CHAPITRE 07 LA CIRCULATION EXTRACORPORELLE

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CHAPITRE 07 LA CIRCULATION EXTRACORPORELLE
PAC
•
Précis d’Anesthésie Cardiaque
CHAPITRE 07
LA CIRCULATION
EXTRACORPORELLE
Mise à jour: Septembre 2013
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
1
Table des matières
Introduction
Machines et circuits
Schéma général
Amorçage
Drainage veineux et réservoir
Oxygénateur
Echangeur thermique
Pompes
Circuit artériel et filtres
Aspirations
Circuit de cardioplégie
Drainage du VG
Hémofiltration
Mini-CEC
Anticoagulation en CEC
Agents antifibrinolytiques
Physiopathologie de la CEC
Aspects hématologiques
Syndome inflammatoire
Hémodynamique
Hypothermie
Embolies gazeuses
Bilan hydrique et métabolique
Fonction cérébrale
Fonction rénale
Fonction hépato-splanchnique
Fonction pulmonaire
Pharmacologie de la CEC
Pharmacocinétique
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Agents spécifiques
Déroulement de la CEC
Démarrage de la CEC
Surveillance anesthésique
Réchauffement
Incidents et accidents
Place de l’ETO
Sevrage de la CEC
Purge des cavités gauches
Préparation à la mise en charge
Mise en charge
Période post-CEC
Arythmies et pace-maker
Administration de protamine
Insuffisance ventriculaire
Protection myocardique
Arrêt par cardioplégie
Techniques de cardioplégie
Incidents et accidents
Que faire en cas de problème ?
CEC en chirurgie non-cardiaque
Technique de la CEC de soutien
Assistance percutanée
CEC de réchauffement
Perfusion isolée de membres
Conclusions
Bibliographie
Auteurs
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Ce Chapitre est dédié à la mémoire de Marcel Saudan, le premier perfusionniste lausannois.
Introduction
La circulation extra-corporelle (CEC) a déjà une longue histoire. L'idée d'une perfusion artificielle
revient au physiologiste français Jean-Jacques Le Gallois qui avait perfusé la tête de lapins décapités
pour prouver que la circulation du sang maintenait la fonction de l'organe. Le prototype de machine
coeur-poumon avec contrôle de la température a été imaginé en 1884 par von Frey et Gruber, mais
c'est Hooker, en 1915, qui a construit le précurseur des oxygénateurs à film: il s'agissait d'un disque de
caoutchouc sur lequel le sang se répandait en un film oxygéné par contact direct avec un flux d'O2. Ces
montages avaient peu de succès, car le sang coagulait très rapidement. En effet, il a fallu attendre la
découverte de l'héparine en 1916 et celle de la protamine 20 ans plus tard pour que ce problème soit
résolu [339]. Ce n'est qu'en 1937 que John Gibbon créa la première machine de CEC complète qui
permette la survie d'animaux en laboratoire; l'oxygénateur était un écran à disques rotatifs. En 1953,
cette machine permit de fermer avec succès une CIA chez un patient de 18 ans au cours d'une CEC de
45 minutes [126]. Pour Gibbon, c'était l'aboutissement de 23 ans de recherche et de conceptions de
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circuits extracorporels. Il devint ainsi le "père de la CEC" et le premier perfusionniste de l'histoire. Les
premiers circuits de CEC étaient encombrants et dangereux; ils demandaient un amorçage de plusieurs
litres de sang, et fonctionnaient avec un oxygénateur fait de grands disques plongeant partiellement
dans le sang et tournant dans une chambre pleine d'oxygène. Le tout était lavé et réutilisé pour un autre
patient. Seuls les tuyaux étaient à usage unique. C'était le cas de la première machine lausannoise,
celle de Livio-Mettraux, datant de 1960 (voir Figure 7.2A, page 5).
Le problème de l'oxygénateur restait lancinant, car les modèles à disques causaient d'innombrables
ennuis et manquaient d'efficacité. Dès 1956, DeWall et Lillehei dessinèrent un système réalisable en
plastic et consistant en une chambre où le sang était oxygéné par barbotage de bulles d'oxygène,
surmontée d'une chambre de débullage remplie d'un agent anti-mousse et d'un réservoir hélicoïdal. De
nouvelles entreprises se lancèrent dans la commercialisation de ces appareils: Bentley™, Travenol™,
etc. Le premier appareil de ce type largement utilisé en Europe fut celui de Rygg et Kyvsgaard; c'était
un sac de polyéthylène disposable contenant l'ensemble des éléments (voir Chapitre 1, Figure 1.2); il
fut très répandu jusqu'à la fin des années soixante-dix parce qu'il était simple, efficace et bon marché.
Mais l'oxygénateur à bulles restait une cause majeure d'embolie gazeuse; de plus, dès que la CEC
dépassait une heure, le contact direct du sang avec l'air entraînait une dénaturation protéique et une
activation du complément qui étaient la cause d'un syndrome inflammatoire systémique massif et très
souvent d'un SDRA, que l'on appelait le pump lung. Comme les membranes de dialyse rénale étaient
performantes, l'idée vint de les utiliser pour la diffusion de l'O2 sans que ce dernier soit en contact
direct avec le sang. On utilisa des plaques d'éthyl-cellulose, de Teflon™ puis de silicone, arrangées en
couches ou en tubules. Bien que les problèmes de contact air-sang soient résolus, les oxygénateurs à
membranes ont mis du temps à s'imposer à cause de leur complexité et de leur prix. Actuellement,
leurs perfectionnements et leur facilité d'utilisation en font les seuls systèmes utilisés dans les
machines de CEC; ils consistent en un bloc comprenant l'oxygénateur, le réservoir veineux et
l'échangeur thermique (voir Figure 7.6, page 14).
A l'exception de la pompe, tous les éléments de la CEC sont maintenant à usage unique. Le circuit
comprend également de nombreux systèmes de sécurité qui n'existaient pas sur les premiers modèles:
moniteur de bulles, filtres artériels et veineux, monitorage de SaO2 et de SvO2, asservissement de la
pompe au niveau du réservoir, etc. Les travaux actuels portent essentiellement sur l'amélioration de la
biocompatibilité des surfaces de contact, sur la réduction de la réaction inflammatoire et sur la
miniaturisation de tout le système.
Evolution de la technologie
La première CEC clinique date de 1953. A cette époque, l’oxygénateur était fait d’une série de
disques rotatifs sur lesquels le sang était étalé en contact avec l’O2. Ce système a été remplacé par les
oxygénateurs à bulles, et actuellement par les oxygénateurs à membrane. Tous les composants en
contact avec le sang sont maintenant à usage unique (canules, tuyaux, réservoir, oxygénateur,
échangeur thermique, filtres) et montés ensemble pour en faciliter la manutention.
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Machines et circuits de CEC
Schéma général
Par rapport aux machines historiques, les systèmes actuels sont à la fois plus sûrs et plus sophistiqués,
mais ils contiennent toujours les mêmes éléments:




Un réservoir veineux ;
Un oxygénateur ;
Un échangeur de chaleur ;
Une pompe.
Leur but est triple: maintenir la perfusion systémique, assurer les échanges gazeux pour l'O2 et le CO2,
et régler la température. Le sang est capté du côté veineux systémique et renvoyé dans l'aorte ou dans
une grande artère une fois oxygéné; la circulation pulmonaire est court-circuitée. Tout le matériel en
contact direct avec le sang est à usage unique (tuyaux, réservoir, oxygénateur, etc). Le débit théorique
assuré est de 2.0 à 2.5 L/min/m2 (70 mL/kg/min) (routine: 2.4 L/min/m2). La pression artérielle est en
général maintenue entre 60 et 90 mmHg (voir Hémodynamique, page 51).
Le montage général du circuit de CEC est bien standardisé. La partie principale est constituée de 5
éléments qui se succèdent dans l'ordre suivant (Figure 7.1 et Figure 7.2) [167].
6
6
1
1
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3
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2
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4
4
A
O2
B
O2
© Chassot 2012
Figure 7.1 : Représentations schématiques d'un circuit de CEC. A : avec un oxygénateur à membrane ; celui-ci
présentant une certaine résistance, il est placé après la pompe. B : avec un oxygénateur à bulles ; celui-ci
présentant peu de résistance, il est placé entre le réservoir veineux et la pompe. 1: canule de drainage veineux. 2:
réservoir veineux. 3: pompe principale. 4: oxygénateur. 5: échangeur de chaleur. 6: filtre et canule artérielle.
 Une large canule veineuse conduisant à un réservoir veineux dans lequel le sang se draine par
gravité ;
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 Une pompe principale, le plus souvent à galet; cette pompe est placée entre le réservoir
veineux et l'oxygénateur à membrane ; à l’époque des oxygénateurs à bulle, elle était placée
après ce dernier ;
 Un oxygénateur, auquel est associé un évaporateur d'halogéné (le plus souvent isoflurane ou
sevoflurane) et un débitmètre air-oxygène (blender) dont la FiO2 règle la PaO2, et le débit de
gaz frais la PaCO2 ;
 Un échangeur de chaleur; il est le plus souvent couplé à l'oxygénateur ;
 Un circuit artériel ramenant le sang oxygéné dans l'aorte ou dans une artère périphérique
(fémorale, sous-clavière droite).
B
B2
B1
C
A
B1-B2
Figure 7.2 : Machines de CEC. A gauche: machine historique de Livio-Mettraux, Lausanne 1962. A droite:
machine moderne. A: console centrale avec commandes des pompes (boutons bleus). B: réservoir veineux. B1:
oxygénateur. B2 : échangeur thermique (couplé à l’oxygénateur et au réservoir dans la machine moderne). C:
pompes. D: écrans de contrôle. E: Mélangeur de gaz et vaporisateur. F: bac fournissant de l'eau à température
variable pour l'échangeur thermique. G: circuit de cardioplégie. A 50 ans d’écart, les pompes n’ont pas changé,
mais l’oxygénateur s’est complètement transformé.
Le circuit est complété de plusieurs éléments (Figure 7.3).
 Un filtre artériel qui capte les particules dont la taille est supérieure à 40 microns et joue le
rôle de piège à bulles ;
 Deux circuits d'aspiration: aspiration "droite" pour le sang aspiré dans le champ opératoire,
"gauche" pour le sang aspiré dans la circulation gauche; ils peuvent être complétés par une
aspiration de cardiotomie ;
 Un circuit de cardioplégie ;
 Un système de contrôle de la pression dans le circuit artériel qui asservit le débit de la pompe
maîtresse au-delà d'une limite fixée par le perfusionniste ;
 Un système de contrôle en ligne de la saturation en oxygène du sang veineux et du sang
artériel ;
 Un système de contrôle du niveau du liquide dans le réservoir veineux qui asservit le débit de
la pompe maîtresse en deçà d'une limite fixée par le perfusionniste ;
 Un système de contrôle de la présence de bulles dans le circuit ;
 Un système de mesure de la température veineuse et artérielle.
Deux matériaux différents sont utilisés pour les tuyaux: le polychlorure de vinyle (PVC) et les
silicones. Le PVC, transparent, rejette peu de particules mais présente une tenue limitée à la traction et
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à l'étirement. Le silicone respecte mieux la déformabilité des globules rouges et diminue l'agrégation
plaquettaire, mais libère facilement des particules. Comme les surfaces étrangères et le contact avec
l'air sont les sources principales des altérations de la coagulation, de l'hémolyse et du syndrome
inflammatoire systémique post-pompe (voir Syndrome inflammatoire systémique, page 43), la
recherche autour des améliorations possibles des circuits de CEC est très active. On suit actuellement
plusieurs pistes, parmi lesquelles [138].
Ligne de cardioplégie
Ligne
artérielle
Aspiration aortique
Aspiration de
cardiotomie
Solution
cardioplégique
s
Aspiration VG
Moniteur
SvO2
Réservoir de
cardiotomie
Filtre
Clamp
veineux
Détecteur
de bulles
SaO2
Filtre
artériel
+ trappe
à bulles
Filtre
gaz
Pompes
aspirations
Réservoir
Détecteur veineux
de niveau
Oxygénateur
Pompe de
cardioplégie
Débitmètre
(P centrifuge)
Détecteur
de bulles
Pompe
artérielle
Echangeur
thermique
FiO2
Vaporisateur
Débit
mètre
O2
Air
Blender
Figure 7.3 : Représentation synthétique d'un circuit complet de CEC avec tous ses éléments. En rouge : circuit
du sang. En vert : circuit de l’eau et de l’échangeur thermique. En jaune : circuit des gaz frais. Blender :
mélangeur O2/air. X : court-ciruit clampé (adapté de Gravlee GP, ed. Cardiopulmonary bypass: Principles and
practice, 2nd edition. Philadelphia : Lippincott, Williams & Wilkins, 2000, p 70).
 Circuits préhéparinés: l'adhésion sélective de protéines plasmatiques sur la surface étrangère
conduit à la création d'un film moléculaire qui empèche la progression de la cascale de
coagulation. L'adhésivité plaquettaire est réduite, de même que l'activation du complément et
l'adsorption des facteurs de coagulation. On peut diminuer l’ACT requis à 250-300 sec, mais
le sang ne peut pas stagner dans le circuit, car le risque de voir se former des thrombi dans le
réservoir ou l’oxygénateur est élevé. Il faut donc maintenir la circulation dans la CEC au
moyen d’un court-circuit entre la canule artérielle et la canule veineuse.
 Circuits rendus biocompatibles par imprégnation de polymères (poly-2-méthoxy-éthylacrylate, phosphorylcholine, siloxane) ou de molécules anti-inflammatoires (facteur H
inhibant le complément C3a, phospholipides de la membrane plaquettaire). Ces substances
freinent la cascade du complément et l'activation leucocytaire.
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Ces améliorations tendent à diminuer l’activation du système coagulatoire et inflammatoire, à minorer
les lésions plaquettaires et à réduire le taux de transfusion. Elles ont un impact sur les complications
postopératoires dans les cas à haut risque, mais ont peu ou pas d'influence pour les interventions
standards chez des patients à risque faible [222,254,335]. Vu l'augmentation de prix des circuits, ces
modifications ne présentent pas forcément un rapport coût / bénéfice favorable à leur utilisation de
routine.
La cascade coagulatoire et le syndrome inflammatoire systémique sont déclenchés par les tissus
cruentés (plaie opératoire), par les surfaces étrangères (circuits de CEC), et surtout par le contact avec
l’air. Pour ces raisons, les améliorations technologiques actuelles visent deux points particuliers :
 Suppression du contact avec l’air par l’abolition du résevoir veineux ouvert ;
 Réduction de la surface de contact en miniaturisant les circuits.
D’autre part, le remplissage du circuit avec le sang du malade (autologous prime) par voie antérograde
(canule veineuse) ou rétrograde (canule artérielle) minimise l’hémodilution et réduit le besoin en
transfusion (voir ci-après Amorçage).
En CEC, l'hémodynamique est principalement maintenue par le débit de la pompe maîtresse dont le
perfusionniste a la responsabilité et le contrôle. Après le stress de l'induction, cette période est un
moment de moindre concentration pour l'anesthésiste, voir l’occasion de disparaître dans son bureau
ou à la cafétéria du bloc opératoire ! Le temps de la CEC est pourtant une période d'étroite
collaboration avec le chirurgien et le perfusionniste. Une communication permanente entre les trois est
indispensable au bon déroulement de l'intervention.
Schéma général de la CEC
La machine de CEC comprend les éléments suivants, dans le sens de circulation du sang :
- Canule veineuse
- Aspirations
- Réservoir veineux, (avec filtre), réservoir de cardiotomie
- Pompe principale
- Oxygénateur (avec mélangeur de gaz O2/air et évaporateur halogéné)
- Echangeur thermique
- Canule artérielle (avec filtre et piège à bulles)
- Circuit de cardioplégie
Surveillance : pression dans la canule artérielle, débit de pompe, débit de gaz, SvO2, SaO2, niveau du
réservoir veineux, détecteur de bulles, températures artérielle et veineuse.
Liquide d’amorçage (Priming)
Volume et composition
Avant d'être connecté au patient, le système doit être rempli d'une solution physiologique. Ce volume
d'amorçage (priming) est variable selon les modèles, mais il oscille entre 800 mL et 2.0 L (moyenne :
1'200 – 1'500 mL), soit environ un tiers du volume circulant du patient (volume circulant = 7% du
poids corporel). Sa constitution est très variable selon les institutions. Il s’agit d'une solution hydroélectrolytique, souvent additionnée d'un colloïde et éventuellement de sang allologue selon
l'hématocrite du patient [42,199,306].
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 Cristalloïdes : ils diffusent dans tout le liquide extracellulaire et seuls 20% du volume reste
dans l’espace intravasculaire.
 Hydroxy-éthyl-amidons (HES) de 1ère et 2ème génération (polymère de glucose dérivé de
l’amylopectine, de poids moléculaire élevé avec haut degré de substitution) : excrétion lente,
altération de la fonction plaquettaire et de la coagulation ; dose maximale limitée à 1.5 g/kg/j ;
risque de dysfonction rénale en cas de dépassement de cette limite.
 Hydroxy-éthyl-amidons (HES) de 3ème génération (poids moléculaire bas et faible degré de
substitution) : pas d’accumulation plasmatique ni de dysfonction rénale, moins d’effet sur la
coagulation lors de CEC ; dose maximale : 3 g/kg/jour.
 Albumine : bon effet oncotique, absence de réactions allergiques, mais très onéreuse ; demivie de 20 jours. Pas d’effet sur la morbi-mortalité comparée aux autres solutions, sauf dans les
cas de lésions cérébrales, où l’albumine aggrave le pronostic.
Même si le volume circulant est mieux préservé avec des colloïdes qu’avec des cristalloïdes, les
fonctions pulmonaires ne paraissent pas modifiées par ce choix tant que la surcharge est évitée. La
coagulation est certainement moins affectée par les cristalloïdes que par les colloïdes. L'utilisation de
colloïde n'est pas recommandée en cas de troubles de l'hémostase (hémophilie, maladie de
Wildebrand), chez les cirrhotiques et chez les patients dialysés. L’albumine est préférable dans ces
circonstances, car elle ne modifie pas la coagulation [306]. Malheureusement, la littérature récente,
particulièrement en soins intensifs [204a,222a], tend à démontrer que les HES augmentent
significativement le taux d’insuffisance rénale (20-35%), le risque hémorragique (40-50%) et, en cas
de sepsis, la mortalité (17%). De ce fait, l’European Medicines Agency (EMA) a jugé en 2013 que les
risques liés aux HES outrepassent les bénéfices que l’on peut en attendre, et a recommandé de retirer
ces substances du marché européen. Cette décision abrupte étend à la CEC une précaution
probablement justifiée en soins intensifs, en dépit de l’absence de données confirmant ces craintes en
salle d’opération [260a]. De son côté, la FDA (Federal Drug Agency, USA) a préconisé le retrait des
HES en soins intensifs, mais non en chirurgie. En conséquence, les HES ne peuvent plus être
recommandés dans la composition des solutions d’amorçage, qui tendent à ne contenir que des
cristalloïdes, additionnés ou non de gélatines ou d’albumine.
Les dextrans augmentent le risque de saignement, de réaction anaphylactique et d’insuffisance rénale.
Les gélatines (dérivées du collagène bovin) n’ont pas d’effet sur la coagulation, mais ont une excrétion
rénale rapide et un maintien du volume très limité dans le temps (< 2 heures) ; les réactions allergiques
sont fréquentes. L’albumine est probablement la moins dangereuse, mais elle reste très onéreuse.
Outre 5’000-10'000 unités d’héparine (voir Anticoagulation, page 30), plusieurs substances peuvent
être ajoutées au liquide d’amorçage selon les protocoles.
 Antifibrinolytique : il diminue les risques hémorragiques, particulièrement chez les patients
sous antiplaquettaires. Depuis son retrait en 2007, la plupart des centres a choisi de remplacer
l’aprotinine par l’acide tranexamique (Anvitoff®, Cyclokapron®). Bien que légèrement moins
efficace, il ne déclenche pas de réactions allergiques ni de dysfonction rénale. La dose de CEC
(10-30 mg/kg) est une répétition de la première dose donnée à l’ouverture du péricarde [360].
 Mannitol : le bénéfice de ses effets oncotique, diurétique et néphroprotecteur n’a jamais été
démontré ; il est même possible qu’il péjore la fonction rénale [69].
 Stéroïdes : ils réduisent l’intensité du syndrome inflammatoire systémique déclenché par la
CEC et par la chirurgie [8], mais leur plein effet n’étant atteint qu’après 45 minutes, il est
préférable de les administrer à l’induction plutôt que dans la CEC.
 On évite le glucose dans le priming car l’hyperglycémie aggrave les risques neurologiques.
Comme exemple, la routine dans notre institution (CHUV, Lausanne) consiste en 800-1500 mL
Plasmalyte® + 10'000 UI héparine. Le Plasmalyte® est une solution isotonique à pH neutre, sans Ca2+
(en mEq/L : Na+ 140, K+ 5.0, Mg2+ 3.0, Cl- 98, acétate 27, gluconate 23, 295 mosm/L, pH 7.4).
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Hémodilution
L'hématocrite (Ht) recherché pour la CEC est de 24-28%, selon la température prévue. Cette baisse de
l’Ht est nécessaire pour diminuer la viscosité sanguine et améliorer la microcirculation en
hypothermie. En effet, la viscosité augmente de 30% à 27°C, mais elle chute de 30% lorsque l'Ht
diminue de 40% à 25% [148]. Ainsi, en hypothermie, la viscosité reste à peu près stable lorsque la
valeur de l'Ht en pourcent est la même que celle de la température en degrés C [152]. L'hématocrite
recherché en cours de CEC (Ht CEC) se calcule de la manière suivante:
HtCEC = Ht • VC / (VC + vol CEC)
où:
VC = volume circulant (7% du poids corporel du patient)
vol CEC = volume d'amorçage
Ht = hématocrite actuel du patient
L'hémodilution normovolémique est bien tolérée et compense les effets de l'hypothermie, mais elle
diminue simultanément le transport d'O2 et affecte différemment les organes. Pour une Hb < 70 g/L, la
réserve coronarienne diminue de 50% et la perfusion splanchnique est à la limite de l'ischémie
clinique, mais le flux sanguin cérébral s’élève de 45% et le flux plasmatique rénal augmente dans la
zone corticale [267,343]. L’hémodilution en CEC a des limites. Un Ht inférieur à 23%, par exemple,
s'est avéré être un facteur prédictif indépendant de morbi-mortalité postopératoire [141]. L'Ht n’a pas
d’influence sur le status neurologique postopératoire tant qu’il reste supérieur à 30% chez l'adulte
normal [365], mais les troubles cognitifs deviennent plus importants lorsque l’Ht minimal est de 1517% [96] et le risque d’AVC augmente de 10% pour chaque pourcent d’Ht en dessous de 25% [179].
Chez les enfants, la comparaison entre un Ht bas (21%) ou élevé (28%) démontre que le score
neurologique et le développement psychomoteur sont meilleurs dans le deuxième cas [170]. D’autre
part, la fonction rénale s’aggrave linéairement avec la baisse de l’hémoglobine lorsque l’hématocrite
est inférieur à 30% [348]. La correction de l’anémie par une transfusion n’est pas curative car, à valeur
similaire d'Ht, les patients transfusés présentent systématiquement une péjoration de leur fonction
rénale par rapport à ceux qui ne sont pas transfusés; leur mortalité est plus élevée (3.8% versus 1.4%)
et leur incidence d'insuffisance rénale plus importante (12% versus 3.4%) (voir Chapitre 28, Figure
28.9) [142]. L'anémie aggrave donc la situation, mais la transfusion, au lieu de la corriger, ajoute un
facteur délétère supplémentaire.
Une valeur de 25-28% est donc la limite inférieure de sécurité pour l’Ht en cours de CEC. Plusieurs
moyens sont à disposition pour éviter de descendre en dessous de ce niveau.





Eviter l’anémie préopératoire en préparant les malades avec du fer et/ou de l’érythropoïétine ;
Limiter le volume d’amorçage ;
Limiter les perfusions de liquide clair ;
Restriction de la longueur et du volume de la tuyauterie, mini-CEC ;
Amorçage autologue.
L’amorçage autologue (autologous priming) consiste à remplacer le volume d’amorçage par le sang
du malade dès le début de la CEC.
 Amorçage rétrograde (retro-priming) : stockage avec la pompe artérielle d’environ 500 mL
évacués dans une poche ou dans le réservoir veineux ;
 Amorçage antérograde : siphonnage d’environ 500 mL par déclivité à partir de la canule
veineuse (sens normal du circuit) ;
 Dans les deux cas, le sang du malade remplace une partie de la solution d’amorçage qui est
évacuée vers l’extérieur. La poche de stockage ne doit jamais être en dessous du niveau de
l’oxygénateur, qui serait alors en dépression (risque d’aspiration d’air et d’embolie gazeuse).
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Ces deux techniques réduisent à quelques centaines de millilitres la quantité totale de cristalloïdes
restés dans la machine et perfusés au patient. Elles diminuent ainsi la chute de la pression oncotique et
l’hémodilution des médicaments en début de CEC ; elles diminuent également le taux de transfusion et
l’œdème intersticiel dans les poumons et le coeur [107].
Amorçage
Volume de remplissage de la machine de CEC : 1'000 – 1'500 mL. Constitué habituellement pour 2/3
de cristalloïde et 1/3 de colloïde (ou albumine). Substances ajoutées : héparine, antifibrinolytique,
mannitol, stéroïde.
Ce volume provoque une hémodilution (Ht 25-30%), nécessaire pour freiner l’augmentation de la
viscosité du sang à basse température. En hypothermie, la viscosité reste stable lorsque la valeur de
l'Ht en % est la même que celle de la température en degrés C°. Lorsque l’Ht est < 25%, le status
neurologique et la fonction rénale postopératoires sont péjorés. Une valeur de 25-28% est la limite
inférieure de sécurité pour l’Ht en CEC.
Pour diminuer le volume d’amorçage, on peut réduire la taille du système de CEC, supprimer le
réservoir veineux et/ou remplir partiellement la machine avec le sang du patient (priming autologue).
Drainage et réservoir veineux
Canules veineuses
Le sang veineux est habituellement drainé depuis l'OD par une ou deux canules de grande taille (36F –
51F) connectées à un tuyau d'un demi-pouce (Figure 7.4). Le système à une seule canule est plus
simple, plus rapide, et ne nécessite qu'une seule incision dans l'oreillette, habituellement au niveau de
l'appendice auriculaire; la canule a des orifices situées dans l'OD et se prolonge par un tube moins
large qui est introduit dans la veine cave inférieure (VCI). Ce système est très sensible aux
manipulations du coeur et n'assure pas une étanchéité au drainage veineux; il permet un bypass partiel
dans lequel une partie de la circulation pulmonaire persiste, mais il ne convient pas lorsqu'il faut ouvrir
l'oreillette droite ou luxer le cœur [153]. Dans ce cas, on procède à une canulation séparée des deux
veines caves depuis deux incisions faites dans l'oreillette; les canules sont rendues étanches en serrant
un lacet autour de chaque veine cave; il ne reste que le débit du sinus coronaire à évacuer de l'OD.
Lorsque le coeur est arrêté et que la cardioplégie a fini de couler, le débit du sinus coronaire est nul.
On peut également utiliser des canules métalliques coudées à angle droit qui permettent de canuler
directement les veines caves à distance de l’OD, comme on le fait lors de transplantation cardiaque.
Le drainage du sang veineux dans le réservoir se fait par simple gravité. Cet effet de siphon dépend de
plusieurs données.
 La hauteur entre le patient et le réservoir, normalement 30-70 cm; on peut favoriser le retour
veineux en montant la table d'opération ;
 Le volume de l'OD; l'hypovolémie et la veinodilatation par la nitroglycérine ou le propofol
diminuent le retour veineux à l'oreillette ;
 Le positionnement des canules veineuses et les déplacements du coeur lors des manoeuvres
chirurgicales; la double canulation assure un meilleur retour lorsque le coeur est basculé pour
ouvrir l'oreillette gauche (chirurgie mitrale) ;
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
10
 Le collapsus des parois de l'OD autour de la canule lorsque le débit vers le réservoir est plus
élevé que celui du retour par les veines caves; cet incident est fréquent lorsqu'on utilise une
pompe d'appoint sur le retour veineux ;
 La présence d'air dans les canules peut aller jusqu'à l'obstruction par un air lock qui se forme
dans la partie supérieure d'une boucle des tuyaux.
A
B
VCS
OD
OD
Membrane
d’Eustache
VCI
VCI
© Chassot 2012
Figure 7.4 : Canulation veineuse. A : Canule simple; introduite par l'auricule droit, la canule va jusque dans la
veine cave inférieure (VCI); elle présente des orifices dans l'OD et dans la VCI; les premiers drainent le sang de
la veine cave supérieure et du sinus coronaire. B : Bicanulation; chaque veine cave est canulée séparément; un
système de drainage récupère le sang du sinus coronaire dans l’OD. Le lacet permettant d’étanchéifier la
connexion cave est représenté au niveau de la VCI. Les canules peuvent être introduites dans les veines caves
depuis l’OD ou plus distalement par une incision sur le vaisseau.
Outre le mauvais retour veineux, plusieurs complications peuvent survenir au niveau de la canulation
veineuse.








Arythmies lors des manipulations de l’OD (fréquent passage en FA) ;
Blocage de la canule de VCI par la membrane d’Eustache ;
Obstruction de la VCI ou de veines sus-hépatique ; il s'ensuit une stase hépatique ;
Obstruction de la VCS; surveiller attentivement le visage lors de bicanulation; si la canule
cave supérieure est obstructive, on observe rapidement un oedème de la face, un oedème
conjonctival et palpébral, et une dyscoloration du visage. On peut l’objectiver en mesurant la
pression dans le bras latéral de l'introducteur. Une élévation persistante de la pression dans la
VCS peut conduire à un oedème cérébral et à une baisse dangereuse de la pression de
perfusion cérébrale (PPC = PAM – Pvjug) ;
Passage de la canule dans l’OG à travers une foramen ovale perméable (FOP) ;
Passage d'air par un cathéter central dont les entrées ne sont pas étanches ;
Passage d'air par un foramen ovale perméable (FOP) inconnu en cas d'ouverture des cavités
gauches (opération sur la valve mitrale, par exemple) ;
Persistance de retour veineux par une veine cave supérieure gauche, présente dans 2-10% des
cas congénitaux (voir Chapitre 15, Figure 15.7).
Lorsqu’on utilise une seule canule auriculaire, la PVC lue dans l’OD (extrémité distale du cathéter
central ou voie OD de la Swan-Ganz) reflète le remplissage du malade ; son augmentation traduit aussi
un frein au retour vers le réservoir de CEC. Lors de canulation bicave, l’OD est vide, sa pression est
nulle. La seule pression mesurable est celle lue dans le bras latéral de l’introducteur qui reflète la
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
11
pression veineuse jugulaire. Par contre, la pression proximale à la canule cave inférieure ne peut
malheureusement pas être surveillée.
Lorsqu'on canule une veine périphérique comme la veine fémorale, le débit est rarement suffisant pour
assurer le retour veineux nécessaire au débit calculé du patient sur la base d'un index de 2,4 L/min/m2,
même si la canule remonte jusque dans la veine iliaque. Cette canulation permet seulement une
assistance circulatoire. Pour avoir un débit normal, il faut une deuxième canule dans l'oreillette, une
canule longue qui remonte de la veine fémorale jusqu'à l'OD, et/ou l'interposition d'une pompe
aspirante sur le circuit veineux. De nouvelles canules longues et grillagées (Smartcanula™) ne
collabant pas et drainant les abouchements veineux sur toute leur longueur permettent un débit normal
sans pompe. L'introduction de canules depuis la fémorale jusque dans l'OD est guidée par
échocardiographie transoesophagienne (ETO); l'ETO visualise d'abord le guide qui doit monter en
VCS et éviter la fosse ovale; ce guide passe facilement dans l'OG si le foramen ovale est perméable.
La canule doit ensuite se positionner au milieu de l'OD, avec son extrémité dans l'abouchement de la
VCS (voir Figure 7.32, page 92).
Figure 7.5 : Le réservoir
veineux de CEC. A: circuit
de drainage du sang
veineux (bouchons bleus)
en provenance du patient
(oreillette
droite,
aspirations).
B:
filtre
veineux.
C:
réservoir
proprement dit partiellement rempli avec la
solution d’amorçage. D:
oxygénateur
couplé
à
l'échangeur thermique. E:
tuyaux pour la circulation
de l'eau avec le bac de
refroidissement / réchauffement. On voit que le sang
est largement en contact
avec l’air dans ce type de
réservoir.
Réservoir veineux
Le réservoir veineux est la chambre de compliance permettant de maintenir constant le débit artériel
malgré les variations dans le retour veineux (Figure 7.5). De 1 à 3 litres de sang peuvent être
transloqués dans le réservoir au démarrage de la CEC chez un patient en insuffisance cardiaque
congestive, mais lors de manipulations du coeur, par exemple, le retour veineux peut diminuer
drastiquement et obliger le perfusionniste à puiser dans ce réservoir pour maintenir le débit. Le niveau
du réservoir doit rester au-delà d'un certain seuil en-dessous duquel le système n'a plus de réserve de
précharge et risque de laisser passer de l'air jusque dans la partie artérielle du circuit. A un débit de 4
L/min, une réserve de 500 mL ne permet que 7.5 secondes de débit avant que le réservoir ne soit vide
[152]. Le perfusionniste doit donc porter une attention constante au niveau de ce dernier. Le réservoir
est d'ailleurs muni d'un système d'alarme qui informe immédiatement que le niveau minimal est
atteint, et qui coupe la pompe avant qu'elle n'entraîne de l'air dans l'aorte. Certains réservoirs sont
souples et collabent lorsqu’ils se vident, ce qui exclut l’embolisation d’air ; ils limitent le contact du
sang avec l’air, mais leur utilisation est plus délicate. Le circuit veineux comprend un clamp ajustable
pour modifier le débit de retour.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
12
Les aspirations du champ opératoire sont drainées dans un réservoir appelé réservoir de cardiotomie,
qui a la particularité de pouvoir filtrer et démousser le sang afin d'éliminer le risque d'emboliser des
particules aspirées ou des bulles d'air. Le réservoir de cardiotomie comporte une chambre de débullage
contenant une éponge imprégnée d'une substance anti-mousse, une chambre de stockage, et un filtre de
30-40 microns. Dans la plupart des systèmes, le réservoir veineux et celui de cradiotomie ne font
qu'un. L'inconvénient majeur du réservoir est d'offrir une vaste surface de contact entre l'air et le sang.
Or cet interface est une des causes majeures de l'activation du complément, de l'aggrégation
plaquettaire et du déclenchement du syndrome inflammatoire. Ces phénomènes sont nettement moins
prononcés avec les réservoirs souples.
Drainage veineux assisté
Lorsqu’on réduit la taille du circuit et des canules pour limiter le volume d’amorçage et le contact des
surfaces étrangères, le diamètre des canules veineuses devient restrictif et le siphonnage par gravité
n’est plus suffisant pour assurer un drainage correct de l’OD. En effet, la loi de Poiseuille spécifie que
le flux est égal à la pression divisée par la résistance, et que celle-ci est le produit de la viscosité du
liquide (ρ), de la longueur du tube et de l’inverse du rayon à la puissance 4 : Q = P • r4 / ρ • L. Lorsque
le diamètre du tuyau diminue, on doit ajouter un système de pompe sur le circuit veineux pour en
améliorer le débit. Deux systèmes d’assistance sont utilisés.
 Aspiration (vacuum-assisted venous drainage) : système de vide ajustable appliqué sur le
réservoir veineux, y aspirant le sang depuis l’OD ; la coque du réservoir doit être rigide.
 Pompe (kinetically assisted venous drainage) : pompe centrifuge ou à galet montée sur le
circuit veineux ; son débit est adapté en permanence au volume du retour et à l’effet de
succion.
Bien que très efficaces pour assurer un bon retour veineux, ces systèmes présentent plusieurs
problèmes potentiels [28].
 Pompe supplémentaire à surveiller pour le perfusioniste, qui doit également veiller à ce que la
pression ne soit jamais positive dans le circuit veineux ni négative dans le circuit artériel ;
 Aspiration d’air par les bourses autour de l’OD ou des veines caves ; la pompe va broyer ces
bulles et les transformer en microbulles échappant aux filtres disposés sur les voies veineuse et
artérielle, avec un risque d’embolies artérielles pour le patient ;
 Stress de cisaillement supplémentaire sur les hématies conduisant à davantage d’hémolyse ;
 Blocage possible du retour par aspiration des parois vasculaires dans les orifices de la canule ;
 Mise en dépression de l’oxygénateur et flux rétrograde vers le réservoir au sein de la
machine ; une valve de type pop-off empêche une dépression excessive.
Drainage veineux
L’OD est drainée par gravité dans le réservoir veineux par une canule (OD - VCI) ou deux canules
(VCS et VCI). La canulation bicave est pratiquée lors d’une ouverture de l’OD, lors de bascule du
cœur ou lors de transplantation. Le retour veineux peut être amélioré par une assistance (aspiration
sous vide contrôlé ou pompe sur le circuit), mais celle-ci comporte un risque d’embolie gazeuse, de
blocage par aspiration des parois vasculaires dans les orifices de la canule et de renversement du flux
dans la machine. Le réservoir veineux peut être doublé d’un réservoir de cardiotomie pour les
aspirations en provenance du champ opératoire. Les réservoirs sont munis d’un filtre pour éliminer
les particules. Ils sont la principale source de contact entre le sang et l’air (stimulation inflammatoire,
activation plaquettaire, coagulopathie).
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
13
Oxygénateur
Le terme d'oxygénateur est un peu restrictif, car l'appareil a trois fonctions: il transfert l'O2 de la source
externe dans le sang, il élimine le CO2 en fonction du débit de gaz frais, et il permet d'introduire un
gaz d'anesthésie par un vaporisateur. Il en existe deux types.
 Oxygénateurs à membrane: une fine membrane semi-perméable microporeuse (pores de 0.30.8 microns, épaisseur 80-150 microns) de grande surface totale (1.8-2.5 m2) sépare le sang
des gaz. Faite de polypropylène (tubes), de silicone (plaques) ou de Teflon, elle est arrangée
en tubules à l'intérieur d'une boîte (Figure 7.6). Dans les premiers systèmes, le mélange de gaz
parcourait l’extérieur de ces microfibres et le sang circulait à l’intérieur. Dans les systèmes
actuels, le sang est à l’extérieur et les gaz frais à l’intérieur des microfibres. Le sang n'est en
contact avec le gaz que lorsque la CEC démarre, car les micropores sont rapidement
recouverts d'une fine couche protéique qui sépare les deux éléments [92]; il y a donc beaucoup
moins de traumatisme aux éléments figurés et aux protéines. Après 6 heures d'utilisation, le
plasma s'infiltre dans les micropores et limite les échanges. Ces très fins tubules opposent
davantage de résistance au flux sanguin, et les oxygénateurs à membrane doivent être installés
après la pompe principale du circuit (voir Figure 7.1A, page 4).
 Oxygénateurs à bulles: techniquement simples et bon marché, ils consistent à faire barboter de
l'oxygène pur dans le sang et à le débuller ensuite. Plus petites et plus nombreuses sont les
bulles, plus grande est la surface de contact gaz-sang; le débullage est effectué par une éponge
de polyuréthane dont les fibres sont recouvertes d'anti-mousse à base de silicone; un filtre avec
piège à bulles complète le système (voir Chapitre 1, Figure 1.2) . La capacité d'oxygénation
est supérieure à celle d'élimination du CO2. Ce type d'oxygénateur offre peu de résistance au
flux et peut être placé avant la pompe principale (voir Figure 7.1B, page 4). Les problèmes
majeurs de ces oxygénateurs sont le risque embolique et le traumatisme imposé aux éléments
figurés et aux protéines du sang, aboutissant à une hémolyse, une dysfonction plaquettaire,
une perte de facteurs de coagulation et une réaction inflammatoire puissante. La durée limite
de leur utilisation est 2 heures. Ils ne sont plus utilisés.
Figure 7.6 : L'oxygénateur de
CEC. Il est en général couplé au
réservoir
veineux
et
à
l'échangeur thermique par le
fabriquant.
A:
corps
de
l'oxygénateur contenant les
microfibres pour les échanges
gazeux. B: sang veineux en
provenance du réservoir via la
pompe. C: sang artériel sortant
de l'oxygénateur. D: arrivée des
gaz (avec filtre micropore). E:
échangeur thermique. F: tuyaux
pour la circulation de l'eau de
refroidissement et réchauffement.
B
A
C
D
E
F
Le transfert d'O2, distribué par un mélangeur O2/air (blender) (Figure 7.7), est fonction de la FiO2, de
la surface et du temps de contact entre le sang et le gaz. L'élimination de CO2 est fonction du débit de
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
14
gaz frais administré dans le système. Il faut veiller à ce que la pression du circuit sanguin reste
supérieure à celle du circuit des gaz. Actuellement, les oxygénateurs à fibres creuses représentent la
quasi-totalité du marché. La FiO2 de l'oxygénateur est réglée pour maintenir une PaO2 d'environ 150
mmHg, et le débit de gaz frais pour obtenir une PaCO2 de 35-40 mmHg (voir Equilibre acido-basique,
page 58). Certains systèmes ont un asservissement automatique de débit de gaz frais (O2/air) à la PaO2
du patient. Les gaz le plus souvent utilisés dans le vaporisateur sont l'isoflurane et le sevoflurane. Ils
permettent le maintien de l'anesthésie pendant la CEC (Fi 0.5-2.5%). L’effet vasodilatateur artériel de
l’isoflurane à plus haute concentration (3-5%) en fait un agent efficace pour régler les poussées
hypertensives couramment rencontrées lors du refroidissement. Sous forme liquide, les halogénés
détruisent certains composants des plastiques utilisés dans les circuits de CEC; il faut donc les
manipuler avec beaucoup de précaution et placer le vaporisateur loin du réservoir veineux et du filtre
artériel, si possible en contre-bas.
Figure 7.7 : Le
mélangeur de gaz
(blender) (A) et le
vaporisateur d’halogéné
(B),
en
l’occurence
de
l'isoflurane.
Le
vaporisateur
se
trouve en-dehors et
en contre-bas des
circuits de la CEC,
car les halogénés
liquides
sont
corrosifs pour les
plastiques.
Les oxygénateurs classiques ont une surface largement supérieure aux besoins standards, ce qui
permet une hémodilution importante, mais qui expose le sang à un excès de membrane de 1-1.5 m2.
Dans les mini-circuits de CEC (voir Mini-CEC, page 28), ce gaspillage est supprimé, mais la surface
de contact air-sang réduite oblige à maintenir l’Hb à un niveau 10% supérieur.
Oxygénateur
Les oxygénaeurs actuels sont faits de membranes poreuses tubulaires au sein desquelles circule le
sang, l’air étant à l’extérieur. Leur surface d’échange est de 1.8-2.5 m2. La FiO2 règle la PaO2, et le
débit de gaz frais la PaCO2.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
15
Echangeur thermique
Dans les systèmes actuels, l'échangeur thermique est en général couplé à l'oxygénateur et/ou au
réservoir veineux. Il consiste en un système d'échange à contre-courant entre le sang et un serpentin
qui contient de l'eau, dont la température est gérée par un appareil extérieur à la machine de CEC (voir
Figure 7.6 page 14, et Figure 7.16, page 28). Le gradient de température entre l'eau et le sang ne doit
jamais dépasser 10°C, et la température de l'eau ne doit pas aller au-delà de 38° ni en dessous de 12°C.
La différence de température entre le sang veineux et le sang artériel doit rester entre 1.5 et 2.5°C lors
du refroidissement et du réchauffement. Le gradient entre la température rectale et la température
oesophagienne doit rester inférieur à 10°C. Le risque d'embolies gazeuses devient prohibitif si l'on
dépasse ces limites, parce que les gaz dissous dans le sang passent en phase gazeuse lorsque la
température locale augmente [124]. Les souvenirs de la physique nous rappellent que la solubilité des
gaz dans un liquide diminue lorsque la température monte ou que la pression baisse.
Echanges thermiques
Pendant le refroidissement et le réchauffement, les gradients de température ne doivent pas
dépasser :
- 2.5°C entre le sang veineux et le sang artériel
- 10°C entre l’eau de l’échangeur et le sang du malade
- 10°C entre la T° rectale et la T° oesophagienne
Pompes
La pompe principale est celle qui assure la propulsion du sang au débit physiologique (2.4 L/min/m2)
et à la pression artérielle normale (PAM 60-90 mmHg). Sa plage de débit va de 100 mL/min à 8
L/min. Deux autres pompes servent aux aspirations; l'une est dite gauche (aspiration dans la racine de
l'aorte ou le VG), l'autre droite (aspiration dans le champ opératoire). Une ou deux pompes
supplémentaires sont utilisées pour perfuser les solutions de cardioplégie. Il existe deux modèles de
pompes.
 Pompe à galet: elle fonctionne sur le principe de l'occlusion plus ou moins complète d'un tube
souple par des galets rotatifs; c'est la plus couramment utilisée (Figure 7.8). Le débit est
fonction du diamètre du tube (en général ¼ pouce chez l'adulte), de la circonférence du
support et du nombre de tours/minute de la pompe (50-150 rpm). Le volume systolique varie
de 12 à 42 mL/tour. On règle les galets de manière à obtenir une subocclusion qui évite
d'écraser les éléments figurés mais qui est suffisante pour propulser la masse sanguine contre
une résistance de 300-400 mmHg. Les pompes à galet sont indépendantes de la postcharge:
elles maintiennent leur débit quelle que soit la pression artérielle. Malheureusement, elles
peuvent pomper de l'air si le réservoir veineux est vide, ou créer une cavitation en amont si le
flux d'entrée est restreint. Il existe donc des systèmes de surveillance et d'asservissement pour
les arrêter si la pression est trop haute (risque de rupture de la tuyauterie) ou si de l'air
s'insinue dans le circuit (risque d'embolie artérielle). La cavitation est due à une dépression
locale (en l’occurrence en amont du galet occlusif) qui baisse la solubilité des gaz dissous dans
le sang.
 Pompe centrifuge: elle propulse le sang par l'action d'une turbine rotative (située dans une
chambre stérile où passe le sang), tournant à haute vitesse (1'000 - 3'000 rpm) et entraînée par
un électro-aimant (situé dans la console de commande) (Figure 7.9). Il en existe différents
modèles : BioMedicus™ (Medtronic, USA), CentriMag™ (Levitronix, Suisse), RotaFlow™
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
16
(Jostra, Allemagne), Capiox™ (Terumo, USA). La différence de pression entre le centre et la
périphérie créée par la force centrifuge à l'intérieur du cône accélère le sang qui est éjecté à
l'extérieur [167]. Cette pompe traumatise peu les éléments figurés et réduit la stimulation
plaquettaire, mais elle est sensible à la précharge et à la postcharge car elle n'est pas occlusive:
une augmentation des résistances artérielles diminue son débit. Pour une pression de sortie de
200 mmHg, par exemple, la pompe débite 4 L/min à 200 tours/min ; si la pression augmente à
400 mmHg, la vitesse de rotation doit s’élever à 3'000 tours/min pour maintenir le même
débit. Lorsqu'elle est arrêtée, le circuit artériel doit être clampé sans quoi le sang reflue. Par
contre, si plus de 20-30 mL d'air s'introduisent dans le système, le vortex est désamorcé et la
force centrifuge baisse; la pompe a tendance à s'arrêter [152]. C'est le système le plus sûr pour
des assistances à moyen terme (quelques jours) ou pour aspirer le sang dans le circuit veineux,
mais son taux d’utilisation pour les CEC standards ne dépasse pas 10-30% [376]. Le coût
élevé de ce produit limite son usage.
P↑
P↓
E
A
Tuyau 1/4
pouce
B
C
D
Figure 7.8 : Pompe à galet. A: embase de la pompe; le fait qu'elle représente environ les deux tiers de la
circonférence assure une occlusivité constante par les deux galets. B: moyeu central entraînant les deux galets
dont l'occlusivité est réglée par la mollette qui se trouve au centre. C: 4 couples de guides maintiennent le circuit
dans l'axe. D: couvercle. E: serre-joint du tuyau (à l'entrée et à la sortie de la pompe). Le galet écrase le tuyau, la
rotation propulse le sang. Cette pompe est occlusive, ce qui la rend insensible à la postcharge mais crée
davantage d’hémolyse et de cavitation à cause des variations de pression entre l’amont (baisse de pression) et
l’aval (augmentation de pression) du galet lors de la compression du tube par le rotor.
La propulsion du sang par une pompe abime les globules rouges et cause une certaine hémolyse.
Celle-ci est proportionnelle aux forces de cisaillement endurées par les éléments figurés, au gradient
de pression entre l’entrée et la sortie de la pompe et à la durée de la CEC. Elle est plus importante avec
les pompes à galet qu’avec les pompes centrifuges. En effet, les premières sont relativement
occlusives et créent un fort gradient de pression entre l’amont et l’aval des galets. La majorité des
essais contrôlés et randomisés donne un avantage aux pompes centrifuges [254].
Pulsatilité
Ces systèmes ne sont pas pulsatiles. Or la pulsatilité artérielle transmet davantage d'énergie cinétique
au sang, ce qui améliore la microcirculation, le flux lymphatique et la perfusion tissulaire. Le risque de
thrombose est diminué ; la réponse neuro-humorale au stress est freinée ; la vasoconstriction induite
par la dépulsation est supprimée ; la perfusion cérébrale, coronarienne et rénale devrait être améliorée
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
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[6,160]. Cependant, ces avantages sont compensés par différents défauts: complexité technique, prix
des pompes, jet de très haute vélocité pendant la systole, aggravation de l'hémolyse par un débit qui est
> 10 L/min en systole, amortissement de la pulsatilité par l’étroitesse de la canule artérielle, forme de
flux peu ressemblante au flux physiologique. Alors que les résultats expérimentaux démontrent une
incontestable amélioration de la perfusion capillaire en mode pulsé, les données cliniques chez
l’homme concernant la fonction rénale, myocardique et neurologique ne sont guère différentes de ce
que l’on obtient en mode dépulsé. Une seule étude randomisée a montré un avantage sur la mortalité et
le taux d’infarctus [250], mais aucune n’a relaté de différence sur l’incidence d’ictus et d’insuffisance
rénale [6]. Les données actuelles sont trop contradictoires pour pouvoir émettre des recommandations
pour ou contre l’utilisation des systèmes pulsatiles [6]. L'apport global de la pulsatilité étant peu
signifiant par rapport à l'investissement représenté, ce système est rarement utilisé. D’ailleurs, la
pulsatilité n’est pas nécessaire à la perfusion des organes, comme le démontre la comparaison
d’assistances ventriculaires pulsatiles (HeartMate XVE™) ou à flux continu (HeartMate II™) : la
survie à 2 ans est doublée avec le système dépulsé (24% et 58% respectivement) [332]. Ces résultats
démontrent que la pulsatilité artérielle devient facultative lorsque le patient est anticoagulé.
Tête motrice
disposable
Moteur
magnét
fixe
Console
A
B
Figure 7.9 : Pompe centrifuge BioMedicus™. A: Vue générale de la console de commande contenant la tête
rotative magnétique mue par un moteur électrique. B: Ecorché de la tête motrice disposable entraînée par la la
tête rotative magnétique. Le sang est propulsé par la rotation des pales. Le sang rentre par le moyeu (précharge);
il est propulsé par un orifice tangentiel, dont le débit est sensible à la postcharge. Le débit de la pompe augmente
par augmentation de la vitesse de rotation, mais aussi en augmentant la précharge et en diminuant la postcharge.
Pompes
Les pompes de CEC sont de deux types :
- Pompe à galets, occlusive, insensible aux conditions de charge, mais provoquant de
l’hémolyse ; risque de cavitation et de propulsion d’air
- Pompe centrifuge, moins traumatisante et moins emboligène, mais sensible aux conditions
de charge
La pulsatilité paraît facultative chez un malade anticoagulé ; elle présente davantage de risques
mécanique et hémolytique qu’un flux continu. Les données actuelles sont insuffisantes pour émettre
des recommandantion favorables ou défavorables aux pompes pulsatiles.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
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Circuit artériel et filtre
Les canules
Après le tuyau de 3/8 pouce qui la relie à la pompe, l'extrémité de la canule artérielle est l'endroit le
plus étroit de tout le circuit (diamètre interne: 7-8 mm). C'est donc le lieu du gradient de pression le
plus élevé. Normalement, ce gradient ne doit pas dépasser 100 mmHg à un débit de 2.5 L/min/m2; audelà, le risque d'hémolyse et de dénaturation protéique est excessif. La canule artérielle est dotée d’un
système de fixation à la paroi vasculaire et d’un robinet 3-voies pour purger l’air et, accessoirement, y
mesurer la pression. Lorsque la canule aortique est en place et fixée, on laisse refluer le sang artériel
pour éliminer les débris et les bulles d'air par le robinet de purge. Le contrôle de la pulsatilité du sang
dans la canule assure que la position est correcte dans la lumière de l'aorte; si la canule est
intrapariétale (dissection), le sang qui reflue n'est pas pulsatile.
La canule artérielle est implantée le plus souvent dans l'aorte ascendante (Figure 7.10). Il en existe
deux types.
 Canule à embout rigide coudé à angle droit ; introduite perpendiculairement à la paroi aortique
antérieure, elle débit dans l’axe au niveau de la racine aortique ;
 Canule souple de type Bardic™ : introduite tangentiellement, elle débite plus distalement dans
la crosse ; sa position peut être vérifiée à l’ETO.
Art carotide gauche
Tronc brachio-céphalique
Art sous-clavière gauche
Crosse de l’aorte
C
Figure 7.10 : Sites de
canulation artérielle.
A : canule coudée à la
racine de l’aorte.
B:
canule
type
Bardic™ dans l’aorte
ascendante.
C:
canule
dans
l’artère sous-clavière
droite.
D : canule fémorale ;
dans ce cas, le flux est
rétrograde dans l’aorte.
B
Aorte ascendante
A
Aorte descendante
Diaphragme
D
Artères iliaques
© Chassot 2012
La canulation de l’aorte ascendante présente plusieurs risques majeurs. A elle seulle, elle est
responsable d'une grande partie de la morbidité liée à la CEC.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
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 Embolies artérielles: l'athéromatose de l'aorte ascendante est présente chez 38% des patients
âgés de plus de 50 ans [90]; les principaux facteurs de risque sont l'âge avancé, l'anamnèse
d'AVC, le diabète et la maladie vasculaire périphérique, particulièremet carotidienne [235].
Lors de la canulation, des fragments d'athérome peuvent emboliser en périphérie,
particulièrement dans le cerveau; le risque est le plus grand lorsque les plaques sont ulcérées
ou pendulaires. Le taux d'embolies cérébrales au Doppler transcrânien, qui est de 5-17%,
présente deux pics très significatifs lors de la canulation et de la décanulation aortique (voir
Figure 7.25, page 63) [341]. Cette embolisation est un des facteurs responsables des AVC
postopératoires.
 Effet de "sablage" (sandblasting): le jet de sang sort à haute vélocité de la canule et souffle au
passage des débris athéromateux s'il est dirigé vers la paroi et non vers le centre du vaisseaux.
Cet effet, très marqué avec les canules fines qui engendrent de hautes vélocités, est constant
tout au long de la CEC.
 Malposition de la canule: elle peut être dirigée vers ou dans le tronc brachiocéphalique, qui
reçoit ainsi tout le débit de la pompe; suivant où elle est mesurée, la pression artérielle peut
être élevée (radiale droite) ou basse (radiale gauche et fémorale); la coloration de la face est
asymétrique, de même que le pouls carotidien.
 Déchirures: la paroi aortique est fragile chez les personnes âgées, les diabétiques, les
athéromateux; les risques de déchirure en étoile autour de la canule sont d'autant plus grands
que la paroi est tendue par une hypertension. Il est donc habituel de baisser la pression
artérielle lors de la canulation et de la décanulation de l'aorte en visant une PAM momentanée
≤ 50 mmHg.
 Dissection: l'introduction de la canule artérielle à l'intérieur de la paroi aortique peut disséquer
cette dernière au niveau de la média; c'est une complication dramatique qui survient dans 0.1 –
1‰ des cas [253]. Elle se diagnostique en début de CEC par une hypertension sur la ligne
artérielle alors que la pression systémique est effondrée et que la paroi aortique devient
violacée, boursoufflée et tendue. Les vaisseaux de la crosse aortique peuvent être obstrués par
le faux passage.
L'ETO, qui est très performant pour évaluer l'aorte descendante, ne permet de visualiser que la partie
proximale de l'aorte ascendante jusqu'à son croisement avec l'artère pulmonaire droite. Elle n'est pas
un moyen sûr pour mettre en évidence les lésions athéromateuses sévères de l'aorte ascendante, parce
que l'interposition de la bronche souche entre l'oesophage et l'aorte restreint la visibilité aux 4-5
premiers centimètres de l’ascendante et parce que la majeure partie des athéromes sont situés au-delà
de cette limite [350]. Toutefois, l'ETO permet de poser l'indication à une échographie épiaortique en
fonction du degré d'atteinte de l'aorte descendante [189]. Comme la palpation chirurgicale est peu
fiable, seule l’échographie épiaortique pratiquée avant de canuler l’aorte permet de choisir le site de
ponction le moins dangereux ou de modifier la canulation (voie fémorale ou sous-clavière droite), afin
d’éviter un accident embolique si l’athéromatose est trop importante dans l’aorte ascendante [91,291].
En cas d’athéromatose dangereuse (athéromes de degré III à V) ou de lésions étendues et friables
(aorte porcelaine) (voir Chapitre 27 Athéromatose aortique), il est recommandé d’éviter toute
manipulation de l’aorte ascendante et de changer de stratégie chirurgicale [65,185,235].




