Psychothérapie et intermittents à Avignon

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Psychothérapie et intermittents à Avignon
 13/07/14 Psychothérapie et intermittents à Avignon
Grève et manif à nouveau, samedi. De quoi découvrir des perles du Off.
Olivier Py, le directeur « In » y a été lui-même. Avec tous les ennuis qu’il subit,
il a dû aimer ce moment de solitude. « A Game of You » est un spectacle de
30 minutes pour un spectateur à la fois, un des plus étonnants du Off. Il est
présenté en français, par les Belges de « Ontroerend Goed », dans une église
de béton brut, dans la banlieue d’Avignon. A la sortie, un spectateur a
griffonné que ces 30’ valent dix ans de psychothérapie !
Chaque spectateur avance d’une pièce à l’autre, toutes tendues de tissus
rouges. Des acteurs l’interrogent, le filment, lui montrent des images d’un
autre spectateur. Jeux de miroirs, mises en abîmes, on est amené à
s’exprimer sur soi et sur ses espoirs et à voir ce que d’autres disent de vous.
Une performance interactive comme un parcours dans un palais des glaces.
Un moment de plaisir aussi.
On ne sait ce que qu’Olivier Py y a dit. Mais la grève de samedi semble l’avoir
atteint. Le personnel du festival « In » s'était prononcé vendredi soir à 65 %
en faveur de la grève mais le taux de participation n'avait pas dépassé 44 %.
Samedi, il n’y eut que 4 spectacles du « In » sur 13 programmés, qui furent
joués (pour les spectateurs, la confusion était totale pour savoir qui jouait). La
troupe japonaise du magique Mahabarata a donné quelques extraits de son
spectacle sur la place du Palais des Papes.
Persona non grata
Samedi aussi, une grande manifestation à l’appel de la CGT-spectacle a
sillonné les rues de la ville, haute en cris et couleurs. Le collectif du « In »
attend maintenant de pied ferme la venue de la ministre de la culture Aurélie
Filippeti, attendue les 16 et 17 juillet mais déclarée « persona non grata ».
Comme le rappelle une harangue entendue avant chaque spectacle et
applaudie par les spectateurs, les intermittents réclament toujours
l'abrogation de la nouvelle convention d'assurance-chômage et l'ouverture de
négociations.
Olivier Py a rappelé samedi qu’il était « évidemment solidaire d'un combat qui
appelle le gouvernement à mieux prendre en compte la précarité et à
s'engager en faveur de la culture », mais il estime toujours « à titre personnel,
que ne pas jouer n'est pas la bonne solution ».
Malgré cela, Olivier Py peut se réjouir que la fréquentation du festival reste
bonne : 82 % de la jauge (104 641 places) a été vendue. « Le public a tenu
bon », dit-il. Mais les annulations du 4 et du 12 juillet ont déjà créé 138 500
euros de pertes. « Le festival est en situation d'immense danger pour la marge
artistique en 2015 et pour son action sociale tout au long de l'année »,
prévient-il.
On a rarement vu un festival aussi perturbé. Quand ce n’est pas par les
intermittents, ce sont les orages. Le bilan artistique à presque mi-parcours est
comme souvent inégal avec des échecs (Hypérion, Nature morte, Falstaffe,
etc.) et de belles réussites Platel, Josse De Pauw, Araujo, Emma Dante, le
Mahabarata, etc.).
Loin de profiter de cette ambiance un peu morose, le Off en pâtit aussi. Les
deux lieux principaux des Belges (les Doms, la Manufacture) affichent
cependant le sourire. Le public et les professionnels viennent de plus en plus.
Il faut dire qu’ils affichent certains spectacles remarquables comme «
Blackbird » de David Harrower, terrible et émouvant face-à-face entre une
jeune femme et un homme qui l’avait séduite quand elle n’avait que 12 ans. Et
« Money » où Françoise Bloch démonte avec une vérité cruelle mais très
drôle, le pouvoir délétère des banques. Des spectacles qui devraient séduire
les scènes françaises.
G. DUPLAT