PRISE EN CHARGE DES À MINEURS À LA MAISON D`ARRÊT
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PRISE EN CHARGE DES À MINEURS À LA MAISON D`ARRÊT
SMPR de Caen PRISE EN CHARGE DES MINEURS À LA MAISON D’ARRÊT Dr Linard Dr Arc Mme Grignola Les adolescents d l iincarcérés é é : quelle place pour le soin ? Présentation de la structure Quartier Mineur de la MA de Caen : 10 places (cellules individuelles) individuelles). Référents SMPR du QM : Dr Linard : psychiatre Dr Arc : psychiatre p y M.Léon : infirmier psychiatrique Mme Grignola g :p psychologue y g clinicienne Bureaux du SMPR à proximité du QM. Déroulement de la p prise en charge g Entretien « arrivant » : délai le plus bref possible. Prise en charge psychologique et psychiatrique de chaque mineur : Accord et investissement du mineur Contraintes temporelles (nombreuses activités) Le suivi au SMPR : une activité parmi d’autres ? Secret, éthique é hi et confidentialité Vis-à-vis de l’administration pénitentiaire p Rencontres informelles, pas de réunion SMPR/AP. Pression modérée de la pénitentiaire : Interrogations diagnostiques peu fréquentes Présence du SMPR à la CPU Mineurs fortement souhaitée par l’AP p Aucune information médicale et diagnostique t transmise s is à l’AP l’AP. Vis-à-vis de la PJJ Limites plus floues et plus difficiles à respecter : partage d’inquiétudes concernant les jeunes incarcérés Réunion SMPR/PJJ mensuelle : Réflexion commune autour de l’avenir l avenir du jeune Seule la dimension éducative est abordée Pas de régulation de l’équipe l équipe PJJ Bilans psychométriques Dedans/dehors Contamination Co ta at o des espaces pa par l’univers u e s ca carcéral cé a L’espace p des consultations : Pollution sonore Contraintes du quotidien q L’espace psychique : Du patient D i Du soignant L’espace-temps. Représentation p du « dehors » Pour le mineur. Pour le soignant. Le SMPR comme articulation dedans/dehors ? Rencontre avec les familles. Conclusion Les adolescents incarcérés quelle place pour le soin ? Nous tenons à rappeler à quel point il est indispensable d'apporter une attention et une vigilance toute particulière aux mineurs incarcérés en raison de leur vulnérabilité psychique mise à mal au moment de leur incarcération. En effet, la prison est un lieu pathogène qui génère forcément de l'angoisse. Angoisse qui peut se heurter aux remaniements psychiques de l'adolescent et par ricochet réactiver d'éventuels troubles précoces. Aussi, les difficultés cliniques rencontrées sont grandes tant les repères sémiologiques sont encore mouvants et donc incertains. Les pathologies psychiques repérées peuvent être très graves et inquiétantes dans leur évolution. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas et nous ne devons pas nous abstraire de l'histoire de vie de chaque mineur pour comprendre et agir en conséquence. Il est important de mentionner la particularité de la Maison d'Arrêt de Caen c'est-à-dire l'implantation du quartier Mineurs en son sein même. En raison de son architecture panoptique, le quartier mineurs se situe au rez de chaussée d'une galerie pour majeurs. Sa capacité d'accueil est de dix mineurs pour dix cellules. La séparation des différents étages est matérialisée par des grilles. La proximité verticale des majeurs favorise forcément la perméabilité des échanges tant verbaux que matériels. De ce fait, la configuration atypique des espaces mineurs /majeurs suscite inévitablement une interrogation quant à la porosité des commerces possibles entre détenus. Cette situation ne semble pas particulièrement interpeller l'administration pénitentiaire excepté lors des attentats de janvier dernier. Les référents mineurs du SMPR sont : Madame Gaëlle ARC psychiatre, Monsieur Jean-Pierre LINARD psychiatre, Monsieur Jean-François LEON infirmier psychiatrique et moi-même Hélène GRIGNOLA psychologue clinicienne. Nous intervenons tous à temps partiel au quartier mineurs. Dès l'arrivée d'un adolescent en prison, le SMPR est informé quasiment en temps réel. En effet, la proximité géographique des bureaux de consultation du SMPR avec le quartier des mineurs facilite leur rencontre et permet surtout de diminuer considérablement le temps d'attente pour les recevoir. Certains échanges furtifs peuvent se faire à travers les grilles et ainsi apaiser et rassurer le jeune de l'écoute qui lui sera accordée lors de son prochain entretien. Par principe, nous tenons à rencontrer de manière systématique et le plus rapidement possible tout jeune nouvellement arrivé sauf refus de sa part évidemment (ce qui est peu fréquent). La rencontre se fait avec l'un des quatre référents selon la disponibilité de l'emploi du temps de chacun. A ce moment, le mineur n'est pas encore inscrit dans tout le panel d'activités qui lui est proposé. C'est la raison pour laquelle l'entretien dit « arrivant » peut se faire sans gêner le déroulement de sa journée. En revanche par la suite, le et les suivis préconisés (psychologique et/ou psychiatrique) seront plus compliqués à mettre en place. En effet, de multiples activités éducatives et occupationnelles rythment évidemment et