Le «working capital - BNP Paribas Fortis
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Le «working capital - BNP Paribas Fortis
THINKSTOCK ANALYSEFINANCE ENQUÊTE EXCLUSIVE Le «working capital» vu par les patrons Une entreprise moderne ne peut plus se passer d’une bonne gestion du besoin en fonds de roulement. Pour six entreprises sur 10 c’est même une priorité absolue. C’est ce qui ressort d’une grande enquête réalisée par «Trends-Tendances» et BNP Paribas Fortis auprès de 400 patrons et directeurs financiers d’entreprises belges. 1. QUELLE ATTENTION VOTRE ENTREPRISE ACCORDE-T-ELLE À L’OPTIMALISATION DE SON BESOIN EN FONDS DE ROULEMENT? Attention prioritaire SÉBASTIEN BURON ET PATRICK CLAERHOUT e bureau Graydon nous le rappelait encore début avril: les délais de paiement des entreprises belges demeurent problématiques. Ainsi, 36% des factures ne sont toujours pas payées à temps. Et 12% des entreprises actives chez nous affichent même un arriéré de paiement de plus de 90 jours. Inutile de dire que beaucoup d’entreprises en souffrent - surtout celles qui disposent de faibles réserves de trésorerie. Face à ce phénomène de factures impayées pouvant dangereusement affecter la liquidité opérationnelle de l’entreprise et donc devenir la cause principale de faillite, les entreprises y accordent de plus en plus d’attention. En collaboration avec BNP Paribas Fortis, Trends-Tendances a interrogé (via un questionnaire en ligne et à travers cinq grands thèmes: paiements et créances, financement, centralisation des fonds, protection des transactions et reporting) 400 dirigeants d’entreprise, principalement des patrons et des directeurs financiers, pour savoir comment ils vivent au quotidien cette problématique de la gestion du besoin en fonds de roulement (actifs circulants moins dettes à court terme). Pour faire simple, disons qu’un fonds de roulement positif est nécessaire pour faire face à ses échéances à court terme. De sorte qu’il est fort possible qu’une entreprise dégage des bénéfices mais L 36 26 AVRIL 2012 | WWW.TRENDS.BE Pas prioritaire 59% soit à court de liquidités parce qu’elle n’arrive pas à financer ses actifs circulants (stocks et créances, par exemple). Neuf entreprises sur 10 y sont attentives Pour ce qui est des résultats de ce baromètre inédit (et qui devrait être annuel), tant les petites que les moyennes et les grandes entreprises sont représentéesdans l’enquête: 71% d’entre elles réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 7,5 millions d’euros. Deux tiers ont leur siège en Flandre. Et 80% sont actives dans le business-to-business. Du côté des constats, on remarquera en premier lieu que neuf répondants sur 10 disent accorder de l’importance à la gestion du fonds de roulement. Pour pas moins de 59 % d’entre eux, cette gestion est même une priorité absolue (voir tableau 1). Les sondés avancent plusieurs raisons à cela : la recherche d’une plus grande efficacité (49 %), la Pour pouvoir bien évaluer le besoin en fonds de roulement, il faut avoir la certitude que les clients paieront dans les délais. pression du management et des actionnaires (40%) et l’augmentation du délai de paiement des clients (36 %) (voir tableau 3, p.38). Augmentation du délai de paiement des clients qui devient même le facteur le plus important pour les petites entreprises (avec un chiffre d’affaires inférieur à 7,5 millions d’euros). Subissant des retards de paiement de la part de leurs clients, plus de la moitié d’entre elles se voient con traintes d’optimaliser leur besoin en fonds de roulement. La crise a réveillé les esprits Face à cela, près de deux entreprises sur trois ont déjà pris des mesures en la matière. Parmi les mesures les plus citées figurent l’amélioration du processus de gestion des paiements et des créances (63%), le raccourcissement des délais d’encaissement accordés aux clients (57%) et la réduction