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Leçons de Gram’hair : fonctions de l’apostrophe en onomastique commerciale Mat Pires * En français standard, le rôle de l’apostrophe se ramène pour l’essentiel au marquage de l’élision grammaticale. L’étude présente d’abord la gamme, relativement étroite, des emplois non-élisifs de l’apostrophe en français. Elle dresse ensuite le bilan d’un emploi de l’apostrophe qui est au contraire en plein essor; nous l’avons appelé apostrophe commerciale. Le terme qui comporte une apostrophe commerciale est le plus souvent éphémère et ne se lexicalise pas; il s’agit en général d’un nom de commerce, de produit ou de service. Nous avons pu établir les caractéristiques linguistiques et fonctionnelles de ces noms à partir d’un échantillon de 200 occurrences. Celles-ci présentent souvent des éléments élisifs, mais l’analyse trouve également dans leurs apostrophes des fonctions tantôt syntaxique et sémantique, tantôt connotative1. I. EMPLOIS DE L’APOSTROPHE I.1 – L’élision Dans la langue standard, l’apostrophe sert essentiellement dans l’élision grammaticale, amuïssement par lequel on contourne l’hiatus * [email protected] 1. Je remercie Sonia Branca-Rosoff pour sa relecture critique de mon manuscrit. © Langage et société n° 91 – mars 2000 60 MAT PIRES entre voyelles juxtaposées. À l’écrit, elle participe aux élisions de le, la, je, me, te, se, ne, de, que, ce devant voyelle ou h muet; de lorsque, puisque, quoique devant il, elle, en, on, un(e); et de jusque devant à, au(x), en, où. Elle figure également dans quelqu’un(e) et s’il(s) (cf. Grevisse et Goosse, 1993, § 45). L’apostrophe remonte à 1532, date à laquelle Jacobus Sylvius, médecin de son état, s’approprie une marque grecque pour relever les agglutinations pratiquées entre certains mots 2. La pratique s’élargit aux XVIe et XVIIe siècles, mais connaît ensuite un recul progressif de ses domaines d’application, qui sont aujourd’hui relativement restreints (Grevisse et Goosse, 1993, § 106). Toutefois, la codification actuelle de la langue écrite, et des emplois d’apostrophe, semble avoir entravé ce repli. Le seul mouvement de recul discernable est l’emploi oral si il(s) (régularisation sur si elle(s), non élidé), qui se manifeste occasionnellement à l’écrit pour « rendre l’usage du peuple» (§ 44 c). Son emploi en dehors de ce type de caractérisation n’est pas inconnu3. Si les apostrophes d’élision “grammaticales”, énumérées ci-dessus, se maintiennent donc bien, dès que cette grammaticalité est mise en doute, l’apostrophe est remplacée par la séparation, ou la soudure. C’est là une tendance commune aux autres marques orthographiques non-lexicales. Prenons l’exemple des composés nominaux syntagmatiques : pour m’as-tu-vu ou qu’en-dira-t-on, l’on conçoit aisément la suppression des marques non-grammaticales (m’as-tu vu, qu’en dira-t-on); celle des marques grammaticales semble quasi impossible (*m as tu vu, *qu en dira t on). Pour je-m’en-fichisme, d’ailleurs, le corpus de Mathieu-Colas contient des variantes séparées et partiellement soudées (je m’en fichisme, je m’enfichisme : 1994 : 35), chacune maintenant 2. Afin d’améliorer la lisibilité de textes antérieurs à cette date, les éditeurs modernes rajoutent systématiquement l’apostrophe : dans les Serments de Strasbourg (842), le « dist di in avant » (de ce jour en avant) du manuscrit est transcrit en « d’ist di in avant » (Lagarde et Michard, s.d., p. viii). Catach reproduit en fac-similé quelques lignes d’un texte de 1540 d’Etienne Dolet, où on lit « Cest a dire Point suspêsif, Point double, Demypoint, Point crochu » (1994 : 30). 3. Grevisse et Goosse citent une lettre de Stendhal : « Comme si il ne savait pas dicter un acte » (1993, § 44 c). LEÇONS DE GRAM’HAIR 61 l’apostrophe grammaticale4. Vont dans le même sens la suffixation baldesquatzaresque (< Bal des Quat’z’Arts : Plénat, 1997 : 166), et la graphie quesaquo, qui, coexistant avec qu’es-aquo (Mathieu-Colas, 1994 : 334), témoigne de l’incertaine décomposition de ce /kez/ en qu’est-ce. Les apostrophes de aujourd’hui et de presqu’île 5 participent chacune à une « graphie spécifique consacrée par l’usage » (Mathieu-Colas, 1994 : 33). Pourtant, çà et là, l’usage peut susciter la graphie aujourd’hui (v. Boulet-Gercourt, 1998 : 20). Les apostrophes lexicalisées qui ne ressortent pas à l’un des cas précités sont globalement senties comme surnuméraires, et cèdent donc à des variantes. Celles-ci peuvent être séparées (pop’music —> pop music, pop’art —> pop art), mais le plus souvent sont soudées (prud’homme, v’lan, composés en entre + voyelle; voir Mathieu-Colas, 1994 : 34, 141), ou à trait d’union (composés féminins en grand : grandmère, grand-rue, grand-peine etc.) 6. I.2 – La troncation L’apostrophe sert également à signaler l’apocope et l’aphérèse. La lexicalisation entraîne presque toujours sa disparition, en toute logique : l’apostrophe signale un écart par rapport à la norme, et l’entrée au dictionnaire la normalisation de l’écart. La participation de l’apostrophe en cas d’aphérèse concerne surtout les noms d’années (’99 pour 1999), mais l’on trouve parfois ’ricain pour américain, malgré la lexicalisation de ricain (dans le Nouveau petit Robert, 1993 ; ci-après P. Rob.). Pour les apocopes, l’usage supprime vite la marque : à part quelques survivances, notamment en – p – récup’, récap’ –, les beauf, chrono ou autre Libé s’écrivent résolument sans apostrophe. 4. Mathieu-Colas cite également la variante (marginale?) j’menfichisme (1994 : 35). L’on remarque que la suppression m’en > men n’intervient que compensée par l’élision non-standard j’m. 5. Presqu’île est doublement irrégulier, presque n’étant jamais élidé à l’écrit (Grevisse et Goosse, 1993, § 45 b). 6. L’apostrophe de ces composés était censée remplacer une terminaison -e ; mais c’est l’invariabilité de grand en ancien français qui est à l’origine du “non-accord”. 62 MAT PIRES I.3 – Le “génitif saxon” Certaines apostrophes participent au final -’s, souvent interprété comme un calque du “génitif saxon” que l’on rencontre dans certains anglicismes (traveller’s cheques, gentleman’s agreement) et raisons sociales (McDonald’s, Maxim’s, Levi’s). Mais le peu de lexèmes français en -’s, fort instables, ne renferment aucune valeur sémantique de possession. La graphie pin’s, lexicalisée dans le P. Rob., est seule à faire l’unanimité; elle répondrait au besoin de marquer la double consonne, absente des pins de pinède. Celle de bin’s, citée seule par le même P. Rob., et par Cellard et Rey (1991), paraît dominante; seuls Colin et Mével (1994) incluent les alternatives binz et bintz. Mais dans d’autres lexèmes en –’s l’apostrophe est parfaitement aléatoire : à l’entrée teen’s, Hippolyte Romain (1993) note que « Ce mot a fait son apparition au moment où les teens (sic) devenaient de furieux consommateurs de Rock »; la graphie jean’s, que reprend Cellard (1985 : 88), est courante dans le commerce, malgré le simple jean (et sa variante jeans) du P. Rob. Par ailleurs, une tendance à la désuffixation pure et simple se dessine : la boîte d’un jeu porte l’inscription