Canulation artérielle sous-clavière droite ;
Canulation artérielle fémorale ;
Occlusion avec un ballon intravasculaire monté depuis la fémorale (système Heartport™) ;
Pas de canulation de cardioplégie ni de clampage aortique: opération à coeur battant ou en
fibrillation ventriculaire si cela est concevable ; pose d’endoprothèse par voie transapicale en
cas de RVA ;
 Pour les pontages aorto-coronariens: greffes artérielles multiples à partir des artères
mammaires ou de l’aorte descendante à cœur battant.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
20
Une canulation fémoro-iliaque est possible si l'on veut éviter l'aorte ascendante ou si l'on doit installer
la CEC en anesthésie locale, parce que le malade est trop instable pour supporter l'induction sans cette
sécurité. La canulation fémorale est également utilisée lors des réopérations où l'on craint de léser
l'OD, le VD ou l'aorte avec la scie sternale. Malheureusement, le débit par la fémorale est souvent
limité. Comme le flux dans l'aorte est rétrograde, il existe un double risque, que la surveillance ETO
permet de diagnostiquer.
 Embolie cérébrale en cas d'athéromatose étendue de l'aorte thoracique descendante ;
 Dissection rétrograde par infiltration du flux sous des plaques athéromateuses, qui sont
disposées comme les tuiles d’un toit dans le sens du flux sanguin normal.
La canule fémorale est occlusive. Le membre inférieur concerné est donc ischémié pendant toute la
durée de la CEC. Cette situation est tolérable pour 3-4 heures ; si la canulation se prolonge, il est
prudent d’assurer la perfusion du membre par une canule pédiatrique montée en Y sur la ligne
principale et insérée dans la partie distale de la fémorale.
Une bonne alternative est l'artère sous-clavière droite. On peut cannuler ce vaisseau en le ponctionnant
à ciel ouvert ou en y anastomosant une prothèse de 8 mm (GoreTex™) en position termino-latérale. La
position de la canule dans l’arc aortique est contrôlée à l’ETO. Ce système est fréquemment utilisé
pour la chirurgie de la crosse aortique, car il permet de maintenir une perfusion cérébrale continue
(Figure 7.11). Le tronc brachio-céphalique, la carotide gauche et la sous-clavière gauche étant
clampés à leur départ de la crosse, le flux perfuse la carotide droite, puis la carotide gauche par
l'intermédiaire du cercle de Willis et des anastomoses entre carotides externes. La pression de
perfusion (idéalement 60 mmHg) est mesurée dans l'artère radiale gauche, perfusée par l’intermédiaire
des collatérales entre la vertébrale et la sous-clavière gauches. Le débit est de 10-20 mL/kg/min (1.01.5 L/min). La température de perfusion varie de 20° à 32°C selon les techniques. Si l’on opte pour
une hypothermie modérée (28-32°C), la perfusion cérébrale doit être complétée par une perfusion
sous-diaphragmatique continue au moyen d’une canule fémorale pour éviter l’ischémie des viscères
abdominaux, des reins et de la moëlle.
Figure
7.11
:
Perfusion
cérébrale
semi-sélective par la
canule artérielle de
CEC en sous-clavière
droite.
Le
tronc
brachio-céphalique, la
carotide gauche et la
sous-clavière gauche
sont clampées à leur
origine (en jaune). Le
sang circule d'une
carotide à l'autre par
les anastomoses du
polygone de Willis
(flèche).
CEC
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
21
Les filtres
Un filtre micropore (40 microns) couplé à un "piège à bulles" est installé sur le circuit artériel, comme
dernière étape avant l'aorte du malade (Figure 7.12). Il a pour but d'éliminer les particules qui
pourraient emboliser, et de supprimer tout risque d'embolie gazeuse artérielle. La trappe à bulle peut
être ouverte à l'air ambiant pour éviter que le système ne se mette sous pression, ou purgée en continu
(200 mL/min), le sang étant renvoyé dans le réservoir veineux. On monte également un filtre du côté
veineux (20-40 microns), parce que les aspirations que l'on utilise dans le champ opératoire une fois le
malade hépariné ramènent le sang dans le réservoir veineux. Ce sang contient des cellules, des débris
et des procoagulants qu'il faut éliminer.
Figure 7.12 : Les filtres. A: filtre du réservoir veineux. B: circuit de retour du sang en provenance du patient. C:
filtre artériel contenant la trappe à bulles; il dispose d'un orifice de vidange à sa partie supérieure. D: circuit
artériel conduisant le sang vers le patient. E: circuit veineux ramenant le sang du patient. On note bien la
différence de couleur entre D et E. F: saturomètre sur le circuit veineux. G: saturomètre sur le circuit artériel.
Les sources d'embols gazeux sont multiples: oxygénateur, réservoir, siphon dans le circuit, aspiration
par les pompes, cardiotomie, cavitation. Les variations de température du sang sont toujours une
source potentielle de microembolie gazeuse, puisque les gaz dissous à froid passent en phase gazeuse
lorsque la température monte [124]. La cavitation est un phénomène qui consiste en la création de
microbulles lorsque la pression locale diminue, comme dans un vortex ou en amont d'une pompe
occlusive. Bien que la preuve n'en soit pas formelle, l'accumulation de microembols dans les organes
est probablement responsable d'une partie des lésions fonctionnelles postopératoires, particulièrement
neurologiques. C'est la raison pour laquelle on utilise des filtres micropore sur le circuit artériel.
Les shunts
On doit prévoir des systèmes de shunt pour court-circuiter certains éléments en cas de défaillance. Un
shunt est aussi nécessaire pour faire circuler le liquide d'amorçage avant que la machine soit connectée
au malade.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
22
 Shunt du filtre artériel: maintien la perfusion artérielle au cas où le filtre se boucherait, ce qui
est rarissime ;
 Shunt distal entre la canule artérielle et la canule veineuse: il sert à faire circuler le liquide
d'amorçage. Il est obligatoire dans les circuits pré-héparinés qui fonctionnent avec des ACT de
250 secondes; on ne peut pas arrêter le sang dans ces circuits, car il risque de coaguler dans les
filtres et dans l'oxygénateur.
Circuit artériel
La canule artérielle est insérée en général dans l’aorte ascendante, mais il existe plusieurs voies
d’abord possibles :
- Partie tubulaire proximale de l’aorte ascendante
- Artère fémorale
- Artère sous-clavière droite
La canule artérielle peut être à l’orgine de plusieurs complications :
- Embolisation de plaques athéromateuses
- Effet de sablage
- Déchirures
- Dissection
L’ETO et l’échographie épiaortique permettent de localiser les plaques et de choisir la technique de
canulation la plus sûre. La ligne artérielle est munie d’un filtre à particules et d’une trappe à bulle.
Elle est surveillée par un moniteur de pression et de saturation (SaO2).
Aspiration
Beaucoup de sang revient constamment dans le champ opératoire lors de cardiotomie et s'ajoute à
l'hémorragie chirurgicale. Comme il s'agit de chirurgie "propre" et comme le malade est hépariné, tout
ce sang est récupéré dans le réservoir de cardiotomie de la machine par des aspirations qui
fonctionnent au moyen de pompes à galets comme la pompe principale; leur débit règle la force de
l'aspiration. L'aspiration dite "gauche" décharge les cavités cardiaques gauches dans lesquelles la
circulation bronchique déverse du sang en continu ; la canule est introduite dans la racine aortique,
dans une veine pulmonaire, dans le ventricule gauche ou dans l'artère pulmonaire. L'aspiration dite
"droite" aspire le sang du champ opératoire et des plèvres.
Le sang ainsi récupéré contient de l'air, des activateurs de la coagulation et de l’inflammation, des
lobules de graisse, des aggrégats cellulaires et diverses particules qu'il s'agit de filtrer. Les aspirations
sont la source principale d'hémolyse, de dénaturation protéique, de microembolies, de perte de
plaquettes, de troubles de la coagulation et d’activation du syndrome inflammatoire [56,335]. Pour
chaque heure supplémentaire de CEC, la charge embolique due aux aspirations augmente de 90% [60].
Pour diminuer ces défauts, on draine souvent le sang dans un réservoir intermédiaire où il est
momentanément stocké et traité par des filtres micropores et par des mousses anti-émulsion. Dans le
champ opératoire, il est important que les canules aspirent le moins d'air possible, et que la dépression
aspirative soit au minimum nécessaire à maintenir le site propre. Les aspirations de CEC sont utilisées
dès que l'anticoagulation est établie (ACT > 400 sec) et jusqu'au début de l'administration de
protamine.
Le liquide aspiré dans le péricarde contient une très grande quantité de facteur tissulaire (tissue factor
TF) ; celui-ci active directement les facteurs X et XI de la cascade de coagulation, conduisant à la
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
23
production de thrombine [280]. Ainsi la réponse locale déclenchant la chaîne coagulatoire est
distribuée dans tout l’organisme lorsque le sang aspiré est déversé dans le réservoir de cardiotomie.
On peut "détoxifier" le sang aspiré dans un système de centrifugation comme le CellSaver™.
L'avantage est de concentrer les érythrocytes et d'éliminer les microaggrégats, les débris, les facteurs
activés (facteur tissulaire, cytokines, radicaux libres, etc) et les électrolytes (potassium) ; les
perturbations du système coagulatoire sont nettement diminuées lorsqu’on ne recycle pas directement
le sang aspiré sans le laver. Mais cette manoeuvre de lavage retarde la mise en recirculation du sang
aspiré et élimine malheureusement les plaquettes, les protéines et les facteurs de coagulation [374].
Aspirations
Le champ opératoire étant propre et le patient anticoagulé, le sang perdu par hémorragie peut être
filtré, lavé et récupéré. Malheureusement, ce sang contient beaucoup de déclencheurs inflammatoires
et d’activateurs de la coagulation, et son lavage (CellSaver™) élimine les plaquettes et les facteurs
de coagulation.
Circuit de cardioplégie
Le coeur doit être arrêté pour permettre les anastomoses coronariennes ou l'ouverture des cavités
cardiaques, et pour stopper sa consommation d'O2 lorsqu'on clampe l'aorte et que la perfusion
coronaire cesse. A cet effet, on le refroidit par voie externe au moyen d'une solution de Hartmann à 46°C (dite "Shumway") et on le perfuse avec une solution cardioplégique (voir Chapitre 24, Protection
myocardique). Cette solution est essentiellement un composé hydro-électrolytique ou sanguin froid
contenant du potassium (20-30 mmoles/L). On compte 10 mL/kg ou 450 mL/m2 pour arrêter le coeur.
Elle est distribuée par une pompe spéciale de la machine de CEC ou anciennement par une manchette
à pression (Figure 7.13). Pour la faire circuler dans l'arbre coronaire, on dispose de plusieurs
techniques.
 Canule de cardioplégie dans la racine de l'aorte, en amont du clamp aortique; si la valve
aortique est compétente, la cardioplégie remplit sous pression (70-150 mmHg) la racine de
l'aorte et perfuse les troncs coronariens à raison de 200-400 mL/min environ. En cas
d'insuffisance aortique (IA), même minime, la cardioplégie fuit sous pression dans le VG et le
dilate (voir Figure 7.30 page 83, et Figure 7.38 page 97).
 Canules de Spencer; lorsqu'on intervient sur la valve aortique ou sur la racine de l'aorte, on
peut perfuser directement les troncs coronariens avec des canules spéciales introduites dans les
ostia coronariens. Ce système présente un risque d'embolisation de matériel athéromateux,
mais il élimine le risque de fuite ventriculaire en cas d’IA. Pression de perfusion: 70-150
mmHg.
 Cardioplégie rétrograde; avec une canule spéciale munie d'un ballon souple pour en assurer
l'étanchéité, on peut canuler le sinus coronaire par une incision à travers l'OD. L'indication est
la présence de sténoses coronariennes sévères très proximales, de non-collatéralisation ou
d'insuffisance aortique. Comme le sang du VD se draine directement dans la cavité
ventriculaire et dans l'OD, la cardioplégie rétrograde ne protège pas la paroi libre ni la paroi
basale du VD; elle est donc le plus souvent associée à la cardioplégie antérograde. La pression
de perfusion est soigneusement surveillée, car elle ne doit pas dépasser 30-40 mmHg pour un
débit de 100-300 mL/min puisqu'il s'agit d'un réseau veineux et non artériel [158].
 Cardioplégie par les pontages: une fois l'anastomose distale réalisée, on peut perfuser les
pontages veineux avec une solution cardioplégique pour protéger le myocarde revascularisé.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
24
Figure 7.13 : Circuit de
cardioplégie.
A:
pompe
de
cardioplégie.
B: échangeur thermique
de la cardioplégie.
C:
circuit
de
refroidissement.
D: arrivée du sang
artériel prélevé sur le
circuit général.
E: retour du sang vers la
canule de cardioplégie.
B
E
C
D
A
Cardioplégie
La cardioplégie consiste en une solution froide riche en potassium permettant d’arrêter le cœur en
diastole. Elle est administrée par la racine de l’aorte (en l’absence d’insuffisance aortique), par
canulation des troncs coronaires, par voie rétrograde dans le sinus coronaire, ou par les pontages
veineux.
Drainage du VG (venting)
En cours de CEC, plusieurs sources concourent à remplir progressivement le VG avec du sang.
 Permanence d'une faible circulation pulmonaire en cas de bypass partiel avec une seule canule
veineuse dans l’OD ;
 Retour veineux des artères bronchiques; ceci représente un débit de 140-180 mL/min ;
 Insuffisance aortique (IA) pendant l'administration de cardioplégie par la racine aortique;
même une IA minime peut avoir des conséquences catastrophiques ;
 Shunt gauche-droit congénital: canal artériel, shunt de Blalock, collatérales aorto-pulmonaires,
veine cave supérieure gauche, etc.
Comme le ventricule n'éjecte plus, il se distend peu à peu. Cette distension peut mener à une dilatation
aiguë dont les conséquences sont dramatiques: hypertension veineuse pulmonaire, ischémie sousendocardique, dommages mécaniques cellulaires avec désengrenage des filaments contractiles. Pour
parer à ces complications, on draine le VG avec une aspiration-machine (vent). Plusieurs sites sont
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
25
possibles selon l'origine du remplissage: l'artère pulmonaire, l'oreillette gauche, l'apex du VG, la racine
aortique.
Hémofiltration
L'hémofiltration consiste à interposer dans le circuit de CEC un appareil constitué de fibres semiperméables micropores contenues dans un cylindre (surface d’échange ≥ 1 m2). Ce système filtre l'eau,
les électrolytes et les protéines les plus petites (poids moléculaire < 30-50 kDa) (Figure 7.14). Le
système repose sur le principe de la convection: c'est la pression hydrostatique, et non une différence
de concentration, qui provoque les échanges à travers la membrane. Les plaquettes, l'albumine et les
facteurs de coagulation sont conservés, alors que les médiateurs inflammatoires hydrosolubles (TNF,
IL-6, IL-8, IL-10) et le complément (C3a, C5a) sont éliminés avec l’hémofiltrat qui est rejeté
[174,318]. L'héparine est partiellement filtrée. Différents montages sont possibles (Figure 7.15).
Figure 7.14 : Système
d'hémofiltration.
On
distingue les tubules
microporeux
de
filtration à l'intérieur
de l'appareil.
A: entrée du sang sous
la pression du circuit
artériel.
B: sortie du sang
hémofiltré vers le
circuit veineux.
C: hémofiltrat rejeté.
C
B
A
 Ultrafiltration conventionnelle (UFC) ; le sang est capté sur la ligne artérielle, habituellement
avec l’aide d’une pompe, traverse l’hémofiltre et retourne dans le réservoir veineux ; le débit
est réglé de manière à ne pas amputer le débit artériel de CEC qui retourne au patient. Le
système ne fonctione correctement que si le volume du réservoir veineux est suffisant. Même
s’il réduit l’excédent liquidien total, son efficacité est limitée par la redilution au sein de la
CEC du volume précédemment concentré.
 Ultrafiltration continue (UF à balance zéro : UFBZ) ; si l’on maintient l’ultrafiltration en
continu pour extraire un maximum de déclencheurs inflammatoires, il faut remplacer le large
volume hydro-électrolytique qui est hémofiltré par un apport équivalent pour assurer un
volume circulant adéquat. On monte une pompe à double canal sur la sortie de l’hémofiltrat ;
elle assure simultanément l’éjection de l’hémofiltrat et l’apport de remplacement dans une
proportion de 1/1. Ce système est utilisé essentiellement en pédiatrie [175].
 Ultrafiltration modifiée (UFM) (MUF modified ultrafiltration) mise en route après la fin de la
CEC. Le sang est capté sur la ligne artérielle (canule aortique), aspiré par la pompe du circuit
de l’UF (15-30 mL/kg/min), hémofiltré et renvoyé dans la canule veineuse d’où il regagne
l’OD, parce que la canule veineuse en direction du réservoir est clampée. Le circuit du sang
est réduit à : aorte – pompe d’UF – appareil d’UF – canule veineuse – OD. Le reste de la CEC
(réservoir, pompe maîtresse, oxygénateur, etc) est hors-circuit. L’UFM retarde la décanulation
et l’administration de la protamine, et réclame beaucoup d’attention pour maintenir le
remplissage de la CEC et la volémie du patient [257].
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
26
P
P
7
6
1
1
5
5
H
H
2
2
4
4
A
3
O2
B
O2
3
© Chassot 2012
Figure 7.15 : Schéma des différents systèmes d'hémofiltration. A : hémofiltration conventionnelle en cours de
CEC. Le sang est capté sur la ligne artérielle (avec ou sans pompe P), traverse l’hémofiltre (6) et retourne dans le
réservoir veineux (2) ; H : hémofiltrat rejeté. B : hémofiltration modifiée post-CEC (MUF modified
ultrafiltration). Le sang est capté sur la ligne artérielle (canule aortique), hémofiltré (7) et renvoyé dans la canule
veineuse d’où il regagne l’OD. Deux clamps (traits jaunes) isolent ce circuit par rapport au réservoir veineux, à
la pompe et à l’oxygénateur. La pompe P est facultative. 1 : canule veineuse. 2 : réservoir veineux. 3 : pompe
principale. 4 : oxygénateur. 5 : échangeur thermique. 6 : hémofiltration conventionnelle en cours de CEC. 7 :
hémofiltration modifiée artério-veineuse. H : hémofiltrat rejeté. P : pompe alimentant l’hémofiltrateur.
L'intérêt de la procédure est d'éliminer l'excès de liquide hydro-électrolytique comme le ferait un
diurétique, et de rétablir l'hématocrite du patient. Le système permet de soustraire du volume circulant
jusqu'à 180 mL par minute (4-5 L H2O par heure) pour un débit de 500 mL/min. Certains perfusats
utilisés pour compenser les pertes liquidiennes contiennent beaucoup de lactate (Lactosol®); il est
normal que la lactatémie du patient soit élevée en fin de CEC sans que cela représente une acidose
métabolique.
L’hémofiltration corrige deux inconvénients majeurs de la CEC : l’excédent liquidien et le syndrome
inflammatoire. Les indications préférentielles sont les situations où les capacités d'élimination
hydrique des patients sont réduites, et les situations où l'accumulation d'eau et de Na+ est importante:
longue CEC, bilan hydrique très positif en cours de CEC, insuffisance cardiaque congestive,
insuffisance rénale, fonctions pulmonaires abaissées, malade en excès liquidien, jeunes enfants. Le
délai pour l'extubation de ces derniers, leurs pertes sanguines et leur gradient alvéolé-capillaire sont
très améliorés par l'hémofiltration [175]. Mais l’hémofiltration est de plus en plus vue comme un
moyen de réduire la charge en déclencheurs inflammatoires, de diminuer le taux de transfusions et de
freiner le développement des coagulopathies, de l’œdème interstitiel, de l’hypertension pulmonaire et
de l’insuffisance multi-organique postopératoires [45,214,318].
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
27
Hémofiltration
Sous ses différentes formes, l’hémofiltration réduit l’excédent liquidien propre à la CEC et évacue
les déclencheurs inflammatoires hydrosolubles. Elle diminue l’œdème interstitiel postopératoire, les
besoins transfusionnels, le syndrome inflammatoire systémique et l’insuffisance multi-organique.
Par rapport aux systèmes de lavage sanguin (CellSaver™) qui les éliminent, elle conserve les
plaquettes, l’héparine, les protéines plasmatiques et une bonne partie des facteurs de coagulation.
Mini - CEC
Dans le but de mieux moduler l'hémodynamique et de réduire la réponse inflammatoire, on a
récemment créer le concept de "Mini-CEC" ou MECC (Minimal Extra-Corporeal Circulation) qui
vise à réduire le volume d'amorçage du circuit et à supprimer la surface de contact air-sang. A cet
effet, la longueur des tuyaux est diminuée et le réservoir de cardiotomie est supprimé. La pompe est
une pompe de type centrifuge qui est responsable à la fois du drainage veineux par aspiration et de la
propulsion du sang dans l'artère. Le système est complété par un oxygénateur, un échangeur de chaleur
et un filtre (Figure 7.16). L'absence de réservoir nécessite un système permettant l'aspiration du sang
du champ opératoire dans un bac rigide sous vide régulé qui fait office de vase d'expansion et qui est
placé en dérivation sur la ligne veineuse [67]. Ce sang peut être traité par CellSaver avant d’être rendu
au malade. Plusieurs systèmes sont actuellement sur le marché: MECC™ de Jostra (amorçage 780
ml), ECC.O™ de Dideco (amorçage < 600 ml), IDEAL™ de Sorin Biomedica (amorçage 900 ml).
Figure 7.16 : Mini-CEC
(appareil
ECC.O™
de
Dideco).
A: pompe centrifuge.
B: échangeur thermique.
C: oxygénateur.
D: filtre artériel.
E: moniteur de bulles et de
saturation artérielle sur le
circuit artériel.
F: système externe de
refroidissement
et
de
réchauffement de l'eau pour
l'échangeur thermique.
D
E
C
F
A
B
On peut encore diminuer le volume d'amorçage en procédant à un remplissage partiel rétrograde une
fois le patient canulé: 150-200 mL de sang sont aspirés par la canule aortique pendant l'installation de
la CEC. Avec ce type de circuit, il est bon que les malades soient relativement hypervolémiques au
moment de la connexion, puisque c’est le malade qui est le réservoir veineux de la CEC. Ceci ne
présente aucun problème de bilan postopératoire parce que l’apport hydriqu est beaucoup plus faible
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
28
qu'avec les circuits conventionnels. Lors du sevrage, le clampage veineux est progressif comme la
réduction du débit de la pompe. Ces systèmes se prêtent particulièrement bien à l’assistance
circulatoire à cœur battant, qui combine l’absence de cardioplégie au soutient hémodynamique par une
machine cœur-poumon ; on élimine ainsi les risques de l’arrêt cardiaque et du clampage aortique tout
en conservant les avantages d’une pompe pour la confection des anastomoses coronariennes délicates.
Avec ces systèmes, l'adéquation est parfaite entre le sang drainé et le volume réinfusé par la pompe.
Ainsi, en cas de faible retour veineux ou de prise accidentelle d'air, le système s'arrête. A l’inverse,
une augmentation du retour veineux nécessite une accélération du débit de la pompe. La conduite de la
CEC est donc plus délicate. La miniaturisation et la disparition de toute surface de contact air-sang
diminuent nettement la réponse inflammatoire, les besoins transfusionnels et l'eau extra-pulmonaire
[37,389]. L'hémodilution est réduite de moitié; les micro-embols graisseux sont fortement minorés
[121].
Pour l’anesthésiste, ce type de circuit a plusieurs implications pratiques.

Maintien d’une précharge normale à élevée avant la CEC (perfusion de 500 mL cristalloïdes
+ 500 mL colloïde en pré-pompe) ;
 Administration éventuelle de vasopresseur en début de CEC pour maintenir la pression de
perfusion artérielle et le contenant vasculaire ;
 Ajustement constant de la pression et du débit au moyen d’agents vasopresseurs ou
vasodilatateurs pour maintenir la précharge de la CEC ;
 Indications à la transfusion très restrictive.
L’absence de réservoir et l’utilisation de matériaux biocompatibles pré-héparinés permet de se
contenter d’un ACT situé entre 250 et 350 secondes, ce qui diminue le risque hémorragique.
Toutefois, la miniaturisation de l’oxygénateur en réduit la surface d’échange, ce qui contraint à
maintenir une Hb ≥ 10% plus élevée que dans les circuits conventionnels. Le sang des aspirations est
déversé dans un réservoir de cardiotomie indépendant; il est retourné au patient après avoir été filtré et
lavé (CellSaver™).
Système Port-access™ (HeartPort)
Ce système vise à pratiquer la chirurgie cardiaque de manière minimalement invasive en assurant toute
la canulation de CEC par voie strictement percutanée. Il comprend plusieurs éléments (Figure 7.17)
[281,367].
 Canule artérielle de CEC dans l’artère fémorale;
 Canule veineuse de CEC dans la veine fémorale et remontée jusque dans l’OD;
 Cathéter introduit par voie artérielle fémorale et remonté jusque dans la racine de l’aorte; ce
cathéter est muni d’un ballon occlusif qui est gonflé dans l’aorte ascendante (équivalent du
clampage aortique); son extrémité distale permet d’administrer la cardioplégie par voie
antérograde et de mesurer la pression dans la racine de l’aorte;
 Cathéter de drainage introduit par voie jugulaire interne droite jusque dans le tronc de l’AP;
 Cathéter de cardioplégie rétrograde (sinus coronaire) introduit par voie jugulaire interne
droite.
Le positionnement des cathéters est réalisé sous contrôle ETO. La position du ballon de clampage
aortique doit être surveillée en permanence, car celui-ci se déplace facilement : s’il avance, il va
s’impacter dans la valve aortique et créer une insuffisance aiguë ; s’il recule, il va bloquer les
vaisseaux de la crosse aortique et occlure la perfusion cérébrale. Un cathéter artériel radial droit
permet de contrôler le flux dans le tronc brachio-céphalique.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
29
Après un enthousiasme initial, cette technique peine à trouver sa place, hormis en chirurgie robotique.
Il est vrai qu’elle est compliquée et coûteuse, qu’elle rallonge la durée de l’opération et qu’elle
comporte ses propres risques. Son seul intérêt est de permettre une réelle non-invasivité dans le cadre
d’une chirurgie par thoracoscopie.
Figure 7.17 : Système de
canulation
Port-access™
(HeartPort, USA). Toutes les
canules de CEC sont insérées
par voie percutanée. La
canule artérielle est en
position fémorale. La canule
veineuse est montée depuis la
veine fémorale jusque dans
l’OD. Le clampage aortique
est réalisé par un ballon
monté sur un cathéter et
gonflé
dans
l’aorte
ascendante ; ce cathéter sert
également à administrer la
cardioplégie. Le drainage du
VG est assuré par un cathéter
positionné dans le tronc de
l’AP depuis la jugulaire
interne droite. Le sinus
coronaire est canulé par voie
jugulaire interne droite.
Ballon de clampage aortique
Cathéter de drainage pulmonaire
Canule
veineuse
Aorte abdominale
Cathéter dʼocclusion aortique
Canule
artérielle
fémorale
Guide du ballon
Ligne de pression
Canule
veineuse
fémorale
Ligne de cardioplégie
Mini-CEC
La miniaturisation des circuits et la suppression du réservoir de cardiotomie minimise le contact du
sang avec des surfaces étrangères et supprime le contact avec l’air, ce qui freine la libération des
déclencheurs inflammatoires. Le faible volume du système (600-900 mL) et l’amorçage autologue
réduisent l’hémodilution. Mais l’absence de réservoir de compliance entre le malade et la CEC rend
la prise en charge plus délicate.
Anticoagulation en CEC
Le contact du sang avec l’air et avec les surfaces étrangères (tuyaux, membranes, etc) oblige à une
anticoagulation profonde pour éviter tout risque de thrombose du circuit (voir Aspects
hématologiques, page 39). Parmi les nombreux anticoagulants en usage clinique (Tableau 7.1 et
Tableau 7.2), seule l’héparine non-fractionnée (HNF) est utilisée de routine en CEC. Elle fait partie
intégrante de son fonctionnement. Pour davantage de détails sur la coagulation et l’hémostase en
chirurgie cardiaque, le lecteur pourra se référer au Chapitre 8 (Coagulation & hémostase).
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
30
Tableau 7.1 : Pharmacologie des anticoagulants et antiplaquettaires
Substances
Indication
Monitorage
Remarque
thrombose,
CEC, PCI
prophyl TVP
thrombose
prophyl TVP
PCI (+ héparine)
FA, emb pulm
FA, proph TVP
aPTT, ACT
Idrabiotaparinux
Dabigatran (Pradaxa®)
inhib ind thrombine/fXa
(par antithrombine III)
inhib ind fXa/thrombine
inhib ind fXa/thrombine
inhib indirect fXa
(par antithrombine III)
inhib indirect fXa
inhib direct thrombine
Hirudine
inhib dir thrombine
Lépirudine (Refludan®)
inhib direct thrombine
(irréversible)
inhib direct thrombine
(réversible)
inhib direct thrombine
inhib direct thrombine
inhib direct thrombine
inhib direct fXa
inhib direct fXa
inhib fact vit K-dépendants
(F II, VII, IX, X, prot C &S)
bloc récept COX1
bloc récept ADP
bloc récept ADP
bloc récept ADP
bloc récept GP IIb/IIIa
bloc récept GP IIb/IIIa
thrombose
CEC, HITS
CEC, PCI, HIT
demi-vie allongée selon dose
antagoniste : protamine
antagoniste partiel: protamine
antagoniste partiel: protamine
pas d’antagoniste (FVIIa ?)
↓ dose si fonct rénale ↓
antagoniste: avidine
pas d’antagoniste
(hémodialyse?, FVIIa ?)
pas d’antagoniste
↓ dose si fonct rénale ↓
pas d’antagoniste
↓ dose si fonct rénale ↓
pas d’antagoniste
↓ dose si fonct rénale ↓
pas d’antagoniste
pas d'antag. Demi-vie 22 h
pas d’antagoniste
pas d’antagoniste
pas d’antagoniste (FVIIa ?)
INR thérapeutique: 2-3
antagoniste : vit K
bloc irréversible
bloc irréversible
bloc irréversible
bloc réversible
bloc thrombocyte
bloc thrombocyte
Héparine non-fractionnée
HBPM prophylact
HBPM thérapeut
Fondaparinux (Arixtra®)
Bivalirudine (Angiox®)
Désirudine (Iprivask®)
Danaparoïde (Orgaran®)
Argatroban (Argatroban Inj®)
Apixaban (Eliquis®)
Rivaroxaban (Xarelto®)
Coumarines
Aspirine
Clopidogrel (Plavix®)
Prasugrel (Efient®)
Ticagrelor (Brilinta®, Brilique®)
Tirofiban/eptifibatide
Abciximab (Rheo-Pro®)
Mécanisme
CEC, PCI, HIT
anti-Xa (labo)
anti-Xa (labo)
anti-Xa (labo)
anti-Xa (labo)
TT (INR)
Temps d’écarine
aPTT/ACT
aPTT/ACT
aPTT/ACT
HITS
aPTT/ACT
prophyl TVP, CEC anti-Xa (labo)
CEC, HIT
(aPTT/ACT)
prophyl TVP
anti-Xa (labo)
TVP, emb pulm
anti-Xa (labo)
TVP, FA,
TP, INR
proth valve
(impératif)
SCA, IdM, AVC, revasc
stent, SCA, IdM
stent, SCA
stent, SCA, IdM
PCI
PCI
fXa : facteur X activé. aPTT : temps de thromboplastine partiel activé. ACT : temps de coagulation activé. Labo:
seulement dans laboratoires spécialisés. PT : temps de prothrombine. INR : international normalised ratio. CEC :
circulation extracorporelle. PCI : intervention coronarienne percutanée. HIT : syndrome thrombocytopénique induit par
l’héparine. TVP : thrombose veineuse profonde. FA : fibrillation auriculaire. SCA : syndrome coronarien aigu. IdM :
infarctus du myocarde. AVC : accident vasculaire cérébral. Ind: indirect. Dir: direct. (): tests modifiés, mais non
utilisables comme contrôle de l'activité.
L’héparine
L’héparine est un glycosaminoglycane (poids moléculaire 12’000-30'000) qui se lie à l’antithrombine
III (AT III) et accélère la capacité de cette dernière à inhiber les facteurs IIa (thrombine), IXa et Xa.
Sans héparine, la thrombine et le Xa sont inhibés par l’AT III avec une demi-vie d’environ 1 minute.
En présence d’héparine, cette réaction est potentialisée 2’000 fois. L'AT III est également dotée de
propriétés anti-inflammatoires indirectes en agissant sur la production de prostaglandines. La
consommation importante d'AT III au cours de l'héparinisation peut donc activer les cellules de la
lignée blanche et contribuer à la cascade inflammatoire post-CEC [286].
L’action de l’héparine sur l’AT III est double (Figure 7.18). La liaison avec le fragment de haute
affinité de l’héparine induit un changement de configuration de l'AT III qui augmente sensiblement
son affinité pour les facteurs de coagulation. Le fragment de faible affinité sert à rapprocher le facteur
du site d’action de l’AT III [378]. Ces deux mécanismes différents expliquent les actions plus ou
moins sélectives des différents dérivés de l’héparine. L’héparine non-fractionnée (HNF) a un rapport
d’activité anti-Xa : anti-IIa de 1:1. Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM, PM 2’000-10'000)
ont un rapport anti-Xa : anti-IIa de 2-4:1 et le pentasaccharide fondaparinux inhibe sélectivement le
facteur Xa.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
31
Tableau 7.2 : Pharmacocinétique des anticoagulants et antiplaquettaires
Substances
Voie
Héparine non-fractionnée
HBPM prophylactique
HBPM thérapeutique
Fondaparinux (Arixtra®)
Idrabiotaparinux
Dabigatran (Pradaxa®)
Apixaban (Eliquis®)
Rivaroxaban (Xarelto®)
Acénocoumarol (Simtrom®)
Warfarine (Coumadine®)
Phénprocoumone (Marcoumar®)
Lépirudine
Désirudine (Iprivask®)
Bivalirudine (Angiox®)
Danaparoïde (Orgaran®)
Argatroban (Argatroban Inj®)
Aspirine
Clopidogrel (Plavix®)
Prasugrel (Efient®)
Ticagrelor (Brilinta®, Brilique®)
Tirofiban (Agrasta®)
Eptifibatide (Integrilin®)
Abciximab (Rheo-Pro®)
iv, scut
scut
scut
scut
scut
po
po
po
po
po
po
iv, scut
scut
iv
iv, scut
iv
po
po
po
po
iv
iv
iv
Demi-vie
Elimination
1-2 h
4-5 h
4-5 h
16 h
130 h
9-15 h
12 h
8-10 h
11 h
40 h
140 h
1.5 h
2-3 h
30 min
7-25 h
1h
1.5 h
8h
8h
10 h
2h
2.5 h
23 h
hépatique
rénale
rénale
rénale
rénale
rénale
foie (3/4), reins (1/4)
foie (2/3), reins (1/3)
hépatique
hépatique
hépatique
rénale
rénale
plasmatique/rénale
rénale
hépatique
rénale
hépatique
hépatique
foie (2/3), reins (1/3)
rénale
rénale
rénale
Délai préop
4-6 h
12 h
24 h
48 h*
>7j
36 h*
36 h*
24 h*
4j
6j
10 j
10 h
10 h
4h
48 h
4h
5j
5j
7j
5j
6h
8h
72 h
Délai préop: délai d’attente recommandé entre la dernière prise ou l’arrêt de la perfusion et l’intervention
chirurgicale; correspond en général à 3 demi-vies sériques. Recommandation en cas d’ALR rachidienne: 5 demi-vies.
HBPM : héparine à bas poids moléculaire. *: délais au moins doublés en cas d’insuffisance rénale.
Valeurs de laboratoire recommandées pour la chirurgie: INR < 1.5, TP > 75%, aPTT ≤ 35 sec, ACT < 120 sec,
thrombocytes ≥ 70’000 /mcL.
+
Complexe
héparine - AT III
AT III
AT III
Héparine
F IIa
F Xa
AT III IIa
AT III
+
Figure 7.18 : Mécanisme d’action de l’héparine non fractionnée. Après la liaison avec son fragment de haute
affinité pour l’AT III (fragment jaune), l’héparine induit un changement de conformation au niveau du site
d’action de l’AT III, qui augmente sensiblement son affinité pour le facteur IIa (F IIa). En plus, le fragment
d’affinité basse de la chaîne d’héparine (en violet) sert à rapprocher le facteur IIa du site d’action de l’AT III.
Une fois que l’AT III s’est fixée sur les facteurs IIa et Xa, un changement de conformation diminue l’affinité
pour l’héparine, qui est libérée et peut se lier à une autre molécule d’AT III (flèche pointillée blanche).
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
32
Pour que l’AT III désactive la thrombine, les deux mécanismes, changement de conformation et
rapprochement, sont aussi importants l’un que l’autre. Pour désactiver le Xa, par contre, le
rapprochement ne joue pas de rôle. Les HBPM peuvent, avec leur segment de haute affinité, induire le
changement de configuration nécessaire, mais leur chaîne est trop courte pour bien affronter la
thrombine, ce qui explique leur action plus faible contre celle-ci. Le fondaparinux correspond à la
séquence du segment de haute affinité qui est la longueur de chaîne minimale requise pour induire le
changement de conformation, sans n'avoir aucune capacité de rapprochement. Donc, incapable
d’inhiber le IIa, il inhibe sélectivement le facteur Xa [150]. Une fois que l’AT III s’est fixée sur le
facteur, un changement de conformation diminue l’affinité pour l’héparine, qui est libérée et peut se
lier à une autre molécule d’AT III.
L’HNF, les HBPM et le fondaparinux sont mal absorbés par voie orale et doivent être administrés par
voie parentérale. Par voie intraveineuse, l’HNF a une action immédiate, alors que les dérivés ont un
delai d’action de 20 à 60 minutes. L’effet anticoagulant de l’HNF est très variable à cause d’une forte
liaison aux protéines et à l’endothélium [223]. Les HBPM et le fondaparinux sont beaucoup moins liés
et montrent un profil d’action plus prévisible. A cause de la variation interindividuelle de son effet,
l’HNF requiert un monitorage constant. Son activité anticoagulante est bien corrélée à l’aPTT et à
l’ACT (activated clotting time). Les dérivés plus courts n’ont pas d’effet prévisible sur ce paramètre et
sont donc plus difficiles à monitorer, mais leur surveillance n’est pas nécessaire parce que leur profil
pharmacocinétique est plus stable.
L’HNF est résorbée et métabolisée par l’endothélium et le système réticulo-endothélial. Les
métabolites sont inactifs et sont éliminés par voie rénale. La demi-vie biologique est fonction de la
dose administrée : 1 heure à la dose de 100 U/kg et 2.5 heures à la dose de 400 U/kg. L’hypothermie
ralentit considérablement la clairance de l’héparine. L’HNF est l’inhibiteur de thrombine le plus utilisé
en CEC à cause de sa facilité d’administration, de sa réversibilité par la protamine, et de la possibilité
de mesurer son activité avec des tests de coagulation comme l’ACT. Toutefois, celui-ci a une
importante variabilité et n’est pas spécifique pour l’héparine [307]. Mais une des limitations majeures
de l’HNF est son incapacité à inhiber la thrombine liée à la fibrine dans un thrombus. En effet, la
thrombine située dans les microthrombi formés sur les surfaces de la CEC est hors d'atteinte de
l'héparine. Des inhibiteurs directs de la thrombine (lépirudine, bivalirudine, argatroban) ont été
développés pour mieux inhiber la thrombine intégrée dans le thrombus, mais leur application en
clinique de routine est limitée par leur courte demi-vie (30-60 minutes) et par leur absence
d’antagoniste. Les HBPM et le fundaparinux, qui ne peuvent pas non plus être antagonisés, n’ont pas
suffisamment d’activité anti-IIa pour être utiles en CEC.
Héparine et CEC
L’héparine est indispensable au le bon déroulement d’une CEC. C’est la raison pour laquelle elle est
injectée par voie centrale après avoir contrôlé le reflux sanguin, ou adminsistrée directement dans
l’OD par le chirurgien ; l’injection est suivie d'un rinçage pour être sûr que la totalité de la dose soit
injectée. L'ACT de contrôle est mesurée 3-5 minutes plus tard. La dose de charge d’héparine pour
obtenir une anticoagulation adéquate pour une CEC est de 300-400 U/kg. Ensuite, les doses
supplémentaires doivent être titrées selon la réponse individuelle du patient à l’héparine. Plusieurs
tests peuvent être effectués pour mesurer l’activité de l’héparine. Le test le plus utilisé et l’ACT: du
sang est mis dans un récipient qui contient un activateur de la voie intrinsèque (célite, kaolin, verre ou
une combinaison de ces produits), puis le tube est placé dans une machine qui chauffe le sang à 37°C
et qui mesure le temps de coagulation. La valeur de l’ACT normal est situé entre 80 et 120 secondes.
L’ACT minimal nécessaire pour éviter des problèmes thrombotique ou hémorragique pendant une
CEC est toujours discutée, mais une valeur > 400 secondes est généralement acceptée comme
référence pour les circuits standards (450-500 secondes), et une valeur de ≥ 250 secondes pour les
assistances avec circuits pré-héparinés. Si l'ACT est < 400 secondes, on ne commence pas la CEC sans
ajouter une dose supplémentaire d'héparine (5'000 – 10'000 UI) ; on procède à un nouveau contrôle
après 3 minutes [168].
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
33
Un allongement insuffisant de l’ACT après une dose habituelle d’HNF (< 450 secondes pour 450
U/kg) révèle une résistance du patient à l’héparine liée à un déficit en antithrombine. Ce manque d’AT
III est souvent consécutif à un traitement préopératoire avec de l’héparine pendant plusieurs jours,
mais il peut aussi être secondaire à l’hémodilution qui diminue le taux d’AT plasmatique de 30-50%.
Le traitement consiste en administration d’AT III sous forme de concentré (800 – 1'000 U/kg) ou de
plasma frais décongelé (2 poches) [381].
Alternatives à l’héparine
Chez les malades qui présentent une thombocytopénie induite par l’héparine (TIH ou HITS heparininduced thrompenia syndrome), il est possible de procéder à une CEC sous d’autres anticoagulants
(voir Chapitre 8 TIH). Toutefois, ceux-ci n’ont pas d’antagoniste, et ne sont pas renversés par la
protamine. Leur élimnination dépend de leur demi-vie sérique et de l’utilisation d’un circuit
d’hémofiltration.
 Lépirudine (Refludan®) : bolus 0.25 mg/kg + 0.2 mg/kg dans le liquide d’amorçage de la CEC
+ bolus 5 mg pour ACT > 350 sec (imprécis) ; perfusion 0.15 mg/kg/h. Demi-vie sérique de
10 min, demi-vie d’élimination 1-1.5 heure, mais inhibition irréversible de la thrombine. La
meilleure surveillance est l’ECT (temps de coagulation par l’écarine du sang total citraté).
 Danaparoïde sodique (Orgaran®) : bolus iv 1’500-2'000 U + 5’000-10'000 U dans le liquide
d’amorçage de la CEC ; ajout de 1'500 U après 2 heures. Demi-vie de 7 heures pour l’activité
anti-IIa et de 25 heures pour l’activité anti-Xa. Très difficile à gérer en CEC et très
hémorragipare dans le postopératoire.
 Argatroban (Argatroban Injection®) : bolus 0.1-0.2 mg/kg iv + 0.05 mg/kg dans le liquide
d’amorçage de la CEC + perfusion 5-10 mcg/kg/min (immédiate et continue) pour ACT 350400 sec ; bolus supplémentaires si nécessaire : 2 mg. Demi-vie : 1 heure.
 Bivalirudine (Angiox®) : inhibiteur réversible direct de la thrombine ; bolus 1 mg/kg + 50 mg
dans le liquide d’amorçage de la CEC + perfusion 2.5 mg/kg/h. On vise un ACT ≥ 2.5 x ACT
de base. Demi-vie : 25 min ; le plus facile à manipuler pour la CEC, mais avec un risque de
thrombose dans le réservoir ou dans l’oxygénateur si le débit de la machine est interrompu, car
l’élimination de la bivalirudine par protéolyse plasmatique continue dans le sang immobilisé.
Protamine
La protamine, extraite du sperme de saumon, est une molécule polycationique chargée positivement
qui forme des complexes stables avec l'héparine, qui est chargée négativement. Un mg de protamine
(100 UI) neutralise 1 mg d'héparine (100 UI). Habituellement, on administre une dose de protamine
correspondant aux 80% de la dose d'héparine. Un ACT fait 5 minutes après la fin de la protamine doit
être dans une limite de ± 10% par rapport à la valeur de départ. La protamine présente plusieurs effets
secondaires immédiats, dont l’incidence varie de 1 à 13% des cas (moyenne 2.6%) [186,212].
 Libération d'histamine, qui se caractérise par une vasodilatation importante avec baisse de
précharge et de postcharge; elle est directement proportionnelle à la vitesse d'administration
(réaction de type I). Il est très fréquemment nécessaire d'accélérer les perfusions et de donner
un vasoconstricteur (néosynéphrine ou nor-adrénaline) pour contrecarrer cet effet.
 Hypertension pulmonaire ; le complexe héparine-protamine déclenche la libération de
thromboxane A2, qui est un vasoconstricteur pulmonaire ; la PAP s’élève de 25-50%.
 Réaction antigène – anticorps (IgG et IgE) (réaction de type II); plus rare, celle-ci se rencontre
chez les diabétiques traités par une insuline stabilisée avec de la protamine (protamine-Zn),
chez les malades réopérés qui ont déjà reçu de la protamine, chez les patients allergiques aux
poissons, et chez les hommes vasectomiés.
 Réaction anaphylactoïde déclenchée par le complexe héparine-protamine en activant
directement la voie classique du complément (C4a) sans l'intermédiaire d'une réaction
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
34
antigène-anticorps (réaction de type III, qui survient dans 1.5% des cas). Le tableau clinique
est celui d'une réaction anaphylactique majeure; la libération massive de thomboxane,
déclenche une hypertension pulmonaire et une bronchoconstriction qui peuvent être
foudroyantes.
Les patients allergiques peuvent être opérés avec des circuits héparinés et une héparinisation
systémique réduite (100 UI/kg), ce qui permet d’éviter l’administration de protamine [246].
Il est recommandé d'attendre l'effet de la protamine et de procéder à un test (thromboélastogramme,
ROTEM) avant d’administrer d’autres agents destinés à améliorer la coagulation sanguine comme du
sang autologue hémoconcentré, des facteurs de coagulation isolés, du PFC ou des plaquettes. Le
volume que le perfusioniste récupère dans les circuits après la CEC est un perfusat contenant de
l'héparine ; son l'hématocrite est le même que celui de la CEC, donc inférieur à 30%.
L'administration de protamine est débutée après la décanulation veineuse de l’OD. Habituellement, on
injecte la première moitié de la dose lentement (maximum 50 mg/min) par une voie veineuse
périphérique, puis on enlève la canule aortique et l'on donne la deuxième moitié. Ceci permet de
diminuer l'hémorragie lors de la décanulation artérielle et d'éviter la formation de thrombus dans
l'aorte. Si la canule artérielle est en position fémorale ou sous-clavière, on ne commence la protamine
qu'après rétablissement complet de la circulation dans l'artère. Dès que l'administration de protamine a
débuté, on arrête les aspirations de la machine de CEC pour passer aux aspirations perdues et au
CellSaver™; en effet, des caillots peuvent se former dans le réservoir et l'oxygénateur, ce qui oblige à
changer le circuit au cas où l'on doit repartir en pompe pour un problème aigu.
Anticoagulation en CEC
Le contact du sang avec des surfaces étrangères et avec l’air oblige à une anticoagulation complète
au moyen d’héparine non-fractionnée (HNF). L’héparine est administrée avant la CEC par voie
centrale à raison de 300-400 U/kg pour obtenir un ACT > 400 secondes. Si l'ACT est < 400
secondes, on ajoute une dose supplémentaire de 10'000 U et on procède à un nouveau contrôle. Une
impossibilité d’allonger l’ACT malgré une dose adéquate d’HNF doit faire suspecter une
insuffisance en antithrombine III, qu’il faut remplacer sous forme de concentré (800 – 1'000 U/kg)
ou de plasma frais décongelé.
Les malades qui présentent une thombocytopénie induite par l’héparine peuvent être anticoagulés par
d’autres substances, malheureusement sans antagoniste et non réversibles par la protamine:
- Lépirudine (Refludan®)
- Danaparoïde sodique (Orgaran®)
- Argatroban (Argatroban Injection®)
- Bivalirudine (Angiox®)
La protamine antagonise l’héparine non-fractionnée à raison d’un mg (100 UI) pour 1 mg d'héparine
(100 UI). L’administration de protamine est débutée après la décanulation de l’OD; on donne la
moitié de la dose prévue avant de décanuler l’aorte et la deuxième moitié après la décanulation de
celle-ci. Dès que l'administration de protamine a débuté, on arrête les aspirations de CEC.
La protamine présente plusieurs effets secondaires:
- Vasodilatation systémique et hypotension artérielle
- Vasoconstriction pulmonaire
- Réaction antigène-anticorps
- Réaction anaphylactoïde foudroyante (choc anaphylactique)
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
35
Agents antifibrinolytiques
La production de plasmine et l'activation excessive de la fibrinolyse sont caractéristiques de la CEC et
du syndrome inflammatoire postopératoire. Trois substances antifibrinolytiques sont utilisées pour
contrecarrer cet effet : l'aprotinine (Trasylol®), l’acide tranexamique (ATX, Anvitoff®, Exacyl®,
Cyclokapron®) et l'acide ε-amino-caproïque (AEAC, Amicar®). L’ATX et l’AEAC se fixent sur la
lysine du plasminogène et bloquent l'activation de la plasmine, donc la fibrinolyse. L’aprotinine est un
inhibiteur non spécifique des protéases, qui bloque directement la plasmine. En clinique, ces
substances diminuent globalement les pertes sanguines de 30% et les reprises chirurgicales pour
hémorragie de 60% [59,190].
L’aprotinine
L'aprotinine, qui est extraite du poumon de boeuf, a été isolée en 1930. C'est un inhibiteur des
protéases sériques, de la kallikréine, de la protéine C et de la trypsine. A cet égard, elle a été utilisée
dans le traitement des pancréatites aiguës pendant les années soixante. Elle a des effets antiinflammatoires, mais freine aussi la synthèse de NO. En 1987, Royston a décrit une diminution
importante des hémorragies après chirurgie cardiaque (286 ml versus 1509 ml) sous l'effet d'un
traitement prophylactique à haute dose (6 millions UI) d'aprotinine [305]. On a par la suite trouvé des
résultats similaires avec des doses de 2 millions UI seulement [41]. Il est certain que l’aprotinine
diminue significativement les pertes sanguines, particulièrement dans les situations à haut risque
hémorragique comme les réopérations et les patients sous antiplaquettaires [59,82,320]. L'aprotinine
diminue également l'intensité de la réaction inflammatoire systémique et la production de C1, de TNF
et de kallikréine [197]. Elle baisse environ de moitié (OR 0.5-0.65) l'incidence des séquelles
neurologiques dans certaines études [82,247,320], mais pas dans toutes [59,221]. Cependant,
l'aprotinine est responsable de réactions anaphylactiques dans 0.1-3% des patients. Le risque et
l'intensité de la réaction sont augmentés en cas d'exposition dans les 6 à 12 mois qui précèdent, ce qui
demande beaucoup de vigilance lors de reprise chirurgicale dans l’année qui suit une première
opération en CEC [29].
L'aprotinine inhibe la vasodilatation des artérioles glomérulaires afférentes. Cette vasoconstriction
préglomérulaire peut s’ajouter à la vasodilatation des artérioles efférentes postglomérulaires induite
par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) : elle réduit encore davantage la perfusion
glomérulaire et la fonction excrétrice rénale chez les patients sous IEC. Une étude clinique a démontré
une association significative entre la combinaison d’aprotinine et d’IEC et l’insuffisance rénale après
chirurgie cardiaque (incidence 3.5%) [187] ; l’incidence d’élévation de la créatinine > 200 µmol/L est
de 11.8% dans la combinaison aprotinine + IEC au lieu de 5% chez les patients sans aprotinine (OR
2.9). Une augmentation du taux de dysfonction rénale sous aprotinine se retrouve dans plusieurs
études [82,178,221], particulièrement en cas de dosage élevé [59].
Il y a quelques années, trois études, groupant respectivement 898, 4'374 et 3'876 patients et utilisant un
score de propension pour comparer les groupes, sont venues jeter le trouble dans l'habitude
extrêmement répandue d'administrer de l'aprotinine préventivement à la majorité des malades de
chirurgie cardiaque. La première compare les effets de l'aprotinine (6 millions UI) à ceux de l'acide
tranexamique (50-100 mg/kg) [178]. L'efficacité des deux substances en terme d'hémorragies et de
transfusions est identique, mais les complications rénales sont plus fréquentes avec l'aprotinine (24%
versus 17%, p = 0.01); cette association est renforcée chez les patients présentant une dysfonction
rénale préopératoire. La deuxième étude a démontré que l'utilisation de l'aprotinine (dose ≥ 2 millions
UI) est associée à un accroissement du risque d'insuffisance rénale, d'infarctus et d'ictus par rapport à
l'acide tranexamique, à l'acide ε-amino-caproïque ou à un placebo [221]. L'aprotinine augmente le taux
d'insuffisance rénale (5.5% versus 1.8%), d'ictus (4.5% versus 1.6%), d'évènements cardiaques (20.4%
versus 13.2%), et de mortalité (2.8% versus 1.3%). Ces effets sont dose-dépendants. Aucune de ces
complications n'est augmentée dans les autres groupes. La diminution de l'hémorragie n'est pas
significative (753 ml versus 827 ml avec le placebo et 676 ml avec l'acide tranexamique). La troisième
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
36
étude reprend les observations de la deuxième mais avec un suivi de 5 ans ; la mortalité des patients
ayant reçu de l’aprotinine (20.8%) est significativement supérieure à celle du groupe contrôle (12.7%)
(hazard ratio 1.48), alors que la mortalité des patients ayant reçu de l’acide tranexamique ou de l'acide
ε-amino-caproïque est inchangée [220]. Ces deux dernières études ont été très critiquées à cause de
leurs biais de sélection ; de plus, elles sont en contradictions avec les principales méta-analyses
publiées à la même époque [27]. Dans les trois études, la dose d’aprotinine utilisée est de 2-4 millions
d’unités.
En février 2006, la FDA a recommandé de limiter l'utilisation de l'aprotinine aux situations dans
lesquelles le bénéfice d'une réduction de l'hémorragie est essentiel au traitement médical et surpasse
les risques potentiels de toxicité. Jusqu’en automne 2007, on pouvait résumer le débat par les points
suivants [155].
 Les antifibrinolytiques sont essentiellement indiqués dans les situations à risque
hémorragiques élevés ;
 Les antifibrinolytiques réduisent le taux d'hémorragie d'environ 30% ;
 L'aprotinine est l'agent le plus efficace, mais pas de manière marquée; elle présente un taux de
réaction allergique de 0.1-2% ;
 L'aprotinine semble réduire l'incidence de complications neurologiques ;
 L'aprotinine est suspecte d'augmenter la mortalité et le taux de complications cardiaques ;
 L’aprotinine augmente l'incidence de complications rénales chez les patients avec une
dysfonction rénale préopératoire et chez les patients sous IEC ;
 L'aprotinine est au moins cinq fois plus chère que les autres antifibrinolytiques.
Début novembre 2007, une grande étude canadienne (BART: Blood conservation using
Antifibrinolytics: Randomized Trial in high-risk cardiac surgery) a démontré un accroissement de
mortalité et de complications dans le groupe aprotinine par rapport aux groupes acide tranexamique et
acide ε-amino-caproïque (risque relatif augmenté jusqu’à 40%) [114]. Même si elle diminue un peu
plus les saignements que les deux autres substances, l’aprotinine augmente le risque de décès dans les
hémorragies massives. En conséquence, la firme Bayer a retiré le Trasylol® du marché mondial le 6
novembre 2007.
La rapidité de ce retrait a beaucoup surpris, d’autant plus que l’étude BART présente de sérieuses
faiblesses méthodologiques et que le poids de l’évidence dans la littérature penche en faveur de
l’aprotinine dans les pontages aorto-coronariens et chez les malades sous anti-thrombotiques [230a].
Bien que les autorités sanitaires européennes et canadiennes aient clairement indiqué que les bénéfices
de l’aprotinine surpassent ses risques en chirurgie cardiaque [109a], son utilisation n’a pas repris.
Toutefois, la substance pourrait revenir sur le marché, puisque la firme Nordic™ en a racheté la
licence et que l’agence européenne des médicaments (European Medicines Agency, EMA) en a levé
l’interdiction.
Autres agents antifibrinolytiques
Dès lors, la plupart des centres ont choisi de remplacer l’aprotinine par l’acide tranexamique
(Anvitoff®, Cyclokapron®). Cet analogue de la lysine se lie au plasminogène de manière réversible et
inhibe sa conversion en plasmine. Bien que légèrement moins efficace que l’aprotinine pour diminuer
les pertes sanguines et les reprises chirurgicales pour hémorragie, l’acide tranexamique (AT) ne
déclenche pas de réactions allergiques ni de dysfonction rénale postopératoire. En outre, il est moins
onéreux. Les dosages décrits dans la littérature varient de 10 à 100 mg/kg. Il est important
d’administrer une première dose avant la CEC (10-30 mg/kg), suivie d’une perfusion (2-10 mg/kg/h)
ou d’une répétition de la première dose dans la CEC, et d’une dose après la CEC [70,360]. Une
perfusion peut être mise en route dans le postopératoire si nécessaire. La dose maximale mentionnée
est 150 mg/kg. L’augmentation des doses accroît le risque de convulsions postopératoires jusqu’à 7
fois [190,226]. Dans une étude portant sur 4'883 patients et utilisant un dosage modéré (24 mg/kg), le
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
37
risque de convulsions est augmenté de 70% (OR 1.70) et la mortalité de 90% (OR 1.89) dans le
groupe sous AT par rapport au groupe témoin ; ces différences sont plus marquées dans la chirurgie à
cœur ouvert que dans la chirurgie coronarienne [189a].
L'incidence financière du choix de l'antifibrinolytique est considérable, parce que l'aprotinine est un
médicament coûteux: SFr 220.- pour 1 million UI (US$ 200.00); la dose équivalente d'acide
tranexamique revient à SFr 74.- (1 gm) (US$ 25.00) ; l’AEAC est le moins cher : US$ 5.00. A titre de
comparaison, une poche de sang coûte SFr 220.- en Suisse (valeur février 2012). Or, dans les meilleurs
des cas, les anifibrinolytiques ne permettent d'économiser en moyenne que 1.4 unité de sang.
Antifibrinolytiques
Les antifibrinolytiques se fixent sur la lysine du plasminogène et bloquent l'activation de la plasmine,
donc la fibrinolyse. En clinique, ils diminuent globalement les pertes sanguines de 30%. Trois
substances sont utilisées à cet effet.
- L’aprotinine, retirée du marché depuis 2007 à cause d’un excès d’insuffisance rénale, de
complications cardiaques et de mortalité
- L’acide tranexamique ne déclenche pas de réactions allergiques ni de dysfonction rénale;
dosage: 10-30 mg/kg avant et après la CEC; dose totale maximale: 150 mg/kg; les hautes
doses acccroissent le risque de convulsions postopératoires
- L’acide ε-aminocaproïque est légèrement moins efficace
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
38
Physiopathologie de la CEC
Bien qu'assurant la circulation et les échanges gazeux, la CEC n'est pas un système physiologique. Elle
présente quatre caractéristiques qui sont à la base des réactions pathologiques.