des stocks (45%). A peine 20% des entreprises ayant répondu à l’enquête ont pris des renseignements auprès de leur banquier ou d’un consultant en la matière. La crise économique et financière, qui sévit depuis 2008, a bien sûr réveillé les esprits. Un peu plus de la moitié des CEO et CFO interrogés (63%) avouent que leur attitude vis-à-vis des liquidités a changé (voir tableau 2). Moins de un pour cent d’entre eux n’ont pris aucune mesure pour améliorer la gestion de leur besoin en fonds de roulement. Ne s’en occupe pas 27% Aucune idée 11% 2. VU LA CRISE ACTUELLE, VOTRE BESOIN EN FONDS DE ROULEMENT… A considérablement changé 20% A légèrement changé 43% N’a pas changé 36% Aucune idée 1. Paiements et créances Rares sont en effet les répondants qui disent ne pas s’intéresser du tout (moins de un pour cent) aux délais de paiement, problématique au cœur d’une bonne gestion du fonds de roulement. Plutôt logique par les temps qui courent. Face à la crise, ses avatars et conséquences financières diverses, quelle entreprise n’essaye-t-elle pas en effet de se faire payer le plus vite possible tout en essayant d’obtenir des délais de paiement supplémentaires auprès de ses fournisseurs et/ou sous-traitants? Encaisser plus rapidement les factures adressées aux clients et payer soi-même le plus tard possible permet de libérer des liquidités qui sinon restent bloquées dans le cycle d’exploitation. Cinquante-neuf pour cent des patrons et directeurs financiers interrogés disent avoir déjà pris des mesures pour dégager des liquidités de cette manière-là. De même que ceux qui n’ont pas encore resserré les boulons à ce niveau mettent ce sujet à l’ordre du jour pour cette année-ci (21%). Très concrètement, ils le font en encaissant donc plus rapidement les factures adressées aux clients (75%) d’une part, et en faisant payer eux-mêmes plus tard leurs fournisseurs d’autre part (37%). Notons que ces pourcentages sont encore plus élevés dans le chef des grandes entreprises (80% pour l’encaissement plus rapide et 38% pour le paiement plus tardif). Ici aussi, rien d’étonnant à cela dans la mesure où le pouvoir de négociation d’une grande entreprise est plus élevé que celui d’une petite PME. Bref, les recettes appliquées apparaissent comme assez classiques. Faibles sont en effet les pourcentages des répondants qui disent avoir recours à d’autres moyens d’action pour améliorer le processus de gestion des paiements et des créances. Ainsi, le recours aux domiciliations (21%), à l’utilisation d’une carte de crédit (10%) ou aux solutions dites de factoring (10%) ne sont guère cités par les sondés. 2. Financement Outre les facilités de crédit traditionnelles, il est également possible de libérer des liquidités en préfinançant le besoin en fonds de roulement. Les liquidités ainsi libérées permettent ensuite de financer les activités. Près d’un répondant sur deux trouvent cela très important et 25% important. La proportion des ≤ WWW.TRENDS.BE | 26 AVRIL 2012 37 ANALYSEFINANCE 3. ELEMENTS QUI JOUENT DANS LA DÉCISION Recherche d’une plus grande efficacité 49% Demande de la direction, des actionnaires et des analystes 40% Augmentation du délai de paiement des clients 36% Augmentation des coûts de financement 23% Obligation de réduire les dettes 17% Moins d’options de financement 11% Diminution des ventes 11% 4. COMMENT VOYEZ-VOUS LA RELATION AVEC VOTRE BANQUIER PRINCIPAL EN MATIÈRE DE FINANCEMENT DU FONDS DE ROULEMENT? Pro-active Relation avec la banque Relation idéale Réactive Fournisseur 30% Pas d’idée 38% 56% répondants passés à l’action est tout aussi importante: 46% d’entre eux disent avoir déjà pris des mesures au sein de leur entreprise en matière de financement ou mettent ce sujet à l’ordre du jour pour cette année (19,5%). A vrai dire, le jeu est quasiment le même que pour l’amélioration du processus de gestion des paiements et créances. En témoigne le score obtenu par l’encaissement plus rapide des factures (69%) qui arrive en tête des solutions envisagées par les répondants pour se donner un peu d’air en matière de financement, loin devant l’accélération de la vitesse de rotation des stocks (47%) et le recours au crédit à court terme (32%). Notons à cet égard que nombreuses sont les entreprises à ne pas être au courant de toutes les possibilités proposées par les banques en la matière. A commencer par celles qui tiennent du «sur-mesure». 