yam’s, tandis qu’un ouvrage sur les jeux se refère au yam (Comte et al. 1990 : 466); les Français portent majoritairement un simple jean; certains d’entre eux prônent le gentleman agreement 7. La logique de ce va-et-vient entre désuffixation, et complexification en /s/ final (matérialisée en – s ou –’s), semble dans certains cas s’attacher au nombre, le final étant alors ressenti, comme en anglais, comme un pluriel : jean, au singulier à l’image de pantalon, a ainsi prévalu sur le pluriel anglais jeans. Yam’s, pour sa part, exprime la pluralité des six dés nécessaires au jeu. La seule lexicalisation d’anglicisme complexifié est clips, que le P. Rob. donne en variante abusive de clip. Le final en consonne + /s/, matérialisé en – CS, rare dans les noms français (laps, mars), est courant en anglais (pluriel, 3 e personne singulier du présent; avec apostrophe, possession), ce qui tend à renforcer la connotation anglaise. Les lexèmes français mentionnés 7. Dans la période 1987–96, les 48 occurrences de cette expression au Monde comptent 11 « gentleman agreement », et même un « gentleman-agreement », en trait d’union (26 janvier 1987 : 16) (source CD-Rom). LEÇONS DE GRAM’HAIR 63 ici sont dénués de toute valeur plurielle ou possessive, certes, mais ils restent essentiellement anglais (notons l’exception bin’s, dérivé de cabinets, malgré le sémantisme proche de l’anglais bin, poubelle). Derrière un s final, l’apostrophe est donc presque toujours facultative; sa présence ne fait qu’appuyer une consigne de prononciation /s/, à la place du final en – s muet, à la française. I.4 – L’évocation de l’oral Dans l’usage littéraire, l’apostrophe peut participer à une déformation orthographique qui vise l’évocation d’un parler réel, souvent à connotation “populaire”. Elle reprend surtout la chute du schwa, en syncope (« f’sait », « t’nait ») ou en élision devant consonne (« n’sait », « c’vieux », “l’bonnet »). Pratiquée par Barbusse (source des mots cités : 1916, ch. 16) et Zola, on la retrouve encore, quelque peu allégée, chez Tremblay. Pourtant, le filigrane normatif que laisse planer cet emploi de l’apostrophe n’est pas pour plaire à tous les auteurs. Queneau le contournait par soudures (« asteure » pour à cette heure) et syncopes sans apostrophe (« Ptits-pieds ») (1959 : 97), tandis que Céline, pourtant admirateur de Barbusse, se bornait aux déformations les plus courantes, de tu en t’ devant voyelle (« t’es », « t’as », « t’avais », « t’iras”, « t’entends”), et de je en j’ devant consonne (1952 : 17-18, 376 -377, 621). À part la chute, l’apostrophe oralisante peut participer à des complexes visant à restaurer un phonème attesté à l’oral mais absent de l’écrit. L’exemple canonique de cette “liaison abusive” est donné par le Bal des Quat’z’Arts, orthographe par ailleurs établie de longue date (« bal des 4’Z’Arts », in Aragon, 1928 : 66). Jusque-là, nous avons dépeint une apostrophe en légère perte de vitesse. Les élisions s’il et s’ils glissent, en français avancé, vers si il et si ils; les apocopes se passent presque toutes d’apostrophe; les quelques -’s finaux coexistent avec des graphies soudées ; l’emploi de l’apostrophe dans l’évocation du dialogue populaire est loin de remporter l’unanimité. L’essor de l’apostrophe commerciale va à l’encontre de cette tendance. 64 MAT PIRES II. L’APOSTROPHE COMMERCIALE : DÉFINITION, TRAVAUX ANTÉRIEURS, CORPUS Cette étude se base sur la simple présence d’une marque graphique – l’apostrophe commerciale 8 – dans un type textuel restreint. Si elle ne prend pas comme point de départ un procédé grammatical unique, c’est qu’il n’en existe pas. Nous avons en effet mis à jour trois procédés de base – la composition, la suffixation, et la troncation – ainsi que des combinaisons de ces trois. Ces trois procédés correspondent aux trois seuls exemples d’apostrophe commerciale cités dans un ouvrage de vulgarisation linguistique des années vingt (Boulenger et Thérive, 1924 : 92); ceux-ci sont d’ailleurs repris dans la Grammaire des fautes (Frei, 1929 : 284). Dans son Essai sur la langue de la réclame contemporaine, Galliot ne dénombre, parmi une vaste gamme, qu’une trentaine de noms faisant usage de l’apostrophe, qu’il pose plusieurs fois comme un ajout exceptionnel (1955 : 319, 325, 329). Enfin l’apostrophe figure à certains des noms analysés dans deux articles d’un numéro de Lidil consacré à “l’orthographe en liberté” (Lucci, 1989; Jacquemin, 1989). Jacquemin, pour sa part, analyse un corpus de 476 noms inventifs de produits français vendus en grande surface. Elle estime que ces noms recouvrent un dixième environ des produits disponibles aux rayons épicerie, liquides et droguerie. Le fait que 5,5 % d’entre eux (26 occurrences) comportent l’apostrophe, nous laisse à penser qu’environ 0,5 % des noms de produits dans ces trois catégories comporteraient l’apostrophe commerciale. Les quelques études abordant l’apostrophe commerciale la situent donc parmi d’autres phénomènes de graphie marginale; son apport spécifique n’est jamais traité à part. Certes, elle n’est pas un sine qua non des manipulations que nous allons présenter, car l’on trouve également des composés de ce type en trait d’union, en soudure, ou en séparation (voir les exemples de Galliot (1955) ou le corpus de 8. Toute apostrophe participant à un nom propre non-lexicalisé à usage mercantile ; il s’agit essentiellement de raisons sociales déposées (noms de magasins, de sociétés), et de noms de produits commercialisés. LEÇONS DE GRAM’HAIR 65 Jacquemin (1989). Mais l’apostrophe a cet avantage de séparer et de rapprocher en même temps (Jacquemin, 1989 : 85). La soudure simple peut poser des problèmes d’interprétation (où se trouve la frontière entre lexèmes ?), et d’acceptabilité du nom ; l’acceptabilité est également mise en question par la séparation. L’apostrophe, elle, sert de marqueur de non-conventionnalité, mais sa qualité de dissociation-association contraste avec la prédominance associative de la soudure et du trait-d’union, et dissociative de la séparation. Le présent article dépouillera un corpus de 200 noms comportant tous l’apostrophe (reproduit en fin d’article), afin de cerner la syntaxe, la sémantique, et la pragmatique de ce signe. Ces noms ont été recueillis au bloc-notes, au hasard de promenades urbaines dans Paris et Montpellier (à quelques exceptions près), en 1997 : c’est ainsi, dans la rue commerçante ou l’allée du supermarché, qu’ils se présentent à nous. II.1 – Emplois commerciaux d’apostrophes conventionnelles Avant de considérer les créations en apostrophe du monde commercial, abordons les emplois d’usages lexicalisés (ou à tout le moins attestés en français)9. Nous avons des exemples d’élision désuète, de génitif saxon et d’effet d’oral : 1) Grand’mère 2) Jean’s Pep’s 3) J’vais P’tit Dop Diam’s Preum’s Yam’s Z’animo Si les composés féminins en grand tendent vers le trait d’union, l’apostrophe est maintenue dans la marque de café Grand’mère (citée, lors d’une publicité cinématographique, comme cadeau idéal pour la «fête des grand-mères») (1). Le génitif saxon -’s, indication d’appartenance, occupe une place importante dans l’onomastique de l’entreprise anglo-saxonne (§ IV.2), 9. La lexicalisation renvoie aux dictionnaires cités en bibliographie (P. Rob. ; Cellard et Rey, 1991 ; Colin et Mével, 1994). Les attestations tirées du français écrit sont référencées (bibliographie, entrées avec astérisque). Les énoncés oraux ont été relevés par l’auteur, qui a vérifié leur existence auprès d’autres francophones. 