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Leçons de Gram’hair :
fonctions de l’apostrophe
en onomastique commerciale
Mat Pires *
En français standard, le rôle de l’apostrophe se ramène pour l’essentiel
au marquage de l’élision grammaticale. L’étude présente d’abord la
gamme, relativement étroite, des emplois non-élisifs de l’apostrophe
en français. Elle dresse ensuite le bilan d’un emploi de l’apostrophe
qui est au contraire en plein essor; nous l’avons appelé apostrophe
commerciale. Le terme qui comporte une apostrophe commerciale est le
plus souvent éphémère et ne se lexicalise pas; il s’agit en général d’un
nom de commerce, de produit ou de service. Nous avons pu établir les
caractéristiques linguistiques et fonctionnelles de ces noms à partir d’un
échantillon de 200 occurrences. Celles-ci présentent souvent des éléments élisifs, mais l’analyse trouve également dans leurs apostrophes
des fonctions tantôt syntaxique et sémantique, tantôt connotative1.
I. EMPLOIS DE L’APOSTROPHE
I.1 – L’élision
Dans la langue standard, l’apostrophe sert essentiellement dans l’élision grammaticale, amuïssement par lequel on contourne l’hiatus
* [email protected]
1. Je remercie Sonia Branca-Rosoff pour sa relecture critique de mon manuscrit.
© Langage et société n° 91 – mars 2000
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entre voyelles juxtaposées. À l’écrit, elle participe aux élisions de le, la,
je, me, te, se, ne, de, que, ce devant voyelle ou h muet; de lorsque, puisque,
quoique devant il, elle, en, on, un(e); et de jusque devant à, au(x), en, où.
Elle figure également dans quelqu’un(e) et s’il(s) (cf. Grevisse et
Goosse, 1993, § 45).
L’apostrophe remonte à 1532, date à laquelle Jacobus Sylvius,
médecin de son état, s’approprie une marque grecque pour relever
les agglutinations pratiquées entre certains mots 2. La pratique s’élargit aux XVIe et XVIIe siècles, mais connaît ensuite un recul progressif de
ses domaines d’application, qui sont aujourd’hui relativement restreints (Grevisse et Goosse, 1993, § 106). Toutefois, la codification
actuelle de la langue écrite, et des emplois d’apostrophe, semble
avoir entravé ce repli. Le seul mouvement de recul discernable est
l’emploi oral si il(s) (régularisation sur si elle(s), non élidé), qui se
manifeste occasionnellement à l’écrit pour « rendre l’usage du
peuple» (§ 44 c). Son emploi en dehors de ce type de caractérisation
n’est pas inconnu3.
Si les apostrophes d’élision “grammaticales”, énumérées ci-dessus,
se maintiennent donc bien, dès que cette grammaticalité est mise en
doute, l’apostrophe est remplacée par la séparation, ou la soudure.
C’est là une tendance commune aux autres marques orthographiques
non-lexicales. Prenons l’exemple des composés nominaux syntagmatiques : pour m’as-tu-vu ou qu’en-dira-t-on, l’on conçoit aisément la suppression des marques non-grammaticales (m’as-tu vu, qu’en dira-t-on);
celle des marques grammaticales semble quasi impossible (*m as tu
vu, *qu en dira t on). Pour je-m’en-fichisme, d’ailleurs, le corpus de
Mathieu-Colas contient des variantes séparées et partiellement soudées (je m’en fichisme, je m’enfichisme : 1994 : 35), chacune maintenant
2. Afin d’améliorer la lisibilité de textes antérieurs à cette date, les éditeurs modernes
rajoutent systématiquement l’apostrophe : dans les Serments de Strasbourg (842), le
« dist di in avant » (de ce jour en avant) du manuscrit est transcrit en « d’ist di in
avant » (Lagarde et Michard, s.d., p. viii). Catach reproduit en fac-similé quelques
lignes d’un texte de 1540 d’Etienne Dolet, où on lit « Cest a dire Point suspêsif, Point
double, Demypoint, Point crochu » (1994 : 30).
3. Grevisse et Goosse citent une lettre de Stendhal : « Comme si il ne savait pas dicter un
acte » (1993, § 44 c).
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l’apostrophe grammaticale4. Vont dans le même sens la suffixation baldesquatzaresque (< Bal des Quat’z’Arts : Plénat, 1997 : 166), et la graphie quesaquo, qui, coexistant avec qu’es-aquo (Mathieu-Colas,
1994 : 334), témoigne de l’incertaine décomposition de ce /kez/ en
qu’est-ce.
Les apostrophes de aujourd’hui et de presqu’île 5 participent chacune
à une « graphie spécifique consacrée par l’usage » (Mathieu-Colas,
1994 : 33). Pourtant, çà et là, l’usage peut susciter la graphie aujourd’hui
(v. Boulet-Gercourt, 1998 : 20).
Les apostrophes lexicalisées qui ne ressortent pas à l’un des cas
précités sont globalement senties comme surnuméraires, et cèdent
donc à des variantes. Celles-ci peuvent être séparées (pop’music —>
pop music, pop’art —> pop art), mais le plus souvent sont soudées
(prud’homme, v’lan, composés en entre + voyelle; voir Mathieu-Colas,
1994 : 34, 141), ou à trait d’union (composés féminins en grand : grandmère, grand-rue, grand-peine etc.) 6.
I.2 – La troncation
L’apostrophe sert également à signaler l’apocope et l’aphérèse. La
lexicalisation entraîne presque toujours sa disparition, en toute
logique : l’apostrophe signale un écart par rapport à la norme, et
l’entrée au dictionnaire la normalisation de l’écart. La participation
de l’apostrophe en cas d’aphérèse concerne surtout les noms
d’années (’99 pour 1999), mais l’on trouve parfois ’ricain pour américain, malgré la lexicalisation de ricain (dans le Nouveau petit Robert,
1993 ; ci-après P. Rob.). Pour les apocopes, l’usage supprime vite la
marque : à part quelques survivances, notamment en – p – récup’,
récap’ –, les beauf, chrono ou autre Libé s’écrivent résolument sans
apostrophe.
4. Mathieu-Colas cite également la variante (marginale?) j’menfichisme (1994 : 35). L’on
remarque que la suppression m’en > men n’intervient que compensée par l’élision
non-standard j’m.
5. Presqu’île est doublement irrégulier, presque n’étant jamais élidé à l’écrit (Grevisse et
Goosse, 1993, § 45 b).
6. L’apostrophe de ces composés était censée remplacer une terminaison -e ; mais c’est
l’invariabilité de grand en ancien français qui est à l’origine du “non-accord”.
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I.3 – Le “génitif saxon”
Certaines apostrophes participent au final -’s, souvent interprété
comme un calque du “génitif saxon” que l’on rencontre dans certains
anglicismes (traveller’s cheques, gentleman’s agreement) et raisons
sociales (McDonald’s, Maxim’s, Levi’s). Mais le peu de lexèmes français en -’s, fort instables, ne renferment aucune valeur sémantique de
possession. La graphie pin’s, lexicalisée dans le P. Rob., est seule à faire
l’unanimité; elle répondrait au besoin de marquer la double consonne, absente des pins de pinède. Celle de bin’s, citée seule par le même
P. Rob., et par Cellard et Rey (1991), paraît dominante; seuls Colin et
Mével (1994) incluent les alternatives binz et bintz. Mais dans d’autres
lexèmes en –’s l’apostrophe est parfaitement aléatoire : à l’entrée
teen’s, Hippolyte Romain (1993) note que « Ce mot a fait son apparition au moment où les teens (sic) devenaient de furieux consommateurs de Rock »; la graphie jean’s, que reprend Cellard (1985 : 88), est
courante dans le commerce, malgré le simple jean (et sa variante
jeans) du P. Rob. Par ailleurs, une tendance à la désuffixation pure et
simple se dessine : la boîte d’un jeu porte l’inscription yam’s, tandis
qu’un ouvrage sur les jeux se refère au yam (Comte et al. 1990 : 466);
les Français portent majoritairement un simple jean; certains d’entre
eux prônent le gentleman agreement 7.