3. Centralisation des fonds Une gestion centralisée du cash est devenue pour beaucoup d’entreprises une réelle préoccupation: 42% jugent 38 26 AVRIL 2012 | WWW.TRENDS.BE 28% 30% 11% cela très important et presque 30% l’estiment important. A peine 6,5% d’entre elles ne s’en occupent pas. D’un autre côté, 55% ont déjà centralisé leur trésorerie où sont en train de le faire. Et 11% mettent le sujet à l’ordre du jour pour l’année en cours. Il s’agit surtout d’entreprises de moyenne et grande taille, lesquelles sont clairement en avance sur les autres à ce propos. Ainsi, plus de 60% des grandes entreprises interrogées appliquent un système de centralisation des fonds. Sans doute parce qu’elles sont actives dans plusieurs pays. A contrario, moins d’un quart des petites entreprises ont recours à un tel système. Tout simplement parce que la majorité d’entre elles disent ne pas en avoir besoin. 4. Protection des transactions En Belgique, les entreprises perdent plus de neuf milliards d’euros en factures impayées. Or, pour pouvoir bien évaluer le besoin en fonds de roulement, il faut avoir la certitude que les clients paieront dans les délais. Que vous fassiez des affaires en Belgique ou à l’étranger, la garantie d’être payé à temps est un élément capital. Pas étonnant dans ces conditions que huit répondants sur 10 disent y accorder de l’importance. Une entreprise sur deux ayant participé à l’enquête (52%) a même déjà pris des mesures très concrètes en matière de «protection des transactions». Et 14% en font une priorité pour cette année-ci. Parmi ces moyens mis en œuvre en matière de protection des transactions, c’est surtout sur le recours aux garanties bancaires que l’accent est mis. Une entreprise sur deux dit l’utiliser pour «bétonner» ses rentrées. Par contre, les autres solutions commerciales comme le crédit documentaire (exportation), les couvertures de change ou de taux d’intérêt ainsi que le factoring ne semblent guère exploitées. Notons d’ailleurs à ce propos que le factoring apparaît comme une formule méconnue par la majorité des sondés. Voire coûteuse à leurs yeux. 5. «Reporting» Selon les résultats de l’enquête, il apparaît aussi très clairement que disposer d’une vue d’ensemble très précise de toutes les transactions financières, tant entrantes que sortantes, est essentiel pour pouvoir bien gérer son fonds de roulement. Près de 90% des patrons interrogés trouvent cela à tout le moins important et 66% y travaillent. C’est encore plus vrai pour les grandes entreprises, 73% d’entre elles s’en occupent de manière très concrètes contre 51% pour Cinquante-neuf pour cent des CEO et CFO interrogés disent avoir pris des mesures pour encaisser plus rapidement les factures adressées aux clients et payer le plus tard possible leurs fournisseurs. ≤ ANALYSEFINANCE Bien sûr le working capitalneed, comme il dit, n’est pas quelque chose de nouveau pour Jean Galler, patron des chocolats du même nom. Comme tout chocolatier, il est chaque année confronté à un besoin de fonds de roulement plus important dès le mois de juin et jusqu’en octobre (suite à une diminution récurrente des rentrées à l’approche de l’été et à une augmentation des stocks avant la rentrée, généralement porteuse en termes de ventes). Mais depuis trois ans, il travaille différemment. «Pour faire face au besoin saisonnier, nous n’avons plus recours à une simple et pure