66 MAT PIRES et les nombreuses imitations en France évoquent un désir de s’associer ses connotations commerciales. Parmi ces imitations on trouve un certain nombre de vocables en -’s qui sont lexicalisés ou attestés en français (2). Jean’s et Pep’s renvoient de façon ludique à une gamme de pantalons Jean-Paul Gaultier (preuve par jeu polysémique d’un possessif déchu), et à un réparateur de parapluies (< pépin). Au vu des entrées du P. Rob. – jean (en variante jeans), pep, et diam – et d’une encyclopédie de jeux – yam (Comte et al., 1990 : 466) –, le final en /s/ semble une complexification populaire. Preum’s (société de coursiers) reste non-lexicalisé, malgré la fréquence de l’apocope complexifiée enfantine être le preums. Le salon J’vais coiffure, ainsi que les nombreuses appellations en P’tit (nous n’en donnons qu’une, à titre indicatif), reprennent deux élisions oralisantes bien connues (3) : Galliot évoquait déjà les nombreux P’tit bar parisiens (1955 : 314). Z’animo, ou « Z’animo Z’au Chocolat au Lait », pour citer le texte entier de l’emballage, matérialise les z dits de liaison abusive, mais en réalité le premier d’entre eux, normatif, relève plutôt l’ellipse à effet enfantin du /le/ de /lezanimo/, tandis que le second, surnormatif au point d’être inconcevable, même chez un enfant, imiterait plutôt le zézaiement enfantin. Ces appellations, qui privilégient l’apostrophe, constituent un premier signe de la vivacité de celle-ci dans le monde du commerce. III. APPELLATIONS MONOSÉMIQUES III.1 – L’apocope À l’origine, l’apostrophe servait uniquement à relever l’apocope (Catach, 1994 : 91), elle ne le fait plus guère aujourd’hui. Le commerce en recèle quelques survivances, la plupart purement graphiques. 4) Diff’ 5) Croq’ Abbess’ 6) Croustik’ 7) Mod’s 8) Imagine’ Mouv’ Locomotiv’ Nat’ Cigarett’s PurSoup’ Lagaf’ Télé rapid’ LEÇONS DE GRAM’HAIR 67 L’apocope concerne à la fois l’abrègement (suppression syllabique) et la suppression de lettres muettes finales, sans incidence sur la prononciation. L’abrègement paraît exceptionnel – troncations de diffusion et (vraisemblablement) de mouvement (4) ; Galliot cite « les montres Trib’ (avec l’apostrophe cette fois) » (< tribu ?), laissant entendre par son incise la rareté du signe dans ce cas (1955 : 319). Le remplacement de lettres muettes, déjà constaté au nom de la teinturerie American glaçag’ (référence aux cols “glacés” : Boulenger et Thérive, 1924 : 92), est à l’origine de la plupart des apocopes ici (5). Ce remplacement peut même se faire en cas de modification orthographique (-k- pour -qu-) (6), ou bien être assorti de s final (possessif ou pluriel anglais en /s/) (7). Enfin – mais c’est rare – il peut se produire en cas de maintien du – e (8), cas limite d’apocope (rien n’est supprimé) qui semble indiquer l’importance connotative de l’apostrophe. III.2 – Composés en juxtaposition Dans le plus simple composé à apostrophe, deux lexèmes, en général nominaux, sont juxtaposés sans créer de nouveau signe. Le premier des lexèmes est élidé de lettre(s) muette(s) : 9) Alp’verre Frig’air Tavern’pub 10) Coiff’elle Ongl’créanail 11) Béa’tifs Sergioleon’coiffure Tiff’anita 12) Chrys’Jules Biss’’goss Coif’feeling Crêp’câlin Prim’Saveur Scèn’action Sicil’air Croq’cité Styl’coiffure Croq’vert Prim’optic Jos’hair Croqu’doré Drag’west Modern’est Tir’essuie Tir’press Nat’Elsa Sam’express Ulys’air Mat’Sand Yang’hair Ces simples élisions comportent en général une chute du e final muet, pour créer une association nominale de synonymes (Tavern’pub), de synecdoques (Sicil’air), ou de métaphores (Crêp’câlin) (9). L’articulation syntaxique tient de la seule juxtaposition. Les composés peuvent associer un nom à un adjectif, pronom, ou verbe, ou bien lier deux non-nominaux (10). Le composé peut également joindre un nom propre (propriétaire de l’établissement, ou métaphore exotique) au type de commerce (ou à une synecdoque de celui-ci) (11), ou associer deux noms propres (Mathieu + Sandra, etc.) (12). 68 MAT PIRES III.3 – Composés syntagmatiques Certains noms reprennent la séquence syntagmatique : 13) Fem’chic 14) Coiff’tif Rénov’livres 15) Cathy’coiff Pouss’mousse 16) Brill’vit Long’distance Kas’prix Révél’Amour Croc’Choc Pouss’suc Ki’koup Marbr’ouvré Rebouch’bois Croc’Galette Viv’Art Rénov’daim Croq’sandwiches Dans quelques cas, l’apostrophe sert de simple tampon entre mots qui, de toute façon, se succéderaient sur l’axe syntagmatique. Les quelques n. + adj. de (13) en fournissent l’exemple, mais ils sont rares (l’adjectif apparaît de manière générale comme un élément inhabituel du composé commercial). Le cas d’une apostrophe qui remplace l’article déchu d’un syntagme verbal est plus courant (14) (15). Une moitié de ces cas pratiquent indiscutablement l’ellipse d’article entre verbe et objet (14), tandis que les autres offrent parallèlement l’interprétation en “séquence anglaise” (voir § III.4), contournant les syntagmes français mousse à pousser, art vivant, coiffure chez Cathy, etc. (15). Enfin en (16) nous avons une qualification adverbiale, et une proposition subordonnée en graphie fantaisiste, rappellant les lacets de chaussures Kin’Kas’Pah, de 1935, que Galliot qualifie de « record du ridicule » (1955 : 314). Certains syntagmes relèvent de l’asyndète, où l’on supprime un mot de liaison entre noms, typiquement une préposition telle que de ou pour : 17) Coif’hom Coup’Kid Bout’chou Espace’mode Guid’Sup Guid’Fac Space’hair Som’toile Ainsi Coup’Kid, par exemple, renvoie-t-il à “Coupes pour kids”. La suppression peut être assortie d’abrègement ou même d’ellipse lexicale : Sommier en toile, Guide de l’enseignement Supérieur. Galliot, à ce propos, cite le Mat’lux, « matelas de luxe, à ressorts » (sic), et le médicament – domaine inhabituel pour les apostrophes – Tot’héma, de 1935, qui se targue de contenir « la totalité des éléments nécessaires à la régénération de l’hématie » (1955 : 325, 323). L’apostrophe des trois derniers exemples en (17) ne correspond à aucune suppression LEÇONS DE GRAM’HAIR 69 finale. Pour Bout’chou elle peut mettre en relief le t sonore de la réalisation [but∫ u] de “bout de chou” ; par contre dans Espace’ mode et Space’hair elle ne correspond à aucune apocope, signalant uniquement l’absence de la préposition et de l’article. III.4 – Composés à “séquence anglaise” Suivant Frei (1929 : 284), nous appelons “séquence anglaise” la projection en position initiale d’un nom normalement régi par une préposition, avec perte de celle-ci. Si Coup’kid (17) ne trouble pas l’ordre syntaxique, un salon de coiffure Kid’coup (dont l’éventualité paraît intuitivement possible), relèverait d’une manipulation stylistique autrement plus complexe. Frei