La logique de ce va-et-vient entre désuffixation, et complexification en /s/ final (matérialisée en – s ou –’s), semble dans certains cas
s’attacher au nombre, le final étant alors ressenti, comme en anglais,
comme un pluriel : jean, au singulier à l’image de pantalon, a ainsi prévalu sur le pluriel anglais jeans. Yam’s, pour sa part, exprime la pluralité des six dés nécessaires au jeu. La seule lexicalisation d’anglicisme complexifié est clips, que le P. Rob. donne en variante abusive
de clip. Le final en consonne + /s/, matérialisé en – CS, rare dans les
noms français (laps, mars), est courant en anglais (pluriel, 3 e personne singulier du présent; avec apostrophe, possession), ce qui tend à
renforcer la connotation anglaise. Les lexèmes français mentionnés
7. Dans la période 1987–96, les 48 occurrences de cette expression au Monde comptent 11
« gentleman agreement », et même un « gentleman-agreement », en trait d’union
(26 janvier 1987 : 16) (source CD-Rom).
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ici sont dénués de toute valeur plurielle ou possessive, certes, mais ils
restent essentiellement anglais (notons l’exception bin’s, dérivé de
cabinets, malgré le sémantisme proche de l’anglais bin, poubelle).
Derrière un s final, l’apostrophe est donc presque toujours facultative; sa présence ne fait qu’appuyer une consigne de prononciation
/s/, à la place du final en – s muet, à la française.
I.4 – L’évocation de l’oral
Dans l’usage littéraire, l’apostrophe peut participer à une déformation orthographique qui vise l’évocation d’un parler réel, souvent à
connotation “populaire”. Elle reprend surtout la chute du schwa, en
syncope (« f’sait », « t’nait ») ou en élision devant consonne (« n’sait »,
« c’vieux », “l’bonnet »). Pratiquée par Barbusse (source des mots
cités : 1916, ch. 16) et Zola, on la retrouve encore, quelque peu allégée, chez Tremblay. Pourtant, le filigrane normatif que laisse planer
cet emploi de l’apostrophe n’est pas pour plaire à tous les auteurs.
Queneau le contournait par soudures (« asteure » pour à cette heure) et
syncopes sans apostrophe (« Ptits-pieds ») (1959 : 97), tandis que
Céline, pourtant admirateur de Barbusse, se bornait aux déformations les plus courantes, de tu en t’ devant voyelle (« t’es », « t’as »,
« t’avais », « t’iras”, « t’entends”), et de je en j’ devant consonne (1952 :
17-18, 376 -377, 621).
À part la chute, l’apostrophe oralisante peut participer à des complexes visant à restaurer un phonème attesté à l’oral mais absent de
l’écrit. L’exemple canonique de cette “liaison abusive” est donné par
le Bal des Quat’z’Arts, orthographe par ailleurs établie de longue
date (« bal des 4’Z’Arts », in Aragon, 1928 : 66).
Jusque-là, nous avons dépeint une apostrophe en légère perte de
vitesse. Les élisions s’il et s’ils glissent, en français avancé, vers si il et si
ils; les apocopes se passent presque toutes d’apostrophe; les quelques
-’s finaux coexistent avec des graphies soudées ; l’emploi de l’apostrophe dans l’évocation du dialogue populaire est loin de remporter
l’unanimité. L’essor de l’apostrophe commerciale va à l’encontre de
cette tendance.
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II. L’APOSTROPHE COMMERCIALE :
DÉFINITION, TRAVAUX ANTÉRIEURS, CORPUS
Cette étude se base sur la simple présence d’une marque graphique
– l’apostrophe commerciale 8 – dans un type textuel restreint. Si elle
ne prend pas comme point de départ un procédé grammatical
unique, c’est qu’il n’en existe pas. Nous avons en effet mis à jour trois
procédés de base – la composition, la suffixation, et la troncation –
ainsi que des combinaisons de ces trois.
Ces trois procédés correspondent aux trois seuls exemples d’apostrophe commerciale cités dans un ouvrage de vulgarisation linguistique des années vingt (Boulenger et Thérive, 1924 : 92); ceux-ci sont
d’ailleurs repris dans la Grammaire des fautes (Frei, 1929 : 284). Dans
son Essai sur la langue de la réclame contemporaine, Galliot ne dénombre,
parmi une vaste gamme, qu’une trentaine de noms faisant usage de
l’apostrophe, qu’il pose plusieurs fois comme un ajout exceptionnel
(1955 : 319, 325, 329). Enfin l’apostrophe figure à certains des noms
analysés dans deux articles d’un numéro de Lidil consacré à “l’orthographe en liberté” (Lucci, 1989; Jacquemin, 1989). Jacquemin, pour
sa part, analyse un corpus de 476 noms inventifs de produits français vendus en grande surface. Elle estime que ces noms recouvrent
un dixième environ des produits disponibles aux rayons épicerie,
liquides et droguerie. Le fait que 5,5 % d’entre eux (26 occurrences)
comportent l’apostrophe, nous laisse à penser qu’environ 0,5 % des
noms de produits dans ces trois catégories comporteraient l’apostrophe commerciale.
Les quelques études abordant l’apostrophe commerciale la situent
donc parmi d’autres phénomènes de graphie marginale; son apport
spécifique n’est jamais traité à part. Certes, elle n’est pas un sine qua
non des manipulations que nous allons présenter, car l’on trouve également des composés de ce type en trait d’union, en soudure, ou en
séparation (voir les exemples de Galliot (1955) ou le corpus de
8. Toute apostrophe participant à un nom propre non-lexicalisé à usage mercantile ; il
s’agit essentiellement de raisons sociales déposées (noms de magasins, de sociétés), et
de noms de produits commercialisés.
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Jacquemin (1989). Mais l’apostrophe a cet avantage de séparer et de
rapprocher en même temps (Jacquemin, 1989 : 85). La soudure
simple peut poser des problèmes d’interprétation (où se trouve la
frontière entre lexèmes ?), et d’acceptabilité du nom ; l’acceptabilité
est également mise en question par la séparation. L’apostrophe, elle,
sert de marqueur de non-conventionnalité, mais sa qualité de dissociation-association contraste avec la prédominance associative de la
soudure et du trait-d’union, et dissociative de la séparation.
Le présent article dépouillera un corpus de 200 noms comportant
tous l’apostrophe (reproduit en fin d’article), afin de cerner la syntaxe, la sémantique, et la pragmatique de ce signe. Ces noms ont été
recueillis au bloc-notes, au hasard de promenades urbaines dans
Paris et Montpellier (à quelques exceptions près), en 1997 : c’est ainsi,
dans la rue commerçante ou l’allée du supermarché, qu’ils se présentent à nous.
II.1 – Emplois commerciaux d’apostrophes conventionnelles
Avant de considérer les créations en apostrophe du monde commercial, abordons les emplois d’usages lexicalisés (ou à tout le moins
attestés en français)9. Nous avons des exemples d’élision désuète, de
génitif saxon et d’effet d’oral :
1) Grand’mère
2) Jean’s
Pep’s
3) J’vais
P’tit Dop
Diam’s Preum’s Yam’s
Z’animo
Si les composés féminins en grand tendent vers le trait d’union,
l’apostrophe est maintenue dans la marque de café Grand’mère
(citée, lors d’une publicité cinématographique, comme cadeau idéal
pour la «fête des grand-mères») (1).
Le génitif saxon -’s, indication d’appartenance, occupe une place
importante dans l’onomastique de l’entreprise anglo-saxonne (§ IV.2),
9. La lexicalisation renvoie aux dictionnaires cités en bibliographie (P. Rob. ; Cellard et
Rey, 1991 ; Colin et Mével, 1994). Les attestations tirées du français écrit sont référencées (bibliographie, entrées avec astérisque). Les énoncés oraux ont été relevés par
l’auteur, qui a vérifié leur existence auprès d’autres francophones.
