Séquelles d`anoxie périnatale : apport de l`IRM

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Séquelles d`anoxie périnatale : apport de l`IRM
Journal de pédiatrie et de puériculture (2014) 27, 117—121
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CAS CLINIQUE
Séquelles d’anoxie périnatale : apport de
l’IRM
Sequelae of perinatal anoxia: Contribution of MRI
A. Aissa a,∗, M. Kherifech a, K. Ben Helal b, N. Khattat b,
Z. Habboul b, R. Alouini a
a
b
Service d’imagerie médicale, hôpital Ibn El Jazzar de Kairouan, Kairouan, Tunisie
Service de pédiatrie, hôpital Ibn El Jazzar de Kairouan, Kairouan, Tunisie
Reçu le 27 janvier 2014 ; accepté le 24 février 2014
MOTS CLÉS
Anoxo-ichémie ;
IRM ;
Enfant
KEYWORDS
Anoxic-ichemia;
MRI;
Child
∗
Introduction — Objectifs
Préciser l’apport de l’IRM dans le diagnostic positif des séquelles d’anoxie périnatale en
insistant sur les signes prédictifs évocateurs de ce diagnostic en l’absence de contexte de
souffrance fœtale.
Observations
Notre série a comporté 22 cas de séquelles d’anoxie périnatale chez 7 filles et 15 garçons
dont l’âge moyen était de 4 ans avec des extrêmes allant de 1 mois à 12 ans. 14 enfants
avaient un âge inférieur à 2 ans.
Ces enfants présentaient des épilepsies généralisées dans 15 cas et partielles dans 7 cas.
L’épilepsie était associée à un retard psychomoteur dans cinq cas, à une hypotonie
axiale et/ou périphérique dans trois cas et à un retard de croissance dans deux cas.
Des antécédents néonataux à type de souffrance fœtale aiguë (n = 10), de prématurité
(n = 5), de détresse respiratoire (n = 4) et de convulsions néonatales (n = 2) étaient notés
dans 20 cas. Dans deux cas, les antécédents n’ont pas été précisés.
L’électroencéphalogramme (EEG) a été réalisé dans 10 cas. Il était normal dans quatre
cas et de type comitial dans six cas avec des anomalies généralisées dans quatre cas et
partielles dans deux cas.
Auteur correspondant. Service de radiologie, hôpital Ibn El Jazzar de Kairouan, 3100 Kairouan, Tunisie.
Adresse e-mail : [email protected] (A. Aissa).
http://dx.doi.org/10.1016/j.jpp.2014.02.005
0987-7983/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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A. Aissa et al.
L’IRM a permis de faire le diagnostic de lésions anoxoischémiques en montrant une atrophie corticale et/ou
sous-corticale localisée ou généralisée associée à des anomalies de signal de la substance blanche à type d’hypersignal
T2, FLAIR et hypo- ou iso-signal T1 en rapport avec la gliose
(Fig. 1 et 2).
Un aspect d’ulégyrie a également été noté dans quatre
cas avec un aspect irrégulier du cortex cérébral, des gyri
de petites tailles en formes de champignons, séparés par
des sillons de grande taille et une gliose de la substance
blanche sous-corticale (Fig. 1). Une cavité porencéphalique a été notée dans cinq cas (Fig. 2). Notre série a
comporté un cas d’encéphalomalacie multi-kystique (Fig. 3)
et deux cas de leucomalacie périventriculaire kystique
(Fig. 4).
Les lésions anoxo-ischémiques étaient associées à une
atrophie du corps calleux dans 5 cas.
Discussion
L’encéphalopathie hypoxo-ischémique se définit comme la
souffrance anoxique du cerveau du nouveau-né. Il s’agit
d’une complication sévère et fréquente de l’asphyxie néonatale [1].
Elle peut conduire à une épilepsie isolée ou à une
infirmité motrice cérébrale avec ou sans retard mental
[2,3].
Dans notre série, les lésions anoxo-ischémiques étaient
les anomalies les plus fréquentes, elles étaient retrouvées
chez 22 enfants, soit dans 32,3 % des cas.
Les patients présentaient des antécédents péri- et néonataux à type de souffrance fœtale aiguë (n = 10), de
prématurité (n = 4), d’asphyxie (n = 5) et de convulsions
néonatales (n = 2). L’épilepsie était associée à un retard
psychomoteur (n = 5), à une hypotonie axiale et/ou périphérique (n = 3) et à un retard de croissance (n = 2).
Ce diagnostic a été retenu après la confrontation des
données anamnestiques, cliniques et radiologiques.
Nos résultats concordent avec les résultats de la littérature où les lésions anoxo-ischémiques représentent les
lésions les plus fréquemment retrouvées chez l’enfant épileptique [4—6].
