MENOPAUSE

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MENOPAUSE
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MENOPAUSE
Définition, aspect épidémiologique, diagnostic, conséquences et principe du traitement.
Professeur JJ Baldauf
L’augmentation de l’espérance de vie des femmes a fait de la ménopause et de ses
conséquences une préoccupation médicale majeure. Les répercussions fonctionnelles des
troubles induits par la carence hormonale sont multiples et s’expliquent par le caractère quasi
ubiquitaire des récepteurs aux œstrogènes dans l’organisme féminin.
I. DEFINITION
La ménopause est définie par l’arrêt définitif des menstruations dû à la perte de
l’activité folliculaire ovarienne. Dans les premières années de la ménopause, il peut exister
des reviviscences de sécrétions œstrogénique quelquefois responsables de métrorragies.
II. DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
En France, actuellement, plus de 400.000 femmes atteignent la ménopause chaque
année, en moyenne à l’âge de 50 ans. L’âge de survenue de la ménopause est quasi stable. On
désigne habituellement par ménopause précoce une défaillance ovarienne définitive survenant
avant l’âge de 40 ans. Elle survient chez environ 1 % des femmes.
L’espérance de vie des Françaises est actuellement de 83 ans et progresse de deux
mois tous les ans. De ce fait, le nombre de femmes ménopausées en France qui était estimé à
9,6 millions en 1990 sera de 14 millions en 2025, soit 42 % de l’ensemble de la population
féminine.
III.
DIAGNOSTIC
Le diagnostic clinique est fait rétrospectivement sur la notion d’une aménorrhée
secondaire depuis 1 an chez une femme de plus de 45 ans. Les manifestations cliniques liées à
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la carence œstrogénique (bouffées de chaleur, troubles du sommeil, manifestations
neuropsychiques, sécheresse vaginale) n’existent que chez 50 à 75 % des femmes
ménopausées. Dans certaines circonstances particulières (patientes hystérectomisées,
ménopause précoce) des dosages hormonaux sont demandés pour confirmer le diagnostic de
la ménopause. Ils permettent de constater des taux plasmatiques d’œstradiol inférieurs à 30
pg/ml et des taux de FSH supérieurs à 40 UI/ml.
III. LES CONSEQUENCES DE LA MENOPAUSE
La ménopause s’accompagne généralement de troubles fonctionnels immédiats qui
altèrent la qualité de vie et de répercussions urogénitales, osseuses, cardio-vasculaires et
neurologiques pouvant à moyen et long terme entraîner des complications graves et engager le
pronostic vital.
1.
Les troubles fonctionnels immédiats
Seulement 10 à 20 % des ménopauses sont asymptomatiques. En général, les patientes
présentent un ou plusieurs troubles dont l’intensité diminue avec le temps. Il s’agit de
manifestations en rapport avec la carence œstrogénique.
Les bouffées de chaleur durent classiquement entre 30 secondes et 2 minutes. Elles se
caractérisent par une onde de chaleur intense avec une rougeur et des sudations qui atteignent
le tronc puis la face et le cou. Elles sont souvent accompagnées de palpitations, d’anxiété et
de sensation de froid. Elles surviennent le jour ou la nuit. Elles sont favorisées par les
émotions et une température ambiante élevée. Elles sont notées chez 40 à 70 % des patientes
immédiatement après l’arrêt des menstruations et elles diminuent généralement avec le temps
en intensité et en fréquence. Les sudations sont le plus souvent nocturnes. Les troubles du
sommeil sont observées dans 23 à 64 % des cas, surtout lorsqu’il existe des bouffées de
chaleur et lorsque les femmes ont un passé d’insomnie.
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D’autres troubles fonctionnels (asthénie, anxiété, difficultés à se concentrer, pertes de
mémoire, crampes musculaires, engourdissements, bourdonnements d’oreilles, tremblements,
vertiges, étourdissements, modification de la libido) relèvent moins spécifiquement de la
carence œstrogénique.
