niveau de meconnaissance du degre de menace des especes
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niveau de meconnaissance du degre de menace des especes
p. 191 I-BD² – ÉVALUATION SCIENTIFIQUE D’INDICATEURS DE LA BIODIVERSITÉ SNB-F18-12-CNM1 NIVEAU DE MECONNAISSANCE DU DEGRE DE MENACE DES ESPECES Code indicateur SNB-F18-12-CNM1 Proportion des espèces évaluées dans les listes rouges UICN-MNHN pour lesquelles les données sont insuffisantes Évaluation FRB- i-BD² : N°35 Évaluation réalisée par Dominique Ponton Pierre Zagatti Synthèse réalisée par Sarah Aubertie En date du 26 septembre 2016 Objectifs F18 - Développer la recherche, organiser et pérenniser la production, l’analyse, le partage et la diffusion des connaissances F19 - Améliorer l’expertise afin de renforcer la capacité à anticiper et à agir, en s’appuyant sur toutes les connaissances Première évaluation L’évaluation considère qu’en l’état, l’indicateur ne se révèle pas pertinent et devrait être revu pour favoriser l’acquisition de nouvelles connaissances et la réalisation de nouvelles recherches. A – Présentation et interprétation de l’indicateur L’indicateur se base sur les listes rouges nationales établies par le comité français de l'UICN et le MNHN. Ces listes montrent que certaines espèces sont insuffisamment documentées pour que le degré de menace auquel elles sont soumises puisse être évalué. L’indicateur mesure la proportion de ces espèces par rapport au nombre total des espèces évaluées. L’indicateur est rattaché à l’orientation F de la SNB « Renforcer, partager, valoriser les connaissances ». Il pourrait répondre aux deux objectifs qui lui sont associés, F18 et F19 mais pas en l’état actuel. Il présente en effet une proportion du nombre d'espèces menacées sur le nombre d'espèces évaluées. Or, pour être pertinent il faudrait que ce rapport soit effectué sur le nombre total d’espèces, qui est loin d'être connu pour les outre-mer. De plus, comme indiqué en dessous du graphique, « les groupes taxonomiques évalués diffèrent d'un territoire à l'autre ». En d'autres termes, les chiffres exprimés en pourcentage ne sont pas comparables entre territoires. Aussi, il serait plus judicieux que l'indicateur donne des informations sur les groupes taxonomiques évalués pour chacun des territoires. Cela permettrait de comparer des chiffres établis pour des groupes identiques et d'identifier les territoires où les niveaux taxonomiques utilisés laissent penser que de la connaissance reste encore à acquérir. Selon un évaluateur, la phrase présentant la valeur n’est pas correcte ; celle-ci étant obtenue à partir de données qui ne peuvent pas être agrégées puisqu'elles ne correspondent pas aux mêmes groupes taxonomiques. Le seul et unique groupe taxonomique qu'il serait possible d'analyser actuellement concerne les oiseaux car des données existent pour tous les territoires. Il serait en effet indispensable que cet indicateur soit basé sur des groupes étudiés dans tous les sites et que la gamme de valeurs soit présentée. Pour les oiseaux, la gamme est de 0% à La Réunion et 52% à Mayotte, ce qui est bien loin des 17% présentés dans la colonne Y pour la ligne 14 (onglet « Données brutes »). La différence entre La Réunion et Mayotte indique bien le déficit en recherche et connaissances pour ce groupe à Mayotte. p. 192 I-BD² – ÉVALUATION SCIENTIFIQUE D’INDICATEURS DE LA BIODIVERSITÉ Niveau de méconnaissance du degré de menace des espèces SNB-F18-12-CNM1 Il n'y a pas d’intervalle de confiance associé à la valeur de l’indicateur, les données utilisées ne correspondent pas à des mesures. Le premier graphique est trompeur (histogramme en fonction des territoires). L’évaluation suggère de le supprimer ou rappeler sur la figure quels groupes taxonomiques correspondent aux barres de l'histogramme. Un graphe par groupe taxonomique serait en outre pertinent. Les illustrations présentent un biais de visualisation. Le premier graphique donne l'impression que les espèces des îles Eparses et des terres australes sont très mal connues par rapport à celles des autres territoires, alors qu'en réalité ce sont les groupes évalués dans ce cas (mammifères, reptiles et oiseaux marins) qui sont très mal connus. Le fichier de données sources Excel montre que le plus grand nombre de données déficientes concerne les crustacés d'eau douce de métropole (149 sur 576), alors que pour les mammifères marins, les îles éparses ne sont concernées que par 7 espèces. Cette situation devrait être perceptible sur les visuels. Cet indicateur est peu pertinent tel qu'il est présenté : rapport entre le total des espèces « DD » (deficient data ou données insuffisantes) et le total des espèces évaluées par les listes rouges. Le chiffre proposé (15%) masque complètement la méconnaissance de la biodiversité réelle qui nous entoure. Si l'objectif affiché est de mettre l'accent sur nos lacunes en matière de connaissances, il est indispensable de présenter côte à côte les groupes taxonomiques et les territoires les mieux connus ainsi que les moins bien connus, en insistant sur les absents : les groupes très abondants numériquement dont on suppose que le pourcentage d'espèces DD sera bien supérieur, par exemple l'ensemble des insectes, la fonge ou les invertébrés marins pour les espèces ; la Guyane pour les territoires. Enfin, cet indicateur est très ambigu car il laisse supposer une relation entre l'importance des espèces DD et le degré de menace qu'elles subissent. Il n'y a en fait aucune relation entre les deux (voir par exemple Roberts et al. 2016, ou Régnier et al. 2015). B – Définition, contexte et principales caractéristiques de l’indicateur L'information fournie apparaît insuffisante. Il faudrait préciser que les listes rouges ne concernent qu'une partie infime des espèces françaises (3582 sur plusieurs centaines de milliers probables en métropole et outre-mer) et qu'elles ne concernent en général que les groupes les mieux connus. Il conviendrait également de rappeler la méthodologie UICN pour l'établissement de ces listes, à savoir que l'évaluation est basée sur l'évolution récente de critères quantitatifs : des critères d'abondance (effectifs des individus ou des populations) et des critères géographiques (aires d'occurrence et aires d'occupation). L'évaluation de ces critères permet de classer chaque espèce dans une des 8 catégories de l'UICN. Quand ces critères ne peuvent pas être renseignés, les espèces sont incluses dans une 9e catégorie : Données Déficientes (DD). Pour les groupes taxonomiques les moins bien connus (insectes ou champignons par exemple), il n'y a aucune donnée d'abondance disponible et seuls sont retenus des critères géographiques. L'évolution des aires où vivent ces espèces n'est sérieusement appréciable que pour les groupes simples à échantillonner et pour les groupes où un nombre suffisant d'experts naturalistes existe. Ces deux derniers points limitent considérablement la couverture spécifique des listes rouges, sauf à y retrouver une majorité d'espèces DD. Il n’y a pas de valeur cible ou ayant une signification particulière associée à l’indicateur. Sont prises en compte uniquement des listes rouges nationales, ce qui est adéquat. Il pourrait être pertinent de préciser à chaque fois le groupe taxonomique, l'emprise géographique de la liste rouge et le nombre d'espèces évaluées au total. Un évaluateur alerte sur le fait que les poissons marins ne sont pas pris en compte ici, ce qui est peu compréhensible. Un changement d'échelle spatiale ou temporelle n'est pas réalisable actuellement, il y a trop peu de listes rouges régionales ou territoriales et un risque important d'hétérogénéité des procédures (et des groupes taxonomiques) d'une région à l'autre. C – Production de l'indicateur Cette section aide le lecteur à mieux comprendre, mais encore avec des difficultés, Il n’y a pas d'information sur la manière dont le chiffre est calculé, il faut se référer au tableau « snb-f18-12-cnm1_listes_rouges_donnees_insuffisantes_ok.xlsx ». Enfin, en complément des remarques déjà évoquées, l’évaluation propose de rappeler comment sont élaborées les listes rouges. 2/4 p. 193 I-BD² – ÉVALUATION SCIENTIFIQUE D’INDICATEURS DE LA BIODIVERSITÉ Niveau de méconnaissance du degré de menace des espèces SNB-F18-12-CNM1 D – Analyse de l'indicateur • Robustesse : La robustesse de l’indicateur est très faible. Ce dernier peut être affecté de biais. Son objectif est de mettre en exergue les groupes taxonomiques (ou les zones géographiques) les moins bien connus, pour inciter à y développer la recherche et la collecte d'information. Comme indiqué précédemment, les groupes les moins connus (qui sont aussi les plus riches en espèces) n'ont pas fait l'objet de listes rouges. Il y a donc là un biais considérable qui compromet considérablement la robustesse de l'indicateur. En outre, plus un groupe est diversifié, plus il y a le risque que des espèces soient peu connues. Il est donc évident que les pourcentages seront plus élevés pour les territoires tropicaux. Selon l’évaluation, ce biais est inhérent à la structure de l'indicateur. • Précision : L'indicateur repose sur des données exactes publiées, il n'est pas proposé en évolution de tendance. Le critère de précision n'est pas pertinent ici. Les remarques formulées pour la robustesse s’appliquent également • Sensibilité : L’indicateur global proposé (15% des espèces DD sur l'ensemble des espèces évaluées) peut être considéré comme peu sensible car la