Fumeurs et non-fumeurs, une longue querelle

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Fumeurs et non-fumeurs, une longue querelle
Fumeurs et non-fumeurs,
une longue querelle
A l’époque où le tabac n’était encore goûté que par une très petite frange de la population,
c’est le non-fumeur qui imposait sa loi. Le règlement de police du chemin de fer de Paris à
Rouen, en date du 25 juillet 1842, porte déjà l’interdiction de fumer dans les voitures et les
gares. Un an plus tard, prenant en compte plusieurs incidents survenus « par suite de la faculté
indûment laissée aux voyageurs de fumer », consigne est donnée aux préfets « de prendre les
mesures les plus énergiques pour que des procès-verbaux soient immédiatement dressés
contre les individus qui fumeraient soit dans les voitures, soit dans les stations des chemins de
fer en exploitation dans (leur) département ». Enfin, l’article 63 de l`ordonnance du 15
novembre 1846 sur la police, la sûreté et l’exploitation des chemins de fer entérine
définitivement l’interdiction1.
Toutefois, conscients de ne pouvoir empêcher les fumeurs impénitents de se livrer à « leur
distraction favorite » pendant le trajet, les législateurs concèdent que des dérogations à
l’interdiction pourraient être autorisées à la demande des compagnies moyennant « des
mesures spéciales de précaution ». Ces mesures, précise une circulaire ministérielle du 31
décembre 1846, pourraient consister « presque toujours dans l’emploi de voitures spéciales
convenablement disposées ». Quid de ces voitures ? Dans son Traité élémentaire des chemins
de fer, paru en 1858, Auguste Perdonnet confirme leur existence, mais aussi leur rapide
disparition devant l’impossibilité de faire respecter les ordonnances de police compte tenu de
la disposition des voitures en France qui repose sur une succession de compartiments
entièrement séparés les uns des autres et ouvrant chacun directement sur l’extérieur. Difficile
dans ces conditions de surveiller leur accès et le comportement de leurs occupants en cours de
route.
1857 Un compartiment de chaque classe pour les fumeurs
Les non-fumeurs ne s’avouent pas vaincus pour autant. Harcelé, le ministre des Travaux
publics argue, par une circulaire du 11 mars 1857, qu’« il est du devoir des compagnies de
rechercher, de concert avec l’administration, les moyens de concilier les dispositions du
règlement avec un usage répandu [. . .], notamment en réservant dans tous les trains un
compartiment de chaque classe pour les fumeurs ». Un arrêté du 1er mars 1861 confirme la
1
L’article 63 stipule également qu’il est interdit de fumer dans les gares, savoir dans les « pièces, vestibules,
corridors, salles d’attente, buffets, etc., destinés aux voyageurs ». L’interdiction ne s’applique ni aux cours ni
aux trottoirs.
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mesure et impose de désigner « ostensiblement » les compartiments en question par une
plaque portant l’indication « fumeurs2 ». Originellement circonscrite aux voitures de 1re et de
2e classe, la mesure est étendue à la 3e classe en 1863. Mais l’Administration admet que dans
les trains privés de compartiments « Fumeurs », ceux-ci « pourront, après avoir obtenu le
consentement des autres voyageurs, et avec l’assentiment des employés de la compagnie,
allumer pipes et cigares sans s’exposer à des procès-verbaux de contravention ».
La publication, en 1863, des résultats de la grande « Enquête sur l’exploitation et la
construction des chemins de fer », menée à l’initiative du ministère des Travaux publics,
montrent le peu d’empressement des compagnies à prendre à leur compte les consignes
édictées. A la question : « Comment se fait aujourd’hui le service des compartiments de
fumeurs ? », seul le Midi répond avoir tenu compte de la prescription de 1861 par la mise à
disposition de compartiments réservés dans l’ensemble de ses voitures de 1re et de 2e classe.