2. Les modifications du poids corporel
La ménopause a peu d’influence directe sur le poids qui augmente progressivement
dès 40 à 45 ans. Par contre, la carence œstrogénique entraîne une augmentation de la masse
abdominale (répartition androïde) parallèlement à une diminution de la masse musculaire
surtout dans les régions fémorales et du tronc.
3. Les conséquences cutanées et génito-urinaires de la ménopause.
La carence œstrogénique entraîne une diminution de l’épaisseur de l’épiderme et une
diminution de la teneur en collagène rendant la peau plus sèche, plus mince et moins souple.
La diminution des sécrétions glandulaires et la raréfaction de la vascularisation
entraînent un assèchement de la vulve et du vagin. L’augmentation du pH lié à la disparition
du glycogène et la fragilité de la muqueuse entraînent la classique vaginite atrophique et
favorisent les surinfections par des entérobactéries.
La carence œstrogénique de la ménopause entraîne une atrophie de l’épithélium urétral
et vésical et fragilise les tissus de soutien pelvi-périnéaux en favorisant l’amincissement des
ligaments viscéraux et des fascias, la substitution du tissu conjonctif par des tissus graisseux
et la raréfaction des fibres musculaires. Il en résulte une ptose des organes pelviens et une
diminution de l’efficacité de l’urètre pour la continence urinaire.
3. L’ostéoporose
La carence œstrogénique de la ménopause provoque une activation du remodelage
osseux avec une activité de résorption prédominante. La perte osseuse se situe entre 1 et 3 %
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de la masse osseuse par an au début de la ménopause. Parmi les facteurs de risque
d’otéoporose on peut citer les facteurs génétiques et morphologiques, les antécédents
familiaux ou personnels de fractures par fragilité, la ménopause précoce, l’aménorrhée
prolongée, le faible poids corporel et la corticothérapie au long court. L’ostéoporose expose
plus particulièrement aux fractures-tassements vertébraux, fractures du poignet, et fractures
du col du fémur. La densitométrie osseuse permet de dépister l’ostéoporose avant la survenue
des fractures et d’apprécier l’efficacité des thérapeutiques.
4. Le risque cardio-vasculaire
Les maladies cardio-vasculaires constituent la première cause de mortalité de la
femme après la ménopause. Le risque de maladies cardio-vasculaires liées à la ménopause est
plus élevé lorsque la ménopause survient précocement et lorsqu’elle relève d’une castration
chirurgicale. Ce risque est corrélé au délai écoulé depuis les dernières règles. Les principaux
troubles métaboliques athérogènes liés à la ménopause sont l’augmentation des LDL
cholestérol et de l’apoprotéine B, la diminution du taux des HDL cholestérol, la diminution du
nombre et de la sensibilité des récepteurs à l’insuline. Par ailleurs on note une augmentation
de plusieurs facteurs de coagulation dont le fibrinogène, les facteurs V, VII, X, XI et XII.
6. Ménopause et cancer
Le cancer du sein constitue la tumeur maligne la plus fréquente chez la femme. Son
incidence augmente constamment dans les pays développés où on estime actuellement qu’une
femme âgée de 50 ans a une probabilité de 10 % de développer un cancer.
La fréquence du cancer de l’endomètre augmente nettement à partir de la cinquantaine
et atteint un pic entre 65 et 70 ans. Au total, une femme de 50 ans a une probabilité de 2,5 %
de développer un cancer de l’endomètre. L’imprégnation œstrogénique prolongée constitue un
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important facteur de risque expliquant l’augmentation de fréquence chez les obèses, les
patientes atteintes de dystrophie ovarienne et les femmes avec une ménopause tardive.
Les cancers de l’ovaire et du col de l’utérus ne sont pas hormono-dépendants et ne
semblent pas influencés par la ménopause. Le dépistage du cancer du col mérite d’être
poursuivi chez la femme ménopausée jusqu’à l’âge de 65 ans.