Le sang est en contact direct avec l'air et avec des surfaces étrangères ;
L'anticoagulation est profonde ;
La température est modifiée ;
Le flux artériel est dépulsé.
Aspects hématologiques
Hémodilution
Le mélange du sang avec le liquide d'amorçage (1.0 - 1.5 L de solution hydro-électrolytique) est
responsable d'une hémodilution majeure qui abaisse soudainement l'hématocrite aux environs de 25%
et qui diminue la pression colloïdo-osmotique de 40% [145]. C'est la cause principale de la chute de
pression enregistrée au début de la CEC. La pression remonte ensuite parce que l'hypothermie
provoque une stimulation des résistances artérielles périphériques (RAS) et parce que la viscosité
augmente à mesure que la température du sang baisse. La chute de la pression osmotique aggrave la
fuite liquidienne extracellulaire dans l'espace interstitiel des poumons, du coeur, du foie, des reins, des
viscères abdominaux et des muscles.
L'hémodilution est avantageuse sur plusieurs plans (voir Liquide d’amorçage, page 7).
 Elle améliore la microcirculation en baissant la viscosité sanguine, ce qui est capital en
hypothermie ; la viscosité reste stable lorsque l'Ht en pourcent a la même valeur que la
température en degrés C° ;
 Elle diminue le besoin en sang allologue et les complications associées à la transfusion ;
 Elle est bien tolérée puisque la consommation d'O2 tissulaire est diminuée à froid.
En CEC normothermique, un Ht de 18% suffit juste à remplir les besoins en oxygène d'un malade
endormi et curarisé [206]. Lorsque l’Hb est < 70 g/L, le flux sanguin cérébral augmente de 45% et le
flux plasmatique rénal s’élève dans la zone corticale, mais la réserve coronarienne diminue de 50% et
la perfusion splanchnique est à la limite de l'ischémie [267,343].
L’hémodilution n’est bénéfique que dans certaines limites. Un Ht inférieur à 22%, par exemple, est un
facteur prédictif indépendant de morbi-mortalité postopératoire [141]. L'Ht a un impact particulier sur
la fonction cérébrale et sur la fonction rénale. Les troubles neurocognitifs deviennent plus importants
lorsque l’Ht minimal est de 15-17% [96] ; seul un Ht > 28% assure un status neurologique
postopératoire normal [365]. Chez les enfants, le score neurologique et le développement
psychomoteur sont meilleurs lorsque l’Ht en CEC est élevé (28%) que lorsqu’il est bas (21%) [170].
D’autre part, la fonction rénale s’aggrave linéairement avec la baisse de l’hémoglobine lorsque
l’hématocrite est < 30% [348]. Un Ht de 25-28% en cours de CEC est donc la limite inférieure de
sécurité pour garantir la reprise fonctionnelle des organes.
Hémolyse
Le contact avec des surfaces étrangères de différentes natures provoque une série de traumatismes
hématologiques plus ou moins sévères, et en général directement proportionnels à la durée de la CEC.
De plus, les pompes provoquent des lésions mécaniques des éléments figurés, qui sont fonction de leur
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
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degré d'occlusivité et de leur vitesse de rotation. Enfin, les aspirations dans le champ opératoire sont
responsables d’une partie des dégâts inflammatoires et érythrocytaires, qui sont d'autant plus graves
que les aspirations sont puissantes et prolongées et que l'hémorragie est importante. L'hémolyse qui en
résulte est bien visible dans les urines qui deviennent rouge bordeau. Dans ce cas, il est nécessaire de
maintenir un débit urinaire satisfaisant et d'alcaliniser les urines avec du bicarbonate de Na+ (50-100
mmoles i.v.) pour freiner la cristallisation de l'Hb libre dans les tubules [140].
Une autre cause d'hémolyse est la présence d'agglutinines froides. C'est une maladie autoimmune
caractérisée par la présence d'anticorps causant l'agglutination des érythrocytes en dessous d'un certain
seuil de température.
Agglutinines froides
Les agglutinines froides sont des anticorps IgM dirigés contre des antigènes Anti-I présents sur la
membranne des globules rouges. Elles causent une agglutination de ces derniers à basse température.
Au réchaufffement, ces aggrégats provoquent des thrombi microvasculaires et sont hémolysés, ce qui
dégage une grande quantité d'hémoglobine libre. Cette affection est une maladie idiopathique, ou la
séquelle d'un processus infectieux ou lymphoprolifératif. Son incidence est inférieure à 1% des
patients de chirurgie cardiaque. L'affection se manifeste par des thromboses périphériques et une
hémolyse (voir Chapitre 21 Coagulopathies).
Les agglutinines froides sont détectées au test de Coomb direct (présence de complément sur les GR
du patient) et indirect (présence d’anticorps sériques). Elles existent chez tous les individus, mais ne
réagissent normalement qu’à 0-4°C. Leur signification clinique tient à leur taux sérique et à la valeur
de la température à laquelle elles sont activées. Les valeurs considérées comme sûres pour la CEC sont
un titre inférieur à 1:32 à une température de 4°C, sans agglutination détectable à 28°C ou au-dessus.
Les probabilités de complications peropératoires deviennent significatives pour des taux supérieurs à
1:512 à 4°C, ou inférieurs à cette valeur si la température d'activation est supérieure à 25°C [242].
En salle d'opération, on prend une série de précautions [51].






Réduction des taux circulants par plasmaphérèse préopératoire si nécessaire ;
Chirurgie en normothermie (CEC > 34°C) ou à cœur battant ;
Réchauffement de la salle d’opération et des perfusions ;
Cardioplégie chaude (> 34°C) cristalloïde ou au sang ;
Réchauffer les poches de sang en cas de transfusion ;
En cas de crise avec hémolyse :
o Réchauffer à 37°C ;
o Améliorer la perfusion périphérique avec un vasodilatateur (nitroprussiate) ;
o Alcaliniser les urines (50-100 mmoles bicarbonate de Na+) ;
o Méthylprednisolone (500 mg) : efficacité discutée.
Les crises se manifestent par une hémolyse et des occlusions vasculaires périphériques myocardiques,
hépatiques et rénales.
Activation de la coagulation
La coagulation est un phénomène local, normalement déclenché par une lésion tissulaire qui rompt la
barrière de l’endothélium (pour plus de détails, voir Chapitre 8 Coagulation & hémostase). Quatre
processus physiologiques sont en jeu (Figure 7.19) [3,164].
 Bouchon plaquettaire. La lésion endothéliale permet un contact entre les facteurs tissulaires
(von Willebrand, GPIb/V/IX) et les plaquettes circulantes ; celles-ci passent du repos à la
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
40
phase activée. Les plaquettes activées s’ammassent entre elles en se reliant par les attaches de
leurs récepteurs GPIIb/IIIa avec le fibrinogène. Les plaquettes activées et la lésion de
l’endothélium fournissent une surface de phospholipides chargés négativement qui est la
plateforme sur laquelle se bâtit la cascade de la coagulation.
Lésion
Collagène
Endothelium
Facteur
tissulaire
3
FIXa, FXa
FVIIa
2
Endothélium
Thrombine
FVa, FVIIIa
AT, IFT
PCA, NO
Coagulation
tPA
Pl*
Pl*
1
Plaquettes
Pl*
F
Plasminogène
F
F
Plasmine
Activation
Plaq
Fibrine
Pl*
Pl*
F
F
Pl*
4
Fibrinolyse
von
Willebrand
Lésion
Lésion
© Chassot 2012
Figure 7.19 : Activation de la cascade coagulatoire lors d’une lésion tissulaire telle que la plaie opératoire.
Quatre processus sont en jeu. 1 : bouchon plaquettaire (en bleu). Le facteur von Willebrand est mis au contact
des plaquettes par la lésion endothéliale ; celles-ci passent du repos (Plaq) à la phase activée (Pl*). Les
plaquettes activées s’ammassent entre elles en se reliant par les attaches de leurs récepteurs GPIIb/IIIa avec le
fibrinogène (F). 2 : cascade de la coagulation (en jaune). L’exposition du facteur tissulaire dans la lésion active
le Facteur VII circulant en FVIIa, ce qui met en marche la chaîne de la coagulation pour aboutir à la
transformation de la prothrombine en thrombine ; celle-ci potentialise la coagulation par rétroaction dans une
boucle amplifi-catrice (stimulation des facteurs Va et VIIIa qui à leur tour stimulent les facteurs XIa et Xa). La
thrombine transforme le fibrinogène circulant en fibrine ; celle-ci va stabiliser le bouchon plaquettaire (filaments
jaunes) et le transformer en thrombus solide grâce à l’action du facteur XIII activé (F XIIIa) qui crée des ponts
entre les molécules de fibrine. 3 : les cellules endothéliales normales agissent comme régulateurs (en rouge) pour
empêcher la propagation de la coagulation au-delà de la zone lésée. Elles libèrent une série de facteurs
inhibiteurs (antithrombine AT, protéine C active PCA, inhibiteur de la voie du facteur tissulaire IFT, NO) qui
interrompent la voie de la coagulation. 4 : fibrinolyse (en vert). L’endothélium libère également l’activateur
tissulaire du plasminogène (tPA) qui se lie à la fibrine et transforme le plasminogène en plasmine ; cette dernière
va lyser la fibrine [335].
 Cascade de la coagulation. L’exposition du facteur tissulaire (FT) dans la lésion endothéliale
active le Facteur VII circulant en F VIIa, ce qui met en marche la chaîne de la coagulation
(voie extrinsèque) pour aboutir à la transformation de la prothrombine (F II) en thrombine (F
IIa) ; celle-ci potentialise l’activation des plaquettes et de la coagulation par rétroaction dans
une boucle amplificatrice (stimulation des facteurs Va et VIIIa qui à leur tour stimulent les
facteurs XIa et Xa). La thrombine transforme le fibrinogène circulant en fibrine ; celle-ci va
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
41
stabiliser le bouchon plaquettaire et le transformer en thrombus solide grâce à l’action du
facteur XIII activé (F XIIIa) qui crée des ponts entre les molécules de fibrine.
 Les cellules endothéliales normales agissent comme régulateurs pour empècher la propagation
des thrombi au-delà de la zone lésée. Elles libèrent une série de facteurs inhibiteurs des
plaquettes et de la cascade coagulatoire (antithrombine, NO, inhibiteur de la voie du facteur
tissulaire) qui interrompent la voie de la coagulation et la contiennent au site de la lésion.
 Fibrinolyse. L’endothélium libère également l’activateur tissulaire du plasminogène qui se lie
à la fibrine et transforme le plasminogène en plasmine ; cette dernière va lyser la fibrine et la
rompre en fragments sans activité coagulatoire (D-dimères).
Indépendamment de toute lésion tissulaire, la CEC déclenche directement la formation de thrombine et
de fibrine. Cinq minutes après son début, le taux de thrombine et de fibrine soluble est déjà augmenté
de 20 fois, alors que ces substances ne se rencontrent normalement qu’au niveau de la plaie et non
dans la circulation systémique [72]. Là aussi quatre phénomènes interviennent [335].
 Le système de contact. Au contact de surfaces étrangères chargées négativement comme le
verre ou les plastiques, le Facteur XII (Hageman) se clive en F XIIa (activé) qui transforme la
prékallikréine en kallikréine, les kininogènes en bradykinine et le facteur XI en F XIa ; ce
dernier processus aboutit à la formation de thrombine par la voie intrinsèque de la coagulation.
Le F XIIa active également la voie du complément et favorise la transformation de
plasminogène en plasmine, provoquant la fibrinolyse.
 Les plaquettes sont stimulées par le contact avec les surfaces étrangères et par l’excès de
thrombine en circulation ; elle adhèrent aux surfaces, y forment des amas et sécrètent de la
thromboxane A2 vasoconstrictrice. Leur nombre diminue de 30-50% au cours d’une CEC
[307]. Leur fonction est réduite en hypothermie, mais de manière réversible au réchauffement.
 La fibrinolyse. Le taux de plasmine circulante augmente 10-20 fois pendant la CEC ; la vitesse
de formation et la vitesse de dégradation de la fibrine sont équivalentes, ce qui revient à une
consommation accrue de fibrinogène sans formation de caillots [73].
 La réaction inflammatoire. Les leucocytes sont activés par les surfaces étrangères ; ils vont
alors sécréter du facteur tissulaire (FT) qui contribue au développement de la cascade
coagulatoire et à la production de thrombine. Les surfaces étrangères stimulent aussi la voie
alternative du complément (la voie classique est déjà activée par le F XIIa) ; les facteurs C3a
et C5a se lient aux leucocytes circulants et contribuent à leur activation.
Les leucocytes activés s'infiltrent entre les cellules endothéliales et produisent des radicaux libres, des
superoxydes et des enzymes lysosomiques; c'est la cause de lésions endothéliales, d'augmentation de
perméabilité capillaire, d'accumulation liquidienne extracellulaire et de syndrome inflammatoire
systémique (voir Syndrome inflammatoire, page 43). Les lésions imparties aux plaquettes et aux
facteurs de coagulation (dénaturation protéique) sont directement liées à la durée de CEC, à la
profondeur de l'hypothermie (≤ 25°), aux aspirations, et au contact avec l'air (réservoir veineux,
aspirations).
On peut réduire l’activation de la coagulation par différents moyens, mais, hormis l’anticoagulation,
leur efficacité est très variable.
 Anticoagulation complète par l’héparine non-fractionnée (HNF) ; l’activité de la thrombine est
bloquée lorsque l’ACT est > 480 secondes, mais il faut que le taux d’anti-thrombine soit
adéquat (voir Anticoagulation, page 30). L’héparine elle-même stimule les plaquettes.
 Supplémentation en anti-thrombine (AT III), car son taux baisse de 30% en CEC à cause de
l’hémodilution et de la consommation par l’héparine. Administration sous forme de concentré
d’AT III (800 – 1'000 U/kg) ou de plasma frais décongelé (2 poches) [381].
 Antifibrinolytiques ; l’acide tranexamique et l’acide amino-caproïque se fixent sur la lysine du
plasminogène et bloquent l'activation de la plasmine, donc la fibrinolyse. L’aprotinine est un
inhibiteur non spécifique des protéases, qui bloque directement la plasmine (voir Antifibrinolytiques, page 36).
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
42
 Thromboplégie ; la CEC active les plaquettes qui relâchent leurs granules (ADP,
thrombexane), forment des agrégats et adhèrent aux surfaces ; 30-50% d’entre elles ne sont
plus fonctionnelles en postopératoire [307]. Leur blocage momentané par un agent antagoniste
du récepteur P2 Y12 comme le cangrelor en perfusion (demi-vie : 9 minutes) les protège de la
stimulation et préserve leur fonctionnalité pour le postopératoire [191]. Cette thérapeutique
prometteuse est encore en phase d’essai.
 Restriction des aspirations ; le sang récupéré contient de l'air ainsi que des activateurs de la
coagulation (TF, thrombine, plasmine) et de l’inflammation (interleukines, TNF, C3a, C5a).
Les aspirations sont la source principale d'hémolyse, de thrombopénie, de coagulopathie et de
stimulation du syndrome inflammatoire [335]. Les perturbations du système coagulatoire sont
nettement diminuées lorsqu’on ne recycle pas le sang aspiré ou lorsqu’on le filtre dans un
système CellSaver, mais ces manoeuvres éliminent malheureusement les plaquettes, les
protéines et les facteurs de coagulation [374].
 Restriction de la taille des circuits ; la miniaturisation des circuits et la suppression du
réservoir de cardiotomie minimisent le contact du sang avec des surfaces étrangères et
suppriment le contact avec l’air, ce qui freine la libération des activateurs de la coagulation et
des déclencheurs inflammatoires.
 Biocompatibilité des circuits ; les circuits préhéparinés et les circuits imprégnés de polymères
particuliers freinent la cascade du complément et l'activation leucocytaire. L’effet clinique est
toutefois peu important [222].
 Opération à cœur battant sans CEC ; l’absence de CEC n’élimine pas l’activation coaguloinflammatoire, mais la réduit ; la dysfonction plaquettaire est moindre [361].
Aspects hématologiques
Le volume d’amorçage de la CEC provoque une hémodilution (Ht 25-28%), nécessaire pour freiner
l’augmentation de la viscosité du sang à basse température. En hypothermie, la viscosité reste stable
lorsque la valeur de l'Ht en % est la même que celle de la température en degrés C°. Lorsque l’Ht est
< 25%, le status neurologique et la fonction rénale postopératoires sont péjorés.
La CEC provoque une hémolyse, en général infra-clinique. En hypothermie, celle-ci peut devenir
massive en présence d’hémagglutinines froides (mises en évidence par un test de Coombs).
La CEC déclenche rapidement la formation de thrombine et de fibrine, indépendamment de toute
plaie tissulaire. Quatre systèmes sont activés par le contact avec des surfaces étrangères:
- Le F XII activé déclenche la voie intrinsèque
- Les plaquettes sont stimulées
- La fibrinolyse détruit la fibrine formée mais consomme du fibrinogène
- L’activation des leucocytes et du complément déclenche une réponse inflammatoire
systémique massive
Syndrome inflammatoire systémique (SIRS)
L’inflammation est une réaction de défense de l’organisme contre un envahisseur. C’est un système
complexe et redondant, qui comprend de nombreux circuits de rétroaction amplificateurs, mais aussi
des circuits inhibiteurs qui en limitent la portée. Dans une plaie, la barrière cutanée ou muqueuse est
brisée. Le corps doit à la fois s’y protéger des toxines et y empêcher la perte de sang. C’est la raison
pour laquelle la réaction inflammatoire est intimement liée à la coagulation. Normalement, le sang
n’est en contact qu’avec l’endothélium vasculaire, avec lequel il entretient un équilibre constant.
Lorsqu’il rencontre une surface non-endothélialisée comme une lésion ou un corps étranger, il
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
43
déclenche toute une cascade de phénomènes protecteurs. Le processus inflammatoire est conçu pour
rester localisé, mais il arrive que la réponse soit exagérée ou que l’agression soit systémique, comme
c’est le cas lorsque le sang rentre en contact avec des surfaces étrangères dans une CEC. La réaction
de défense de l’organisme se transforme alors en un syndrome inflammatoire systémique (Systemic
Inflammatory Reaction Syndrome ou SIRS).
En chirurgie cardiaque, le SIRS est déclenché par une série de phénomènes : le contact avec les
surfaces du circuit de CEC, le contact avec l’air dans les aspirations de cardiotomie, l'hypothermie,
l'héparinisation et les complexes héparine-protamine, l'ischémie et la reperfusion, ou encore les toxines
libérées dans le tube digestif. Environ 20% des patients à bas risque développent des complications
liées au SIRS [137]: coagulopathie, accumulation liquidienne interstitielle (oedème cérébral,
péjoration des échanges gazeux), dysfonction multiorganique (troubles neurologiques, insuffisance
cardiaque, rénale et hépatique).
La réaction inflammatoire comprend deux phases distinctes liées à des déclencheurs différents
[336,375].
 Phase précoce ; elle est mise en route par le contact du sang avec une surface nonendothélialisée comme la CEC (voie de contact), et comprend deux composantes intimement
imbriquées :
o La voie humorale, qui comprend 3 éléments, la coagulation, le complément et les
cytokines ;
o La voie cellulaire, constituée par les globules blancs et l’endothélium.
 Phase tardive : elle est liée aux lésions d’ischémie et de reperfusion, et à la libération
d’endotoxines, essentiellement par le tube digestif.
Voie humorale
Le complément est le plus ancien moyen de défense de l’organisme, puisqu’on le retrouve déjà chez
les oursins. Il consiste en un ensemble de 35 molécules qui assistent la réaction antigène-anticorps ou
la défense anti-bactérienne, et qui convergent vers des protéines particulièrement redoutables
puisqu’elles sont capables de perforer les membranes cellulaires (MAC : membrane attack complex)
(Figure 7.20) [338]. Très imbriquée avec la cascade de la coagulation, la chaîne du complément
comprend 3 voies distinctes (classique, alternative et de la lectine) qui convergent vers le clivage du
facteur C3 en C3a (anaphylatoxine I, libération d’histamine) et C3b, lequel clive à sont tour le facteur
C5 en C5a (anaphylatoxine II, activateur leucocytaire) et C5b qui est le premier composant du
complexe MAC.
Le système kinine-kallikréine comprend un groupe de protéines sériques impliquées dans la régulation
du tonus et de la perméabilité vasculaires. Elles circulent sous forme de kininogènes inactives, qui sont
activées par les kallikréines libérées dans les tissus lésés. Cette réaction donne naissance à la
bradykinine qui est vasodilatatrice (sécrétion de NO et de prostacycline). Il existe une kallikréine
plasmatique qui circule sous forme de prékallikréine inactive et qui est activée par le Facteur XIIa de
la coagulation (facteur Hageman ou facteur de contact). Comme la bradykinine formée est elle-même
un activateur du Facteur XII, il se forme ici un système auto-amplificateur du lien avec la cascade de
la coagulation.
Les cytokines sont des polypeptides qui assurent la communication entre cellules et déclenchent des
activités spécifiques selon leurs cibles [336].
 TNF-alpha (Tumor necrosis factor) ; sécrété par les monocytes, les mastocytes et les
lymphocytes-T en réponse aux endotoxines bactériennes, il active la chaîne inflammatoire. A
haute concentration, il provoque une symptomatologie de choc septique avec des effets
cardiodépresseur, vasodilatateur, thrombogène et perméabilisant capillaire.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
44
 Interleukines pro-inflammatoires (IL-1, IL-6, IL-8) ; sécrétées par les leucocytes, elles activent
la production de protéine C-réactive, de fibrinogène et de catécholamines ; elle provoquent
une hyperglycémie, une leucocytose et de la fièvre.
 Interleukines anti-inflammatoires (IL-10) ; elles assurent un feed-back négatif qui empêche
l’emballement de ces réactions en chaîne.
Voie
classique
Voie de la
lectine
Ag-AC
Voie
alternative
Bactér
Contac
t
C3
+
C3a
C5
Anaphyla
- toxine I
C3b
C5a
+
Anaphyla
- toxine II
Histamine
C5b
C6,C7,C8,C9
Activation
leucocytes
MAC
© Chassot 2012
Figure 7.20 : Schéma simplifié de l’activation du complément. La chaîne du complément comprend 3 voies qui
sont initiées par des déclencheurs distincts : la voie classique (réaction antigène-anticorps Ag-Ac), la voie
alternative (activation directe par contact) et la voie de la lectine (site des membranes bactériennes). Par
différentes étapes intermédiaires, elles convergent vers le clivage du facteur C3 en C3a (anaphylatoxine I,
libération d’histamine) et C3b, lequel clive à sont tour le facteur C5 en C5a (anaphylatoxine II, activateur
leucocytaire) et C5b qui est le premier composant du complexe MAC (MAC : membrane attack complex),
complexe protéique qui attaque les membranes cellulaires et qui est le résultat ultime des voies du complément.
Les nombreuses étapes intermédiaires ne sont pas représentées ici.
La cascade de la coagulation (voir Figure 7.19, page 41) est intimement connectée à la réaction
inflammatoire. La thrombine, par exemple, en potentialise plusieurs effets : activation des
polymorphonucléaires et des plaquettes, sécrétion l’IL-6 et d’IL-8, activation de C3. De leur côté, les
plaquettes stimulent l’adhésion des leucocytes à la paroi vasculaire.
Voie cellulaire
Les neutrophiles polymorphonucléaires chargés de phagocyter les pathogènes contiennent des
granules pouvant libérer des enzymes protéolytiques, des radicaux oxygénés et des médiateurs
inflammatoires. Lorsque survient une lésion vasculaire, ils roulent d’abord à la surface de
l’endothélium par l’accrochage de molécules appelées sélectines, puis ils adhèrent à l’endothélium lésé
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
45
par l’ancrage de molécules appelées intégrines (molécules d’adhésion). En troisième lieu, ils migrent
dans l’espace interstitiel par chimiotactisme pour y libérer leurs substances bactéricides [325].
Les basophiles, activés par la voie du complément, sécrètent essentiellement de l’histamine, qui
augmente la perméabilité capillaire et facilite le passage des éléments figurés ; elle provoque aussi une
vasodilatation et une bronchoconstriction. Les mastocytes ressemblent aux basophiles mais sont
cantonnés dans l’espace périvasculaire des organes et ne circulent pas ; lorsqu’ils sont stimulés par le
complément ou la thrombine, ils sécrètent différents médiateurs inflammatoires dont de nombreuses
interleukines. Les monocytes, enfin, sont des macrophages qui libèrent une série de facteurs
inflammatoires (interleukines, TNF-alpha) et phagocytent les éléments étrangers [336].
Les cellules endothéliales sont les régulatrices naturelles de la coagulation et de l’inflammation. Elles
répondent à la présence de thrombine, de facteur C5a, de cytokines et d’interleukines par la sécrétion
de sélectines et d’intégrines qui immobilisant les macrophages. Elles gèrent le tonus vasculaires par la
libération de substances vasodilatatrices comme le NO, l’histamine et la bradykinine ou de substances
vasoconstrictrices comme l’endothéline-1 ou la noradrénaline ; par ailleurs, le NO inhibe la fonction
plaquettaire.
Phase tardive
La phase tardive comprend deux composantes.
 Les lésions d’ischémie et de reperfusion. Après avoir été privée d’O2 pendant l’ischémie, la
cellule en reçoit en masse au moment de la reperfusion, ce qui déclenche une cascade
d'évènements pathologiques plus graves que ne l’étaient les dégâts de l’ischémie, notamment
par la formation massive de peroxydes (radicaux libres, ROS reactive oxygen species) qui
contiennent un nombre impair d'électrons sur leur orbite externe: peroxide (O2•-), H2 O2,
hydroxyl (•OH) (voir Chapitre 24 Mécanismes de l’ischémie et de la reperfusion). Les
peroxydes libérés lors d'activation leucocytaire ou lors de reperfusion après ischémie
déclenchent une réaction inflammatoire majeure. Normalement réduits par des antioxydants
naturels (superoxide dismutase, catalase, glutathion, vitamine E), ils débordent dans le liquide
extracellulaire lorsqu'ils sont produits en masse et attaquent les phospholipides des
membranes, le DNA et les protéines [108,120].
 Les endotoxines stimulent massivement la production de complément, de TNF-alpha et
d’interleukines. La libération d'endotoxines par les bactéries Gram-négatives qui hantent le
tube digestif est liée à la baisse de débit splanchnique en CEC et en hypothermie; le flux dans
la muqueuse gastrique, par exemple, est diminué jusqu'à 60% par le bas débit et par la
vasoconstriction [270].
Cas particulier : la CEC
La CEC est le cas le plus emblématique de la stimulation par la voie de contact (Figure 7.21). En
présence de surfaces chargées négativement comme le verre, les métaux ou les plastiques, le Facteur
XII se clive en F XIIa (activé). Celui-ci transforme la prékallikréine en kallikréine, les kininogènes en
bradykinine et le facteur XI en F XIa ; ce dernier processus aboutit à la formation de thrombine par la
voie intrinsèque de la coagulation. Le F XIIa favorise aussi la transformation de plasminogène en
plasmine, provoquant la fibrinolyse. Le contact active directement le complément par la voie
alternative, et indirectement par le F XIIa (voie classique). D’autres phénomènes de la CEC
concourent au déclenchement du complément, comme le relargage d’endotoxines et la formation de
complexes héparine-protamine. La voie cellulaire est également stimulée par le contact, soit par
l’intermédiaire du facteur XIIa et de la kallikréine, soit directement par l’activation des neutrophiles.
Mais le circuit extracoroprel ne possède pas d’endothélium pour limiter ces différentes réactions, qui
peuvent donc prendre une ampleur excessive et se distribuer dans tout l’organisme.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
46
Figure 7.21 : Activation par la
voie de contact. Dans un
vaisseau bordé d’endothélium
intact, les facteurs circulent
sous forme inactive. Mais en
présence de surfaces chargées
négativement (verre, métaux ou
plastiques), le Facteur XII se
clive en F XIIa (activé). Celuici transforme la prékallikréine
en kallikréine, les kininogènes
en bradykinine et le facteur XI
en F XIa ; ce dernier processus
forme la thrombine par la voie
intrinsèque de la coagulation.
Le F XIIa favorise aussi la
transformation de plasminogène
en plasmine, provoquant la
fibrinolyse. Le contact active
directement le complément par
la voie alternative, et indirectement par le F XIIa (voie
classique). MAC (membrane
attack complex) : complexe
protéique qui attaque les
membranes cellulaires, résultat
ultime
des
voies
du
complément.
Eléments
inactivés
Stimulation par la
voie de contact
CEC
XII
XIIa
Voie intrinsèque
de la coagulation
Complément
Voie alternative
Prékallikréine
Thrombine
Kallikréine
Plasmine
Fibrinolyse
Complément
Voie classique
Bradykinine
Activation
neutrophile
s
MAC
© Chassot 2012
La durée de CEC, la profondeur de l'hypothermie et le degré d'hémodilution ont tous été évoqués
comme facteurs aggravants, mais ils ne paraissent avoir qu'un rôle secondaire dans la genèse du SIRS
[149]. Les lésions mécaniques de la pompe, de l'oxygénateur et des filtres, le contact du sang avec les
surfaces étrangères (circuits) et avec l'air (aspirations, réservoir veineux), sont les éléments
déclencheurs principaux. Plus de 50% des neutrophiles sont séquestrés dans les poumons durant le
réchauffement; leur dégranulation contribue aux dommages cellulaires pulmonaires. Le SIRS se
déclenche dans les premières minutes de la CEC et s’éteint vers le 4ème – 5ème jour postopératoire ; il
est suivi d’une période de relative immunodépression [294]. Le pic des marqueurs inflammatoires
survient vers la 5ème heure après la CEC [108].
Au cours d’une CEC, la stimulation inflammatoire conduit donc à un état instable caractérisé par une
série de phénomènes (Figure 7.22).
 Elévation de tous les marqueurs inflammatoires (TNF-alpha, interleukines, cytokines, protéine
C-réactive) ;
 Activation du complément et des leucocytes ;
 Production de thrombine et stimulation de la cascade de la coagulation ;
 Production de plasmine et stimulation de la fibrinolyse (élévation des D-dimères) ;
 Activation et consommation des plaquettes ;
 Relargage d’endotoxines et de TNF-alpha ;
 Relargage de radicaux libres et d’oxydants ;
 Libération de bradykinine, d’histamine et d’anaphylatoxines : augmentation de la perméabilité
capillaire, vasodilatation systémique, vasoconstriction pulmonaire ;
 Altérations de la fonction cardiaque, pulmonaire, rénale et cérébrale ; l’incidence de
fibrillation auriculaire est proportionnelle à l’élévation des marqueurs inflammatoires [119].
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
47
Figure
7.22 :
Représentation
schématique des
mécanismes mis
en jeu dans la
genèse
du
syndrome
inflammatoire
systémique
(d'après
références
149,335).
Contact avec
des surfaces
étrangères
Endotoxines
Complément
Cytokines
Kallikréine
Facteur XIIa
Bas débit
Dépulsation
Ischémie
Reperfusion
Activation et adhésion
leucocytes-endothélium
Activation
plaquettes
Hyperfibrinolyse
Thrombose
Ischémie
Consommation
Hypocoagulation
Migration leucocytes
Libération protéases +
radicaux libres (ROS)
Lésions
polyorganique
s
© Chassot 2013
La question de déterminer la part de la CEC par rapport à celle de la chirurgie cardiaque elle-même
dans la genèse du SIRS peut être approchée par l'observation de la chirurgie à coeur battant. Cette
dernière est associée à une réduction, mais pas à une disparition, des taux postopératoires de
marqueurs de la réaction inflammatoire comme le C3a, le C5a, le TNF-alpha ou l'interleukine-6 et -8
[88,102,129]. Toutefois, la signification de ces variations est incertaine, puisque l'IL-8 et le C3a sont
liés au traumatisme tissulaire direct et que l'IL-10 a des propriétés anti-inflammatoires [234]. Les
effets de la CEC dépendent largement de l'équilibre entre la libération des médiateurs proinflammatoires et celle des médiateurs anti-inflammatoires [197]. Certaines populations affichent une
réaction pro-inflammatoire dominante, telles les personnes âgées ou celles qui souffrent de
dysfonction ventriculaire gauche [324]. Elles pourraient bénéficier particulièrement de la chirurgie à
coeur battant. Dans les groupes à risque faible, les taux de complications liés au SIRS sont identiques
entre les opérations avec ou sans CEC [260,283]. Le circuit de CEC est donc un facteur déclenchant
majeur, mais il n'est pas le seul responsable de la réaction inflammatoire [361].
Améliorations techniques
A part les interventions à cœur battant, il existe divers moyens techniques de réduire le syndrome
inflammatoire déclenché par la CEC et la chirurgie, mais aucun ne permet de le supprimer. La portée
clinique de ces améliorations reste en général modeste [218,376].
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
48
 Restriction des aspirations ; le sang récupéré contient de l'air, des débris celulaires et des
activateurs de la coagulation (TNF, thrombine, plasmine) ou de l’inflammation (interleukines,
C3a, C5a). Les aspirations sont la source principale d’embolie, d'hémolyse, de thrombopénie,
de coagulopathie et de stimulation du SIRS [335]. Les perturbations du système coagulatoire
sont nettement diminuées lorsqu’on ne recycle pas le sang aspiré ou lorsqu’on le filtre dans un
système CellSaver, mais ces manoeuvres éliminent malheureusement les plaquettes, les
protéines et les facteurs de coagulation [374].
 Restriction de la taille des circuits ; la miniaturisation des circuits et la suppression du
réservoir de cardiotomie minimisent le contact du sang avec des surfaces étrangères et
suppriment le contact avec l’air, ce qui freine la libération des activateurs de la coagulation et
des déclencheurs inflammatoires [37,389].
 Biocompatibilité des circuits ; les circuits préhéparinés et les circuits imprégnés de polymères
comme le poly-2-méthoxy-éthyl-acrylate freinent la cascade du complément et l'activation
leucocytaire, réduisent l'adhésivité plaquettaire et l'adsorption des facteurs de coagulation
[139]. Même s’ils atténuent les complications pulmonaires, rénales et neurologiques, leur
impact clinique est peu important [222,345].
 Hémofiltration ; elle réduit l’excédent liquidien propre à la CEC et évacue les déclencheurs
inflammatoires hydrosolubles. Elle réduit l’œdème interstitiel postopératoire, les besoins
transfusionnels, le syndrome inflammatoire systémique et l’insuffisance multi-organique
[45,77,214,318].
 Filtres leucocytaires ; la réduction du taux de leucocytes est bénéfique surtout pour les
échanges gazeux, puisque les poumons sont le principal lieu de séquestration leucocytaire
pendant la CEC. Malheureusement, ces filtres ne préviennent pas l’insuffisance respiratoire
postopératoire [18].
 Normothermie ; le maintien de la température ≥ 34°C évite les altérations de la coagulation et
la flambée inflammatoire déclenchées par le réchauffement, mais la température idéale pour la
CEC n’a pas encore pu être définie [266,323].
Ces améliorations ont probablement un impact sur les complications postopératoires dans les cas à
haut risque ou les interventions complexes, mais ont peu d'influence pour les interventions standards
chez des patients à risque faible. Vu l'augmentation de prix qu’elles impliquent, ces nouvelles
technologies ne présentent pas pour l'instant un rapport coût / bénéfice favorable à leur utilisation de
routine.
Pharmacothérapie
Les antifibrinolytiques se fixent sur la lysine du plasminogène et bloquent l'activation de la plasmine,
donc la fibrinolyse. En clinique, ils diminuent globalement les pertes sanguines de 30%. Trois
substances sont utilisées à cet effet (voir Antifibrinolytiques, page 36).
 L’aprotinine est un inhibiteur non spécifique de nombreuses protéases qui bloque
directement la plasmine; elle inhibe la production de complément, de TNF et de kallikréine
[197]. Elle a été retirée du marché en novembre 2007 à cause d’un excès d’insuffisance
rénale, de complications cardiaques et de mortalité, bien qu’elle ait été plus efficace que les
deux autres substances pour diminuer le risque hémorragique et le taux de transfusion
[114,221].
 L’acide tranexamique ne déclenche pas de réactions allergiques ni de dysfonction rénale,
mais les hautes doses acccroissent le risque de convulsions postopératoires [190,226]. Bien
qu’il diminue efficacement le risque hémorragique, il a peu d’effet anti-inflammatoire.
 L’acide ε-aminocaproïque est légèrement moins efficace [190].
Les corticostéroïdes maintiennent l’intégrité des membranes cellulaires, particulièrement dans le cœur
et les poumons, freinent l’adhésion leucocytaire, inhibent la voie cellulaire et réduisent la production
de complément et de cytokines [184,376]. Bien qu’ils diminuent les marqueurs inflammatoires, ils ne
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
49
préviennent les dysfonctions multiorganiques que chez les malades en hypocorticisme. Cinq métaanalyses ont synthétisé les résultats cliniques acquis jusqu’ici [8,68,380].