Et si l’Ouest dit s’être limité à ses seules voitures de banlieue de 1re et de 2e classe, l’Est, le
Nord, le PO et le Lyon-Méditerranée avouent n’avoir rien prévu. Les trois derniers
reconnaissant même fermer les yeux sur les libertés prises par les fumeurs, attitude
parfaitement résumée par le PO : « Il n’existe pas de compartiments spécialement affectés aux
fumeurs. Chaque voyageur peut fumer dans le compartiment où il se trouve, à la seule
condition d’y être autorisé par ses compagnons de route. En cas de résistance d’un fumeur aux
observations des autres voyageurs, les agents de la Compagnie doivent verbaliser. »
Leurs réponses à la seconde question – « N’y aurait-il pas lieu de rendre ce service obligatoire
dans tous les trains et pour toutes les classes de voitures ? » – sont tout aussi formelles. Toutes
évoquent une complication de service, un mauvais remplissage des voitures, la difficulté de
sévir. Le Lyon-Méditerranée répond ainsi : « La spécialisation des compartiments, gênante
sur les grandes lignes, présenterait de très grandes difficultés sur les lignes secondaires. Si aux
compartiments déjà réglementairement réservés : 1° pour la poste ; 2° pour les prisonniers ; 3°
pour les dames seules, on ajoutait des compartiments spéciaux pour les fumeurs, les trains
finiraient par être régulièrement surchargés de voitures circulant aux trois quarts vides. » Et
toutes demandent à ce que la prescription d’avoir des compartiments spéciaux pour les
fumeurs ne soit pas obligatoire.
2
er
La création des compartiments « Fumeurs » n’est officialisée que par le décret du 1 mars 1901 qui modifie
l’ordonnance du 15 novembre 1846 sur la police, la sûreté et l’exploitation des chemins de fer. L’article 58
(substitué à l’article 63) se montre également moins contraignant quant à l’interdiction de fumer dans les
gares, puisque restreignant la mesure aux seules salles d’attente.
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Les pouvoirs publics cèdent sous le prétexte « que l’on soulèverait les réclamations les plus
vives, si l’on tentait de résister à l’usage, de plus en plus répandu, de fumer en voyageant ».
De fait, une circulaire en date du 2 août 1864 informe les compagnies que, désormais, ne
pourront être considérés en contravention que les voyageurs qui persisteraient à fumer
« malgré les recommandations de leurs compagnons de voyage ». En clair, l’obligation de
confiner les fumeurs devient facultative. Cela en dépit de la crispation des non-fumeurs
pourtant clairement évoquée en préambule par cette même circulaire : « L’administration
reçoit fréquemment des réclamations au sujet des inconvénients que présente, pour les
voyageurs, l’habitude (qui tend à se généraliser de plus en plus) de fumer dans les voitures de
chemins de fer, surtout les voitures de troisième classe. » Certes, l’ordre est donné aux agents
assermentés de verbaliser systématiquement les récalcitrants, mais personne n’est dupe sur la
difficulté d’appliquer cette mesure.
1880 fumeurs et non-fumeurs renvoyés dos à dos
La situation est telle que certains se posent la question, à l’exemple d’Amédée Guillemin en
1869 (Les chemins de fer) s’il ne serait pas plus judicieux d’inverser les rôles. Précisant que
les : fumeurs disposent de compartiments réservés, il ajoute : « à vrai dire l’habitude d’emplir
les voitures de la fumée de tabac, de la pipe ou du cigare, est devenue si générale, qu’il y
aurait lieu plutôt de réserver des voitures pour les personnes que cette odeur gêne ou
incommode. » C’est ce à quoi l’on aboutira une quarantaine d’années plus tard. En 1869,
toujours, H-M Deslignières (Petit code du voyageur en chemin de fer : devoir des compagnies
et obligations du public) répond par la négative à la question « A-t-on le droit de fumer dans
les voitures ? », mais ajoute aussitôt que « l’habitude a prévalu sur le règlement, dans les
voitures de troisième classe surtout où personne ne se gêne guère à cet égard ». Il n’hésite pas
même à excuser les pouvoirs publics : « Les Compagnies se croient d’autant plus fondées à
user de tolérance sur ce point que, répondant au désir exprimé par l’administration, elles
réservent maintenant un compartiment de chaque classe pour les femmes voyageant seules ;
or, c’étaient les femmes surtout, qui se trouvaient incommodées par la fumée du tabac. »
Il en faut plus pour désarmer les non-fumeurs. Le 25 février 1880, le ministre des Travaux
publics appelle l’attention des compagnies « sur les abus qu’a fait naître le régime admis par
la circulaire ministérielle du 2 août 1864, régime d’après lequel on peut fumer dans tous les
compartiments, si aucun voyageur ne réclame », et les invite à rechercher une solution « qui
permette de laisser certaines facilités aux fumeurs, sans imposer aux personnes qui ne fument
pas une gêne intolérable ». Il signale, à ce propos, le moyen adopté à l’étranger « qui consiste
à réserver, dans chaque train, un certain nombre de compartiments, où il est absolument
interdit de fumer, et à les désigner par des inscriptions extérieures très apparentes ». Avec ce
système, ce ne sont donc plus les fumeurs qui font exception, mais les non-fumeurs que l’on
entend ainsi isoler à leur tour. Cela n’a rien d’étonnant compte tenu du nombre croissant des
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accrocs à la nicotine, les non-fumeurs faisant désormais figure de non majoritaires [voir Le
Figaro, 11 mars 1882].
