Violence psychologique au travail

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Violence psychologique au travail
Repères pour identifier la présence de
Violence psychologique au travail
Par Charles Roy
[email protected]
INTRODUCTION
La présente série d’articles s’inscrit dans la perspective d’apporter un éclairage sur les situations vécues par nos clients au
chapitre du harcèlement psychologique ou de la violence psychologique au travail. Pour les personnes aux prises avec cette
problématique, il sera important de dégager des points de repère très clairs permettant d’en faire la démonstration, soit pour
fin de validation de leur propre expérience ou soit dans le but d’utiliser les recours prévus par la loi. À défaut d’une
compréhension globale du phénomène, il y a risque de ne s’en tenir qu’à des gestes pris à la pièce et de tomber dans le
piège de la banalisation, avec pour conséquence de passer complètement à côté de la problématique et de sa dynamique.
Malgré les ravages plus qu’évidents que provoque le harcèlement psychologique ou la violence psychologique au travail, il
s’agit d’un phénomène subtil, pernicieux, se produisant la plupart du temps sans témoins et impliquant souvent des
comportements qui ne sont pas illégaux. Nous proposons donc ici une grille d’analyse qui pourra aider le clinicien à définir et
repérer les comportements typiques du harcèlement ou de la violence psychologique et identifier leurs conséquences pour la
victime. Les principaux paramètres pour repérer la dynamique de violence sont : la subtilité des gestes, le phénomène de
banalisation, le processus d’ensemble, les comportements eux-mêmes, la violence hiérarchique et plus que tout autre
facteur, l’impact toujours destructeur sur les individus et les entreprises. Ces trois derniers aspects font l’objet d’un article
différent dans le même numéro de ce bulletin.
Phénomène subtil :
la violence discrète des
relations de travail
De l’avis de Mme Aurousseau (1996),
chercheure à l’UQAM et spécialiste en
la matière, « la violence psychologique
est bien insidieuse et peut être difficile
à percevoir ». Le Ministère du travail
(2001)
précise que cette forme de
harcèlement, «se compose de petits
incidents bénins dont le cumul et la
convergence pourraient donner lieu à
une lésion professionnelle » et que
«c’est le caractère insidieux des
comportements qui contribue le plus à
l’atteinte psychique. » Le Syndicat de
l’Enseignement de l’Ungava et de
l’Abitibi-Témiscamingue rapporte que
«le harcèlement est caractérisé par des
propos et des gestes vexatoires,
inopportuns et abusifs. »
Il précise
d’ailleurs que «selon les tribunaux, il
n’est pas nécessaire que les propos ou
les gestes posés soient illégaux,
prohibés ou déraisonnables pour qu’ils
puissent constituer du harcèlement. »
Il ne faut donc pas confondre la gravité
et les formes de la violence.
Hirigoyen
(1998)
définit
le
harcèlement
moral
comme
«une
violence à petites touches, qui ne se
repère pas, mais qui est pourtant très
destructrice. »
La Centrale des
syndicats du Québec (CSQ 2001)
explique que compte tenu de la nature
subtile de cette violence, il faut définir
ce problème à partir des «différents
effets qu’entraînent les comportements
1
ou attitudes de harcèlement » ce qui
permet de «saisir le phénomène à
partir de ses conséquences, plutôt qu’à
partir d’un ensemble complexe de
caractéristiques dont il peut être
difficile de faire la preuve. »
Le Conseil économique et social (2001)
confirme pour sa part que «le ou les
harceleurs agissent à visage masqué –
c’est là leur force - ; ils s‘appuient en
permanence sur le non-dit de leurs
desseins et réduisent leurs victimes à
la protestation sans effet et/ou au
silence, en les isolant progressivement
de tous ceux qui, jusque là, les
considéraient.
Les capacités de la
victime sont peu à peu réduites,
aboutissant parfois à une véritable
destruction psychique si ce n’est une
destruction tout court à travers l’issue
suicidaire. »
Banalisation
Cette forme de violence est banalisée
de différentes manières. La CSN, CSQ,
etc. (2000) décrivent «la banalisation
de la violence comme l’ensemble des
attitudes et des comportements qui
tendent à la rendre triviale, ordinaire
ou insignifiante. (…) Une première
forme de banalisation de la violence
employée par les supérieurs est la
négation de l’existence même de la
violence.