Le cancer du colon constitue le deuxième cancer féminin le plus fréquent. Il existe un
faisceau d’arguments en faveur d’un effet protecteur des œstrogènes avec un risque accru de
cancer chez les femmes ménopausées.
V. PRINCIPE DU TRAITEMENT
Le THS de la ménopause a pour but de traiter toutes les conséquences de la déficience
œstrogénique afin d’éliminer les symptômes subjectifs, de prévenir l’ostéoporose, de réduire
le risque de maladie cardio-vasculaire et le risque de maladie d’Alzheimer. Pour être efficace
ce traitement doit être pris au long court.
1. Les effets du THS
Les œstrogènes inhibent la résorption osseuse. Un traitement d’au moins 7 à 10
années est nécessaire pour prévenir les complications tardives de l’ostéoporose postménopausique. Certains progestatifs (norstéroïdes, dérivés prégnanes ou norprégnanes)
contribuent à la préservation de la masse osseuse par l’inhibition de la résorption osseuse.
L’administration continue du THS ne semble pas plus efficace que le traitement séquentiel.
L’hormonothérapie substitutive diminue le risque cardio-vasculaire chez la femme en
bonne santé. A l’inverse l’effet protecteur est réduit voire absent lorsque les plaques
athéromateuses sont déjà fissurés. La diminution du risque cardio-vasculaire s’explique par
les effets métaboliques (amélioration du rapport LDL/HDL cholestérol et effet favorable sur
l’insulino-sécrétion et l’insulino-sensibilité liés aux estrogènes) et surtout par une action
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directe sur le cœur et les vaisseaux (amélioration de la fonction endothéliale, meilleure
assimilation de l’oxyde nitrique, qui a une action vasodilatatrice artérielle et antiagrégante
plaquettaire, diminution de la production de thromboxane A2 et augmentation de la synthèse
des prostacyclines et diminution de la prolifération des cellules spumeuses). Le THS
augmente le risque de thrombose veineuse et artérielle du fait d’une élévation de l’activité
fibrinolytique du plasma. Cet effet est moins important en cas d’administration transcutanée
de l’œstradiol.
L’hormonothérapie substitutive maintient l’épaisseur de la peau et évite l’atrophie urogénitale, ce qui permet de réduire les symptômes de nycturies, d’irritabilité de la vessie, la
fréquence des cystites et l’importance de l’incontinence urinaire.
Les œstrogènes stimulent les processus neuronaux et les connections synaptiques en
influençant positivement l’état de veille, les fonctions cognitives, le comportement affectif et
sexuel, la mémoire, l’activité motrice, la perception de la douleur et le bien-être des femmes.
2. LES RISQUES DU THS
1) Les cancers
Le THS prolongé pendant plus de 6 ans entraîne une légère augmentation (d’environ
30 %) de risque relatif de cancer du sein (1). Cette augmentation n’est pas notée en cas
d’adjonction de la progestérone au 17bétaoestradiol (Risque relatif de cancer du sein = 1,00
(0,83 – 1,22) (1). L’augmentation d’incidence ne s’accompagne pas d’une augmentation car
sous THS les cancers sont à la fois découverts plus précocement et mieux différenciés.
L’augmentation de l’incidence varie en fonction du type de progestatif associé à l’œstrogène.
L’incidence et de la mortalité par cancer du colon sont diminuées d’environ 30 % chez les
femmes sous THS et l’adjonction d’un progestatif pendant une séquence suffisamment longue
diminue également le risque de cancer de l’endomètre.
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2) Les thromboses artérielles et veineuses
Dans une récente méta-analyse de sept études cas-témoins, cinq cohortes et six essais
randomisés, le risque de thrombose veineuse profonde et d’embolie pulmonaire apparaît
significativement augmenté sous estrogénothérapie orale (RR = 1,9 ; IC : 1,3 à 2,3).