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et les nombreuses imitations en France évoquent un désir de s’associer ses connotations commerciales. Parmi ces imitations on trouve
un certain nombre de vocables en -’s qui sont lexicalisés ou attestés en
français (2). Jean’s et Pep’s renvoient de façon ludique à une gamme de
pantalons Jean-Paul Gaultier (preuve par jeu polysémique d’un possessif déchu), et à un réparateur de parapluies (< pépin). Au vu des
entrées du P. Rob. – jean (en variante jeans), pep, et diam – et d’une
encyclopédie de jeux – yam (Comte et al., 1990 : 466) –, le final en /s/
semble une complexification populaire. Preum’s (société de coursiers)
reste non-lexicalisé, malgré la fréquence de l’apocope complexifiée
enfantine être le preums.
Le salon J’vais coiffure, ainsi que les nombreuses appellations en
P’tit (nous n’en donnons qu’une, à titre indicatif), reprennent deux
élisions oralisantes bien connues (3) : Galliot évoquait déjà les nombreux P’tit bar parisiens (1955 : 314). Z’animo, ou « Z’animo Z’au
Chocolat au Lait », pour citer le texte entier de l’emballage, matérialise les z dits de liaison abusive, mais en réalité le premier d’entre eux,
normatif, relève plutôt l’ellipse à effet enfantin du /le/ de /lezanimo/, tandis que le second, surnormatif au point d’être inconcevable,
même chez un enfant, imiterait plutôt le zézaiement enfantin.
Ces appellations, qui privilégient l’apostrophe, constituent un premier signe de la vivacité de celle-ci dans le monde du commerce.
III. APPELLATIONS MONOSÉMIQUES
III.1 – L’apocope
À l’origine, l’apostrophe servait uniquement à relever l’apocope
(Catach, 1994 : 91), elle ne le fait plus guère aujourd’hui. Le commerce en recèle quelques survivances, la plupart purement graphiques.
4) Diff’
5) Croq’
Abbess’
6) Croustik’
7) Mod’s
8) Imagine’
Mouv’
Locomotiv’
Nat’
Cigarett’s
PurSoup’
Lagaf’
Télé rapid’
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L’apocope concerne à la fois l’abrègement (suppression syllabique)
et la suppression de lettres muettes finales, sans incidence sur la
prononciation. L’abrègement paraît exceptionnel – troncations de diffusion et (vraisemblablement) de mouvement (4) ; Galliot cite « les
montres Trib’ (avec l’apostrophe cette fois) » (< tribu ?), laissant
entendre par son incise la rareté du signe dans ce cas (1955 : 319). Le
remplacement de lettres muettes, déjà constaté au nom de la teinturerie American glaçag’ (référence aux cols “glacés” : Boulenger et
Thérive, 1924 : 92), est à l’origine de la plupart des apocopes ici (5). Ce
remplacement peut même se faire en cas de modification orthographique (-k- pour -qu-) (6), ou bien être assorti de s final (possessif ou
pluriel anglais en /s/) (7). Enfin – mais c’est rare – il peut se produire
en cas de maintien du – e (8), cas limite d’apocope (rien n’est supprimé) qui semble indiquer l’importance connotative de l’apostrophe.
III.2 – Composés en juxtaposition
Dans le plus simple composé à apostrophe, deux lexèmes, en général
nominaux, sont juxtaposés sans créer de nouveau signe. Le premier
des lexèmes est élidé de lettre(s) muette(s) :
9) Alp’verre
Frig’air
Tavern’pub
10) Coiff’elle
Ongl’créanail
11) Béa’tifs
Sergioleon’coiffure
Tiff’anita
12) Chrys’Jules
Biss’’goss
Coif’feeling Crêp’câlin
Prim’Saveur Scèn’action Sicil’air
Croq’cité
Styl’coiffure
Croq’vert
Prim’optic
Jos’hair
Croqu’doré Drag’west Modern’est
Tir’essuie
Tir’press
Nat’Elsa
Sam’express
Ulys’air
Mat’Sand
Yang’hair
Ces simples élisions comportent en général une chute du e final
muet, pour créer une association nominale de synonymes (Tavern’pub),
de synecdoques (Sicil’air), ou de métaphores (Crêp’câlin) (9). L’articulation syntaxique tient de la seule juxtaposition. Les composés peuvent
associer un nom à un adjectif, pronom, ou verbe, ou bien lier deux
non-nominaux (10). Le composé peut également joindre un nom
propre (propriétaire de l’établissement, ou métaphore exotique) au
type de commerce (ou à une synecdoque de celui-ci) (11), ou associer
deux noms propres (Mathieu + Sandra, etc.) (12).
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III.3 – Composés syntagmatiques
Certains noms reprennent la séquence syntagmatique :
13) Fem’chic
14) Coiff’tif
Rénov’livres
15) Cathy’coiff
Pouss’mousse
16) Brill’vit
Long’distance
Kas’prix
Révél’Amour
Croc’Choc
Pouss’suc
Ki’koup
Marbr’ouvré
Rebouch’bois
Croc’Galette
Viv’Art
Rénov’daim
Croq’sandwiches
Dans quelques cas, l’apostrophe sert de simple tampon entre mots
qui, de toute façon, se succéderaient sur l’axe syntagmatique. Les
quelques n. + adj. de (13) en fournissent l’exemple, mais ils sont rares
(l’adjectif apparaît de manière générale comme un élément inhabituel du composé commercial). Le cas d’une apostrophe qui remplace
l’article déchu d’un syntagme verbal est plus courant (14) (15). Une
moitié de ces cas pratiquent indiscutablement l’ellipse d’article entre
verbe et objet (14), tandis que les autres offrent parallèlement l’interprétation en “séquence anglaise” (voir § III.4), contournant les syntagmes
français mousse à pousser, art vivant, coiffure chez Cathy, etc. (15). Enfin
en (16) nous avons une qualification adverbiale, et une proposition
subordonnée en graphie fantaisiste, rappellant les lacets de chaussures
Kin’Kas’Pah, de 1935, que Galliot qualifie de « record du ridicule »
(1955 : 314).
Certains syntagmes relèvent de l’asyndète, où l’on supprime un
mot de liaison entre noms, typiquement une préposition telle que de
ou pour :
17) Coif’hom Coup’Kid
Bout’chou Espace’mode
Guid’Sup Guid’Fac
Space’hair
Som’toile
Ainsi Coup’Kid, par exemple, renvoie-t-il à “Coupes pour kids”.
La suppression peut être assortie d’abrègement ou même d’ellipse
lexicale : Sommier en toile, Guide de l’enseignement Supérieur. Galliot,
à ce propos, cite le Mat’lux, « matelas de luxe, à ressorts » (sic), et le
médicament – domaine inhabituel pour les apostrophes – Tot’héma,
de 1935, qui se targue de contenir « la totalité des éléments nécessaires
à la régénération de l’hématie » (1955 : 325, 323). L’apostrophe des
trois derniers exemples en (17) ne correspond à aucune suppression
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finale. Pour Bout’chou elle peut mettre en relief le t sonore de la réalisation [but∫ u] de “bout de chou” ; par contre dans Espace’ mode et
Space’hair elle ne correspond à aucune apocope, signalant uniquement l’absence de la préposition et de l’article.
III.4 – Composés à “séquence anglaise”
Suivant Frei (1929 : 284), nous appelons “séquence anglaise” la projection en position initiale d’un nom normalement régi par une préposition, avec perte de celle-ci. Si Coup’kid (17) ne trouble pas l’ordre syntaxique, un salon de coiffure Kid’coup (dont l’éventualité paraît
intuitivement possible), relèverait d’une manipulation stylistique
autrement plus complexe. Frei cite (parmi nombre d’exemples en trait
d’union), le Bastill’ car (1929 : 284), « char-à-bancs automobile qui
conduit les “sportsmen” à Auteuil ou à Longchamp» (selon la définition de sa source, Boulenger et Thérive, 1924 : 92). Cellard, pour sa
part, évoque le Pétanq’ Club (1985 : 87, mais privilégie lui aussi dans
ses autres exemples le trait d’union).