Une
réaction
fréquente
consiste à la taire ou à la camoufler
pour sauvegarder la réputation de
l’entreprise. Une deuxième forme de
banalisation consiste à blâmer les
travailleurs et les travailleuses et à les
tenir responsables de la violence ou
attribuer celle-ci à des caractéristiques
personnelles (sexe, âge, craintes,
compétences etc.).
(…)
Ainsi, de
façon
assez
généralisée,
les
employeurs ne tiennent pas compte de
l’impact psychologique de l’agression. »
« Quand les comportements sont
insidieux,
plusieurs
personnes
préfèrent fermer les yeux et laisser les
victimes seules avec leurs perceptions.
Enfin si la personne mise en cause est
en
position
d’autorité,
ses
comportements
seront
facilement
justifiés par son rôle. Il est à noter que
même les victimes peuvent banaliser
ce qui leur est arrivé parce qu’elles
craignent d’être jugées, entre autres »
(CSN 2001).
La banalisation par
l’employeur sera également favorisée
par la tendance au mutisme des
victimes, qui sont incapables de parler
parce qu’elles sont trop ébranlées par
la
situation,
soit
parce
qu’elles
craignent les représailles ou les conflits
ou encore parce qu’elles ne croient pas
possible
de
changer
les
choses
(Guberman, 1998). Sans compter que
«la victime et souvent mise en doute
par le milieu, soit parce qu’on remet en
question ses compétences et ses
réactions ou encore parce qu’on
considère
qu’elle
exagère
les
conséquences de l’agression. » Les
collègues ne veulent pas s’en mêler la
plupart du temps, de crainte que la
situation ne s’aggrave ou que leur tour
ne vienne.
Repères pour identifier la présence de violence psychologique au travail
Soares (2002), avise que «la persécution d’une personne a
de puissants effets d’intimidation sur les collègues qui
découvrent l’impunité dont jouit l’agresseur (…) (les
collègues) ont peur » Chacun se protège (…) Le silence et
la défection des témoins, l’absence de solidarité et
d’entraide sont catastrophiques pour la victime. »
Processus et contexte global
Il faut prendre en compte, dans le repérage de la violence,
le processus global ou la dynamique de violence. Ainsi, la
répétition et la persistance de l’action pourront servir
d’indicateurs. Il ne faut pas hésiter à faire des
rapprochements entre des situations similaires puisque cela
peut permettre d’établir un «pattern » dans un même
service.
Soares (2002) précise qu’ «au contraire de
d’autres types de violence au travail, le harcèlement
psychologique est un processus constitué de différents types
d’agissements qui se développement dans le temps.
Puisqu’il y a processus, il est important de comprendre
comment et quand il s’institue, simplement pour qu’on
puisse le prévenir ou intervenir le plus tôt possible. »
Poudrette (2000) confirme que la «violence psychologique
n’est pas qu’un accident de parcours, un geste isolé, mais
plutôt une façon d’être en relation. »
Gaumond et Roy (2003), deux avocats de la firme
Grondin/Poudrier indiquent qu’ «il peut être intéressant de
faire
la
preuve
d’un
comportement
de
violence
psychologique similaire fait à l’endroit de plusieurs
personnes pour établir un pattern et corroborer les
prétentions de la ou des personnes plaignantes. Il s’agit
d’une preuve acceptée en arbitrage. »
Définitions
Soares (2002) remarque que les différentes définitions se
rejoignent dans au moins trois dimensions toujours
présentes : « (1) la répétition et la persistance de l’action ;
ensuite, (2) les effets toujours négatifs, dévastateurs et
destructeurs sur la personne cible et finalement : (3) la
définition est centrée sur les effets subis par la personne
cible et non sur les intentions de la personne qui harcèle. »
Le Ministère du travail (2003) définit le harcèlement
psychologique comme étant «une conduite vexatoire se
manifestant par des comportements, des paroles, des actes
ou des gestes répétés qui sont hostiles ou non désirés,
laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité
psychologique ou physique du salarié, et qui entraîne, pour
celui-ci, un milieu de travail néfaste ».