heureusement leur quotidien (scolarité, sport, jeux, parloirs, rendez-vous avec les éducateurs PJJ...). Ainsi, il faudra jongler à la fois avec notre emploi du temps et le leur. D'autant qu'il est toujours difficile et délicat d'interrompre une activité surtout quand celle-ci est investie par le jeune... et qui plus est pour un entretien psy. En revanche, nous répondons au plus vite à leurs demandes expresses d'entretien. Ces dernières peuvent parfois être relayées par le personnel pénitentiaire ou la PJJ si le jeune n'est pas disponible pour nous le dire lui-même. De même, il arrive que le surveillant affecté au quartier mineurs particulièrement présent et attentif nous interpelle pour nous signaler qu'un des mineurs aurait peut-être « besoin de parler ». Toute interpellation par un tiers est prise en compte et justifie une rencontre avec le dit mineur auquel sera mentionnée l'inquiétude du demandeur. Si notre pratique clinique est soumise aux aléas et aux contraintes de la vie en détention des adolescents à l'emploi du temps chargé, elle est également dépendante de leur capacité et de leur désir d'investissement de nous rencontrer plus spécialement quand ils ont déjà derrière eux des parcours de prises en charge psycho ou pédopsychiatriques. De plus, la brièveté temporelle de l'incarcération d'un mineur peut être un frein a une prise en charge réelle et efficace. Si notre place semble être reconnue et identifiée par les différents partenaires (PJJ, pénitentiaire et autres) elle l'est peut-être moins par les jeunes eux-mêmes. En effet, nous nous interrogeons à la fois sur l'indifférenciation perçue de nos pratiques cliniques (entretiens psychiatrique, psycho ou infirmier) au risque de faire « doublon » et sur la façon dont certains appréhendent les consultations au même titre qu'une activité annexe : « Je vais à l'école , je vais au sport, je vais au parloir, je vais à l'activité céramique … et je vais au SMPR ». Or, ce dernier est très sollicité par les différents partenaires ce qui implique de poser et de maintenir un cadre bien spécifique. Secret, éthique et confidentialité Lors des rencontres avec les adolescents, nous leur rappelons systématiquement notre attachement indéfectible au respect du secret partagé exclusivement avec les professionnels de santé. Concernant l’Administration Pénitentiaire, le respect du secret se vérifie le plus souvent lors des différentes rencontres, même si parfois certains surveillants peuvent avoir des interrogations diagnostiques plus ou moins formulées, voire des remarques déplacées. Le positionnement de chacun est clairement énoncé, aucune demande d’information médicale ne pouvant être recevable. Il n’y a pas de réunion spécifique SMPR/Administration Pénitentiaire en dehors des échanges sporadiques et informels, malgré les demandes réitérées de l’Administration Pénitentiaire de participer à la Commission Pluridisciplinaire Unique (CPU) mensuelle pour Mineurs qui réunit Administration Pénitentiaire, PJJ, enseignants et où les soignants du DSS (UCSA) se rendent régulièrement. Avec certains acteurs de la PJJ, les limites peuvent être plus floues et plus difficiles à respecter. Même si nous partageons avec la PJJ les mêmes inquiétudes concernant l’avenir d’un mineur, notre objectif commun est « la situation » de ce jeune. Cependant, certains éducateurs souhaiteraient en savoir davantage sur la psychopathologie de celui-ci. Questionnement auquel nous ne pouvons répondre que par des généralités et non par l’individualité. Une réunion mensuelle avec la PJJ est organisée dans les locaux du SMPR à l’extérieur de la Maison d’Arrêt, réunion à laquelle participent les éducateurs référents des mineurs incarcérés et la psychologue de la PJJ également référente du Quartier Mineur. Chaque dossier est étudié dans une dimension exclusivement éducative, aucun diagnostic n’étant évoqué. De par nos références et nos approches disciplinaires différentes, nous réfléchissons ensemble aux façons d’appréhender au mieux les vulnérabilités spécifiques de ces adolescents incarcérés en vue d’un accompagnement le plus adapté possible à leur sortie de prison. En revanche nous devons rester attentifs à ne pas transformer cette réunion en régulation de l’équipe des éducateurs. Enfin, lors de ces rencontres, nous pouvons interpeler la psychologue de la PJJ afin qu’elle réalise un bilan psychométrique pour réfléchir ensemble sur les compétences cognitives, les capacités comportementales et éducatives de ces jeunes. L’objectif est de répondre au plus près à leurs réelles possibilités d’orientation ou d’insertion professionnelle par exemple, ou à leur projet de vie à venir…Il n’en demeure pas moins que lors de la restitution de ce bilan, il nous faut rester très prudent quant aux réflexions cliniques que nous pouvons exprimer. Pour compléter les informations utiles au champ clinique, nous pourrions également prendre attache auprès des enseignants référents mineurs pour avoir leur éclairage concernant les comportements et attitudes en classe des jeunes, confrontés au regard des autres. Dedans/dehors Comment penser le « dehors » quand on est « dedans » ? Cela paraît d'autant plus difficile qu'il s'agit de l'incarcération de Mineurs et que pour différentes raisons cela ne va pas de soi ; notamment la pertinence et l'efficacité de cette mesure pénale, quand on sait que c'est cette catégorie pénale qui récidive le plus (environ 63% de récidives dans les 6 ans suivant la première incarcération : étude de l'A P de janvier 2013) ; par ailleurs le nombre de mineurs incarcérés ne cesse d'augmenter. L'incarcération des mineurs nécessite la prise en compte de paramètres particuliers propres à leur enfermement à la Maison d'Arrêt, car le quartier Mineur est à l'intérieur du quartier Majeur et constitue donc un « dedans » différent (encellulement individuel ,régime carcéral différent) dans le grand « dedans » de la prison, celui-ci étant appréhendé par les mineurs comme un « dehors » inquiétant, craint, parfois désiré, toujours fantasmé. Celui-ci se manifeste en permanence : bruits de clés, cris, pas précipités, chocs sur les tuyaux de chauffage à la fois perceptibles dans leurs cellules mais aussi, dans celles mitoyennes qui nous servent de bureaux, ce qui constitue une intrusion souvent perturbante à l'intérieur de nos consultations et qui peut apparaitre comme menaçant. Cette pollution sonore entrave la rencontre intersubjective et il devient alors plus difficile de penser le « dehors » (le vrai..) comme si le soignant ainsi que le mineur étaient contaminés, comme si se rejouait à la faveur de chaque intrusion sensorielle la question des limites à laquelle ils ont été si souvent confrontés pendant leur enfance et adolescence ...et que cela embolisait leur capacité à penser le monde extérieur ainsi que le futur. De plus ces jeunes aux compétences cognitives souvent dysharmonieuses, au stock lexical réduit(en lien avec une scolarité amputée), ont des capacités d'introspection très faibles étant peu capables d'identifier et de nommer leurs émotions. Cette alexithymie, dont une des fonctions principales est de les protéger de leur monde interne, les conduit, outre à des passages à l'acte auto ou plus souvent hétéroagressifs, à visée anxiolytique, à la pensée magique pour se projeter dans l'avenir ou à l'extérieur...ou à une impossibilité de penser à un quelconque changement. Cette représentation de ce qu'ils pourraient être dehors est aussi entravée par les excitations multiples que la prison génère en eux tant ils y sont perméables à leur insu, de telle sorte que la réalité du moment a plus de prise sur eux et l'aspect contenant de l'incarcération si souvent évoqué est à mettre en balance avec les stimulations multiples dont ils sont récepteurs et souvent incapables de les métaboliser. A cela s'ajoutent les questions pratiques du quotidien carcéral et qui laissent les jeunes tributaires du fonctionnement de l'AP, de l'éducation nationale et de la PJJ, responsables d'un agir peu favorable à la pensée Il est donc peu facile de les aider à penser le dehors. L'articulation « dedans /dehors » qui nous est apparue la plus intéressante, la plus informative, la plus efficace sur le plan de l'élaboration psychique est constituée par la rencontre avec la famille ; nous les rencontrons dans un premier temps à l'extérieur de la Maison d'Arrêt , puis dès que cela devient possible nous réalisons des entretiens familiaux à la Maison d'Arrêt dans un parloir avocat ce qui n'est sans doute pas neutre…La préparation de ces entretiens est souvent le moment de mise en perspective de ce qu'ils ont enfoui. Ces rencontres (comme dans toute prise en charge pédopsychiatrique hors les murs) nous semblent souvent déterminantes pour l'investissement des jeunes et des familles dans le suivi ultérieur. En pratique elles sont assez rares car elles nécessitent un temps d'incarcération suffisant pour pouvoir les organiser d'une part, la disponibilité et le désir des familles d'y participer d'autre part et enfin la volonté et surtout la capacité des mineurs à se remettre en « jeu/je » dans des interactions familiales projectives dévalorisantes et culpabilisantes. Cette capacité et cette volonté sont fréquemment absentes. Les sorties, les transferts se font le plus souvent rapidement sans que l'on soit informés ce qui nous permet pas d'anticiper autant que nous le voudrions un projet de soin coordonné à l'extérieur. Conclusion La configuration atypique du quartier mineur de la Maison d'Arrêt de Caen a des conséquences fonctionnelles non négligeables sur les prises en charge. La préservation de la confidentialité reste un point essentiel à faire respecter et à maintenir. L'articulation dedans/dehors en ce qui concerne les mineurs incarcérés est particulièrement complexe de par leur psychopathologie mouvante et cette complexité nous interroge sur le type des réponses pénales apportées. Les entretiens familiaux, quand ils peuvent avoir lieu, nous paraissent essentiels pour tenter de restaurer un équilibre entre leur monde interne et externe. Les mouvements carcéraux rendent très difficiles la préparation de projets de soin en lien avec l'extérieur. MARS 2015 JP LINARD, G ARC, H GRIGNOLA