Définition et analyse des conditions de succès du cross
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Définition et analyse des conditions de succès du cross
Logistique & Management Définition et analyse des conditions de succès du cross-docking : une revue de la littérature Chantale STE-MARIE, Conseillère, Samson Bélair Deloitte & Touche, Montréal (Canada). Martin BEAULIEU, Professionnel de recherche au Groupe de recherche CHAÎNE à HEC Montréal. L’intégration de la chaîne d’approvisionnement peut s’appuyer sur une diversité de techniques. Le cross-docking (ou transbordement) est l’une de celles retenues dans le secteur de la distribution alimentaire. Par cette technique, le fournisseur achemine au centre de distribution des palettes qui pourraient être livrées presque directement aux points de vente. Sa mise en œuvre peut impliquer un certain nombre de changements pour les différents maillons de la chaîne ; fournisseurs, distributeurs ou détaillants. En s’appuyant sur une revue de la littérature, ce texte identifie et définit les conditions de succès qui sont nécessaires à la mise en œuvre du cross-docking. Bien que ciblant cette technique, les éléments présentés dans ce texte peuvent s’appliquer à de nombreuses initiatives d’intégration de la chaîne d’approvisionnement. Le secteur de la distribution alimentaire se caractérise dans de nombreux pays par un niveau élevé de concurrence entre les différents acteurs de cette filière (Ste-Marie et al., 2001). À la base, les marges bénéficiaires sont relativement faibles, les consommateurs sont de plus en plus exigeants tout en demandant une grande diversité de produits et finalement, outre la concurrence directe des autres chaînes de distribution, il y a une grande variété de commerces offrant des denrées alimentaires constituant autant de lieux éloignant le consommateur des surfaces traditionnelles de vente (Ste-Marie et al., 2001; Zairi, 1998). Ce secteur d’activité se caractérisant également par le maintien de stock important aux différents maillons de la chaîne d’approvisionnement, de produits dont la durée de vie est restreinte et enfin, par des déplacements importants de produits entre les différents Vol. 10 – N°2, 2002 acteurs de la chaîne. Dans ces conditions, les leaders de ce secteur ont déployé différentes pratiques d’intégration de la chaîne d’approvisionnement en vue de dégager des gains financiers (Whiteoak, 1999). Parmi ces différentes pratiques, nous retrouvons le cross-docking (ou transbordement) où le fournisseur achemine au centre de distribution des palettes qui pourraient être livrées presque directement aux points de vente. À ce jour, les études produites sur cette pratique visaient principalement à la définir et à présenter des cas de succès. Ainsi, il y avait peu d’études présentant les implications pour les partenaires d’une chaîne de recourir à cette pratique. À partir de cette prémisse, nous avons démarré un projet de recherche visant à saisir les conditions de réussite du cross-docking. Avant de recueillir les données du ter- 13 Logistique & Management rain, il nous semblait nécessaire de réaliser une revue de la littérature qui nous permettrait de circonscrire et de définir les conditions de succès énumérées dans des études sur le cross-docking ou plus globalement sur toute pratique d’intégration de la chaîne. Cet article synthétise nos recherches dans ce domaine. Il se composera de quatre parties. La première offre une définition du cross-docking pour bien saisir les implications de cette approche. La seconde identifie les conditions de réussite recensées dans la littérature. La troisième procède à des regroupements de conditions afin de faciliter la présentation de leur définition. Finalement, la dernière section discute des implications de ces conditions. 1 - Précisons que cette pratique logistique peut emprunter d’autres expressions, comme par exemple le terme transbordement. Celle-ci n’est pas retenue dans le texte car selon les régions du globe le terme n’aura pas la même signification ce qui pourrait entraîner de la confusion. D’autres expressions sont porfois utilisées comme celles d’opération physique d’éclatement à quai (Thiel, 1997), de plates-formes d’éclatement (Lalonde et Masters, 1995) ou de distribution en flux tendus (flowthrough) (Wagar, 1995; PCIECR, 1996). Nous sommes d’avis que cet article présente des bénéfices tant pour les gestionnaires que les chercheurs. Pour les praticiens, la présentation de ces conditions de réussite leur rappelle que la mise en œuvre de pratiques d’intégration de la chaîne doit s’insérer dans une logique de gestion du changement. Pour les chercheurs, l’identification de ces pratiques circonscrit un domaine qui permettra de réaliser des recherches ultérieures dans le domaine du cross-docking ou plus généralement dans celui du réapprovisionnement continu. Définir le cross-docking Pouvant difficilement accroître le prix des produits, les distributeurs alimentaires ont réalisé que la maximisation de leur marge bénéficiaire proviendrait d’un meilleur contrôle de leurs coûts logistiques (Ste-Marie et Figure 1 - Schématisation du cross-docking Adapté de Tompkins associates, 1998 14 al., 2001). Dans ce contexte, différentes pratiques de réapprovisionnement continu, soit un processus de réapprovisionnement des points de vente avec le bon produit et ce, avec le minimum d’effort (Jobin et al., 1997), ont été mises de l’avant. Le cross-docking (ou transbordement) constitue ainsi l’une de ces pratiques. Pimor (2001) précise que cette pratique consiste à faire effectuer par le fournisseur, la préparation