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VALEURS ET PÉRILS POUR LA VIE DE L’ENFANT
Dr Berron
I . Les valeurs de l’éducation première..........................................
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Vérité, véracité ..................................................................... 11
La beauté, l’art de vivre ........................................................ 16
Le bien, la bonté .................................................................. 21
II. Les périls .................................................................................. 27
A propos de ce qui entoure sur terre
les enfants venus au monde................................................. 27
Ce que l’enfant doit acquérir au début de son existence ....... 29
La présence dans le corps instrument de l’âme .................... 31
La parole est fille du verbe ................................................... 36
L’éveil au monde alentour .................................................... 39
La mémoire, l’instrument de la personne.............................. 43
Bibliographie ................................................................................ 46
Adresses utiles.............................................................................. 47
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DR JOACHIM BERRON
VALEURS ET PÉRILS POUR LA VIE DE L’ENFANT
Voici un plaidoyer pour l’enfant. Quand l’enfant paraît parmi
nous, quelle aventure pour lui ! Il vient du monde de la Création et passe à celui de l’industrie. A peine né, il doit continuer à naître tout le temps de son développement. Que jouent
donc les lois de l’hospitalité pour qu’il soit nourri des valeurs
dans lesquelles l’homme peut se reconnaître. Qu’il soit
protégé aussi des périls à l’entour.
Noël de l’an 2000
AVANT DE LIRE CET OUVRAGE
Pour aller plus loin que ce que chacun croit savoir sur l’éducation, il
convient de remarquer la différence qui sépare la préparation à la vie
humaine et la formation pour la profession. Cette dernière ne concerne
qu’une partie de la vie adulte et elle ne suffit pas pour assurer la réussite de la vie sociale : l’équilibre personnel et la capacité d’assurer les
responsabilités de l’existence, à commencer par celles d’un foyer où
sont élevés des enfants.
L’éducation est d’ailleurs la tâche principale parmi celles qui incombent à l’être humain. Elle est même le propre de l’homme, elle n’existe
pas chez les autres êtres vivants. Les animaux ont des gîtes, des
repaires, des nids, mais point de foyer. Ils éveillent à la rigueur les
instincts de leur progéniture qui ne connaît pas l’école, les études, les
biens de la culture. Eduquer : voilà une tâche majeure de l’humanité,
une tâche qui demandait de la tradition mais aujourd’hui exige de la
science.
Tout ce que l’homme fait pour son semblable suppose la connaissance
de l’être humain. Celle-ci devrait nous être enseignée par les hommes
du savoir. Cependant les savants ne parlent pas encore à l’unisson de
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la manière d’élever l’homme à sa fonction future d’adulte indépendant,
nu qu’il est, infirme et ignorant le jour de sa naissance. Certains croient
même que ce passage doit se faire tout naturellement alors que d’autres
enseignent que pour s’élever, l’être humain a longuement besoin d’aide.
La distinction même à faire entre l’homme et l’animal n’est pas définitivement établie pour bien des responsables en place, d’où tant d’incertitudes dans les méthodes de l’éducation.
De plus, la transformation en cours des mœurs efface les repères habituels voulant que les parents soient unis pour accueillir l’enfant afin
de lui permettre, prenant modèle sur eux, de réaliser le projet de son
existence sur terre. Pour saisir la valeur des repères traditionnels il
faudrait savoir d’où vient l’enfant que l’on a attendu, ou du moins
comment s’y prendre pour l’accompagner jusqu’à ce qu’il soit libre de
ses choix.
En attendant qu’en cette matière les enseignements en place aient
accompli les progrès encore nécessaires, voici quelques notions qui
peuvent nourrir l’action de celui qui veut bien réfléchir à ce que l’enfant
attend de lui. Car l’enfant naît avec des besoins simples faciles à reconnaître. Il n’a que faire des théories, des avis, des problèmes de son
entourage. Ceux qui lui ont donné le jour ont été un couple. Qu’ils
soient parents à présent !
Pour la pensée moderne, les êtres vivants sont tributaires d’adaptation, de sélection et de mutation. L’adaptation fixe les êtres à des
milieux de vie et des modes d’existence dont ils ne peuvent se passer.
Le poisson ne peut habiter que l’eau, l’abeille a besoin d’une ruche...