cite (parmi nombre d’exemples en trait d’union), le Bastill’ car (1929 : 284), « char-à-bancs automobile qui conduit les “sportsmen” à Auteuil ou à Longchamp» (selon la définition de sa source, Boulenger et Thérive, 1924 : 92). Cellard, pour sa part, évoque le Pétanq’ Club (1985 : 87, mais privilégie lui aussi dans ses autres exemples le trait d’union). Le présent corpus ne contient qu’un petit nombre de séquences anglaises, confirmation peut-être de l’impression, laissée par la consultation de Cellard et de Frei, d’une domination du trait d’union dans ce domaine : 18) Air’évasion Griff’troc Ital’bac 19) Idées’store Nip’shop Rêv’Vacances Montmartr’crémerie Ces noms imitent la syntaxe anglaise : l’adjectif précède le nom; le passage adj. > nom se fait sans incidence morphologique. Le degré zéro français passerait par un groupe prépositionnel : “vacances de rêve”, “crémerie à Montmartre”. Là où l’on constate la présence de finaux anglais (19) l’apostrophe fait non seulement office de charnière syntaxique, mais de séparateur de codes. III.5 – Composés intégrant des noms de lettres Bon nombre d’exemples recèlent des lettres indépendantes. L’apostrophe remplit, là aussi, une fonction séparatrice, marquant la transition entre types de signifiants : 70 MAT PIRES 20) mot “au” “c’est” autres L’coiff 21) initiale B’A 22) phonème S’trim O’café C’10F T’chat C’Système O’ciné O’piano Croq’o’pain C’bon C’rock Restor’A9 Tomat’aMama Langues’O Le goût prononcé pour les sigles, brefs et multilingues, dans le monde commercial (C&A, BHV, RTL, etc), est bien documenté. Mais l’apostrophe n’est pas la ponctuation habituelle du sigle (qui se fait par juxtaposition simple, ou par points), et la siglaison proprement dite se borne donc ici à trois exemples, relevant les initiales de Bifidus Actif, de Copie10, et de Orientales (21). L’apostrophe est davantage usitée dans le recodage du nom de la lettre – /ël/ pour L, /a/ pour A (20), aussi (46). La plupart de ces lettres indépendantes sont des homonymes lexémiques (20). O rend “au” dans les noms de deux bistrots (type “Au chien qui fume”) 11, d’un festival et d’une sandwicherie; C représente c’est, moyennant un léger glissement phonologique (/se/ > /së/), et le même codage rend elle, à neuf, à, et /ti∫ a/ (< petit chat), dont la majuscule doit se prononcer à l’anglaise. Plus rare encore que le sigle est l’emploi de majuscule en simple phonème : seul S’trim (/stRim/) paraît exclure la prononciation en lettre indépendante (/ëstRim/) (22). III.6 – L’affixation En principe l’affixe se lie au radical par soudure, non par apostrophe. Pourtant, la présence d’un élément anglais peut, comme pour les lettres indépendantes, nécessiter une démarcation entre cette langue et le français : 23) 24) 25) 26) 27) Choc’land Just’in Candy’Up Trans’dem Crêp’mania Pulp’land Riky’n Démak’up Fraîch’up Trans’plis Lav’matic 10. Le propriétaire de C’Système nous informe qu’il s’agit également d’un détournement de système D. 11. L’emploi rappelle le café 0 20 100 0 (“Au vin sans eau”) mentionné dans Etcherelli (1967, p. 50). LEÇONS DE GRAM’HAIR 71 Si les suffixations en -land sont banales (23), in, “à la mode”, se fond en haplologie au prénom Riky d’une part, et de l’autre produit une expression anglaise traduisant vient d’arriver (24). Up, graphie remplaçant le français hop!, exprime le “prêt à l’emploi” : la graphie à k de Démak’up (disques à démaquiller) peut également évoquer make up, maquillage 12 ; Fraîch’up, pizza qui « lève et cuit dans votre four», se sert incontestablement du jeu bilingue (up, vers le haut) (25). Le préfixe trans se trouve ici à deux reprises lié au nom au moyen de l’apostrophe (26) : l’on décèle une mise en relief de l’apocopation de transport dans les deux cas. III.7 – Apostrophes adventices La fréquence des apostrophes dans les noms commerciaux aboutit à leur valorisation contextuelle. De fait, certains noms opèrent la syncope, apparemment dans le seul but de faire place à l’apostrophe, tandis que d’autres ne recourent même pas à une syncope factice pour intégrer l’apostrophe adventice. Ces apostrophes facultatives, sans incidence phonétique, sont : 28) Col’rette Pamp’lune 29) An’ge Biz’ness Pit’choun T’choupi Pich’net F’estin Poch’tron Ox’bridge N’omades Diab’less Mi’mi Les lexèmes en (28) apparaissent comme des syncopes, du fait de la lexicalisation universelle des graphies collerette, Pampelune, et pichenette, et partielle de pochetron (avec pochtron, dans Colin et Mével, 1994). L’apostrophe inhabituelle de Ox’bridge, quant à elle, correspond du moins à une articulation réelle13. Par contre, les apostrophes figurant aux noms en (29) sont on ne peut plus loin des fonctions grammaticales d’affixation, apocopation, ou élision. Les cinq premiers renvoient lettre à lettre (sauf chute finale de diablesse) à des mots lexicalisés sans l’apostrophe. Deux hypocoristiques s’affublent 12. Lucci (1989) et Jacquemin (1989) mentionnent tous deux ce nom, sans suggérer ce sémantisme ; par ailleurs toutes les consommatrices interrogées nous ont évoqué le seul démaqu[iller] + hop ! 13. Oxbridge, crase courante en anglais pour englober les deux universités d’Oxford et de Cambridge, s’écrit obligatoirement en soudure. 72 MAT PIRES d’apostrophe : mimi (lexicalisé) et Pit’choun (non-lexicalisé 14). Ce dernier, qui signifie petit en occitanien, se retrouve sous une forme verlanisée dans un nom de personnage de livres pour enfants, T’choupi 15 ; l’apostrophe, malgré la permutation, s’y maintient. Un désir de séparer le /t∫ / inhabituel pourrait constituer un début de rationalisation ici. Toutefois, d’après de nombreux francophones que nous avons interrogés, le mot s’orthographierait spontanément sans apostrophe (pitchoune), ce qui conforte l’hypothèse d’un usage décoratif (purement graphique), à connotation commerciale, ne répondant à aucune fonction syntaxique ou phonologique. III.8 – Conclusion Mis à part les quelques cas d’apocope, la présente section a traité des diverses manifestations, dans le cadre de la composition, d’une apostrophe médiane. Celle-ci comporte souvent une élision symbolique (souvent de final muet en – e). Pourtant, l’absence dans plusieurs cas de chute constatable (Air’évasion, Espace’ mode, Idées’store), met en échec une rationalisation purement élisive, et montre la participation de l’apostrophe à des basculements vers un modèle syntaxique anglais, et vers des cas d’asyndète. IV. APPELLATIONS POLYSÉMIQUES Jusque là, nous n’avons abordé que des composés monosémiques, même si certains d’entre eux réclament une polysémie par voie contextuelle (c’est le cas de Space’hair, dont l’enseigne fait figurer planètes et corps célestes). Mais la polysémie est l’un des piliers de la créativité publicitaire; les plaisirs de décodage qu’elle propose au lecteur font vendre, et l’apostrophe, nous le verrons, n’est pas sans y jouer son rôle. 14. On retrouve toutefois ce terme chez Flaubert, indiqué comme du “patois marseillais”: « Ah ! brave pichoûn, mon poulit rossignolet !! » : 1869 : 140) 15. Les aventures de T’choupi le pingouin, de Thierry Courtin, sont publiées chez Nathan. 