La réduction de l’incidence de FA est significative ;
Le temps de séjour aux soins intensifs et le temps de séjour hospitalier sont diminués ;
La réduction du taux d’hémorragie est marginale ;
La durée de ventilation mécanique est peu modifiée ; certaines études ont montré une
atténuation des complications respiratoires, mais d’autres publications montrent une
aggravation des échanges gazeux postopératoires et un retard à l'extubation ;
 Le taux d’infection de plaie est identique, et le taux d’infections générales peu modifié ;
 Le taux d’épisodes hyperglycémiques est augmenté 1.5 fois dans une méta-analyse et celui
d’hémorragies digestives est doublé dans une autre ;
 La mortalité n’est pas modifiée.
Réaction inflammatoire systémique
La réaction inflammatoire est un système rapide, complexe et redondant qui sert à la protection de
l’organisme contre des agresseurs. Elle comprend une voie humorale (complément, cytokines,
kinines), une voie cellulaire (leucocytes, endothélium) et une phase tardive (lésion d’ischémiereperfusion, relargage d’endotoxines). Elle est très imbriquée avec la cascade de la coagulation.
Le contact direct du sang avec le circuit de CEC et avec l’air induit une réaction inflammatoire
systémique (SIRS) massive déclenchée par l’activation du Facteur XII (Hageman), du complément et
des leucocytes. Elle est caractérisée par :
- Elévation de tous les marqueurs inflammatoires
- Activation du complément et des leucocytes
- Production de thrombine et stimulation de la cascade de la coagulation
- Production de plasmine et stimulation de la fibrinolyse
- Activation et consommation des plaquettes
- Relargage d’endotoxines, de TNF-alpha et d’interleukines
- Relargage de radicaux libres et d’oxydants
- Libération de bradykinine, d’histamine et d’anaphylatoxines
- Augmentation de perméabilité capillaire, baisse des RAS, augmentation des RAP
- Altérations de la fonction cardiaque, pulmonaire, rénale et cérébrale
Les possibilités thérapeutiques sont nombreuses, mais elles n’ont d’impact clinique que dans les cas
à haut risque :
- Restriction du contact avec les surfaces étrangères (minicircuits, matériaux biocompatibles)
- Restriction du contact avec l’air (limitation des aspirations, absence de réservoir veineux)
- Hémofiltration
- Antifibrinolytiques
- Corticostéroïdes
- Antioxydants, inhibiteurs du complément
- Opération sans CEC
Bien que les protocoles des différentes études soient très variables, on peut en conclure que
l’administration prophylactique de stéroïdes pourrait diminuer la morbidité postopératoire, pour autant
qu’elle ne soit pas elle-même la cause d’un accroissement des infections et des hémorragies [8]. La
question de savoir si une prophylaxie de routine avec des stéroïdes est à recommander devrait être
résolue par deux essais contrôlés et randomisés actuellement en cours : l’étude canadienne SIRS (R.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
50
Whitlock) et l’étude hollandaise DECS (D. van Dijk). Les dosages utilisés dans ces deux essais sont
500 mg de méthylprednisolone et 1 mg/kg de dexaméthasone respectivement, administrés à
l’induction de l’anesthésie.
Toute une panoplie de substances pharmacologiques est potentiellement utile pour atténuer le
syndrome inflammatoire, sans qu’on puisse démontrer pour autant que son impact clinique soit
significatif.
 Inhibition du complément : le pexelizumab et le TP10, qui inhibent la chaîne du complément
au niveau de C5a, atténuent la morbi-mortalité après chirurgie cardiaque dans des groupes
sélectionnés de patients, sans pour l’instant faire preuve d’effets cliniques significatifs [338].
 Antioxydants : la N-acétylcystéine pourrait améliorer les fonctions pulmonaires
postopératoires [122] ; l'acide ascorbique, l'alpha-tocoférol et l'allopurinol détoxifient les
radicaux libres, mais les études cliniques n’ont pas décelé de bénéfice important [127].
 Pentoxifyline (analogue de la théophylline) : elle freine les médiateurs et la cascade du
complément, et semble améliorer la ventilation postopératoire [43].
 Divers agents ont un certain effet anti-inflammatoire : milrinone, nitroprussiate, morphine,
héparine, IEC [376].
Hémodynamique
Après 50 ans d'utilisation de la CEC, il est curieux de constater qu'il n'y a toujours pas de consensus
clair ni de données évidentes (evidence-based) au sujet des valeurs de pression, de débit et
d'hématocrite qui sont les plus souhaitables en pompe. Le plus souvent, ces éléments sont réglés en
fonction des habitudes locales ou du principe de précaution.
La pression artérielle moyenne (PAM) et l'équation du transport d'O2 (DO2) résument les différentes
composantes hémodynamiques qui assurent la perfusion tissulaire:
DO2 = D(P) • (Hb • SaO2 • 1.36) + 0.003 PaO2
Où:
D(P): débit de la pompe de CEC
Hb: concentration en hémoglobine (ou hématocrite)
SaO2: saturation artérielle à la sortie de l'oxygénateur
PaO2: pression partielle de l'O2 à la sortie de l'oxygénateur
Pression artérielle
Maintenir une pression moyenne relativement basse ou relativement haute présente des avantages et
des inconvénients dans chacun des deux cas.
 Pression élevée (PAM 80-100 mmHg) :
o Meilleure perfusion tissulaire (cerveau, rein, tube digestif) ;
o Meilleure adéquation aux besoins des malades hypertendus, âgés ou diabétiques ;
o Assurance d’un flux satisfaisant lorsque l’autorégulation d’un organe est perturbée ;
o Amélioration du flux collatéral pour les zones tissulaires à risque d'ischémie ;
o Possibilité de débits de pompe plus élevés.
 Pression basse (PAM 50-60 mmHg) :
o Moins de traumatisme pour les éléments figurés ;
o Moins d'hémorragie et de retour sanguin par les artères bronchiques ;
o Moins de volume aspiré et lésé dans les aspirations de cardiotomie ;
o Moins de charge embolique cérébrale ;
o Meilleure protection myocardique (réduction du flux coronarien collatéral).
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
51
Le critère primordial est le maintien d’une perfusion cérébrale adéquate. La pression de perfusion
cérébrale (PPC) est la différence entre la PAM et la pression veineuse jugulaire (ou la PVC). Cela
signifie que la PPC baisse non seulement si la PAM diminue, mais aussi si la PVC s'élève; ceci peut
survenir lors de bascule du coeur pour avoir accès à sa face postérieure, de mauvais retour veineux,
d'obstruction de canule, ou de position de Trendelenburg.
Le flux sanguin cérébral reste stable et indépendant de la PAM sur une plage d’autorégulation, endehors de laquelle il devient linéairement dépendant de la pression artérielle. Habituellement, la PAM
considérée comme limite inférieure est 50 mmHg parce qu'elle correspond à la limite physiologique de
l'autorégulation cérébrale. Mais il s'est avéré que cette limite est très variable entre les individus et
entre les pathologies, et que sa valeur est plutôt voisine de 65-75 mmHg [173]. L’autorégulation est
gravement perturbée chez 20% des patients qui subissent une CEC [269], mais elle l’est aussi après un
ictus ou chez les diabétiques et les hypertendus [172,200]. D'autre part, l'autorégulation cérébrale est
conservée jusqu'à 25-28°C en régulation alpha-stat sur une plage de pression de 30 à 100 mmHg, mais
elle est abolie en mode pH-stat ou en dessous de 25°C [251,342]. De ce fait, les résultats
neurologiques tendent à être meilleurs en mode alpha-stat lorsque l’hypothermie est modérée [277].
Une PAM de > 75 mmHg réduit le risque d'hypoperfusion cérébrale dans les populations âgées,
artérioscléreuses, polyvasculaires ou hypertensives, et améliore le flux collatéral lors d'AVC sur
embolie [254]. Une étude clinique randomisée a clairement démontré que les résultats neurologiques
sont meilleurs lorsque la PAM est de 80-100 mmHg plutôt que 50-60 mmHg (taux de complications
neurologiques 4.8% versus 12.9%) [128]. Il en est de même pour la fonction rénale, qui est mieux
conservée si la PAM est ≥ 80 mmHg. La pression artérielle souhaitable est également fonction de la
température. Elle est de 60-80 mmHg au-dessus de 29°C et de 50 mmHg à 28°C; 40-50 mmHg est
acceptable en dessous de 28°C [128].
En conclusion, on ne peut pas formuler une récommandation générale valable dans toutes les
circonstances, car la PAM doit être adaptée en fonction du cas, de la température, de la profondeur de
l’anesthésie et des contraintes chirurgicales. Il est préférable qu’elle soit élevée (80-90 mmHg) dans
une série de situations : personnes âgées ou polyvasculaires, hypertension, athéromatose aortique,
diabète, maladies neurologiques ou rénales. Dans les cas sans risque particulier, elle peut être
maintenue à environ 60 mmHg.
Débit de pompe
Il n’existe pas non plus de valeur magique pour le débit de pompe, mais il est réglé habituellement à
2.4 L/min/m2 (70 ml/kg) en normothermie (> 35°C) pour un Ht de 30-40%. Bien que cette valeur soit
dans la fourchette basse de l’index cardiaque normal, le but est d'assurer les besoins métaboliques des
tissus et la pression de perfusion dans les organes. Les premiers sont diminués par l'anesthésie et
l'hypothermie, ce qui permet de baisser le débit sans compromettre l'équilibre tissulaire. Ainsi, le débit
recommandé est de 1.8 L/min/m2 à 28° et de 1.0 L/min/m2 à 20°. Le flux sanguin est maintenu
constant dans le cerveau par autorégulation entre 1.0 et 2.5 L/min/m2, alors qu’il baisse dès 2.0
L/min/m2 dans le foie et les viscères [254]. En-dehors des plages d’autorégulation, le flux devient
strictement pression-dépendant.
En utilisant la formule du calcul de la résistance, on peut facilement évaluer l'état des résistances
artérielles systémiques:
RAS = (PAM – PVC) • 80 / DC
En l’occurrence, la PVC est considérée comme nulle puisque l’OD est en décharge et puisque le
réservoir veineux est à la pression atmosphérique. Le débit cardiaque (DC) est remplacé par le débit de
la pompe (valeur donnée par la machine).
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
52
Donc: RAS = PAM • 80 / D pompe
La pression et le débit sont en équilibre par l'intermédiaire des résistances artérielles périphériques. Ils
ne doivent pas être réglés au détriment l'un de l'autre. Ainsi, il n'est pas logique que le perfusioniste
baisse le débit de la pompe en dessous de la limite physiologique parce que la pression est trop haute,
ou que l'anesthésiste administre un vasoconstricteur pour remonter la pression alors que le débit est
trop bas. Dans la phase de réchauffement, il est important de maintenir un haut débit et un certain
degré de vasodilatation pour favoriser les échanges thermiques tissulaires. Lors d'insuffisance aortique
(IA) ou de shunt gauche-droit, la pression ne doit être maintenue que par le débit tant que l'aorte ou le
shunt ne sont pas clampés ; l’administration de vasopresseur ne ferait qu’aggraver l’IA ou augmenter
le shunt. Le jeu des résistances artérielles, du débit de pompe et de la pression de perfusion réclame
donc une collaboration et une communication permanentes au sein de l'équipe en charge du malade.
Transport d’O2
La consommation d'oxygène (VO2), qui est normalement de 150 mL/min/m2, baisse à 120-140
mL/min/m2 sous anesthésie normotherme et à 45 mL/min/m2 à 27° [116]. En CEC, la curarisation
permet de la diminuer encore de 20-30% [166]. Ainsi, le débit recommandé à 28°C est de 1.8
L/min/m2, et à 20°C de 1.0 L/min/m2. La preuve de l'adéquation du débit est fournie par une SvO2 ≥
70%. Le transport d’O2 (DO2 = D(P) • (Hb • SaO2 • 1.36) + 0.003 PaO2) peut être amélioré en
augmentant le débit de pompe (DP), la FiO2, ou l’Ht (transfusion, hémoconcentration par ultrafiltration). Le DO2 critique est la valeur en dessous de laquelle la consommation d’O2 (VO2) devient
dépendante du débit cardiaque (voir Chapitre 5, Figure 5.100). Chez l’homme endormi, elle est de 330
mL/min/m2 et en CEC, si elle existe, de 280-300 mL/min/m2 [274]. DO2 et VO2 restent normaux sur
une plage d’Ht allant de 39% à 25% [206]. Un DO2 < 270 mL/min/m2 en CEC est le meilleur
prédicteur d’insuffisance rénale postopératoire [288]. Mais il existe une hiérarchie des organes dans la
dépendance au débit. Ainsi, le DO2 reste satisfaisant dans le cerveau et les reins lorsque le débit baisse
jusqu’à 1.4 L/min/m2, alors qu’il est déjà insuffisant dans les viscères et les muscles lorsque le débit
passe en dessous de 1.7-2.0 L/min/m2 (Figure 7.23) [47]. Les viscères sont donc à haut risque
d’ischémie parce qu’ils ne bénéficient pas d’un système d’autorégulation.
Figure 7.23 : Modifications de
l’apport d’O2 (DO2) à différents
organes en fonction du débit de
pompe (DP). Le DO2 est bien
maintenu dans le cerveau (jaune),
et relativement bien dans les reins
(rouge), jusqu’à un débit de 1.4
L/min/m2, mais il diminue dès que
le débit est inférieur à 2.0
L/min/m2 dans les viscères et les
muscles (bleu) [47]. Ces derniers
souffrent donc d’ischémie alors
que le cerveau fonctionne encore
normalement.
Cerveau
ΔDO2 (%)
100
Reins
75
Viscères
Muscles
50
1.3
1.5
1.7
1.9
2.1
2.3
2
DP (L/min/m )
Le problème de l’hématocrite est discuté dans la section consacrée à l’hémodilution (voir page 8).
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
53
Hémodynamique et CEC
La PAM doit être adaptée en fonction du cas, de la température, de la profondeur de l’anesthésie et
des contraintes chirurgicales. Elle doit être élevée (80-90 mmHg) dans une série de situations :
personnes âgées ou polyvasculaires, hypertension, athéromatose aortique, diabète, maladies
neurologiques ou rénales. La valeur moyenne oscille entre 50-60 mmHg (patients à risque faible) et
80-90 mmHg (patients à haut risque).
Le débit de pompe est réglé habituellement à 2.4 L/min/m2 (70 ml/kg) en normothermie (> 35°C)
pour un Ht de 30-40%. En hypothermie, il peut être abaissé à 1.8 L/min/m2 à 28°C et à 1.0 L/min/m2
à 20°C, mais doit être augmenté pour compenser l’Ht si celui-ci est trop bas. Le débit est adéquat
lorsque la SvO2 est ≥ 70%.
En CEC, le DO2 devient dépendant du débit de pompe en dessous de 300 mL/min/m2. Le DO2 reste
satisfaisant dans le cerveau et les reins lorsque le débit baisse jusqu’à 1.4 L/min/m2, alors qu’il est
déjà insuffisant en dessous de 1.7-2.0 L/min/m2 dans les viscères et les muscles, qui ne bénéficient
pas d’un système d’autorégulation.
Hypothermie
Pour diminuer la consommation d'oxygène des tissus, un certain degré de refroidissement est
traditionnel en CEC: hypothermie légère (32-35°C), modérée (28-31°C) ou profonde (< 25°C). Mais
ce concept est battu en brêche depuis une vingtaine d’années au profit d’un maintien de la température
dans la zone normothermique (35-37°C). En effet, les progrès réalisés dans la technologie de CEC
permettent maintenant d’assurer un débit élevé sans complications significatives, alors qu’il était
auparavant impératif de l’abaisser pour minorer les lésions hématologiques et tissulaires.
Intérêt de l’hypothermie
L'hypothermie a des répercussions sur de nombreux systèmes (Tableau 7.3). Le métabolisme
cellulaire diminue exponentiellement avec la température: il baisse de 7% par degré centigrade. Un
refroidissement de 10° diminue donc les besoins de 50%. Les avantages de l'hypothermie sont
nombreux.
 Réduction du débit de la pompe (moins d’hémorragie dans le champ opératoire, moins
d’hémolyse) ; 1.5 L/min/m2 suffit à couvrir les besoins de l'organisme à 25°C ;
 Amélioration de la protection myocardique ;
 Amélioration de la protection cérébrale ;
 Réduction des traumatismes aux éléments figurés et aux protéines ;
 Réduction de la réaction inflammatoire ;
 Réduction des besoins en sang allologue.
Mais l’hypothermie a aussi des inconvénients [152].
 Augmentation de la viscosité sanguine, compensée par une diminution de l'hématocrite ; en
hypothermie, la viscosité reste à peu près stable lorsque l'Ht en % a la même valeur que la
température en °C.
 Augmentation des résistances artérielles systémiques et vasoconstriction périphérique ;
 Sécrétion de catécholamines, résistance à l’insuline ;
 Altérations fonctionnelles des protéases de la cascade de la coagulation ;
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
54
 Inhibition réversible de l’adhésion plaquettaire (mais préservation de l’agrégation) ;
 Déplacement vers la gauche de la courbe de dissociation de l’Hb (diminution de la
disponibilité de l’O2 pour les tissus) ;
 Prolongation de l’effet des substances administrées (clairances diminuées, solubilité des gaz
augmentée) ;
 Non-uniformité de la température ; les organes à haute perfusion (cerveau, reins, cœur)
modifient leur température plus rapidement que le reste du corps ;
 Nécessité de réchauffer le patient et risque d’hyperthermie au réchauffement, particulièrement
au niveau du cerveau.
Tableau 7.3 : Effets physiologiques de l'hypothermie
Physiques
Augmentation de la solubilité des gaz dans les liquides
Diminution de la constante de dissociation chimique (pKa)
Alcalose: élévation du pH de l'eau
Correction d’acidose en hypothermie : protéines (fonction histidine)
Anesthésiques
Accentuation de l’action des halogénés, baisse de la MAC
Abaissement de la clairance des substances
Cardiaques
Diminution de la consommation d'oxygène
Maintien des stocks d'ATP
Diminution des flux de Ca2+
Diminution de la compliance et de la contractilité
Bradycardie, fibrillation ventriculaire < 28°C
Circulatoires
Vasoconstriction périphérique entre 25° et 36°C
Vasoplégie périphérique < 25°C
Augmentation des RAP
Augmentation de la viscosité sanguine (Ht idéal en % = T en °C)
Abaissement du débit de CEC (moins d’hémorragie, moins d’hémolyse)
Cérébraux
Diminution de la consommation d'oxygène (CMRO2)
Augmentation relative du flux sanguin cérébral
Perte de conscience < 30-32°C
Perte de l'autorégulation < 25-28°C
EEG isoélectrique < 20°C
Respiratoires
Augmentation de l'espace-mort
Baisse de la compliance
Capillary leak syndrome
Déplacement à gauche de la courbe de dissociation de l'hémoglobine
Endocriniens
Hyperglycémie
Résistance à l'insuline
Diminution d'utilisation du glucose
Augmentation des catécholamines et des hormones de stress
Coagulatoires
Adhésion plaquettaire freinée < 33° (réversible au réchauffement)
Séquestration plaquettaire (foie) < 25°
Diminution du fibrinogène et du plasminogène
Le coefficient d'abaissement du métabolisme par tranche de 10° C (Q10) est variable selon les
températures, les espèces, les organes et les âges. Chez l'homme, sa valeur globale est 2, c’est-à-dire
que le métabolisme diminue de moitié pour chaque baisse de 10°C. La baisse du métabolisme
cellulaire à froid permet de prolonger le temps d'ischémie d'une durée variable selon les organes.
Comme le cerveau est la structure la plus sensible, le temps d'ischémie admissible est fonction de sa
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
55
tolérance propre. A 18°C, la consommation d'O2 du cerveau (CMRO2) est de 40% par rapport à sa
valeur en normothermie [240]. Alors que les agents anesthésiques ne modifient que l'activité
électrique, l'hypothermie permet une diminution du métabolisme cellulaire des neurones (40% de la
CMRO2) aussi bien que de leur activité synaptique (60% de la CMRO2) [240,310]. Pour le cerveau, la
baisse du Q10 entre 37° et 27° est due à la réduction de l'activité métabolique, mais la baisse plus
rapide de la CMRO2 entre 27° et 18°C (Q10 augmenté) est attribuée à la suppression de l'activité
électrique [241]. L’EEG est isoélectrique en dessous de 20°C. La limite inférieure de température
tolérée par le cerveau est probablement 12°C, à la condition que l'hypothermie soit uniforme [182]. En
dessous de cette valeur, l'inhibition des pompes ioniques membranaires permet aux ions de diffuser
selon leurs gradients électrochimiques, ce qui induit un oedème intracellulaire progressif [289].
Le couplage entre le flux sanguin (FSC) et le métabolisme (rapport normal FSC/CMRO2: 15/1) se
modifie à froid: à basse température, le FSC devient luxuriant (rapport 30/1). L'autorégulation du flux
sanguin cérébral est partiellement conservée en hypothermie modérée (25-30°C) pour des régimes de
pression artérielle moyenne de 50-80 mmHg et en normocapnie, mais elle est perdue en hypothermie
profonde (< 25°C). C’est pendant la phase de réchauffement que l’autorégulation est la plus
perturbée ; le taux d’AVC postopératoire semble directement lié à cette altération (odds ratio 6.57)
[172]. Toutefois, il faut garder à l'esprit que ces températures peuvent être inhomogènes; il peut exister
des gradients intracérébraux, par exemple entre le cortex et le bulbe. D'autre part, le lieu de mesure est
important; les endroits les plus fiables sont le bulbe jugulaire (cathéter jugulaire rétrograde), le tympan
(sonde mousse) ou les cellules ethmoïdales (sonde introduite par le nez jusqu'à buter contre le
rhinopharynx).
Refroidissement et réchauffement
Le refroidissement systémique par la CEC est efficace mais pas uniforme. Les organes à perfusion
préférentielle (coeur, cerveau, foie, reins) se refroidissent et se réchauffent rapidement, mais les
organes dont le rapport flux sanguin / masse tissulaire est bas (graisse, peau, muscle) modifient plus
lentement leur température. Il s'établit donc des gradients thermiques, que l'on peut apprécier en
mesurant deux températures différentes.
 Température oesophagienne, qui représente les organes à haute perfusion, mais qui est
influencée par le liquide de refroidissement de surface du cœur ;
 Température rectale ou vésicale, qui représente les organes à rapport flux sanguin / masse
tissulaire intermédiaire ;
 Pour monitorer le cerveau, on place la sonde contre les cellules ethmoïdales ou contre le
tympan.
Au refroidissement comme au réchauffement, on évite des gradients thermiques supérieurs à 10° entre
les températures oesophagienne et rectale, car ceci est le reflet d'une inhomogénéité trop importante.
De plus, les gaz dissous passent en phase gazeuse lorsque la température s'élève brusquement, ce qui
est le cas lorsque du sang chaud traverse des tissus encore froids, ou l'inverse. Des microembolisations gazeuses se forment alors, qui peuvent aboutir à des occlusions capillaires et des zones
d'ischémie focale.
Au réchauffement, le cerveau devient transitoirement hypertherme (38-39°) [39]. En effet, le cerveau
est l’un des organes les mieux perfusés ; de ce fait, sa température se modifie plus rapidement que
celle de l’organisme lors du réchauffement. Ce rebond thermique est d'autant plus prononcé que le
réchauffement est plus rapide. Il aggrave profondément la susceptibilité des neurones à l'ischémie et
agrandit l'étendue des lésions focales [171,251]. Il diminue l'efficacité de l'autorégulation et rend le
flux sanguin cérébral davantage pression-dépendant. Les séquelles neurologiques sont d'ailleurs
proportionnelles à la rapidité du réchauffement [132] et à la chute de la saturation veineuse jugulaire
pendant ce dernier [86]. L’hyperthermie est responsable de 50-75% des altérations neuro-
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
56
psychologiques de type II, dont l’importance est directement liée à la vitesse de réchauffement
[132,136,156].
Celle-ci ne devrait donc pas dépasser 1°C par 5 minutes, ni le gradient de température artère –
oesophage la valeur de 2-3°C [46,171] ; mais la réalisation de ce réchauffement progressif présente
l’inconvénient de prolonger la durée de CEC. En CEC, le gradient thermique maximal acceptable est
de 10°C entre la T° du sang et celle de l'eau de l'échangeur thermique (comme entre la T° rectale et la
T° oesophagienne ou cérébrale) [134]. Pour éviter l’hyperthermie cérébrale, la technique la plus
appropriée consiste à miser sur quatre points [134,323] :




Eviter l’hypothermie pendant la CEC (T° min > 33°C) ;
Réchauffer lentement (1°C/5 min) ;
Maintenir la T° du sang à 37°C pendant le réchauffement (mesurée sur la canule artérielle) ;
Sortir de pompe à 34-36° (température centrale).
Le dernier point est très discutable, car la température du patient légèrement hypotherme va baisser
dans les premières heures postopératoires (afterdrop), puisque la masse musculaire insuffisamment
réchauffée représente un réservoir froid que le malade devra réchauffer en augmentant son débit
cardiaque et en frissonnant, conditions liées à un risque élevé d’ischémie myocardique et à un délai
d’extubation prolongé [85]. Ces risques l’emportent sur les bénéfices potentiels. Le meilleur
compromis est donc de réchauffer le malade jusqu’à 36° ou 36.5°.
Surveiller la température cérébrale est une gageure, car aucune sonde ne permet de mesurer la
température du cerveau lui-même, qui, de plus, n’est pas homogène. Les trois points de mesure les
plus proches sont le sang veineux jugulaire (cathétérisation rétrograde du bulbe jugulaire), le tympan
(sonde mousse spéciale) et les cellules éthmoïdales (sonde naso-phyryngée standard appuyée contre la
paroi postéro-supérieure du pharynx). Les autres sites (œsophage, rectum, vessie, artère pulmonaire)
peuvent avoir des gradients jusqu’à 5°C par rapport à la température du bulbe jugulaire, et afficher un
retard significatif dans les variations thermiques [134,264].
Contrôle de la température : normothermie versus hypothermie
Le débat reste vif entre les deux attitudes, CEC "chaude" versus CEC "froide", parce que les deux
techniques ont chacune un impact particulier sur les différents systèmes de l’organisme [276,300]. En
effet, les bénéfices de l’hypothermie sont incontestables lors d’opération complexe avec de longs
clampages aortiques, et lors d’arrêt circulatoire comme dans la chirurgie de la crosse. Ils sont
beaucoup moins évidents lors d’interventions simples et de patients à bas risque. Ils sont aussi très
différents selon les organes.
 Neuroprotection ; l’hypothermie, même de quelques degrés, améliore l’oxygénation cérébrale
(mesurée par la SvO2 jugulaire ou la saturation cérébrale ScO2) et diminue les séquelles
neurologiques [20,323] ; elle est essentielle en cas d’arrêt circulaitoire [347].
 Cardioprotection ; la cardioplégie froide réfrène le métabolisme myocardique et offre 30-50
minutes de protection que l’on peut prolonger par des perfusions itératives.
 Reins et viscères ; ils ne paraissent pas bénéficier de l’hypothermie [349].
 Coagulation ; l'hypothermie altère les activités des protéines de la chaîne de la coagulation
ansi que l'adhésivité des plaquettes, mais ces modifications sont réversibles au réchauffement
[383].
La normothermie ou l’hypothermie légère (> 33°C) assurent des résultats plutôt meilleurs que
l’hypothermie modérée (28°) dans les cas de routine.
 Une cardioplégie chaude offre une excellente protection à la condition d’être continue ou de
ne subir que de brêves interruptions (< 12 minutes). La récupération fonctionnelle du
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
57
myocarde après CEC est meilleure et plus rapide qu’en hypothermie, le taux de défibrillation
spontanée est plus élevé, et l’incidence de fibrillation auriculaire ou d’assistance ventriculaire
est diminuée de moitié [4,111].
 L’impact sur le risque neurologique n’est pas clairement démontré, mais il n’y a probablement
pas de différence pour autant que la pression de perfusion soit correctement maintenue [276] ;
le risque d’AVC et les dysfonction cognitives ne semblent pas différents, probablement parce
que le premier est essentiellement de nature embolique et parce que les deuxièmes sont liées à
une pathologie cérébrale sous-jacente [290].
 Le risque d’une hyperthermie au réchauffement n’existe pas [156].
 Les altérations de la coagulation sont moindres et le risque hémorragique est plus faible [387].
Equilibre acido-basique
A froid, la solubilité des gaz dans les liquides augmente. Ainsi, la valeur de la PCO2 mesurée dans un
échantillon de sang normal (PCO2 40 mmHg) refroidi à 27°C n'est que de 23 mmHg, quand bien
même aucun échange n'a eu lieu avec l'extérieur, parce que la fraction soluble du gaz [HCO3] a
augmenté. A 20°C, le pH apparent normal est de 7.7 et la PCO2 de 18 mmHg. En clinique, la
régulation acido-basique peut se faire selon deux techniques (Figure 7.24) [353].
+ CO2
pH 7.4
PCO2 40
37°
pH 7.7
PCO2 18
20°
pH 7.4
PCO2 40
Lecture
37°
Régulation α-stat
pH 7.4
PCO2 40
37°
pH 7.4
PCO2 40
20°
pH 7.1
PCO2 110
Lecture
37°
Régulation pH-stat
© Chassot 2012
Figure 7.24 : Régulation de l’équlibre acido-basique en hypothermie. Dans le mode α-stat, le contenu total en
CO2 est maintenu constant, mais la lecture se fait dans un appareil dont l'échantillon est ramené à 37°, comme si
le patient était normothermique. Comme la solubilité du gaz est augmentée à froid, la pression partielle est en
réalité plus basse; le sang devient artificiellement alcalin et hypocapnique, mais le rapport [H+]/[OH-] reste
constant. Dans le mode pH-stat, le pH du sang est maintenu à 7.4 quelle que soit la température en ajoutant du
CO2 au gaz ventilé; le contenu en CO2 augmente (hypercarbie apparente) et le pH baisse. Si le pH est maintenu à
7.4 à 17°, l'échantillon lu à 37° donne une valeur de 7.08 (PCO2 corrrespondante: 110 mmHg).
 Selon le mode alpha-stat, le plus souvent utilisé, le contenu total en CO2 est maintenu
constant, mais la lecture se fait dans un appareil dont l'échantillon est ramené à 37°, comme si
le patient était normothermique. Comme la solubilité du gaz est augmentée à froid, la pression
partielle est en réalité plus basse; le sang devient artificiellement alcalin et hypocapnique, mais
le rapport [H+]/[OH-] reste constant. Dans cette situation, l'autorégulation cérébrale est intacte,
l'acidose extracellulaire est diminuée, le pHi est maintenu stable, et les fonctions enzymatiques
intracellulaires sont conservées dans leur intégralité [377]. La plupart des animaux à sang
froid (poïkilothermes) hibernent selon ce processus, parce que la glycolyse, qui produit peu de
CO2, suffit à subvenir à leurs faibles besoins métaboliques [353].
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
58
 Dans le mode pH-stat, on maintient le pH du sang à 7.4 quelle que soit la température en
ajoutant du CO2 au gaz ventilé; le contenu en CO2 augmente (hypercarbie apparente) et le pH
baisse. Si le pH est maintenu à 7.4 à 17°, l'échantillon lu à 37° donne une valeur de 7.08
(PCO2 corrrespondante: 110 mmHg). Cette technique provoque une vasodilatation cérébrale
hypercarbique qui induit une perfusion luxuriante et qui rend le flux pression-dépendant [249];
l'autorégulation est perdue, et les risques d'oedème cérébral ou d'embolisation sont augmentés.
En position de Trendelenburg, la pression intracrânienne peut augmenter dangereusement
lorsque la pression veineuse est élevée et que le lit artériel est maximalement vasodilaté.
La technique alpha-stat, plus simple dans la pratique, est habituellement utilisée de routine pour les
CEC en hypothermie modérée (25 – 30°C), car les résultats neurologiques à 6 semaines et 2 mois sont
sensiblement meilleurs dans ces conditions [251,277,323]. Outre le déplacement de la courbe de
dissociation de l'Hb vers la droite, la stratégie pH-stat offre l'intérêt de doubler le flux sanguin cérébral
(FSC). Comme l'homogénéité du refroidissement et du réchauffement en est améliorée, la technique
pH-stat est probablement indiquée pendant le refroidissement et le réchauffement des malades amenés
à une basse température (< 25°), car elle favorise la rapidité et l'uniformité des variations thermiques
du cerveau, notamment lors des arrêts circulatoires complets [14,169]. Dans les situations où
l’autorégulation est perturbée comme le diabète, l’hypertension artérielle et l’anamnèse d’AVC, la
technique pH-stat est probablement préférable car elle maintient mieux l’oxygénation cérébrale [159].
A noter que l'autorégulation est de toute manière inefficace en dessous de 25°C. Pour des CEC de
moins de 90 minutes et des températures de plus de 30°C, les deux techniques ne présentent pas de
différences significatives.
Les protéines se comportent comme des acides faibles au pH habituel du sang et sont un système
tampon majeur de l'équilibre acido-basique. Contrairement au système du bicarbonate, elles
maintiennent intact leur pouvoir tampon à basse température car le degré de dissociation du
groupement imidazole de l'histidine ne se modifie pas par rapport à celui de l’eau en fonction de la
température. En hypothermie, il faut donc corriger l'acidose par l'adjonction de protéines, parce que le
pouvoir tampon du bicarbonate devient inefficace en-dessous de 28°C [353].
CEC en hypothermie (I)
Toute diminution de température abaisse la demande métabolique de 7% par degré C. Avantages
principaux de l’hypothermie (légère : 32-35°, modérée : 28-31°, profonde : < 27°) :
- Réduction du débit de pompe (1.8 L/min/m2 à 28°)
- Amélioration de la protection cérébrale
- Amélioration de la protection myocardique dans les opérations longues ou complexes
Inconvénients de l’hypothermie :
- Augmentation de la viscosité sanguine (compensée par hémodilution : Ht en % = T en °C)
- Augmentation des RAS
- Déplacement à gauche de la courbe de dissociation de l’Hb
- Troubles de la coagulation
- Nécessité de réchauffer le patient
Hormis les arrêts circulatoires où elle est cruciale (T° de 18-20°C), l’hypothermie est surtout
profitable au cerveau et au cœur, mais ce dernier est également bien protégé par une cardioplégie
chaude ± continue. A l’exception des cas longs, complexes ou en arrêt circulatoire qui bénéficient
clairement d’une hypothermie modérée ou profonde, la CEC en normothermie ou en hypothermie
légère (T > 32°) offre des résultats équivalents pour les cas de routine. Un refroidissement cérébral
de 2-4° confère déjà une protection pour les neurones. La cardioplégie normotherme améliore la
reprise de la fonction myocardique postopératoire et diminue le risque d’arythmies.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
59
CEC en hypothermie (II)
Il est capital d’éviter toute hyperthermie cérébrale lors du réchauffement. Celui-ci doit être lent et
homogène :
- Vitesse de réchauffement : 1°C/5 min
- T° maximale du sang dans la ligne artérielle : 37°
- Gradient max entre la ligne artérielle et l’oesophage : 3°
- Gradient max entre T° du sang et T° de l’eau (échangeur thermique) : 10°
- Réchauffement jusqu’à 36° - 36.5° (T° centrale)
Mesure de la température cérébrale : sang veineux jugulaire (canulation rétrograde), sonde
tympanique, sonde nasale contre les cellules éthmoïdales. Les autres sites peuvent avoir un écart
jusqu’à 5° avec la température du cerveau.
La régulation de l’équilibre acido-basique en hypothermie peut se faire selon deux modes, qui ont
chacun leurs indications préférentielles :
- α-stat (contenu en CO2 constant): cas à bas risque, CEC < 90 minutes, hypothermie légère
- pH-stat (pH constant): refroidissement et réchauffement, situations à haut risque
d’altération de l’autorégulation cérébrale (HTA, diabète, anamnèse d’AVC)
Embolies gazeuses
Des bulles formées en cours de CEC peuvent emboliser dans l'organisme et être responsables
d'ischémie myocardique, de troubles neurologiques ou de dysfonctions organiques. Selon leur taille et
leur origine, on en distuingue deux types [40,156].
 Miliaire de microbulles, minuscules et peu contrastées ; dues à la cavitation ou aux variations
thermiques, elles sont sans incidence sur le status neurologique postopératoire.
 Petites navettes brillantes qui dansent dans les chambres cardiaques et s’accumulent en larges
nappes dans les endroits en surplomb ; elles proviennent de l’aspiration d’air dans le circuit ou
de l’ouverture des cavités cardiaques ; leur embolisation dans les coronaires ou le cerveau
modifie le fonctionnement de l’organe.
Leur identification et leur localisation à l'ETO permettent une vidange plus adéquate, et, de ce fait,
peuvent améliorer le pronostic neurologique des patients. Plusieurs phénomènes concourent à la
création de ces bulles [92].
 La solubilité des gaz dans un liquide augmente lorsque la température baisse ou lorsque la
pression s'élève. Des microbulles peuvent donc se former dès que le sang se réchauffe
localement, ou dès que la pression baisse par cavitation (aspiration contre resistance par la
pompe ou vortex dans des tourbillons). Ces bulles embolisent facilement, car les détecteurs de
bulles placés sur le circuit artériel ne perçoivent pas des éléments de moins de 0.5 mL.
 Lors d'ouverture des cavités gauches (chirurgie de la valve mitrale, par exemple), l'air doit être
purgé avant de refermer les chambres cardiaques; cette purge n'est jamais complète, et des
poches d'air s'accumulent dans les endroits en surplomb (voir Figure 7.42, page 99). Cet air va
emboliser sous forme de petites bulles. Si le patient a des mouvements respiratoires alors que
l'OG ou le VG sont ouverts, l'air est entraîné dans les veines pulmonaires, où il est
inaccessible. Baigner le champ opératoire de gaz carbonique en diffusant 1-2 L/min de CO2
par une petite buse permet de remplacer l’air par un gaz mieux soluble dans le sang, donc
moins emboligène.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
60
 Si le drainage veineux est assisté par une pompe, celle-ci peut faire collaber le circuit et
entraîner de l'air lorsque le flux est rétabli.
 L'air peut provenir de la canule de cardioplégie si celle-ci n'est pas fermée adéquatement.
 Deux situations peuvent entraîner une embolisation massive et un effondrement
hémodynamique :
o Une inversion des circuits artériel et veineux au début de CEC vide soudainement
l'aorte de son sang; elle se remplit d'air lorsque le système est stoppé ;
o L'entraînement d'air est possible si le réservoir veineux se vide brusquement et que la
pompe à galet aspire de l'air; ceci est en principe prévenu par l'asservissement de cette
dernière au contrôle du niveau de sang dans le réservoir.
Le passage d'air est étroitement surveillé sur la ligne artérielle. Le filtre comporte une trappe à bulle
sous forme d'une purge continue (100-200 mL/min) qui aspire le sang au sommet du filtre et le renvoie
dans le réservoir veineux (voir Figure 7.10, page 19). La présence d'air dans la canule artérielle est un
évènement catastrophique qui commande des mesures immédiates: arrêt de la pompe, position de
Trendelenburg forcée pour diminuer les risque de progression de l'air dans les carotides, débullage de
l'aorte, perfusion cérébrale rétrograde (1-2 L/min) hypothermique (20-24°) par la veine cave
supérieure pour perfuser le cerveau a retro et vidanger l'air qui s'est infiltré du côté artériel, reprise de
la CEC après vidange complète de l'air, protection cérébrale par du mannitol et de la
méthylprednisolone (voir Que faire en cas de problème aigu ? page 132).
Embolies gazeuses
Les embolies gazeuses artérielles ont de nombreuses origines en CEC :
- Ouverture des cavités gauches (prévention : CO2 dans le champ opératoire)
- Solubilité des gaz diminuée : réchauffement, baisse de pression (cavitation)
- Aspiration d’air par le circuit veineux, le réservoir ou la ligne de cardioplégie
Bilan hydrique et métabolique
Outre le volume d'amorçage, la CEC nécessite l'administration d'environ 500 mL supplémentaire par
heure. Si l'on n'utilise pas d'hémofiltration, le résultat est un bilan hydrique très positif en fin
d'intervention. En effet, on assiste à une accumulation de liquide intersticiel due à plusieurs
phénomènes: la pression oncotique est diminuée, la perméabilité des membranes est augmentée
(syndrome inflammatoire, ischémie), le drainage veineux peut être mauvais, le drainage lymphatique
est absent lorsque le flux est dépulsé. Cela se traduit notamment par une altération des échanges
gazeux pulmonaires. Si la ventilation avec PEEP ne suffit pas à les rétablir, l'administratrion de
furosemide est nécessaire. Sont aussi habituels après CEC: une hyperkaliémie due à la cardioplégie,
une hyperlactatémie, une hypocalcémie et une hypomagnésémie.
La CEC provoque une violente réaction de stress. Après les grandes brûlures, c'est la situation qui est
ressentie comme la plus stimulante par l'organisme: augmentation des catécholamines endogènes (4 à
15 fois la norme), du cortisol, de l'ACTH, de l'ADH, du glucagon et de l'hormone de croissance. La
cause en est l'hypothermie, la dépulsation du flux, et les réflexes sympathiques déclenchés par
l'exclusion du coeur de la circulation. Les catécholamines sont normalement métabolisées dans les
poumons. En CEC, ces derniers sont exclus de la circulation, ce qui contribue à l'élévation des taux
sériques de ces dernières. La stimulation du système rénine-angiotensine conduit à une augmentation
des résistances artérielles systémiques et à une rétention d'eau et de sodium. Elle induit également une
diminution des réactions de défense immunologiques, aussi bien de la lignée humorale que cellulaire
[92].
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
61
L'hyperglycémie est courante en CEC. Elle est due à plusieurs facteurs.




Hypersécrétion de cortisol et de glucagon ;
Baisse de la sécrétion d'insuline avec l'hypothermie ;
Résistance à l'insuline due à l'hypothermie ;
Augmentation de la gylcogénolyse.
Le maintien de la glycémie dans des limites stables (6-10 mmol/L) diminue la mortalié, le taux de FA
postopératoire et la durée de ventilation en soins intensifs, aussi bien chez les diabétiques que chez les
non-diabétiques (voir Chapitre 21 Contrôle de la glycémie) [143,323]. Le risque de l'hyperglycémie
est principalement une aggravation des séquelles neurologiques. Le manque d’insuline entraîne non
seulement une hyperglycémie, mais encore une protéolyse, une lipolyse et une acétonémie
caractérisées par une acidose (pH < 7.3), des bicarbonates < 15 mmol/L et un trou anionique > 10
[278]. Les perfusions d'insuline nécessaires au maintien de la normoglycémie doivent cependant être
arrêtées pendant la phase hypothermique de la CEC à cause de la résistance à l’insuline et du risque
d’hypoglycémie au moment du réchauffement.
Le turn-over des récepteurs β myocardiques, qui est de 8-12 heures, est freiné en CEC. De ce fait, les
malades sont relativement dépourvus de récepteurs β lors du sevrage, ce qui altère l'efficacité de la
dopamine et la dobutamine [334]. Cette modification prend son importance chez les patients en
insuffisance ventriculaire chronique, qui ont déjà une diminution du taux de récepteurs β par rapport
aux récepteurs α.
Bilan hydrique et métabolique
En fin de CEC, le patient est couramment dans une situation non-physiologique :
- Bilan hydrique très positif
- Rétention de Na+ et d’eau
- Hyperkaliémie (cardioplégie), hypocalcémie, hypomagnésémie
- Augmentation des hormones de stress et activation du système rénine-angiotensine
- Augmentation des catécholamines (adrénaline, nor-adrénaline)
- Hyperglycémie (résistance à l’insuline en hypothermie)
- Baisse de concentration des récepteurs β intramyocardiques
Maintien strict de la glycémie entre 6 et 10 mmol/L chez les diabétiques avec une perfusion continue
d’insuline ; chez les non-diabétiques, démarrer l’insuline si la glycémie est > 10 mmol/L
Fonction cérébrale
Séquelles neurologiques post-CEC
La chirurgie cardiaque est malheureusement grevée d’un risque neurologique majeur, longtemps
attribué à la seule CEC. Les troubles neurologiques postopératoires sont habituellement classés en
deux catégories :
 Le type I comprend les lésions focales (AVC, AIT) et l’encéphalopathie anoxique (coma) ;
 Le type II consiste en séquelles neuropsychologiques diffuses (détérioration des fonctions
intellectuelles, troubles de la mémoire et de l’attention, retards dans l’activité psychomotrice,
délire, convulsions) sans signe de focalisation.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
62
Leur prévalence varie beaucoup en fonction de la manière dont on les identifie : status clinique, IRM,
tests neuro-psychologiques, présence ou non de groupe contrôle dans les études d’incidence (voir
Chapitre 23 Complications neurologiques et Facteurs de risque).
L'incidence des lésions neurologiques de type I est de 1-5% (moyenne 2%), allant de 1.6% lors de
pontage aorto-coronariens simple, à 3-6% lors de remplacement valvulaire aortique et jusqu'à 17% en
cas de chirurgie coronarienne et carotidienne combinée [298,327]. Leur mortalité est de 21%. Les
dysfonctions neuro-psychologiques sont beaucoup plus fréquentes (28-60%), mais elles sont
réversibles dans la majeure partie des cas [251]. La grande variabilité dans l'incidence des séquelles de
type II vient de la disparité des tests utilisés.
Les facteurs de risque majeurs pour les complications neurologiques de type I sont sont les facteurs
associés au patient : athéromatose de l'aorte ascendante, anamnèse d'AVC, sténose carotidienne,
vasculopathie périphérique, diabète, hypertension artérielle et âge avancé (> 75 ans) [248,252].
L'incidence des séquelles neurologiques passe de 0.9% en dessous de 65 ans à 9% au-dessus de 75 ans
[358]. Les lésions de type I sont liées à des micro- et macro-embolisations cérébrales, qui sont
directement proportionnelles aux manipulations de l'aorte et aux aspirations de cardiotomie (Figure
7.25) [90,91,156].
 La moitié des embols détectés au Doppler transcrânien a lieu pendant les manoeuvres
instrumentales sur l'aorte [341].
 Plus la CEC dure, plus les embols sont nombreux; ceci est probablement lié à l'effet de
"sablage" du jet de la canule aortique contre la paroi athéromateuse de l'aorte ascendante [60].
 Le status neurologique est influencé par l’importance du sang aspiré par la cardiotomie et
retransfusé au malade sans lavage préalable.
Canulation
En pompe
Figure
7.25 :
Fréquence
des
embolies cérébrales
diagnostiquées par
Doppler transcrânien
au cours de la CEC.
On voit que la
moitié survient lors
des
diverses
manipulations
de
l'aorte.
L'autre
moitié est distribuée
au hasard pendant
toute la durée de la
pompe, sans être
associée à aucun
évènement chirurgical [341].
Canule cardioplégie
Clampage
Pendant clampage
Déclampage
Clampage latéral
Pendant clamp latér
Déclampage latéral
Ablation cardioplég
En charge
Décanulation
Pendant CEC
5%
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
10%
15%
50%
63
Cependant, on n’a jamais démontré une relation claire entre l'importance de ces embols au Doppler
transcrânien et la détérioration du status neurologique. Ils sont jusqu’à 6 fois moins nombreux lors de
chirurgie à cœur battant, sans que cela ne modifie significativement les troubles neurologiques
postopératoires [2,24,210,215].
Les lésions de type II sont secondaires à plusieurs phénomènes : hypoperfusion cérébrale globale,
anémie, micro-embolisation, œdème cérébral, hyperthermie et réaction inflammatoire [135]. Les
dysfonctions cognitives sont davantage déterminées par la composition des microembolies que par
leur nombre, à cause des variations dans l’intensité de la réaction inflammatoire induite localement
selon la nature de l’embolie (air, lipide, microparticule, etc) [156]. D’autre part, ces altérations
cognitives relèvent d’un lent déclin psychique lié à l’âge et à la maladie cérébrovasculaire ; elles sont
essentiellement liées à la pathologie préexistante, souvent infraclinique [154].
On a souvent désigné la CEC comme la principale responsable des séquelles neurologiques, parce que
les manipulations qui lui sont associées sont responsables d’une partie des embolisations cérébrales et
des dysfonctions cognitives. Cependant, l'expérience des coeurs battant (OPCAB : off-pump coronary
artery bypass) a montré que l'absence de CEC ne réduit pas ces complications à zéro. On s'attend à ce
que l'absence de clampage aortique et de jet par la canule de CEC diminue l'incidence des embols de
matériel athéromateux: le nombre total d'évènements emboliques est effectivement abaissé au Doppler
transcrânien [49,215]. Mais il n'y a pas de différence significative sur le taux d'AVC dans les métaanalyses comparant la chirurgie cardiaque avec et sans CEC [75,284]. Une diminution des AVC
cliniques n'a été retrouvée que dans des études non randomisées, chez des octogénaires, ou chez des
patients avec une aorte athéromateuse [98,324,388]. L'incidence des lésions de type I au cours de la
chirurgie coronarienne à coeur battant reste d'environ 2% [81]. Dans les cas d'athéromatose étendue de
l'aorte ascendante, l'OPCAB évite le clampage de l'aorte et diminue probablement les risques d'AVC
emboliques, mais seule l'absence totale de manipulation de l'aorte, en procédant à des greffons
entièrement artériels, peut vraiment diminuer l'incidence d'ictus [65].
Les troubles neuropsychologiques cognitifs de type II ne sont pas non plus liés à la CEC, puisque son
absence ne les réduit pas : l'incidence des lésions de type II est inchangée lors de pontages à cœur
battant [224,363]. Elle n’est atténuée après OPCAB que chez les malades à risque neurologique élevé,
mais non chez les patients sans facteurs de risque particulier [363,364].
Gestion de la CEC
Le status neurologique postopératoire est dépendant de la pression de perfusion en pompe en-dehors
d’une certaine zone moyenne (50-80 mmHg) au sein de laquelle le niveau de la PAM ne fait pas de
différence. Par exemple, une étude clinique randomisée a clairement démontré que les résultats sont
meilleurs lorsque la PAM est de 80-100 mmHg plutôt que 50-60 mmHg [128]. A pression moyenne
basse et en pH-stat, le taux d'embolies cérébrales a tendance à augmenter parce qu'une plus grande
proportion du flux sanguin est dirigé vers le cerveau [344]. Toutefois, le maintien de l'autorégulation
cérébrale jusqu'à 40 mmHg de pression moyenne en hypothermie modérée (28°) et normocapnie fait
que les caractéristiques de pression et de flux pendant la CEC ont relativement peu d'influence sur le
devenir des patients lorsqu'il s'agit de malades sans risques neurologiques particuliers [17]. Certaines
circonstances suppriment l'autorégulation et rendent le flux cérébral totalement pression-dépendant: ce
sont l'hypothermie profonde (< 25°C), les heures qui suivent un arrêt circulatoire total hypothermique,
le diabète, et la présence d'un ancien AVC [327]. Chez les personnes âgées, la rigidité de l’arbre
vasculaire augmente la pression différentielle (pression pulsée = PAs – PAd), accroît le stress
vasculaire cérébral et réduit la plage d’autorégulation (voir Chapitre 5 Couplage ventriculo-artériel).
La valeur de la pression pulsée est un prédicteur indépendant d’AVC après chirurgie cardiaque [31].
Bien que le débit soit en général prioritaire par rapport à la pression, il semble qu'une pression élevée
(> 60 mmHg) associée à un débit faible (< 1.2 L/m2) soit moins délétère du point de vue neurologique
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
64
qu'une basse pression (< 30 mmHg) accompagnée d'un haut débit (> 2 L/m2) [84]. Idéalement, la PAM
devrait être située entre 50 et 90 mmHg, de manière proportionnelle à l’âge du patient (PAM = âge).
La manière de gérer la CEC a une influence modeste sur les résultats neurologiques. La régulation de
l'équilibre acido-basique selon mode alpha-stat, qui préserve l'autorégulation cérébrale (donc une
certaine vasoconstriction) et maintient l'apport d'oxygène à basse pression de perfusion (PAM de 45
mmHg), offre de meilleurs résultats que le système pH-stat, qui maintient une vasodilatation par
hypercarbie relative et favorise les embolisations [277,342]. Les lésions de type II sont moins
fréquentes en mode alpha-stat (incidence de 27%) qu'en mode pH-stat (incidence de 44%) [251]. Le
flux sanguin cérébral est diminué de moitié en alpha-stat à 28°, et les défaillances neurologiques sont
également réduites de moitié lorsque la durée de la CEC excède 90 minutes [341]. Le mode pH-stat n'a
probablement un sens que lors du refroidissement et du réchauffement des cas opérés en hypothermie
profonde (< 20°) et arrêt circulatoire complet, parce que la vasodilatation cérébrale assure alors une
meilleure homogénéité de la température dans le cerveau [14,169].
L'hypothermie offre une certaine protection puisqu'elle diminue le métabolisme cérébral et les effets
de la réaction inflammatoire systémique (voir Chapitre 24 Effets cérébraux de l’hypothermie) [375].
On a pu démontrer une baisse du taux d'AVC en hypothermie (1.5% à < 28°C) par rapport à la
normothermie (4.5% à > 35°C), mais la limite de la protection possible offerte par l'hypothermie tient
à la prédominance des évènements emboliques dans la genèse des séquelles neurologiques. De plus,
l'influence de la température sur les lésions de type II reste très controversée. Le problème majeur
survient au réchauffement, parce que le cerveau devient transitoirement hypertherme (38-39°) [39].
Cet effet rebond est d'autant plus prononcé que le réchauffement est plus rapide; il aggrave
profondément la susceptibilité des neurones à l'ischémie et agrandit l'étendue des lésions focales
[171,251]. Les séquelles neurologiques sont d'ailleurs proportionnelles à la chute de la saturation
veineuse jugulaire pendant le réchauffement [86]. Les altérations neuropsychologiques de type II
diminuent lorsque le réchauffement est plus lent [132]. La vitesse de réchauffement ne devrait donc
pas dépasser 1°C par 5 minutes, ni le gradient de température artère – oesophage la valeur de 2-3°C
[46]. La température du sang ne doit pas être supérieure à 37°C [323]. En clinique, la température
cérébrale est mesurée par la température tympanique ou par la température rhino-pharyngée en
appuyant la sonde contre les cellules ethmoïdales.
Séquelles neurologiques
Il existe deux types de lésions neurologiques postopératoires :
- Type I : accident vasculaire cérébral avec séquelles neurologiques
- Type II : troubles cognitifs, réversibles en quelques semaines ou mois
Incidence d’ictus: de 1.6% après pontage aorto-coronarien simple, à 5% après RVA et jusqu’à 17% en
cas de chirurgie carotidienne combinée. Incidence de troubles cognitifs réversibles : 20-50%.
Les deux mécanismes principaux sont l’embolisation et l’hypoperfusion. L’embolisation est à
l’origine de 80% des lésions de type I chez l’adulte, alors que l’hypoperfusion est plus fréquemment
en cause chez l’enfant. La PAM nécessaire à limiter les séquelles neurologiques chez les patients à
risque est 70-80 mmHg. Leurs dégâts sont aggravés par la réaction inflammatoire systémique et par
les lésions d’ischémie/reperfusion.
Les troubles neurologiques sont d’origine multifactorielle, mais le poids de l’évidence tend à montrer
que les facteurs de risque liés au patient (athéromatose, anamnèse d’AVC, troubles cognitifs
préopératoires) sont plus importants que ceux liés à l’intervention (opération en CEC ou à cœur
battant, embolies, clampage aortique, etc). Les troubles cognitifs après chirurgie cardiaque sont
davantage liés au déclin de l’âge et à la maladie cérébro-vasculaire qu’à des événement peropératoires.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
65
L'hématocrite est sans relation avec le status neurologique postopératoire, pour autant que l'Hb reste
supérieure à 50 g/L chez l'adulte [365]. Chez les personnes âgées, les troubles cognitifs après pontages
aorto-coronariens sont plus importants lorsque l’Ht minimal est 15-17% que lorsqu’il est > 25% [96].
Chez les enfants, la comparaison entre un Ht bas (21%) ou élevé (28%) en CEC démontre que le score
neurologique et développemental mental sont nettement supérieurs dans le deuxième cas [170]. Par
son effet inhibiteur sur l'activation leucocytaire et sur la libération de kallikréine, l'aprotinine diminue
l'incidence des séquelles neurologiques [247] ; de ce point de vue, son retrait du marché est une perte.
Face à l'importance du problème, on cherche à mettre en oeuvre tous les moyens possibles qui puissent
diminuer la fréquence et l'importance des séquelles neurologiques. Mais la situation est ambivalente.
En effet, si l'hypoperfusion est la cause principale des troubles neurologiques, il faut maintenir un haut
débit et une haute pression en CEC, alors que si l'embolie est le facteur primordial, il faut au contraire
diminuer le flux sanguin au cerveau [341].
Protection cérébrale
Le but de la protection cérébrale est de réduire les sources de lésions comme l’embolie et
l’hypoperfusion, et d’augmenter la tolérance aux agressions comme l’ischémie et l’inflammation. Il
n’existe malheureusement pas de recette magique à cet effet. Hormis la baisse du métabolisme par
l’hypothermie et le maintien d’une perfusion équilibrée, on ne dispose d’aucun moyen clairement
efficace pour améliorer le pronostic neurologique. Par contre, il existe toute une série de mesures qui
tendent à diminuer les facteurs de risque et à augmenter la marge de sécurité. La protection cérébrale
porte donc sur plusieurs domaines (pour davantage de déails, voir Chapitre 24 Protection cérébrale en
chirurgie cardiaque et Protection en cas d’arrêt circulatoire).
 Diminution du taux d'embolies liées à la CEC de diférentes manières [2,323] :
o Eviter le clampage de l'aorte ascendante lorsqu'elle est athéromateuse, modification du
site de canulation, pontages tout-artériels ;
o Utilisation très restrictive des aspirations de cardiotomie ;
o Lavage et filtrage du sang aspiré avant sa retransfusion ;
o Utilisation de panier-filtre de récupération dans l'aorte ascendante [312] ;
o Diminution du risque d’embolie gazeuse par l’insufflation continue de CO2 dans le
péricarde pour y remplacer l’air ambiant par un gaz mieux soluble dans le sang ;
o Débullage soigneux avant la mise en charge.
 Echographie épiaortique ; dans les groupes à risque comme les patients souffrant de
vasculopathie artériosclérotique ou les malades âgés, l'échographie épiaortique permet
d'identifier les lésions dangereuses de l'aorte ascendante et de modifier la technique
chirurgicale en conséquence (évitement des plaques les plus emboligènes, canulation sousclavière ou fémorale) et de diminuer l'incidence des accidents emboliques [252].
 Maintien de la pression de perfusion cérébrale ; PAM 60-80 mmHg [254]. En réalité, seuls
20% des AVC (lésions de type I) sont liés à une diminution de la pression de perfusion chez
l’adulte, le reste correspondant à des lésions emboliques [309]. Chez les enfants, par contre,
les accidents emboliques sont plus rares, et la majeure partie des séquelles neurologiques est
liée à l'ischémie cérébrale, notamment à cause de la fréquence des périodes d'arrêt circulatoire
[213]. La PAM a davantage d’impact sur les troubles neurocognitifs (lésions de type II).
 Maintien d’une perfusion cérébrale minimale (bas débit antérograde continu) pendant une
période d'arrêt circulatoire [347].
 Pression veineuse basse, particulièrement lors de canulation isolée de la veine cave supérieure
(mesure par le bras latéral de l'introducteur ou par la lumière proximale du cathéter de PVC).
 Diminution de la durée de CEC et, le cas échéant, de la période en arrêt circulatoire total.
 Hypothermie modérée (28-32°) ; réchauffement homogène et lent (T° max du sang : 37°C).
 Hémodilution modérée : maintien de l’Ht ≥ 25%.
 Maintien de la normoglycémie (glycémie < 10 mmol/L), régulation de l'équilibre acidobasique en mode alpha-stat, éviter l'hypercalcémie [323].
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
66
 Amélioration de la biocompatibilité des circuits ; oxygénateurs à membrane, circuits
héparinés, mini-circuits sans interface air-sang [323].
 Moyens pharmacologiques pour diminuer la réaction inflammatoire systémique et l'oedème
cérébral qu'elle engendre ; corticostéroïdes, aprotinine, anti-complément (pexelizumab).
Lors d’arrêt circulatoire en CEC, plusieurs mesures permettent de limiter les dégats cérébraux (voir
Chapitre 18 Protection cérébrale) [347].
 Hypothermie cérébrale : elle permet d’étendre la durée d’un arrêt circulatoire de 4 minutes
(37°C) à 12 minutes (28°C) et 35 minutes (18°C) sans risquer de séquelles neurologiques
majeures [182,229] ; le refroidissement doit être homogène et lent (1°/5 min) ;
 Perfusion cérébrale sélective continue (10-15 mL/kg/min) ;
 Hypothermie modérée (28-30°C) accompagnée de perfusions cérébrale et viscérale continues
par canulations sous-clavière droite et fémorale ;
 Position de Trendelenburg ;
 Normoglycémie (diminution des séquelles) ;
 Mannitol (diminution de l’œdème cérébral) ;
 Anesthésie profonde (curarisation), halogénés (préconditionnement) ;
 Réchauffement homogène et lent (1°/5 min) sinon risque d’hyperthermie cérébrale ;
 Non-prouvés : magnésium, thiopental, nimodipine, stéroïdes.
En résumé, les séquelles neurologiques sont liées en premier lieu à la charge embolique, alors que
l'hypotension joue un rôle plus modeste chez l'adulte (un quart des cas). La CEC y contribue
certainement, mais elle n'en est qu'un facteur causal parmi de nombreux autres, comme le prouve la
comparaison avec les opérations réalisées à coeur battant. La manipulation d'une aorte ascendante
athéromateuse est probablement le geste le plus dangereux. Si les résultats des études de suivi sont peu
discriminants, c'est entre autre parce que les déficits neurologiques préopératoires sont mal investigués
et que les courbes d'attrition de la fonction cérébrale des populations de contrôle n'existe souvent pas.
Protection cérébrale en CEC (I)
Quelques moyens permettent de limiter les risques de séquelles neurologiques après chirurgie
cardiaque :
- Diminuer le risque de macroembolies (athéromes) et de microembolies (débris, air, lipides)
- Limiter les clampages aortiques ou les éviter (cœur battant, pontages tout artériels)
- Limiter la durée de CEC et la durée du clampage aortique
- Assurer la perfusion cérébrale (PAM > 70 mmHg) et le transport d’O2 (Ht > 25%)
- Contrôler la température (hypothermie modérée et réchauffement lent)
- Maintenir la normoglycémie et un contrôle acido-basique de type alpha-stat
- Utiliser de nouvelles technologies de CEC (mini-CEC, matériaux biocompatibles)
- Visualiser l’aorte ascendante (échographie épiaortique) et surveiller l’oxygénation
cérébrale (ScO2)
- Administrer une neuroprotection pharmacologique (efficacité très relative)
Les facteurs de risque liés au patient (athéromatose, anamnèse d’AVC, troubles cognitifs préopératoires) sont plus importants que ceux liés à l’intervention (opération en CEC ou à cœur battant).
A l’exception des manœuvres responsables d’embolies athéromateuses comme les manipulations de
l’aorte ascendante, les mesures étudiées jusqu’ici (circuits de CEC, débit de pompe, régulation du pH
et de la glycémie, hypothermie, protection pharmacologique, etc) n’ont pas fourni d’évidence
incontestable de leur efficacité sur la prévention des troubles neurologiques. Seule une prise en charge
multimodale peut garantir le "meilleur résultat possible" dans l’état actuel de nos connaissances.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
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Protection cérébrale en CEC (II)
Lors d’un arrêt circulatoire complet, les seuls moyens éprouvés pour diminuer les séquelles
neurologiques sont au nombre de trois:
- Maintenir un débit sanguin cérébral minimal
- Limiter la durée de l’arrêt
- Refroidir le cerveau à 18-20°C
Surveillance cérébrale
La question majeure est évidemment celle du diagnostic: comment évaluer le moment où le cerveau
est en danger au cours d'une CEC ? Plusieurs techniques sont envisageables [112].
 L'EEG ne reflète que l'activité corticale globale; des altérations à l'EEG sont visibles lorsque
le flux sanguin cérébral a diminué de moitié; l'EEG est isoélectrique pour un flux sanguin de
15-20 mL/100g/min (valeur normale: 50 mL/100g/min). Une ischémie focale peut échapper à
cette surveillance. Le système à 16 ou 20 canaux, encombrant et difficile à interpréter, est en
général remplacé par un moniteur de fonction cérébral de type CSA (Compressed Spectral
Array), qui affiche une analyse spectrale des ondes et ne nécessite que quatre électrodes (voir
Chapitre 19 Figure 19.14). L’EEG est surtout utile pour déterminer le niveau de
refroidissement cérébral avant un arrêt circulatoire ; l’interruption de la perfusion doit survenir
5-10 minutes après l’obtention du silence électrique [156].
 Les potentiels évoqués auditifs (PEA); la réponse auditive du tronc cérébral reflète l'activité
neuronale entre le noyau cochléaire et le colliculus inférieur; elle n'est pas modifiée par les
agents d'anesthésie, mais varie directement avec la température; elle est un excellent moyen de
surveiller le degré d'inhibition neuronale par l'hypothermie, mais le système est complexe et
demande la présence d'un technicien spécialisé [299].
 L'index bispectral (BIS™) analyse 4 variables d'un tracé EEG bipolaire (amplitude,
fréquence, composition et cohérence de phase); un algorithme le transforme en un nombre
compris entre 0 (sommeil profond) et 100 (éveil). Ce nombre décrit la profondeur de
l'anesthésie, mais non le fonctionnement neuronal [285]. La réponse dépend du type
d'anesthésie; avec le propofol ou les halogénés, la valeur du BIS prédit adéquatement la
réponse au stimulus chirurgical, mais les opiacés ne montrent aucune relation dose-effet
[319]. L'hypothermie (28-30°C) est responsable d'une chute de la valeur du BIS, même
lorsque la concentration d'halogéné reste stable [157]. Une valeur > 80 est fréquente pendant
le réchauffement [11]. Quelques rapports ont indiqué un effondrement du BIS (valeur 10-15)
lors d'épisodes de souffrance cérébrale ou d’états hémodynamiques instables [110,379].
Toutefois, les protocoles basés sur le BIS ne se sont pas révélés supérieurs à ceux basés sur la
concentration expiratoire d’halogéné pour prévenir l’éveil peropératoire; le BIS ne permet ni
de modifier la concentration de gaz halogéné ni de diminuer l’incidence de réveil en cours
d’intervention [19]. Son efficacité est donc incertaine [357].
 Le Doppler transcrânien (DTC) permet de mesurer le flux sanguin dans une grande artère, en
général la cérébrale moyenne et permet d'y calculer le flux, mais l’appareillage est
encombrant, instable, et non fiable chez environ 25% des malades [112]. Un Doppler ne
mesure que la vélocité des hématies, non leur nombre; ainsi l'hémodilution, qui accélère le
flux, peut faire croire à une augmentation de l'apport d'oxygène, alors qu'elle a diminué. Son
utilisation comme monitorage suppose que la vélocité du flux reflète effectivement le débit
sanguin total, que le diamètre du vaisseau ne se modifie pas, et que le capteur reste
absolument stable. Les variations de l'Hb, de la viscosité, de la température, de la PaCO2, et
les agents d'anesthésie interfèrent considérablement avec la mesure [103]. Les embols sont
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
68
aisément détectés par la technique, notamment lors du clampage aortique; ils apparaissent sous
forme de HITS (High-intensity transient signals) dont la morphologie donne une clef sur
l'origine (bulle, athérome, etc) [295].
 La saturation veineuse jugulaire (SjO2) est fonction de l'extraction cérébrale en O2 et de
l'activité métabolique globale et non unilatérale. Sa valeur normale est 60-75%. La valeur
critique se situe autour de 50% [341]. Une valeur < 40% est associée à une souffrance
cérébrale ischémique et à des séquelles neurologiques [322]. Elle augmente en cas
d'hyperémie, d'hypercapnie ou de fistule artério-veineuse. Elle diminue pour des raisons
systémiques (désaturation artérielle, hypocpanie, anémie aiguë, hypotension) ou cérébrale
(hypertension intracrânienne, hyperthermie, vasospasme). Elle peut être utile pour confirmer
la baisse de la demande métabolique avant un arrêt circulatoire.
 La spectroscopie infrarouge (NIRS : near-infrared spectroscopy) permet la mesure locale de la
saturation de l'hémoglobine cérébrale en oxygène (ScO2) par deux capteurs placés sur l'angle
fronto-temporal, de chaque côté du crâne (voir Chapitre 19 Figure 19.6). La longueur d'onde
laser émise (770 – 910 nm) pénètre la boîte crânienne et se trouve dispersée par la substance
cérébrale où une partie spécifique du spectre est absorbée par l'hémoglobine oxygénée (HbO2)
et une autre par l'hémoglobine réduite. Les valeurs affichées sont très voisines de la saturation
veineuse cérébrale (SjO2) parce que les trois quarts du sang cérébral sont dans le réseau
veineux et parce que l'appareil utilise les composantes non-pulsatile du spectre; la valeur
normale oscille entre 60 et 75% [261]. Une ischémie survenant dans une autre région que la
zone frontale échappe cependant à la surveillance; par contre, la technique permet de
différencier l'état des deux hémisphères. La ScO2 s'élève en hyperoxie et en hypothermie
(baisse du métabolisme), mais aussi en état de mort cérébrale [352]. En clinique, une chute de
20% par rapport à la valeur de base est considérée comme significative. Lors d'un arrêt
circulatoire hypothermique, le nadir est atteint en 15-20 minutes. Une baisse à une valeur de
30% signe une ischémie cérébrale; si elle dure plus de 10 minutes, elle est associée à des
dysfonctions cognitives [386]. Le seuil d'irréversibilité n'est pas connu pour l'instant [315]. A
cause de la vasoconstriction hypothermique, les valeurs de ScO2 sont plus basses en régulation
alpha-stat que pH-stat [245]. L'évidence clinique suggère une corrélation entre la baisse de la
ScO2 et les séquelles neurologiques [11].
Une méthode possible de se prémunir contre les séquelles neuropsychologiques est de surveiller la
saturation cérébrale en O2 (ScO2) en continu. En effet, une désaturation cérébrale peropératoire (baisse
> 20%) est souvent associée aux dysfonctions neuropsychologiques postopératoires, et le maintien
d’une ScO2 maximale semble diminuer le risque d’accidents neurologiques après CEC [331,386]. Dès
que la ScO2 s’abaisse, il convient d’améliorer l’apport d’O2 au cerveau [100].