Le présent corpus ne contient qu’un petit nombre de séquences
anglaises, confirmation peut-être de l’impression, laissée par la
consultation de Cellard et de Frei, d’une domination du trait d’union
dans ce domaine :
18) Air’évasion Griff’troc Ital’bac
19) Idées’store Nip’shop
Rêv’Vacances
Montmartr’crémerie
Ces noms imitent la syntaxe anglaise : l’adjectif précède le nom;
le passage adj. > nom se fait sans incidence morphologique. Le degré
zéro français passerait par un groupe prépositionnel : “vacances de
rêve”, “crémerie à Montmartre”. Là où l’on constate la présence de
finaux anglais (19) l’apostrophe fait non seulement office de charnière syntaxique, mais de séparateur de codes.
III.5 – Composés intégrant des noms de lettres
Bon nombre d’exemples recèlent des lettres indépendantes. L’apostrophe remplit, là aussi, une fonction séparatrice, marquant la transition entre types de signifiants :
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20) mot
“au”
“c’est”
autres
L’coiff
21) initiale B’A
22) phonème S’trim
O’café
C’10F
T’chat
C’Système
O’ciné
O’piano
Croq’o’pain
C’bon
C’rock
Restor’A9 Tomat’aMama
Langues’O
Le goût prononcé pour les sigles, brefs et multilingues, dans le
monde commercial (C&A, BHV, RTL, etc), est bien documenté. Mais
l’apostrophe n’est pas la ponctuation habituelle du sigle (qui se fait
par juxtaposition simple, ou par points), et la siglaison proprement
dite se borne donc ici à trois exemples, relevant les initiales de Bifidus
Actif, de Copie10, et de Orientales (21). L’apostrophe est davantage usitée dans le recodage du nom de la lettre – /ël/ pour L, /a/ pour A
(20), aussi (46).
La plupart de ces lettres indépendantes sont des homonymes lexémiques (20). O rend “au” dans les noms de deux bistrots (type “Au
chien qui fume”) 11, d’un festival et d’une sandwicherie; C représente
c’est, moyennant un léger glissement phonologique (/se/ > /së/), et
le même codage rend elle, à neuf, à, et /ti∫ a/ (< petit chat), dont la
majuscule doit se prononcer à l’anglaise. Plus rare encore que le sigle
est l’emploi de majuscule en simple phonème : seul S’trim (/stRim/)
paraît exclure la prononciation en lettre indépendante (/ëstRim/) (22).
III.6 – L’affixation
En principe l’affixe se lie au radical par soudure, non par apostrophe.
Pourtant, la présence d’un élément anglais peut, comme pour les
lettres indépendantes, nécessiter une démarcation entre cette langue
et le français :
23)
24)
25)
26)
27)
Choc’land
Just’in
Candy’Up
Trans’dem
Crêp’mania
Pulp’land
Riky’n
Démak’up Fraîch’up
Trans’plis
Lav’matic
10. Le propriétaire de C’Système nous informe qu’il s’agit également d’un détournement de système D.
11. L’emploi rappelle le café 0 20 100 0 (“Au vin sans eau”) mentionné dans Etcherelli
(1967, p. 50).
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Si les suffixations en -land sont banales (23), in, “à la mode”, se
fond en haplologie au prénom Riky d’une part, et de l’autre produit
une expression anglaise traduisant vient d’arriver (24). Up, graphie
remplaçant le français hop!, exprime le “prêt à l’emploi” : la graphie
à k de Démak’up (disques à démaquiller) peut également évoquer
make up, maquillage 12 ; Fraîch’up, pizza qui « lève et cuit dans votre
four», se sert incontestablement du jeu bilingue (up, vers le haut) (25).
Le préfixe trans se trouve ici à deux reprises lié au nom au moyen
de l’apostrophe (26) : l’on décèle une mise en relief de l’apocopation
de transport dans les deux cas.
III.7 – Apostrophes adventices
La fréquence des apostrophes dans les noms commerciaux aboutit à
leur valorisation contextuelle. De fait, certains noms opèrent la syncope, apparemment dans le seul but de faire place à l’apostrophe,
tandis que d’autres ne recourent même pas à une syncope factice
pour intégrer l’apostrophe adventice. Ces apostrophes facultatives,
sans incidence phonétique, sont :
28) Col’rette Pamp’lune
29) An’ge
Biz’ness
Pit’choun T’choupi
Pich’net
F’estin
Poch’tron Ox’bridge
N’omades Diab’less Mi’mi
Les lexèmes en (28) apparaissent comme des syncopes, du fait de
la lexicalisation universelle des graphies collerette, Pampelune, et pichenette, et partielle de pochetron (avec pochtron, dans Colin et Mével,
1994). L’apostrophe inhabituelle de Ox’bridge, quant à elle, correspond
du moins à une articulation réelle13. Par contre, les apostrophes figurant aux noms en (29) sont on ne peut plus loin des fonctions grammaticales d’affixation, apocopation, ou élision. Les cinq premiers renvoient lettre à lettre (sauf chute finale de diablesse) à des mots
lexicalisés sans l’apostrophe. Deux hypocoristiques s’affublent
12. Lucci (1989) et Jacquemin (1989) mentionnent tous deux ce nom, sans suggérer ce
sémantisme ; par ailleurs toutes les consommatrices interrogées nous ont évoqué le
seul démaqu[iller] + hop !
13. Oxbridge, crase courante en anglais pour englober les deux universités d’Oxford et de
Cambridge, s’écrit obligatoirement en soudure.
72
MAT PIRES
d’apostrophe : mimi (lexicalisé) et Pit’choun (non-lexicalisé 14). Ce
dernier, qui signifie petit en occitanien, se retrouve sous une forme
verlanisée dans un nom de personnage de livres pour enfants,
T’choupi 15 ; l’apostrophe, malgré la permutation, s’y maintient. Un
désir de séparer le /t∫ / inhabituel pourrait constituer un début de
rationalisation ici. Toutefois, d’après de nombreux francophones que
nous avons interrogés, le mot s’orthographierait spontanément sans
apostrophe (pitchoune), ce qui conforte l’hypothèse d’un usage décoratif (purement graphique), à connotation commerciale, ne répondant
à aucune fonction syntaxique ou phonologique.
III.8 – Conclusion
Mis à part les quelques cas d’apocope, la présente section a traité des
diverses manifestations, dans le cadre de la composition, d’une apostrophe médiane. Celle-ci comporte souvent une élision symbolique
(souvent de final muet en – e). Pourtant, l’absence dans plusieurs cas
de chute constatable (Air’évasion, Espace’ mode, Idées’store), met en
échec une rationalisation purement élisive, et montre la participation
de l’apostrophe à des basculements vers un modèle syntaxique
anglais, et vers des cas d’asyndète.
IV. APPELLATIONS POLYSÉMIQUES
Jusque là, nous n’avons abordé que des composés monosémiques,
même si certains d’entre eux réclament une polysémie par voie
contextuelle (c’est le cas de Space’hair, dont l’enseigne fait figurer planètes et corps célestes). Mais la polysémie est l’un des piliers de la
créativité publicitaire; les plaisirs de décodage qu’elle propose au lecteur font vendre, et l’apostrophe, nous le verrons, n’est pas sans y
jouer son rôle.
14. On retrouve toutefois ce terme chez Flaubert, indiqué comme du “patois marseillais”:
« Ah ! brave pichoûn, mon poulit rossignolet !! » : 1869 : 140)
15. Les aventures de T’choupi le pingouin, de Thierry Courtin, sont publiées chez Nathan.
73
LEÇONS DE GRAM’HAIR
IV.1 – Resémantisation apocopative
Seules deux apostrophes d’apocope finale relèvent d’une polysémie.
30) Pom’
Panach’
Le cidre Pom’ d’Adam emploie la marque pour relever (et distinguer) un homonyme anatomique. La suppression de la dernière syllabe de la boisson Panach’ (un panaché) fait ressortir le mot panache.
S’agissant d’un breuvage pétillant, l’on pourrait également chercher
là à valoriser un /∫ / iconique (bruit de l’ouverture de la canette); cela
rappelle le profit tiré par les publicitaires du premier phonème de
Schweppes.