des commandes pour chaque surface commerciale de telle sorte que le distributeur n’a plus qu’à rassembler les différentes palettes […] pour effectuer le chargement de ses camions (p. 331). En fait, il existe une variété de définitions pour décrire la pratique du cross-docking1. Nous retiendrons la définition relativement générique du CCDE (1995) qui traduit le cross-docking comme étant le mouvement des produits à l’intérieur d’une installation de distribution sans qu’il y ait entreposage du produit (p.104). Ainsi, lors de leur arrivée au centre de distribution, les palettes uniques, multiples ou promotionnelles sont déchargées et immédiatement transférées au quai d’expédition pour être acheminées dans les points de vente (Figure 1 - démarche A). Cette définition correspond en fait à la description offerte par Pimor (2001). Parfois, les palettes uniques sont brisées afin de procéder au montage d’une palette de produits multiples, dans une zone d’assemblage prévue à cet effet, pour ensuite être expédiée chez le détaillant (Figure 1 - démarche B). L’aspect innovateur du cross-docking est d’abord et avant tout relié au fait que la marchandise ne demeure pas longtemps au centre de distribution. Généralement, le délai alloué pour accuser la réception de la marchandise et l’expédier dans les magasins peut varier de 3 heures à 48 heures, mais dans la plupart des cas, le cross-docking s’effectue dans un délai de 24 heures (Andel, 1994 ; Tixier et al., 1998 ; Anonyme, 1998b). Certaines formes de cross-docking, notamment celles qui exigent le tri et le réassemblage de produits, requièrent plus d’une journée (Anonyme, 1998b). Précisons que cette pratique logistique s’articule autour de la manipulation de trois types de palettes. Premièrement, la palette de produit unique est une palette qui est composée d’un seul produit d’un même fournisseur. Deuxièmement, la palette de produits multiples est une palette qui est composée de plusieurs produits différents provenant d’un ou de plusieurs fournisseurs. Finalement, la palette promotionnelle contient plusieurs uni- Vol. 10 – N°2, 2002 Logistique & Management tés de stockage (SKU) d’une même catégorie de produits d’un seul fournisseur. Les produits sont agencés sur un présentoir spécial (ou palette prête à vendre) dont les normes (hauteur et poids) sont établies avec le distributeur-détaillant. Les palettes promotionnelles sont fragiles ce qui complexifie, voire rend impossible leur entreposage. Le cross-docking des palettes promotionnelles est pré-planifié, c’est-à-dire que la période de promotion est connue quelques semaines avant leur acheminement en magasin. Cet élément facilite leur gestion ce qui expliquerait pourquoi le cross-docking de palettes promotionnelles est la forme la plus commune de cette pratique rencontrée dans l’industrie de l’alimentation. Identification des conditions de réussite du cross-docking Au-delà de la nature des produits gérés par le cross-docking, la mise en œuvre de cette pratique requiert un certain nombre de préalables que nous nommons conditions de réussite, expression que Lalumière (1997) et Gélinas (1997) définissent comme étant un facteur dont la présence n’assure pas nécessairement le succès du projet, mais dont l’absence augmente la probabilité d’échec. Les conditions de réussite présentées dans cette étude proviennent dans un premier temps d’une revue de littérature de documents traitant du cross-docking. Dans un deuxième temps, nous avons élargi notre champ d’investigation en retenant les conditions de succès recensées dans les études sur l’intégration de la chaîne d’approvisionnement, principalement celles détaillées dans les études portant sur l’Efficient Consumer Response (ECR). Il s’agit d’un choix logique puisque la pratique du cross-docking s’inscrit dans cette stratégie plus globale et qu’elle est pratiquée principalement dans le secteur de l’alimentation. Finalement, nous avons retenu des documents traitant d’une dimension particulière comme la collaboration, la culture ou encore l’implantation des systèmes d’information bien qu’ils provenaient d’écrits autre que ceux du cross-docking ou de l’intégration de la chaîne. Cet exercice nous a conduit à l’identification de 18 conditions de succès (voir tableau 1). Soulignons que le tableau 1 présente les conditions selon le nombre de références et non selon une importance relative. La section suivante de notre texte permettra de saisir les liens entre les différentes conditions. Vol. 10 – N°2, 2002 Définition des conditions de réussite du cross-docking Cette section vise à préciser la signification de la condition de réussite lorsque sa définition est ambiguë, à expliquer le rôle de la condition de réussite tel qu’il est défini dans les écrits, puis à énumérer ses principales caractéristiques. Étant donné que le cross-docking est une pratique relativement récente et que peu d’écrits existent sur le sujet, ceci peut expliquer le caractère approximatif de certaines définitions. Cette présentation cherche également à lier les conditions selon des regroupements plus homogènes. En effet, ces conditions ne sont pas isolées les unes des autres. Il existe des relations naturelles entre elles que nous chercherons à mettre en évidence à l’intérieur de quatre recoupements : le climat d’implantation, la mise en œuvre du projet, le flux physique et le flux d’information. Ainsi, les prochaines lignes définissent dans un premier temps le regroupement et par la suite les conditions de succès. Soulignons que cette présentation adopte très souvent le point de vue du distributeur puisqu’il est presque toujours