En possession des réponses des compagnies (que nous n’avons pu retrouver), le ministre
confie le dossier à l’examen du Comité consultatif des chemins de fer. Celui-ci reconnaît
volontiers que la circulaire du 2 août 1864 « n’avait pas donné aux voyageurs les garanties
qu’ils étaient en droit d’attendre », mais, compte-tenu des inconvénients à adopter une autre
réglementation, « il serait plus sage de conserver le régime actuel, en s’efforçant d’en assurer
l’application rigoureuse », la première condition étant « que le personnel des compagnies ne
refuse jamais son concours aux personnes que la fumée du tabac incommode et qu’il n’hésite
pas, le cas échéant, à user des pouvoirs qui lui sont conférés par la disposition finale de
l’article 63 de l’ordonnance de 1846. » Au final, le Comité émet l’avis qu’il y a lieu
d’informer le public, par voie d’affiches placardées dans les gares, et au besoin dans les
voitures, les devoirs et les droits de chacun. Par une circulaire en date du 11 novembre 1880,
le ministre adresse aux compagnies un modèle d’affiche qui rappelle : 1° l’interdiction de
fumer dans les voitures, exception faite pour les compartiments qui portent la plaque
indicative « Fumeurs » ; 2° l’autorisation de fumer dans les autres compartiments « en vertu
d’une tolérance, subordonnée expressément au consentement préalable de toutes les personnes
présentes » ; 3° la verbalisation immédiate de tout voyageur qui persisterait à fumer malgré
l’opposition d’un de ses voisins.
Les fumeurs ne désarment pas pour autant. Outre des réclamations incessantes, ils n’hésitent à
s’imposer dans les compartiments non-fumeurs jouant sur le nombre et l’intimidation, voire à
les occuper indûment en y apposant des plaques « Fumeurs » dérobées ici et là. Leurs excès
finissent par conduire à un réexamen de la question en 1891. Le ministre des Travaux publics
invite ses services à réfléchir sur la possibilité d’augmenter le nombre des compartiments
réservés aux fumeurs et à les signaler par « des inscriptions peintes sur la caisse même des
voitures », une mesure déjà adoptée sur quelques-unes des lignes de banlieue les plus
fréquentées. De nouveau consulté, le Comité consultatif des chemins de fer temporise,
reconnaît la nécessité d’accroître le nombre des compartiments « Fumeurs » dans tous les
trains, à hauteur de un et quelquefois deux pour chaque classe, mais repousse l’idée des
inscriptions peintes estimant qu’un simple cadenas suffirait à restreindre les vols de plaque.
Une circulaire est envoyée aux compagnies en ce sens le 20 juin. Sans plus de résultats.
Il faut attendre dix nouvelles années pour que les pouvoirs publics se décident enfin à placer
les compagnies devant leurs responsabilités. Par une circulaire en date du 29 juillet 1901, le
ministre des Travaux publics décide la création de compartiments « Fumeurs » dans tous les
trains et toutes les voitures effectuant des trajets supérieurs à 200 ou 250 kilomètres. De plus,
la mention « Défense de fumer » devra apparaître de façon très apparente dans les
compartiments non-fumeurs. Une fermeté qui, malheureusement, est aussitôt démentie par la
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latitude laissée aux compagnies de ne pas d’appliquer immédiatement cette mesure « afin de
ne pas modifier trop profondément et sans transition les usages établis ». Autant dire que rien,
ou presque, ne change.