IV.2 – Resémantisation du final
Quantité d’appellations du corpus pratiquent la polysémie à travers
la resémantisation du final. Le final est souvent, mais non pas exclusivement, un suffixe. La graphie déviante qui remplace le final correspond à un homophone.
31) /ëR/ -aire
-er
-ère
-eur
-if
-al
-elle
-ard
-arre,
-ire
37) /i~/ -ing
38) autres
32) /œR/
33) /if/
34) /al/
35) /ël/
36) /aR/
Capil’hair
Imagin’hair
Manag’hair
Start’hair
Atmosp’hair
Brocant’heure
Act’tif
Cruci’hal
Actu’elle
Banlieues’art
Bis’art
Feel’in
Ampl’hi-fi
Wood’stock
Formul’hair Gram’hair
Légend’hair Volt’hair
Mey’hair
Mist’hair
Nag’airs
Coif’heure
Créa’tif
Théâtr’hall
Natur’elles
Pend’art
Bizz’art
Image in’air
Report’air
Explor’heure Roll’heure
Evolu’tif
Imagin’a’tif
Vit’halles
Mémo’art
Apo’Strophe Aur’Or
Montorg’Oeil
La resémantisation de la finale est dominée par le final /ëR/, à graphies -aire, -er, et -ère (31); hormis quelques occurrences de air, ces graphies cèdent à l’homophone anglais hair. Ainsi Volt’hair évoque le
quartier parisien de Voltaire, et Gram’hair sa rue, la rue Gramme. Le
final -er participe à des substantifs d’origine anglaise, mais aussi au
nom Meyer, de Mey’hair, tandis que -ère livre des resémantisations
74
MAT PIRES
de atmosphère et naguère. L’omniprésence de hair reflète la prépondérance de mots-cible unique : heure de /œR/ (32), l’argotique tif du final
/tif/ (33), le pronom elle de /ël/ (35), le substantif art de /aR/ (36). Le
feeling global de (37) est même matérialisé dans un slogan publicitaire : « A vous d’avoir le bon Feel’in ». Le procédé tire aussi hi-fi de
amplifie, strophe de apostrophe et or de aurore; le stock commercial et l’œil
optique de deux noms de lieu (38).
Le “génitif saxon” est à l’origine de bon nombre de noms commerciaux, mimétismes d’un emploi réel anglophone (McDonald’s :
chez McDonald). Ce type couvre 12 des 32 noms en apostrophe cités
par Galliot, allant du banal (Flory’s, Emil’s) au foncièrement folklorique : Notre-Dame’s Garage, Arrêt facultatif’s Bar (Galliot, 1955 : 223224). Si trois de ses exemples – les hôtels Princes’s, Régen’s, Moder’n
– nous illustrent l’emploi “à tort et à travers” (p. 223) du possessif
anglais, l’auteur va malheureusement jusqu’à classer également La
maison de la Laine Mod’, Prim’rose, Mod’Ely, et d’autres à la rubrique
des possessifs mal maîtrisés, alors qu’ils ressortent clairement à
d’autres opérations.
Ce possessif anglais figure dans d’innombrables noms commerciaux français, simples mimétismes qui, par-delà le constat de leur
fréquence, n’intéressent pas notre propos. Par contre, dans certains
noms, cette suffixation participe à une opération morphosémantique
plus complexe :
39) Energy’s
40) Agne’s
Marronsui’s
Nougasui’s
Pari’s
Régli’s
Energy’s (39) joue sur l’homophone verbal énergise, tandis que dans
d’autres cas une apostrophe parfaitement adventice peut activer un
possessif : Boulenger et Thérive notent l’Orléan’s marché, avenue
d’Orléans (1924 : 92), Galliot « le cosmétique Ricil’s, pour les cils, à
base d’huile de ricin » (1955 : 328). Les exemples en (40) témoignent
de la survivance de ce procédé.
IV.3 – Autres resémantisations
D’autres apostrophes permettent de dégager un lexème par une resémantisation portant sur un élément qui n’est pas (ou pas seulement)
un élément final.
LEÇONS DE GRAM’HAIR
75
41) initial
Bac’io
Dat’cha
Régal’ad
42) double
Brod’way Regg’lyss Rik’Hochet In’crust
43) syntagme Bouff’tard Coll’Atout Image in’air Opti’soins Toutan’folie
Les seuls éléments initiaux resémantisés sont une boutique rue du
Bac (italien bacio, baiser), une marque de dattes (illustré par une hutte
en plein désert, avec palmiers…), et un nom de bonbons en paquet
qui peut se lire en suffixation de régal ou en resémantisation initiale
de régalade (boire à la régalade) (41). Les doubles resémantisations en
(42) renvoient à un mercier (brode + way (façon) = Broadway), à un
groupe musical (reggae + lisse = réglisse), et à une marque de vêtements (Rik (prénom) + hochet = ricochet). La pizza In’Crust passe par
l’anglais pour marier la mode (in) à la croustillance (crust, croûte),
mais le signe global incruste provient de l’argot adolescent français 16,
prêtant ainsi au nom une semblance de normalité lexicale. En (43)
nous avons des syntagmes, verbaux pour les deux premiers (> rue
Mouffetard ; à tout) ; nominaux ensuite (faux anglais, dans l’air ; aux
petits; apocope de Toutankhamon (?).
La resémantisation d’un élément final ou initial peut être partielle,
se complétant à l’aide de phonèmes “empruntés” au lexème voisin.
44) partiel
Alexand’wiche Optim’emploi
45) à-peu-près Barb’eco
Broc’ange
Cré’actif
Don’action
Foir’fouille
Montpell’hier
Trévi’scooter
Class’croûte
Coif’élia
Efferv’Essonne
Privil’edge
Ainsi en (44) l’absorption d’un fragment du final donne optimum et
Trévise (rue); celle de l’initial sandwich. Les à-peu-près de (45) isolent
un nouveau lexème, moyennant une approximation du signe global
sous-jacent – barbecue, brocante, casse-croûte, Coppélia (ballet), créatif,
donation, effervessence, farfouille, Montpellier, privilège.
Les exemples en (46) sont bâtis sur des resémantisations de syllabes converties en lettres :
46) lettre K’Store
Rache’L Crescend’O Bistr’OK Jan’R
16. Le lexique d’Hippolyte Romain glose l’expression s’taper [sic] l’incruste, qui signifierait,
d’après la contextualisation, “faire l’intrus dans une fête” (1993 : 81).
76
MAT PIRES
Le procédé permet de dégager les signes globaux castor, Rachelle,
crescendo et l’astucieux bistroquet, parallèlement aux resémantisations
de store, elle, eau (Crescend’O étant un spectacle aquatique) et OK.
Jan’R offre un signe notoire – le hair des coiffeurs – assorti du roman
Jane Eyre. Dans ces exemples l’apostrophe permet de marquer matériellement le point de passage entre types de signifiant (lettre, mot),
et ainsi de mettre en avant la resémantisation elle-même 17.
V. ANALYSE
Ici nous allons considérer une éventuelle limitation sectorielle du
phénomène d’apostrophe commerciale, avant de mettre en exergue
quelques spécificités morphophonologiques qui le favorisent
(§ V.1). Nous ferons ensuite état de quelques réactions à cette apostrophe (§ V.2), qui tendent à confirmer ses connotations sociales et
commerciales.
V.1 – Influences sectorielle et morphophonologique
Malgré sa grande diffusion, l’apostrophe commerciale se concentre
dans certains secteurs d’activité. Le présent corpus relève par
exemple sa vitalité chez les coiffeurs, qui exploitent bien souvent la
correspondance suffixale de synonymes marginaux de cheveux :
l’anglais hair (16 finaux), et l’argotique tif (6 finaux, 1 initial). Le rôle
du hasard homophonique ressort de la rareté du terme voisin nattes
(3 initiaux), sans homonymie suffixale, mais cela n’explique pas tout :
les composés en coif (6 initiaux, 3 finaux) restent fréquents. Le fait de
couper, à la base de la coiffure, trouverait-il une homologie dans la
langue au moyen des ces mots fragmentés?