73 LEÇONS DE GRAM’HAIR IV.1 – Resémantisation apocopative Seules deux apostrophes d’apocope finale relèvent d’une polysémie. 30) Pom’ Panach’ Le cidre Pom’ d’Adam emploie la marque pour relever (et distinguer) un homonyme anatomique. La suppression de la dernière syllabe de la boisson Panach’ (un panaché) fait ressortir le mot panache. S’agissant d’un breuvage pétillant, l’on pourrait également chercher là à valoriser un /∫ / iconique (bruit de l’ouverture de la canette); cela rappelle le profit tiré par les publicitaires du premier phonème de Schweppes. IV.2 – Resémantisation du final Quantité d’appellations du corpus pratiquent la polysémie à travers la resémantisation du final. Le final est souvent, mais non pas exclusivement, un suffixe. La graphie déviante qui remplace le final correspond à un homophone. 31) /ëR/ -aire -er -ère -eur -if -al -elle -ard -arre, -ire 37) /i~/ -ing 38) autres 32) /œR/ 33) /if/ 34) /al/ 35) /ël/ 36) /aR/ Capil’hair Imagin’hair Manag’hair Start’hair Atmosp’hair Brocant’heure Act’tif Cruci’hal Actu’elle Banlieues’art Bis’art Feel’in Ampl’hi-fi Wood’stock Formul’hair Gram’hair Légend’hair Volt’hair Mey’hair Mist’hair Nag’airs Coif’heure Créa’tif Théâtr’hall Natur’elles Pend’art Bizz’art Image in’air Report’air Explor’heure Roll’heure Evolu’tif Imagin’a’tif Vit’halles Mémo’art Apo’Strophe Aur’Or Montorg’Oeil La resémantisation de la finale est dominée par le final /ëR/, à graphies -aire, -er, et -ère (31); hormis quelques occurrences de air, ces graphies cèdent à l’homophone anglais hair. Ainsi Volt’hair évoque le quartier parisien de Voltaire, et Gram’hair sa rue, la rue Gramme. Le final -er participe à des substantifs d’origine anglaise, mais aussi au nom Meyer, de Mey’hair, tandis que -ère livre des resémantisations 74 MAT PIRES de atmosphère et naguère. L’omniprésence de hair reflète la prépondérance de mots-cible unique : heure de /œR/ (32), l’argotique tif du final /tif/ (33), le pronom elle de /ël/ (35), le substantif art de /aR/ (36). Le feeling global de (37) est même matérialisé dans un slogan publicitaire : « A vous d’avoir le bon Feel’in ». Le procédé tire aussi hi-fi de amplifie, strophe de apostrophe et or de aurore; le stock commercial et l’œil optique de deux noms de lieu (38). Le “génitif saxon” est à l’origine de bon nombre de noms commerciaux, mimétismes d’un emploi réel anglophone (McDonald’s : chez McDonald). Ce type couvre 12 des 32 noms en apostrophe cités par Galliot, allant du banal (Flory’s, Emil’s) au foncièrement folklorique : Notre-Dame’s Garage, Arrêt facultatif’s Bar (Galliot, 1955 : 223224). Si trois de ses exemples – les hôtels Princes’s, Régen’s, Moder’n – nous illustrent l’emploi “à tort et à travers” (p. 223) du possessif anglais, l’auteur va malheureusement jusqu’à classer également La maison de la Laine Mod’, Prim’rose, Mod’Ely, et d’autres à la rubrique des possessifs mal maîtrisés, alors qu’ils ressortent clairement à d’autres opérations. Ce possessif anglais figure dans d’innombrables noms commerciaux français, simples mimétismes qui, par-delà le constat de leur fréquence, n’intéressent pas notre propos. Par contre, dans certains noms, cette suffixation participe à une opération morphosémantique plus complexe : 39) Energy’s 40) Agne’s Marronsui’s Nougasui’s Pari’s Régli’s Energy’s (39) joue sur l’homophone verbal énergise, tandis que dans d’autres cas une apostrophe parfaitement adventice peut activer un possessif : Boulenger et Thérive notent l’Orléan’s marché, avenue d’Orléans (1924 : 92), Galliot « le cosmétique Ricil’s, pour les cils, à base d’huile de ricin » (1955 : 328). Les exemples en (40) témoignent de la survivance de ce procédé. IV.3 – Autres resémantisations D’autres apostrophes permettent de dégager un lexème par une resémantisation portant sur un élément qui n’est pas (ou pas seulement) un élément final. LEÇONS DE GRAM’HAIR 75 41) initial Bac’io Dat’cha Régal’ad 42) double Brod’way Regg’lyss Rik’Hochet In’crust 43) syntagme Bouff’tard Coll’Atout Image in’air Opti’soins Toutan’folie Les seuls éléments initiaux resémantisés sont une boutique rue du Bac (italien bacio, baiser), une marque de dattes (illustré par une hutte en plein désert, avec palmiers…), et un nom de bonbons en paquet qui peut se lire en suffixation de régal ou en resémantisation initiale de régalade (boire à la régalade) (41). Les doubles resémantisations en (42) renvoient à un mercier (brode + way (façon) = Broadway), à un groupe musical (reggae + lisse = réglisse), et à une marque de vêtements (Rik (prénom) + hochet = ricochet). La pizza In’Crust passe par l’anglais pour marier la mode (in) à la croustillance (crust, croûte), mais le signe global incruste provient de l’argot adolescent français 16, prêtant ainsi au nom une semblance de normalité lexicale. En (43) nous avons des syntagmes, verbaux pour les deux premiers (> rue Mouffetard ; à tout) ; nominaux ensuite (faux anglais, dans l’air ; aux petits; apocope de Toutankhamon (?). La resémantisation d’un élément final ou initial peut être partielle, se complétant à l’aide de phonèmes “empruntés” au lexème voisin. 44) partiel Alexand’wiche Optim’emploi 45) à-peu-près Barb’eco Broc’ange Cré’actif Don’action Foir’fouille Montpell’hier Trévi’scooter Class’croûte Coif’élia Efferv’Essonne Privil’edge Ainsi en (44) l’absorption d’un fragment du final donne optimum et Trévise (rue); celle de l’initial sandwich. Les à-peu-près de (45) isolent un nouveau lexème, moyennant une approximation du signe global sous-jacent – barbecue, brocante, casse-croûte, Coppélia (ballet), créatif, donation, effervessence, farfouille, Montpellier, privilège. Les exemples en (46) sont bâtis sur des resémantisations de syllabes converties en lettres : 46) lettre K’Store Rache’L Crescend’O Bistr’OK Jan’R 16. Le lexique d’Hippolyte Romain glose l’expression s’taper [sic] l’incruste, qui signifierait, d’après la contextualisation, “faire l’intrus dans une fête” (1993 : 81). 76 MAT PIRES Le procédé permet de dégager les signes globaux castor, Rachelle, crescendo et l’astucieux bistroquet, parallèlement aux resémantisations de store, elle, eau (Crescend’O étant un spectacle aquatique) et OK. Jan’R offre un signe notoire – le hair des coiffeurs – assorti du roman Jane Eyre. Dans ces exemples l’apostrophe permet de marquer matériellement le point de passage entre types de signifiant (lettre, mot), et ainsi de mettre en avant la resémantisation elle-même 17. V. ANALYSE Ici nous allons considérer une éventuelle limitation sectorielle du phénomène d’apostrophe commerciale, avant de mettre en exergue quelques spécificités morphophonologiques qui le favorisent (§ V.1). Nous ferons ensuite état de quelques réactions à cette apostrophe (§ V.2), qui tendent à confirmer ses connotations sociales et commerciales. V.1 – Influences sectorielle et morphophonologique Malgré sa grande diffusion, l’apostrophe commerciale se concentre dans certains secteurs d’activité. Le présent corpus relève par exemple sa vitalité chez les coiffeurs, qui exploitent bien souvent la correspondance suffixale de synonymes marginaux de cheveux : l’anglais hair (16 finaux), et l’argotique tif (6 finaux, 1 initial). Le rôle du hasard homophonique ressort de la rareté du terme voisin nattes (3 initiaux), sans homonymie suffixale, mais cela n’explique pas tout : les composés en coif (6 initiaux, 3 finaux) restent fréquents. Le fait de couper, à la base de la coiffure, trouverait-il une homologie dans la langue au moyen des ces mots fragmentés? Le domaine de la nourriture, lui aussi, recèle un trésor de noms en apostrophe, qui ornent surtout les produits alimentaires vendus sous 17. Cette opération peut éclaircir deux noms que relève Galliot : le « bizarre et imprononçable» Jav’l, et l’«affreuse déformation» Lut’cia braü (1955 : 211, 314). L’emploi de majuscules – Jav’L, LuT’cia – indiquerait la prononciation, comme dans notre Rache’L. Seul l’emballage d’origine de ces produits pourrait confirmer cette hypothèse. LEÇONS DE GRAM’HAIR 77 emballage, et les restaurants rapides. Nombre de ceux-ci traduisent la nutrition par des éléments tirés de la série en position initiale /kR/, comportant notamment croustiller (In’Crust, Croustik’) et croquer (Croq’cité, Croq’sandwiches; voir Corpus à cr-), préfixe qui déborde le secteur : Croqu’sandwich, ainsi que Croqu’salé, et « Croqu’Odile, Crocodile ! » sont des livres d’enfants (Anargyros, 1982, 1985, Pédagogie Freinet, 1983)18. Encore ici, le sémantisme de croquer recouvrirait la notion de couper. Certains projets graphiques d’emballage vont dans ce sens, d’ailleurs, affublant d’un rôle iconique une apostrophe figurée comme un long triangle incisif qui percute le mot (dans Croc’Choc, par exemple). L’apostrophe commerciale reste essentiellement cantonnée aux textes ultra-courts (noms, titres) du domaine onomastique; en texte continu, l’on ne la trouve que fort rarement. Le fort inventif “décalc’man” (Richard, 1991) livre le sens de plagieur en complétant une syncope-apocope de décalcomanie de suffixation en -man. Mais ce suffixe, comme le montrent les exemples fauch’man, arrang’man, poul’man (dus à Gadet, 1997 : 105) est souvent doté d’apostrophe, en marque de changement de code. La crase journalistique dircom (directeur de communication) est à l’origine de “com’boys” (Robert, 1996 : 75), avec un clin d’oeil en direction de cowboys. Le seul nom commun employé sans ludisme est sof’press : ainsi dans l’ours d’un Télérama apprendra-t-on l’inclusion d’« Un sof’press Thierry Mugler jeté entre les pages 2 et 3 pour tous les kiosques et les abonnés hommes » (18 novembre 1998 : 3). V.2 – Réactions face au phénomène Le plus ancien nom à apostrophe que nous avons rencontré est O’Galop, pseudonyme du dessinateur Marius Rossillon, qui en 1898 remit à la société Michelin un certain projet de personnage constitué de pneus empilés. Mais les trois noms tirés de l’ouvrage de vulgarisation, déjà cité, Les soirées du grammaire-club (Boulenger et Thérive, 18. L’emploi titulaire du croq’ est aussi historiquement attesté par l’ouvrage – plutôt adulte – de Marguerite de Lubert, Histoire secrète du prince Croqu’étron et de la princesse Foirette (cf. Lemirre, 1988 : 80). 78 MAT PIRES 1924) – une apocope, une séquence anglaise, un génitif saxon – donnent un premier aperçu de l’émoi que ces noms ont suscité dans les milieux sociaux à fort capital scolaire. Les Soirées prennent la forme d’une série de conversations de salon imaginaires. Lors de la soirée sur «Le jargon des journaux, le jargon savant et le jargon étranger», le “Président” cite ces trois noms : Bastill’ car, Orléan’s marché, et American glaçag’. L’échange se poursuit : DENIS , indigné. C’en est trop ! Je sens que je vais m’évanouir. Vite un cordial ! (Jérôme prépare un Martini, qu’il anime légèrement par du poivre de Cayenne […]) (1924 : 92). LE PRÉSIDENT. La saynète symbolise le tollé soulevé par les noms apostrophiques commerciales chez les linguistes prescriptivistes, défenseurs de la langue, et chez les praticiens du texte soutenu tels les journalistes et romanciers. Les sources modernes qui font état du refus vigoureux, chez les gens lettrés, de ces manipulations, sont aussi nombreuses que variées. Sur le sémantisme des apocopes de e muet, l’on trouve dans un roman récent : Sur la vitre ici, je lis à l’envers : Le Modern’. Il reste des traces d’adhésif du e final que le taulier précédent avait décollé pour y substituer une apostrophe, jugeant que cela ferait plus moderne, justement, ou plus chic. Il n’a pas pu se féliciter longtemps de la modernisation des lieux et de la raison sociale. Deux jours plus tard, on l’a retrouvé couché dans une flaque de sang, impasse des Abbesses… (Smaïl, 1997 : 17). Il s’agirait donc d’une simple mode; mais les conséquences impressionnantes de la modification de l’enseigne – rien moins que la mort sanguinolente de son propriétaire, explicitement enchaînée dans le narratif – ont tout pour déconseiller la pratique de l’apocope commerciale. Toutefois, la chute du final muet de Modern’ reste somme toute peu importante pour le sens du mot; et de telles troncations semblent de ce fait susciter relativement peu de contestation. Par contre les composés polysémiques, dont le flou sémantique va souvent de pair avec une présence – syntaxique ou lexicale – de l’anglais, font parfois hérisser le poil des prescriptivistes et défenseurs de “clarté française”. L’intervention suivante à la radio publique en témoigne : LEÇONS DE GRAM’HAIR 79 Il y a des modes tout à fait ridicules de parler, et tout ça est très infecté par l’américanisme. Je peux pas dire que ce sont des anglicismes parce que l’anglais aussi est attaqué, et attaqué de la même façon. C’est véritablement une espèce de sabir qui vient du nouveau monde, et je crois que le nouveau monde, dans ce domaine-là, est en train de pourrir l’ancien. Et je vois partout toutes ces enseignes ridicules, on voit des trucs absolument insensés, des gens qui ne savent rien, des enseignes qui n’ont absolument aucun sens. Le calembour bilingue est très prisé par les ignorants – ils adorent ça. Il y avait une boutique qui m’avait particulièrement amusé qui s’appellait “Tart’Inn”. Alors, “Tart” c’était les tartes à manger, vous savez tarte aux pommes, et “Inn” auberge. En fait […] en anglais “Tart” ça veut dire putain. Alors “Tart’Inn” ça veut dire “auberge de la pute”, très exactement. Alors si les Anglais se promènent dans Paris et voient “Tart’Inn” ça doit les faire rigoler 19. Si l’on ne mettra pas en question le bien-fondé des traductions, l’on remarquera toutefois la contradiction entre “aucun sens” et “insensés”, et la polysémie opérée par ces “ignorants” : tarte (en apocope), inn, et le surstrate tartine expriment deux éléments de menu, le type de commerce, et même la qualification “à la mode” (in), bilan somme toute valable, au prix de quelques ricanements anglophones. La séquence anglaise, dont Tart’Inn participe, fut même retenue comme chef d’accusation dans une proposition de loi de 1973, précisant que «La marque de fabrique, de commerce ou de service […] ne peut notamment consister […] en une dénomination comprenant une forme de langue non conforme à la construction française » (Haut comité, 1975 : 12). Mais cet article est supprimé lorsqu’un rapport de 1975 estime que «le contenu des prescriptions linguistiques initialement prévues était sans nul doute trop large. En particulier dans la mesure ou elles portaient sur la syntaxe» (p. 30). Cela semble avoir évité une mise en œuvre épineuse : comme l’observe Cellard, une législation visant les “Modern-Hotel” et autres “Europ-Coiffure” serait confrontée à de nombreuses collocations établies relevant d’une syntaxe rigoureusement comparable, telles “Police-Secours”, ou “France assistance” (1985 : 87). Au vu des nombreux exemples établis l’on peut même se demander si de nos jours cette “séquence anglaise” reste toujours aussi étrangère. 