publication d'une liste rouge comportant peu d'espèces (moins de 50) ne le fera pas évoluer, quel que soit le pourcentage d'espèces DD dans cette liste. Le seul facteur qui peut faire évoluer l'indicateur est en effet la publication de nouvelles listes rouges. S'il s'agit d'un groupe bien connu, avec beaucoup d'espèces, la valeur globale de l'indicateur va diminuer. S'il s'agit au contraire de groupes peu étudiés, l'inverse va se produire. La première hypothèse est d'ailleurs peu probable, presque tous les groupes taxonomiques bien connus ont déjà des listes rouges. L’indicateur ne détectera pas de changement inhabituel, même présenté de manière plus pertinente (i. e. par groupe taxonomique et par site). En effet, l'évolution des pourcentages n'indique que la connaissance sur les groupes, pas l'état des espèces qui s'y trouvent. • Efficacité / Fiabilité : L’indicateur est fiable, mais cette propriété n'est pas très pertinente pour l'indicateur global, seule la comparaison des différents groupes taxonomiques et des différents territoires est informative. • Pertinence vis-à-vis de la biodiversité : L’indicateur présente un lien direct avec la biodiversité. Celle-ci est, à toutes ses échelles, avant tout représentée par les groupes taxonomiques les plus abondants et les moins bien connus. Ce sont eux qui assurent le fonctionnement des écosystèmes et la fourniture de services. Ce sont ceux-là qui influent le plus sur l'indicateur dès lors que des listes rouges sont publiées. Au niveau des territoires, les « hotspots » concernés (outre-mer notamment) sont également les moins bien connus. Toutefois, selon un évaluateur, connaître le statut des espèces n'a rien à voir avec le fonctionnement des écosystèmes ni les services écosystémiques. Il n'y a pas de relation entre cet indicateur et le degré de menace subi par la biodiversité. S'il est présenté correctement, cet indicateur doit être associé à des objectifs scientifiques (étudier les groupes et les territoires orphelins) et politiques (favoriser ces études et leur diffusion). Une fois l'indicateur rendu plus pertinent, il donnera une idée sur l'état des connaissances des espèces. Un des objectifs politiques devrait être de faire baisser ces pourcentages en finançant davantage l'acquisition de connaissances. • Données : L’évaluation s’étonne que les poissons marins ne soient pas pris en compte. Il est en outre nécessaire que le détail des données (nombre d'espèces analysées) soit indiqué. E - Propositions d'amélioration Concernant les limites évoquées sur la fiche ONB, le libellé est exact et mériterait même d'être accentué compte tenu des remarques déjà formulées. Pour les avantages en revanche, le message véhiculé n'est pas correct car il mélange l'intérêt de l'indicateur (accent sur nos méconnaissances) et l'intérêt des listes rouges UICN. L'indicateur de l'ONB ne mesure pas « directement le risque de perte de biodiversité à travers le risque d'extinction des espèces », c'est bien la liste rouge qui fait ça. La fiche indique en outre que « Cet indicateur permet de visualiser directement les espèces dont l'état de conservation est inconnu ». Or, cette analyse est erronée. Il est impossible de « visualiser directement les espèces dont l'état de conservation est inconnu ». Même les données de l'onglet « Données brutes » du document « Copie de 3/4 p. 194 I-BD² – ÉVALUATION SCIENTIFIQUE D’INDICATEURS DE LA BIODIVERSITÉ Niveau de méconnaissance du degré de menace des espèces SNB-F18-12-CNM1 snb-f18-12-cnm1_listes_rouges_donnees_insuffisantes_ok.xlsx » ne permettent pas de visualiser les espèces. La fiche signale également que l’indicateur « mesure directement le risque de perte de biodiversité à travers le risque d'extinction des espèces. ». Cette analyse est également fausse : l'indicateur ne porte que sur la proportion d'espèces DD. Diminuer ce nombre d'espèces (= acquérir de la connaissance) ne résoudra en rien le risque d'extinction d'espèces. Enfin, la fiche ONB précise que « l'indicateur est aisément appropriable par le public, la notion de disparition d'espèces étant relativement accessible au public. ». Les procédures d’élaboration des listes rouges sont toutefois à expliciter. L’évaluation recommande de calculer l’indicateur par groupe taxonomique pour chacun des sites, et non un indicateur global. Elle évoque des travaux en cours visant à établir des listes rouges (ou au moins évaluer des degrés de menace) en s'affranchissant de l'évaluation des effectifs et des aires requise par les critères UICN. Il est notamment possible d'utiliser les collections des musées d'histoire naturelle pour évaluer la dynamique spatio-temporelle de certains groupes taxonomiques. Ceci n'est cependant réalisable que pour les