1911 Un quart des compartiments réservés aux non-fumeurs, un autre quart aux
fumeurs
Les non-fumeurs repartent à la charge en 1910 par le biais du Touring Club de France. Dans
son journal de janvier 1910, celui-ci expose clairement la situation à qui veut l’entendre.
« Au temps jadis les fumeurs étaient exception.
Avec raison les compagnies se dirent : nous ferons des compartiments pour les fumeurs.
Mais, depuis, l’exception est devenue la règle et maintenant on pourrait presque dire, ce sont
les non-fumeurs qui sont l’exception.
Dès lors, il faut logiquement prendre la mesure inverse et faire des compartiments de nonfumeurs.
Que se passe-t-il actuellement, en effet ?
On appose l’étiquette Fumeurs sur un compartiment par wagon, environ, et on interdit de
fumer dans les autres compartiments.
Mais quelle est la sanction de cette interdiction ?
Une réclamation !
Neuf fois sur dix on recule devant ce procédé et on se résigne à son malheureux sort de
crainte de passer pour un original "qui ne fume pas" ou pour un grincheux.
Désagréable pour un homme, cet état de chose l’est bien plus encore pour une dame.
Il semble que les Compagnies pourraient, sans frais aucuns et avec chance de succès,
remédier à cette situation qui soulève des plaintes nombreuses
A côté du compartiment étiqueté Fumeurs, en réserver un portant l’étiquette "NONFUMEURS ! Interdiction de fumer."
De cette façon, il y en aura pour tous les goûts : le compartiment tabagique pour les pipeurs et
fumeurs endurcis, le compartiment non tabagiques pour les délicats qu’incommodent la
fumée, les autres pour les indifférents. »
Le 21 avril 1910, passant aux actes, le TCF appelle l’attention du ministre des Travaux
publics sur « l’abus de "fumerie" dans les wagons » et demande l’apposition sur certains
compartiments d’une affiche portant l’inscription « NON-FUMEURS » - Il est interdit de
fumer dans ce compartiment ». Commentant le courrier reçu au lendemain de son initiative, le
TCF précise que de tels compartiments existent déjà en Allemagne, aux Pays-Bas et en Italie
et préconise une mise en place progressive : « Si nos Administrations craignent de choquer
quelques habitudes, qu’elles appliquent au moins la mesure dans les wagons de troisième
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classe où la "fumerie" est de règle absolue et ce, à la grande incommodité de nombreuses
dames auxquelles leurs moyens de fortune ne permettent pas les premières classes ».
Faisant suite à sa demande, le ministre, par une circulaire en date du 2 août 1910, invite, les
compagnies à « reprendre la question ». Il leur rappelle en préambule les « errements » que
suscite l’usage en vigueur : « D’après ces errements, les agents du chemin de fer
n’interviennent pour faire cesser de fumer, que lorsqu’ils en sont requis ; or, il n’est pas
douteux que la nécessité, pour un voyageur que l’odeur du tabac incommode, de recourir à
l’action d’un agent ne présente de réels inconvénients : beaucoup de personnes hésitent à user
de ce procédé et se résignent à supporter une gêne véritable, dans la crainte de s’attirer des
ennuis d’un autre genre. »
Dans leurs réponses, les compagnies font remarquer que des essais dans le sens de
compartiments réservés aux non-fumeurs avaient été déjà menés sans donner de résultats
satisfaisants – ceux-ci, outre qu’ils étaient « peu recherchés », étaient devenus la cible des
fumeurs, prompts à faire disparaître les écriteaux restrictifs – et qu’il n’y avait donc pas à y
revenir. Une opinion que ne partage pas le ministre, l’expérience ayant été poursuivie que
pendant très peu de temps et dans quelques voitures seulement. En conséquence de quoi, il
estime qu’un quart environ des compartiments de chaque classe pourrait être réservé aux nonfumeurs, un autre quart aux fumeurs, l’usage du tabac dans les autres compartiments restant
soumis au consentement exprès de tous les occupants. Il demande à ce que la mention « Nonfumeurs » soit inscrite de manière à ne pouvoir être enlevée (peinte sur la portière où les
panneaux de la voiture, par exemple) et invite les agents à dresser procès-verbal à tout
contrevenant sans attendre la moindre réclamation. Ces mesures, précisent-ils, sont
applicables non seulement aux trains de long parcours, mais également aux trains de banlieue
« où l’absence de voitures à couloir central rend encore plus sensibles les inconvénients de la
situation actuelle ».