Le Ministère
reconnaît donc la dimension de souffrance morale.
« On peut dire qu’il y a violence psychologique lorsqu’une
personne adopte une série d’attitudes et de propos qui
visent à dénigrer et à nier la façon d’être d’une autre
personne. Par des paroles et des gestes en apparence
inoffensifs, des insinuations, des sous-entendus, des
silences, il est possible d’ébranler, de fragiliser et de blesser
l’autre. » (…) Ce qui devient particulièrement troublant,
destructeur et inacceptable, c’est lorsque la violence est
niée, qu’elle se répète dans le temps et qu’elle augmente en
fréquence. (…) Certaines personnes sont incapables de se
Suite
remettre en question : elles se sentent bien et puissantes
que lorsqu’elles dominent et contrôlent les autres. »
Poudrette (2000).
« C’est
un
processus
destructif,
constitué
d’un
enchaînement de propos et d’agissements hostiles qui, pris
isolément, pourraient sembler anodins, mais dont la
répétition constante a des effets pernicieux » (Leymann,
1996) «il peut prendre différentes formes et se traduire
notamment par des insultes, des humiliations, des menaces,
du chantage, des accusations parfois ouvertes, parfois
exprimées à demi-mot, des insinuations non fondées, des
représailles injustifiées, des critiques constantes portant
plus sur la personnalité que sur le travail accompli » (Au bas
de l’échelle, 1998). Hirigoyen (2001, p. 13) précisera que
ces conduites mettent en péril l’emploi de la personne ou
dégradent le climat de travail.
Le droit à la dignité dans le travail
« Parler de violence, c’est remettre en question les valeurs
de notre société, c’est redonner aux valeurs humaines une
place centrale dans notre développement » (Ministère du
travail, 1999).
Car l’employé peut se retrouver dans le dilemme de gagner
sa vie ou la perdre dans la violence au travail. Les milieux
juridiques, syndicaux et autres prennent de plus en plus
conscience que ces formes de violence existent et causent
des dommages importants. Une récente modification de la
Loi sur les normes du travail vient de confirmer le droit pour
les salariés de bénéficier d’un environnement de travail sans
harcèlement psychologique et affirmer l’obligation pour les
employeurs de prendre les moyens raisonnables pour
prévenir le harcèlement psychologique, et lorsqu’une telle
conduite est portée à sa connaissance, pour la faire cesser
(Ministère du travail, 2003).
La personne salariée qui offre une prestation de travail
n’abdique pas pour autant ses droits à la dignité, au respect
et à l’intégrité (Gaumond et Roy, 2003). Le ministère du
Travail (2003, p. 9) rappelle que «toute personne qui
travaille a droit, conformément à la loi, à des conditions de
travail justes et raisonnables et qui respectent sa santé, sa
sécurité et son intégrité physique. »
Parmi les pistes de solution proposées par le
Comité
interministériel
sur
la
prévention
du
harcèlement
psychologique et le soutien aux victimes (Ministère travail
2003)
on
recommande
notamment
une
culture
organisationnelle respectueuse des personnes, la volonté
d’investir à long terme dans le capital humain et la volonté
de ne pas banaliser les conduite vexatoires. Une autre
forme de prévention consiste à améliorer l’autonomie
professionnelle en faisant participer davantage les employés
aux décisions. Il faut notamment valoriser le respect des
personnes par une conduite exemplaire de la haute
direction.
BIBLIOGRAPHIE (Voir page 7)
2
Violence psychologique au travail :
Comportements et impacts
Par Charles Roy
[email protected]
Dans les faits, quels sont ces actes concrets, attitudes ou gestes
vexatoires, inopportuns ou abusifs qui constituent de la violence
psychologique ? Il pourra être intéressant de consulter les
typologies présentées par Leyman (1996), Soares (2002) ou
Aurousseau (1996). À titre d’exemples, Aurousseau (1996) évoque
les propos camouflés (remarques qui ont l’air anodines, mais qui
laissent planer un reproche, un doute, voire une accusation sans
fondement), le manque de respect (commentaires sur l’apparence
de l’employé, paroles méprisantes, dénigrement de ses façons de
faire) ou encore la mise en doute des compétences. Leyman (1996)
détaille les catégories d’agissements visant à empêcher la victime
de s’exprimer, visant à l’isoler, à la déconsidérer auprès de ses
collègues, à la discréditer dans son travail ou encore à
compromettre sa santé.
