Conclusion : La bête du Gévaudan……
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Conclusion : La bête du Gévaudan……
Epilogue Conclusion : La bête du Gévaudan…… Nous avons exposé tous les paramètres historiques, géographiques, économiques, scientifiques, zoologiques qui interviennent dans l’histoire de la Bête du Gévaudan. Il faut maintenant les classer pour identifier notre coupable, sachant que logiquement nous avons trois candidats canidés pour endosser le costume de la Bête: le loup, le chien ou l’hybride des deux. I) Le loup, coupable idéal ? Tant par son histoire, que par ses relations directes avec son principal concurrent (l’homme), le loup fait figure de coupable idéal. Les très nombreuses histoires de «bêtes dévorantes», son omniprésence lors des grandes catastrophes de l’histoire de France: épidémies, famines, guerres, et l’aura diabolique dont les superstitions l’ont affublé s’opposent aux travaux modernes scientifiques et zoologiques qui brossent plutôt le tableau d’un animal craintif mais opportuniste. Ses comportements et habitudes tranchent pour partie avec les descriptions physiques et comportementales de la Bête du Gévaudan. Sans exclure l’hypothèse d’une sous-espèce, à l’image des arguments de Geneviève Carbone, nous ne croyons pas à la culpabilité complète du loup pour les raisons suivantes: - Si sous-espèce il y a eu, alors le ou les représentants de celle-ci devaient présenter des aspects physiques ou comportementaux bigrement particuliers pour que tous les témoins fassent la différence avec Canis lupus! Un Canis lupus gevaudansis? - Chronologie et répartitions des attaques, qui excluent la présence d’une meute, mais traduisant soit l’action d’un ou deux individus, soit d’un loup anthropophage solitaire ; - Descriptions répétées et convergentes de la Bête. S’il est vrai que des descriptions similaires ont pu être recueillies dans le passé, aucune des affaires de bêtes évoquées par les historiens (Crouzet, Moriceau, etc) ne concentre autant de témoignages que ceux, circonstanciés et écrits sur la Bête du Gévaudan. L’argument selon lequel « la psychose des loups» va mettre les paysans du Gévaudan en «situation d’être attaqués» relève de l’acharnement à vouloir à tout prix démontrer l’équation: BdG =loups, (et réciproquement, d’ailleurs, pour les tenants de «l’autre pays du fromage»: BdG =pas loups du tout). Il n’y a, initialement, aucune psychose du loup en Gévaudan en 1764. Si tel était le cas, Monseigneur Choiseul-Beaupré n’aurait pas manqué de prononcer le terme: « loup» dans son mandement, même s’il est possible que face à l’ampleur des dégâts, un tel phénomène ai pu se développer ultérieurement. Il n’est pas possible de balayer d’un revers de main les descriptions des petits paysans du Gévaudan, peut-être illettrés mais sûrement pas idiots. Enfin, la familiarité de la Bête semble ne pas coller du tout avec la légendaire prudence du loup. - A chaque observation, on voit la Bête seule, parfois en compagnie d’une petite louve ; sauf dans le cas possible d’une sous-espèce qui présenterait des caractères récessifs particuliers, et sous l’influence des modifications du biotope, la Bête de Chastel se différencie bel et bien du Canis lupus ordinaire. Les précautions de langage employées par le notaire Marin confirment 1/4 Epilogue que l’animal qu’il a sous les yeux n’est pas un loup «stricto sensu»: un loup extraordinaire inconnu sous nos cieux…. la Cour ayant décrété que la Bête était morte, il ne pouvait donc s’agir que d’un loup. A part chez la petite louve de la Panouse dans laquelle on a trouvé des débris de vêtements, et dont le physique et la taille sont sans points communs avec les descriptions de la Bête, on n’a pas retrouvé de débris humains dans l’estomac des animaux abattus. Rappelons le chiffre des loups tués en Gévaudan entre avril 1764 et juin 1767: 251. Pourquoi citer particulièrement la petite louve de la Panouse, le loup des Chazes ou celui du garde Rinchard, et pas d’autres loups parmi ceux qui ont été tués ? si on prend du recul, on s’aperçoit finalement que toutes ces chasses n’ont pas ralenti les attaques, même si elles peuvent avoir un lien avec la réduction du territoire de prédation. Jean-Marc Moriceau parle d’un «loup monstrueux ou d’un possible hybride» et il nous semble être sur la bonne piste. Exit donc (provisoirement ?) Canis lupus gevaudansis. II) Le Grand Corniaud du Gévaudan Cet animal, cher à Bernard Soulier (1), pourrait-il être l’autre prétendant au rôle de la Bête ? Le chien étant un canidé descendant du loup, et pouvant atteindre une taille très supérieure à son parent, il pourrait rentrer dans le costume de notre monstre. Reste alors à définir quelle race de chien (2). Les critères génétiques du Berger Allemand, du Bas-Rouge, du Malinois ou du Doberman, pour ne citer que ceux-là, n’ont été fixés qu’au XIXème siècle ; Le Dogue Allemand, aussi dénommé « Grand Danois » existait déjà, mais rien, tant les couleurs du pelage, que la forme des oreilles, du museau ne le rapproche de la Bête, qui a un trait particulier: elle n’aboie pas. Le dogue allemand étant bien connu à l’époque, on peut penser qu’il aurait vite été identifié: aucun individu de cette race n’a de queue ramée, de poils épais sur les pattes ni de « raye » noire qui se redresse sur le dos. Il en va de même pour les dogues molossoïdes type Dogue de Bordeaux ou Mâtin de Naples: peau plissée, forme du museau…et surtout, ces canidés n’ont pas l’endurance du loup. Un bâtard incertain est toujours possible mais on peut quand même supposer que nos gamins du Gévaudan ne s’y seraient pas trompés ! Il faut tout de même préciser que des chiens errants ou mal maîtrisés sont responsables d’attaques sur le bétail et parfois sur les personnes, comme nous l’enseigne une actualité récente (3). Restent alors, question chiens, soit le Bichon Français ou le Teckel à poil dur, soit le Grand Corniaud du Gévaudan. Dans le doute… III) « Un loup qui n’en est pas un » Par élimination, c’est évidemment la solution qui nous apparaît la plus plausible. Cependant, L’explication: un hybride = bête du Gévaudan est un peu courte. Nous nous en expliquons dans le scénario qui clôt cette étude. Par son comportement, les observations dont elle a fait l’objet, 2/4 Epilogue cette bête réunit des traits du loup et du chien: elle n’aboie pas, et parfois on la confond avec un chien; sa familiarité : lieux d’attaques, épisode Châteauneuf, répétitions des attaques jusqu’à cinq en deux jours ! - tout traduit là ce que Moriceau qualifie de comportement déviant, bien au-delà des besoins alimentaires de Canis lupus, même de grande taille. Cette bestiole n’a absolument pas peur de ses proies, même quand elles se défendent hardiment (épisode Portefaix). Tout ceci va à l’encontre des travaux des spécialistes (Geneviève Carbone). Et surtout, et nous en avons la conviction, le rapport Marin, nonobstant les qualificatifs distanciés (grand canidé finalement indéfini), décrit bien «un loup qui n’en est pas un…nous allons donc tenter de reconstituer son odyssée. IV) La Bête du Gévaudan: proposition pour un scénario. Voici le scénario que nous proposons. Il explique les longs développements sur le cadre historique exposés en début du livre, mais ne s’agit-il pas d’un « secret d’histoire » ? Au printemps 1764, dans le Vivarais, une portée de canidés hybrides arrive à maturité. Sont-ils nés dans la nature ou sont-ils le produit d’un élevage ? leur comportement dénote en tout cas une forte imprégnation humaine, ce que confirme leur « familiarité ». Au moins deux individus vont semer la terreur en Gévaudan. Castres parle « d’un loup du sud » et d’un « loup du nord », par recoupement statistique des lieux et dates des attaques. Ces deux animaux ont peut-être certains détails physiques qui les différencient, à l’image des observations d’hybrides en Croatie actuelle: par exemple, l’épaisseur variable de la raie noire sur le dos: ceci expliquerait l’absence de cette raie chez la Bête de Chastel. L’absence de cicatrice notable au poitrail aussi: si la Bête n’a reçu qu’une blessure superficielle (petit vaisseau sanguin, mais hémorragie spectaculaire), celle-ci doit être bien guérie et la cicatrice bien fermée au bout de presque deux ans…La première Bête aurait été abattue par les frères de la Chaumette, le 1er mai 1765: la description qu’en fait l’aîné correspond point par point aux autres portraits de l’animal, qui est touché et perd du sang en abondance. On ne le retrouvera jamais, mais c’est un fait: les attaques commencent à s’espacer de plus en plus. Le 11 août, Marie-Jeanne Vallet blesse l’autre Bête à Paulhac, qui reste en retrait (pour cause de blessure ?) Jusqu’en fin novembre…entre-temps, Antoine tue le loup des Chazes, puis progressivement, la Bête survivante (le «loup du nord» de Castres) remonte en puissance, jusqu’à un certain jour de juin 1767…. Dans le contexte de la crise de l’Ancien Régime et de la situation de Choiseul, cette affaire, amplifiée par la presse au niveau européen, risque de déboucher sur une crise politique majeure dans un royaume déjà bien ébranlé, et devant l’échec des équipes déléguées sur place pour régler le problème, la Cour envoie monsieur François Antoine, qui est l’incarnation du roi en Gévaudan. Un échec de sa part rejaillirait sans aucun doute sur Louis XV, sans compter Maupéou, en embuscade…Pris dans l’urgence, les responsables locaux (St Florentin St Priest - Ballainvilliers avec ou sans l’Averdy) saisissent l’opportunité d’une chasse sur les bords de l’Allier pour clore le dossier. La Bête est morte…officiellement. Son alter ego poursuivra ses méfaits jusqu’au 19 juin 1767. Peu de temps après, on tuera une petite louve et cinq louveteaux: la femelle parfois observée avec la Bête ? Depuis, on n’a plus jamais entendu 3/4 Epilogue parler de Bêtes en Gévaudan… quelques meurtres crapuleux ou sexuels, quelques attaques de loups enragés possibles, complètent le tableau… subsistent des zones d’ombre: quel fut le vrai rôle des Chastel ? Comment nos deux canidés échappèrent-ils à toutes les chasses et les battues ? Ainsi naissent les légendes ! C’est pourquoi, la Bête court toujours. Notes : (1) Bernard Soulier est président de l’association « Au Pays de la Bête du Gévaudan ». (2) La notion de « race » est étrangère à la science. On parle de variétés, espèces, etc. Les « races » définissent plutôt des catégories culturelles, ou des créations par l’homme (chiens, chats, etc) (3) On parle de plus de 200 000 incidents avec des chiens en 2009 4/4