l’initiateur de cette pratique. Le climat d’implantation Ce premier regroupement lie les conditions de succès associées à un environnement organisationnel propice à un projet de cross-docking. Ce dernier altèrera de façon significative les relations traditionnelles entre le centre distributeur et ses fournisseurs. Il est donc naturel qu’il y ait un climat favorisant le changement. Ainsi, dans ce premier regroupement, nous retrouverons les conditions suivantes : le changement de culture, l’engagement de la haute direction, la vision, les buts et les objectifs du projet et la communication. Pimor (2001) l’a bien mis en évidence, le cross-docking modifie les rôles traditionnels des centres de distribution et des fournisseurs. Chacune des parties doit donc être prête à accepter de nouvelles responsabilités et à faire confiance à ses partenaires d’affaires. En soit, cette nouvelle attitude peut signifier un changement de culture face à la gestion plus naturelle des relations d’affaires. La culture organisationnelle est définie selon les valeurs que porte l’organisation et celles-ci sont représentées par différents aspects sur lesquels l’organisation porte une haute estime. Par exemple, si une entreprise valorise déjà au départ les technologies de l’information et la formation, il est clair que ces caractéristiques culturelles vont influencer le résultat de 15 Logistique & Management Tableau 1 - Conditions de réussite dans l’implantation du cross-docking Facteurs identifiés Auteurs Technologie et systèmes d’information Allen (1995), Bryan (1994), Buzell et Ortmeyer (1995), Fawcett et Clinton (1996), Garry, (1996), KSA (1993); Lee et Billington (1992), Reda (1998) Mesure de performance Bryan (1994), Buzell et Ortmeyer (1995), Fawcett et Clinton (1996), KSA (1993); Lee et Billington (1992), Martin (1994), Melnyk et Wassweiler (1998), Witt (1998) Engagement de la haute direction Allen (1995), Bryan (1994), Buzell et Ortmeyer (1995), CCDE (1995), KSA (1993); Melnyk et Wassweiler (1998), PCIECR (1995) Changement de culture Buzell et Ortmeyer (1995), Lee et Billington (1992), Melnyk et Wassweiler (1998), PCIECR (1995), Poirier et Reiter (1996), Reda (1998) Formation CCDE (1995), KSA (1993); Martin (1994), Melnyk et Wassweiler (1998), Schaffer (1998), Small et McAndrews (1998) Espace Andel (1994), Garry (1993, 1996), Reda (1998), Schaffer (1998), Schwind (1996), Small et McAndrews (1998) Vision du projet Bryan (1994), Fawcett et Clinton (1996), Gary (1996), Martin (1994), PCIECR (1995), Poirier et Reiter (1996), Collaboration Allen (1995), Bryan (1994), Buzell et Ortmeyer (1995), Schaffer (1998), Witt (1992, 1998) Fiabilité des fournisseurs Burnell (1998), CCDE (1995), Harrington (1993), Schaffer (1998), Witt (1992, 1998) Planification du projet PCIECR (1995), Poirier et Reiter (1996), St-Onge (1996), Witt (1998) Communication Allen (1995), Harrington (1993), Reda (1998), Schaffer (1998) ri0Buts et objectifs Fawcett et Clinton (1996), KSA (1993), PCIECR (1995) Équipe de projet Allen (1995), Andel (1994), Martin (1994) Intégrité des données Andel (1994), CCDE (1995), Garry (1996). Partage de l’information Anonyme (1998), Harrington (1993), Small et McAndrews (1998) Coordination Harrington (1993), Lee et Billington (1992), St-Onge (1996) strightSélection des produits Garry (1993), Harrington (1993) Proximité Harrington (1993) l’implantation. L’organisation a donc une culture et celle-ci est un levier sur lequel l’organisation peut agir pour changer l’organisation. En contrepartie, la culture d’une entreprise peut créer une barrière au changement (Baba et Falkenburg, 1996). Le CCDE (1995) considère d’ailleurs que le changement de culture au sein des organismes concernés est le plus grand défi de l’ECR et du réapprovisionnement continu; l’ECR étant composée à 20 % de technologies et à 80 % de personnes (Bryan, 1994). La proportion de 80 % est d’autant plus significative que les employés perçoivent souvent le changement comme une menace; ils sont alors plus enclins à lui résister. Hunsucker et Loos (1989) identifient la participation des employés et la communication comme moyens d’y remédier. Reda (1998) souligne que le cross-docking exigera la transition d’une mentalité où les adjoints de catégorie géraient des stocks et où les magasins commandaient de l’entrepôt, à une autre mentalité qu’il ne spécifie pas mais qui nous semble évidente, celle où l’achemi- 16 nement de la marchandise se fait sans filet de sécurité; sans stock au centre de distribution. À cet effet, la mise en œuvre du changement doit s’incarner dans une vision articulée. Les observations de Kotter (1995) l’ont mené à affirmer que plusieurs projets d’entreprises échouaient en raison de l’absence de vision. Sans vision adéquate ou devant l’absence d’un mandat clair de la haute direction, un projet d’intégration de la chaîne peut facilement se dissoudre en une liste confuse et incompatible de projets qui mènent l’organisation dans la mauvaise direction (Poirier et Reiter, 1996). C’est pourquoi Kotter (1995) affirme que cette condition de réussite est nécessaire pour guider tout type de changement. Il maintient que la vision doit clarifier la stratégie d’entreprise; elle est un portrait de la direction vers laquelle une organisation se dirige pour les années à venir. Cette vision n’est qu’une des manifestations de l’engagement de la haute direction dans la création d’un climat propice à un projet de cross-docking. Cette condition est fréquem- Vol. 10 – N°2, 2002 Logistique & Management ment citée dans les écrits portant sur l’intégration de la chaîne d’approvisionnement (Kurt Salmon Associates, 1993 ; Bryan, 1994 ; Allen, 1995 ; Buzell et Ortmeyer, 1995 ; CCDE, 1995 ; Fiorito et al., 1995 ; Melnyk et Wassweiler, 1998). Selon Hunsucker et Loos (1989), cet engagement doit être tangible et concret et peut s’exprimer par la création d’une équipe de projet disposant de suffisamment de pouvoir pour diriger le changement, l’investissement des ressources financières et technologiques suffisantes et l’engagement personnel du dirigeant pour communiquer la vision (Bryan, 1994). Selon les propos tenus par Hunsucker et Loos (1989), les employés basent leur niveau d’engagement à un projet d’après leur perception qu’ils ont de l’engagement de la haute direction, ce qui les pousse à affirmer qu’un engagement personnel de la direction est le type d’appui qui inciterait une masse critique d’individus à incarner dans l’action les buts et les objectifs poursuivis par un projet. Par exemple, les dirigeants peuvent suivre les programmes de formation ciblés pour réaliser le changement avant que les employés y assistent (Hunsucker et Loos, 1989). À propos de l’engagement personnel, il peut arriver que le dirigeant s’implique beaucoup au départ mais que cette implication diminue au fur et à mesure que le projet progresse ce qui pourrait mener à l’échec de la transformation. À cet effet, Hall et al. (1993) répartissent le temps que les dirigeants doivent consacrer à la mise en œuvre d’un projet à 20 % au moment de l’initiation jusqu’à 50 % pendant l’implantation. L’étude du PCIECR (1995) spécifie qu’une organisation qui entame un projet d’intégration de la chaîne doit choisir un point de départ et une destination finale en prenant soin de traduire ce que la compagnie veut être et la façon dont elle veut opérer dans les années futures. Ainsi, la vision demeure une intention générale; elle doit être articulée par des buts et des objectifs tangibles. Un projet de cross-docking doit avoir ces deux éléments afin de guider les efforts de l’entreprise et de ses partenaires vers un point commun, pour inviter les employés à participer activement à la transformation et finalement pour faciliter l’évaluation de la performance (Hunsucker et Loos, 1989). Lorsque les buts et les objectifs d’un projet sont déterminés, ils doivent être communiqués, puis partagés au sein même de l’organisation qui initie le projet mais aussi avec ses partenaires. L’harmonisation des buts est en fait citée par Moncza et Morgan (1996) Vol. 10 – N°2, 2002 comme étant une condition de réussite alors que Stern et al. (1996) voient l’incompatibilité des buts et des objectifs entre les partenaires de la chaîne d’approvisionnement comme étant une source de conflit majeure. Enfin, la vision doit être élaborée mais elle doit également être communiquée (Kotter, 1995; PCIECR, 1995), commune et partagée au sein même de l’organisation qui entame le projet (Kotter, 1995, PCIECR, 1995; Garry, 1996). Bryan (1994) ainsi que Fawcett et Clinton (1996) indiquent que l’entreprise initiatrice d’un projet d’intégration de la chaîne doit s’assurer que la vision qu’il a du projet qu’il entame doit aussi être comprise et partagée par ses partenaires externes. Ainsi, le changement de culture évoqué en premier lieu ne se manifestera pas sans un effort de communication. Elle est un moyen par lequel les dirigeants d’entreprises arrivent à créer une volonté de changement au sein de leur organisation (PCIECR, 1995). Ce mécanisme permet de rappeler la vision et de clarifier les buts et les objectifs du projet. Elle ne doit pas reléguer les employés à un rôle passif où on ne fait que gérer leurs attentes. Au contraire, la communication devrait être une invitation à la participation et à la rétroaction. Ainsi, si les dirigeants instaurent une communication adéquate et directe avec leurs employés, leur adhésion au projet aura non seulement tendance à augmenter, mais elle permettra de plus l’émergence de champions à tous les niveaux qui s’efforceront à leur tour de favoriser l’implantation du changement. Divers modes de communication sont possibles : le face-à-face, l’envoi de mémos, le téléphone, le courrier électronique, les réunions et les vidéos corporatifs. La mise en œuvre du projet Les conditions précédentes ne visaient qu’à offrir un climat propice au déploiement d’une nouvelle pratique. Il faut donc mettre en place les conditions qui vont assurer la mise en œuvre du cross-docking. Compte tenu de l’ampleur des changements, cette pratique ne peut être implantée du jour au lendemain. Sa mise en œuvre doit être méthodique et ainsi s’inscrire à l’intérieur d’un projet. À cet effet, nous identifions dans ce second regroupement les conditions suivantes : la planification du projet, les équipes de projet, la formation, les mesures de performance et la collaboration. La planification d’un projet de cross-docking doit partir des buts et des objectifs visés pour ensuite élaborer les étapes qui permettront de les atteindre (PCIECR, 1995). Le 17 Logistique & Management PCIECR (1995) affirme que le besoin de planifier un projet est évident mais il précise que la plupart des organisations échouent dans l’accomplissement de cette tâche. À cet égard, le PCIECR (1995) identifie une série d’éléments à considérer lors de la planification d’un projet : les personnes qui seront en charge de le planifier, les personnes qui seront affectées par le projet et leurs besoins, les obstacles qui seront rencontrés et la façon de les surmonter, la définition claire et précise de l’état désiré à des moments précis de l’implantation. Ainsi, la planification du projet doit être détaillée et minutieuse