La Chaire en gestion de la santé et de la sécurité au travail de
l’Université Laval fait référence à l’intimidation ou aux brimades
(bullying). « Il s’agit, sur les lieux de travail, d’un comportement
offensant, toujours imprévisible, irrationnel et injuste par lequel
une ou plusieurs personnes, souvent des gestionnaires, visent à
rabaisser, de façon persistante, un ou plusieurs salariés par des
moyens malveillants et humiliants. L’intimidation implique une
relation où la victime a moins de pouvoir que l’agresseur… (de par
sa) position hiérarchique explicitement reconnue à l’intérieur de
l’organisation ou encore (…) son expérience dans l’organisation. »
Voici des exemples fournis par l’Université Laval : « donner
toujours ses ordres en hurlant, critiquer, de façon destructive et
fréquente, la victime devant tout le monde, surcharger une
personne de travail et abréger constamment les délais (…),
rétrograder un employé performant, envers qui le superviseur a
une
aversion
personnelle
en lui
ôtant
injustement
ses
responsabilités et en lui imposant des tâches subalternes ou bien
en dessous de son potentiel. » Ou encore « discréditer et humilier
la victime par des sarcasmes répétés et en complotant pour qu’elle
fasse des erreurs (affaiblir), réprimander et rétrograder injustement
la victime, la forcer à démissionner ou sinon la congédier ».
Le groupe «au bas de l’échelle », spécialisé dans la défense des
droits des travailleurs non syndiqués, observe que «les personnes
victimes de harcèlement psychologique au travail subissent souvent
un contrôle constant et abusif de leurs allées et venues, des
contacts qu’ils ont avec leurs collègues, de leurs conversations
téléphoniques, du temps qu’ils mettent à accomplir chacune de
leurs tâches » (Tremblay, 1999).
L’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC, 2002) situe le
«climat de travail empoisonné» parmi les diverses formes de
harcèlement. «Très souvent, le harcèlement se met en place quand
une victime réagit à l’autoritarisme d’un chef et refuse de se laisser
asservir. C’est sa capacité de résister à l’autorité malgré les
pressions qui la désignent comme cible.» «Pour garder le pouvoir et
contrôler l’autre, on utilise des manœuvres anodines qui deviennent
de plus en plus violentes si l’employé résiste» (AFPQ, 2002).
Toujours selon l’Alliance de la Fonction publique du Canada, «ce
peut être aussi une manœuvre perverse d’un individu qui a besoin
pour se rehausser d’écraser les autres ou qui a besoin pour exister
de démolir un individu choisi comme bouc émissaire. »
L’expression «trip de pouvoir » est souvent évoquée par les
victimes. Le harcèlement moral peut aller jusqu’à tout mettre en
œuvre pour "pousser dehors" un salarié, en contournant ou non les
procédures de licenciement.
3
Violence hiérarchique
Les situations de harcèlement sont en majorité des situations de
violence hiérarchique puisque les employeurs sont les seuls mis en
cause dans plus de la moitié des cas rapportés et qu’ils sont encore
mis en cause conjointement avec d’autres employé(es) dans un
autre tiers des cas. Les comportements violents des supérieurs sont
souvent perçus comme une simple manifestation de leur autorité et
donc considérés normaux. (CSN, CSQ, FTQ, CINBIOSE et SACUQÀM, 2002)
« De la part des supérieurs ou des employeurs, la violence
s’exprime principalement par le harcèlement sexuel, l’abus
d’autorité, le contrôle excessif, les menaces, les cris, les paroles
méprisantes, humiliantes ou intimidantes, le harcèlement
administratif (refus des dates de vacances, lettres de reproche,
retrait des dossiers de façon abusive, refus de communiquer
autrement que par écrit, constitution d’un dossier contre
l’employé…) ou le congédiement de l’employé» (Guberman, Option
CEQ, no 19). La notion d’abus de pouvoir réfère à la «mauvaise
utilisation des pouvoirs et de l’autorité conférés par le poste occupé
par une personne avec pour effet observable de nuire au travail ou
au cheminement professionnel d’une autre»
ou encore de
«compromettre son emploi » ou de «mettre son moyen de
subsistance en danger (CSN, 2001).