Chez les prématurés
Les lésions ischémiques affectent la SB profonde et réalisent
des lésions de leucomalacie périventriculaire (LPV) [1,2].
La LPV est définie par des lésions de nécrose et/ou de
gliose de la SB périventriculaire.
Au stade aigu, les lésions de la SB peuvent être visibles
sous la forme de plages en hypersignal T2. Les séquences
en diffusion peuvent dépister les lésions de leucomalacie au stade précoce. Des hypersignaux en pondération
T1 et des hypo-signaux en pondération T2, sont également décrits, possiblement en rapport avec une infiltration
macrophagique ou des lésions hémorragiques. Les lésions de
leucomalacie sont visibles le plus souvent en regard de la
substance blanche péri-trigonale, des radiations optiques,
de la substance blanche périventriculaire pariétale, des
lobes temporaux, des coronas radiatas et des centres semiovales.
Figure 1. IRM cérébrale réalisée chez un enfant âgé de 2 ans aux
antécédents de souffrance fœtale aiguë suivi pour épilepsie généralisée. Coupes sagittale en T1 (a), axiales en T1 (b), T2 (c) et
FLAIR (d) : atrophie cortico-sous-corticale péri-rolandique gauche
avec élargissement des espaces sous-arachnoïdiens associée à une
ulégyrie (flèche) et une gliose sous-corticale en regard (tête de
flèche).
Séquelles d’anoxie périnatale : apport de l’IRM
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Au stade subaigu, on distingue 2 types de lésions de LPV :
La LPV kystique
Elle est caractérisée par l’évolution vers la kystisation.
Les lésions apparaissent alors sous la forme de plages
en hypersignal T2 et en hypo-signal T1, de tailles variables, de paroi fine, plus ou moins confluentes entre
elles.
Ce phénomène de kystisation intervient en 1 à
3 semaines.
Il en résulte des séquelles neurologiques dans 75 % des
cas.
La plupart de ces kystes sera ensuite incorporée dans les
ventricules latéraux adjacents, qui apparaîtront dilatés et
de paroi irrégulière [1].
La LPV non kystique
Figure 2. IRM cérébrale. Coupes axiale en T2 Flair (a) et sagittale en T1 (b). Étude métabolique en spectroscopie monovoxel à TE
long (c) et court (d). Cavité porencéphalique du centre semi-ovale
gauche entourée d’une plage en hypersignal FLAIR en rapport avec
la gliose (flèche). La spectroscopie montre une baisse du rapport
NAA/Cr témoin de la perte neuronale et de l’hypo-métabolisme des
cellules neuronales.
Les lésions moins sévères n’évoluent pas vers la cavitation
mais vers des phénomènes de gliose.
Au stade séquellaire, la gliose entraine une perte
de volume de la substance blanche décelable sous la
forme d’une ventriculomégalie dont les contours pourront
apparaître irréguliers associée à un hypersignal T2 à prédominance périventriculaire.
Les séquelles neurologiques sont moins fréquentes que
dans la LPV kystique.
Chez le nouveau-né à terme :
La SG (cortex et noyaux gris centraux) est plus sensible
à l’hypoxo-ischémie que la substance blanche.
La particularité du cerveau du nouveau-né à terme est sa
capacité à répondre à l’atteinte ischémique par des phénomènes de gliose.
Il existe une grande variété de lésions possibles, qui vont
s’associer entre elles diversement [1] :
L’atteinte corticale est responsable au stade tardif d’une
atrophie corticale et des aspects d’ulégyrie.
L’ulégyrie ou microgyrie sclérotique est une entité
particulière responsable d’épilepsie partielle d’apparition
souvent retardée. Elle résulte d’une perfusion insuffisante
du cortex en période périnatale et affecte les couches
profondes du cortex. Les lésions résiduelles consistent en
une perte neuronale irrégulière et multifocale du fond
des sillons associée à une gliose sous-jacente [7]. Ces
lésions sont à l’origine d’un aspect déchiqueté et irrégulier du cortex cérébral avec des gyri de petites tailles,
atrophiques, en formes de champignons, séparés par des
sillons de grande taille avec une importante gliose de la SB
sous-corticale. Ils sont à distinguer des polymicrogyries qui
sont formés de petits gyri partiellement fusionnés, séparés par des sillons peu profonds. Cet aspect déchiqueté
du cortex est bien vu sur les séquences T1 et on note une
importante gliose de la substance blanche sous-corticale
qui se présente en hypersignal T2 et FLAIR. L’ulégyrie est
plus fréquente dans les zones transitionnelles, affectant
les lobes frontaux et la partie interne des lobes occipitaux
[8].