19. Jean Dutourd, académicien, « La langue française », Le choix d’Inter, France Inter, 15 octobre 1995. 80 MAT PIRES VI. CONCLUSION Dans le type textuel restreint des noms commerciaux, les occurrences d’apostrophe ne correspondent pas aux rôles qui lui sont traditionnellement prêtés : l’élision (rôle premier), l’apocope, le parler populaire en littérature, et le génitif saxon (rôles marginaux). Partant de ce constat, nous avons cherché à élargir la gamme de fonctions de l’apostrophe. Hormis les rares reprises d’emplois lexicalisés comportant l’apostrophe, deux types d’apostrophes commerciales se profilent : les composés monosémiques et les composés polysémiques. Les premiers font de l’apostrophe un lien matériel entre lexèmes juxtaposés, en synonymes, en métaphore, ou en syntagme. Dans ces cas, il y a en général perte d’articulateur (assorti d’article, etc.), et l’apostrophe, tout en signalant cette perte, se constitue en liage indépendant des deux termes. Ce rôle syntaxique est particulièrement perceptible dans les cas de séquence anglaise : l’apostrophe remplace l’articulateur, et relève une permutation syntagmatique (Griff’troc < troc des griffes). Enfin, de rares apostrophes monosémiques ne recouvrent apparemment aucun rôle, grammatical ou sémantique (An’ge). Dans le domaine de la polysémie l’apostrophe resémantise, forgeant de nouveaux sèmes par fragmentation lexémique ou par agglutination. Dans la fragmentation, l’apostrophe relève une rupture interne du mot, permettant une lecture détachée de la finale (Créa’tif), ou de l’initiale (Dat’cha). Dans l’agglutination, l’apostrophe constitue une liaison entre lexèmes qui resémantise le tout, soit en lexème (Bis’art), soit en syntagme (Bouff’tard < Mouffetard). L’interprétation de ces manipulations s’appuie non seulement sur l’apostrophe, mais sur des apports orthographiques (Volt’hair) ou contextuels (iconiques, spatiaux). Les noms à apostrophe s’inscrivent dans un contexte pragmatique qui exige la brièveté : l’espace disponible sur l’enseigne d’un local, ou l’emballage d’un produit est réduit, et le nom se doit d’être facile à retenir. Une grande partie de ces manipulations suppressives répondent à des considérations volumétriques : Démak’up réduit de moitié le volume syllabique de Disques à démaquiller, et des deux tiers LEÇONS DE GRAM’HAIR 81 le nombre de signes (avec en prime une notion de rapidité et un éventuel plaisir de décodage bilingue). Le principe de la brièveté sous-tend également l’abrègement et le mot-valise (Alexand’wiche), la coexistence de types de signifiant (Restor’A9), la syntaxe retournée (Idées’Store), ou encore la polysémie. Ce n’est pas un hasard si cette apostrophisation, vouée à tirer le plus grand parti de l’espace-réclame, va de pair avec de nombreuses figures courantes dans la publicité, tels l’asyndète, la crase, ou le calembour. Sur le plan culturel, l’entorse à la langue normée véhiculée par l’apostrophe commerciale vaut pour une distanciation symbolique vis-à-vis du champ de pouvoir. La liaison par apostrophe des composés monosémiques bafoue les conventions, déjà, mais les noms polysémiques impliquent le lecteur dans des réductions d’écart syntaxique, sémantique, et pragmatique (référence énonciative aux noms de rue, de quartier, de personne). Le sémantisme glissant de Bouff’tard ou Volt’hair, ainsi que la transformation irrespectueuse des noms propres (en argot, en anglais) s’inscrivent dans une résistance aux normes linguistiques (ou un refus de celles-ci), et une subversion langagière essentiellement populaire. La combinaison d’instabilité sémantique et d’entorse à la norme a tout pour déranger les défenseurs d’une langue “pure”; on l’a vu dans les discours d’un roman, d’un projet de loi, et d’un invité à la radio. Mais l’apostrophe d’enseigne dispose aussi d’une connotation propre, gage de bas prix, d’affaires à faire, et d’absence de prétention. Fréquentes aux noms des bars, restaurants rapides, bazars, coiffeurs, habilleurs grossistes, et aliments conditionnés, rares aux noms d’établissements hauts de gamme (restaurants et habilleurs exclusifs, joailliers, traiteurs de luxe…), où peu enclins à brader les prix (pharmacies, maisons d’édition, banques), ces apostrophes représentent pour le client un service ou un produit abordable et sans prétention. Ainsi la position en porte-à-faux des édits de la langue normée (qui préconiseraient Vacances de rêve au lieu de Rêv’ Vacances) fournit une homologie symbolique, pour une position hors du champ de pouvoir, “du côté du consommateur”. Malgré cela, le succès des noms à apostrophe amène un début d’embourgeoisement, perceptible dans leur adoption pour des commerces à clientèle nantie (N’omades 82 MAT PIRES authentic) 20, ou des institutions liées à l’Etat (Le Mouv’, radio nationale pour jeunes). L’enjeu connotatif transparaît dans les noms à apostrophe adventice – An’ge, F’estin – dépourvus de fonctionnalité, et même de polysémie. De telles appellations ne représentent que la dernière étape du parcours de l’apostrophe, menant d’un cadre grammatical (élision) relativement restreint, vers une spécialisation sectorielle fondée sur une autonomie par rapport à la grammaire traditionnelle. CORPUS Notae. Pour les noms figurant aux Pages jaunes de Paris (mai 1997, mai 1998) et de l’Hérault (décembre 1997/98) nous donnons la rubrique, et l’arrondissement (Paris) ou un “M.” (Montpellier) ; pour les autres nous indiquons l’adresse et l’activité. Les majuscules et espacements reprennent l’original ; si celui-ci est en lettres capitales, seule la première initiale garde sa majuscule. Abbess’ (pressing, 18e) Act’tif (coiffeur, 3e) Actu’elle et lui (coiffeur, 17e) Agne’s Mart (coiffeur, 15e) Air’évasion (voyages, 14e) Alexand’wiche (resto rapide, 5e) Alp’verre (verre renforcé) Ampl’hi-fi (hi-fi, M.) An’ge (vêtements) Apo’Strophe (librairie, 8 r de Verdun, M.) Atmosp’hair (coiffeur, 9e ; M.) Aur’Or (bijouterie, M.) B’A (yaourt Bifidus actif) Bac’io (vêtements, 7e) Banlieues’art (festival, Yvelines) Barb’eco (barbecue pliant) Béa’tifs (coiffeur, 2e) Bis’art (Antoine 1995) Biss’’goss (vêtements, 10e) Bistr’OK (café, 12e ; bd L. Blanc, M.) Biz’ness (Charity B., film de Th. Barthes et P. Jamin, 1998) Bizz’art (soirées danse) Bouff’tard (restauration rapide, 5e) Bout’chou (vêtements Monoprix) Brill’vit (cire autolustrante Bufalù) Broc’ange (brocante, 11e) Brocant’heure (bijouterie, St Ouen) Brod’way