La sélection naturelle donne l’avantage de la survie à ceux qui sont
mieux préparés que d’autres à résister aux risques de l’existence. La
mutation enfin fait apparaître soudainement, sous le coup de pressions extérieures par exemple, des formes ou des facultés toutes
nouvelles que rien ne laissait prévoir.
Ces lois sont valables pour les règnes de la nature, elles ne sont pas
le propre de l’homme. Ce dernier peut exister en tout lieu et créer luimême ses mœurs. Il ne possède aucun des moyens dont les animaux
ont besoin pour vivre selon leurs instincts particuliers. Par ailleurs ce
n’est pas dans la sélection, c’est-à-dire la loi du plus fort, qu’il se reconnaît. Que dirait-on des parents d’une famille nombreuse qui feraient
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subir un concours à leurs enfants pour n’offrir de places qu’à quelques
uns, rejetant tous les autres ? C’est pourtant ce que pratique la nation
en ses institutions enseignantes. L’homme conscient de son humanité
et libre de son action recherche la promotion de sa descendance et
refuse l’élimination, l’exclusion comme on dit aujourd’hui. La mutation
enfin se présente à l’humanité d’aujourd’hui sous la forme nouvelle et
élaborée du racisme scientifique que proposent les techniques de la
génétique. Les événements politiques du milieu du siècle ont présenté
déjà un exemple des sinistres tentations que contient ce genre de
progrès. Par sa nature profonde l’être humain n’attend rien des trucs
si subtils soient-ils. Il cherche à réussir sa vie selon ses propres moyens.
Il va de l’enfance à la vieillesse en se transformant sans cesse et accédant ainsi à l’expérience de la vie devenue sagesse. Voilà le modèle de
tous les temps face à l’illusion, tentation et superstition de l’exemplaire
humain parfait dans la société parfaite qu’entretiennent les utopies du
siècle.
Voilà donc une triade d’idées générales dont on peut nourrir sa réflexion
concernant la nature humaine. Il en est une autre contenant la clé de
l’action pratique. C’est l’affirmation d’un zoologue (!)* déclarant qu’à la
différence de l’animal, l’être humain jeune a besoin de trois fois sept
ans de protection, d’assistance et d’amour.
C’est dit à l’époque où la majorité à 21 ans était fixée d’après la maturité acquise à cet âge. Quoiqu’il en soit des interventions politiques en
cette matière, les trois prestations en question répondent encore au
besoin de l’enfant et de l’être jeune. Selon toute vraisemblance, il en
sera longtemps ainsi.
En effet, il va de soi que la protection est impérative lorsque le nouveauné quitte, démuni de tout, le sein maternel. Il aura toujours besoin de
toutes sortes de protections car pour être acquise, son autonomie
physique et sociale demande bien des années. Il en est de même de
l’assistance. Le grand moment de l’aide à recevoir va être la scolarisation. La finalité proprement humaine en est d’initier le nouveau venu
à la tradition socioculturelle dans laquelle il est né pour s’y épanouir.
* F.A. Kipp a publié, en allemand, en 1980, une étude concernant l’évolution de l’homme
en regard de sa longue jeunesse. Il est un des zoologues qui distinguent de l’animal
invariable l’être humain doué de parole et de réflexion, auteur et continuateur de civilisation et de culture.
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Elle est judéo-chrétienne en Europe. Quant à l’amour il est facile à
donner au bébé, chaque fois le plus beau qu’on n’ait jamais vu. Cependant il importe particulièrement de l’offrir à l’adolescent plus ou moins
agréable, dont il faut aimer l’avenir, la vocation, l’appel intérieur vers
sa place à lui dans le monde.
Voilà quelques aperçus sur la condition humaine que l’éducation doit
respecter lorsqu’elle veut servir la cause de l’être qui s’installe parmi
nous, accueillir la descendance par une éducation à la seule image de
l’homme.
Rappelons que par nature, l’homme aspire :
à l’indépendance,
à la promotion,
au développement âge par âge, et que pour réussir l’exploit de
son existence individuelle, il a besoin dans sa jeunesse :
de protection,
d’assistance,
d’amour.
Ces notions se prêtent à de longs et savants développements. Pour
l’essentiel cependant chacun peut en comprendre d’emblée la portée.