Le domaine de la nourriture, lui aussi, recèle un trésor de noms en
apostrophe, qui ornent surtout les produits alimentaires vendus sous
17. Cette opération peut éclaircir deux noms que relève Galliot : le « bizarre et imprononçable» Jav’l, et l’«affreuse déformation» Lut’cia braü (1955 : 211, 314). L’emploi de
majuscules – Jav’L, LuT’cia – indiquerait la prononciation, comme dans notre Rache’L.
Seul l’emballage d’origine de ces produits pourrait confirmer cette hypothèse.
LEÇONS DE GRAM’HAIR
77
emballage, et les restaurants rapides. Nombre de ceux-ci traduisent la
nutrition par des éléments tirés de la série en position initiale /kR/,
comportant notamment croustiller (In’Crust, Croustik’) et croquer
(Croq’cité, Croq’sandwiches; voir Corpus à cr-), préfixe qui déborde le
secteur : Croqu’sandwich, ainsi que Croqu’salé, et « Croqu’Odile,
Crocodile ! » sont des livres d’enfants (Anargyros, 1982, 1985,
Pédagogie Freinet, 1983)18. Encore ici, le sémantisme de croquer recouvrirait la notion de couper. Certains projets graphiques d’emballage
vont dans ce sens, d’ailleurs, affublant d’un rôle iconique une apostrophe figurée comme un long triangle incisif qui percute le mot
(dans Croc’Choc, par exemple).
L’apostrophe commerciale reste essentiellement cantonnée aux
textes ultra-courts (noms, titres) du domaine onomastique; en texte
continu, l’on ne la trouve que fort rarement. Le fort inventif
“décalc’man” (Richard, 1991) livre le sens de plagieur en complétant
une syncope-apocope de décalcomanie de suffixation en -man. Mais ce
suffixe, comme le montrent les exemples fauch’man, arrang’man,
poul’man (dus à Gadet, 1997 : 105) est souvent doté d’apostrophe, en
marque de changement de code. La crase journalistique dircom (directeur de communication) est à l’origine de “com’boys” (Robert, 1996 :
75), avec un clin d’oeil en direction de cowboys. Le seul nom commun
employé sans ludisme est sof’press : ainsi dans l’ours d’un Télérama
apprendra-t-on l’inclusion d’« Un sof’press Thierry Mugler jeté entre
les pages 2 et 3 pour tous les kiosques et les abonnés hommes »
(18 novembre 1998 : 3).
V.2 – Réactions face au phénomène
Le plus ancien nom à apostrophe que nous avons rencontré est
O’Galop, pseudonyme du dessinateur Marius Rossillon, qui en 1898
remit à la société Michelin un certain projet de personnage constitué
de pneus empilés. Mais les trois noms tirés de l’ouvrage de vulgarisation, déjà cité, Les soirées du grammaire-club (Boulenger et Thérive,
18. L’emploi titulaire du croq’ est aussi historiquement attesté par l’ouvrage – plutôt
adulte – de Marguerite de Lubert, Histoire secrète du prince Croqu’étron et de la princesse Foirette (cf. Lemirre, 1988 : 80).
78
MAT PIRES
1924) – une apocope, une séquence anglaise, un génitif saxon – donnent un premier aperçu de l’émoi que ces noms ont suscité dans les
milieux sociaux à fort capital scolaire. Les Soirées prennent la forme
d’une série de conversations de salon imaginaires. Lors de la soirée
sur «Le jargon des journaux, le jargon savant et le jargon étranger»,
le “Président” cite ces trois noms : Bastill’ car, Orléan’s marché, et
American glaçag’. L’échange se poursuit :
DENIS ,
indigné. C’en est trop ! Je sens que je vais m’évanouir.
Vite un cordial ! (Jérôme prépare un Martini, qu’il anime légèrement par du poivre de Cayenne […]) (1924 : 92).
LE PRÉSIDENT.
La saynète symbolise le tollé soulevé par les noms apostrophiques
commerciales chez les linguistes prescriptivistes, défenseurs de la
langue, et chez les praticiens du texte soutenu tels les journalistes et
romanciers.
Les sources modernes qui font état du refus vigoureux, chez les
gens lettrés, de ces manipulations, sont aussi nombreuses que
variées. Sur le sémantisme des apocopes de e muet, l’on trouve dans
un roman récent :
Sur la vitre ici, je lis à l’envers : Le Modern’. Il reste des traces d’adhésif du e
final que le taulier précédent avait décollé pour y substituer une apostrophe,
jugeant que cela ferait plus moderne, justement, ou plus chic. Il n’a pas pu se
féliciter longtemps de la modernisation des lieux et de la raison sociale. Deux
jours plus tard, on l’a retrouvé couché dans une flaque de sang, impasse des
Abbesses… (Smaïl, 1997 : 17).
Il s’agirait donc d’une simple mode; mais les conséquences impressionnantes de la modification de l’enseigne – rien moins que la mort
sanguinolente de son propriétaire, explicitement enchaînée dans le narratif – ont tout pour déconseiller la pratique de l’apocope commerciale.
Toutefois, la chute du final muet de Modern’ reste somme toute
peu importante pour le sens du mot; et de telles troncations semblent
de ce fait susciter relativement peu de contestation. Par contre les
composés polysémiques, dont le flou sémantique va souvent de pair
avec une présence – syntaxique ou lexicale – de l’anglais, font parfois hérisser le poil des prescriptivistes et défenseurs de “clarté française”. L’intervention suivante à la radio publique en témoigne :
LEÇONS DE GRAM’HAIR
79
Il y a des modes tout à fait ridicules de parler, et tout ça est très infecté par
l’américanisme. Je peux pas dire que ce sont des anglicismes parce que
l’anglais aussi est attaqué, et attaqué de la même façon. C’est véritablement
une espèce de sabir qui vient du nouveau monde, et je crois que le nouveau
monde, dans ce domaine-là, est en train de pourrir l’ancien. Et je vois partout
toutes ces enseignes ridicules, on voit des trucs absolument insensés, des gens
qui ne savent rien, des enseignes qui n’ont absolument aucun sens. Le calembour bilingue est très prisé par les ignorants – ils adorent ça. Il y avait une boutique qui m’avait particulièrement amusé qui s’appellait “Tart’Inn”. Alors,
“Tart” c’était les tartes à manger, vous savez tarte aux pommes, et “Inn” auberge. En fait […] en anglais “Tart” ça veut dire putain. Alors “Tart’Inn” ça veut
dire “auberge de la pute”, très exactement. Alors si les Anglais se promènent
dans Paris et voient “Tart’Inn” ça doit les faire rigoler 19.
Si l’on ne mettra pas en question le bien-fondé des traductions,
l’on remarquera toutefois la contradiction entre “aucun sens” et
“insensés”, et la polysémie opérée par ces “ignorants” : tarte (en apocope), inn, et le surstrate tartine expriment deux éléments de menu, le
type de commerce, et même la qualification “à la mode” (in), bilan
somme toute valable, au prix de quelques ricanements anglophones.
La séquence anglaise, dont Tart’Inn participe, fut même retenue
comme chef d’accusation dans une proposition de loi de 1973, précisant que «La marque de fabrique, de commerce ou de service […] ne
peut notamment consister […] en une dénomination comprenant
une forme de langue non conforme à la construction française »
(Haut comité, 1975 : 12). Mais cet article est supprimé lorsqu’un rapport de 1975 estime que «le contenu des prescriptions linguistiques
initialement prévues était sans nul doute trop large. En particulier
dans la mesure ou elles portaient sur la syntaxe» (p. 30). Cela semble
avoir évité une mise en œuvre épineuse : comme l’observe Cellard,
une législation visant les “Modern-Hotel” et autres “Europ-Coiffure”
serait confrontée à de nombreuses collocations établies relevant
d’une syntaxe rigoureusement comparable, telles “Police-Secours”,
ou “France assistance” (1985 : 87). Au vu des nombreux exemples
établis l’on peut même se demander si de nos jours cette “séquence
anglaise” reste toujours aussi étrangère.
