Rapport Latin

Transcription

Rapport Latin
Deuxième langue
VERSION LATINE
Elaboration 2012 : ESSEC
Correction : ESSEC
M. Jean-René TRICHON
Sujet : Courage des chrétiens
MINUCIUS FELIX Octavius XXXVII
93 copies corrigées (74 en 2011) ; moyenne : 9,2 ; notes échelonnées entre 16 et 0,5 ; à la moyenne et audessus 39 copies.
Octavius est le titre d’un livre ressortissant à la littérature apologétique chrétienne auquel son
auteur, Minucius Felix, contemporain de Tertullien, a donné la forme, classique depuis Platon et Cicéron, du
dialogue. L’extrait qui a été proposé était court et ne présentait aucune réelle difficulté pour un latiniste,
disons, de niveau moyen - mais la correction a montré, cette année encore, que ce niveau toujours souhaité
est bien loin d’être toujours atteint…
La première phrase, exclamative, est certes longue (elle occupe les lignes 1 à 5) mais la structure
en est très simple : une principale nominale introduite par quam et six subordonnées temporelles au
présent de l’indicatif introduites par cum. Beaucoup n’ont pas vu cette construction soit qu’ils confondent
cum conjonction et cum préposition (cum dolore), soit qu’ils n’aient pas eu la patience d’aller jusqu’ au
bout de la phrase en s’appuyant justement sur l’anaphore de cum-comme si l’on pouvait se mettre à
traduire sans avoir au préalable pris une vue d’ensemble de la phrase ! Une petite difficulté cependant :
l’asyndète l3-4 cum…erigit, soli deo…cedit, qui, une fois bien repérée, devait être rendue en français, par
exemple ainsi : « quand il dresse (sa liberté)…pour ne céder qu’à Dieu ».
Dans toutes ses occurrences, deus devait évidemment être traduit par « Dieu », avec une majuscule
et sans article (on a trouvé trop souvent « un dieu », « le dieu » et même « le Dieu » !)
Les traductions de soli deo l4 par « le dieu soleil » ou « le dieu du pays » répondent à des choix
aberrants, même s’il est vrai que le datif de solus, a, um se confond morphologiquement avec le datif de
sol, solis et le génitif de solum, i ! Quant à la relative cujus est, elle ne pouvait signifier : « (le seul dieu) qui
est le sien » mais « (Dieu seul) à qui il appartient »-ce qui est fort différent.
Le démonstratif ipsi ne doit pas être confondu, comme cela a été souvent le cas, avec le réfléchi sibi
en étant rattaché à victor (= « vainqueur de soi-même ») : c’est l’antécédent de la relative qui…sententiam
dixit= « (il brave) celui-là même qui a prononcé la sentence. »
On oublie que certains mots sont de «faux amis» et qu’il est toujours prudent de lire attentivement
le dictionnaire. Ainsi pour inculcat l3 : alors que « il inculque » ne donne aucun sens satisfaisant, la prise en
compte de l’ étymologie suggère une traduction à la fois exacte et imagée : «il foule aux pieds». De même
pour insultat l5, non pas « il insulte » mais «il brave».
Avec la troisième phrase quis non miles…l6 la comparaison du Chrétien avec un soldat du Christ (cf
dei miles l8) qui n’était jusqu’ ici que suggérée par l’exaltation de son courage, devient explicite. Quis non
miles… audacius periculum provocet ?= « quel soldat ne défierait pas avec plus d’audace le danger ? »La
négation non porte sur le verbe et non sur miles. Les traductions « qui n’étant pas soldat… ? » ou même
« quel civil… ? » témoignent d’une lecture myope, de l’absence d’une vision d’ensemble du texte. Nous
sommes passés ici du plan du « comparé » au plan du « comparant » : il faut prendre au sens propre les
termes miles (= le soldat, et non «le soldat de la foi ») et imperator (=le général, et non «l’empereur» ou «le
seigneur»), mais aussi militia l8 (=le métier de soldat, et non « la lutte pour la foi »). Ainsi comprend-on la
coordination at enim (dei miles)= « mais en fait », « mais au contraire (le soldat de Dieu)… » (l’indication
du Gaffiot I3 ne pouvait donc être retenue ici).
L’antithèse sur laquelle est construite l’avant-dernière phrase l9-10, lorsqu’ elle a été vue, n’a
presque jamais été bien rendue. Videri ne signifie évidemment pas «être vu» mais «paraître» et
inveniri= «se révéler» c à d, en fin de compte «être» (sens4 du Gaffiot).
La traduction de calamitosos viros l10 par «des hommes pernicieux» (au lieu de « accablés par le
malheur »)-c à d le choix du sens actif de l’adjectif calamitosus-constitue un véritable contresens qui trahit
une incompréhension de la pensée de l’auteur (ou plus exactement du personnage qu’il fait parler). Celui-ci
en effet, dans cette dernière phrase introduite par l’apostrophe vos ipsi « vous-mêmes » c à d « vous les
païens», prétend rapprocher des martyrs chrétiens les « martyrs » du paganisme que ceux-ci glorifient.
L’exemple de Mucius Scaevola a donné lieu à un grand nombre de traductions aberrantes. En voici
une qui a le « mérite » de cumuler ignorance historique et désinvolture grammaticale : « alors qu’il
marchait (sic) vers le roi, il périt (sic) au milieu de ses ennemis sans avoir perdu (sic) sa main droite ».
Des trois subjonctifs plus que parfait errasset, perisset, perdidisset, seul le premier n’ est pas un
irréel du passé : Mucius s’ est trompé sur l’ identité du roi Porsena, il n’ a pas péri mais il a perdu sa main
droite... Si l’on ignorait l’ histoire contée par Tite Live, si on avait oublié l’ expression française « en mettre
sa main eu feu », le Gaffiot était là, qui explicitait s.v Scaevola le sens de ce cognomen (= le Gaucher).