groupes les mieux représentés et les mieux conservés dans les musées, comme les orchidées ou les mollusques à coquille. Elle suggère également de développer d'autres approches que les critères UICN. Elle recommande de favoriser, mutualiser et standardiser les bases de données naturalistes pour améliorer la connaissance des affectifs et des répartitions, ainsi que d’intégrer les poissons marins dans le calcul. Enfin, selon elle, bien construit, cet indicateur pourrait être utile pour comparer l'état des connaissances au niveau international. Il pourrait également faciliter les études des taxons et des territoires les moins bien connus et favoriser leur diffusion Référencement Ponton, D., Zagatti, P. & Aubertie, S. 2016. Evaluation scientifique de l’indicateur « Niveau de méconnaissance du degré de menace des espèces ». In : Fondation pour la recherche sur la Biodiversité (2016), Evaluation scientifique de 55 indicateurs de la Stratégie Nationale pour la Biodiversité, Expertise. Ed. Barbara Livoreil et Sarah Aubertie, 296 pages. http://www. fondationbiodiversite.fr/fr/societe/avec-la-societe/ appui-a-la-decision/indicateurs/indicateurs-de-lonb/evaluation-scientifique-des-indicateurs-2015. html. F -Bibliographie des évaluateurs L’évaluation indique qu’il n’y a pas de publications ayant trait à cet indicateur, mais des publications sur le problème des espèces DD, et d'autres pistes d'évaluation des menaces : Aylesworth, L., et al. (2016). "New records of the Japanese seahorse Hippocampus mohnikei in Southeast Asia lead to updates in range, habitat and threats." Journal of Fish Biology 88(4): 1620-1630. Marler, P. N. and T. E. Marler (2015). "An assessment of Red List data for the Cycadales." Tropical Conservation Science 8(4): 1114-1125. Osgood, G. J. and J. K. Baum (2015). "Reef sharks: recent advances in ecological understanding to inform conservation." Journal of Fish Biology 87(6): 1489-1523. Régnier, C., et al. (2015). "Extinction in a hyperdiverse endemic Hawaiian land snail family and implications for the underestimation of invertebrate extinction." Conservation Biology 29(6): 1715-1723. Ribeiro, J., et al. (2016). "An integrated trait-based framework to predict extinction risk and guide conservation planning in biodiversity hotspots." Biological Conservation 195: 214-223. Roberts, D. L., et al. (2016). "Threatened or Data Deficient: assessing the conservation status of poorly known species." Diversity and Distributions 22 (5): 558-565. http://indicateurs-biodiversite.naturefrance.fr/ www.fondationbiodiversite.fr http://www.fondationbiodiversite.fr/fr/societe/ avec-la-societe/appui-a-la-decision/indicateurs/ indicateurs-de-l-onb/evaluation-scientifique-desindicateurs-2015.html L’Observatoire National de la Biodiversité (ONB) développe une base de données originale des indicateurs de biodiversité, comprenant des informations précises sur chaque indicateur. Cette base de données publique et gratuite doit également aider au choix d’indicateurs par différents usagers et au développement de nouveaux indicateurs. Intitulée i-BD² (pour Indicateurs de BioDiversité en Base de Données), son premier développement sert actuellement de base à un site internet où sont présentés les indicateurs de biodiversité de l’ONB (http:// indicateurs-biodiversite.naturefrance.fr). Pour une première série d’indicateurs de l’ONB, il a été demandé à la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB) de coordonner une analyse scientifique critique selon une méthodologie transparente et indépendante, permettant de clarifier les forces et les faiblesses de ces indicateurs et améliorer leur fiche de description. Cette démarche doit également permettre l’amélioration de la structuremême de la base en ligne i-BD². Cette fiche présente la synthèse de cette expertise pour l’un de ces indicateurs. La Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB) a coordonné l’analyse scientifique critique de 55 indicateurs du premier jeu de synthèse de la Stratégie Nationale de la Biodiversité (SNB). Les aspects scientifiques et techniques de chaque indicateur ont été examinés par des évaluateurs scientifiques qui se sont penchés sur les concepts qui sous-tendent la création de l’indicateur, les éléments utilisés pour estimer sa robustesse, sa fiabilité, sa précision, sa sensibilité. La qualité de l’évaluation scientifique a été assurée en mettant en œuvre une approche méthodologique standardisée (grille d’évaluation issue d’un travail scientifique collaboratif avec des experts internationaux), des évaluateurs qui ont travaillé de la même manière que des pairs évaluant une publication scientifique (anonymat, indépendance) ainsi qu’une forte transparence des processus et des résultats. 4/4