Repositionnement des canules ou du cœur dans le champ opératoire ;
Normocapnie si la PaCO2 était abaissée ;
Augmentation de la PAM ;
Augmentation de la FiO2 et de l’Ht (transfusion) ;
Baisse du métabolisme cérébral : hypothermie, agents d’anesthésie, curarisation.
Les patients qui ne répondent pas à ces mesures par une augmentation de leur ScO2 ont une morbimortalité supérieure à celle des répondeurs [151]. Ceci démontre que la ScO2 surveille non seulement
l’oxygénation cérébrale, mais encore le transport d’O2 vers tous les organes. En effet, le cerveau est le
seul organe dont l’accès est aisé pour un capteur de saturation. Comme le cerveau dispose d’une
autorégulation pour maintenir son apport d’O2, une baisse de sa saturation artério-veineuse indique
une diminution plus importante du transport d’O2 dans le reste de l’organisme. Il n’est donc pas
surprenant que la ScO2 soit corrélée à la dysfonction hémodynamique postopératoire [273].
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
69
Surveillance neurologique
L’EEG, le Doppler transcrânien et la saturométrie cérébrale (ScO2) sont les techniques de monitorage
les plus fiables. Le BIS n’est pas une technique de surveillance neurologique.
La ScO2 a le meilleur rapport efficacité/complexité :
- Valeur normale : 60 – 75%
- Seuil de risque neurologique : baisse de 20% par rapport à la valeur de base, ou valeur ≤ 40%
- Une chute rapide et une durée de > 10 minutes à < 50% sont corrélées au status neurologique
- Une baisse de la ScO2 doit commander des mesures immédiates pour améliorer l’apport d’O2
au cerveau
Fonction rénale
Les reins reçoivent 20% du débit cardiaque, mais ne consomment que 10% de l'oxygène transporté.
Les glomérules filtrent passivement le plasma; ils reçoivent la majorité du flux plasmatique rénal
(FPR), mais consomment très peu d'O2 par rapport à la medulla. La médullaire, au contraire, a un débit
sanguin 5-10 fois plus faible, mais elle consomme beaucoup d'O2 car elle opère tout le travail de
concentration active de l'urine; elle est donc beaucoup plus sensible à l'ischémie et à l'hypovolémie
[53]. La filtration glomérulaire (GFR) est directement proportionnelle à la pression hydrostatique
intravasculaire et inversement proportionnelle à la pression oncotique (normalement 25 mmHg). La
GFR diminue avec l'âge; de 125 ml/min chez le jeune adulte, elle passe à 80 ml/min à 60 ans et à 60
ml/min à 80 ans [355].
Si la pression artérielle baisse, l’autorégulation rénale maintient le FPR et la filtration glomérulaire par
vasodilatation des artérioles préglomérulaires (mécanisme myogène) et par vasoconstriction des
artérioles postglomérulaires (angiotensine II). Lorsque la perfusion rénale diminue de plus de 50%
pendant 1 heure, la GFR baisse proportionnellement beaucoup plus que le FPR; le FPR est alors
réparti préférentiellement vers la zone corticale profonde et vers la médullaire. La baisse du débit
cardiaque et de la pression de perfusion entraînent une stimulation sympathique, une sécrétion de
vasopressine et d'ADH, et l'activation du système rénine-angiotensine; tous ces phénomènes
concourent à retenir de l'eau et du sodium par le rein [16]. L'hémodilution de la CEC augmente le flux
plasmatique rénal et baisse les résistances vasculaires intraparenchymateuses, mais l'hypothermie et la
non-pulsatilité induisent une vasoconstriction préférentiellement corticale.
Normalement, les fonctions rénales ne sont pas significativement modifiées, ni par l'anesthésie, ni par
l'opération, ni par la CEC: les tests habituels (taux ou clearance de la créatinine, par exemple) restent
inchangés dans la grande majorité des cas. Des altérations subtiles et réversibles sont cependant
décelables par des mesures plus fines: par exemple, la variation de la clearance à la créatinine lors
d'une surcharge protéique, qui mesure la réserve fonctionnelle rénale, diminue de manière réversible
pendant plusieurs semaines après CEC [228]. Cette dysfonction minime peut venir amplifier les
retombées d'une altération fonctionnelle préexistante mais infraclinique (artériopathie, âge, etc) ou être
potentialisée par des évènements peropératoires: hypotension, médicaments néphrotoxiques, etc. Les
études comparant la manière de règler le pH, l'hypothermie versus la normothermie, le flux pulsatile
versus le flux non-pulsatile, n'ont pas pu, jusqu'ici, mettre en évidence un avantage significatif d'une
technique de CEC sur une autre dans la préservation de la fonction rénale [321]. Cependant, la
pression de perfusion est certainement un facteur-clef; on a démontré que, dans un tiers des cas, la
variation de la créatinine postopératoire était dépendante de la PAM pendant la CEC [362]. Mais ceci
n'est vrai que pour autant que le débit de la pompe et le volume circulant soient normaux.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
70
Insuffisance rénale postopératoire
L'incidence de défaillance rénale après chirurgie cardiaque en CEC est globalement de 0.9-4% [83].
Elle est fonction du type d'opération: 7.7% après chirurgie du VG, 3.9% après chirurgie valvulaire, et
0.5% après PAC. Lorsque la dialyse est nécessaire, la mortalité est élevée: 30% chez les adultes et
45% chez les enfants [83]. La dysfonction postopératoire transitoire (créatinine 150-250 mcmol/L,
augmentation de 20-25%) est plus fréquente: elle survient chez 11% des patients et se résout en
quelques jours ou semaines [76,329]. Une diminution de 25-50% de la filtration glomérulaire est
présente chez 24% des patients après chirurgie cardiaque. L'origine de l'insuffisance rénale qui peut
survenir après CEC est multifactorielle. Parmi les éléments en cause, on peut citer par ordre probable
d'importance [83,349].
 Etat clinique préopératoire :
o Néphropathie préopératoire (créatinine ≥ 200 mcmol/L); maladie primaire, ou
secondaire au diabète, à l’hypertension artérielle ou à une polyvasculopathie ; ; c’est
le facteur prédictif le plus fiable ;
o Dysfonction ventriculaire gauche (FE < 0.35), contrepulsion intra-aortique ;
o Age du patient (> 65 ans) ; la filtration glomérulaire passe normalement de 125
mL/min chez le jeune à 80 mL/min à 60 ans et < 60 mL/min à 80 ans ;
o Comorbidités : diabète, artériopathie, BPCO.
 Baisse du flux plasmatique rénal entraînant une hypoxie tissulaire :
o Hypovolémie et hypotension systémique (PAM < 30% de la norme pendant plus de
10 minutes) ;
o Bas débit en CEC (< 1.8 L/min/m2) et en postopératoire (IC < 2 L/min/m2) ;
o Utilisation de vasoconstricteurs artériels ;
o Etat septique ;
o La sepsis est en cause dans 48% des cas de NPA et l’hémodynamique dans 32%.
 Effets de la chirurgie :
o Opération complexe, reprise ;
o Clampage aortique versus opération à cœur battant ou endoprothèse ;
o Clampage de l’aorte descendante ;
o Embolisation d’athéromes ou de particules ;
o Opération en urgence.
 Effets de la CEC :
o Durée de la CEC, profondeur de l’hypothermie ;
o Réponse inflammatoire systémique (radicaux libres, cytokines, etc) et endotoxines ;
o Anémie (hémodilution à Ht ≤ 24%), hémolyse (hémoglobinurie) ;
o Transfusions érythrocytaires ;
o Hémolyse et rhabdomyolyse ;
 Utilisation de substances néphrotoxiques :
o Anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) ;
o Inhibiteurs de l’enzyme de conversion et du récepteur de l’anti-angiotensine ;
o Produits de contraste radiologique (coronarographie, angio-CT) ;
o Antibiotiques aminoglycosides ;
o Inhibiteurs de la calcineurine (tacrolimus, ciclosporine) ;
o Colloïdes dérivés d’amidon (HES) ;
o Aprotinine.
L’insuffisance rénale postopératoire est subdivisée en quatre degrés de gravité [83,232].
 Stade I : augmentation du taux de créatinine de 25 µmol/L ou de 50%, débit urinaire < 0.5
mL/kg/h pendant au moins 6 heures ;
 Stade II : augmentation du taux de créatinine de 2 fois la valeur de départ, débit urinaire < 0.5
mL/kg/h pendant > 12 heures ;
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
71
 Stade III : augmentation du taux de créatinine à > 350 mcmol/L ou > 3 fois la valeur de
départ, débit urinaire < 0.3 mL/kg/h pendant > 24 heures ou anurie pendant > 12 heures ;
 Stade IV : anurie de longue durée (> 4 semaines).
La créatinine et le débit urinaire sont des marqueurs peu sensibles et modestement spécifiques de
l’insuffisance rénale. On identifie progressivement de nouveaux biomarqueurs plus performants, tels
la cystatine C, l’interleukine 18, le NGAL (neutrophil gelatinase-associated lipocalin) ou la KIM-I
(kidney injury molecule) (voir Chapitre 23 Complications rénales).
Insuffisance rénale post-CEC
Facteurs étiologiques :
- Néphropathie préopératoire (créatininémie > 200 mcmol/L), facteur le plus important
- Hypovolémie et hypotension (PAM < 70% de sa valeur habituelle pendant > 20 minutes)
- Bas débit de CEC (< 1.8 L/min/m2)
- Longue CEC hypothermique
- Age > 65 ans
- Substances néphrotoxiques
- SIRS, hémolyse, rhabdomyolyse
Protection rénale
Une optimisation de l’hémodynamique en per- et en post-opératoire (PAM > 75 mmHg, DC > 2.5
L/min/m2, VS > 35 mL/m2, DO2 > 600 mL/min/m2, SvO2 > 70%) avec des perfusats et des inotropes
diminue significativement l’incidence de néphropathie (OR 0.64) et la mortalité (OR 0.66) [54]. Le
remplacement liquidien selon une administration strictement dirigée par le monitorage
hémodynamique (volume systolique, débit cardiaque, SvO2) garantit une meilleure adéquation entre
les perfusions et les besoins, à la fois en volume et en synchronisation dans le temps (voir Chapitre 4
Besoins liquidiens) ; il diminue significativement l’incidence de néphropathie aiguë postopératoire,
particulièrement chez les patients à haut risque [54].
L’anémie, les transfusions et les reprises pour hémostase sont 3 facteurs prédictifs d’insuffisance
rénale parmi les plus importants (OR 1.8-2.9), mais sont aussi parmi ceux qui s’avèrent les plus
maîtrisables [180]. La fonction rénale et le taux d'insuffisance rénale postopératoires s'aggravent
linéairement lorsque l'Ht s’abaisse en dessous de 30% ; cette péjoration est maximale lorsque l’Ht le
plus bas est inférieur à 24% [204]. L’incidence de NPA est de 4.1% chez les patients anémiques et de
1.6% chez les patients eucythémiques [181]. La mortalité s'accroît de manière directement liée à
l'importance de la lésion rénale. Mais, à valeur similaire d'Ht, les patients transfusés présentent
systématiquement une péjoration de leur fonction rénale par rapport à ceux qui ne sont pas transfusés;
leur mortalité est plus élevée (3.8% versus 1.4%) et leur incidence d'insuffisance rénale plus
importante (12% versus 3.4%) (Figure 7.26, page 74) [142]. On est donc placé devant un dilemme
troublant: l'anémie aggrave la situation, mais la transfusion, au lieu de la corriger, ajoute un facteur
délétère supplémentaire.
Certaines substances entretiennent chez les anesthésistes une croyance dans leurs capacités
"protectrices" sur la fonction rénale. Cependant, rares sont celles qui semblent avoir un effet bénéfique
sur la fonction rénale postopératoire (voir Chapitre 24 Protection rénale).
 Le mannitol est filtré complètement dans les glomérules, et n'est pas résorbé dans les tubules:
il augmente le volume plasmatique et la diurèse par augmentation de l'excrétion d'eau et
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
72








diminution de la réabsorption de sodium; de plus, il a une activité anti-oxydante et s'oppose
aux effets des groupes hydroxyles ("radicaux libres") libérés lors de la revascularisation. Les
preuves de son efficacité comme agent protecteur contre les effets de l'ischémie rénale sont
très pauvres; aucune étude clinique n'a mis en évidence une amélioration quelconque du
pronostic de l'insuffisance rénale postopératoire [314]. A raison de 0.5 g/kg dans le liquide
d'amorçage de la CEC, il augmente la volémie, la pression capillaire glomérulaire, la pression
tubulaire proximale et la diurèse, mais aucun effet bénéfique sur la fonction rénale
périopératoire n'a pu être démontré [165]. Il n’est probablement efficace qu’en cas d’hémolyse
ou de rhabdomyolyse.
Le furosémide augmente le FPR et baisse les résistances vasculaires rénales en plus de son
effet diurétique. Son utilisation prophylactique diminue clairement l'incidence de l'anurie,
mais ne modifie pas le pronostic de l'insuffisance rénale [57.201]. En peropératoire, il n'a sa
place que pour diminuer l'excès de liquide interstitiel après la CEC (10-20 mg) lorsque le bilan
est trop positif comme le prouve la présence d'une hypoxémie ne réagissant pas à la
ventilation à 100% O2 avec PEEP. Il est également utile pour contrôler la reprise de la
fonction rénale après une reconstruction réno-vasculaire ou une ischémie et reperfusion. Les
hautes doses contribuent à l'élimination de l'hémoglobine libre ou de la myoglobine.
La dopamine à raison de 1-3 mcg/kg/min augmente le FPR, la filtration glomérulaire et la
diurèse, mais ne s'est avérée d'aucune incidence sur la fonction rénale postopératoire ni sur le
devenir des patients en état critique [30]. Bien qu'elle ait un effet favorable sur la diurèse,
aucune étude clinique concluante n'a démontré un quelconque bénéfice à l'utilisation
prophylactique de la dopamine dans le cadre de l'insuffisance rénale postopératoire, que la
fonction préopératoire soit normale ou altérée [225,265]. Elle n'augmente pas le flux
plasmatique rénal cortical en CEC, et ne compense pas la diminution de la perfusion corticale
secondaire à la chute de la pression de perfusion en dessous de 70 mmHg [216]. Comme le
taux d'arythmies postopératoires est plus élevé en présence de dopamine, la valeur de cette
prophylaxie reste à justifier [78]. De plus, elle pourrait être responsable d'une dysfonction
tubulaire proximale post-CEC [69].
Le fenoldopam est un analogue de la dopamine qui stimule sélectivement les récepteurs DA1
et qui induit une augmentation dose-dépendante du FPR et de la diurèse (0.03-0.3
mcg/kg/min) [55]. Il a l'avantage d’augmenter le FPR dans le cortex et dans la médullaire. Il
ne cause pas de tachycardie ni d'arythmies, mais il présente un effet hypotenseur marqué car
c'est un vasodilatateur artériolaire puissant. L’activité néphro-protectrice d’une perfusion
continue (0.1 mcg/kg/min) a été démontrée dans des études récentes, mais n'est pas confirmée
par tous les travaux [287,359].
Les statines : les données sont contradictoires, mais certaines études tendent à montrer une
incidence de néphropathie plus basse chez les patients sous statines avant et après la
chirurgie ; il en est de même pour l’aspirine. Ces substances diminuent la mortalité
postopératoire [205].
Le préconditionnement par les halogénés: le sevoflurane en CEC diminue les marqueurs de la
dysfonction rénale postopératoire comme la cystatine C [176].
Les anti-oxydants comme la N-acétylcystéine (Salmucol®) ou l’allopurinol (Xyloric®)
diminuent les marqueurs inflammatoires et bloquent l’effet toxique des radicaux libres, mais
leur utilisation clinique s’avère décevante et n’apporte pas de bénéfice en terme de mortalité ni
de morbidité en chirurgie aortique ou en chirurgie cardiaque avec CEC [308].
Deux substances présentant des effets anti-inflammatoires et anti-apoptose, la minocycline
(tétracycline) et l’EPO, semblent diminuer significativement la proportion de patients
développant une néphropathie aiguë après chirurgie cardiaque [123].
L’administration de bicarbonate pour alcaliniser les urines semble pouvoir atténuer la
néphropathie postopératoire, notamment par la solubilisation de l’Hb libre liée à l’hémolyse
de la CEC.
Un des aspects importants de la protection rénale est d'éviter l'utilisation de substances néphrotoxiques
dans la période périopératoire: produit de contraste radiologique, antibiotiques aminoglycosides,
inhibiteurs de l'enzyme de conversion et aprotinine [178,221]. Ces dernières inhibent la
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
73
vasoconstriction artériolaire efférente du glomérule, et induisent un effondrement de la filtration
glomérulaire en cas d'hypotension. D'autre part, le flux plasmatique rénal et sa répartition corticomédullaire sont mieux conservés en l'absence de vasoconstriction systémique.
% Δ Créat
Figure 7.26 : Variation de la
créatinine postopératoire en
fonction de l'Ht le plus bas.
La fonction rénale et le taux
d'insuffisance
rénale
postopératoires s'aggravent
linéairement lorsque l'Ht le
plus bas est inférieur à 24%.
Mais, à valeur similaire d'Ht,
les
patients
transfusés
présentent systématiquement
une péjoration de leur
fonction rénale par rapport à
ceux qui ne sont pas
transfusés [142].
35
Tous les patients
Pas de transfusion
30
25
20
15
16
18
20
22
24
26
28
30
Nadir de Ht (%)
Protection rénale
Facteurs primordiaux :
- Normovolémie
- Normotension (PAM 80 mmHg, minimum 70 mmHg en CEC)
- DC ≥ 2.4 L/min/m2 en normothermie, 1.8 L/min/m2 en hypothermie (CEC)
- DO2 normal : Ht > 25% sans transfusions
- Absence d’agents néphrotoxiques
Protection pharmacologique possible : fenoldopam, bicarbonate, statines
Sans effet protecteur (bien que ↑ débit urinaire) : dopamine, mannitol, diurétiques de l’anse
La meilleure protection est le maintien dans la normalité de la PAM (≥ 75 mmHg), de la volémie et de
l’Hb, tout en évitant l’excès de vasoconstricteurs alpha et de transfusions.
Alors que la prophylaxie pharmacologique a un impact aussi variable que contesté, cinq éléments qui
ont une part prépondérante dans la genèse de la néphropathie postopératoire sont faciles à corriger
lorsqu’ils sont présents :





La durée de l'ischémie (temps de clampage) ;
L’anémie ;
L'hypovolémie ;
L’hypotension artérielle ;
Le bas débit cardiaque.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
74
Les deux premières sont du ressort de l'opérateur et du perfusionniste, mais les trois autres sont entre
les mains de l'anesthésiste et de l’intensiviste. Le maintien d'un volume circulant normal, d'une
pression de perfusion adéquate et d’un débit cardiaque satisfaisant est donc la clef de la prévention
rénale.
Fonction hépato-splanchnique
La circulation hépato-splanchnique reçoit 30% du débit cardiaque et consomme 30% de l'oxygène
transporté. En cas d'insuffisance hémodynamique, ce territoire est soumis à une forte vasoconstriction,
destinée à dériver le volume circulant vers le coeur et le cerveau [303]. L'autorégulation, gérée par les
sécrétions d'endothéline vasoconstrictrice et de NO vasodilatateur, ne fonctionne que pendant la
digestion; elle est inexistante à jeûn ou en CEC. La vascularisation porte est pression-dépendante, et
l’artère hépatique ne représente que 20% du débit sanguin hépatique. Le débit de la veine porte et de
l'artère hépatique sont corrélés, si bien qu'une stase veineuse, par exemple due à une malposition de la
canule veineuse de CEC, entraîne une baisse du débit porte mais une augmentation compensatrice du
débit de l'artère hépatique [272].
Toute altération significative de la pression de perfusion ou du débit de pompe peut déboucher sur des
épisodes d'ischémie hépatique. D'autre part, les altérations des fonctions hépatiques sont
proportionelles aux valeurs circulantes des fractions C3a et C4a du complément, donc à l'intensité de
la réaction inflammatoire systémique [262]. Une baisse momentanée du métabolisme du lactate est
courante après CEC, à cause de la discrète dysfonction hépatique post-pompe. Différents facteurs
prédisent une perturbation hépatique postopératoire.
 Lésions hépatiques préexistantes ; les patients en catégorie Child A ont une morbidité de 40%
sans augmentation de mortalité, mais ceux qui sont aux stades Child B et Child C ont une
mortalité de 50% et de 100% respectivement [147] ;
 Bas débit peropératoire (utilisation de catécholamines à effet alpha) ;
 Mauvais retour veineux sus-hépatique par la canule veineuse de CEC ;
 CEC de longue durée [194].
L'adéquation de la perfusion splanchnique aux besoins du tube digestif est en général réalisée en
hypothermie, mais pas forcément pendant le réchauffement. C'est en effet en normothermie que la
baisse du pHi est la plus marquée [87]. La longueur de la CEC, l'éventuelle hypotension, l'acidose
locale, la dépulsation du flux et le syndrome inflammatoire systémique concourrent à augmenter la
perméabilité de la muqueuse digestive [330]. Bien que l'incidence des complications digestives soit
faible après CEC (0.6-3% des cas), une hyperbilirubinémie conjuguée se manifeste chez 20-35% des
malades opérés. L'hyperperméabilité digestive conduit à une translocation endotoxinique chez 10-55%
des patients [15,293]. Cette dernière contribue aux défaillances multiviscérales et aux sepsis sévères
postopératoires. De plus, des épisodes d'acidose digestive (pHi bas) surviennent entre la troisième et la
cinquième heure après CEC chez plus de 50% des malades [258].
Il n’y a malheureusement pas de prophylaxie réelle de l’insuffisance hépato-splanchnique post-CEC.
Seule une série de mesures tend à diminuer l’incidence de cette complication.




Diminuer la durée de CEC (< 70 minutes).
Maintenir le débit sanguin normal (2.4 L/min/m2) et la PAM > 60 mmHg.
Maintenir la température en hypothermie modérée (32°C).
Eviter l’hémodilution (Ht > 28%) à cause de l’hypoalbuminémie déjà présente chez les
malades ;
 Eviter les halogénés à forte métabolisation (halothane 20-40%, sevoflurane 4%, enflurane
3%) ; les plus faiblement métabolisés sont l’isoflurane (0.2%) et le desflurane (0.02%). Un
effet de préconditionnement est très hypothétique.
 Perfusion de dobutamine ou de milrinone à faible dose.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
75
 Maintenir les RAS normales et éviter les vasoconstricteurs alpha ; l’adrénaline et la
vasopressine diminuent le flux splanchnique. L’hémodynamique hépatique est le mieux
maintenue par la dobutamine.
 Les inhibiteurs des phosphodiestérases 3 (milrinone) et le levosimendan augmentent le flux
splanchnique, mais l’effet protecteur d’une perfusion continue de dopamine ou de dopexamine
reste improuvé.
Fonction hépatique
A part éviter toute substance hépatotoxique, la seule protection est le maintien d’une hémodynamique normale sans utilisation de vasoconstricteur alpha.
Fonction pulmonaire et ventilation
Il est courant de constater une péjoration des échanges gazeux dès la fin de la CEC; ceux-ci sont
perturbés pour une durée de quelques heures à quelques jours. Plusieurs phénomènes entrent en jeu
[333].
 Pression hydrostatique capillaire pulmonaire élevée: la défaillance ventriculaire gauche
passagère et la baisse de compliance cardiaque augmentent les pressions de remplissage. Cette
insuffisance ventriculaire gauche postopératoire reste l'élément majeur de la dysfonction
pulmonaire; elle est le déterminant principal de la morbidité et de la mortalité postopératoires.
 Libération de médiateurs inflammatoires: à l'activation de la cascade du complément (C3a et
C5a) par les surfaces étrangères s'ajoute la mise en circulation d'activateurs leucocytaires,
d'interleukines, de TNF, d'histamine, de kinines (kallikréine, bradykinine) et la réaction à la
protamine; ces phénomènes entraînent une vasodilatation systémique, une vasoconstriction
pulmonaire (HTAP), un bronchospasme et une réaction inflammatoire systémique (SIRS).
 Oedème pulmonaire non-cardiogénique ("poumon de CEC" ou pump-lung): suite à
l'augmentation de la perméabilité capillaire, au syndrome inflammatoire systémique, à
l'accumulation liquidienne et à la stase capillaire, un SDRA survient dans 1.3 - 1.7% des CEC
[236]. Lorsqu'il est associé à une insuffisance hémodynamique, ce facteur est grevé d'une
mortalité de 50%.
 Accumulation liquidienne interstitielle: la CEC et les perfusions apportent un excédent de
cristalloïdes qui se solde par une prise de poids de 3 à 5 kg; cependant, l'effet de cette
accumulation est faible en l'absence de dysfonction gauche et de stase veineuse pulmonaire.
 Diminution des volumes pulmonaires: l'altération est la plus frappante pendant les premières
24 heures, mais elle reste mesurable jusqu'à 2-3 semaines [34]; les raisons majeures en sont
des atelectasies, une diminution de 15-50% de la CRF, et une diminution de 50% du VEMS.
 Diminution de la compliance pulmonaire et augmentation des résistances aériennes: associés à
la tachypnée, ces éléments augmentent le coût de la ventilation; jusqu'à 20% de la
consommation d'O2 globale sont dévolus à cet effet.
 Lésion du nerf phrénique: le traumatisme direct ou le froid de la cardioplégie endommagent le
nerf phrénique gauche et sont responsables d'une hémiparésie diaphragmatique gauche dans
15% des cas [113].
 La sternotomie, la douleur (drains) et la faiblesse musculaire postopératoire détériorent la
performance respiratoire mécanique de la cage thoracique.
Ces altérations, dont la traduction clinique est faible chez les individus normaux, prennent toute leur
importance chez les patients qui souffrent de pathologies pulmonaires préexistantes: BPCO, syndrome
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
76
restrictif, asthme, etc (voir Chapitre 21 Pneumopathies). Elles suffisent alors à précipiter une
insuffisance ventilatoire grave nécessitant une thérapie respiratoire prolongée en soins intensifs. La
ventilation mécanique à volume courant réduit (6-8 mL/kg) avec PEEP (10 cm H2 O) améliore la
reprise fonctionnelle postopératoire par rapport à un volume courant élevé (10-12 mL/kg) [333]. En
chirurgie cardiaque, la défaillance ventriculaire droite est souvent la complication majeure des patients
souffrant de pathologie pulmonaire chronique.
La question de la relation entre le mode de ventilation pendant la CEC et les fonctions pulmonaires
postopératoires reste encore en débat. Aucune étude n'a pu démontrer que la ventilation mécanique en
cours de CEC était en quoi que ce soit supérieure à la simple inflation passive par bas débit continu
d'O2. Au contraire, elle tendrait plutôt à aggraver la mécanique pulmonaire et les échanges gazeux
pendant plusieurs heures [346]. Il est possible qu'une CPAP de 5 cm H2 O ajoutée à l'insufflation
passive d'O2 (FiO2 1.0) ou d'air (FiO2 0.5) soit bénéfique, mais elle n'est qu'un facteur mineur, luimême controversé, dans l'évolution des échanges gazeux postopératoires [44]. L’incidence des
atélectasies postopératoires ne semble pas non plus en rapport avec le mode ventilatoire pendant la
CEC (ventilation mécanique continue, CPAP en apnée, ou absence de ventilation), pour autant que les
poumons soient correctement ré-expandus à la reprise de la ventilation par une manœuvre de capacité
vitale [217,372].
Quel que soit l'attitude choisie, il est important de reventiler les poumons assez tôt avant la fin de la
CEC, de manière à avoir résolu les problèmes liés à la baisse de la compliance, aux atélectasies et à la
diminution des échanges gazeux avant la mise en charge. Une ou deux manoeuvres de capacité vitale
(20 secondes à 20 cm H2 O) sous contrôle visuel par la sternotomie sont nécessaires à ré-expandre le
parenchyme pulmonaire.
Fonction pulmonaire
Il n’y a pas de protection spécifique pour les poumons à part une prise en charge judicieuse de la
ventilation :
- Ventilation à volume courant réduit (6-8 mL/kg) avec PEEP (5-10 cm H2 O)
- Débit d’O2/air non pulsé pendant la CEC
- Expansion pulmonaire par des manœuvres de capacité vitale à la fin de la CEC
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
77
Pharmacologie de la CEC
La CEC interfère avec la pharmacocinétique et la pharmacodynamique des médicaments par plusieurs
phénomènes: hémodilution, hypothermie, séquestration tissulaire, modifications des flux dans les
organes, dépulsation, absorption par les plastiques, modification de la fixation protéique par l'héparine,
modifications métaboliques, réaction inflammatoire systémique [144]. Ces effets sont variables selon
les substances et la température ; la traduction clinique est la résultante des diverses modifications
(Tableau 7.4).
Tableau 7.4
Effets pharmacologiques de la CEC hypothermique
↑ volume de distribution (Vd)
↓ concentration plasmatique en début de CEC (hémodilution)
↓ concentration par séquestration: poumons, circuit de CEC
↓ clairance par le foie
↓ clairance par les reins
↓ biotransformation (P450)
↓ activité estérases plasmatiques
↑ concentration plasmatique
↑ tβ1/2
↓ affinité pour les récepteurs
↓ perfusion tissulaire
Prise en charge anesthésique:
Agents intraveineux
↑ dosage
Opiacés
↑ dosage en début de CEC
↓ dosage en hypothermie et post-reventilation
Halogénés
Fi ↑ parce que solubilité ↑
MAC ↓ en hypothermie, effet prolongé
Curares
Effet et durée ↑; dosage doit être ↓ en hypothermie
Début de CEC: hémodilution et risque de
décurarisation soudaine
Pharmacocinétique
Tout au début de la CEC, l'hémodilution diminue brusquement la concentration des substances en
solution dans le compartiment central. Ceci entraîne deux phénomènes:
 La diminution soudaine de la concentration libre des substances, qui est responsable des effets
cliniques et commande la diffusion/élimination: cela implique un risque de réveil et de
décurarisation (Figure 7.27) [93,162]; les variations de concentration sont de l'ordre de 1035% selon les substances et selon leurs volumes de distribution [63,301].
 La diminution de 30-40% de la concentration d'albumine et d'alpha-glycoprotéine acide, qui
transportent respectivement les substances acides et alcalines. L'effet clinique va dépendre de
l'importance de cette liaison protéique. Le taux libre des substances fortement liées (fentanyl
84%, midazolam 94%, par exemple) augmente significativement, alors que celui des
substances faiblement liées (vecuronium 30%, morphine 35%) se modifie peu [301].
Ces deux effets peuvent se compenser partiellement, n'ont pas la même cinétique et sont transitoires ;
ils durent le temps nécessaire à la redistribution à partir des tissus, qui va rééquilibrer les gradients de
concentration [161]. En effet, le volume de distribution (Vd) des agents d'anesthésie, qui sont des
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
78
substances lipophiles, est beaucoup plus grand que le volume de la CEC, et tient lieu de réservoir.
Pour les curares, qui sont des substances hydrophiles, le Vd est moins important, la liaison protéique
faible, et la dilution soudaine plus importante. Ces modifications de concentration ne durent que
quelques minutes et dépendent du rapport entre le volume de la CEC et le volume circulant du patient;
elles sont d'autant plus importantes que ce dernier est petit [63]. Pratiquement, cela signifie que les
enfants peuvent se réveiller et/ou se décurariser subitement pendant les premières minutes de CEC si
la concentration de la substance n'est pas maintenue par un ajout dans le liquide d'amorçage de la CEC
ou dans le malade. Les adultes peuvent se décurariser.
Figure
7.27:
Profil
de
concentration
plasmatique du
fentanyl
au
début
d'une
CEC. La chute
du taux est
brêve;
l'équilibre
est
rétabli en 2
minutes [162].
100
Conc
(ng/ml)
Risque de réveil
30
20
10
Début
CEC
0
0.5
1.0
1.5
2.0
5.0
Temps (minutes)
L'hypothermie freine la résorption digestive, sous-cutanée et intramusculaire, ralentit la distribution
des substances entre les différents compartiments, inhibe leur biotransformation, et réduit leur
clearance par le foie et par les reins. Par exemple, l'inhibition des rhodanases hépatiques retarde la
métabolisation du nitroprussiate. L'affinité pour les récepteurs est diminuée lorsque la température
baisse. Ainsi l'effet des curares est augmenté pendant une CEC hypothermique à 28°C [64,101]. La
vasoconstriction induite par le froid réduit le volume de distribution des substances qui ont un faible
Vd; c'est le cas pour les curares, dont le taux augmente en CEC hypothermique. De plus, l'hypothermie
augmente graduellement l'eau intracellulaire et diminue le volume plasmatique [384].
La solubilité des gaz augmentant à basse température, l'hypothermie accroît la dilution des halogénés
dans le sang et baisse leur pression partielle tissulaire; il faut donc en augmenter la concentration pour
obtenir le même effet (augmentation de la MAC apparente). Toutefois, les besoins en agents
d'anesthésie sont réduits par l'hypothermie, puisqu'il n'y a plus d'activité consciente en dessous d'une
température cérébrale de 30-32°. La MAC réelle des halogénés diminue linéairement entre 37° et 20°,
où elle devient nulle [13].
Les poumons servent de réservoir aux substances liposolubles basiques comme le fentanyl, le
sufentanil, le propofol ou la lidocaïne; elles y restent stockées pendant la CEC puisqu'il n'y a plus de
circulation pulmonaire. Elles seront relarguées au moment du déclampage et de la reventilation, ce qui
cause une augmentation du taux plasmatique et un approfondissement momentané de l'anesthésie
(Figure 7.28) [32,268,351]. La captation de la dopamine et de nor-adrénaline par les poumons cesse
lorsque ces derniers sont exclus; les taux sériques augmentent pendant la période de clampage.
Le flux hépatique diminue en CEC à cause de l'hypothermie et de la dépulsation. Ceci a un effet
significatif sur la métabolisation des substances qui ont un coefficient d'extraction hépatique important
(fentanyl, vecuronium) ou moyen (alfentanil) [230]. La clearance du lactate est diminuée de 30% par
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
79
la CEC [256]. D'autre part, les baisses de débit dues aux contingences chirurgicales, l'hypothermie, la
vasoconstriction périphérique et la dépulsation entraînent une hypoperfusion qui mène de nombreuses
cellules à l'hypoxie et à l'acidose; lors de la reperfusion et du réchauffement, les substances basiques
qui se sont accumulées dans les tissus acides seront relarguées dans la circulation. L'hypotension et la
dépulsation du flux artériel diminuent le débit périphérique dans les muscles et dans les organes, ce
qui restreint le volume de distribution et prolonge la demi-vie. Les reins interprètent la dépulsation
artérielle comme une hypotension et déclencent le système rénine-angiotensine.
20
Figure 7.28 :
Modifications du
taux plasmatique
de fentanyl lors de
la
recirculation
pulmonaire [32].
Conc
(ng/ml)
Artère
radiale
10
Artère
pulmonaire
5
Déclampage
0
Ventilation
0.5
2.0
5.0 Temps (minutes) 10
Les composants des circuits de CEC, particulièrement les oxygénateurs, absorbent certaines
substances lipophiles comme le fentanyl, l'alfentanil, le midazolam ou le propofol [163]. Toutefois, cet
effet est d'une portée réduite à cause du grand volume de distribution de ces substances et de la
rééquilibration entre les compartiments. L'hémofiltration, par contre, est efficace pour soustraire un
grand nombre de substances au compartiment central de la circulation, puisqu'elle extrait les molécules
jusqu'à 20'000 Dalton.
L'héparine en forte concentration (≥ 300 UI/kg) induit une libération de lipoprotéine-lipase et de lipase
hépatique, ce qui hydrolyse les triglycérides plasmatiques en acides gras non-estérifiés (FFA: free fatty
acids) qui augmentent de 15-20% [146]. Ces acides gras libres se lient aux protéines plasmatiques et
déplacent les substances qui y sont fixées, ce qui en augmente la concentration libre. Ce processus a
lieu en quelques minutes [301].
Pharmacologie en CEC (I)
A cause de l’hémodilution et des variations de température, la CEC a une influence majeure sur la
pharmacocinétique des agents d’anesthésie. Ces effets sont variables selon les substances et la
température ; la traduction clinique est la résultante des diverses modifications :
- ↓ brusque concentration en début de CEC (risque de réveil et de décurarisation)
- ↑ volume de distribution
- ↓ concentration par séquestration (poumons, circuits de CEC)
- ↑ concentration effective et ↑ durée d’action par: ↓ clairance, ↓ biotransformation
↓ activité des estérases, ↓ affinité pour les récepteurs
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
80
La réaction inflammatoire systémique et la libération d'endotoxines inhibent la fonction du
cytochrome P450 et réduisent le métabolisme de nombreuses substances; cet effet est prolongé au-delà
du temps de CEC. Le cytochrome P450 cérébral subit la même inhibition, ce qui se traduit par un
ralentissement du métabobolisme local des médicaments à effet neuroleptique et hypnogène [292].
Toutes ces modifications ont relativement peu d'impact dans les situations habituelles, mais prennent
de l'importance chez les personnes de faible poids (< 50 kg, enfants), chez les personnes âgées (masse
cellulaire et taux de protéines plasmatiques diminués), et chez les malades débilités (insuffisance
cardiaque chronique).
Agents spécifiques
Les halogénés sont très utilisés en CEC, mais leur cinétique est sensiblement modifiée dans cette
situation. La vitesse d'augmentation de la concentration du gaz est plus faible en CEC hypothermique
à cause de l'augmentation de solubilité à froid; par contre, l'extraction du gaz est aussi rapide que dans
les conditions standards. Pour le desflurane, par exemple, on atteint la moitié de la concentration
inspirée (6%) en 5 minutes, puis un plafonnement à 68% après 32 minutes [237]. Pour le clinicien,
cela signifie qu'on n'atteint pas les concentrations habituelles de gaz lors d'une CEC hypothermique.
Pour obtenir l'effet désiré, il faut donc augmenter la concentration inspirée et prendre davantage de
temps. On doit attendre en moyenne 5 - 10 minutes pour réaliser le plein effet hémodynamique de
l'halogéné. Si l'halogéné est l'agent d'anesthésie utilisé avant la CEC, sa concentration va baisser au
moment du départ en pompe et du refroidissement; il faut donc augmenter sa concentration sur
l'oxygénateur par rapport à celle de l'appareil d'anesthésie. A cela s'ajoute l'effet de l'hémodilution, qui
diminue la solubilité des halogénés mais augmente leur volume de répartition. Heureusement, les
besoins de l'organisme diminuent avec le froid. Ainsi la MAC de l'isoflurane baisse de 5% par degré
de température jusqu'à 20° [13]. Etant liposolubles, les halogénés sont aussi absorbés dans les
plastiques et les oxygénateurs; certains modèles ont une capacité pour l'isoflurane équivalente à 17
litres de sang [340].
Si l'on recherche une concentration prédéterminée d'un agent intraveineux par perfusion continue
(TCI: target concentration infusion), on voit que l'hémodilution, l'augmentation du volume de
distribution, la baisse de clearance et la séquestration dans l'appareillage de CEC et les poumons
réduisent l'effet escompté par rapport à la dose administrée. La demi-vie d'élimination est allongée.
Pour le propofol, la variation de concentration est de 10-20% [23]. Pour le midazolam et le sufentanil,
les concentrations obtenues sont respectivement 13% et 42% inférieures aux concentrations calculées
[22]. La demi-vie du midazolam après CEC est significativement allongée [219]. Le lieu d'injection a
son importance; pour un traceur injecté en voie centrale, il faut 5 minutes pour que la moitié de la dose
apparaisse dans la voie artérielle. Si l'on injecte directement dans l'entrée de l'oxygénateur, le 95% de
la dose est distribué en un seul temps circulatoire.
Pour les opiacés, on assiste à une brusque mais brève réduction des concentrations circulantes en début
de CEC (fentanyl 53%, sufentanil 34%), suivie d'une rééquilibration des taux par redistribution depuis
les tissus [48,117,293]. Les concentrations augmentent au moment du déclampage et de la reperfusion
pulmonaire, car les poumons non-perfusés, qui avaient séquestré les fentanils, les relarguent au
moment de la recirculation. La demi-vie d'élimination est allongée de 25% après CEC, parce que le
volume de distribution total est agrandi et la clearance diminuée (Figure 7.29). L'adsorption d'opiacés
par les circuits de CEC ne contribue qu'à la chute initiale, mais est sans autre portée clinique. Elle est
proportionnelle à la liposolubilité des agents: sufentanil > fentanyl > alfentanil > remifentanil [301].
L'hypothermie affecte l'affinité et la fixation des curares sur la plaque neuro-musculaire et diminue la
clearance hépatique du vecuronium. Il en résulte une réduction de plus de 80% de la vitesse de
perfusion nécessaire pour maintenir le bloc en CEC hypothermique, une fois passé l'épisode de
dilution initiale [382]. Les estérases plasmatiques sont diluées en CEC et partiellement inhibées par le
froid. La clearance de l'atracurium, du mivacurium, de l'esmolol et du remifentanil, tous quatre
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
81
métabolisés par les estérases plasmatiques, est donc significativement abaissée. Pour l'atracurium, la
réaction d'Hoffman est diminuée de 43% à 28° [118]. Les rhodanases hépatiques responsables de la
biotransformation du nitroprussiate ont une activité si faible que le risque d'intoxication au thiocyanate
est élevé [243]. La dose de xylocaïne administrée pendant la CEC doit être augmentée de 1.5 à 2.5
mg/kg pour assurer les taux thérapeutiques habituels [198]. Une chute de concentration de 36% est
enregistrée pour la nitroglycérine pendant la CEC à cause de la captation importante du produit par les
circuits [89]. La fixation de la milrinone sur le circuit de CEC est de 20% [21].
Figure 7.29 :
Représentatio
n schématique
des variations
du
taux
plasmatique
d'un fentanyl
en cours de
CEC [22].
Effets
tβ1/2
Début
CEC
Reventil
Fin
CEC
Postop
Temps
Pharmacologie en CEC (II)
Prise en charge anesthésique:
- Agents intraveineux: ↑ dosage
- Opiacés: ↑ dosage en début de CEC, ↓ dosage en hypothermie et post-reventilation
- Halogénés: ↑ Fi à cause de l’augmentation de solubilité, mais ↓ MAC en hypothermie
- Curares: ↑ effet et durée par ↓ affinité pour les récepteurs, risque de décurarisation en
début de CEC
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
82
Déroulement de la CEC
La CEC est une situation de collaboration pluridisciplinaire intense au cours de laquelle une bonne
communication est essentielle au sein de l'équipe. Le chirurgien, le perfusionniste et l'anesthésiste
doivent en permanence échanger les informations importantes concernant les manoeuvres
chirurgicales, l'hémodynamique et l'administration médicamenteuse. Un groupe de praticiens
expérimentés et habiles, habitués à travailler ensemble, réalise des performances excellentes grâce à un
team work intégré. Les résultats cliniques dépendent davantage de la qualité de ce travail d'équipe que
des techniques utilisées [244]. L'anesthésiste a un rôle capital, car il est stratégiquement positionné
pour surveiller à la fois le champ opératoire, la machine d'anesthésie, l'échocardiographe et la machine
de CEC. Il centralise les informations sur l'administration liquidienne; il participe aux décisions
concernant la transfusion, la gestion hémodynamique et la mise en charge.
Pendant l'insertion de la canule artérielle dans l'aorte ascendante, l'anesthésiste abaisse
momentanément la pression artérielle (PAM 50 mmHg) pour éviter toute déchirure de l'aorte. A cet
effet, on peut utiliser un halogéné (isoflurane 5%) ou un dilatateur artériel (phentolamine, bolus 1 mg).
Le chirurgien procède ensuite à la mise en place de la canule de cardioplégie dans la racine de l'aorte.
Enfin, une ou deux canules sont introduites dans l'oreillette droite (Figure 7.30). Cette dernière
manoeuvre est souvent mal tolérée hémodynamiquement par le patient: hypotension, baisse brutale du
retour veineux, tachy-arythmies sus-jonctionnelles. Pour rétablir la volémie, le plus simple est de
perfuser des aliquots de 100 mL de la solution d'amorçage par la canule aortique. Les arythmies
cessent dès la cardioplégie.
Canule de
cardioplégie
B
4
A
Canule
artérielle
de CEC
V Ao
3
IA
100-150
mmHg
Aorte
VD
2
Clamp
aortique
OD
Coronaires
© Chassot 2012
AP
Aort
e
1
5
Figure 7.30 : Canulations de CEC. A : canulations dans
le champ opératoire vu par l’anesthésiste. 1: canule
artérielle dans l'aorte ascendante. 2: canule de
cardioplégie. 3: canule de VCS. 4: canule de VCI. 5:
fixation de la canule aortique. B : représentation du
clampage et de la ligne de cardioplégie ; en cas
d’insuffisance aortique (IA), la solution de cardioplégie
fuit dans le VG et le dilate puisqu’il n’éjecte plus.
Démarrage de la CEC
La CEC peut débuter lorsque l'ACT a dépassé 400 secondes. Avec des circuits pré-héparinés, la valeur
recherchée est plus basse: 250 secondes [10]. Ces valeurs s'obtiennent par l'administration d'héparine
intraveineuse ou intra-auriculaire à raison de 300 U/kg ou de 100 U/kg, respectivement. Le
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
83
perfusionniste commence par ouvrir progressivement la canule veineuse pour drainer le sang de l'OD
et augmente ensuite le débit de la pompe artérielle jusqu'au débit théorique du malade (2.4 L/min/m2).
Ce débit doit être atteint en 2-3 minutes afin d'éviter de perfuser les organes avec un sang très dilué par
le liquidie d'amorçage, ce qui provoque une hypotension et entraîne un risque ischémique momentané
[25]. A ce moment, tout le sang est dérivé dans la machine, qui assure le débit artériel à elle seule.
Le début de la CEC est le moment où la vigilance doit être maximale, car c'est la période où les
incidents sont les plus fréquents et les plus graves: défauts de matériel, erreur de montage,
déconnexion, malposition de canules, "air-lock", hypotension, hypoxémie, dissection de l'aorte, etc.
En CEC, les causes d'accidents les plus graves sont l'hypotension artérielle, l'embolie gazeuse et le
dysfonctionnement de l'oxygénateur. Elles sont suivies par les déconnexions et les inadvertances dans
les clampages [196]. La présence d'air dans la canule artérielle ou dans la canule de cardioplégie est
une menace d'embolie cérébrale catastrophique entraînant un AVC massif ou le décès. L'air provient le
plus souvent d'une inattention au niveau du réservoir veineux ou d'une inversion entre les circuits
veineux et artériel.
Une attention particulière est portée à la couleur des canules veineuses (sang rouge foncé) et artérielle
(sang rouge vif). Un sang veineux très foncé ("noir") signe une désaturation veineuse centrale et un
bas débit; une désaturation artérielle est caractéristique d'un problème d'oxygénateur. Des saturomètres
placés sur ces circuits permettent d'objectiver et de quantifier les observations visuelles. La
saturométrie artérielle du circuit de CEC ne surveille que la performance de l'oxygénateur, non celle
du patient; cette dernière est évaluée par la SpO2 du moniteur d'anesthésie, pour autant que le flux
artériel soit suffisamment pulsatile. Le renseignement le plus important est apporté par la SvO2 située
sur le circuit veineux de retour de la CEC. Si les veines caves ne sont pas correctement drainées, une
stase s'installe très rapidement : hépatomégalie, oedème de la face, œdème conjonctival.
Une hypotension passagère est habituelle en début de pompe à cause de l'hémodilution, qui abaisse
soudainement la viscosité sanguine et la pression colloïdo-osmotique. Lorsqu'elle était présente dans la
solution d'amorçage, l'aprotinine pouvait déclencher une réaction anaphylactique. La pression se
rétablit lorsque l'hypothermie augmente la viscosité et provoque une stimulation sympathique. Une
hypotension sévère (PAM < 25 mmHg) doit faire rechercher immédiatement un incident grave.
 Dissection de l'aorte: disparition de l'onde de pression sur le cathéter artériel alors que la
pression est élevée sur la canule artérielle de CEC, et faible retour veineux vers la machine ;
l'aorte ascendante se boursouffle et devient violacée ;
 Shunt resté ouvert entre la ligne artérielle et la ligne veineuse ;
 Evacuation du filtre artériel resté ouvert à trop haut débit ;
 Obstacle persistant de la ligne artérielle ;
 Asservissement inadéquat du débit de la pompe maîtresse.
Comme le patient est encore normotherme et que son coeur n'est pas arrêté, le traitement d'urgence est
un retour en charge immédiat et un arrêt de la CEC.
La dilution brusque des substances en circulation et la stimulation sympathique de l'hypothermie
peuvent réveiller malade. Comme le débit pulmonaire devient minime, seuls les médicaments
intraveineux administrés dans la CEC sont efficaces. Selon le type de canulation, les substances
introduites par la voie veineuse centrale peuvent mettre jusqu'à 5 minutes pour atteindre leur objectif.
L'halogéné est vaporisé dans le circuit de l'oxygénateur de CEC.
Pour l'anesthésiste, le passage en CEC s'accompagne d'un certain nombre de manoeuvres et de
contrôles (Tableau 7.5):
 Arrêt de la ventilation mécanique, remplacée par un débit continu d'O2/air de 1 L/min (Fi O2
1.0 si haut risque d’embolie gazeuse) et une CPAP ≤ 5 cm H2O; pas de N2O . Ceci a lieu dès
que le perfusionniste annonce qu'il est à plein débit et qu'il commence à refroidir. La
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
84





