
rouges, ce qui veut dire qu’on a du sang dans les urines, soit, dans la deuxième
forme, la maladie s'exprime par des manifestations thrombotiques, mais, celles-ci
peuvent être minimes, comme des douleurs au niveau du ventre ou des pieds
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