La génétique dans le cadre de la céphalée

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La génétique dans le cadre de la céphalée
La génétique dans le cadre de la céphalée
L’approche génétique dans le cadre de la céphalée
La migraine, le principal type de céphalée le plus étudié en génétique, est probablement causée par une combinaison de
facteurs environnementaux et de facteurs génétiques. Des études épidémiologiques familiales et sur des jumeaux
indiquent que la composante génétique est plus élevée dans la migraine avec aura que dans la migraine sans aura.
Même si les facteurs génétiques sont également impliqués dans d’autres types de céphalées, comme la céphalée de
tension et l’algie vasculaire de la face, il manque essentiellement des résultats génétiques dans ces types de céphalées,
contrairement à la migraine.
Afin d’identifier les facteurs génétiques qui confèrent une susceptibilité à développer la migraine, plusieurs approches ont
été utilisées, qui sont également applicables à d’autres types de céphalées. Tout d’abord, on peut effectuer une analyse
du lien classique, qui vise à identifier les segments de chromosomes partagés par les personnes affectées en utilisant
une approche familiale. Cette approche a été particulièrement réussie pour les types de migraines monogéniques. Une
deuxième stratégie fréquemment utilisée pour identifier les variantes génétiques implique des études d’association du
gène candidat. Ces études testent les différences significatives entre les cas et les témoins dans les fréquences d’allèles
de gènes anticipés pour être impliqués dans la maladie. Au cours des deux dernières années environ, la technologie
destinée à typer les variantes de l’ADN a avancé de manière spectaculaire, permettant l’analyse à moindres coûts de
centaines de milliers de variantes de l’ADN chez plusieurs milliers de patients inclus dans ces études d’association pangénomiques (genome-wide association studies, GWAS). Même si les GWAS ont récolté des centaines de gènes pour de
nombreux traits complexes, en particulier pour les maladies neurologiques, les résultats stagnent, vraisemblablement
parce que la qualité d’un phénotypage homogène des cas est plus difficile pour de telles maladies. Les GWAS ne sont
pas la panacée de la génétique relative aux céphalées, car les variantes génétiques communes ne peuvent qu’expliquer
qu’une petite partie de la variation génétique. Pour identifier des variantes génétiques plus rares avec des effets
d’ampleurs plus élevées, des approches génétiques supplémentaires, même si elles sont trop coûteuses pour le moment,
sont maintenant tentées, comme le séquençage de nouvelle génération des exons (séquençage de l’exome) et le
séquençage de génome entier. Le suivi fonctionnel des résultats génétiques dans les modèles cellulaires et d’animaux
transgéniques révèlera la manière dont les gènes de la migraine provoquent la maladie.
Résultats dans le cadre de la migraine monogénique
La plupart des succès des résultats génétiques proviennent d’études explorant la migraine hémiplégique familiale (MHF)
monogénique, un sous-type de migraine avec aura. En 1996, le premier gène de la MHF identifié est un gène qui encode
une sous-unité des canaux calciques voltage-dépendants CaV2.1. Au cours de la décennie suivante, deux autres gènes
de la MHF encodant une sous-unité du canal sodique voltage-dépendant NaV1.1 et une sous-unité des ATPases sodiumpotassium ont été identifiés. Des mutations dans ces gènes de la MHF n’ont pas toujours été associées à une MHF pure,
mais également parfois à des phénotypes supplémentaires de l’épilepsie, de l’ataxie cérébelleuse ou de l’accident
vasculaire cérébral, et parfois même à des conséquences fatales. Les études de la génétique fonctionnelle dans les
systèmes de modèles cellulaires et de modèles murins transgéniques mettent en évidence une voie commune de la
neurotransmission glutamatergique accrue pouvant expliquer la propension accrue de la dépression corticale
envahissante (DCE), qui est susceptible d’être à l’origine de l’aura de la migraine. Par exemple, les canaux calciques
CaV2.1 mutants de souris transgéniques portant la mutation du gène MHF1 ont révélé une susceptibilité de DCE accrue
et une libération de glutamate accrue par les neurones corticaux. La normalisation de la libération a également normalisé
les paramètres de la DCE chez les souris mutantes. Les systèmes de modèles cellulaires qui montraient une fonction
réduite des pompes gliales sodium-potassium et une activité réduite du neurone inhibiteur des canaux sodiques NaV1.1
ont prédit une hyperexcitabilité in vivo des neurones excitateurs, semblable à celle démontrée pour les mutations MHF1.