ventilation n'est pas interrompue en CEC partielle, ni si un problème empêche de tenir le débit
sur la pompe.
Retrait du cathéter de Swan-Ganz de 5-10 cm pour éviter qu'il ne perfore le vaisseau
pulmonaire lorsque les poumons collabent et lorsqu'il se rigidifie avec l'hypothermie.
Arrêt des sons et des alarmes sur le moniteur; réglages des alarmes sur un "programme CEC".
Maintien de l'anesthésie par un halogéné (sur l'oxygénateur de CEC) ou un agent intraveineux
en bolus (midazolam) ou en perfusion (propofol). L’administration médicamenteuse dans le
circuit de CEC est plus précise que par la voie centrale ; ne pas utiliser les voies veineuses
périphériques dont le débit est aléatoire. Un halogéné est un choix préférable lors de
revascularisation coronarienne à cause de la protection ischémique offerte par le
préconditionnement (voir Chapitre 5 Préconditionnement).
Arrêt des perfusions en cours, sauf celle de propofol si c'est l’agent d'anesthésie choisi.
Curarisation en cas de frissons (hypothermie).
Tableau 7.5 : Contrôles au démarrage de la CEC
Patient
Patient endormi: isoflurane 1-2% ou sevoflurane 1.5-2% sur l'oxygénateur de CEC, propofol en perfusion ou
midazolam 5-15 mg (dans le circuit de CEC)
Face: couleur, asymétrie (canule artérielle sélective), œdème et chemosis (canulation VCS)
Contrôle des pupilles
PAM 50-80 mmHg, PVC < 5 mmHg, PAP < 15 mmHg
SpO2 100% (artéfacts fréquents), SaO2 100% (circuit artériel de CEC, contrôle l'oxygénateur, non le patient),
couleur du malade et du champ opératoire
ScO2 > 60% (des deux côtés)
SvO2 > 70% (retour veineux CEC)
Différence de couleur bien visible entre les canules artérielles et veineuses
Si hypotension ou désaturation sévères: retour en charge immédiat
Si air dans la canule artérielle: clampage immédiat et retour en charge
Médicaments
Arrêt des perfusions
Arrêt des catécholamine(s), anti-arythmiques, dérivés nitrés, etc
Analgésie assurée (fentanyl)
Curarisation selon besoins
Vasoconstricteur (néosynéphrine) à disposition
Machine d'anesthésie
Ventilation: stoppée dès que le débit de CEC est 100% et refroidissement en cours
Flux 0.5 - 1 L/min, Fi O2 0.3-1.0 (Fi O2 1.0 si haut risque d’embolie gazeuse), pas de N2O
CPAP < 5 cm H2O si nécessaire
Maintenir la ventilation en cas de désaturation ou de CEC partielle ; en cas d'utilisation d'un halogéné,
maintenir la même Fi sur l'oxygénateur et le respirateur tant que celui-ci est en fonction
Moniteur
Zéro des capteurs vérifiés, températures oesophagienne et rectale en place
Alarmes stoppées, volume sonore à zéro
Retrait de la Swan-Ganz de 5 cm (maintien en AP), ballonnet dégonflé
Si cardioplégie rétrograde, branchement sur une ligne de pression
Si double canulation cave: mesure de la pression sur le bras latéral de l'introducteur ou le canal proximal
du cathéter de PVC (pression veineuse cérébrale)
Hypotension (PAM < 40 mmHg) au démarrage de CEC
Baisse de viscosité (démarrage trop brusque, hémodilution importante)
Vasoplégie
Insuffisance aortique (dilatation VG) ; ne pas administrer de vascoconstricteur, qui augmenterait l’IA
Débit insuffisant, mauvais retour veineux
Shunt resté ouvert, aspiration excessive (canule cardioplégie, filtre artériel)
Dissection de l'aorte (pression élevée sur la ligne artérielle de CEC)
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
85
Commencement de la CEC
Démarrage dès que l’ACT est > 400 sec
Arrêt de la ventilation et des perfusions lorsque le plein débit est atteint
Maintien de l’anesthésie par un agent intraveineux (dans le circuit de CEC) ou par un halogéné (sur
l’oxygénateur)
Hypotension et risque de réveil/décuraristion sur hémodilution par le liquide d’amorçage
Surveillance du retour veineux (canules OD et/ou veines caves) et de la canule artérielle (risque de
dissection aortique)
Surveillance anesthésique
Bien que la gestion de la CEC soit de la responsabilité du perfusioniste, l'anesthésiste a de nombreuses
tâches de surveillance et de collaboration à effectuer en cours de pompe (Tableau 7.6).
Tableau 7.6 : Contrôles en cours de CEC
Surveillance patient
Sommeil assuré (T° oesophagienne > 30°C) par halogéné (revascularisation coronarienne),
propofol ou midazolam
Curarisation si: ouverture cavités gauches, frissons, mouvements, SvO2 < 60%
PAM 50-80 mmHg
PaO2 100-150 mmHg, PaCO2 40 mmHg (en normothermie)
SpO2 et SaO2 98-100%, SvO2 ≥ 70%, couleur du malade et du champ opératoire
ScO2 > 60% (des deux côtés)
Ht, glycémie, status acido-basique, K+
Gradient de température (ΔT°) < 10°C entre températures rectale et oesophagienne
Silence électrique sur l'ECG
Surveillance machine de CEC
Pression sur la ligne artérielle (max: 3 x PAM)
SaO2 (patient) SvO2 (retour veineux de CEC)
FiO2, Fi halogéné, débit de gaz frais
Niveau du réservoir veineux
ACT > 480 sec (circuits pré-héparinés: > 250 sec)
Gradient de température (ΔT°) < 10°C entre échangeur thermique et sang
Surveillance machine d'anesthésie
FiO2 0.3-1.0 (Fi O2 1.0 si haut risque d’embolie gazeuse), pas de N2O
Débit de gaz 0.5-1.0 L/min
P ventil < 5 cm H2O
Ballon du circuit respiratoire dégonflé
Surveillance moniteur
Températures (rectale, oesophagienne ou cérébrale, Swan-Ganz)
Gradient de température (ΔT°) < 10°C entre températures rectale et oesophagienne
ECG: silence électrique ; en cas d’activité, administrer une dose de cardioplégie
 Gestion de l'anesthésie ; halogéné à 1.0-1.5 MAC (vaporisateur sur l'oxygénateur de CEC),
propofol en perfusion, midazolam au réchauffement. Les médicaments sont injectés
directement dans le circuit de la CEC. Les perfusions sont montées sur la voie centrale ou sur
la voie auriculaire du cathéter de Swan-Ganz, parce que leur branchement sur le circuit ne
peut se faire que par un robinet monté à l'avance sur la voie veineuse. Le branchement sur le
réservoir veineux est techniquement simple, mais il n'assure pas un débit continu parce que le
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
86
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niveau du réservoir oscille constamment. La meilleure solution consiste donc à adjoindre un
robinet sur la ligne veineuse à la sortie du réservoir. Selon la position de la voie centrale par
rapport aux canules veineuses, le délai d'action peut être de plusieurs minutes.
Maintien du sommeil ; c'est un point capital et délicat pendant la CEC. La dilution des
substances en circulation par le perfusat de la CEC et la stimulation sympathique du
refroidissement peuvent facilement réveiller le malade en début de pompe. Les critères
cliniques d'anesthésie ne s'appliquent plus pendant cette phase de l'intervention:
l'hémodynamique est réglée par la pompe, le coeur est arrêté, la transpiration est liée au
réchauffement, les pupilles sont en miosis à cause du fentanyl ou en mydriase à cause du froid;
de plus, on ne s'aperçoit pas que le malade se réveille momentanément s'il est profondément
curarisé. Il est donc important de pouvoir observer les petits mouvements qui précèdent le
réveil et de n'administrer un curare que dans les situations où cela est nécessaire (voir cidessous), ou d'utiliser un monitorage du sommeil comme le BIS™ ; malheureusement, ce
dernier défaille à basse température. Le monitorage de l'activité cérébrale indique que 9% à
20% des patients, selon la technique d'investigation utilisée, présente une valeur compatible
avec un sommeil insuffisant [357]. Une observation attentive de la saturation veineuse en
oxygène (chute de la SvO2) renseigne également sur un éventuel réveil. Un vaporisateur
d'halogéné (isoflurane ou sevoflurane) permet d'assurer le sommeil en diffusant en
permanence 1.0-1.5 MAC de la substance sur le circuit de gaz de l'oxygénateur; c'est la
meilleure routine pour la chirurgie de revascularisation coronarienne (bénéfice du
préconditionnement). Le propofol ou le midazolam peuvent remplacer l'halogéné dans les
autres types de chirurgie. En dessous de 30-32°C, l’hypothermie assure à elle seule la perte de
conscience.
Curarisation ; elle est de préférence réservée aux situations suivantes: cardiotomie gauche,
mouvements diaphragmatiques spontanés, hypothermie profonde avec arrêt circulatoire, bas
débit accompagné de désaturation veineuse, frissons au réchauffement.
Maintien de la PAM à 60-80 mmHg (voir Hémodynamique page 51). La régulation de la
pression ne doit pas se faire au détriment du débit [254]. La PAM peut être momentanément
abaissée jusqu'à 30-40 mmHg en hypothermie (≤ 28°). La vasodilatation permet de meilleurs
échanges thermiques au réchauffement. Cependant, un certain degré de vasoplégie est fréquent
en pompe, et l'hypotension qu'il entraîne peut devenir dangereuse si elle se prolonge parce que
le perfusioniste ne peut pas compenser par une augmentation du débit. Si des bolus de
néosynéphrine de 100 mcg sont insuffisants pour corriger la situation, on met en route une
perfusion de noradrénaline sur la voie centrale ou sur la voie auriculaire droite de la SwanGanz. Une poussée hypertensive est réglée par l'isoflurane à 5% et/ou par des bolus de
phentolamine (1 mg par bolus).
Surveillance du débit: 2.4 L/min/m2 en normothermie, abaissé jusqu'à 1.8 L/min/m2 à 28° et
1.5 L/min/m2 à 25°C (voir Hémodynamique). La fréquence des oscillations dues aux galets de
la pompe sur la courbe artérielle renseigne sur le débit de la pompe. La SvO2 mesurée dans le
circuit veineux de la CEC renseigne sur l'adéquation du débit aux besoins de l'organisme
(SvO2 ≥ 70%). Le maintien du débit est prioritaire par rapport à celui de la pression.
Saturométries :
o SaO2, surveille l’oxygénateur ;
o SpO2 , habituellement illisible à cause de la vasoconstriction, artéfacts fréquents ;
o SvO2 sur le retour veineux de la CEC, mesure l’adéquation entre apport et
consommation d'O2, perfusion tissulaire ;
o ScO2, évalue l’apport d’O2 au cerveau et reflète le DO2 tissulaire de l’organisme ;
baisse de > 20% de la valeur de base : risque de souffrance neurologique ;
o SvO2 du cathéter de Swan-Ganz, sans intérêt parce que le débit pulmonaire est
minime ou nul.
Surveillance de la face et des pupilles.
Surveilance de l’ECG ; la reprise d’une activité électrique, souvent désordonnée, implique
l’administration d’une dose de cardioplégie.
Surveillance de l'échocardiographie transoesophagienne (ETO) (voir Place de l’ETO page 91).
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
87
 Transfusions ; l'augmentation de viscosité à froid conditionne l'Ht recherché, qui doit
idéalement avoir la même valeur en % que la température en °C. Il est préférable d’éviter un
Ht < 24% (voir Amorçage page 7).
 Le débit urinaire est très variable en CEC et n'est pas corrélé à la fonction rénale
postopératoire; les éléments les plus prédictifs sont la durée de CEC et la fonction rénale
préopératoire.
Surveillance en CEC
Patient :
- Sommeil assuré
- PAM 50-80 mmHg
- SpO2 et SaO2 98-100%, SvO2 ≥ 70%, ScO2 > 60%
- PaO2 > 100 mmHg, PaCO2 40 mmHg, pas d’acidose
- ΔT° < 10°C entre oesophage et rectum/vessie
- ECG isoélectrique
- Glycémie 6-10 mmol/L
Machine de CEC :
- ACT > 450 sec
- SaO2 (ligne artérielle) 98-100%, SvO2 (canule veineuse) ≥ 70%
- ΔT° < 10°C entre échangeur thermique et sang
- Débits de gaz réglés pour PaO2 > 100 mmHg et PaCO2 40 mmHg
- Débit: 2.4 L/min/m2 > 35°, 1.8 L/min/m2 à 28° et 1.5 L/min/m2 à 25°C
Réchauffement
Quelle que soit la température en hypothermie, le réchauffement doit être progressif. Le gradient de
température entre l'eau du circuit de l'échangeur thermique et le sang du patient ne doit pas dépasser
10°C; la différence entre les températures oesophagienne et rectale ne doit pas excéder 10°C. La
température maximale du sang est 37°C [134,323]. Un réchauffement trop rapide présente quatre
risques majeurs.
 Inhomogénéité de température au sein des tissus; certaines zones restent froides à cause d'une
vasoconstriction artériolaire intense ;
 Hyperthermie cérébrale entraînant une aggravation des troubles neurologiques ;
 Embolies gazeuses dues à la diminution de solubilité des gaz lorsque le sang se réchauffe ;
 Dénaturation des protéines sériques.
Cette période de la CEC est l'occasion d'activités majeures pour l'anesthésiste.
 Dès que commence le réchauffement, il faut prévoir un approfondissement de l'anesthésie. En
effet, l'activité corticale consciente, absente < 30-32°C, reprend lorsque la température
cérébrale dépasse ce seuil. Or cette température évolue plus rapidement que celle mesurée
dans l’œsophage ; l’inconscience doit donc être assurée dès le début du réchauffement. Si l'on
ne dispose pas de moyen de mesurer l'activité électrique cérébrale (EEG, BIS™, Entropy™),
on ne peut savoir si le malade est adéquatement endormi, car les critères habituels d'anesthésie
sont absents en CEC: l'hémodynamique dépend de la machine, la transpiration est occasionnée
par le réchauffement du sang, et les pupilles restent en miosis à cause des hautes doses
d'opiacés. Il est donc recommandé d'assurer le sommeil par du midazolam (5-15 mg), du
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
88
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propofol (5 mg/kg/heure) ou un halogéné (1-2 MAC). La veinodilatation centrale causée par le
propofol oblige en général le perfusionniste à ajouter 500 mL de cristalloïde dans le circuit
pour compenser la chute du retour veineux. Il est rarement utile de donner du fentanyl ou un
autre opiacé à ce moment, sauf si l'on veut bloquer toute réaction sympathique responsable
d'une hypertension artérielle pulmonaire.
L'administration d'un curare évite les frissons et diminue la consommation d'O2 musculaire,
mais élimine le seul critère de réveil que sont les mouvements spontanés.
Les malades en insuffisance congestive avec dilatation ventriculaire ou hypertension artérielle
pulmonaire, chez lesquels l’inodilatation est profitable, bénéficient d’une dose de milrinone
(Corotrop®) en bolus lent (50 mcg/kg) dans la CEC au moment du réchauffement [104]; une
baisse de la pression systémique est habituelle pendant cette administration.
Au déclampage de l'aorte, la perfusion coronarienne est rétablie et le coeur recommence à
battre le plus souvent spontanément. La ventilation est reprise lorsque l'activité cardiaque est
rétablie, si cela ne gène pas l’opérateur. Elle est précédée d'une manoeuvre de capacité vitale
(insufflation de 20 cm H2 O pendant 20 sec); la FiO2 est de 100% jusqu'à la première
gazométrie [217]. La PetCO2 lue sur le respirateur est basse, puisque les échanges gazeux ont
lieu principalement dans l’oxygénateur. Néanmoins, la Fi de l’halogéné doit être identique sur
les deux machines pour éviter que le gaz ne rentre par l’une et ne sorte par l’autre.
En cas de dysfonction ventriculaire, le gaz halogéné est momentanément interrompu; il sera
repris sur le respirateur en cas de revascularisation coronarienne (effet de préconditionnement)
lorsque la fonction ventriculaire sera satisfaisante.
Si le coeur fibrille, on procède à une ou plusieurs défibrillation(s) avec les palettes internes; on
commence avec 5-10 J selon la taille du coeur, et on augmente si nécessaire. L’énergie
maximale possible avec le système interne est 50 J. En cas de défibrillations répétées, il est
habituel d'ajouter de la lidocaïne (2 mg/kg iv) et du magnésium (5-10 mmoles).
L'hyperkaliémie (> 6 mmol/L) est fréquente à cause de la haute teneur en K+ des solutions de
cardioplégie qui sont réaspirées dans le circuit de CEC. On peut forcer la kaliurie avec du
mannitol ou du furosémide. Chez l'insuffisant rénal, la cardioplégie est évacuée par une
aspiration "perdue" ou par hémofiltration. La solution de Ringer doit être remplacée par du
NaCl 0.9%. En l'absence d'altérations à l'ECG, la situation est sans risque.
Les catécholamines à effet béta ne doivent pas être administrées trop tôt avant la mise en
charge parce qu'elles augmentent la mVO2 à un moment ou l'utilisation de l'O2 par la cellule
myocardique est encore altérée. Une dizaine de minutes avant la mise en charge suffisent en
général à obtenir un taux sérique optimal au moment de celle-ci.
Réchauffement
Assurer le sommeil et la curarisation si nécessaire
Reventiler dès la reprise d’une activité cardiaque (si cela ne gène pas l’opérateur)
Manœuvre de capacité vitale (PEEP manuel à 20 cm H2O pendant 20 sec, à répéter si nécessaire)
Réchauffement lent pour atteindre T° rectale ≥ 35°, T° oesophagienne ≥ 36°
- Augmentation de température ≤ 1°C / 5 min
- T° sang ≤ 37°C
Si FV ou TV: défibrillation(s) (5-50 J), xylocaïne 2 mg/kg, Mg2+ 2 gm. Si FA: cardioversion (5-20 J)
Incidents critiques et accidents en CEC
Les problèmes aigus surviennent dans 0.4 – 1% des CEC [99,195,233]. Les accidents les plus
dangereux sont la dissection aortique, l'embolie gazeuse, le défaut d'oxygénation et la thrombose du
circuit (voir aussi Que faire en cas de problème aigu ? page 132).
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
89
 La dissection de l'aorte survient au démarrage de la CEC; elle est due à une canulation
accidentellement intrapariétale. On assiste à une disparition immédiate de l'onde de pression
sur le cathéter artériel alors que la pression est élevée sur la canule artérielle de CEC, et à un
très mauvais retour veineux vers la machine; l'aorte ascendante se boursouffle et devient
violacée. Le traitement est une remise en charge immédiate. On prévient cet accident en
contrôlant que la courbe de pression est normale et bien pulsatile sur la canule artérielle de
CEC avant la mise en marche.
 L'inversion des canulations artérielle et veineuse: l'aorte est vidée de son sang alors que l'OD
est gonflée sous pression. Le risque majeur est l'accumulation d'air dans l'aorte, qui embolisera
lorsque la circulatioin sera rétablie. Il faut immédiatement arrêter la machine, mettre le malade
en position de Trendelenburg, drainer l'aorte et procéder comme lors d'embolie gazeuse.
 L'embolie gazeuse peut survenir à tout moment. L'air pénètre dans le circuit par le réservoir
veineux, les aspirations, la cardioplégie, l'oxygénateur, les filtres ou des déconnexions; les
bulles se forment localement lorsque la pression baisse brusquement à un endroit du circuit
(cavitation), ou lorsque la température du sang augmente (baisse de solubilité des gaz). Des
poches d'air se constituent dans les cavités cardiaques gauches lorsque celles-ci sont ouvertes
dans le champ opératoire. L'air peut passer de l'OD à l'OG par un foramen ovale perméable.
L'air ambiant est aspiré dans le coeur gauche si le patient a des mouvements diaphragmatiques
pendant que le VG ou l'OG sont ouverts.
 La présence d'air dans la canule artérielle commande des mesures immédiates:
o Arrêt de la pompe ;
o Position de Trendelenburg forcée pour diminuer les risque de progression de l'air dans
les carotides ;
o Débullage de l'aorte, perfusion rétrograde (1-2 L/min) hypothermique (20-24°) par la
veine cave supérieure pour perfuser le cerveau a retro et vidanger l'air qui s'est infiltré
du côté artériel ;
o Reprise de la CEC normale après vidange complète de l'air ;
o Administration de mannitol et de stéroïdes ;
o Scanner ou IRM dès que possible.
 L'hypoxémie est liée à un défaut d'alimentation en O2 (mélangeur, déconnexion), à un défaut
de l'oxygénateur, ou à une désaturation excessive du sang veineux (bas débit, hématocrite trop
bas, consommation excessive, hyperthermie). La curarisation permet de diminuer la
consommation d'O2 musculaire de 30% lorsque la SvO2 et/ou la ScO2 sont trop basses [166].
 L'obstruction du retour veineux ne laisse que le temps de vider le réservoir pour se trouver
face à une machine stoppée automatiquement par l’asservissment de la pompe au niveau de
sang du réservoir. Le blocage veineux est du à l'infiltration d'air dans les canules veineuses
("air lock"), à un positionnement inadéquat des canules, à des manipulations du cœur ou à une
obstruction de la canule par la paroi auriculaire en cas d’aspiration (vacuum-assisted venous
return). Il faut immédiatement réduire le débit de pompe pour éviter l'arrêt, remplir le
réservoir de Ringer-lactate et repositionner les canules.
 Une panne de la pompe principale commande le clampage immédiat du circuit artériel et
veineux, et le passage sur une pompe de secours. La reprise en manuel est possible en cas de
défaut d'alimentation électrique, mais elle est exténuante et ne permet pas de tenir le débit très
longtemps.
 La thrombose du circuit est un événement catastrophique qui oblige à interrompre la CEC
pour changer immédiatement le réservoir, l'oxygénateur et les filtres. Elle est due à une
héparinisation insuffisante, à une administration intempestive de protamine, ou à l'utilisation
des aspirations de cardiotomie après neutralisation de l'héparine par la protamine. C'est la
raison pour laquelle on aspire par le CellSaver™ dès que l'on débute la protamine après la
CEC, car la machine doit demeurer fonctionnelle au cas où il faut repartir en pompe.
Il existe encore un long catalogue de toutes les pannes et accidents qui peuvent survenir au cours d'une
circulation extracorporelle: défaillance mécanique de pompe, panne électrique, déconnexions,
occlusion de filtre, etc.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
90
Incidents et accidents en CEC
Incidents fréquents : hypotension, obstruction du retour veineux, hypoxémie, bulles dans le circuit,
air dans les cavités gauches
Accidents : dissection aortique, embolie gazeuse massive, thrombose dans le circuit, déconnexion
Place de l'échocardiographie transoesophagienne (ETO)
La place de l'ETO en chirurgie cardiaque est bien établie. Elle poursuit plusieurs buts.

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Evaluation de la fonction systolique et diastolique de chaque ventricule;
Evaluation de la volémie;
Diagnostic de l'ischémie;
Diagnostic différentiel de l'hypotension réfractaire;
Evaluation de la pathologie cardiaque avant la CEC;
Evaluation de la correction chirurgicale après la CEC;
Aide technique aux gestes chirurgicaux.
Des modifications thérapeutiques pharmacologiques basées sur l'interprétation de l'ETO surviennent
dans 10-21% des cas, des modifications chirurgicales dans 7-11% des cas, et des décisions vitales
immédiates dans 4-21% des situations d'urgence [35,36,52,177]. L'examen de routine pratiqué avant la
CEC apporte de nouveaux diagnostics chez 10-15% des patients, ce qui modifie l'opération prévue
dans 7-11% des cas ; après la CEC, l’ETO justifie une reprise dans 2-3% des opérations [109,239].
Dans notre série lausannoise (12’986 examens), le taux de modifications dans la stratégie chirurgicale
est de 6% avant CEC et de 3% après CEC [74].
A côté de ces données générales, l'ETO est très utile dans une série de situations en rapport direct avec
la CEC. Ce sont notamment:
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Placement de guides et de canules ;
Placement d’endoprothèses ;
Evaluation de l'athéromatose de l'aorte ;
Dissection de l'aorte ;
Diagnostic de malformations anatomiques: FOP, VCSG ;
Dilatation du VG en cas d'insuffisance aortique ;
Débullage en fin de CEC ;
Découverte de thrombus intracardiaque ;
Sevrage de pompe.
Positionnement de cathéters et de canules
Comme l'anesthésiste prend l'habitude de contrôler à l'ETO la localisation du mandrin dans l'OD
lorsqu'il pose une voie centrale (Figure 7.31), il peut de la même manière guider le placement de
canules particulières dont la position doit être précise. Par exemple, les canules veineuses placées dans
l'OD et la veine cave supérieure (VCS) depuis une insertion fémorale vont facilement buter contre la
membrane de la fosse ovale, ou passer dans l'OG par un foramen ovale perméable (FOP); les ultrasons
permettent de guider l'opérateur dans ses manoeuvres pour viser la VCS (Figure 7.32). Certaines
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
91
canules artérielles souples sont introduite sur un guide dans l’aorte ascendante ou la sous-clavière
droite ; l’ETO permet de contrôler la position de leur extrémité distale dans la crosse.
A
B
Figure 7.31 : Localisation du mandrin de voie centrale à l'ETO. A: Mandrin en bonne position dans l'oreillette
droite. B: Mandrin situé dans l'aorte ascendante. APD: artère pulmonaire droite. VCS: veine cave supérieure.
AP: tronc de l'artère pulmonaire.
Figure 7.32 : Canule
veineuse montée depuis
la veine fémorale jusque
dans l'OD où l'ETO
découvre qu'elle butte
dans l'angle entre le
septum interauriculaire et
la racine de l'aorte au lieu
de s'enfiler dans la veine
cave supérieure.
OG
Canule
Ao
OD
L'examen de l'aorte descendante permet de décider si l'athéromatose est telle qu'elle contre-indique le
placement d'une contre-pulsion intra-aortique (CPIA) (Figure 7.33). Le cas échéant, elle offre la
possibilité de positionner la CPIA à la bonne hauteur sans l'interruption opératoire que nécessite un
contrôle radiologique: l'extrémité du cathéter doit se trouver 1 cm en dessous du départ de la sousclavière gauche. Si le guide n'est pas visible dans l'aorte descendante, il faut se méfier d'un problème
grave sur le trajet depuis l'artère fémorale: dissection, enroulement dans un anévrysme abdominal,
fausse-route. Lors de la mise en place d'une assistance ventriculaire, on peut contrôler la position des
canules et y mesurer le flux (Figure 7.34) [311]. Il est possible de visualiser la canule dans le sinus
coronaire lors de cardioplégie rétrograde [207]. Il faut retirer le mandrin métallique, qui est très
échogène, pour pouvoir visualiser correctement la canule ou le cathéter.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
92
A
B
Figure 7.33 : Deux images ETO d'athéromatose de l'aorte descendante. A: Les masses athéromateuses sont
protubérantes dans la lumière et la surface endovasculaire complètement irrégulière ; la double flèche rouge en
indique l’épaisseur B: Un athérome pédiculé flotte dans la lumière comme un grelot; cette situation est
hautement emboligène. La flèche rouge indique le sens du flux.
A
B
VG
VD
VG
1
OD
VD
4
2
3
C
D
AP
Figure 7.34 : Canules d’assistance bi-ventriculaire (Thoratek™). A : les 4 canules sur la face antérieure du
cœur ; 1 : canule venant de l’OD ; 2 : canule allant dans l’aorte ; 3 : canule allant dans l’AP ; 4 : canule apicale
dans le VG. B : canule dans l’OD ; cette canule est trop profonde et appuie fortement contre le septum
interauriculaire. C : canule anastomosée à l’artère pulmonaire (AP). D : en vue transgastrique, on suit la canule
d'assistance du VD jusque dans la chambre de chasse droite.
D'une manière générale, on repère plus facilement un cathéter dans un vaisseau lorsqu'on utilise un
plan de coupe perpendiculaire à l'axe de ce dernier. En effet, l'ETO est une imagerie bidimensionnelle
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
93
qui correspond à une tomographie; un cathéter peut être parallèle au plan longitudinal (long axe du
vaisseau), et donc échapper à l'observateur parce que le champ de vision de l'ultrason ne le coupe
jamais. Pour contrôler le positionnement exact d'un objet, il faut utiliser deux plans de coupe
perpendiculaires.
Athéromatose de l'aorte
Comme l'oesophage et l'aorte descendante cheminent côte à côte dans le thorax, l'ETO est un examen
privilégié de cette partie de l'aorte (Figure 7.33). Par contre, l'interposition de la bronche-souche
droite entre l'oesophage et l'aorte ascendante limite la visibilité aux 5-6 premiers centimètres de cette
dernière (Figure 7.35) et à la partie distale de la crosse [350]. La palpation chirurgicale étant peu
fiable, l'échographie épi-aortique est le seul moyen d'investiguer la totalité de l'aorte ascendante, de
choisir le site de canulation, et de diminuer l'incidence d'embolies cérébrales (voir Chapitre 27
Echographie épi-aortique et Figure 27.70) [252,291]. L'ETO permet de poser l'indication à un examen
épi-aortique en fonction du degré d'atteinte de l'aorte descendante [189].
Figure 7.35 :
Athéromatose de l'aorte
ascendante;
présence
d'une longue plaque
d'athéromatose sur la
face antérieure de l'aorte
en vue longitudinale,
dans la zone utilisée pour
la canulation de CEC.
APD
Aorte
En cas de lésions étendues et épaissies (stade III), protubérantes (stade IV) ou friables (stade V, lésions
pendulaires, aorte "porcelaine"), il est recommandé de changer de stratégie chirurgicale [235].
 Canulation par l’artère sous-clavière droite ;
 Canulation par une artère fémorale ; cette option présente deux risque majeurs :
o Embolisation cérébrale par du matériel athéromateux de l’aorte descendante puisque
le flux est rétrograde ;
o Dissection aiguë par infiltration du flux au travers des plaques ;
 Utilisation d'une canule aortique avec filtre déployable (Embol-X™) ;
 Occlusion avec un ballon intravasculaire monté depuis la fémorale (Heartport™) ;
 Pas de canulation de cardioplégie ni de clampage aortique: opération à coeur battant ou en
fibrillation ventriculaire si cela est concevable ;
 Pour les pontages aorto-coronariens: greffes artérielles multiples à partir des artères
mammaires ou de l’aorte descendante ;
 Dans les cas extrêmes, remplacement de l’aorte ascendante par une prothèse.
Ballon intra-aortique
Pour éviter de de clamper une aorte trop fragile, il arrive que l'on utilise un ballon gonflé dans l'aorte
ascendante en guise de clampage. Cette technique implique certaines surveillances, parce que ce
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
94
ballon a tendance à se déplacer soit distalement vers la valve aortique soit proximalement vers les
vaisseaux de la crosse [367].





Position du ballon au niveau de la jonction sino-tubulaire ;
Eventuelle protrusion du ballon entre les valvules aortiques ;
Eventuel déplacement distal du ballon (disparition de la vue ETO sur la racine de l’aorte) ;
Absence d'insuffisance aortique ;
Présence d'un pouls périphérique (SpO2) au membre supérieur droit (risque d'occlusion du
tronc brachio-céphalique par le ballon s'il est trop distal) ;
 Débit de la cardioplégie dans la partie proximale de l'aorte.
Dissection de l'aorte
La dissection de la paroi aortique par la canule artérielle est une complication iatrogène dramatique qui
survient en début de CEC; le même phénomène peut arriver avec la canule de cardioplégie ou lors de
canulation périphérique fémorale ou sous-clavière. L'évènement se caractérise par une hypotension
soudaine et par une surpression dans la ligne artérielle. L'ETO permet de poser le diagnostic
immédiatement [238]. En cas de dissection aortique A ou B, l'analyse du flux au Doppler couleur
donne l'assurance que la canule perfuse la vraie lumière. De même lors de la mise en place
d'endoprothèses, l'image échocardiographique permet de contrôler que le guide va acheminer la
prothèse dans la vraie lumière et non dans le cul-de-sac de la dissection ou de l'anévrysme.
Une image trompeuse peut survenir en début de CEC lors de canulation artérielle fémorale et faire
croire à une dissection rétrograde de l'aorte descendante [371]. Le perfusat de CEC, qui est plus froid
et plus fluide que le sang, ne se mélange pas immédiatement avec ce dernier; il se forme
momentanément deux couches parallèles dans l'aorte qui peuvent donner l'impression qu'elles sont
séparées en une vraie et une fausse lumière. Cet effet se résout en 30-40 secondes.
Diagnostic de malformations anatomiques
Certaines malformations congénitales bénignes passent inaperçues au cours de l'existence, mais
peuvent causer des problèmes dans la situation particulière de la chirurgie cardiaque. C'est le fait par
exemple du foramen ovale perméable (FOP), de la communication interauriculaire (CIA), ou de la
veine cave supérieure gauche (VCSG). La présence d'une communication transatriale n'est pas
dangereuse tant que la pression dans l'OG reste supérieure à celle de l'OD et que les oreillettes sont
étanches. Si la POD augmente (PEEP, hypertension pulmonaire, défaillance droite), le shunt s'inverse
et crée une hypoxémie par shunt droit-gauche. Lorsqu'une des deux oreillettes est ouverte à l'air
ambiant par l'opérateur, des bulles peuvent pénétrer dans l'autre. Lors d’intervention dans le cœur
gauche (opération sur la valve mitrale, par exemple), le FOP ou la CIA sont une source d’hémorragie
continue depuis l’OD qui noye le champ opératoire. La chirurgie du coeur droit (plastie tricuspidienne,
résection de chambre de chasse droite, par exemple) est possible à coeur battant pour autant que le
septum interauriculaire soit étanche, sans quoi de l'air peut s'intoduire dans l'OG et emboliser dans le
circuit artériel (embolie paradoxale). Il est donc important d'explorer le septum interauriculaire à
l'ETO et, si nécessaire, de pratiquer un test aux microbulles (Figure 7.36). Un FOP est une découverte
courante dans la population normale; son incidence varie de 5-10% à l'échocardiographie
bidimensionnelle, à 24% lors d'autopsie ou 27% à l'inspection directe peropératoire, où il se présente
comme une fente d’environ 20 mm [9,74,313]. La découverte d'une CIA inconnue est plus rare.
La veine cave supérieure gauche (VCSG) se jette dans la grande majorité des cas dans le sinus
coronaire; ce dernier est dilaté à cause de l'augmentation de débit. En l'absence d'insuffisance
ventriculaire droite et d'insuffisance tricuspidienne majeure, la découverte d'une dilatation du sinus
coronaire doit faire suspecter le diagnostic (Figure 7.37). La veine cave supérieure droite peut être
présente ou absente. La présence d'une VCSG pose deux problèmes au chirurgien.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
95
 La cardioplégie rétrograde est impossible parce que le perfusat fuit dans la circulation
systémique sans perfuser le cœur ;
 Le débit de la VCSG alimente l'OD en permanence lors de canulations caves séparées et met
l’OD sous tension.
La VCSG pose aussi deux problèmes à l'anesthésiste: le risque de thrombose du sinus coronaire
contre-indique l'utilisation d'une PVC à long terme, et l'introduction de Swan-Ganz est impossible par
voie jugulaire ou sous-clavière gauches.
Microbulles
dans l'OD
Passage
dans l'OG
A
B
Figure 7.36 : Foramen ovale perméable (FOP). A : flux gauche-droit à travers le FOP tel qu'on le voit au
Dopper couleur. B : Test aux microbulles. L'injection par voie centrale de 10 ml NaCl 0.9% au préalablement
agité pour créer des microbulles par cavitation remplit toute l'OD et met en évidence le passage de bulles dans
l'OG. La première image démontre le passage G-D, alors que la seconde illustre le passage D-G, dans la mesure
où il existe. Chacune des deux suffit à poser le diagnostic de FOP.
A
B
OD
SC
OG
SC
OD
VD
VD
VG
© Chassot 2012
Figure 7.37 : Veine cave supérieure gauche (VCSG). A : représentation schématique de la dilatation du sinus
coronaire (SC) (≥ 1.5 cm) en vue 4-cavités. B : injection de microbulles dans une veine du membre supérieur
gauche ; elles apparaissent dans le sinus coronaire (flèche) avant d’arriver dans l’OD.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
96
Insuffisance aortique
Même sans traduction clinique, une insuffisance aortique (IA) est potentiellement dangereuse dans le
contexte de la CEC. En effet, dès que la fréquence cardiaque se ralentit pendant le refroidissement, la
valve aortique fuit dans le VG sous la pression que génère la pompe et le dilate. D'autre part, la
cardioplégie administrée par la racine de l'aorte après le clampage de celle-ci s'écoule en bonne partie
dans le ventricule par la fuite aortique ; le VG est mis sous tension et se dilate puisqu’il ne se contracte
plus et ne peut plus éjecter ce qu’il reçoit. Le taux de découverte fortuite d'IA par l'ETO avant la CEC
est de 5% (Figure 7.38) [74]. Il est capital de surveiller le VG en début de CEC et pendant la
cardioplégie pour signaler toute dilatation à l'opérateur qui peut interrompre la perfusion, comprimer le
ventricule à la main, ou le drainer. On porte la même attention au VG lorsqu'on réalise une opération
en fibrillation ventriculaire continue.
A
B
OG
OG
Ao
VD
VG
Figure 7.38 : Insuffisance aortique (IA). A : vue long-axe de la racine de l’aorte ; le jet couleur dans la chambre
de chasse du VG en diastole indique la présence d’une IA. B : en cours de cardioplégie, la valve aortique fuit en
permanence dans le VG, comme en témoigne le flux bleu (flèche) qui s’écoule dans la chambre de chasse
gauche (vue 4-cavités).
Thrombus intracavitaire
La présence d'un thrombus est suspectée dans l'appendice auriculaire gauche en cas de stase ou de
fibrillation auriculaire (sténose mitrale, insuffisance ventriculaire gauche) lorsqu'on remarque du
contraste spontané dans l'OG à l'examen de routine (Figure 7.39). En cas d'akinésie apicale et de
dysfonction gauche (FE < 0.35), on peut trouver un thrombus à l'apex du VG (Figure 7.40). Ces
informations sont capitales pour le chirurgien, qui doit éviter de déloger ces thrombi en manipulant le
cœur, vu le risque d’embolisation. La décision d'explorer la cavité concernée pour en extraire le
thrombus est fonction de sa mobilité; elle le fruit d'un consilium entre l'anesthésiste, le chirurgien et
éventuellement le cardiologue. On peut aussi découvrir un thrombus dans une cavité gauche en fin
d'opération, lorsque l'anticoagulation peropératoire a été insuffisante (Figure 7.41). Dans ce cas, la
mobilité et le risque embolique commandent un retour immédiat en CEC pour extraire le thrombus.
L'invagination accidentelle de l'appendice auriculaire gauche au cours de la chirurgie peut ressembler
à un thrombus dans l'OG.
Débullage en fin de CEC
L'air s'introduit dans les cavités gauches lors de cardiotomie et s'accumule dans les endroits qui se
trouvent au zénith des chambres cardiaques en décubitus dorsal: la veine pulmonaire supérieure droite,
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
97
le haut du septum interauriculaire dans l'OG, l'angle mitro-aortique, le septum antéro-apical dans le
VG, et le sinus de Valsalva droit (Figure 7.42). Le 75% des malades opérés pour des valvulopathies
gauches présente des embolies gazeuses [356]. Mais l'air peut également s'introduire lors des
anastomoses proximales des pontages aorto-coronariens. Les bulles d'air sont très échogènes et
apparaissent sous deux formes différentes [74].
 Miliaire de microbulles, minuscules et peu contrastées ; elles sont sans incidence sur le status
neurologique postopératoire.
 Petites navettes brillantes qui dansent dans les chambres cardiaques et s’accumulent en larges
nappes dans les endroits en surplomb. Leur identification et leur localisation à l'ETO
permettent une vidange plus adéquate, et, de ce fait, peuvent améliorer le pronostic
neurologique des patients.
OG
OG
RVM
AAG
AAG
VG
VG
A
B
Figure 7.39 : Stase et thrombus dans l'appendice auriculaire gauche (AAG). A: contraste spontané dans l'AAG.
B: Petit thrombus découvert fortuitement dans l'AAG chez un malade dont la prothèse valvulaire mitrale (valve
mécanique, RVM) est dysfonctionnelle.
OG
VG
A
B
Figure 7.40 : Thrombus pariétal dans le VG. A : thombus apical dans un cas d'akinésie apicale 10 jours après
infarctus ; ce thrombus est faiblement implanté et peut facilement emboliser. B : thrombus mural laminaire
recouvrant une zone akinétique antéro-septale. Ce type de thrombus est solidement ancré dans les
trabéculations ; il est préférable de le laisser en place, car son extraction va le fragmenter et augmenter les
risques emboliques.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
98
OG
OG
VG
VG
A
B
Figure 7.41 : Thrombus dans l'OG en fin de CEC (découverte fortuite). A: le thrombus flotte vers l'abouchement
de la veine pulmonaire supérieure gauche. B: le thrombus flotte dans le VG. Un retour immédiat en CEC est
impératif pour le récupérer avant qu'il n'embolise en périphérie. Sa taille en fait un bon candidat pour obstruer
une carotide. De nombreuses bulles flottent dans l'OG et le VG.
VPG
VPD
A
B
OG
Aorte
VG
C
Ant
Post
© Chassot 2012
Figure 7.42 : Accumulation d’air dans le cœur gauche en fin de CEC. A : l’air provient de la cardiotomie
gauche et des veines pulmonaires droite (VPD) et gauches (VPG) ; il a tendance à s’accumuler aux endroits les
plus surélevés : angle entre le septum interauriculaire et le toit de l’OG, angle mitro-aortique, septum
interventriculaire antéro-apical (en position de Trendelenburg). B : vue 4 cavités avec d’innonbrables bulles
dans l’OG et le VG, ainsi que deux zones d’accumulation contre le septum interauriculaire et dans les
trabéculations du septum interventriculaire antéro-apical. C : embolisation d’ait dans le muscle papillaire
postérieur (territoire de la coronaire droite).
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
99
Noyer la cavité péricardique sous un flux constant de CO2 (1-2 L/min) permet de remplacer l’air par
un gaz plus soluble dans le sang et diminue ainsi le risque de bulles.
Sevrage de la pompe
Enfin, l'ETO est un outil indispensable pour élucider les problèmes qui se posent en sortant de CEC:
hypovolémie, dysfonction du VG ou du VD, ischémie aiguë d'un territoire coronarien, dysfonction
d'une valve prosthétique, problème sur une correction chirurgicale, etc.
ETO pendant la CEC
L’échocardiographie transoesophagienne (ETO) a plusieurs points d’impact en rapport avec la CEC :
- Identification de risques (athérome aortique, insuffisance aortique, thrombus
intracardiaque)
- Identification de lésions iatrogènes (dissection aortique, CIV)
- Anomalie anatomique (FOP, CIA, veine cave supérieur gauche)
- Positionnement de canules (canule veineuse cave, cathéter dans le sinus coronaire, CPIA)
- Débullage de l’air
- Evaluation de la volémie et de la fonction ventriculaire avant la mise en charge
- Evaluation de la contractilité segmentaire (réfection de pontage)
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
100
Sevrage de la CEC
La sortie de CEC est le deuxième temps critique où surviennent la majorité des incidents et les
problèmes. Comme cet évènement est précédé d'une assez longue période calme, l'équipe d'anesthésie
dispose de tout le temps nécessaire pour s'y préparer (Tableau 7.7). Après les manipulations,
l'ischémie, la cardioplégie et le réchauffement, la cellule myocardique est fragilisée. La reperfusion
myocardique s'accompagne d'un risque de surcharge calcique intracellulaire, d'une libération de
radicaux libres et d'une intoxication par les médiateurs inflammatoires. Comme l'utilisation de l'O2 par
la cellule est altérée pendant 15-20 minutes après le déclampage, il est important d'offrir un temps de
récupération adéquat avant la mise en charge, notamment en évitant l'administration trop précoce
d'amines à effet béta. A priori, il faut considérer que le coeur est en état de dysfonction systolique et
diastolique momentanée lorsqu'on sort de pompe.
Tableau 7.7 : Contrôles avant la mise en charge
Patient
Patient uniformément réchauffé: T° rectale ≥ 35°, T° oesophagienne ≥ 36°
Ventilation efficace, poumons réexpandus (manœuvres de capacité vitale et contrôle visuel dans le champ
opératoire)
SpO2 et SaO2 98-100%, SvO2 ≥ 70%, ScO2 ≥ 70%, couleur du malade et du champ opératoire
Interruption momentanée du gaz halogéné en cas de dysfonction ventriculaire
Rythme sinusal à 70-90 batt/min
Fils de pace-maker ventriculaires et auriculaires en place et fonctionnels
PAM > 60 mmHg et < 120 mmHg
PAP: valeurs normales ou correspondant à l'HTAP préopératoire
Pas d'hémorragie active
ETO: débullage efficace; fonction ventriculaire, volume des cavités et éventuelle insuffisance valvulaire
correspondant aux images attendues en fonction de la pathologie
Médicaments
Catécholamine(s) choisie(s) administrée(s) sur voie centrale (ou OD de la Swan-Ganz)
Sommeil assuré (midazolam dans la pompe, propofol en perfusion, halogéné à Fi identique sur l’oxygénateur
et sur le respirateur)
Analgésie assurée (fentanyl)
Poches de sang à disposition
Si nécessaire: PFC, plaquettes, facteurs de coagulation (ROTEM™)
Machine d'anesthésie
Ventilation: volume courant normal, pressions de ventilation normales
Ventilation à 100% O2
Pas d'agents volatils halogénés si dysfonction ventriculaire
Reprise de l’halogéné en cas de revascularisation coronarienne lorsque la fonction du VG le permet
Moniteur
Cathéter de Swan-Ganz: courbe de pression artérielle pulmonaire (ballonnet dégonflé); retirer le cathéter
jusqu'à obtention de la PAP si présence d'une courbe de pression bloquée
Zéro des capteurs vérifiés
Alarmes fonctionnelles
Volume sonore rétabli
Purge des cavités gauches
Avant que le coeur ne reprenne une activité mécanique de perfusion, il est capital de débarrasser les
cavités gauches (veines pulmonaires, oreillette gauche, ventricule gauche, racine de l'aorte) des bulles
d'air qui ont pu s'y accumuler lors de l'ouverture de ces cavités ou lors des phénomènes de cavitation et
de variations thermiques. L'air va se loger dans les endroits en surplomb: veines pulmonaires, surtout
droites, haut du septum interauriculaire, angle mitro-aortique dans l’OG, partie apicale du septum
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
101
interventriculaire (surtout lors de Trendelenburg), sinus de Valsalva droit. L'échocardiographie
transoesophagienne est très utile pour localiser les poches d'air résiduelles et apprécier leur importance
(Figure 7.42, page 99). L'aspiration dans la racine aortique (canule de cardioplégie) est maintenue en
place jusqu'après la mise en charge.
On dispose de plusieurs techniques pour "débuller" les cavités cardiaques.