1991 Les fumeurs chassés des trains de banlieue
Quatre-vingts ans après, la loi du 9 juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme réveille
la vieille querelle fumeurs/non- fumeurs, et notamment l’article 16 qui prévoit que « dans les
locaux ou véhicules pouvant être affectés d’une manière distincte aux fumeurs et aux nonfumeurs, l’espace dévolu à ces derniers ne peut être inférieur à la moitié de l’ensemble ».
Cette recommandation est reprise par l’article 10 du décret du 12 septembre 1977 relatif aux
interdictions de fumer dans certains lieux affectés à un usage collectif où cette pratique peut
avoir des conséquences dangereuses pour la santé. Elle se traduit par l’obligation faite de
réserver aux non-fumeurs la moitié au moins des places de chacune des classes. Cette
législation a le mérite de renvoyer dos à dos les deux parties, traitées dans la plus stricte
égalité.
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Dix ans plus tard, cette égalité ne reflète déjà plus la réalité tant la supériorité numérique des
non-fumeurs est désormais évidente : un sondage Ipsos de 1987 montre, en effet, que les
places non-fumeurs accueillent désormais 73 % des voyageurs. Conséquence, le 25 juin 1990,
la SNCF signe avec Claude Evin, ministre de la Santé, une convention « anti-tabac » portant
une limitation drastique des places fumeurs, voire, dans certains cas, leur suppression totale.
Mise en application au 1er janvier 1991, elle impose l’interdiction formelle de fumer dans tous
les trains de banlieue, ainsi que dans les couloirs et plateformes des voitures non-fumeurs des
trains de grandes lignes.
La convention porte aussi le principe, à venir, d’une nouvelle répartition des places
fumeurs/non-fumeurs (dans la proportion de 30/70 contre 50/50 depuis 1977) des trains de
grandes lignes obtenue par la réservation aux voyageurs non fumeurs de deux voitures sur
trois. Repris par la loi Evin du 10 janvier 1991 (lutte contre le tabagisme par l’interdiction de
fumer dans les lieux à usage collectif, sauf dans les emplacements expressément réservés aux
fumeurs), ce principe est officialisé par l’article 10 du décret d’application du 29 mai 1992
pour une entrée en vigueur au 1er novembre suivant. En fait, la SNCF est déjà entrée dans
cette voie depuis 1989, année qui marque le début de la transformation en matériel nonfumeurs de 1 550 voitures-couchettes et de 1 600 voitures de 1re et 2e classe sur le schéma
30/70. Elle ira même, par la suite, jusqu’à 20/80 à la suite d’engagements pris auprès
d’associations d`usagers.
Suite à une enquête menée auprès des voyageurs, les bars de tous les trains de grandes lignes
(TGV et TRN) deviennent non-fumeurs le 1er juillet 1992. Parallèlement, il est décidé de
limiter les espaces fumeurs dans les TGV à une voiture de 1re classe et une voiture de 2e
classe par rame, à généraliser la proportion 30/70 dans les trains classiques3, et à n’autoriser
aux fumeurs qu’une seule plate-forme par voiture de places couchées. La mesure entre en
application le 1er novembre.
2005 Interdiction de fumer dans tous les trains
L’éradication complète du tabac commence sur les TGV (y compris ceux des services Artesia
avec l’Italie et Lyria avec la Suisse4). Elle s’effectue en deux étapes :
- suppression, à partir du 15 novembre 2002, de la voiture fumeurs de 1re classe – par
extension de l’expérience poursuivie à bord du TGV Atlantique depuis le 16 juin5 ;
3
4
L’interdiction s’étend aux plateformes et aux toilettes.
Les Eurostar (depuis le) et les Thalys (depuis le 13 juin 2004) sont déjà non-fumeurs.