ce qui va permettre de coordonner les efforts de tous et chacun autant à l’interne qu’avec les partenaires commerciaux. La planification du projet prendra forme dans une équipe de projet, mais soulignons qu’un projet de cette ampleur nécessite différentes équipes. En effet, les écrits nous ont permis d’identifier trois types d’équipes pour mener un projet à terme : d’abord, l’équipe de transition, ensuite, celles qu’elle chapeaute et enfin, l’équipe multifonctionnelle. Dans les grandes organisations qui entament des projets d’envergure, une équipe de transition est créée (Martin, 1994; Hunsucker et Loos, 1989). Elle est composée de hauts dirigeants, de consultants et d’employés possédant une expertise spécifique. L’équipe de transition est en charge de concevoir les changements, de planifier les échéanciers en termes d’activités à réaliser ainsi que de dates à respecter et elle doit suivre le déroulement de l’implantation du changement. Cette équipe est aussi celle qui chapeaute les autres équipes de projets qui exécutent les activités identifiées par l’équipe de transition. De façon générale, les personnes les plus performantes sont assignées à ces autres équipes qui doivent posséder tous les outils nécessaires pour mener le projet à terme. Martin (1994) et Bryan (1994) identifient un autre type d’équipe, l’équipe multifonctionnelle, que les firmes qui s’engagent dans l’ECR doivent former. Ce genre d’équipe vise une certaine réorganisation de la structure d’entreprise qui favoriserait une approche multifonctionnelle, horizontale, qui dépasse les frontières départementales et organisationnelles pour se rendre chez les partenaires externes, plutôt qu’une approche par silos, verticale. L’équipe multifonctionnelle est une équipe d’entreprise généralement formée d’employés de chacune des diverses fonctions de l’entreprise qui sont mandatés à représenter leur département lorsque des projets reliés 18 à l’ECR sont entamés et ceci, autant à l’interne qu’auprès des partenaires externes. Ce type de structure permet de regrouper l’expertise de chacune des fonctions de l’entreprise et d’assurer que chacune d’elle a son mot à dire dans la façon dont un changement est amené. C’est aussi à travers l’équipe multifonctionnelle que les liens avec les partenaires externes du projet sont créés. Le succès de Wal-Mart est entre autres attribuable à cette approche multifonctionnelle, à travers laquelle une compagnie arrive à créer des relations d’affaires étroites avec ses partenaires. Nous l’évoquons fréquemment, le cross-docking altère les rôles traditionnels des acteurs de la chaîne. Il est ainsi nécessaire d’offrir de la formation aux individus pour qu’ils soient aptes à réaliser leurs nouvelles tâches. Selon le CCDE (1995), le manque de formation interne serait la deuxième raison citée pour expliquer l’échec de la stratégie de l’ECR. Dans le même ordre d’idées, Melnyk et Wassweiler (1998) notent que l’absence des habiletés appropriées et le manque de gens correctement formés sont des obstacles à une transformation réussie. Il appert que des employés ayant reçu une formation adéquate amènent les changements culturels qui font évoluer le projet du stade d’implantation à son institutionnalisation plus rapidement qu’une organisation où la formation est moins poussée. Ces considérations nous permettent de dire que sans la formation adéquate le cross-docking peut être mal compris et l’initiative ne pourrait qu’obtenir un appui mitigé de la part des employés. Il faut envisager dès le début l’évaluation du projet pour en apprécier objectivement sa réussite. Plusieurs auteurs considèrent la mesure de la performance comme une condition de réussite de l’intégration de la chaîne d’approvisionnement (Lee et Billington, 1992; Buzell et Ortmeyer, 1995; Fawcett et Clinton, 1996) et du cross-docking (Witt, 1998). La mesure de performance agit à titre de mécanisme de rétroaction et de feed-back. Rondeau (1999) affirme que les organisations qui réussissent les changements sont celles qui savent mettre en place un tel mécanisme. La mesure de performance permet donc à une organisation d’apprendre du changement et de s’en servir comme mécanisme d’amélioration continue pour ainsi corriger les erreurs à mesure qu’elles progressent à l’intérieur du projet. Pour mesurer la performance, les gestionnaires peuvent utiliser des mesures financières et Vol. 10 – N°2, 2002 Logistique & Management non-financières (Buzell et Ortmeyer, 1995) qui doivent être liées aux buts et aux objectifs à atteindre (PCIECR, 1995). À cet égard, Bryan (1994) identifie quelques mesures quantifiables pertinentes : l’analyse de profitabilité, l’analyse de coût, le volume de ventes exprimé en dollars, l’intégrité des données, les délais de livraison, le taux de commande, la fiabilité des fournisseurs et l’historique du service après-vente. Finalement, cet auteur mentionne que les mesures de performance doivent être établies communément entre les partenaires de la chaîne d’approvisionnement. Cette dernière caractéristique est d’autant plus importante que les partenaires commerciaux doivent comprendre les éléments de coûts de chacun pour se concentrer sur des objectifs avantageux pour tous (CCDE, 1995). Enfin, le projet ne doit pas être réfléchi en vase clos. Il est impératif d’adopter une attitude de collaboration. En effet, Witt (1992), Bryan (1994), Allen (1995) ainsi que Buzell et Ortmeyer (1995) mettent l’accent sur la nécessité de la collaboration inter-organisationnelle pour réaliser un projet relié à l’ECR ce qui est encore plus vrai dans le cas du cross-docking qui implique un