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I. LES VALEURS DE L’EDUCATION PREMIERE
Tout homme tant soit peu conscient se reconnaît dans une échelle de
valeurs visibles et invisibles. C’est là qu’il place le sens de son existence. Le choix relève des aspirations personnelles, il est stimulé par
l’éducation à moins d’être simplement soufflé par l’air du temps. Pour
l’un la liberté de se déterminer est un bien inaliénable. Un autre se
confiera aux voix du siècle. Ou encore, la connaissance guidera
d’aucuns, certains par contre s’en remettant aux idées reçues.
L’enfant qui vient de naître est étranger aux courants d’opinion. Il a
besoin d’être traité avec la certitude du savoir dûment fondé. Les nécessités de son état dépendent de la seule nature humaine, que cette
dernière soit perçue ou non par les systèmes en place.
La réflexion qui va suivre n’ignore pas la pluralité des théories et des
méthodes. A ce sujet on peut recommander par exemple la lecture d’une
intéressante publication qui présente quinze pédagogues bien intentionnés et leur influence aujourd’hui (1). La préférence sera donnée ici
à Rudolf Steiner, l’un des quinze. Voici pourquoi : Rudolf Steiner est
sans doute le seul auteur du XXème siècle à vouloir que toute éducation
soit conçue à l’image de l’homme. N’est-ce pas une des demandes le
plus souvent formulées aujourd’hui que socialisme, médecine,
science... présentent enfin un « visage humain » ?
La pédagogie à l’image de l’homme proposée par Rudolf Steiner dès
1919, et pratiquée dans bien des pays dans le monde, est connue pour
ses résultats étudiés selon les méthodes de l’investigation sociologique.
Voici également une mention tirée d’un article consacré par un dictionnaire biographique à Rudolf Steiner (2), pour dire que parmi les activités du groupe qu’anime cet auteur dès 1913, « l’une des plus importantes sera l’éducation des enfants suivant des principes
psychologiques nouveaux. Steiner écrira même un livre spécialement
consacré à ce problème : Education de l’enfant du point de vue de la
science spirituelle. » (3).
La pédagogie en question ayant donné des preuves, un fait généralement reconnu chez nos voisins, on peut la rapprocher sous certains
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aspects de la recherche de Jules Ferry. Car voulant une école sans Dieu
et sans Roi, Ferry demandait dans le langage de son siècle que l’enseignement soit indépendant du clergé et des hommes du pouvoir politique. C’est le principe de la laïcité qu’observe encore l’école selon Rudolf
Steiner lorsqu’elle évite des empiétements idéologiques. Par contre, en
restant fidèle à la tradition socioculturelle dans laquelle s’élève inévitablement un enfant, elle peut se rallier à cette phrase encore de Jules
Ferry s’adressant aux instituteurs : « ... ce que vous allez communiquer à l’enfant, ce n’est pas votre propre sagesse, c’est la sagesse du
genre humain, c’est une de vos idées d’ordre universel que plusieurs
siècles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l’humanité.
Si étroit que vous semble peut-être un cercle d’actions ainsi tracé, faitesvous un devoir d’honneur de n’en jamais sortir, restez en-deçà de cette
limite plutôt qu’à vous exposer à la franchir ; vous ne toucherez jamais
avec trop de scrupules à cette chose délicate et sacrée qu’est la
conscience de l’enfant. » (4). Et que dire enfin de l’égalité des chances
offerte par la méthode steinerienne à tous les élèves, permettant à tous
d’accéder à cette école et d’y accomplir le cycle complet du plan d’enseignement, l’obstacle éventuel ne pouvant résider que dans les difficultés
de l’écolier exposé à aucune pression sélective ?
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Les exposés de Rudolf Steiner sont riches en formules lapidaires,
chacune d’elles se prête à d’amples développements. Voici la maxime
qui guidera la réflexion sur les valeurs de l’éducation :
« L’enfant s’attend en lui-même à ce que le monde soit moral, beau et
vrai. »
On discerne dans cette formule la référence aux trois grands idéaux
qui résumaient, dans l’Antiquité déjà, les valeurs élevées de l’être
humain : la vérité qu’on ne peut que penser, la beauté que l’on aime,
le bien qui ne peut que se faire. Voilà une triade à l’image de l’homme(5).