Impact pour les individus
«Outre les impacts immédiats, comme l’incrédulité, la colère et la
honte, la violence affecte l’image de soi, la santé physique et
mentale ainsi que la vie privée des professionnels. Ces impacts à
plus long terme sont difficiles à apprécier, mais ils se répercutent
obligatoirement sur leur motivation et leur disponibilité au travail »
(CSN, 1997).
Les victimes doivent donc assumer une importante détresse
psychologique, une intense souffrance morale. La personne qui
reçoit ces mauvais traitements se retrouve profondément blessée,
troublée et confuse. C’est l’enfer intérieur. Une véritable tornade
émotionnelle s’abat sur les personnes : culpabilité, sentiment de
persécution, remise en question des compétences professionnelles,
peur du jugement des autres, sentiment d’incompétence,
isolement, impuissance, honte, méfiance, peur et insécurité pour la
victime.
On observera également au plan psychologique des
réactions telles que :
faible estime de soi, difficultés à
communiquer,
attitude
de
retrait,
sentiment
de
honte,
d'humiliation, sentiment d'incrédulité et d'incompréhension,
sentiment de colère, de tristesse, sentiment de peur, d'insécurité et
d'impuissance, confusion, réactions paranoïdes, angoisse, stress,
appréhensions, sensibilité exacerbée, sentiment d’être diminué,
démotivation, dépression, idées suicidaires et épuisement
professionnel.
Sans compter qu’au point de vue physique, les impacts sont
éloquents :
fatigue, perte de l'appétit, perte du sommeil,
problèmes digestifs, maux de tête, blessures fréquentes. Soares
(2002) souligne que les personnes qui vivent du harcèlement
psychologique au travail «présentent d’intenses symptômes posttraumatiques :
pensées
envahissantes
et
récurrentes
du
harcèlement et évitement des éléments qui y sont associés. » La
confusion combinée au doute et à la baisse d’estime de soi
engendre un état de stress et de peur où la personne est
constamment sur le qui vive, en état d’alerte. Le sentiment de
danger pousse la personne à devenir très vigilante, à tout faire
pour contenter l’autre, pour le calmer, pour éviter le conflit…
Violence psychologique au travail :
Une situation qui peut devenir intenable au
point d’entraîner des congés de maladie prolongés et même des
démissions, quand ce n’est pas carrément des mises à pied.
L’AIISTQ (2000) affirme que «le harcèlement peut causer des torts
et des séquelles permanentes aux personnes qui le subissent :
stress, maladie, traumatisme psychologique, séquelles physiques,
atteintes à la dignité, humiliation, dépression, perte d’emploi et
consultations ou traitements auprès de spécialistes» (AIISTQ,
2000).
L’explication de l’efficacité destructrice des pratiques de
harcèlement moral en milieu professionnel nous est fournie par les
travaux de Christophe Dejours (CES, 2001). « L’humiliation d’une
personne dans son travail, le fait de lui renvoyer une image d’ellemême comme inutile… vient bloquer le processus qui permet
d’accéder au plaisir dans le travail. Le travail occupe une place
centrale dans le maintien de l’équilibre psychosomatique des
personnes. La plupart des individus espèrent avoir l’occasion
d’accéder à une reconnaissance de leur valeur dans le champ
professionnel et de poursuivre ainsi la construction de leur
personnalité. Le fait de priver la personne de la rétribution morale
de ce surinvestissement aura évidemment, pour elle, de lourdes
conséquences psychologiques. Le harcèlement moral est donc la
destruction, jour après jour, de la valeur de l’autre à travers son
activité professionnelle qu’il vit, très souvent, comme l’essentiel de
sa contribution sociale. »
Impacts et conséquences pour l’entreprise
Selon l’opinion des avocats Gaumond et Roy (2003) «si la première
victime de la violence psychologique au travail est évidemment la
personne qui la subit, on passe trop souvent sous silence les coûts
économiques et sociaux rattachés à de telles manifestations
d'agression ». Les mêmes auteurs relatent les effets néfastes de la
violence en milieu de travail : taux de roulement élevé, taux élevé
d'absentéisme, baisse de productivité (quantité et qualité),
Suite
démission des meilleurs salariés, climat de travail dénué de
collaboration, sens de l'initiative des salariés brimé, climat peu
propice aux échanges d'idées, salariés ne développant pas leur
plein potentiel ainsi que projection d'une image peu flatteuse de
l'entreprise auprès de la clientèle et dans l'entourage des victimes.