Position de Trendelenburg accentuée (prévention d’embols cérébraux) ;
Roulis à droite (favorise le passage OG-VG), roulis à gauche (favorise le passage VG-aorte) ;
Aspiration continue (100-500 mL/min) par la canule de cardioplégie dans la racine de l’aorte ;
Hyperinflation pulmonaire ;
Vidange par ponction directe de la cavité à l’aiguille ;
Secousses et manipulations du cœur ;
Stimulation inotrope et pression de perfusion élevée (≥ 80 mmHg) ;
Retour en CEC.
L’air qui se bloque dans le siphon des veines pulmonaires n’est chassé que lorsque le flux veineux
pulmonaire devient suffisant, c’est-à-dire au cours de la mise en charge. L'embolie gazeuse systémique
se manifeste surtout par une ischémie (susdécalage ST) dans le territoire de la coronaire droite ou des
pontages veineux réimplantés dans l'aorte, parce que ces vaisseaux s'abouchent à la face antérieure de
l'aorte ascendante chez un malade en décubitus dorsal. Si le débullage est insuffisant, des poches
d’aire peuvent emboliser au moment de la mise au lit du patient à cause des mouvements du corps
dans plusieurs directions.
Préparation à la mise en charge
Un certain nombre de conditions sont requises pour sevrer le patient de la CEC (Figure 7.43 et
Tableau 7.7).
 Patient uniformément réchauffé; la T° rectale doit être ≥ 35°.
 Poumons ré-expandus par une manoeuvre de capacité vitale (PEEP manuel à 20 cm H2 O
pendant 20 secondes) [217].
 Ventilation efficace; FiO2 1.0 jusqu'à la première gazométrie. La ventilation est reprise lorsque
le coeur est reperfusé, c'est-à-dire après déclampage de l'aorte et la reprise d'un rythme
cardiaque spontané, ou après la revascularisation par les pontages aorto-coronariens. La
ventilation doit parfois être interrompue parce que les poumons envahissent le champ
opératoire et gènent le chirurgien.
 Au début de la reventilation, la pression dans les voies aériennes peut être momentanément
élevée et la bronchoconstriction conduire à un air-trapping. Ceci est lié au collapsus
pulmonaire, aux atélectasies et au relargage de substances actives. Il est important de
reventiler assez tôt pour que ce phénomène se soit dissipé au moment de la mise en charge.
 Sommeil assuré par un agent intraveineux et arrêt des halogénés si la fonction ventriculaire est
réduite. Même une faible concentration d'halogéné peut avoir des effets néfastes au moment
critique de la mise en charge. L'halogéné utilisé en CEC devrait être arrêté 10-15 minutes
avant la mise en charge pour être certain que son effet vasodilatateur a disparu [25].
 L’administration de 10 mg de morphine en fin de CEC assure une analgésie pour le début de
la phase postopératoire et minimise les risques de dépression respiratoire par rapport à une
injection plus proche du réveil.
 Rythme sinusal à 75-90 batt/min; cardioversion (10 joules) en cas de fibrillation auriculaire.
 Fils de pace-maker ventriculaires en place et fonctionnels (pace-maker testé).
 PAM > 50 mmHg et < 120 mmHg; dans le cas contraire, régler d'abord le problème
hémodynamique.
 En utilisant la formule du calcul des résistances (PAM – PVC) • 80 / DC, on peut facilement
évaluer si le malade est vasoconstricté ou vasoplégique, puisque la PVC est la pression
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
102






ambiante (PVC = 0) et le débit cardiaque est celui de la pompe (DP = débit de pompe). Donc :
RAS = (PAM • 80) / DP.
Catécholamine(s) choisie(s) administrée(s) sur voie centrale (ou OD de la Swan-Ganz) 5-10
minutes avant la mise en charge.
Courbe d'AP sur le tracé du cathéter de Swan-Ganz; il est impératif de ne jamais gonfler le
ballonnet du cathéter sans avoir une courbe claire d’artère pulmonaire. Le gonfler alors que
l'extrémité du cathéter est en position bloquée provoquerait une rupture artérielle et une
hémorragie pulmonaire massive chez un patient encore hépariné.
Volémie adéquate (volume dans le réservoir de CEC).
Vidange adéquate de l'air qui a pu s'introduire dans le coeur gauche.
Contrôle de la kaliémie; un bolus de Ca2+ contrecarre les effets de l'hyperkaliémie, mais peut
induire un spasme artériel, notamment du greffon mammaire.
Contrôle de l'équilibre acido-basique et du taux d'Hb; traiter selon besoin avant la mise en
charge.
Figure
7.43 ;
Enchaînement
des évènements
et des actions
anesthésiques
conduisant à la
mise en charge.
Les éléments de
monitorage sont
cadrés en jaune
et
les
évènements
chirurgicaux en
bleu.
Déclampage
de l’aorte
CEC:
assistance,
réchauffement
ECG
T°rect
> 35°
Défibrillation
Vidange
de l’air
Reventilation
Catécholamines
Pacemaker
Mise
en
charge
Anastomoses proximales
Chirurgie du coeur droit
Artère: dP/dt, pression
ETO: FE, dimension VG, IM,
ETO + vision: taille VD, IT
Swan/PiCCO: VS, DC
© Chassot 2012
Contrôles avant la mise en charge
Patient normotherme (T° rectale ≥ 35°, T° oeso ≥ 36°) et ventilé (FiO2 1.0), poumons ré-expandus
Sommeil, analgésie et curarisation assurés
Activité cardiaque spontanée, rythme sinusal ou électro-entraîné
ECG satisfaisant
Cavités gauches débullées
ETO : fonction ventriculaire, insuffisance mitrale/tricuspide, contractilité segmentaire, volémie
Pace-maker (fils ventriculaires) en place et testé
Agent(s) inotrope(s) choisi(s) : perfusion en marche
Retrait du cathéter de Swan-Ganz pour obtenir une courbe d’AP avant de gonfler le ballonnet
PAM, PAP, RAS, SvO2, Ht, lactate, électrolytes, glycémie : dans les limites acceptables selon le cas
Zéro des lignes de pression vérifié, alarmes rétablies sur le moniteur
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
103
Mise en charge
Le perfusionniste occlut progressivement la lumière du tuyau de retour veineux et diminue
parallèlement le débit de la pompe par paliers. Plus la fonction myocardique est déficiente, plus la
mise en charge doit être lente et procéder par étapes, en assistant le coeur pendant 5-10 minutes à
chaque palier de 0.5-1 L/min. La forme de la courbe artérielle renseigne sur l'augmentation
progressive de la prise en charge du débit par le coeur (Figure 7.44); elle renseigne également sur la
fonction inotrope (dP/dt) et la volémie (surface sous la courbe) (Figure 7.45). La pression mesurée au
cathéter artériel radial peut être très inférieure à la pression artérielle aortique à cause de l'intense
vasoconstriction secondaire à l'hypothermie et à la dépulsation. La valeur affichée de la radiale, qui est
une artère musculaire, peut être 40% plus basse que celle de l'artère fémorale, qui est une artère
élastique (Figure 7.46). Le cathéter fémoral donne des renseignements beaucoup plus fiables dans ces
conditions hémodynamiques particulières. L'ETO est évidemment la voie royale pour l'évaluation de
la fonction ventriculaire.
Figure
7.44 :
Illustration
schématique
de
la
courbe
artérielle lors de la mise en
charge. Au début, la débit est
assuré par la CEC, le coeur ne fait
apparaître
que
quelques
augmentations
systoliques.
Lorsque le retour veineux vers la
machine est freiné, la précharge
du ventricule augmente, ce qui lui
permet de commencer à éjecter.
Au fur et à mesure que le débit de
la pompe diminue, le coeur assure
une part grandissante du débit
cardiaque, jusqu'à l'arrêt complet
de la pompe de CEC. DC: débit
cardiaque.
Plein débit
de CEC
Activité
systolique
spontanée
Frein sur le
retour veineux
Retour OD ↑
Clampage du
retour veineux
Débit de CEC ↓↓
DC > D pompe
© Chassot 2012
dP/dt
Situation normale
dP/dt
Hypovolémie
Insuffisance
ventriculaire
© Chassot 2012
Figure 7.45 : Illustrations schématiques de la courbe de pression artérielle dans différentes circonstances. Le
trait bleu est la pente ascentionnelle de la courbe de pression, qui est proportionnelle au dP/dt ventriculaire. En
hypovolémie, la courbe est étroite et pointue ; la surface sous la courbe, qui est proportionnelle au volume
systolique, est très faible. En cas de dysfonctioin ventriculaire, la pente ascentionnelle est faible, la courbe est
arrondie et aplatie. Ces données analogiques sont indépendantes de la valeur de pression mesurée. Il va sans dire
que ces morphologies ne sont visibles sur le scope que si l'amplification est correcte.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
104
Aorte ascendante
Artère radiale
120
80
40
Figure 7.46 : Passage d'un enregistrement de la courbe artérielle dans l'aorte ascendante à celui dans l'artère
radiale. Une chute de la valeur de > 40% s'explique par l'intense vasoconstriction artérielle périphérique après
hypothermie profonde. L'artère fémorale, qui est une artère élastique au même titre que l'aorte, n'est pas
influencée par ce phénomène propre aux artères musculaires. Echelle en mmHg.
Il n'est pas rare que le segment ST présente des élévations soudaines. Elles relèvent de plusieurs
étiologies et impliquent différents traitements (Figure 7.47):
 Embolies: bulles d'air (altérations transitoires), fragments athéromateux (particulièrement en
cas de thrombendarterectomie). Augmenter la pression de perfusion coronarienne et l'effet
inotrope de manière à fragmenter et éliminer l'air; les embolies athéromateuses ont de fortes
chances d'être définitives.
 Problème technique avec un greffon, revascularisation incomplète; il faut retourner en CEC et
refaire ou compléter les pontages; l’ETO est essentielle pour objectiver les altérations de la
cinétique segmentaire.
 Infarcissement, le plus souvent secondaire à une thrombendarectomie.
 Spasme artériel (artère mammaire sur l'IVA); le traitement est une perfusion de diltiazem.
A
Figure 7.47 : Modifications du segment
ST lors de la sortie de CEC (dérivations
DII et V5). A : sus-décalage du segment
ST secondaire à une embolie gazeuse
coronarienne. B et C : normalisation
progressive du segment ST au fur et à
mesure de la fragmentation et de
l'élimination des bulles.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
B
C
105
Un sous-décalage ST indique plutôt une souffrance sous-endocardique; il commande l'augmentation
de la pression de perfusion (nor-adrénaline) et l'administration de dérivés nitrés.
Mise en charge
Frein progressif au retour veineux vers le réservoir de CEC et diminution simultanée du débit de
pompe
Plus la fonction ventriculaire est affaiblie, plus la mise en charge doit être lente et procéder par
paliers. Soutien en assistance autant que nécessaire
Surveillance particulière : PAM, VS (Swan-Ganz, PiCCO), PAP, SpO2, SvO2, ETO
Période post-CEC
Quelle que soit sa valeur initiale, la fonction ventriculaire systolo-diastolique est anormale en sortant
de CEC. Dans cette situation fragile, le but est de maintenir un équilibre entre quatre éléments.




La consommation myocardique en oxygène ;
Les capacités fonctionnelles du cœur ;
Le débit cardiaque et la pression artérielle systémique et pulmonaire ;
Les besoins de l’organisme.
Dans le contexte de la dysfonction diastolique, la fréquence cardiaque ne doit pas être inférieure à 65
battements par minute; sa valeur est un bon marqueur de l'imprégnation en béta-bloqueurs versus en
béta-stimulants. Les besoins en agents inotropes se modifient constamment au cours de la période
post-CEC. Aucune "vitesse de croisière" ne peut être envisagée ; il faut au contraire ré-évaluer les
besoins en permanence. Le Tableau 7.8 est un exemple d’algorithme pour guider l’anesthésiste dans
cette situation instable. Mais il existe presque autant de protocoles différents que de centres de
chirurgie cardiaque ! Tous sont performants lorsqu’ils sont correctement mis en pratique. La meilleure
routine est celle avec laquelle on est le plus à l’aise (voir Insuffisance ventriculaire page 113).
 La dopamine est très pratique pour les cas simples qui ont besoin d’un appoint momentané ;
peu onéreuse, son effet béta est accompagné d’une stimulation alpha pratique pour le maintien
des RAS. Dosage maximal recommandé : 5 mcg/kg/min.
 La combinaison dobutamine + noradrénaline permet de doser de manière indépendante les
effets alpha et beta. C’est habituellement le premier choix en cas de dysfonction ventriculaire
importante.
 L’adrénaline est indiquée chez les malades présentant une insuffisance ventriculaire chronique
(perte de récepteurs béta). Il est judicieux de maintenir les doses minimales nécessaires, et de
contrôler fréquemment la glycémie et l'équilibre acido-basique.
 Si la défaillance du VG persiste ou si elle est accompagnée d’une défaillance droite et d’une
hypertension pulmonaire, la préférence est une association d’adrénaline et de milrinone.
 Dans les cas réfractaires, le levosimendan peut être indiqué.
 Même pour quelques heures, la contrepulsion intra-aortique (CPIA) est une assistance rapide
et facile à installer en salle d’opération ; elle est particulièrement indiquée après
revascularisation coronarienne ou en présence d’une dilatation ventriculaire et d’une
insuffisance mitrale.
Les catécholamines sont administrées de manière impérative par une voie centrale (cathéter 2-lumières
ou voie auriculaire droite de la Swan-Ganz); une perfusion d'entraînement sur pompe-goutte rince en
permanence cette voie de manière à supprimer l’effet "espace-mort" de la tubulure (débit 30-60
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
106
mL/heure). Une défaillance cardiaque en sortant de pompe demande une assistance temporaire par la
machine de CEC et une mise en charge très progressive par paliers. Pendant les premières 20 minutes
suivant la CEC, les modifications rapides de température dans l'artère pulmonaire conduisent à une
sous-estimation substantielle du débit cardiaque par thermodilution [26]. Des épisodes prolongés de
vasoplégie postopératoire sont liés aux nombreux mécanismes mis en jeu par la réaction inflammatoire
diffuse et par l’endotoxémie.
Tableau 7.8
Exemple d’algorithme d'utilisation des catécholamines après CEC
FIN DE LA CEC
T°rectale > 35°
Ventilation ok
Activité cardiaque
spontanée
Bloc AV
Fréquence < 60/min
Pace-maker
Isuprel 10 mcg
bolus
Fréquence > 70 et < 100/min
PAM > 80 mmHg
FE > 0.6
ECG ok
ETO: anat.+ fonction normales
Mise en charge sans
amines
A reconsidérer en
permanence selon
l’évolution (normalement
la fonction ventriculaire
baisse pendant les 5-6
heures post-CEC)
PAM < 80 mmHg
Fréquence inadéquate
FE < 0.6
ETO: anat. et/ou fonction
anormales
Dysfonction systolique ou
diastolique
Diurèse < 1 mL/kg/h
Inadéquation
hémodynamique
Insuffisance
hémodynamique sévère
Insuffisance cardiaque
congestive
préopératoire
Dysfonction / dilatation
du VG
Valvulopathie sévère
Acidose métabolique
Dopa/dobu insuffisants
Adrénaline 20-50
mcg en bolus
Dopamine 3-5 mcg/kg/min
Si insuffisant:
remplacement par
dobutamine
→ 10 mcg/kg/min
Si RAS basses ou vasoplégie:
- Néosynéphrine 100 mcg bolus
(max: 1 mg)
- Noradrénaline 0.1-1.5 mcg/kg/min
- Si néc : Vasopressine 1-4 U/h
Si RAP élevées ou HTAP:
- Dobutamine → 10 mcg/min
- Milrinone 50 mcg/kg; 1-2 mg/h
- Noradrénaline 0.1-0.5 mcg/kg/min
- NO 4-20 ppm
Réponse positive:
Adrénaline 0.03 – 0.5
mcg/kg/min
Perfusion adrénaline +
perfusion milrinone
Dobu / Nor selon besoin
Maintenir adrénaline au
minimum nécessaire
Surveiller et corriger
acidose/glycémie
Si insuffisant:
Contrepulsion intraaortique (CPIA)
Retour en CEC
© Chassot 2012
L'adéquation de l'anesthésie est très difficile à évaluer si le malade est curarisé; des mouvements
spontanés sont le seul critère sûr d'éveil dans cette période hémodynamiquement instable. Il est donc
préférable de ne curariser les patients que lorsque cela est nécessaire: frissons (augmentation de la
consommation d'O2), mouvements, respiration spontanée, choc cardiogène avec désaturaion veineuse
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
107
centrale. Tout mouvement doit d'abord commander un approfondissement de l'anesthésie. La première
stimulation douloureuse est le relâchement de l'écarteur sternal; l'antalgie doit être assurée par l'agent
choisi pour l'anesthésie (fentanyl, sufentanil, etc).
L'adéquation de la ventilation est contrôlée par des gazométries artérielles. Si les échanges gazeux sont
insatisfaisants, il faut procéder à quelques mesures d'amélioration.
 Contrôler la bilatéralité de la ventilation (visible par la sternotomie) ;
 Aspirer les sécrétions ;
 Gonfler manuellement les poumons avec une ou plusieurs manoeuvres de capacité vitale
(insufflations de 20 secondes à 20 cm H2 O) ;
 Ventiler avec 5-8 cm H2 O de PEEP (peut géner l’opérateur) ;
 Un diurétique est indiqué (Lasix 5-10 mg) si le bilan hydrique est très positif.
Les gazométries fournissent également des données sur l'équilibre acido-basique et hydroélectrolytique et leur éventuelle correction. L'acidose métabolique cause une hypertension pulmonaire
et une dépression myocardique toutes deux délétères au moment critique de la mise en charge.
L'hyperkaliémie est fréquente à cause de la cardioplégie; il est nécessaire de la traiter en cas
d'arythmies ou de modifications à l'ECG par l’administration de Ca2+, ou par une perfusion d'insuline
et de glucose. Si elle est asymptomatique, la reprise de la diurèse apporte la correction. Une élévation
du taux de lactate peut avoir plusieurs origines.





Bas débit cardiaque et acidose métabolique ;
Dysfonction hépatique liée à la CEC ;
Hypoperfusion hépato-splanchnique ;
Ischémie digestive ;
Utilisation de Lactasol® pour le remplissage liquidien.
L'apport d'O2 doit être correctement assuré en fonction des besoins (réchauffement, frissons,
catécholamines) et du transport (dysfonction cardiaque, échanges gazeux pulmonaires). Les critères de
transfusion varient donc selon l'état du patient. Pour autant que le malade soit normovolémique, on
peut émettre les recommandations suivantes (voir Chapitre 28 Recommandations) [115].
 En cas de bonne fonction myocardique, de revascularisation coronarienne complète et en
l'absence de valvulopathie sévère ou d'hémorragie, le seuil de transfusion est de 70-80 g/L;
 Chez les personnes âgées ou débilitées, en cas de revascularisation coronarienne incomplète,
de cardiopathie valvulaire sévère ou d'insuffisance ventriculaire, le seuil transfusionnel est
entre 80-90 g/L;
 Chez les patients qui ont un bas débit pulmonaire (shunt cyanogène, HTAP sévère), le seuil est
relevé à 100 g/L.
Le but de la transfusion érythrocytaire est d’améliorer le DO2 tissulaire, non de corriger le taux d’Hb.
Les recommandations officielles spécifient que l’indication à la transfusion ne devrait pas se poser sur
la valeur de l’Hb, mais sur les critères d’une oxygénation tissulaire insuffisante et d’un déséquilibre
hémodynamique [337].





SaO2 < 90%;
ScO2 diminuée de > 20% (sur les 2 hémisphères cérébraux);
SvO2 < 50%;
Coefficient d’extraction d’O2 > 50%;
Sous-décalage ST, bloc de conduction intermittent (ECG), anomalies de la contraction
segmentaire (ETO);
 Tachycardie et hypotension (le plus souvent marqueurs d’hypovolémie; critères peu fiables
lors de la mise en charge);
 Acidose métabolique, faibles réserves cardiopulmonaires;
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
108
 Lors d’hémorragie aiguë, le critère principal est la stabilité hémodynamique; le taux d’Hb
devient plus utile dans cette circonstance.
Le volume que le perfusionniste récupère dans les circuits après la CEC est un perfusat contenant de
l'héparine et du potassium, dont l'hématocrite est le même que celui de la CEC, donc inférieur à 30%.
Il représente un bon volume de remplissage, mais ne permet pas de compenser une anémie aiguë. Pour
le concentrer, il est pratique de le passer dans un système de lavage (CellSaver), mais les plaquettes et
les facteurs de coagulation sont en grande partie perdus. L’hémofiltration modifiée (voir
Hémofiltration) conserve ces éléments. Si l'intervention se prolonge, il est recommandé d'administrer
une nouvelle dose d'antibiotique 6 heures après celle donnée au début de l'opération.
Période post-CEC
C’est une phase d’équilibre précaire entre les besoins de l’organisme et les performances
myocardiques, sensiblement diminuées par la chirurgie, la CEC, la cardioplégie, l’hypothermie et
l’œdème interstitiel (dysfonction systolique et diastolique).
A l’exception du RVA pour sténose aortique serrée ou de la cure de CIA/CIV simple, la situation est
plus difficile après la CEC qu’avant pour les ventricules. La fonction ventriculaire diminue
progressivement pendant 5 heures après la CEC avant de se normaliser vers 24 heures. Les besoins
en agent inotrope sont variables et très évolutifs. Il faut donc adopter une attitude proactive et
administrer un soutien inotrope assez tôt pour éviter la défaillance ventriculaire.
Conrôler les échanges gazeux, les électrolytes (hyperkalémie), la glycémie, l’équilibre acido-basique.
Seuils de transfusion (sauf en cas d’hémorragie aiguë) :
- Cas standard
Hb 70-80 g/L
- Dysfonction, ischémie, malade âgé
Hb 80-90 g/L
- Bas débit pulmonaire (cyanose, HTAP)
Hb 100 g/L
Arythmies et entraînement électro-systolique
Au moment de la mise en charge, le rythme cardiaque est très souvent instable pour plusieurs raisons
(voir Chapitre 20 Types d’arythmies) [78].
 L’hyperkaliémie résiduelle de la cardioplégie est la cause de blocs de conduction variables ;
 L’inhomogénéité du retour à une conduction normale après cardioplégie et hypothermie est le
terreau pour des arythmies de réentrée (FA, TV) ;
 L’ischémie aiguë (embolie coronarienne d’air ou de fragments athéromateux) entraîne
diverses formes d’arythmies ventriculaires ;
 Après revascularisation coronarienne adéquate, les arythmies de reperfusion peuvent être
particulièrement rebelles au traitement ;
 Les lésions chirurgicales du tissu de conduction conduisent à des blocs momentanés ou
permanents ; leur incidence est de 1% après fermeture de CIV et jusqu’à 10% après
remplacement de la valve aortique [80] ;
 La stimulation béta par des agents inotropes est arythmogène.
Ces conditions rendent souvent nécessaire un entraînement électro-systolique. Comme les arythmies
peuvent se déclencher de manière soudaine à n’importe quel moment dans le postopératoire, il est de
routine de placer des électrodes épicardiques connectées à un pace-maker après toute opération
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
109
cardiaque. Les électrodes sont fixées sur l’épicarde en évitant les amas graisseux. Elles sont montées
selon deux possibilités.
 Système unipolaire : l’anode (pôle négatif) est fixée à l’épicarde et la cathode dans le tissu
sous-cutané ;
 Système bipolaire : anode et cathode sont placées très proches sur l’épicarde ; ce système
demande moins d’énergie de stimulation ; il est moins sensible aux interférences électriques.
L’électrode épicardique est implantée sur la chambre de chasse droite (CCVD) parce que le résultat
hémodynamique est supérieur par rapport au placement apical : amélioration de la FE, normalisation
de l’axe du QRS, préservation du mouvement de torsion du VG [94]. La seule exception est la
cardiomyopathie hypertrophique obstructive (CMO) où la stimulation de la chambre de chasse peut
entraîner une obstruction dynamique en systole. En cas de dilatation ventriculaire et de retard de
conduction, la mise en place de deux électrodes de stimulation, une sur la CCVD et une en position
postéro-basale sur le VG, permet une resynchronisation des deux ventricules, mais les pace-makers
externes provisoires n’ont pas les capacités régulatrices des boîtiers implantés (voir Chapitre 20
Resynchronisation).
Réglage du pace-maker
Les réglages du pace-maker sont variables de cas en cas, mais oscillent en général autour des mêmes
valeurs de base (voir Chapitre 20 Réglages) (Tableau 7.9) [80].
Tableau 7.9 : Modes d’électro-entraînement les plus fréquents
AAI
VVI
VDD
DDI
DDD
DVI
AOO
VOO
DOO
Entraînement auriculaire sur demande, inhibé par la détection d’une activité auriculaire
Indications : bradycardie sinusale avec conduction AV intacte
Entraînement ventriculaire sur demande, inhibé par la détection d’une activité ventriculaire
Indications : épisodes intermittents de bradycardie, synchronisation AV non maintenue,
FA chronique avec bradycardie
Entraînement ventriculaire, détection auriculaire et ventriculaire ; stimule de ventricule
après un délai préfixé, en synchronisation avec l’activité auriculaire
Indications : bradycardie par bloc AV avec fonction sinusale conservée ; si bradycardie
sinusale, correspond à VVI
Entraînement et détection auriculaire et ventriculaire ; la seule réponse à une
détection auriculaire ou ventriculaire est l’inhibition ; évite une entraînement trop rapide du
ventricule en cas de tachycardie auriculaire
Indications : dysrythmie auriculaire ; synchronisation AV seulement lorsque le pace-maker
entraîne l’oreillette
Entraînement et détection auriculaire et ventriculaire ; stimule le ventricule après
un délai préfixé, en synchronisation avec l’activité auriculaire
Indications : tout type de bradycardie, synchronisation AV assurée
Inhibition de la stimulation ventriculaire en cas d’activité ventriculaire, pas de sensing
auriculaire
Indications : interruption d’une tachycardie induite par le pace-maker (réentrée AV)
Entraînement auriculaire asynchrone à fréquence fixe ; n’est utilisé que lors de
pacing temporaire avec une conduction AV normale
Entraînement ventriculaire asynchrone à fréquence fixe ; n’est utilisé que lors de pacing
temporaire
Entraînements auriculaire et ventriculaire asynchrones à fréquence fixe ; le délai AV est
fixe risque de R-sur-T comme avec tous les modes asynchrones
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
110
 Fréquence : 80 batt/min ; en cas de rythme spontané, 10 batt/min au dessus de la fréquence
intrinsèque ;
 Intervalle AV : 150 ms ; 100-225 ms selon la meilleure augmentation de précharge par la
contraction auriculaire ;
 Energie d’activation (output) au double du seuil de stimulation observé ; max : 15 mA ;
 Sensibilité (sensing) à la moitié du seuil, ou à 2 mV ;
 Modes de stimulation habituels des pace-makers externes temporaires (Tableau 7.9) :
o DOO (entraînements auriculaire et ventriculaire asynchrones à fréquence fixe) ;
o VOO (entraînement ventriculaire asynchrone à fréquence fixe) ;
o DVI (inhibition de la stimulation ventriculaire en cas d’activité ventriculaire, pas de
sensing auriculaire) ;
o VVI (entraînement ventriculaire sur demande, inhibé par la détection d’une activité
ventriculaire) ;
o DDD (entraînement et détection auriculaire et ventriculaire ; stimule le ventricule
après un délai préfixé, en synchronisation avec l’activité auriculaire).
Le rythme sinusal est toujours préférable à un rythme ventriculaire, car la contraction auriculaire
augmente le volume systolique de 20-45% (Figure 7.48). En mesurant l’importance de la composante
A du flux mitral (surface sous la courbe), l’échocardiographie trans-oesophagienne est très utile pour
juger de l’efficacité de la contraction auriculaire et pour établir le meilleur délai AV. Si la contraction
auriculaire est hémodynamiquement inefficace (dissociation électro-mécanique auriculaire), il n’y a
pas lieu d’insister sur le maintien du rythme sinusal, sauf pour la stabilité électrique et l’absence
d’anticoagulation.
E
A
E>A
Flux mitral normal
E
A
E<A
Défaut de relaxation
Figure 7.48 : Flux mitral tel qu’il apparaît à l’ETO. Le flux protodiastolique E est lié à la relaxation active du
VG, le flux A est dû à la contraction auriculaire. La surface sous la courbe de chaque composante E et A est
proportionnelle à la quantité de sang qui passe à travers la mitrale. Normalement, le flux A n’apporte que 20%
du remplissage ventriculaire (E > A). En cas de dysfonction diastolique par défaut de relaxation, la composante
E diminue et la composante auriculaire prend davantage d’importance ; elle apporte 30-45% du remplissage
télédiastolique du VG ; le flux A est plus important que le flux E (E < A). Les patients qui présentent ce type de
dysfonction diastolique bénéficient grandement du rythme sinusal. L’ETO est donc très utile pour juger de
l’adéquation hémodynamique du rythme cardiaque et pour guider le réglage du pace-maker (mode de
stimulation, délai AV).
Pour tester les seuils de stimulation (output), on règle la fréquence à ≥ 10 batt/min au dessus de la
fréquence propre du patient et la sensibilité à sa valeur maximale. On augmente progressivement la
puissance de stimulation (mA) jusqu’à ce que la cavité concernée capture la stimulation et affiche un
complexe QRS sur l’ECG. Lorsqu’on teste une sonde auriculaire, le tracé affiche une configuration
QRS fine de type sinusal, alors que l’image est celle d’un QRS large (type ESV) lorsqu’on teste une
sonde ventriculaire. Dans les deux cas, le rythme cardiaque subit un brusque saut de fréquence de ≥ 10
batt/min. Si les seuils sont trop élevés, on inverse les électrodes. La puissance de stimulation est
ensuite fixée au double du seuil observé, mais pas > 15 mA.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
111
La sensibilité (sensing) est le réglage qui permet au pace-maker de capter le plus faible signal
électrique possible en provenance du cœur. Un seuil bas correspond à une haute sensibilité. Pour la
tester, la fréquence est réglée 10 batt/min en dessous de la fréquence propre du malade, le réglage de
l’émission (mA) est placé au minimum et le réglage de la sensibilité est placé à sa plus haute valeur
(10-12 mV) ; le pace-maker, qui est en mode VVI, AAI ou DDD, ne stimule pas. Lorsqu’on diminue
progressivement la sensibilité, le voyant correspondant commence à clignoter pour chaque onde R. La
sensibilité est ensuite fixée à la moitié du seuil observé. Si le patient n’a pas de rythme propre, la
sensibilité est réglée d’office à 2 mV. Une autre manière de procéder est de démarrer par la valeur de
sensing la plus basse et de l’augmenter progressivement, donc de rendre le pace-maker moins sensible,
jusqu’à ce que le voyant lumineux cesse de clignoter et que le pace-maker stimule de manière
asynchrone [80].
Réglage du pace-maker
Electrodes épicardiques et boîtier externe temporaire après toute opération de chirurgie cardiaque.
Electrode monopolaire (anode active sur l’épicarde, cathode dans le sous-cutané) ou bipolaire (anode
et cathode à 1-2 cm sur l’électrode)
Seuil : valeur de puissance minimale (output) à laquelle le pace-maker entraîne la cavité concernée
(< 15 mA)
Sensibilité (sensing) : amplitude minimale des signaux que le pace-maker reconnaît comme une
activité électrique cardiaque (réglage par défaut : 2 mV)
Fréquence : 70-80 batt/min
Synchronisation AV : stimulations successives de l’oreillette et du ventricule ; délai moyen : 150
msec
Administration de protamine
Après avoir décanulé l'oreillette droite, on commence l'administration de protamine. Habituellement,
on injecte la première moitié de la dose lentement (maximum 50 mg/min) par une voie veineuse
périphérique, puis on enlève la canule aortique et l'on donne la deuxième moitié de la protamine. Cette
manière de faire permet de diminuer l'hémorragie lors de la décanulation artérielle et d'éviter la
formation de thrombus dans l'aorte. Si la canule artérielle est en position fémorale ou sous-clavière, on
ne commence la protamine qu'après rétablissement complet de la circulation dans l'artère. Dès que
l'administration de protamine a débuté, on arrête les aspirations de la machine de CEC pour passer aux
aspirations perdes et au CellSaver™. En effet, des caillots peuvent se former dans le réservoir et
l'oxygénateur, ce qui oblige à changer le circuit au cas où l'on doit repartir en pompe pour un problème
aigu.
La protamine, extraite du sperme de saumon, est une molécule polycationique chargée positivement
qui forme des complexes stables avec l'héparine, qui est chargée négativement. Un mg de protamine
(100 UI) neutralise 1 mg d'héparine (100 UI). Habituellement, on administre une dose de protamine
correspondant aux 80% de la dose d'héparine. Un ACT fait 5 minutes après la fin de la protamine doit
être dans une limite de ± 10% par rapport à la valeur de départ.
La protamine présente plusieurs effets secondaires immédiats, dont l’incidence varie de 1 à 13% des
cas (moyenne 2.6%) [186,212].
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
112
 Libération d'histamine, qui se caractérise par une vasodilatation importante avec baisse de
précharge et de postcharge; elle est directement proportionnelle à la vitesse d'administration
(réaction de type I). Il est très fréquemment nécessaire d'accélérer les perfusions et de donner
un vasoconstricteur (néosynéphrine ou nor-adrénaline) pour contrecarrer cet effet.
 Hypertension pulmonaire ; le complexe héparine-protamine déclenche la libération de
thromboxane A2, qui est un vasoconstricteur pulmonaire ; la PAP s’élève de 25-50%.
 Réaction antigène – anticorps (IgG et IgE) (réaction de type II); plus rare, celle-ci se rencontre
chez les diabétiques traités par une insuline stabilisée avec de la protamine (protamine-Zn),
chez les malades réopérés qui ont déjà reçu de la protamine, chez les patients allergiques aux
poissons, et chez les hommes vasectomiés.
 Réaction anaphylactoïde déclenchée par le complexe héparine-protamine en activant
directement la voie classique du complément (C4a) sans l'intermédiaire d'une réaction
antigène-anticorps (réaction de type III, qui survient dans 1.5% des cas). Le tableau clinique
est celui d'une réaction anaphylactique majeure; la libération massive de thomboxane,
déclenche une hypertension pulmonaire et une bronchoconstriction qui peuvent être
foudroyantes.
La protamine a un effet cardiotoxique direct qui va jusqu'à une diminution des performances
systoliques de 75% [279]. Les patients allergiques aux poissons peuvent être opérés avec des circuits
héparinés, une héparinisation systémique réduite (100 UI/kg), et sans administration de protamine
[246].
Il est recommandé d'attendre l'effet de la protamine pour administrer les autres agents destinés à
améliorer la coagulation sanguine: facteurs de coagulation, plaquettes, sang autologue de
l'hémodilution peropératoire.
Protamine
La protamine neutralise l’héparine 1 U : 1 U. La dose administrée correspond à 80% de la dose
d'héparine. Un ACT fait 5 minutes après la fin de la protamine doit être dans une limite de ± 10% par
rapport à la valeur de départ.
Effets secondaires de la protamine:
- Vasoplégie systémique
- Vasoconstriction pulmonaire
- Réaction antigène-anticorps si patient déjà en contact ou allergique aux poissons
- Réaction anaphylactoïde avec état de choc
Insuffisance ventriculaire après CEC
Caractéristiques
Toute intervention en CEC porte transitoirement atteinte à la fonction myocardique systolique et
diastolique; cette dysfonction sera d'autant plus sévère que la fonction préopératoire est abaissée et que
l'opération pratiquée est à risque. La dysfonction post-CEC présente une évolution très particulière:
elle s'améliore spontanément pendant la première heure après la mise en charge, puis s'aggrave pour
atteindre le nadir entre la 4ème et la 6ème heure (Figure 7.49) [304]. C'est la période à laquelle les
médiateurs libérés (fraction C5a du complément, interleukine-6 et -8, TNF, etc) sont les plus élevés.
Cette situation contre-indique l'usage de β-bloqueurs pour régulariser une tachycardie, car ils révèlent
brusquement la dysfonction sous-jacente et entraînent un effondrement hémodynamique. La
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
113
récupération prend en général 8 à 24 heures, mais parfois plusieurs jours; elle est d'autant plus lente
que la fonction préopératoire était moins bonne. D'autre part, la CEC diminue de 30% l'activité des
récepteurs β1-myocardiques, et augmente proportionnellement celle des récepteurs α dans la réponse
sympathique aux catécholamines [334]. Cette activité diminue encore de 25% dans la période
postopératoire immédiate [317]. Ceci explique la résistance aux amines de type β1 que l'on peut
rencontrer en sortant de pompe, et l'efficacité de l'adrénaline, qui a des effets mixtes β et α.
Figure 7.49 : Evolution
de la fonction cardiaque
après pontage aortocoronarien
en
CEC
[304]. Cette courbe est
construite à partir de
plusieurs
références;
pour cette raison, la
performance
myocardique,
évaluée
de
manière différente et à
des temps différents
selon les études, n'est pas
exprimée en unités mais
en pourcentage de la
valeur préopératoire.
100%
50%
Pré-op
CEC
0
1h
5h
12 h
24 h
De nombreux facteurs participent à la genèse de l'insuffisance cardiaque post-CEC. Les facteurs de
risque sont liés au patient, à la CEC et à l’opération (Tableau 7.10). La dysfonction systolique du VG
se manifeste par une hypotension artérielle, un bas débit cardiaque (index < 2.2 L/min/m2), une
augmentation de la différence artério-veineuse en O2 (> 5.5 ml/L), une désaturation veineuse centrale
(SvO2 < 55%), une PAPO élevée (> 18 mmHg), une pression télédiastolique du VD > 10 mmHg, et
souvent une bradycardie. Le ventricule est hypokinétique et dilaté à l'examen échocardiographique.
Alors qu’elle est est de 1-2% lorsque la FE est > 0.4, la mortalité opératoire des PAC est de 9-12% en
cas de dysfonction gauche après CEC [370]. La fonction du VD est un meilleur critère pronostique
que la valeur de la PAP ; lorsqu’elle est associée à une défaillance gauche, l’insuffisance ventriculaire
droite entraîne une mortalité de 44-86% dans le postopératoire [227].
La présence ou l'aggravation d'une insuffisance mitrale (IM) est un signe pathognomonique, et un bon
marqueur du degré de la dilatation ventriculaire (Figure 7.50, page 116). Toutefois, l'IM apparaissant
après CEC ou l'aggravation d'une IM préalable, peuvent être l'indice de plusieurs pathologies dont la
thérapeutique est différente et dont le diagnostic différentiel est important (voir Chapitre 11, Figure
11.53).
 Dilatation du VG: ventricule agrandi et dysfonctionnel, IM centrale de degré ≥ II. Traitement:
catécholamines, inodilatateurs, soutien hémodynamique en CEC, contre-pulsion intra-aortique
(CPIA).
 Excès de postcharge: IM centrale. Traitement: vasodilatateur.
 Ischémie segmentaire causant la dysfonction d'un pilier mitral. Traitement: nitroglycérine et
noradrénaline, soutien hémodynamique en CEC, CPIA, réfection de pontage; anticalcique
(Dilzem®) si spasme coronarien sur mammaire interne.
 Prolapsus mitral: IM excentrique avec bascule d'un feuillet dans l'OG. Traitement: réparation
chirurgicale, baisse de la postcharge.
 Obstruction dynamique de la CCVG: aspiration du feuillet antérieur de la valve mitrale dans la
chambre de chasse du VG par hypovolémie, baisse de postcharge et sur-stimulation
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
114
sympathique chez un malade souffrant d'hypertrophie concentrique du VG. Traitement: arrêt
des catécholamines, hypervolémie, vasoconstriction, béta-blocage.
 Après plastie mitrale: juger de l'utilité d'une nouvelle reconstruction; seule une IM de degré I
est acceptable.
Tableau 7.10
Facteurs de risque pour l’insuffisance ventriculaire post-CEC
Facteurs liés au patient
Défaillance du VG préexistante (FE < 0.3), dilatation du VG
Ischémie active, infarctus récent, mauvaise distalité des vaisseaux coronariens
Pathologie mitrale, opérations combinées
Hypertension pulmonaire
Dysfonction du VD
Age > 70 ans, sexe féminin, diabète, insuffisance rénale
Facteurs liés à la CEC
Cardioplégie peropératoire inadéquate (lésions coronariennes proximales, HVG)
Lésions de reperfusion
Long clampage aortique (> 120 minutes), long temps de CEC
Oedème myocardique
Embolies gazeuses
Hypothermie profonde
Réaction inflammatoire systémique massive (SIRS)
Hyperkaliémie, hypomagnésémie, hypocalcémie, acidose
Facteurs liés à l'opération
Opération en urgence, réopération
Revascularisation coronarienne incomplète, infarctus peropératoire, embolisation
coronarienne (air, athéromes), sidération myocardique
Inadéquation des conditions de charge après remplacement mitral
Traumatisme du muscle cardiaque (ventriculotomie, résection d’anévrysme, fermeture
de CIV)
Hypertension pulmonaire postopératoire (PAPs > 50 mmHg)
En transplantation: état du greffon, durée de l'ischémie > 4 heures
Lors de la fermeture: tamponnade péricardique, pneumothorax
Il est essentiel d'élucider le mécanisme de l'IM pour mettre en route le traitement correct. Après des
pontages aorto-coronariens, l'IM et la dysfonction ventriculaire doivent faire suspecter une ischémie
aiguë, qui se traduira à l'ETO par des akinésies segmentaires et à l'ECG par des surélévations du
segment ST (voir Figure 7.47, page 105).
Une dysfonction diastolique accompagne ces évènements dans la moitié des cas; elle est parfois seule
présente si la fonction systolique est satisfaisante. Son incidence oscille entre 10% et 54% des cas, ce
qui représente une prévalence 5-7 fois plus élevée qu’en préopératoire [326]. Elle se traduit par des
pressions de remplissage augmentées par rapport à la volémie réelle et une variation respiratoire très
accentuée de la pression artérielle [61]. Son intensité a une valeur pronostique pour l'évolution
fonctionnelle immédiate [33]. Cette baisse de compliance est due à plusieurs phénomènes.
 Œdème myocardique (accumulation liquidienne en CEC, absence de drainage lymphatique en
flux dépulsé) ;
 Cardioplégie, hypothermie ;
 Manipulations du cœur ;
 Ischémie myocardique, syndrome de reperfusion, sidération myocardique ;
 Syndrome inflammatoire systémique ;
 Péjoration d’une dysfonction diastolique préalable : HVG, ischémie, cardiomyopathie.
 Compression externe (péricarde, poumons, pneumothorax).
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
115
Figure 7.50 : Normalement, les
feuillets mitraux s’affrontent par
leurs bords libres sur une certaine
hauteur (8-10 mm) : leur étanchéité
est assurée par la pression
intraventriculaire qui les plaquent
l’un contre l’autre (flèches vertes).
L’insuffisance du VG conduit à 3
phénomènes : la sphéricisation du
VG, sa dilatation, et la dilatation de
l’anneau mitral. L’écartement des
piliers ne donne plus une course
suffisante aux cordages pour
permettre l'affrontement des feuillets
mitraux; ces derniers sont alors
retenus en dessous du plan de
l'anneau mitral (trait pointillé blanc)
pendant la systole, et la valve fuit;
l'insuffisance mitrale est dite
restrictive. L'importance et la
variation de l'insuffisance mitrale
(IM) sont un bon critère du degré
d'insuffisance ventriculaire gauche.
OG
OG
IM
VG
VG
Normal
Dilatation VG + IM
© Chassot 2012
A ces phénomènes s'ajoutent les conséquences hémodynamiques accompagnant la mise en charge et la
fermeture de la paroi thoracique.
 Ventilation en pression positive (la compliance pulmonaire est abaissée en fin de CEC par
oedème alvéolo-capillaire) ;
 Variations volémiques (hémorragies, hypovolémie) ;
 Fermeture du péricarde et du sternum (compression externe provoquant un "effet
tamponnade") ;
 Réchauffement (augmentation de la consommation d'O2, frissons).
Dans les corrections de valvulopathies, l'aggravation hémodynamique momentanée dépend du type de
pathologie. Les lésions ayant entraîné une dilatation ventriculaire (insuffisance aortique ou mitrale)
induisent des dysfonctions sévères. Après correction d'une insuffisance mitrale, le VG est dans une
situation difficile à cause de l'augmentation brusque de sa postcharge due à la suppression de la
"soupape de pression" que représentait l'insuffisance valvulaire ; il souffre également d’une baisse de
précharge (recul sur la courbe se Starling) secondaire à la disparition du retour diastolique du volume
de la régurgitation. Une insuffisance mitrale sévère peut survenir ou s'aggraver en sortant de CEC:
c'est un excellent marqueur de la dysfonction aiguë du VG. Dans le cas de sténose mitrale, le problème
est lié au petit volume ventriculaire gauche, dont la distensibilité est diminuée. Par contre, la baisse
immédiate de la postcharge après correction de sténose aortique assure une récupération fonctionnelle
rapide, dans la mesure où l'hypertrophie ventriculaire n'a pas gêné la préservation myocardique. Le
RVA pour sténose serrée et la cure de CIA sont pratiquement les seules circonstances où le VG est
dans une meilleure situation immédiatement après la CEC qu’avant l’opération.
Traitement de l'insuffisance ventriculaire gauche
La thérapeutique de l'insuffisance cardiaque post-CEC porte sur plusieurs points d'impact
interdépendants : précharge, postcharge (systémique et pulmonaire), rythme cardiaque, fonction
inotrope [131,211].
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
116
 Précharge : l'insuffisance diastolique courante après CEC modifie la courbe de compliance des
cavités cardiaques; les pressions de remplissage (PVC, PAPO) sont plus élevées pour le même
volume intracavitaire. La courbe de Starling de l'insuffisance diastolique étant très redressée,
le volume systolique est très dépendant de la précharge, et la tolérance à l'hypovolémie est très
faible (Figure 7.51). L’augmentation de précharge est limitée par le risque de dilatation
ventriculaire, situation particulièrement dangereuse parce qu'elle augmente la mVO2, menace
le flux sous-endocardique et effondre le débit cardiaque.
 Postcharge basse : une chute des RAS est fréquente après CEC (réchauffement, vasoplégie,
protamine, longue CEC, IEC préopératoire, diabète, etc). Bien qu'elle soit bénéfique pour le
VG, cette baisse de postcharge doit rester limitée car elle compromet la perfusion dans les
coronaires et dans tous les organes. Traitement habituel :
o Phényléphrine (Néosynéphrine®): bolus 100 mcg ; la dose maximale recommandée
hors-CEC est de 1 mg ; la raison est l’absence totale d’effet inotrope béta de la
substance qui ne fait qu’augmenter les RAS et la postcharge du VG, d’où le risque de
défaillance gauche.
o Nor-adrénaline (Artérénol®): perfusion 0.03-0.5 mcg/kg/min ; la stimulation des
récepteurs α myocardiques (inotropes positifs) et le faible effet β1 assurent un appoint
inotrope qui aident le VG lorsque sa postcharge augmente.
o Vasopressine (Pitressin®): en cas de choc distributif réfractaire (PAM < 55 mmHg,
RAS < 600 dynes•s•cm-5), la vasopressine (1-4 U/h) peut améliorer la situation [208];
à ces doses, la vasopressine provoque moins de vasoconstriction coronarienne, rénale
et splanchnique que la noradrénaline pour le même résultat sur la pression
systémique ; elle n’augmente pas la RAP [275]. D’autre part, elle conserve ses
propriétés vasoconstrictrices malgré l’hypoxie et l’acidose.
o Bleu de méthylène (0.5 mg/kg iv) : il peut aider à rétablir le tonus vasculaire en
situation extrême, mais présente des risques : hypertension pulmonaire, neurotoxicité,
vascoconstriction coronarienne et rénale [202].
 Postcharge élevée : le risque est une dilatation du VG, un disruption des sutures aortiques et
une augmentation des pertes sanguines. La baisse d'impédance augmente l'éjection du VG
lorsque celui-ci est dysfonctionnel. Les vasodilatateurs utilisés en première ligne sont à
prédominance artériolaire.
o Isoflurane 5%;
o Phentolamine en bolus (Régitine® 1-2 mg iv);
o Nitroprussiate en perfusion (Nipruss® 0.1-5 mcg/kg/min);
o Nitroglycérine (0.5-5.0 mcg/kg/min) si l'hypertension est associée à une élévation de
précharge ou à une HTAP;
o Un inodilatateur comme un inhibiteur de la phosphodiestérase-3 (milrinone) ou le
levosimandan est indiqué lorsque l'HTA est associée à une dilatation ventriculaire.
 Contrôle du rythme : Les arythmies doivent être traitées électriquement le plus rapidemnent
possible. Le rythme idéal en sortant de CEC est un entraînement sinusal de 75-80 batt/minute.
o En cas de dissociation AV: pace-maker bicaméral, isoprénaline (bolus de 10 mcg). La
synchronisation de la contraction auriculaire est d'autant plus importante qu'il existe
des altérations de la compliance ventriculaire.
o FA ou tachyarythmie sus-jonctionnelle: cardioversion peropératoire (2-10 J par
palettes internes); la cardioversion mérite d'être tentée, y compris chez un patient en
FA chronique, car le rythme sinusal, même temporaire, améliore l'hémodynamique
pendant les heures où elle est la plus compromise. La substance de première intention
est l'amiodarone (Cordarone®), en perfusion de 10-15 mg/kg/24h; on débute par 150
mg/20 minutes iv, à répéter selon besoin. L'esmolol (Brevibloc®) est le seul βbloqueur envisageable en postopératoire à cause de la briéveté de sa demi-vie (9
minutes); il faut néanmoins l'utiliser avec précaution, et seulement lorsque la
tachycardie est excessive ou dangereuse.
o Torsade de pointe, TV, spasme coronarien: défibrillation interne (5-50 J) ou externe
(100-360 J), xylocaïne (1 mg/kg), magnésium (charge: 1-2 gm iv).
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
117
 Stimulation inotrope : si l'index cardiaque est inférieur à 2.2 l/min/m2 et la PAPO supérieure à
18 mm Hg, ou la fraction d'éjection inférieure à 0.5, il est nécessaire d'assurer un support
inotrope. Le choix des agents cardiostimulateurs est décrit ci-dessous ainsi que dans les
Tableaux 7.11, 7.12 et 7.13 (pages 119, 120 et 121).
Figure 7.51 : Hémodynamique. A : Courbes de
Frank-Starling
du
VG
illustrant la relation entre la
précharge et la performance
systolique. Courbe normale
(en jaune), courbe en cas de
dysfonction systolique (en
rouge), et en cas de
dysfonction diastolique (en
bleu). La courbe de Starling
du VD (en pointillé) est très
plate, ce qui signifie que le
débit du VD normal ne
dépend que très peu de la
précharge. B : Courbe de
compliance normale du VG
(en jaune) et lors de
dysfonction diastolique (en
rouge). Dans ce deuxième
cas, la pression P correspond
un volume ventriculaire plus
petit (V’) que la norme (V) ;
le
sujet
peut
être
hypovolémique avec une POD
(PVC) ou une POG (PAPO)
normale. La normovolémie
d’un sujet souffrant de
dysfonction diastolique (V’’
rouge) est une pression de
remplissage
(P’)
qui
correspond
à
une
hypervolémie (V’’ jaune)
chez un sujet normal.
Volume
systolique
A
Normal
Dysfonction
diastolique
ΔVS
Dysfonction
systolique
ΔP
VD
B
Volume télédiastolique
Pression
Compliance
diminuée
P’’
Compliance
normale
P’
© Chassot 2012
V
’
V’’
V
V’’
Volume
En salle d'opération, il est facile de compléter les traitements médicamenteux par un système
d'assistance ventriculaire dont le but est de maintenir la circulation en déchargeant le ou les ventricules
pour leur offrir une possibilité de récupération (voir Chapitre 12 Assistance ventriculaire).
 Contrepulsion intra-aortique (CPIA) : elle diminue la postcharge du VG et augmente la
pression diastolique, donc la perfusion coronarienne. C’est la technique de premier choix pour
soutenir un VG défaillant par dilatation (présence d'une IM degré > II/IV) ou par ischémie,
mais elle ne fonctionne correctement que si le rythme est régulier et inférieur à 120 batt/min,
et que si les résistances systémiques sont maintenues. Elle est contre-indiquée en cas
d'insuffisance aortique, de dissection, ou d'athéromatose grave de l'aorte thoracique
descendante.
 ECMO (Extra-Corporeal Membrane Oxygenation): une pompe centrifuge (voir Pompes, page
16) couplée à un oxygénateur et branchée sur les vaisseaux fémoraux assure une assistance à
la fonction ventriculaire et aux échanges gazeux ; elle est indiquée pour 3-5 jours en cas de
défaillance cardio-respiratoire.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
118
 Assistance ventriculaire externe par un système à court terme, comme par exemple l'Abiomed
BVS 5000i™ (flux pulsatile), l’Impella™ (flux continu) ou le TandemHeart™ (flux continu) ;
les deux derniers sont introduits par voie percutanée sous repérage fluroscopique et/ou
échocardiographique (voir Assistance percutanée, page 139).
 Quel qu’en soit le type, une assistance ventriculaire n’est pas un substitut aux agents inotropes
ni au maintien de la précharge. En effet, la défaillance droite est fréquente en cas d’assistance
gauche isolée, d’où la nécessité de NO, milrinone, adrénaline, etc ; d’autre part, le VD fournit
la précharge du système d’assistance, dont le fonctionnement dépent directement du
remplissage ventriculaire [211].
Tableau 7.11 : Effets comparatifs des catécholamines
Substances
Adrénaline
< 0.03 mcg/kg/min
0.03-0.15 mcg/kg/min
> 0.15 mcg/kg/min
Dopamine
1-3 mcg/kg/min
3-8 mcg/kg/min
> 8 mcg/kg/min
Dobutamine
Dopexamine
Noradrénaline
Isoprénaline
Ephédrine
α1
α2
β1
β2
δ
↑
↑
↑
↑↑
↑↑
+++
+
++
++++
++
+++
+
+
+
+
++
+
+
+
+
-
↑↑
↑↑
↑
↑↑
↓
↑↑↑
↑
+
+++
+++
+
++
+
++
+++
++
+
++
++
+++
(+)
+
+++
+
Fréquence
+++
+
+
+
++
+++
+++
+
+++
+++
+++
(+)
++
-
Stimulation inotrope
L’insuffisance ventriculaire chronique et le stress prolongé (longue CEC, instabilité hémodynamique
continue en soins intensifs) conduisent à un remaniement des récepteurs myocardiques : baisse des
récepteurs β1, augmentation des récepteurs β2 et α1 (inotropes positifs) [125,317]. Ces données ont
des impacts majeurs sur la thérapeutique catécholaminergique.