19. Jean Dutourd, académicien, « La langue française », Le choix d’Inter, France Inter, 15 octobre 1995.
80
MAT PIRES
VI. CONCLUSION
Dans le type textuel restreint des noms commerciaux, les occurrences
d’apostrophe ne correspondent pas aux rôles qui lui sont traditionnellement prêtés : l’élision (rôle premier), l’apocope, le parler populaire en littérature, et le génitif saxon (rôles marginaux). Partant de
ce constat, nous avons cherché à élargir la gamme de fonctions de
l’apostrophe.
Hormis les rares reprises d’emplois lexicalisés comportant l’apostrophe, deux types d’apostrophes commerciales se profilent : les composés monosémiques et les composés polysémiques. Les premiers
font de l’apostrophe un lien matériel entre lexèmes juxtaposés, en
synonymes, en métaphore, ou en syntagme. Dans ces cas, il y a en
général perte d’articulateur (assorti d’article, etc.), et l’apostrophe,
tout en signalant cette perte, se constitue en liage indépendant des
deux termes. Ce rôle syntaxique est particulièrement perceptible
dans les cas de séquence anglaise : l’apostrophe remplace l’articulateur, et relève une permutation syntagmatique (Griff’troc < troc des
griffes). Enfin, de rares apostrophes monosémiques ne recouvrent
apparemment aucun rôle, grammatical ou sémantique (An’ge).
Dans le domaine de la polysémie l’apostrophe resémantise, forgeant de nouveaux sèmes par fragmentation lexémique ou par
agglutination. Dans la fragmentation, l’apostrophe relève une rupture interne du mot, permettant une lecture détachée de la finale
(Créa’tif), ou de l’initiale (Dat’cha). Dans l’agglutination, l’apostrophe
constitue une liaison entre lexèmes qui resémantise le tout, soit en
lexème (Bis’art), soit en syntagme (Bouff’tard < Mouffetard). L’interprétation de ces manipulations s’appuie non seulement sur l’apostrophe, mais sur des apports orthographiques (Volt’hair) ou contextuels (iconiques, spatiaux).
Les noms à apostrophe s’inscrivent dans un contexte pragmatique
qui exige la brièveté : l’espace disponible sur l’enseigne d’un local,
ou l’emballage d’un produit est réduit, et le nom se doit d’être facile
à retenir. Une grande partie de ces manipulations suppressives
répondent à des considérations volumétriques : Démak’up réduit de
moitié le volume syllabique de Disques à démaquiller, et des deux tiers
LEÇONS DE GRAM’HAIR
81
le nombre de signes (avec en prime une notion de rapidité et un
éventuel plaisir de décodage bilingue). Le principe de la brièveté
sous-tend également l’abrègement et le mot-valise (Alexand’wiche), la
coexistence de types de signifiant (Restor’A9), la syntaxe retournée
(Idées’Store), ou encore la polysémie. Ce n’est pas un hasard si cette
apostrophisation, vouée à tirer le plus grand parti de l’espace-réclame, va de pair avec de nombreuses figures courantes dans la publicité, tels l’asyndète, la crase, ou le calembour.
Sur le plan culturel, l’entorse à la langue normée véhiculée par
l’apostrophe commerciale vaut pour une distanciation symbolique
vis-à-vis du champ de pouvoir. La liaison par apostrophe des composés monosémiques bafoue les conventions, déjà, mais les noms
polysémiques impliquent le lecteur dans des réductions d’écart syntaxique, sémantique, et pragmatique (référence énonciative aux noms
de rue, de quartier, de personne). Le sémantisme glissant de
Bouff’tard ou Volt’hair, ainsi que la transformation irrespectueuse des
noms propres (en argot, en anglais) s’inscrivent dans une résistance
aux normes linguistiques (ou un refus de celles-ci), et une subversion
langagière essentiellement populaire. La combinaison d’instabilité
sémantique et d’entorse à la norme a tout pour déranger les défenseurs d’une langue “pure”; on l’a vu dans les discours d’un roman,
d’un projet de loi, et d’un invité à la radio.
Mais l’apostrophe d’enseigne dispose aussi d’une connotation
propre, gage de bas prix, d’affaires à faire, et d’absence de prétention.
Fréquentes aux noms des bars, restaurants rapides, bazars, coiffeurs,
habilleurs grossistes, et aliments conditionnés, rares aux noms d’établissements hauts de gamme (restaurants et habilleurs exclusifs,
joailliers, traiteurs de luxe…), où peu enclins à brader les prix (pharmacies, maisons d’édition, banques), ces apostrophes représentent
pour le client un service ou un produit abordable et sans prétention.
Ainsi la position en porte-à-faux des édits de la langue normée (qui
préconiseraient Vacances de rêve au lieu de Rêv’ Vacances) fournit une
homologie symbolique, pour une position hors du champ de pouvoir, “du côté du consommateur”. Malgré cela, le succès des noms à
apostrophe amène un début d’embourgeoisement, perceptible dans
leur adoption pour des commerces à clientèle nantie (N’omades
82
MAT PIRES
authentic) 20, ou des institutions liées à l’Etat (Le Mouv’, radio nationale pour jeunes). L’enjeu connotatif transparaît dans les noms à apostrophe adventice – An’ge, F’estin – dépourvus de fonctionnalité, et
même de polysémie. De telles appellations ne représentent que la
dernière étape du parcours de l’apostrophe, menant d’un cadre
grammatical (élision) relativement restreint, vers une spécialisation
sectorielle fondée sur une autonomie par rapport à la grammaire traditionnelle.
CORPUS
Notae. Pour les noms figurant aux Pages jaunes de Paris (mai 1997, mai 1998) et de
l’Hérault (décembre 1997/98) nous donnons la rubrique, et l’arrondissement (Paris)
ou un “M.” (Montpellier) ; pour les autres nous indiquons l’adresse et l’activité. Les
majuscules et espacements reprennent l’original ; si celui-ci est en lettres capitales,
seule la première initiale garde sa majuscule.
Abbess’ (pressing, 18e)
Act’tif (coiffeur, 3e)
Actu’elle et lui (coiffeur, 17e)
Agne’s Mart (coiffeur, 15e)
Air’évasion (voyages, 14e)
Alexand’wiche (resto rapide, 5e)
Alp’verre (verre renforcé)
Ampl’hi-fi (hi-fi, M.)
An’ge (vêtements)
Apo’Strophe (librairie, 8 r de Verdun, M.)
Atmosp’hair (coiffeur, 9e ; M.)
Aur’Or (bijouterie, M.)
B’A (yaourt Bifidus actif)
Bac’io (vêtements, 7e)
Banlieues’art (festival, Yvelines)
Barb’eco (barbecue pliant)
Béa’tifs (coiffeur, 2e)
Bis’art (Antoine 1995)
Biss’’goss (vêtements, 10e)
Bistr’OK (café, 12e ; bd L. Blanc, M.)
Biz’ness (Charity B., film de Th. Barthes
et P. Jamin, 1998)
Bizz’art (soirées danse)
Bouff’tard (restauration rapide, 5e)
Bout’chou (vêtements Monoprix)
Brill’vit (cire autolustrante Bufalù)
Broc’ange (brocante, 11e)
Brocant’heure (bijouterie, St Ouen)
Brod’way France (linge de table, 15e)
C’10 F (discomptes, M.)
C’bon (primeurs)
C’rock (radio FM, Vienne)
C’Système (photocopie, 10e)
Candy’Up (lait parfumé Candia)
Capil’hair (coiffeur, 11e)
Cathy’coif (coiffeur, 12e)
Choc’land (gâteaux, BN)
Chrys’Jules (coiffeur, 12e)
Cigarett’s (gâteaux)
Class’croûte (resto rapide, 8e)
Coif’elia (coiffeur, 15e)
Coif’feeling (coiffeur, 11e)
Coif’heure (coiffeur, M.)