« Pour l’employeur, ces traumatismes se traduisent par (…) le
détournement du temps investi par le personnel à la gestion de la
plainte, des coûts reliés aux congés de maladie, à la formation, aux
enquêtes sur le harcèlement, aux litiges et les indemnités
monétaires qui s’en suivent, sans compter les risques de mauvaise
publicité et l’effet sur la clientèle (AIISST, 2001). Selon la
chercheure
Monique
Samson
(1998),
du
Syndicat
des
professionnel-les des services sociaux de Québec, 70 pour cent des
«burnout » découlent d'une forme ou d'une autre de violence en
milieu de travail.
Soares (2002) constate que les conséquences organisationnelles du
harcèlement psychologique se traduisent par une détérioration de
l'image de l’organisation, des primes d’assurance élevées et une
augmentation des coûts reliés aux services juridiques.
Impacts sur la famille
« Des effets sur la vie privée sont également à noter, comme les
conflits dans le couple, l’impatience envers les enfants, le sentiment
d’être seul » (Guberman, 1998) et la colère contre l’entourage. Ces
individus vivent dans un milieu intimidant, hostile et offensant qui
représente une menace à leur santé et qui va jusqu’à être une
invasion de leur vie privée.
Compte tenu de ces impacts majeurs au plan de la santé mentale
des travailleurs et de la détérioration de leurs conditions de travail
et de leur qualité de vie, Soares (2002) déplore que le harcèlement
psychologique soit encore une réalité présente dans les
organisations au Québec.
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4
Violence psychologique au travail
Lorsque le psychologue rencontre un survivant du harcèlement
Par Paul Loubier, M.A.
[email protected]
À partir du 1er juin 2004, la
Commission des Normes du Travail
(CNT) recevra les plaintes des salariés
victimes
de
harcèlement
psychologique. Le 19 décembre 2002,
l’Assemblée nationale a en effet
adopté, à l’unanimité, la loi modifiant
la Loi sur les Normes du Travail,
introduisant ainsi une définition du
harcèlement
psychologique comme
étant :
Une conduite vexatoire se manifestant
par des comportements, des paroles,
des actes ou des gestes répétés qui
sont hostiles ou non désirés, laquelle
porte atteinte à la dignité ou à
l’intégrité psychologique ou physique
du salarié, et qui entraîne, pour celuici, un milieu de travail néfaste. [1]
À la veille de l’arrêt pour le temps des
fêtes
2002,
cette
initiative
du
gouvernement m’est apparue très
significative tant pour les travailleurs
que pour les soignants – psychologues
et médecins – devant aider les victimes
de harcèlement. C’est pourquoi j’ai
envoyé au journal La Presse, une lettre
soulignant l’importance de ce geste
courageux de la part de nos dirigeants.
Il semble devenu nécessaire qu’une loi
claire et nette, disposant d’un mordant
assuré, vienne réguler les conduites
vexatoires ou hostiles pouvant survenir
dans le milieu du travail, et cela tant
entre un patron et ses employés
qu’entre
les
travailleurs
d’une
entreprise.
Le psychologue qui pratique soit en
privé ou dans les CLSC ou les PAE ne
peut plus ignorer les dégâts causés par
ce type d’abus de pouvoir. Les
atteintes
sont
trop
graves.
Probablement en raison du fait que le
tort est causé par quelqu’un qui, de
façon délibérée, fait en sorte de porter
préjudice à autrui, il est plus difficile
pour la personne visée de se remettre
de ce genre de blessure. Quelqu’un a
voulu faire mal, a cherché à invalider
et blesser de diverses façons. Et cela
est contraire à l’ordre des choses, car
pour la plupart des gens, on ne
s’attend pas de recevoir ce genre de
«coups vicieux ».