Résultats dans le cadre de la migraine complexe
De nombreuses études d’association du gène candidat ont été menées, par exemple en testant les composantes
d’encodage des gènes des voies de la sérotonine et de la dopamine, mais la majorité des associations n’ont pas pu être
répliquées, ce qui suggère que beaucoup des résultats originaux découlent de résultats faux positifs. Les meilleurs
résultats proviennent du gène 5’,10’-méthylèntétrahydrofolate réductase (MTHFR), qui encode une enzyme essentielle
dans le métabolisme des folates et de l’homocystéine. La plupart, mais certainement pas toutes les études ont trouvé une
association entre l’allèle T du polymorphisme C677T du MTHFR et la migraine (avec aura). Les premières GWAS ont
étudié plusieurs milliers de patients qui souffraient de migraine avec aura et ont identifié un unique foyer de susceptibilité
à la migraine sur le chromosome 8 situé près du gène MTDH, pouvant affecter les taux de glutamate dans le cerveau.
Une GWAS ultérieure menée sur une cohorte de population de femmes migraineuses a identifié trois foyers candidats
pour la migraine supplémentaires en mettant en évidence les gènes PRDM6, LPR1, et TRPM8 comme gènes potentiels
de la migraine. D’autres GWAS sont en cours et le nombre de gènes de la migraine augmentera rapidement. Comme les
GWAS sont conçues pour déceler uniquement les variantes génétiques communes (> 5 %), elles ne permettront pas de
déceler des variantes génétiques plus rares. Il est anticipé que de telles variantes rares auront un effet de plus grande
ampleur et pourront expliquer de manière plus approfondie la physiopathologie de la migraine. La technologie pour les
déceler, c’est-à-dire le séquençage de nouvelle génération (SNG), a été développée, mais les succès de la SNG jusqu’à
ce jour concernent les troubles récessifs monogéniques rares. Jusqu’à présent, aucun résultat n’a été rapporté pour la
migraine.
Résultats pour d’autres types de céphalées
Les résultats de la génétique dans d’autres types de céphalées en sont encore à leur balbutiement. Tout d’abord, l’algie
vasculaire de la face (AVF) a été considérée comme un trouble sporadique, mais depuis les années 1990, une
manifestation familiale est reconnue. Des études familiales ont révélé qu’il existe un risque 14 fois plus important d’AVF
chez un membre de la famille au premier degré de patients présentant une AVF, et un risque deux fois plus important
chez les membres de la famille au deuxième degré, ce qui indique une composante génétique de l’AVF. Il existe
également désormais des preuves que des facteurs génétiques sont impliqués dans les céphalées de tension (CT), en
particulier pour le phénotype de « céphalée de tension fréquente ». Seules quelques études génétiques moléculaires ont
été menées sur les types de céphalées autres que la migraine. Outre plusieurs études d’association du gène candidat
négatives, une association répliquée significative a été trouvée entre le polymorphisme du gène du récepteur de
l’hypocrétine 2 (HCRTR2) et l’AVF.
Conclusion
La génétique des syndromes de céphalées primaires, comme la migraine et les céphalées non migraineuses comme
l’algie vasculaire de la face, a fourni une meilleure compréhension de la base moléculaire de ces pathologies. La plupart
des connaissances proviennent de l’identification des mutations génétiques chez les patients présentant une MHF avec
mutations dans les sous-unités des canaux calciques et sodiques ainsi que dans une ATPase sodium-potassium. Les
études fonctionnelles de ces mutations génétiques dans les modèles cellulaires et/ou d’animaux transgéniques mettent
en évidence un rôle important de la libération du neurotransmetteur perturbée, plus particulièrement, la neurotransmission
glutamatergique excitatrice accrue dans le cadre de la MHF. Les données venant appuyer la possibilité que des
mécanismes similaires pourraient également causer des types de migraine communs proviennent des résultats de GWAS
qui ont identifié le gène MTDH qui (grâce à la sous-régulation du transporteur de glutamate EAAT2) peut résulter en une
hyperexcitation chez les migraineux. Une GWAS plus récente a révélé le vrai potentiel des études génétiques, comme les
associations génétiques avec les gènes TRPM8, LRP1, et PRDM6 ont souligné les mécanismes pathologiques
supplémentaires, notamment les voies de la douleur déjà connues dans le cadre de la douleur neuropathique. Des
résultats tout aussi intéressants sont attendus des GWAS dans d’autres types de céphalées primaires au cours des
années qui viennent. La technologie des GWAS ne décèle que les variantes communes à effets de faible ampleur,
laissant les variantes plus rares, à risque plus élevé, non décelées. Toutefois, grâce à d’autres avancées dans la
technologie du génotypage, il est désormais possible de déceler des variantes de l’ADN avec les approches de
« séquençage de nouvelle génération ». Il est anticipé que l’intégration de ces nouvelles technologies dans la recherche
génétique qui sont menées dans le cadre des céphalées aura un effet positif spectaculaire sur les résultats génétiques.
Le vrai défi consistera à combiner la génétique et la recherche neurobiologique pour caractériser de manière fonctionnelle
les variantes génétiques de la céphalée nouvellement découvertes pour comprendre comment elles provoquent la
céphalée. Assurément, la décennie à venir nous révélera de nombreux mécanismes moléculaires de la maladie dans le
cadre de la céphalée qui formeront un riche filon de cibles pour la recherche médicamenteuse.
Références
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