augmentation des lignes de crédit (Ndlr, straigh loan remboursable au moment où la trésorerie se renverse dans le courant du mois de novembre), indique l’ancien Manager de l’Année. Les besoins sont désormais évalués sur base hebdomadaire en fonction de deux critères: le volume des stocks et des créances.» JEAN GALLER «Les besoins sont désormais A ce suivi plus pointu des liquidités évalués sur base hebdomadaire est venu s’ajouter une analyse en fonction de deux critères: de marché réalisée par son banquier le volume des stocks et de référence pour voir où se situe des créances.» l’entreprise par rapport aux concurrents sur le plan de son encours clients, de son encours fournisseurs et de son endettement total. «De quoi améliorer l’efficacité et la rentabilité de l’entreprise», conclut-il. IMAGE GLOBE «Un outil d’amélioration de la rentabilité» 5. COMMENT VOYEZ-VOUS LES CRÉDITS PROFESSIONNELS ÉVOLUER DANS VOTRE BANQUE PRINCIPALE AU COURS DES DEUX PROCHAINES ANNÉES? 50% 44% 40% 28% 30% 22% 20% 10% 3% 1% 0% Ils seront plus difficiles à obtenir Ils seront plus faciles à obtenir Ils devriendront plus chers les petites (pour mémoire, avec un chiffre d’affaires inférieur à 7,5 millions d’euros). Largement répandu, le système de paiement pour entreprise Isabel ainsi que l’electronic banking figurent au rang des premiers outils qui leur permettent 40 26 AVRIL 2012 | WWW.TRENDS.BE Ils devriendront moins chers Ils ne changeront pas d’avoir une vue d’ensemble claire en matière de gestion de trésorerie. Quelle relation avec la banque? Et le banquier dans tout cela: quelle relation le patron d’entreprise entre- tient-il avec lui? A cette question, plus de la moitié des sondés (56%) répondent qu’ils attendent de leur banque que celle-ci soit proactive (voir tableau 4 p.38). Une relation idéale qui semble loin de la réalité du terrain: 30% la voient comme réellement proactive, tandis que 38% la jugent «réactive», ne réagissant donc que lorsque des problèmes se posent. Un tiers des répondants la voient même uniquement comme fournisseur de produits et services. Si bien qu’une minorité de dirigeants d’entreprise pensent spontanément à leur banquier pour améliorer la gestion de leur fonds de roulement. Il y a donc là une réelle marge de progression pour les banques. CEO et CFO ayant participé au sondage se font également du souci en matière de crédit: 44% d’entre eux pensent qu’il sera plus difficile d’en obtenir dans les deux années à venir et que celui-ci coûtera aussi plus cher (22%). Seulement 28 % des répondants pensent qu’il n’y aura aucun changement en la matière (voir tableau 5 ci-contre). Ces chiffres confirment l’enquête de la Banque nationale et de Febelfin (la fédération du secteur financier belge) dans laquelle il apparaissait clairement qu’obtenir un crédit devient plus difficile. Quant à savoir comment l’octroi de crédit a évolué au cours des deux dernières années, 45% des répondants estiment qu’il n’y a pas eu de changement. On notera que quatre sondés sur 10 signalent néanmoinsdavantage d’obstacles: la banque pose plus de conditions, il faut plus de temps avant qu’un crédit ne soit octroyé et on discute beaucoup plus qu’auparavant. En revanche, parmi ces sondés ayant constaté davantage d’obstacles, ils ne sont que 15% à avoir vu les montants des crédits limités. Ce qui semble prouver que l’on ne puisse pas parler de credit crunch, mais que pour un peu plus d’un tiers des répondants les conditions imposées par les banques sont devenus plus strictes. Mauvaise nouvelle pour celui qui, au cours des deux dernières années, et à cause de la crise, a entamé ses réserves et se retrouve aujourd’hui plus dépendant du crédit bancaire. D’où l’importance d’élargir son champ d’horizon en terme de financement et de gérer plus strictement ses besoins en fonds de roulement. z Envie d’en savoir plus, rendez-vous sur www.workingcapitalbarometer.be