La personne victime de ce type
d’agression aura souvent tendance à
nier ce qui lui arrive et cherchera plutôt
5
des explications qui, soit excuseront
celui ou celle qui la maltraite, soit
l’amèneront à se croire responsable :
« je dois être trop sensible, ou pas
assez performant, ou je ne suis pas
assez combatif, … » Bref, tant que le
travailleur ne réalise pas que quelqu’un
agit intentionnellement pour l’invalider
et lui nuire, il demeure vulnérable. Ce
n’est
que
lorsqu’il
admet
le
harcèlement intentionné qu’il devient
en position de se protéger. Ce sera
parfois son partenaire de vie qui lui
signalera combien il est affecté, ou
encore ce sera le médecin qui le
recevra lors d’un examen pour un
sommeil perturbé ou une humeur
déclinante qui cherchera l’origine des
changements survenus. Mais tôt ou
tard, le signal de détresse finira par
être perçu par le travailleur et c’est
alors qu’il pourra s’adresser à nos
services.
Lorsque je suis devant un travailleur
encore sceptique quant à ce qui peut
bien lui être arrivé pour se retrouver
aussi brisé, et que ce qu’il me raconte
m’amène à croire qu’il a été victime de
harcèlement psychologique au travail,
je vais parfois lui recommander la
lecture du livre de la psychiatre
française Marie-France Hirigoyen qui
traite du harcèlement moral au travail.
En général, cela permet de dissiper les
doutes et ça donne une nouvelle
direction au questionnement de cette
personne. Il ne s’agit alors plus de
repousser l’invraisemblance de ce qui
lui est arrivé mais bien plutôt de
comprendre ce phénomène encore
obscur dont on lui parle. Peu à peu, le
client
passe
de
la
stupeur
à
l’indignation puis à la colère. Quelqu’un
l’a non seulement maltraité mais trahi ;
les règles du jeu n’ont pas été
respectées. Et tout ce dont cette
personne a pu user comme moyens
pour être respectée dans les derniers
mois, ou parfois les quelques années,
avant son congé ont été vains. C’est
maintenant qu’elle découvre que l’autre
– ce patron ou ce collègue – n’était pas
de bonne foi. L’intention n’était pas la
bonne marche de l’entreprise mais bien
l’assouvissement
d’un
besoin
de
dominer, et même d’asservir l’autre
dans une espèce de déferlement
triomphal de l’ego où nulle empathie
ne subsiste.
Ce
n’est
qu’en
abandonnant
progressivement la position quelque
peu naïve de «la morale des bonnes
intentions »– le stade 3 du jugement
moral, selon Lawrence Kohlberg – que
ce client peut retrouver un jugement
mieux apte à le protéger, à le
préserver dans sa dignité. Il redevient
possible de dire «non » à ce qui
apparaît insensé, cruel et inutilement
tatillon. La personne récupère alors
mieux et sort de l’immense fatigue qui
l’affligeait. Elle peut aussi se dégager
de certains maux physiques qui vont
aussi affecter ces travailleurs bafoués,
comme si le corps avait pressenti avant
l’esprit que quelque chose de très
malsain lui était infligé.
La manière de se poser devant la
personne victime de harcèlement pour
le psychologue traitant est donc fort
importante. Un grand respect de cet
être meurtri doit colorer le rapport que
l’on établit avec ce client. Il faut l’aider
à soigner un amour-propre dévasté. Et
notre intervention devra participer à
valider les perceptions et opinions de
cet individu qui avait été plongé dans
un apprentissage cruel à l’impuissance.
Il est intéressant à ce chapitre de noter
que la nouvelle Loi des Normes du
Travail prévoit le droit pour les salariés
de bénéficier «d’un milieu de travail
exempt de harcèlement psychologique
», sous peine de «poursuites légales
devant
les
tribunaux
civils
ou
administratifs, ou à un grief ». [2] Ce
droit à un milieu exempt d’actes
sournois
et
intentionnellement
dégradants, à être respecté et entendu
dans son humanité devra inspirer le
psychologue qui traite une victime de
harcèlement. Car l’on veut que cette
qualité de présence à l’autre soit
l’occasion de restaurer chez cette
personne une vision du monde
susceptible de permettre à nouveau un
regard raisonnablement optimiste sur
la vie et les gens. Il doit pouvoir
redevenir possible de croire en la
possibilité d’être à nouveau aimé et
respecté. Cette tâche prédominera
donc nettement sur le fait de chercher
dans la personnalité de ce client, ou
dans son passé, ce qui a permis qu’il
soit victime de harcèlement. Une
incursion trop rapide dans ce genre de
travail d’introspection pourrait fragiliser
un équilibre déjà fort malmené.