Parallèlement, le risque de récurrence d’accidents thromo-emboliques analysé à partir de trois
études randomisées apparaît également augmenté (RR = 6,7 ; IC : 2,3 à 19,1). A l’inverse, ni
le risque d’accidents thrombo-emboliques (RR = 1 ;IC : 0,9 à 1,1) ni celui de la récurrence
(RR= 0,9 ; IC : 0,3 à 3,0) ne sont augmentés lorsque l’estrogène est administré par voie
transdermique. La prise d’estrogène par voie percutanée s’impose par conséquent tout
particulièrement chez les femmes à haut risque de thrombose (2).
3) LES CONTRES INDICATIONS AU THS
Un saignement vaginal d’étiologie inconnue, une tumeur œstrogéno-dépendante (sein,
méningiome …), une thrombo-embolie active ou liée à une thrombophilie ou une insuffisance
hépato-cellulaire importante constituent les principales contres indications.
4) LES MODALITES DE PRESCRIPTION
Il est souhaitable de traiter le plus longtemps possible ; dans tous les cas pendant une
durée d’au moins 7 pour obtenir un bénéfice osseux. Le traitement devrait être débuté
précocement pour réduire les risques cardiovasculaires.
En France on prescrit principalement le 17 bêta-œstradiol. La posologie quotidienne
d’œstradiol préconisée est de 1,5 mg en gel, 50 µg par système transdermique et 2 mg par
voie orale. Des posologies plus faibles peuvent être proposées en cas d’intolérance aux
posologies habituelles se manifestant essentiellement par des mastodynies. En l’absence de
facteurs de risques la voie d’administration est avant tout fonction des choix de la patiente
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afin d’obtenir une bonne observance. Par contre chez les femmes qui présentent un facteur de
risque vasculaire en particulier thrombo-embolique, la voie cutanée est préférable.
Parmi les progestatifs il faut conseiller la progestérone naturelle dont les risques
sénologiques sont réduits. Le progestatif est prescrit pendant au moins 10 jours (pour 20 jours
d’œstrogènes), 12 jours (pour 25 jours d’œstrogènes) et 15 jours (pour un traitement
œstrogénique continu). Il n’y a aucune raison d’ajouter un progestatif à l’œstrogénothérapie
substitutive chez les femmes hystérectomisées.
L’administration séquentielle d’œstrogènes et de progestatifs entraîne des saignements
de privation dont l’importance diminue généralement avec l’âge. Le traitement œstrogénique
continu paraît intéressant chez les patientes migraineuses craignant la réapparition des
troubles vaso-moteurs pendant la fenêtre thérapeutique.
5) MODALITES DE SURVEILLANCE
La surveillance des patientes sous THS a pour but de dépister les cancers
particulièrement fréquents à cet âge et d’évaluer la tolérance du THS. La survenue de
métrorragies doit faire vérifier l’observance du THS et doit faire rechercher une pathologie
endométriale ou utérine.
CONCLUSIONS
Le traitement hormonal substitutif (THS) constitue le véritable traitement de la
ménopause et permet d’en prévenir la majorité des complications sans risques excessifs à
condition d’être prescrit tôt et pendant suffisamment longtemps. Le rapport risque/bénéfice
relève d’une analyse individuelle à refaire lors de chaque consultation de surveillance.
Parallèlement il convient de dépister régulièrement les cancers particulièrement fréquents à la
ménopause.
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Bibliographie
1. Fournier A, Berrino F, Clavel-Chapelon F. Unequal risks for breast cancer associated with
different hormone replacement therapies: results from the E3N cohort study. Breast
Cancer Res Treat 2008 ; 107:103–111.
2. Olie V, Canonicoa M, Scarabin P-Y. Risk of venous thrombosis with oral versus
transdermal estrogen therapy among postmenopausal women. Curr Opinion Hematol
2010 ; 17:457–463.
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