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disparition, à partir du 12 décembre 2004, de la voiture fumeurs de 2e classe – par
généralisation de la mesure appliquée sur le TGV Atlantique depuis le 14 décembre
2003.
C’est ensuite le tour, le 11 décembre 2005, des Corail de jour Téoz (avec pour précurseur le
Bordeaux-Marseille-Nice mis en route le 5 septembre) et des Corail de nuit Lunéa6.
Même échéance pour les TER, qui sont mis progressivement à l’amende en suivant l’exemple
de la Haute-Normandie, pionnière en ce domaine depuis décembre 1993. En août 2005, onze
Régions ont déjà suivi cette voie, sept se sont engagées à les rejoindre d’ici à décembre de la
même année, deux ne se sont pas prononcées.
Enfin, le 1er février 2007, la SNCF franchit un nouveau pas interdisant la cigarette dans les
gares, sur les quais et dans l'ensemble de ses locaux.
Par assimilation, la cigarette électronique, apparue en France cette même année, est également
interdite, tant dans les trains que dans les gares et sur les quais.
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Le monsieur qui demande à fumer
Pierre Giffard, La Vie en chemin de fer, Paris, éditions Librairie illustrée, 1888, p. 171.
Illustration Albert Robida.
« Il est toujours pénible (pour les âmes charitables du moins) de voir son prochain faire
fausse route. C’est ce qui arrive pourtant, lorsqu’on assiste aux démarches que fait le
monsieur qui demande à fumer.
Entre hommes, cela n’a aucune importance. On supporte, on ne supporte pas l’odeur du
tabac. Ceux qui ne la supportent pas sont excessivement rares. Par conséquent, on peut
établir en principe que des hommes réunis dans un compartiment, sur une ligne ferrée de
réseau français, peuvent presque toujours fumer en s’adressant les petites questions
bébêtes.
— Monsieur, la fumée ne vous incommode pas ?...
5
re
La décision de supprimer la voiture fumeurs de 1 classe des TGV Atlantique résulte du fait que près de 80 %
des fumeurs de cette classe occupaient des places non-fumeurs, tout se réservant la possibilité d’aller fumer
dans les voitures réservées à cet effet.
6
La décision a été prise à la suite d’une expérimentation menée en octobre-décembre 2004 consistant à rendre
entièrement non-fumeurs les trains Corail des axes Boulogne-Amiens-Paris et Maubeuge-Saint-Quentin-Paris :
77 % des usagers se sont prononcés pour.
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— Monsieur, vous permettez ?...
Mais, dès qu’il y a une femme dans le compartiment, il est absolument incivil de lui
demander si le tabac la gêne. C’est ce que ne comprend pas le monsieur qui demande à
fumer. Il arrive dans un compartiment où il y a une dame, et il a le toupet, oui le toupet, de
demander à cette dame si la fumée lui est désagréable !
Neuf fois sur dix, la voyageuse répondra non pour avoir la paix, de peur que cet intrus ne lui
fasse quelque plaisanterie de mauvais gout. Mais le monsieur qui demande à fumer n’y va
pas par quatre chemins. S’il est autorisé, il fume, après quoi il ouvre la fenêtre, en plein
hiver, pour dissiper la fumée. C’est le comble de l’impolitesse.
Dès qu’une femme est dans un compartiment de chemin de fer, il faut s’abstenir de toute
question de ce genre. A moins que cette femme ne soit une Espagnole et qu’elle ne tire de
sa poche de superbes panatellas en vous demandant si vous en voulez accepter un. J’ai vu ça
une fois, mais c’est l’exception.
Croyez que jamais les femmes n’aiment la fumée du tabac, même quand elles disent le
contraire pour faire plaisir à leurs hommes : maris, pères, fils, frères, etc.
Du reste, la galanterie française à de tout temps interdit de fumer en présence des femmes.
Autrefois, on n’eût pas toléré un homme qui eût offert son bras à une femme en
mâchonnant un cigare. Aujourd’hui, c’est excusé !
Que la permission de fumer soit plus souvent octroyée à notre époque par les femmes at
home, dans la salle à manger, dans le salon, cela n’a rien d’inquiétant pour l'avenir d’un
peuple. Il ne faut rien exagérer.
Mais il faut sourire lorsqu’en wagon le monsieur demande à fumer devant des dames. »
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