France (linge de table, 15e) C’10 F (discomptes, M.) C’bon (primeurs) C’rock (radio FM, Vienne) C’Système (photocopie, 10e) Candy’Up (lait parfumé Candia) Capil’hair (coiffeur, 11e) Cathy’coif (coiffeur, 12e) Choc’land (gâteaux, BN) Chrys’Jules (coiffeur, 12e) Cigarett’s (gâteaux) Class’croûte (resto rapide, 8e) Coif’elia (coiffeur, 15e) Coif’feeling (coiffeur, 11e) Coif’heure (coiffeur, M.) Coif’hom (coiffeur, 19e) 20. Le magasin se situe dans l’une des arches ferroviaires de l’avenue Daumesnil, aménagées pour les “créateurs contemporains et artisans d’art” par la mairie de Paris. LEÇONS DE GRAM’HAIR Coiff’elle (coiffeur, 20e) Coiff’tif (coiffeur, 11e) Col’rette à sapin (décoration de noël) Coll’Atout (autocollant) Coup’Kid (coiffeur, 18e) Cré’actif (“le Magazine du plaisir de faire”) Créa’tif (coiffeur, 12e) Crêp’câlin (crêperie, 13e) Crêp’mania (crêperie, 14e) Crescend’O (spectacle aquatique) Croc’Choc (biscuits) Croc’Galette (biscotte, Heudebert) Croq’ (Mister C., resto rapide 2e) Croq’cité (resto rapide, Parc de la Villette, 19e) Croq’o’pain (resto rapide, 2e) Croq’sandwiches (resto rapide, 13e) Croq’vert (cornichons, Amora) Croqu’doré (resto rapide, 15e) Croustik’ (biscottes) Cruci’hal (cruciverbiste, Libération) Dat’cha (dattes, SAG) Démak’up (disques à démaquiller, Procter & Gamble) Diab’less (vêtements, 39 r Caire, 2e) Diam’s (collant voile satiné, DIM) Diff’ (Photo D., 6 r A. Thomas, Champigny) Don’action (collecte, Secours Populaire français) Drag’west (café, 18e) Efferv’Essonne (les E., festival du département) Energy’s (eau de toilette) Espace’ mode (vêtements, Gare du Nord, 10e) Evolu’tif (coiffeur, 3e) Explor’heure (horlogerie, 8 r du Bac 7e) F’estin (vêtements, r Rambuteau, 1er) Feel’in (bas, Innothéra) Fem’chic (tissus, 4 r Livingstone 18e) Foir’fouille (bazar, M.) Formul’hair (coiffeur, 12e) Fraîch’Up (pizza, Findus) 83 Frig’air (aération, 17e) Gram’hair (coiffeur, 15e) Grand’mère (café, Kraft Jacobs Suchard) Griff’troc (dépot-vente : vêtements, 8e) Guid’Fac (magazine pour étudiants) Guid’Sup (éditeur de magazines) Idées’Store (farces et attrapes, 3e) Image in’ air (carterie, 24 r Aubry le Boucher, 1er) Imagin’a’tif (coiffeur, 9e) Imagin’hair (coiffeur, 15e) Imagine’ (cadeaux, 10e) In’Crust (Gina Paterson The I. Pizza : pizza) Ital’bac (Barrère et al, 1995) J’vais coiffure (coiffeur, 17e) Jan’R (coiffeur, 12e) Just’in (maison de disques) K’Store (vêtements, 225 r St Martin, 3e) Kas’prix (r de Clignancourt, 18e) Ki’koup (coiffeur, 15e) L’coiff (coiffeur, 13e) Lagaf’ (comique) Lav’matic (laverie, 35 r Poulet, 18e) Légend’hair (coiffeur, 18e) Locomotiv’ (voyages, 4e) Long’distance (coiffeur, 16e) Manag’hair (coiffeur, 19e) Marbr’ouvré (marbriers de bâtiment, Aubervilliers) Marronsui’s (petit suisse, Nestlé) Mat’Sand (coiffeur, M.) Memo’art (cadeaux, 1er) Mey’hair (coiffeur, 14e) Mi’mi (lingerie, 11e) Mist’hair (coiffeur, 19e) Mod’s hair (coiffeur, 1er) Modern’est (hôtel, 10e) Montmartr’crémerie (2 av. Pte de Montmartre 18e) Montorg’Oeil (optique, 2e) Montpell’hier (Jolivet, 1996) Mouv’ (Le m., radio, Radio France) N’omades authentic (artisanat, 21 r Daumesnil 12e) 84 MAT PIRES Nag’airs (interprètes d’ “airs de jadis”) Nat’ (Gys N., coiffeur, 20e) Nat’elsa (90 r. Riquet, 18e) Nath’ look (coiffeur, 20e) Natur’elles (coiffeur, 10e) Nip’shop (dépôt-vente : vêtements, 16e) Nougasui’s (petit suisse, Nestlé) O’café (café, 17e) O’ciné d’à côté (promotion cinéma, Hauts de Seine) O’piano (café, 9e) Ongl’Créanail (manucures, M.) Opti’soins (opticien, 4 av. S. Bolivar 19e) Optim’emploi (association humanitaire, 8e) Ox’bridge (vêtements, 3e) P’tit Dop (shampoing) Pamp’lune (vêtements, 4b r Piemontesi, 18e) Panach’ (boisson) Pari’s aller retour (bar, 4e) Pend’art (café, r du Ruisseau, 18e) Pep’s (réparation de parapluies, 3e) Pich’net (souffles de maïs Monoprix) Pit’choun (vêtements, 22 r fbg St Martin, 10e) Poch’tron (café, 7e) Pom’ d’Adam (cidre) Pop’flors (fleuriste, 18e) Pouss’mousse (savon liquide, Palmolive) Pouss’suc (succédané de sucre) Preum’s (coursiers, 16e) Prim’optic (opticien, 15e) Prim’Saveur (herbes sèches, Ducros) Privil’edge (lentille de contact) Pulp’land (yaourt, Yoplait) PurSoup’ (soupe, Marie) Rache’L (coiffeur, 3e) rapid’ (Télé r., guide TV) Rebouch’ bois (pâte à bois, Polyfilla) Régal’ad (bonbons Kraft Jacobs Suchard) Regg’lyss (groupe musical) Régli’s (vêtements, 18e) Rénov’daim (produit d’entretien Kiwi) Rénov’livres (relieur, Nantes) Report’air (voyages, 8e) Restor’A9 (décapage, 14e) Rêv’ Vacances (tourisme, Colombes) Révél’Amour (Leblanc-Halmos 1991) Rik’Hochet (vêtements, 62 r fg St Martin, 10e) Riky’n (vêtements, 10e) Roll’heure (courses, 11e) S’trim (coiffeur, 15e) Sam’express (coursiers, 12e) Scèn’action (association culturel, 15e) Sergioleon’coiffure (coiffeur, 11e) Sicil’air (voyages, 10e) Som’toile (sommier, Sedac Meral) Space’hair (coiffeur, 3e) Start’hair (coiffeur, 20e) Styl’coiffure (Duo S., coiffeur, 13e) T’chat (texte de dessin textile, chaussettes) T’choupi (pingouin fictif) Tavern’pub : Cockney T. de Montmartre (café, 9e) Théatr’hall (48 passage Choiseul 2e) Tiff’anita (coiffeur, M.) Tir’essuie (papier absorbant SCA) Tir’press (sachets de thé Tetley) Tomat’a Mama (sauce Saclà) Toutan’folie (meubles de style, 20e) Trans’dem (déménageurs, r Mal Joffre, Argenteuil) Trans’plis (coursiers, 17e) Trévi’scooter (cycles, 9e) Ulys’air (voyages, 12e) Vit’halles (Espace V., club de forme, 3e) Viv’Art (festival lyonnais) Volt’hair (coiffeur, 11e) Wood’stock (vêtements hommes/dames, 11e) Yam’s (café, 4 pl. Comédie, M.) Yang’hair création (coiffeur, 15e) Z’animo (gâteaux, Cadbury) LEÇONS DE GRAM’HAIR 85 RÉFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Nota. Les références précédées d’un astérisque ne figurent qu’au titre de sources de termes cités dans le texte ou le corpus. *ANARGYROS Elizabeth (1982) – Croqu’salé. Paris, Nathan. *ANARGYROS Elizabeth (1985) – Croqu’sandwich. Paris, Nathan. *ANTOINE Véronique (1995) – Bis’art : des artistes face à face. Paris, Casterman. *ARAGON Louis (1928) – Traité du style. Paris : Gallimard. *BARBUSSE Henri (1916) – Le feu. Paris : Flammarion. *BARRERE Jean, Livio MASCHIO et Marzia MENONI (1995) – Ital’bac. Gap, Ophrys. BOULENGER Jacques et André THERIVE (1924) – Les soirées du grammaireclub. Paris, Plon. *BOULET-GERCOURT Philippe (1998) – « Les mégots de la colère », Nouvel Observateur, 7 mai : 20, 22. CATACH Nina (1994) – La ponctuation. Paris, Presses universitaires de France (coll. Que Sais-Je). *CELINE Louis-Ferdinand (1952) – Voyage au bout de la nuit. Paris, Gallimard. CELLARD Jacques (1985) – « Les rigueurs de la loi », in Histoires de mots, Paris, La Découverte/ Le Monde : 86-90 [1e publ. 1973 : Le Monde, 10 Sept.]. CELLARD Jacques et Alain REY (1991) – Dictionnaire du français non conventionnel. Paris : Hachette [1e publ. 1980]. COLIN Jean-Paul et Jean-Pierre MEVEL (1994) – Dictionnaire de l’argot. Paris, Larousse. *COMTE F., J.-J. LUTHI et G. ZANANIRI (1990) – L’Univers des Loisirs. Paris, Letouzey & Ane. *ETCHERELLI Claire (1967) – Elise ou la vraie vie. 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