Voilà l’attente qu’il s’agit de satisfaire. La conscience de l’enfant
mentionnée par Jules Ferry n’est pas le vide à entretenir pour qu’« il
choisisse à vingt ans ». A cet âge on ne choisit pas ce qu’on n’a jamais
connu et la conscience de l’enfant a été remplie déjà par bien des
connaissances disparates.
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Certes, il sera objecté que le monde observé par les parents ne se
signale guère par la présence des trois idéaux. Cependant, on sait que
l’enfant voit le monde par les yeux de ses parents. Venant au monde,
l’enfant manque pour longtemps encore de la faculté de juger des
hommes et des faits. A la naissance du corps succède peu à peu celle
de son âme s’éveillant pour le meilleur ou pour le pire, en écho à ce
qui habite son entourage. Il en reflétera la mentalité, l’élévation de
l’esprit si les trois idéaux en question sont recherchés. A son premier
jour sur terre l’enfant est comme une page blanche sur laquelle ses
familiers impriment les valeurs dans lesquelles ils se reconnaissent.
Un enfant naissant tout éveillé déjà serait comme Merlin qui, sitôt venu
au monde, parlait à l’assistance. Il ressemblerait aussi à Homoncule,
le petit homme artificiel réalisé dans le laboratoire du Faust de Goethe.
Pourtant, ne se rapprochent-ils pas de ces modèles tous ces petits
adultes en miniature, aujourd’hui de plus en plus nombreux, trop
avancés pour leur âge, qui sans avoir eu l’enfance seront un jour des
adultes au caractère infantile ?
L’éducation est le fait de l’être humain. Elle doit « élever » l’enfant entièrement dépendant en cela des siens, de la vie domestique d’abord, le
foyer, ensuite de l’école et du milieu social enfin.
Les réflexions qui vont suivre, se réfèrent à cette affirmation de Rudolf
Steiner : pour le petit enfant, le monde est vrai, beau et bon (1).
Il est vrai que l’enfant qui se présente dans notre monde d’adultes est
encore imprégné du souvenir de l’admirable ordre universel dont il est
issu et il ne sait pas ce qui l’attend. Nous sommes touchés par sa
confiance en nous. Il ne convient certainement pas de décevoir ce sentiment sous prétexte que la réalité est souvent rude.
Aussi on pourrait compléter la phrase dite par Rudolf Steiner en déclarant que pour l’enfant le monde terrestre est ce qu’il est pour les
parents. Le monde est alors tel que l’enfant souhaite le découvrir si les
parents savent voir ce qui est vrai, beau et bon.
Pour y parvenir nous devons nous entraîner à une certaine ingénuité,
devenir en quelque sorte comme des enfants. Car au fond de nousmêmes demeure le souvenir du temps où nous prêtions également au
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monde de si belles qualités. C’est une voix intérieure qu’on peut écouter
lorsqu’il faut savoir discerner, une voix qui, dans la simplicité de son
jugement, ne se trompe pas. A notre tour faisons confiance à ces
valeurs de l’existence humaine (2).
Penser la Vérité, aimer la Beauté, faire le Bien, voilà les valeurs qui
élèvent l’être humain au-dessus des règnes de la nature et même audessus de sa condition terrestre (2).
Ayons la simplicité de reconnaître ce fait pour être près de l’enfant qui
ignore encore le doute. Il apparaît parmi nous « innocent et joyeux ».
A regarder le nouveau venu, on voit bien qu’il ne demande ni le
mensonge, ni la laideur ou la violence. Ces fléaux font partie du monde
dans lequel nous vivons, le monde de l’adulte. On y subit les terribles
tentations auxquelles l’humanité est exposée sur le chemin de son
développement.
Aussi ne nous laissons pas intimider. Personne n’est obligé de rechercher ce qui est faux, défiguré, destructeur. Dans la confusion actuelle
où le pire s’étale sans retenue à côté du meilleur, gardons un regard
pour ce qui est vrai, beau et bon, et l’enfant qui voit le monde par nos
yeux ne sera pas déçu. Il nous en remerciera au terme de sa vie* .
* Joachim Berron, Sept regards sur l’enfance. Editions D.G.P. 1999 - Montréal - Canada.
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