Alice au pays des mensonges

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Alice au pays des mensonges
MENSONGE OU MYSTIFICATION ?
Le Petit Merveillois | Rubriques : Actualité / Politique / Art & Culture | Publièvre le 13 mars à 13h13 | Vu 9696 fois
La publication d’un article universitaire met radicalement en doute les origines du Pays des
Merveilles : simple provocation littéraire ou tentative de renverser le pouvoir ?
La rédaction du Petit Merveillois a pu se procurer la traduction de ce texte signé par un critique littéraire
anglais. La thèse de cet universitaire inconnu, si elle était avérée, pourrait durablement déstabiliser le
royaume, sa population et jusqu’à la Reine elle-même. À l’heure où nous mettons sous presse, les
autorités du Palais ont exprimé leur très vive préoccupation et annoncé qu’une commission d’enquête
étudie le texte et recherche son auteur. Nous publions ce document avec toute la réserve qui s’impose et
vous laissons, chers lecteurs, seuls juges du crédit à lui accorder.
« Alice au pays des mensonges
ou comment l’auteur d’Alice n’était point celui qu’on croit »
« Alice au Pays des Merveilles est sans conteste un chef d’œuvre de la littérature
moderne, un fascinant jeux de miroirs entre onirisme et parodie, fondateur d’un genre nouveau.
Et si cet ouvrage au succès mondial n’était pas l’œuvre du génial Lewis Carroll ? Cela seul ferait
déjà l’effet d’une bombe dans les milieux littéraires. Mais imaginons en outre qu’il soit issu de
l’esprit d’un autre écrivain, non moins brillant ? Et que cet écrivain ne soit autre qu’Oscar Wilde ?
Wilde & Carroll jouant à cache-cache dans un jardin de l’Université d’Oxford,
vers la fin des années 1870 (?) © DR, Archives photographiques Dodgson.
Note de l’auteur : l’authenticité de ce document reste à ce jour contestée par plusieurs experts.
L’anecdote est célèbre : pour publier ses premiers poèmes sans ternir sa réputation d’honorable
professeur de mathématiques à l’université d’Oxford, Charles Lutwidge Dodgson, sur les conseils de
l’éditeur Yates, prit le pseudonyme de Lewis Carroll, un nom d’emprunt qui reprend en les inversant ses
deux prénoms sous une forme légèrement modifiée. Du moins est-ce là l’explication la plus
communément admise. Mais comment accepter une idée aussi simpliste de la part d’un maître ès jeux
verbaux et autres constructions (il)logiques ? Et si ce nom masquait un emprunt moins directement
avouable ? Tel fut le postulat de départ de notre réflexion qui, sur la base d’un minutieux travail de
littérature comparée, nous amène aujourd’hui à affirmer que Carroll n’est sans doute pas l’auteur d’Alice
in Wonderland. Si l’on déconstruit ce fameux pseudonyme lettre par lettre, en éliminant les doubles
occurrences, on peut en effet obtenir la correspondance suivante :
L.E.W.I.S. D(odgson) C.A.R.(R).O. (L.L.) = O.S.C.A.R. W.I.L.D.E.
À partir de cette surprenante équation nous avons mené une analyse poussée dans la vie et les
œuvres des deux auteurs afin de chercher si des éléments étaient susceptibles d’étayer une telle
hypothèse. Au terme de trois années de recherches, voici l’interprétation que nous sommes en mesure
de proposer : Carroll aurait rencontré Wilde alors que celui-ci se rendait en vacances dans l’Oxfordshire
au début des années 1860. Le jeune Wilde était déjà un esprit affûté doué d’un sens de l’imagination
débordant, et c’est lui qui aurait esquissé les grands traits de l’univers situé de l’autre côté du miroir : le
Pays des Merveilles, les animaux parlants, la Reine et l’enchaînement des péripéties jusqu’au procès
final, sans oublier bien sûr le personnage d’Alice (il avait presque le même âge qu’Alice Liddell, qui lui
servit de modèle). Très impressionné, Carroll aurait alors entrepris de mettre par écrit ce que Wilde
n’avait fait qu’improviser oralement. L’été suivant il l’aurait fait lire au jeune garçon, qui lui aurait conseillé
de le publier sous un pseudonyme. On connaît la suite.
Avec la désinvolture qui le caractérise, Wilde n’est nullement affecté par le succès de Carroll et
lui abandonne volontiers la paternité de l’histoire, avant de s’appliquer à devenir le dandy dramaturge
que l’on sait. Les deux hommes entretiendront par la suite une relation cordiale quoique distante. Pardelà leurs similarités - deux esprits hors du commun ayant poursuivi de brillantes études à Oxford, ce qui
les rapproche, paradoxalement, c’est qu’ils sont l’inverse l’un de l’autre. Carroll est timide et solitaire,
fuyant une réalité qui l’effraie pour se réfugier dans l’imaginaire. Wilde est l’archétype du causeur
mondain, défrayant la chronique dans sa vie comme dans son œuvre, ce qui le mettra au ban de la
société victorienne. Voici peut-être la clé de toute cette affaire, ce jeu de reflets entre deux auteurs que
tout oppose mais dont les destins sont secrètement liés, même si leurs biographes respectifs ont
respecté leur volonté commune de ne pas révéler ce tour de passe-passe identitaire et littéraire.
En définitive cette découverte ne diminue en rien la valeur de l’œuvre de Lewis Carroll, et nous
souhaitons insister sur ce point : il demeure l’auteur de plusieurs œuvres majeures, et cette suprême
mystification est à nos yeux un accomplissement supplémentaire de sa part. D’autant qu’il n’a pu
s’empêcher de nous laisser cet indice permettant de résoudre l’énigme, ultime pirouette d’un créateur
qui brille au firmament de la littérature moderne. »
Pr. KENNI (H.) CALVERT
University of Rivendell
Dpt. of Comparative Literature
Mots-clés : Mensonge | Mystification | Merveilles | Carroll | Wilde | Alice | Reine | Mensonge Ment-Songe !