Notre série a comporté quatre cas avec des lésions à
type d’ulégyrie. Elle était de situation occipitale (n = 2),
péri-rolandique (n = 1) et temporale (n = 1).
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A. Aissa et al.
Figure 3. Enfant âgé de 11 ans aux antécédents d’asphyxie périnatale suivi pour retard psychomoteur avec une épilepsie généralisée
pharmaco-résistante. IRM cérébrale. Coupes axiale T2 (a), coronale T2 (b) et sagittale T1 (c). Encéphalomalacie multikystique : liquéfaction
avec cavitation des hémisphères cérébraux en hyposignal T1, hypersignal T2 épargnant les lobes temporaux et respectant le tronc cérébral
et le cervelet.
Figure 4. Nourrisson âgé de 4 mois aux antécédents d’asphyxie périnatale suivi pour épilepsie généralisée. IRM cérébrale. Coupes coronale
en T2, axiale en T2 Flair, et sagittale en T1. Lissencéphalie type I avec leucomalacie périventriculaire kystique. Aspect en hypersignal T2,
hyposignal en T2 Flair de la substance blanche périventriculaire, siège de quelques lésions kystiques, de taille variable, à paroi fine, plus
au moins confluentes (flèches).
• l’atteinte de la substance blanche sous-corticale est responsable :
◦ à la phase subaiguë d’un hypersignal cortico-souscortical en T2 et d’un hypersignal cortical marqué en
T1 avec perte de la différenciation substance grisesubstance blanche,
◦ à la phase chronique d’une atrophie des zones
concernées par l’ischémie, avec un amincissement du
ruban cortical, de la SB atteinte et une dilatation du VL
adjacent ;
• l’atteinte des noyaux gris centraux, fait suite à une perte
neuronale puis à une gliose avec hypermyélinisation qui
sera visible à l’âge de 8 mois environ sous la forme d’un
aspect marbré hétérogène des noyaux gris [1] ;
• chez le nouveau-né développant une encéphalopathie
dévastatrice (asphyxie profonde) après la naissance,
on peut voir une encéphalomalacie multikystique avec
œdème cérébral généralisé et liquéfaction des hémisphères cérébraux. Seuls les noyaux gris, le tronc cérébral
et le cervelet sont préservés [1,3,8].
Conclusion
En l’absence de contexte clinique de souffrance fœtale,
l’IRM permet d’évoquer le diagnostic de séquelles
d’anoxie périnatale sur un faisceau d’arguments. L’étude
métabolique par SRM est un complément très utile à
l’étude morphologique, en confirmant la perte neuronale
par la baisse du NAA et du ratio NAA/Cr. Ainsi, l’IRM nous
permet d’éviter d’autres examens complémentaires en
vu du diagnostic étiologique particulièrement du retard
mental.
Références
[1] Anthonioz C, Loisel D, Delorme B, Pasco-Papon A, Aube
C, Caron C. Aspects IRM de l’encéphalopathie anoxoischémiques du nouveau-né à terme et du prématuré. J Radiol
2006;87:1651—70.
[2] Trichard M, Léautaud A, Bednarek N, Mac-Caby G, CardiniPoirier S, Motte J, et al. L’imagerie par résonance magnétique
dans l’exploration des épilepsies de l’enfant. Arch Pediatr
2012;19:509—22.
[3] Wright NB. Imaging in epilepsy: a pediatric perspective. Br J
Radiol 2001;74:575—89.
[4] Guissard G, Damry N, Dan B, David P, Sékhara T, Ziereisen
F, et al. Imagerie de l’épilepsie chez l’enfant. Arch Pediatr
2005;12:337—46.
[5] Gergont A, Kroczka S, Kacinski M. The causes of symptomatic
epilepsy in children aged 3-18 years hospitalized in the years
2006-2007. Przegl Lek 2008;65:751—7.
[6] Kurian M, Spinelli L, Delavelle J. Multimodality imaging for focus
localization in pediatric pharmacoresistant epilepsy. Epileptic
Disord 2007;9:20—31.
Séquelles d’anoxie périnatale : apport de l’IRM
[7] Sellier N. Diagnostic d’un retard psychomoteur, d’une épilepsie,
malformations cérébrales. Edicerf Pédiatrie. http://www.med.
univ-rennes1.fr/cerf/edicerf/PEDIATRIE/25 RETARD PSYCHOMOTEUR.html.
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[8] Nikas I, Dermentzoglou V, Theofranoploulou M, Theodoropoulos V. Parasagittal lesions and Ulegyria in hypoxic-ischemic
encephalopathy: neuroimaging findings and review of the pathogenesis. J Child Neurol 2008;23:51—9.