transfert de responsabilités entre les partenaires. La collaboration inter-organisationnelle démontre, par le biais du partage des ressources et de l’expertise, la volonté des partenaires de réussir un tel projet. Elle serait entre autres nécessaire pour éviter une focalisation purement interne qui ne prend pas en considération les besoins des partenaires internes et externes (PCIECR, 1995) et identifier les moyens de minimiser les coûts qui sont encourus par le fournisseur dans un projet de cross-docking (Garry, 1993; Schaffer, 1998). Le flux physique Une fois le projet mis sur les rails, il faut rendre opérationnelle la pratique du cross-docking, soit assurer la cohésion du flux physique. Ainsi, les conditions de succès identifiées sont : la sélection des produits, la fiabilité du fournisseur, la proximité et l’espace. La sélection des produits fait l’objet de nombreux débats dans les écrits car tous les produits ne se prêtent pas à cette pratique. Garry (1994) attire l’attention sur les divergences d’opinions qui existent quant aux produits qui se prêtent au cross-docking. D’après Harrington (1993), les gestionnaires assument à tort que le cross-docking fonctionne avec tous les produits. Vol. 10 – N°2, 2002 Les produits transbordés dans les supermarchés possèdent souvent des caractéristiques spécifiques et appartiennent à des catégories qui peuvent faciliter ou complexifier leur cross-docking. Selon Wagar (1995), les produits qui génèrent un volume de ventes élevé justifient plus aisément le coût de les transborder tout en étant un appât pour les fournisseurs. D’une part, le volume de ventes élevé permet aux acheteurs de s’approvisionner d’une quantité de produits appréciable qui maximise l’espace cubique des camions des fournisseurs. Ce dernier point est non négligeable car les fournisseurs sont réticents à être partenaires dans cette stratégie en raison des livraisons fréquentes exigées qui ne permettent pas toujours d’optimiser l’espace cubique de leurs remorques (Pimor, 2001). Selon Wagar (1995), les produits dont le volume de ventes est moins élevé peuvent être transbordés; c’est alors que la distribution en flux tendus ou le bris des palettes entre en jeu. Le taux de roulement ou la vélocité des produits est le rythme auquel un produit s’écoule en magasin. Dans le cadre du cross-docking, les produits dont le taux de roulement est élevé sont indiqués car ils permettent de garder plus facilement les produits en mouvement. Ceci n’exclut pas la possibilité de transborder des produits dont le taux de roulement est peu élevé. Par exemple, Supervalu, en Alabama, a ouvert en 1996 un centre de distribution pour transborder des produits à faible vélocité (Reda, 1998). Mais dans certains cas, les produits dont le taux de roulement est peu élevé sont souvent jumelés aux produits dont le taux de roulement est élevé. Par exemple, ICA combine des items à haute vélocité qui sont transbordés avec des items à faible vélocité qui sont entreposés au centre de distribution (Reda, 1998). L’espace cubique des produits est une caractéristique qui a sensiblement le même impact que le volume de ventes en magasin. En effet, les produits à haut espace cubique, comme le papier hygiénique, permettent de placer des commandes qui maximisent l’espace des camions. De plus, ces produits permettent de libérer de l’espace nécessaire au centre de distribution lorsqu’ils sont gérés selon une logique de cross-docking (Reda, 1998). Soulignons que les produits transbordés possèdent rarement une seule de ces caractéristiques. De plus, dans certains cas, les produits ne possèdent aucune des caractéristiques et ils font pourtant l’objet de cross-docking, comme les mélanges à sauce et les épices qui sont des 19 Logistique & Management produits dont le taux de roulement est faible et qui occupent peu d’espace. Ainsi, Witt (1992) considère les produits comme un intrant dans l’élaboration et la configuration de la structure qui supporte le cross-docking. Vu sous cet angle, tous les types de produits peuvent être transbordés; il s’agit de les sélectionner en fonction de la forme de cross-docking à mettre en place. Compte tenu des responsabilités supplémentaires confiées aux fournisseurs, leur fiabilité est citée comme étant une condition de réussite du cross-docking par plusieurs auteurs (Witt, 1992; Harrington, 1993; Burnell, 1998, Schaffer; 1998). Dans un contexte de cross-docking, la fiabilité des fournisseurs se définit comme étant la livraison de la bonne marchandise, au bon moment, et dans les bonnes quantités au centre de distribution (Witt, 1998). À cette notion de fiabilité, Harrington (1993) affirme que les fournisseurs qui sont plus proches du centre de distribution sont de meilleurs candidats pour le cross-docking. Cependant, nous ne retrouvons pas d’autres indications associées à la condition de proximité. Enfin, l’espace est une condition de réussite du cross-docking qui se manifeste différemment selon le détaillant, le centre de distribution et les fournisseurs. En ce qui concerne le centre de distribution, la plupart des installations de distribution ne sont pas bien configurées pour supporter le cross-docking (Kurt Salmon Associates, 1994). À cet effet, Wagar (1995) affirme que l’aménagement des surfaces utiles doit permettre la circulation rapide des produits au centre de distribution. Par exemple, des étagères peuvent augmenter l’espace disponible pour manipuler la marchandise lorsqu’elles sont utilisées dans l’aire de réception de la marchandise. Pour ce qui est des magasins, il appert que certains magasins ne soient pas en mesure d’avoir suffisamment de place pour garder les produits transbordés. À cet effet, la taille des magasins est une entrave au cross-docking. Leur surface de vente trop petite les empêche d’accueillir des commandes dont les quantités de produits livrés excèdent leur capacité d’absorption, ce qui oblige les centres de distribution à conserver des stocks (Garry, 1993). Quant aux fournisseurs, Witt (1992) dit que le cross-docking réduit leurs besoins en espace. Il appert qu’au fur et à mesure que le volume de marchandise transbordée augmente, l’espace où ils entreposent leurs biens s’amoindrit. 