Coif’hom (coiffeur, 19e)
20. Le magasin se situe dans l’une des arches ferroviaires de l’avenue Daumesnil, aménagées pour les “créateurs contemporains et artisans d’art” par la mairie de Paris.
LEÇONS DE GRAM’HAIR
Coiff’elle (coiffeur, 20e)
Coiff’tif (coiffeur, 11e)
Col’rette à sapin (décoration de noël)
Coll’Atout (autocollant)
Coup’Kid (coiffeur, 18e)
Cré’actif (“le Magazine du plaisir de
faire”)
Créa’tif (coiffeur, 12e)
Crêp’câlin (crêperie, 13e)
Crêp’mania (crêperie, 14e)
Crescend’O (spectacle aquatique)
Croc’Choc (biscuits)
Croc’Galette (biscotte, Heudebert)
Croq’ (Mister C., resto rapide 2e)
Croq’cité (resto rapide, Parc de la
Villette, 19e)
Croq’o’pain (resto rapide, 2e)
Croq’sandwiches (resto rapide, 13e)
Croq’vert (cornichons, Amora)
Croqu’doré (resto rapide, 15e)
Croustik’ (biscottes)
Cruci’hal (cruciverbiste, Libération)
Dat’cha (dattes, SAG)
Démak’up (disques à démaquiller,
Procter & Gamble)
Diab’less (vêtements, 39 r Caire, 2e)
Diam’s (collant voile satiné, DIM)
Diff’ (Photo D., 6 r A. Thomas,
Champigny)
Don’action (collecte, Secours Populaire
français)
Drag’west (café, 18e)
Efferv’Essonne (les E., festival du
département)
Energy’s (eau de toilette)
Espace’ mode (vêtements, Gare du
Nord, 10e)
Evolu’tif (coiffeur, 3e)
Explor’heure (horlogerie, 8 r du Bac 7e)
F’estin (vêtements, r Rambuteau, 1er)
Feel’in (bas, Innothéra)
Fem’chic (tissus, 4 r Livingstone 18e)
Foir’fouille (bazar, M.)
Formul’hair (coiffeur, 12e)
Fraîch’Up (pizza, Findus)
83
Frig’air (aération, 17e)
Gram’hair (coiffeur, 15e)
Grand’mère (café, Kraft Jacobs Suchard)
Griff’troc (dépot-vente : vêtements, 8e)
Guid’Fac (magazine pour étudiants)
Guid’Sup (éditeur de magazines)
Idées’Store (farces et attrapes, 3e)
Image in’ air (carterie, 24 r Aubry le
Boucher, 1er)
Imagin’a’tif (coiffeur, 9e)
Imagin’hair (coiffeur, 15e)
Imagine’ (cadeaux, 10e)
In’Crust (Gina Paterson The I. Pizza :
pizza)
Ital’bac (Barrère et al, 1995)
J’vais coiffure (coiffeur, 17e)
Jan’R (coiffeur, 12e)
Just’in (maison de disques)
K’Store (vêtements, 225 r St Martin, 3e)
Kas’prix (r de Clignancourt, 18e)
Ki’koup (coiffeur, 15e)
L’coiff (coiffeur, 13e)
Lagaf’ (comique)
Lav’matic (laverie, 35 r Poulet, 18e)
Légend’hair (coiffeur, 18e)
Locomotiv’ (voyages, 4e)
Long’distance (coiffeur, 16e)
Manag’hair (coiffeur, 19e)
Marbr’ouvré (marbriers de bâtiment,
Aubervilliers)
Marronsui’s (petit suisse, Nestlé)
Mat’Sand (coiffeur, M.)
Memo’art (cadeaux, 1er)
Mey’hair (coiffeur, 14e)
Mi’mi (lingerie, 11e)
Mist’hair (coiffeur, 19e)
Mod’s hair (coiffeur, 1er)
Modern’est (hôtel, 10e)
Montmartr’crémerie (2 av. Pte de
Montmartre 18e)
Montorg’Oeil (optique, 2e)
Montpell’hier (Jolivet, 1996)
Mouv’ (Le m., radio, Radio France)
N’omades authentic (artisanat, 21 r
Daumesnil 12e)
84
MAT PIRES
Nag’airs (interprètes d’ “airs de jadis”)
Nat’ (Gys N., coiffeur, 20e)
Nat’elsa (90 r. Riquet, 18e)
Nath’ look (coiffeur, 20e)
Natur’elles (coiffeur, 10e)
Nip’shop (dépôt-vente : vêtements, 16e)
Nougasui’s (petit suisse, Nestlé)
O’café (café, 17e)
O’ciné d’à côté (promotion cinéma,
Hauts de Seine)
O’piano (café, 9e)
Ongl’Créanail (manucures, M.)
Opti’soins (opticien, 4 av. S. Bolivar 19e)
Optim’emploi (association humanitaire, 8e)
Ox’bridge (vêtements, 3e)
P’tit Dop (shampoing)
Pamp’lune (vêtements, 4b r Piemontesi, 18e)
Panach’ (boisson)
Pari’s aller retour (bar, 4e)
Pend’art (café, r du Ruisseau, 18e)
Pep’s (réparation de parapluies, 3e)
Pich’net (souffles de maïs Monoprix)
Pit’choun (vêtements, 22 r fbg St Martin, 10e)
Poch’tron (café, 7e)
Pom’ d’Adam (cidre)
Pop’flors (fleuriste, 18e)
Pouss’mousse (savon liquide,
Palmolive)
Pouss’suc (succédané de sucre)
Preum’s (coursiers, 16e)
Prim’optic (opticien, 15e)
Prim’Saveur (herbes sèches, Ducros)
Privil’edge (lentille de contact)
Pulp’land (yaourt, Yoplait)
PurSoup’ (soupe, Marie)
Rache’L (coiffeur, 3e)
rapid’ (Télé r., guide TV)
Rebouch’ bois (pâte à bois, Polyfilla)
Régal’ad (bonbons Kraft Jacobs
Suchard)
Regg’lyss (groupe musical)
Régli’s (vêtements, 18e)
Rénov’daim (produit d’entretien Kiwi)
Rénov’livres (relieur, Nantes)
Report’air (voyages, 8e)
Restor’A9 (décapage, 14e)
Rêv’ Vacances (tourisme, Colombes)
Révél’Amour (Leblanc-Halmos 1991)
Rik’Hochet (vêtements, 62 r fg St
Martin, 10e)
Riky’n (vêtements, 10e)
Roll’heure (courses, 11e)
S’trim (coiffeur, 15e)
Sam’express (coursiers, 12e)
Scèn’action (association culturel, 15e)
Sergioleon’coiffure (coiffeur, 11e)
Sicil’air (voyages, 10e)
Som’toile (sommier, Sedac Meral)
Space’hair (coiffeur, 3e)
Start’hair (coiffeur, 20e)
Styl’coiffure (Duo S., coiffeur, 13e)
T’chat (texte de dessin textile, chaussettes)
T’choupi (pingouin fictif)
Tavern’pub : Cockney T. de Montmartre
(café, 9e)
Théatr’hall (48 passage Choiseul 2e)
Tiff’anita (coiffeur, M.)
Tir’essuie (papier absorbant SCA)
Tir’press (sachets de thé Tetley)
Tomat’a Mama (sauce Saclà)
Toutan’folie (meubles de style, 20e)
Trans’dem (déménageurs, r Mal Joffre,
Argenteuil)
Trans’plis (coursiers, 17e)
Trévi’scooter (cycles, 9e)
Ulys’air (voyages, 12e)
Vit’halles (Espace V., club de forme, 3e)
Viv’Art (festival lyonnais)
Volt’hair (coiffeur, 11e)
Wood’stock (vêtements
hommes/dames, 11e)
Yam’s (café, 4 pl. Comédie, M.)
Yang’hair création (coiffeur, 15e)
Z’animo (gâteaux, Cadbury)
LEÇONS DE GRAM’HAIR
85
RÉFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Nota. Les références précédées d’un astérisque ne figurent qu’au titre de sources de
termes cités dans le texte ou le corpus.
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*BARBUSSE Henri (1916) – Le feu. Paris : Flammarion.
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