Violence psychologique au travail
Cela pourra se faire un
peu plus tard, lorsque les forces
seront restaurées. Le client sera aussi
encouragé à reprendre les activités
qui lui font habituellement du bien et
qu’il avait pu abandonner au fur et à
mesure que son état se détériorait.
L’exercice de sa liberté d’action, le fait
de se créer de bons moments dans
ses journées lui sera très bénéfique. Il
aura de plus besoin que l’on respecte
sa tranquillité. Les appels de collègues
ou d’un patron devront être limités à
ceux qui partent d’une intention
amicale. De savoir que des gens
[1]
[2]
pensent à lui, qu’on s’inquiète de sa
santé ira dans le sens de la
restauration de sa dignité d’être
humain lié au monde. Les appels pour
raisons administratives devront être
limités au plus strict minimum. Ceux
visant à obtenir des «détails sur le
contrat avec le client x » devront être
interdits et refusés. Le psychologue
aura en ce sens un rôle de gardien de
cette tranquillité en conseillant au
client de se permettre de dicter ses
règles maintenant qu’il est en congé,
des règles visant la santé et non pas à
Suite
nourrir la perversité de la personne à
l’origine du harcèlement.
Le retour à la santé pourra être
observé par le fait que le client
prendra de plus en plus plaisir aux
activités auxquelles il s’adonnera ; il
sera au clair avec la nécessité du
congé et du caractère malsain de ce
qui lui était fait au travail. Il sera à
nouveau capable d’user de son
jugement pour prendre les meilleures
décisions quant à ce qui est bon pour
lui, à ce qu’il veut dans l’avenir.
Tiré de Ministère du travail. 2003. Une stratégie de prévention du harcèlement psychologique au travail et de soutien aux victimes. Comité
interministériel sur la prévention du harcèlement psychologique et le soutien aux victimes.
Idem que 1
Le contrat de services avec les tiers payeurs
Question #1 :
Le
taux
horaire
concernant
les
services
psychologiques défrayés par les compagnies
d'assurances public (ex : SAAQ, CSST, IVAC) est :
A. de 65$/heure
B. de 70$/heure
C. variable d'un organisme à l'autre
Question #2 :
Le
rapport
d'évaluation
ou
d'évolution
psychologique est automatiquement défrayé par les
tiers payeurs.
A. Oui, dans tous les cas
B. Oui, seulement si l'organisme payeur
l'exige dans l'entente de service avec le
psychologue
C. Non
Question #3 :
Les employeurs n'ont jamais accès au rapport
psychologique à moins que le client l'ait
expressément autorisé par écrit.
A. Vrai en tout temps
B. Vrai à la SAAQ
C. Faux à la CSST
Question #4 :
Le rapport psychologique rédigé par le-la
psychologue peut être utilisé en expertise même si
le psychologue n'a pas rédigé le rapport en fonction
de cet objectif :
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A. Vrai
B. Faux
C. Varie d'un organisme à l'autre
Question #5 :
Lorsqu'un client est référé par un agent payeur, il
détermine lui-même le nombre de séances
nécessaires à l'atteinte des objectifs de son plan de
traitement et l'agent payeur n'a pas droit de
regard sur ce nombre de rencontres.
A. Vrai
B. Faux
C. Varie d'un organisme à l'autre
Question #6 :
Il est obligatoire de remplir un contrat de
service auprès d'un agent payeur lorsqu'un
psychologue offre des services psychologiques à
un client référé par cet agent payeur.
A. Vrai
B. Faux
C. Varie d'un organisme à l'autre
Question #7 :
L'agent payeur peut être considéré comme un
client par le psychologue puisque c'est lui qui
défraie les services psychologiques du client
traité par le psychologue.
A. Vrai
B. Faux