20 Le flux d’information À toute pratique logistique est associée un volet de gestion du flux d’information et le cross-docking n’échappe pas à cette règle. À l’intérieur de ce regroupement, nous associons les conditions de succès suivantes : la coordination, le partage de l’information, les technologies d’information et l’intégrité des données. Le flux continu de la marchandise est essentiel à la réussite du cross-docking et tout ce qui interrompt ce flux au centre de distribution va à l’encontre d’une réalisation réussie du cross-docking (Anonyme, 1999). L’efficience de l’acheminement de la marchandise s’obtient par la coordination du flux d’information et du flux des matières. De là l’importance de sa présence pour réussir l’implantation du cross-docking. Dans cet esprit, nous avons pu relever quelques éléments menant à une bonne coordination : une communication virtuelle efficace (Gill et Allerheiligen, 1996), le suivi opportun des livraisons (CCDE, 1995), le respect des horaires de réception (Mercer Management Consulting, 1993), ainsi que l’ordonnancement adéquat de la marchandise livrée par le fournisseur (Anonyme, 1999). Dans cet environnement de coordination, le partage de l’information est une condition de réussite du réapprovisionnement continu et du cross-docking (Harrington, 1993; CCDE, 1995; Reda, 1998; Small et McAndrews, 1998). L’échange de l’information entre les partenaires permet aux fournisseurs de fabriquer les produits en fonction d’une demande plus précise au point de vente ce qui permet ultimement d’acheminer la marchandise dans les bonnes quantités et au bon moment dans les magasins. Ce ne sont pas toutes les organisations qui entament des programmes de réapprovisionnement continu qui partagent de l’information. Deux raisons peuvent expliquer cette situation : les longues relations d’adversités qui caractérisent les échanges entre fournisseurs et distributeurs de même que la nature parfois stratégique de l’information à partager comme les données aux points de vente. Ce dernier point nous amène à parler de l’identification du type d’information à partager. Le CCDE (1995) a déjà fait un bout de chemin en ce sens en ciblant les données à partager : les plans de réapprovisionnement des commandes du point de réapprovisionnement jusqu’au point de consommation, les données du point Vol. 10 – N°2, 2002 Logistique & Management de vente, les niveaux de stocks et/ou les besoins de commandes planifiées. Devant la variété des données qu’il est possible de partager, les partenaires doivent faire preuve de discernement en identifiant l’information qui leur sera le plus utile pour gérer avec efficacité les opérations quotidiennes. Par ailleurs, il est nécessaire de s’assurer de la fiabilité des informations échangées; le CCDE (1995) ayant fixé à 99 % le niveau d’intégrité des données permettant d’assurer l’efficacité des divers systèmes informatiques requis au réapprovisionnement continu. L’intégrité des données est une condition de réussite qui concerne autant les données à la source que les données contenues dans les systèmes d’information. D’après Tompkins Associates (1998), il appert que la réception de la marchandise au centre de distribution est l’opération qui requiert le plus haut niveau d’intégrité des données car lorsqu’une erreur est commise à ce niveau, elle se répercute rapidement sur le processus de réapprovisionnement en entier. Nous affirmons que la réception parfaite de la marchandise au centre de distribution joue donc un rôle important vers l’obtention de données intègres. Au niveau des magasins, l’exactitude des données peut être obtenue à l’aide de la lecture optique des produits qui permet de maintenir un inventaire permanent exact si les codes à barres des produits reflètent la bonne information (CCDE, 1995). res. Le premier concerne le terme même de condition de réussite. Les différents documents étudiés ne retiennent pas tous cette expression. En effet, certains analystes adoptent les termes obstacle ou barrière au changement. Comme nous le mentionnions précédemment, nous avons adopté le terme condition de réussite pour son caractère plus positif. De plus, l’expression tend à souligner que le succès d’un projet demeure possible devant l’absence d’une condition spécifique mais le risque d’échec du projet est alors plus élevé. La condition de succès peut ainsi être vue comme une barrière au changement. Le second point est relié au nombre de conditions identifiées. Nous avons tenu à adopter une démarche plus exhaustive dans l’identification de ces conditions de réussite. Au-delà des quatre regroupements proposés, il serait très facile de fusionner certaines conditions autour d’un terme plus générique. Par exemple, les conditions suivantes : technologies et systèmes d’informations, intégrité des données et échange d’information pourraient être amalgamées sous une seule rubrique s’intitulant, par exemple, le canal de communication. Cependant, à ce stade-ci de nos travaux, nous préférons conserver une liste plus exhaustive qui laisserait plus de latitude lors de l’analyse de données provenant du terrain. Discussion Dans le même ordre d’idées et comme le fait remarquer Lalumière (1997), plusieurs conditions de réussite sont interdépendantes, c’est-à-dire que l’absence d’une condition donnée peut réduire l’efficacité d’une autre. Justement, nos regroupements permettaient de voir rapidement des liens naturels entre les conditions de succès. Par exemple, la communication doit permettre de diffuser la vision ainsi que les buts et objectifs, un exercice qui amorcerait le processus de changement. Par ailleurs, les liens ne se situent pas uniquement entre les conditions d’un même regroupement mais aussi entre les regroupements. Par exemple, une formation inadéquate n’amènera pas les changements culturels nécessaires à une implantation réussie. La gestion du flux des matières ne peut être découplée de la gestion du flux d’information accentuant ainsi les relations entre ces deux regroupements. La présentation de ces conditions de succès dans le cadre d’un projet de cross-docking ou plus généralement dans l’implantation d’une pratique d’intégration de la chaîne d’approvisionnement nous offre quelques points de discussion qui dans plusieurs cas peuvent servir de points de départ à des recherches ultérieu- Nous précisons de nouveau que la nomenclature regroupant les conditions de succès cherche à organiser la présentation des différents facteurs. Il ne s’agit aucunement d’une typologie définitive et il serait facile d’en suggérer d’autres. Encore là, une enquête terrain pourra aider à clarifier le sens des regroupe- Enfin, ce partage d’informations sera supporté par un ensemble de technologies et de systèmes d’information qui sont à la base du réapprovisionnement continu et du cross-docking. Leur présence ainsi que les fonctionnalités appropriées (Lee et Billington, 1992; Allen, 1995; Reda, 1998) combinées à du personnel ayant développé une expertise technologique (Kurt Salmon Associates, 1993; Buzell et Ortmeyer, 1995) est primordiale puisque l’information au sein des installations de cross-docking ainsi que celle entre les partenaires doit circuler rapidement et sans erreurs. Vol. 10 – N°2, 2002 21 Logistique & Management ments et des relations qui peuvent exister entre les différentes conditions. Par ailleurs, la description des conditions de succès adoptait une vision linéaire, alors que l’implantation d’une pratique de cross-docking est davantage un processus itératif, où il y a des essais et des réajustements en cours de route même lorsque la pratique est largement déployée. Ainsi, nous avons bien mentionné que l’engagement de la haute direction ne doit pas être ponctuel mais doit se manifester de façon régulière selon les différentes étapes du projet. Au contraire, d’autres conditions auront un caractère ponctuel, comme la sélection des produits. Les décideurs doivent faire de bons choix à ce niveau et assumer les conséquences de ceux-ci. Ici encore, une étude terrain permettrait de clarifier l’effet du temps sur l’importance relative de certaines conditions. Enfin, notre présentation adopte une attitude très consensuelle d’un projet de cross-docking. Cependant, les relations traditionnelles de la chaîne d’approvisionnement se caractérisent par des jeux de pouvoir entre les acteurs. Comme l’ont démontré Landry et Trudel (1993), même lorsqu’il y a la mise en œuvre d’un projet commun, les risques d’abus d’une entreprise sur son partenaire peuvent toujours être présents. Dans la mesure où le cross-docking peut entraîner un déplacement de coûts du centre de distribution aux fournisseurs, le risque d’abus est présent si des mécanismes de répartition des bénéfices n’ont pas été mis en place (Pimor, 2001). Ainsi, le succès d’un projet d’intégration de la chaîne ne peut se mesurer uniquement sur le court terme. Il doit également être analysé en tenant compte de la capacité des différents partenaires à faire évoluer le projet dans le sens de leurs intérêts propres. Cette dimension supplémentaire pourrait également faire l’objet d’une étude. Conclusion Cet article est le premier jalon d’une étude plus vaste cherchant à étudier les conditions de réussite dans la mise en œuvre d’un projet de cross-docking. La recension des écrits a débordé les travaux liés au cross-docking pour inclure les études traitant de l’intégration de la chaîne d’approvisionnement dans le secteur de la distribution alimentaire. Nous avons recensé 18 conditions de réussite mais comme nous l’avons déjà mentionné, elles n’ont pas à être toutes manifestes dans tous les projets. Cependant, pour les gestionnaires, cette étude a le mérite d’identifier un certain nombre de 22 paramètres à intégrer lors d’un projet de réapprovisionnement. Ainsi, notre liste de conditions de succès peut les aider dans la planification de leur projet. Par ailleurs, nous sommes conscients qu’il reste des études à produire pour arriver à une typologie plus rigoureuse des conditions de résussite. Nous en mènerons une au niveau de projets de cross-docking. Ceci n’empêche pas d’autres chercheurs de démarrer leurs recherches sur un thème similaire en s’inpirant de notre liste de conditions pour évaluer leur présence dans d’autres projets d’intégration de la chaîne d’approvisionnement. Références ANONYME. «Crossdocking : A Common Practice Today, Sure to Grow Tomorrow», Modern Materials Handling, mi-mai 1998b, p. 19-21. ANONYME. «Flow-thru Warehousing : Large-Scale, Short Term Staging Inventory», Modern Materials Handling, vol. 53, no. 6, 1998, p. 22-24. 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