La réponse aux amines β1 est diminuée ; la dopamine et la dobutamine atteignent rapidement
leur plafond d’activité. L'adrénaline, qui stimule les récepteurs β1, β2 et α1, est la seule
catécholamine efficace pour le traitement de la décompensation aiguë d'une insuffisance
cardiaque chronique ou dans les situations critiques après CEC. La noradrénaline (effet α1
majeur et β1 secondaire) a davantage d’effet inotrope positif que sur un coeur normal.
 La déplétion chronique en nor-adrénaline du myocarde diminue l'efficacité des amines
indirectes telles la dopamine ou l'éphédrine.
 Les inhibiteurs des phosphodiestérases-3 (amrinone, milrinone) sont efficaces lors
d’insuffisance ventriculaire ou de β-blocage parce qu'ils agissent par une voie indépendante
des récepteurs β ; il en est de même de la noradrénaline.
 La combinaison adrénaline + milrinone est le stimulant inotrope le plus efficace sur le
ventricule défaillant, qu’il soit gauche ou droit.
Indépendamment de leur dosage, l'efficacité des catécholamines dépend donc de plusieurs éléments :
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
119






La densité et la sensibilité des récepteurs membranaires ;
La répartition des types de récepteurs ;
L’activité de recapture synaptique ;
La disponibilité du Ca2+ sarcoplasmique ;
L'équilibre acido-basique (l’acidose inhibe leur action) ;
La concentration locale de la substance, variable selon l’hémodynamique et le site
d’administration (voie périphérique versus voie centrale) ;
 La durée de l’insuffisance cardiaque ou du choc cardiogène.
Les agents inotropes sont très largement utilisés, souvent de manière routinière et "prophylactique". En
réalité, ils sont indiqués en fonction des probabilités de dysfonction en sortant de CEC. Cette
probabilité varie entre 35% (CEC < 60 minutes, FE > 0.65) et 100% (CEC > 150 minutes, FE < 0.35).
Si, après la mise en charge, l'index cardiaque est inférieur à 2.5 l/min/m2 et la PAPO supérieure à 18
mm Hg, ou la fraction d'éjection inférieure à 0.5, il est nécessaire d'assurer un support inotrope.
Tableau 7.12 : Effets comparatifs des agents vaso-actifs
Substances
Adrénaline
< 0.03 mcg/kg/min
0.03-0.15 mcg/kg/min
> 0.15 mcg/kg/min
Dopamine
1-3 mcg/kg/min
3-10 mcg/kg/min
> 10 mcg/kg/min
Dobutamine
Dopexamine
Noradrénaline
Isoprénaline
Ephédrine
IPDE-3
Levosimandan
Phényléphrine
Vasopressine
Calcium
Phentolamine
Nitroglycérine
Nitroprussiate
NO•
Tolazoline
Clonidine
Fenoldopam
Anticalciques
Neseritide
Précharge
↓
↓↓
RAS
↓
↑
↑↑↑
↓↓↓
↓↓
↓(δ)
↑
↑↑↑
↓
↓↓
↑↑↑
↓↓
↑
↓↓
↓↓
↑↑↑
↑↑↑
↑↑
↓↓↓
↓↓
↓↓↓
↓
↓↓
↓↓
↓↓↓
↓↓
↓↓
↓
↓
↓
↓
↑
↓↓
↓
RAP
Fréquence
↑
↑
↑↑
↑
↑
↓
↓
↑
↓↓
↓↓
↓↓
↑
↓
↓
↓
↓↓↓
↓↓
↑↑
↑↑
↑↑
↑
(↓)
↑↑↑
↑
↑
(↓)
(↓)
Contractilité
Conduction
↑
↑↑
↑↑↑
↑
↑
↑
↑
↑↑
↑↑
↑↑
↑
↑
↑↑
↑
↑↑
↑↑
↑
↑
↑
↑
↑↑↑
±
↓
↓ - ↓↓
↓
↑↑
(↑)
(↑)
(↑)
↓
↑-↓
↓↓
RAS : résistance artérielle systémique. RAP : résistance artérielle pulmonaire. Les parenthèses indiquent une
activité réflexe non liée à l’action de la substance. - : selon les substances. IPDE-3: inhibiteurs des phosphodiestérases.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
120
Tableau 7.13
Dosages des principales substances utilisées dans le traitement de la défaillance ventriculaire
Substance
Dose de charge
Dopamine
Dobutamine
Adrénaline
Isoprénaline
Noradrénaline
Dopexamine
Amrinone
Milrinone
Enoximone
Levosimendan
Neseritide
Thyroxine
Vasopressine
Nitroprussiate de Na
Nitroglycérine
Epoprosténol
Treprostinil
Iloprost
Nifédipine
Diltiazem
Clevidipine
bolus 10 mcg
1,5 – 2.0 mg / kg
50 - 75 mcg / kg iv
5 mg en inhalation
0.5 – 1.0 mg / kg
12 mcg/kg
2 mcg/kg
20 mcg
Perfusion
1-3 mcg/kg/min : effet δ
3-8 mcg/kg/min : effet β > α
≥ 10 mcg/kg/min : effet α > β
1-10 mcg/kg/min
0.01-0.1 mcg/kg/min
0.01-0.05 mcg/kg/min
0.01-1 mcg/kg/min
3-5 mcg/kg/min
5 – 30 mcg/kg/min
0.4-0.75 mcg/kg/min
5 – 10 mcg/kg/min
0.1-0.2 mcg/kg/min
0.01-0.03 mcg/kg/min
0.03-0.5 mg/kg/min
1-5 U/h
1 - 10 mcg/kg/min
10 - 100 mcg/min
2-5 ng/kg/min
1.25-2.5 ng/kg sous-cutané
10-20 mcg en 20 min en inhalation
1-2 mg/heure
15 mcg/kg/heure
0.1 mg/kg/heure
jusqu’à 32 mg/heure (maximum)
Catécholamines
Les catécholamines ne sont pas toutes équivalentes, car elles présentent des différences dans la
sélectivité de leurs actions au niveau des récepteurs (Tableaux 7.8, 7.11 et 7.12, pages 107, 119 et
120).
 Dopamine: agent idéal pour les sorties de pompe simples à cause de l'effet β1, du léger effet α
(maintien des RAS) et de l'effet δ (augmentation du flux splanchnique et rénal) si le dosage
reste < 5 mcg/kg/min. Au-delà de 5 mcg/kg/min, la vasoconstriction α augmente davantage
que l'effet β et la dopamine devient essentiellement un vasopresseur. La dopamine est bon
marché, mais relativement tachycardisante aux faibles dosages.
 Dobutamine: stimulant exclusivement β, elle tend à baisser les RAS; les effets ne se modifient
pas avec le dosage, mais obligent en général à adjoindre une perfusion de nor-adrénaline audelà de 5 mcg/kg/min. La dobutamine est plus onéreuse.
 Adrénaline: effet équilibré α et β, très bon marché.
 Nor-adrénaline: effet essentiellement α vasoconstricteur artériolaire systémique; peu d'effet
vasoconstricteur pulmonaire car les récepteurs α sont rares dans le lit pulmonaire. La
noradrénaline présente un effet inotrope positif en cas d'insuffisance ventriculaire à cause de la
prépondérance de récepteurs α dans le myocarde dysfonctionnel.
 Isoprénaline: le plus puissant stimulant β1 et β2; tachycardisant et vasodilatateur artériel,
l'isoprénaline est indiquée essentiellement dans les blocs AV et les bronchospasmes.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
121
Les substances qui ont plusieurs actions, comme la dopamine, ne permettent pas de différencier les
effets entre eux, surtout lorsque leur proportion varie selon le dosage. Les catécholamines à effet "pur"
(dobutamine, noradrénaline) sont plus aisées à ajuster en fonction du paramètre hémodynamique sur
lequel on veut agir. L'effet β2 (dobutamine, adrénaline) est responsable d'une vasodilatation, d’une
hyperglycémie et d'une acidose métabolique.
Quelle que soit la substance utilisée, l'augmentation de la contractilité se solde toujours par une
augmentation de la mVO2. Seules les techniques d'assistance ventriculaire augmentent le débit sans
élever le travail cardiaque.
Autres substances
Un inhibiteur des phosphodiestérases-3 (IPDE-3), qui catabolisent l’AMPc, augmente le taux
cytoplasmique de cette dernière, donc conduit à une stimulation inotrope par augmentation de la
[Ca2+]i systolique. Cette voie ne passe pas par les récepteurs β. Les IPDE sont des inodilatateurs : ils
présentent un effet inotrope positif, et un effet vasodilatateur sur les vaisseaux de résistance (artères
systémiques et pulmonaires) et de capacitance (grandes veines centrales). Ils ne provoquent pas de
tachycardie (absence d’effet chronotrope). Les indications essentielles sont [183].

La dysfonction gauche sévère avec dilatation ventriculaire pouvant profiter d’une baisse de
postcharge ;
 L’insuffisance ventriculaire droite avec hypertension pulmonaire ;
 Les coeurs sévèrement déplétés en récepteurs β tels les insuffisances ventriculaires de longue
durée, les greffons cardiaques, et les cas après une CEC prolongée ;
 Les patients β-bloqués.
La milrinone (Corotrop®) s'administre en perfusion (0.4-0.75 mcg/kg/min) précédée d'une dose de
charge (50 mcg/kg). Cette dernière provoque une hypotension significative; une manière de procéder
est d'injecter la dose de charge dans la CEC en cours de réchauffement, car l'hypotension est facile à
maîtriser à ce moment. La combinaison adrénaline + milrinone est particulièrement efficace en cas
d'insuffisance ventriculaire chronique, réfractaire ou accompagnée d'HTAP.
Le levosimendan (Simdax®) possède une activité anti-phosphodiestérase et une action de
sensibilisation de la troponine C au calcium; c'est un vasodilatateur artériel parce qu’il ouvre les
canaux KATP des cellules musculaires lisses des artérioles. Le levosimendan n’entraîne pas de
tachycardie ni d’augmentation de la mVO2 [271]. Il reste efficace chez les patients β-bloqués. Il
s’administre en perfusion sur une seule période de 24 heures (0.1-0.2 mcg/kg/min), après une dose de
charge de 12-24 mcg/kg ; le traitement pour un adulte nécessite environ 12 mg (coût : environ 700 €).
Les essais cliniques ne démontrent pas de réduction de mortalité à long terme par rapport à la
dobutamine mais une diminution de morbidité [231].
La thyroxine (T3) (tri-iodo-thyronine) améliore la performance ventriculaire par stimulation de
l’adénylyl-cyclase (augmentation de l’AMPc) et par des voies différentes de l’AMPc ; elle est utile
chez les malades dont le système neuro-humoral est épuisé, comme les malades de soins intensifs, les
donneurs d'organe ou après les longues CEC [263]. Son action est contre-carrée par les anti-calciques.
Les doses sont de 0.03-0.5 mcg/kg/min, ou de 0.0275 mcg/kg en 4 doses [188].
La solution Glucose-Insuline-Potassium (GIK) semble profitable essentiellement aux patients
ischémiques avec dysfonction ventriculaire sévère et diminution de récepteurs β myocardiques [366].
Elle pourrait diminuer la souffrance myocardique (baisse des CK-MB et des troponines
postopératoires), mais ne semble pas avoir d’impact sur la performance contractile [326a]. Le régime
peropératoire conseillé est : insuline 2-4 U/h, K+ 10-20 mmol/h, glucose 20% 10-15 g/h (50-75 ml/h).
Le but est de maintenir une glycémie peropératoire de 6-8 mmole/L.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
122
Le calcium (dose: 2-4 mg/kg) élève la concentration de Ca2+ extracellulaire et antagonise les effets de
l'hyperkaliémie intra-myocardique après cardioplégie, mais n'améliore la fonction cardiaque que chez
les patients hypocalcémiques (transfusion rapide de sang citraté) ou sous anticalciques. Il présente un
antagonisme avec les stimulants béta et un synergisme avec les stimulants α (augmentation de la
pression, mais pas d'effet inotrope). Une hypercalcémie aiguë lors de la revascularisation peut
provoquer une surcharge intracellulaire aggravant les lésions ischémiques et la dysfonction
diastolique, rigidifiant le myocarde (stone heart), et induisant une vasoconstriction des greffons
artériels [368]. En cas de normocalcémie, les risques sont supérieurs aux bénéfices escomptés:
bradycardie sinusale, ralentissement de la conduction AV, antagonisme avec les stimulants de l’AMPc
(β-agonistes), spasme artériel, augmentation de la toxicité de la digitale. En sortant de CEC, la seule
indication au calcium est le renversement d’une hyperkaliémie résiduelle.
La conjonction d'une hypovolémie et d'une perfusion de catécholamines à effet β lors d'hypertorphie
ventriculaire gauche concentrique peut induire un "effet CMO": comme dans la cardiomyopathie
obstructive, la constriction de la chambre de chasse en systole crée un obstacle à l'éjection. Cette
obstruction sous-aortique dynamique est fréquente après remplacement de la valve aortique pour
sténose. Le diagnostic se pose à l'échocardiographie. Plus on augmente les amines, plus la situation de
bas débit empire ! La seule thérapeutique est une baisse des amines β, une augmentation des RAS
(amines α), un remplissage volumique et éventuellement un β-blocage.
Thérapeutique de l'insuffisance ventriculaire droite
L’insuffisance droite est secondaire à une affection propre du VD (infarctus, cardiomyopathie) ou à
une augmentation de sa postcharge, ce qui est le plus fréquent. Cette hypertension pulmonaire a de
nombreuses causes après une CEC :
 Péjoration d’une HTAP préexistante ;
 Stase sur une dysfonction du VG, une valvulopathie mitrale résiduelle ou une inadéquation de
la prothèse mitrale ;
 Hypoventilation, hypoxie, hypercapnie, acidose respiratoire ;
 Syndrome inflammatoire pulmonaire ;
 Administration de protamine ;
 IPPV et PEEP excessives ;
 Compression mécanique des vaisseaux pulmonaires (tamponnade, pneumothorax, écarteur).
Le traitement de l'insuffisance ventriculaire droite comprend plusieurs points (Tableau 7.14):

Optimisation de la précharge ; le VD dysfonctionnel peut nécessiter une PVC jusqu’à 15
mmHg pour assurer son débit systolique. En revanche, si la défaillance a déjà entraîné une
dilatation ventriculaire et une stase en amont, il faut au contraire diminuer la précharge :
dérivés nitrés, diurétiques, position de contre-Trendelenburg.
 Baisse de la postcharge (Tableau 7.15 page 125) : comme le VD est très sensible à la
postcharge, la diminution de l'impédance augmente efficacement le volume éjecté ; on utilise
à cet effet les substances qui présentent un effet vasodilatateur pulmonaire majeur. A
l'exception de l'hyperventilation normobarique et du NO, les hypotenseurs pulmonaires
s'accompagnent d'une hypotension systémique qui peut diminuer la pression de perfusion
coronarienne et potentialiser le risque ischémique.
 Stimulation de la contractilité : amines sympathicomimétiques (dobutamine, adrénaline,
isoprénaline), inhibiteurs de la phosphodiestérase-3 (amrinone, milrinone), sensibilisateur
calcique (levosimandan). La dopamine et la digitale sont contre-indiquées parce qu’elles
augmentent les RAP.
 Maintien de la perfusion coronaire droite : une perfusion de nor-adrénaline et/ou de
vasopressine est indiquée afin de maintenir un gradient suffisant entre la pression aortique et
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
123
la pression systolique du VD ; la faible population de récepteurs α pulmonaires et l’absence de
récepteurs à la vasopressine dans les poumons font que la pression systémique s’élève mais
non la pression pulmonaire.
 Assistance ventriculaire externe par un ventricule artificiel ou par une contrepulsion intrapulmonaire ; la contre-pulsion intra-aortique peut être utile pour maintenir la pression de
perfusion coronarienne.
 Non fermeture du péricarde et du sternum, ou réouverture en postopératoire. Lorsque la Ptd du
VD est ≥ 15 mmHg, la paroi ventriculaire est en butée contre le péricarde ; l’ouverture de
celui-ci augmente la compliance du VD et relâche la compression opérée sur le VG par le
bascule du septum interventriculaire ; cette technique permet de tolérer la dilatation due à la
dysfonction droite sans augmentation de pression.
Tableau 7.14
Traitement de l'insuffisance ventriculaire droite aiguë
Hyperventilation normobarique
Hypocapnie : PaCO2 = 30 mmHg, alcalose: pH = 7.5
FiO2 = 1.0
V courant 6-8 ml/kg, pression ventilatoire (Pmoy) 6-10 cm H2O
NO• : 10 – 30 ppm dans le circuit inspiratoire du ventilateur
Optimalisation de la précharge
↑ PVC 15 mmHg si dimensions normales du VD
↓ PVC si dilatation du VD, insuffisance tricuspidienne et stase droite
Stimulation β1 + β2
Dobutamine (Dobutrex®) 3-10 mcg/kg/min
Isoprénaline (Isuprel®) bolus 10 mcg, perfusion 0.01 à 0.1 mcg/kg/min
Adrénaline 0.01 – 0.1 mcg/kg/min (associée à la milrinone)
Anti-phosphodiestérases-3
Milrinone (Corotrop®) ; charge 50 mcg/kg, perfusion 0.5-0.75 mcg/kg/min
Prostaglandines:
Iloprost® en spray nasal (9-15 mcg) à répéter toutes les 3-4 heures
nébulisation 20 mcg/2 heures
Epoprosténol (Flolan®): 2-5 ng/kg/min en perfusion
Treprostinil (1.25-2.5 ng/kg/min) sous-cutané
Nitroglycérine (0.5-5 mcg/kg/min) si PVC haute
Maintien de la pression de perfusion coronaire
Nor-adrénaline (0.1-0-5 mcg/kg/min) si hypotension systémique
Vasopressine (0.1-0.4 U/h)
CPIA si bas débit systémique
Non-fermeture ou réouverture du péricarde et du sternum.
Assistance ventriculaire droite.
Magnésium
Le Mg2+ est le deuxième ion intracellulaire le plus abondant. Malheureusement, les taux sériques
reflètent mal la magnésémie totale, puisque seul 1% du Mg total est sous forme ionisée dans le sérum.
Le Mg2+ est nécessaire au fonctionnement de plusieurs ATPases; il participe au maintien du taux de K+
et de Ca2+ intracellulaires. L'hypomagnésémie est très courante chez les insuffisants cardiaques, chez
les diabétiques, chez les malades recevant des diurétiques ou de la digitale, et à la fin de la CEC [5].
Du point de vue thérapeutique, le magnésium agit comme un bloqueur calcique: il diminue l'excès de
Ca2+ sarcoplasmique et de radicaux libres lié à l'ischémie; il diminue l'incidence des arythmies
ventriculaires et provoque une vasodilatation artérielle systémique et pulmonaire. Administré avant ou
immédiatement au moment de la reperfusion après une période d'ischémie, il a tendance à diminuer la
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
124
taille de l'infarctus, améliorer la fonction systolique, et diminuer la mortalité des patients dont la
fonction gauche est conservée [385]. L'effet est perdu si l'administration a lieu ultérieurement [50].
Les effets secondaires, peu fréquents aux doses habituelles, sont une sédation, une paralysie
musculaire, une baisse des résistances artérielles et une inhibition de la fonction plaquettaire [130].
Eliminé par les reins, le magnésium présente ces effets surtout chez les insuffisants rénaux. Un
synergisme avec les dérivés nitrés et les inhibiteurs de l'enzyme de conversion peut conduire à des
hypotensions sévères [133]. Vu son inocuité et son coût très faible, le magnésium (MgSO4 ou MgCl2,
2 gm iv chez l'adulte) est indiqué sans restriction en cas de troubles du rythme ventriculaire ou lors de
défibrillations répétées; il peut être bénéfique en cas de vasoconstriction artérielle et en cours
d'ischémie. L'administration de routine n'est pas pour autant justifiée.
Tableau 7.15: Traitement de l'hypertension pulmonaire
Approfondissement de l'anesthésie (fentanyl, sufentanil, remifentanil), réchauffement du
patient, curarisation, sédation si anxiété (benzodiazépines à dose sans dépression respiratoire)
Hyperventilation: PaCO2 30 mmHg, pH > 7.45
Hyperoxie: FiO2 1.0
IPPV avec basse P intrathoracique (Pmoy: 6-10 mmHg)
NO: 10-30 ppm dans le circuit inspiratoire
Aérosol de prostanoïde (iloprost 20 mcg en 15 min)
Sulfate de magnesium (5-10 mmol)
Traitement aigu sans
effet vasodilatateur sur
les RAS
Catécholamines β: dobutamine, isoprénaline
Anti-phosphodiesterases-3: milrinone (0.5 mcg/kg/min)
Noradrénaline (↑ pression de perfusion coronarienne)
Adaptation de la précharge du VD (PVC)
Ouverture/non-fermeture du péricarde et du sternum
Contrepulsion intra-aortique (↑ pression coronarienne)
Traitement de
l'insuffisance du VD
Perfusion d'époprostenol (2-5 ng/kg/min)
Adénosine (6-12 mg iv)
Anti-phosphodiesterases-5:
sildénafil (50-100 mg/j per os) + L-arginine
Anti-endothéline: bosentan (125-250 mg/j per os)
Anti-angiotensine: losartan (50-100 mg/j per os)
Traitement aigu et
chronique avec effet
vasodilatateur sur les RAS
Sont à éviter: desflurane, propofol, digitale, dopamine.
Dysfonction ventriculaire post-CEC (I)
Une intervention cardiaque en CEC porte transitoirement atteinte à la fonction ventriculaire. La
fonction systolique et la fonction diastolique baissent progressivement pour atteindre leur nadir vers
5-6 heures après la CEC ; la récupération prend 8 à 24 heures. Cette dysfonction est d’autant plus
sévère que l’atteinte ventriculaire était préexistante et que l’opération était longue et complexe.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
125
Dysfonction ventriculaire post-CEC (II)
Thérapeutique de l’insuffisance gauche par ordre croissant d’importance :
- Optimalisation de la précharge, de la postcharge, de la fréquence et du rythme
- Dopamine jusqu’à 5 µg/kg/’
- Dobutamine (5-20 µg/kg/’) + noradrénaline (0.05 – 0.5 µg/kg/’)
- Adrénaline (0.01-0.3 µg/kg/’) + milrinone (0.5 µg/kg/’)
- CPIA
- Levosimendan (0.1-0.2 µg/kg/min)
- ECMO, assistance ventriculaire
Thérapeutique de l’insuffisance droite :
- Optimalisation de la précharge du VD
- Dobutamine (5-20 µg/kg/’)
- Milrinone (0.5 µg/kg/’) + adrénaline (0.01-0.3 µg/kg/’)
- Vasodilatateur pulmonaire : NO•, iloprost (inhalation), nitroglycérine (0.1-5.0 µg/kg/’)
- Maintien de la perfusion coronarienne : noradrénaline (0.05 – 0.5 µg/kg/’), CPIA
- Levosimendan (0.1-0.2 µg/kg/min)
- Non-fermeture du péricarde et du sternum
- Assistance ventriculaire
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
126
Protection myocardique en chirurgie cardiaque
La protection des organes est traitée en détail dans le Chapitre 24 (voir Protection myocardique). Le
lecteur est donc renvoyé à ce chapitre pour davantage de détails, car nous ne donnerons ici que des
lignes générales.
Arrêt et protection cardiaques par cardioplégie
La consommation en oxygène du coeur se contractant à son rythme de base est de 10-15 mL/100
gm/min; lorsqu'il fibrille, elle descend à 8 mL/100 gm/min (75% de la consommation de base);
lorsqu'il bat sans produire de travail éjectionnel pendant la CEC, le coeur ne consomme que le 50% de
ce qu'il utilise normalement (Figure 7.52) [302]. L'arrêt en diastole par le potassium réduit la
consommation d'O2 à environ 1 mL/100 gm/min en normothermie, et à 0.3 mL/100 gm/min en
hypothermie. Il persiste donc un faible besoin en oxygène dans le coeur arrêté.
Figure 7.52 :
Consommation du coeur en
oxygène
(mVO2
en
mL/100gm/min)
dans
différentes situations [302].
Rythme de base : débit
normal en rythme sinusal.
Fibrillation ventriculaire :
consommation moyenne en
fibrillation
venriculaire.
Battant en CEC : rythme
spontané
en
décharge
totale, la circulation étant
assurée par la CEC. HyperK + arrêt : arrêt en diastole
par une cardioplégie riche
en potassium.
mVO2
12
10
8
6
4
2
Rythme
de base
Fibrill
ventricul
Battant
en CEC
Hyper-K
+ arrêt
La solution de cardioplégie doit permettre d'arrêter le coeur, de le protéger, et de lui fournir les
éléments de sa survie jusqu'à la reprise de son activité. Elle doit prévenir la formation de radicaux
libres et la surcharge calcique. Elle est basée sur deux éléments [296].
 L’hyperkaliémie arrête le coeur en diastole. Les concentrations en K+ utilisées dans les
solutions de cardioplégie varient entre 18-20 mmol/L et 20-25 mmol/L pour les solutions
froides et chaudes, respectivement.
 L'hypothermie est un élément majeur dans la protection myocardique. La température est de
5-10° pour les solutions de cardioplégie froide.
Comme le coeur continue à consommer un peu d'énergie par glycolyse anaérobe, l’acidose intracellulaire est tamponnées avec du bicarbonate de Na, du trometamol (Tris ou THAM), ou d'autres
agents (histidine, acétate, phosphate). L'adjonction de bicarbonate à des solutions froides est un nonsens puisque ce dernier perd son pouvoir tampon à froid; seule la fonction imidazole de l'histidine des
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
127
protéines conserve le même degré de dissociation quelle que soit la température, donc conserve son
pouvoir tampon en hypothermie profonde. C'est un des avantages de la cardioplégie au sang.
Plusieurs voies d'administration sont possibles pour que la solution atteigne le myocarde. Une
approche combinée est donc souvent nécessaire.
 Canule dans la racine aortique; c'est la voie classique; elle n'assure pas une perfusion adéquate
en cas d'insuffisance aortique (IA); même minime, une IA peut entraîner une dilatation aiguë
du VG. Pression de perfusion: 70-150 mmHg.
 Canulation coronarienne directe par des canules de Spencer; technique utilisée en cas d'IA
majeure, elle présente le risque d'embolisation distale de plaques athéromateuses lorsque la
canule pénètre l'ostium coronarien. Pression de perfusion: 70-150 mmHg.
 Cardioplégie rétrograde par le sinus coronaire; elle a l'avantage d'atteindre les territoires
distaux en cas de sténoses proximales serrées peu collatéralisées et d'éviter la fuite aortique,
mais elle ne protège pas le ventricule droit dont le drainage se fait par les veines de Thébésius
et non par le sinus coronaire. La canule est mise en place par une ponction de l'OD; elle
possède un ballonnet semi-occlusif. La pression de perfusion doit rester située entre 30 et 40
mmHg; elle est mesurée par un capteur de pression séparé. Le débit est de 100-200 ml/min.
 Perfusion des greffons veineux dès que l'anastomose distale est réalisée.
Solutions de cardioplégie
La cardioplégie doit arrêter le cœur, le protéger pendant l’absence de perfusion, limiter les lésions
ischémiques et prévenir les lésions de reperfusion. Le cœur est arrêté en diastole par une solution
hyperkaliémique (K+ 18-25 mmol/L) et hypothermique (5-10°C), dans laquelle peuvent être ajoutées
diverses substances. La solution peut être cristalloïde ou à base de sang de la CEC. Débit de
perfusion : 300 mL/min pour l’arrêt, 150 mL/min pour l’entretien.
Quatre voies d’abord sont possibles : la racine de l’aorte (voie classique), les troncs coronaires
(canulation directe), le sinus coronaire (voie rétrograde) ou les greffons veineux (après anastomose
distale).
Techniques de cardioplégie
Malgré un demi-siècle de recherche sur la cardioplégie, la solution idéale n’est toujours pas trouvée. Il
existe donc de nombreuses variations dans ces perfusats.







Solution cristalloïde hyperkalémique et hypotherme (5-10°) ;
Sang additionné de solution potassique ;
Cardioplégie au sang hypotherme ou normotherme ;
Perfusion intermittente ou continue ;
Pompe et circuit séparés sur la machine de CEC ou distribution sous manchette à pression ;
Addition de substrat métabolique: glucose, acides aminés, ATP ;
Addition d’agents protecteurs.
Le but d’une cardioplégie est de remplir six exigences physiologiques: l'arrêt cardiaque immédiat, le
frein du métabolisme, l'apport de substrat, le maintien du pH, la prévention de l'oedème, et la
prévention des lésions de reperfusion [62].
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
128
Solutions cristalloïdes
La solution de cardioplégie cristalloïde est la plus simple et la moins coûteuse ; elle est efficace dans
les cas standards. Les solutions les plus utilisées sont de type extracellulaire enrichies en potassium et
pauvres en calcium, comme la solution de St. Thomas (Tableau 7.16) [71]. D’autres solutions miment
la composition intracellulaire (basses en sodium et sans calcium), comme la solution de Bretschneider
ou la solution HKT Custodiol™ ; elles sont aussi utilisées pour la préservation d'organes en
transplantation. On ajoute habituellement du magnésium pour diminuer l'augmentation de [Ca2+]i que
provoque l'hyperkaliémie. L'avantage de la cardioplégie cristalloïde est la clarté du champ opératoire
pour le chirurgien et la rhéologie favorable pour atteindre des zones distales à des obstructions
coronariennes serrées, mais le désavantage est l'impossibilité de transporter de l'oxygène et le risque
d'hémodilution [12]. Elle est de plus en plus remplacée par la cardioplégie au sang.
Tableau 7.16
Composition des solutions de cardioplégie cristalloïdes
Composant
Na+ (mmol/L)
K+ (mmol/L)
Ca2+ (mmol/L)
Mg2+ (mmol/L)
pH
Osm (mosm)
Autre
Bretschneider
12
10
0
4
7.4 (histidine)
320
procaïne 0.2%
mannitol 239 mmol/L
St. Thomas No 2
110
16
2.4
32
7.8 (bicarbonate)
324
± procaïne (1 mEq)
± O2
Les solutions sont administrées par une pompe séparée du circuit de CEC (Figure 7.13, page 25) sous
une pression d'environ 70-150 mmHg et un débit de 200-300 mL/min pendant au moins 2 minutes, car
il faut 2 mL de solution par gramme de coeur, soit environ 500 mL pour un adulte. Pour l’entretien de
l’arrêt, il suffit de répéter la perfusion toutes les 30 minutes avec un débit de 150 mL/min pendant 1-2
minutes. La température est de 5-10°. Par voie rétrograde, la pression de perfusion est de 20-30 mmHg
environ, avec une valeur maximale de 40 mmHg.
Une modification de la cardioplégie cristalloïde consiste à administrer un petit volume d'une solution
hautement concentrée [7]. Ces très fortes concentrations, notamment en en K+, sont possibles parce
que la quantité perfusée représente approximativement le volume de l'arbre coronarien; la majeure
partie de la solution reste donc dans le cœur et ne se déverse pas dans la circulation générale. Ce petit
volume ne permet pas des échanges thermiques significatifs; la protection, d'une durée de 30-60
minutes, est assurée par la composition de la solution mais non par l'hypothermie.
 Custodiol™, solution hyperkaliémique pauvre en Na+ et en Ca2+ mais additionnée d’histidine,
de kéto-glutarate et de mannitol, administrée en une seule dose de 5 mL/kg en 7-10 minutes ;
 Cardioplexol™, solution hyperkaliémique (100 mmol/L) et hypermagnésémique (162
mmol/L) additionnée de xylitol et de procaïne; elle se donne en un bolus de 100 mL, ce qui
représente 10 mmol de K+, 16.2 mmol de Mg2+ et 300 mg de procaïne; elle protège le cœur
pour 45 minutes, quelle que soit la température.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
129
Cardioplégie au sang
Le sang artériel prélevé sur le circuit de CEC par une pompe séparée est additionné d'une solution
électrolytique riche en potassium dans une proportion solution/sang de 1/5. Il traverse un échangeur
thermique indépendant (Figure 7.13). C’est un perfusat alcalin (pH ≥ 7.6) et hyperosmolaire (≥ 330
mOsm), contenant 20-25 mmol/L de potassium et peu de calcium (≤ 1 mmol/L) (Tableau 7.17). On
profite ainsi de la capacité du sang à transporter de l'oxygène, de son pouvoir tampon, et de ses
qualités rhéologiques, oncotiques et antagonistes des radicaux libres. L'histidine des protéines du
plasma fournit la majeure partie du pouvoir tampon, efficace quelle que soit la température.
Tableau 7.17
Composition des solutions de cardioplégie au sang
Composant
Cardioplégie froide
Na+ (mmol/L)
K+ (mmol/L)
Ca2+ (mmol/L)
Mg2+ (mmol/L)
pH (THAM)
Osm (mosm)
Autre
118
18
0.3-0.5
1.6
7.6-7.8
320-340
glucose, O2
"Hot shot"
120
9
0.2
1.6
7.5-7.6
340-360
glucose, O2
glutamate, aspartate
Comparée à la solution cristalloïde, la cardioplégie au sang donne de meilleurs résultats, notamment
dans les cas à risque élevé: meilleure reprise fonctionnelle, diminution des lésions ischémiques, reprise
du rythme sinusal spontané plus fréquente, meilleure préservation des réserves d'ATP [95].
Une variation dans la proportion solution/sang consiste à injecter par une pompe-seringue (à 45 mL/h)
une solution cardioplégique concentrée contenant 16 mmol/L de KCl et 3 mmol/L de Mg2+ dans un
débit de sang pris sur la ligne artérielle de CEC, dont la température est > 30°C (52). Cette technique
dite de Calafiore limite le degré d’hémodilution [66].
La cardioplégie au sang peut être administrée sous trois températures différentes [1,95,111].
 L'arrêt est en général induit par une perfusion froide (5-10°C) de 2-4 minutes à 200-300
mL/min et sous une pression de 60-150 mmHg; le maintien de l'immobilité mécanique est
assuré par des perfusions itératives à 150 mL/min. Les températures basses améliorent la
protection et permettent un temps d'arrêt entre les perfusions (30-40 minutes), mais les lésions
de reperfusion restent très importantes.
 On peut utiliser exclusivement une perfusion de cardioplégie au sang normothermique, mais
elle doit rester continue ou réitérée toutes les 10 minutes. Si la distribution intramyocardique
est inadéquate (cardiopathie hypertrophique, coronaropathie sévère), le coeur est alors exposé
à des lésions ischémiques parce que le métabolisme n'est pas freiné. Par rapport à la
cardioplégie froide, la cardioplégie "chaude" tend à améliorer la fonction ventriculaire
postopératoire et à diminuer les marqueurs ischémiques (troponines, CK-MB), essentiellement
dans les cas où elle peut rester continue pendant toute l'intervention.
 Un compromis est recherché dans une température intermédiaire tiède (27-30°C), qui s'est
révélée efficace pour la protection myocardique et qui atténue les lésions de reperfusion.
 Avant la revascularisation, une perfusion de cardioplégie normothermique (hot shot) pendant
2-3 minutes à 60 mmHg, diminue les lésions de reperfusion.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
130
Substances ajoutées
Les solutions de cardioplégie doivent être légèrement hyperosmolaires pour diminuer l'oedème,
légèrement alcalines pour freiner l'acidose lactique, et contenir peu de calcium pour minimiser
l'accumulation calcique intra-mitochondriale. De nombreux additifs sont utilisés pour remplir ces
fonctions.





Tampon : Tris, THAM, histidine (le bicarbonate perd son effet tampon à froid) ;
Agents hyperosomolaires (mannitol, albumine, colloïde) ;
Magnésium, stéroïde, procaïne ;
ATP, glucose ;
Agents anti-oxydants.
Le préconditionnement par les agents halogénés (isoflurane, sevoflurane et desflurane à 1-2 MAC)
pendant la durée de l’opération améliorent la tolérance du myocarde à l'ischémie.
Techniques de cardioplégie
Les techniques de cardioplégie peuvent être réparties en deux groupes :
- Solutions cristalloïdes hyperkaliémique et hypothermes
- Cardioplégie au sang, avec addition de K+ ; avantages : apport d’O2 et d’ATP, tampon
(valences histidine)
L’arrêt est provoqué par une hyperkaliémie, en général froide (5-10°C). Une solution de sang
normotherme permet de réduire les lésions de reperfusion mais doit être continue.
De nombreuses substances peuvent être ajoutées selon les protocoles.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
131
Incidents et accidents
La CEC est un système complexe (Figure 7.3, page 6) où les incidents critiques sont fréquents, malgré
tous les garde-fous que la technologie a mis au point. Les problèmes aigus surviennent dans 0.4 – 1%
des CEC [99,195,233]. Ils peuvent présenter un danger vital pour le malade et prennent souvent
l'équipe médicale au dépourvu. Il est bon d'en connaître les plus importants, afin d'avoir une réaction
adéquate lorsqu'ils surviennent en salle d'opération.
Que faire en cas de problème aigu ?
Hypotension au départ en CEC
L'hémodilution, la baisse de la viscosité sanguine et la perte du régime pulsatile diminuent la pression
artérielle au démarrage en pompe. En général, la PAM est voisine de 50 mmHg à ce moment. Si elle
se maintient à seulement 30 mmHg, le problème est sérieux.
 Vérifier le capteur de pression, le zéro de l'artère, aspirer et purger la ligne.
 Insuffisance aortique inconnue; contrôler la régurgitation dans le VG à l'ETO; le clampage de
l'aorte rétablit la pression.
 Shunt gauche-droit par un canal artériel inconnu ou par un shunt G-D (Blalock, collatérales
aorto-pulmonaires); clamper le shunt.
 Vasoplégie extrême; choc anaphylactique (aprotinine, colloïde), choc septique (endocardite);
augmenter le débit, néosynéphrine, perfusion de nor-adrénaline.
 Dissection de l'aorte: disparition de l'onde de pression sur le cathéter artériel alors que la
pression est élevée sur la canule artérielle de CEC; l'aorte ascendante se boursouffle et devient
violacée; stop machine et remise en charge immédiate.
 Branchement inversé des canules de CEC; le sang est aspiré de l'aorte par la canule veineuse;
clamper les tuyaux et stopper la machine.
Embolie gazeuse massive
L'air pénètre massivement, le plus souvent via le réservoir veineux, par désamorçage du retour
veineux. En moindre quantité, il peut aussi provenir des aspirations, de la cardioplégie, de
l'oxygénateur ou de déconnexions; l'air peut aussi passer de l'OD à l'OG par un foramen ovale
perméable ou être aspiré dans le coeur gauche si le patient a des mouvements diaphragmatiques
pendant que le VG ou l'OG sont ouverts.
 Air dans la ligne artérielle et dans l'aorte; signes d'ischémie cérébrale et myocardique; résevoir
vide.
 Arrêt de la CEC, position de Trendelenburg forcée, débullage de l'aorte, ventilation à 100%
O2.
 Perfusion rétrograde (1-2 L/min) hypothermique (20-24°) par la veine cave supérieure pour
perfuser le cerveau a retro et vidanger l'air qui s'est infiltré du côté artériel.
 Reprise de la CEC normale après vidange complète de l'air; maintien d'une pression de
perfusion élevée et d'une hypothermie à 20-24°C.
 Protection cérébrale: thiopental, mannitol, méthylprednisolone, magnésium.
 Scan cérébral ou IRM dès que possible.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
132
Air dans les cavités gauches
Lorsqu'on a ouvert les cavités gauches, l'air provient des aspirations, d'une purge incomplète des
cavités gauches avant le déclampage de l'aorte, du passage de l'OD à l'OG par un foramen ovale
perméable, d'inspirium diaphragmatique pendant que les cavités gauches sont ouvertes. La cavitation
(baisse de pression dans les vortex) et les variations de température diminuent la solubilité des gaz
dans le sang, qui passent ainsi en phase gazeuse et forment des minibulles qui s'accumulent sous les
surplombs.







Position de Trendelenburg accentuée, roulis de la table d’opération.
Hyperinflation pulmonaire pour chasser l'air accumulé dans les veines pulmonaires.
Aspiration continue (100-500 mL/min) par la canule de cardioplégie dans la racine de l’aorte.
Vidange par ponction directe de la cavité (OG, VD) au trocart.
Secousses et manipulations du cœur.
Stimulation inotrope et pression de perfusion élevée (≥ 80 mmHg).
Si débullage impossible: retour en CEC.
Embolie coronarienne
La CD (et les pontages) partant au zénith de l'aorte en décubitus dorsal, l'air y embolise fréquemment.
 Sus- ou sous-décalage du segment ST en D II; dysfonction aiguë du VD à l'ETO et dans le
champ opératoire; PVC élevée et hypotension.
 Ponction directe de l'air dans les vaisseaux à l'aiguille fine.
 Différer la protamine.
 Si dysfonction majeure (akinésie droite), retour en CEC après administration de l'héparine. Un
soutien de 15-20 minutes est en général suffisant pour normaliser la situation.
 Si la défaillance droite est modérée, augmenter la pression de perfusion coronarienne:
perfusion de nor-adrénaline et de dobutamine.
Hypoxémie en CEC
L'hypoxémie est liée à un défaut d'alimentation en O2 (mélangeur, déconnexion), à un défaut de
l'oxygénateur, ou à une désaturation excessive du sang veineux (bas débit, hématocrite trop bas,
consommation excessive, hyperthermie). Une héparinisation insuffisante peut conduire à une
thrombose partielle de l'oxygénateur.
 Sang artériel de couleur foncée dans la canule aortique; PaO2 < 100 mmHg, SvO2 < 55%.
 Contrôle des connexions de l'oxygénateur (prise murale, tuyaux, fixation, fuite) et de la FiO2
du circuit.
 En début de CEC: ventilation à 100% O2 et sortie immédiate de pompe.
 En cours de CEC: refroidir à 20°C pour pouvoir interrompre la CEC et changer d'oxygénateur.
 Appeler de l'aide pour préparer un nouveau circuit.
 Curarisation profonde pour diminuer la consommation d'O2 musculaire.
Thrombose du circuit
La thrombose du circuit est un événement catastrophique qui oblige à interrompre la CEC pour
changer immédiatement le réservoir, l'oxygénateur et les filtres. Elle est due à une héparinisation
insuffisante, à une administration intempestive de protamine, ou à l'utilisation des aspirations de
cardiotomie après neutralisation de l'héparine par la protamine.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
133




En début de CEC: ventilation à 100% O2 et sortie immédiate de pompe.
En cours de CEC: refroidir à 20°C pour pouvoir interrompre la CEC et changer d'oxygénateur.
Clamper les canules veineuses et artérielles.
Appeler de l'aide pour préparer un nouveau circuit.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
134
CEC en chirurgie non-cardiaque
Prendre en charge l'hémodynamique et les échanges gazeux par une CEC de soutien est une possibilité
qui permet de travailler à l'aise dans un champ opératoire qui comprend des organes cruciaux pour la
survie. De plus, une CEC permet de refroidir ou de réchauffer le patient. Il existe plusieurs domaines
d'application de la CEC en-dehors de la chirurgie cardiaque.







Neurochirurgie: excision d'anévrysmes sous hypothermie;
Chirurgie de la veine cave inférieure: tumeur rénale, transplantation hépatique;
Chirurgie de l'arbre trachéo-bronchique, transplantation pulmonaire;
Chirurgie de l'aorte thoraco-abdominale;
Soutien hémodynamique en cas de défaillance ou d'intoxication aiguës;
Réchauffement d'accidentés hypothermes;
Perfusion isolée de membre en oncologie.
La possibilité d'induire une hypothermie modérée (30-34°C) par une CEC fémoro-fémorale a séduit
les neurochirurgiens dans les années soixante déjà, notamment pour le traitement d'anévrysmes
intracrâniens très grands ou stratégiquement mal placés, et d'hémangioblastomes situés dans le tronc
cérébral. Malheureusement, la mortalité est restée élevée et la technique est peu utilisée. Outre les
difficultés propres à la neurochirurgie, la CEC et l'hypothermie dans ces conditions présentent des
risques majeurs de fibrillation ventriculaire dès que la température est inférieure à 30°C et de
dilatation du VG à cause de l’absence de drainage du ventricule. De plus, elle augmente
considérablement l'incidence d'acidose, d'hémorragies profuses et d'oedème cérébral [255].
Certaines tumeurs rénales peuvent s'étendre dans la veine cave inférieure (VCI) et remonter jusqu'à
l'OD. La CEC permet d'occlure la VCI et de limiter le risque d'embolisation tumorale [209].
L'échocardiographie trans-oesophagienne (ETO) peropératoire permet de diagnostiquer la position des
masses tumorales dans la VCI et de monitorer le risque d'embols en continu. En transplantation
hépatique, il s'agit de réaliser un shunt veino-veineux pour maintenir le flux de la VCI vers l'OD
lorsque le chirurgien est obligé de clamper la veine cave et la veine porte pendant l'hépatectomie du
receveur, ce qui entraîne l'effondrement du débit cardiaque accompagné d'une stase mésentérique et
rénale massive. Dans ce cas, on utilise en général un circuit veino-veineux pré-hépariné et une pompe
centrifuge, mais pas d'oxygénateur ni de réservoir; le débit ne doit pas descendre au dessous de 1
L/min, sans quoi la précharge du coeur n'est plus maintenue et le circuit risque de thromboser. Le
risque d'embolie et de décanulation accidentelle n'est pas négligeable. Les développements de la
chirurgie hépatique ont rendu cette technique plus ou moins caduque.
Il arrive que des tumeurs ou des traumatismes trachéo-bronchiques nécessitent une reconstruction
empêchant toute ventilation pendant plus d'une heure. Une CEC (canulation fémoro-fémorale, ou aorte
ascendante et OD de façon habituelle) permet de maintenir les échanges gazeux pendant cette période
et d'opérer une trachée débarrassée du tube oro-trachéal. En transplantation pulmonaire, il n'existe
malheureusement pas de test préopératoire fiable qui permette de prédire le besoin de CEC, si bien que
c'est le test de clampage de l'artère pulmonaire dans le champ opératoire qui permet seul de décider.
Dans les syndromes restrictifs, une faible tolérance à l'effort et un abaissement de la fraction d'éjection
du VD ont une certaine valeur pronostique [97]. Si le clampage de l'artère pulmonaire engendre une
défaillance ventriculaire droite avec ou sans poussée hypertensive pulmonaire et si la situation n'est
pas contrôlable pharmacologiquement, il est nécessaire de recourir à une CEC pour maintenir le débit
cardiaque. La CEC donne aussi beaucoup plus de latitude à l'opérateur pour manipuler le coeur, et
permet de réaliser les anastomoses des veines pulmonaires dans de meilleures conditions.
De lourdes comorbidités associées à des sténoses très proximales des troncs coronariens et à une
dysfonction ventriculaire (FE < 0.25) peuvent être une contre-indication aux pontages aorto-
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
135
coronariens. Toutefois, le risque de fibrillation ventriculaire et de collapsus circulatoire est trop élevé
pour procéder à une dilatation et pose de stents par intervention coronaire percutanée (PCI
percutaneous coronary intervention). On peut alors procéder à une PCI sous assistance circulatoire par
une CEC fémoro-fémorale en salle de cathétérisme. La tendance actuelle est plutôt d'utiliser une
contre-pulsion intra-aortique.
Le soutien par une CEC pendant 5-10 heures peut suffire à maintenir en vie un patient présentant une
intoxication médicamenteuse, notamment avec des anti-arythmiques comme la flécaïnide ou la
digitale. Une hémofiltration accélère la clairance du produit.
La miniaturisation de circuits héparinés (Mini-CEC, voir Figure 7.16 page 28) et les possibilités de
ponction fémorale percutanée (au lieu de canulation à ciel ouvert) ont récemment permis d'exporter la
CEC de soutien en-dehors du bloc opératoire comme support hémodynamique d'urgence chez des
patients en choc cardiogène ou en arrêt cardio-pulmonaire (voir Chapitre 12 Dispositifs à court terme)
[38]. Les résultats sont encourageants: dans une série de 46 patients, on relève 61% de réussites
permettant le sevrage de la CEC et 28% de survie à long terme; la CEC n'a pas permis d'atteindre un
débit satisfaisant dans 11% des cas seulement [316].
L'application à la chirurgie de l'aorte thoraco-abdominale est traitée dans le chapitre de la chirurgie de
l'aorte (voir Chapitre 18 Protection médullaire); le soutien de l'hémodynamique et des échanges
gazeux (ECMO) est envisagé dans le chapitre de l'insuffisance cardiaque (voir Chapitre 12 Assistance
ventriculaire).
Technique de la CEC de soutien
Montage du circuit
Ce type de circuit comprend tous les éléments habituels d'une CEC de chirurgie cardiaque: réservoir
veineux, pompe à galet ou centrifuge, oxygénateur, échangeur thermique, aspirations, filtres,
éventuellement hémofiltration. L'important volume d'amorçage (1200-1500 mL) est responsable d'une
hémodilution significative du patient; la technique présente également tous les inconvénients d'une
CEC classique: encombrement de la salle d'opération, hémorragies, risques d'embolies gazeuses,
syndrome inflammatoire systémique, troubles hématologiques et neurologiques. On peut réduire ces
phénomènes en utilisant des systèmes de Mini-CEC qui ne disposent pas de réservoir veineux et
fonctionnent avec une pompe centrifuge (volume d'amorçage: 400-800 mL) (voir Mini-CEC et Figure
7.16).
Le plus souvent, on canule les vaisseaux fémoraux: le sang est drainé par une canule veineuse placée
dans la VCI depuis la veine fémorale; certaines longues canules permettent de remonter jusqu'à l'OD
pour avoir un meilleur drainage. Le sang artérialisé est renvoyé dans l'aorte abdominale par une canule
artérielle introduite dans l'artère fémorale jusque dans l'artère iliaque primitive. Le sang circule donc
de manière rétrograde dans l'aorte, ce qui augmente le risque d'embolies cérébrales en cas
d'athéromatose importante de l'aorte thoraco-abdominale. Un anévrysme ou un syndrome de Leriche
sont évidemment des contre-indications. Ce système ne permet habituellement pas un débit supérieur à
5 L/min; la moyenne est 2-4.5 L/min selon la résistance sur la canule artérielle (voir Chapitre 12
Dispositifs à court terme).
Au lieu de disséquer les vaisseaux fémoraux et de placer les canules à ciel ouvert, on dispose
maintenant d'une technique de canulation percutanée par méthode de Seldinger (canule artérielle 15F19F, canule veineuse 17F-23F) [316]; il est possible de disposer d'une canule distale (5F) pour la
perfusion continue simultanée du membre inférieur. On peut encore concevoir un circuit veinoveineux entre la veine fémorale et un retour de sang oxygéné dans l'oreillette droite par une deuxième
longue canule veineuse. Outre la technique fémoro-fémorale, il existe une pléiade de possibilités de
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
136
montage variant selon les problèmes chirurgicaux: canulation classique dans l'aorte ascendante et
l'OD, canulations abdominales, canulation de l'artère sous-clavière droite, etc.
L'incidence de complications locales sur l'axe fémoral artériel et veineux est de 26%, le plus grave
étant l'ischémie du membre inférieur dont l'artère fémorale est obstruée par la canule. Le taux
d'embolisation systémique (cérébral et mésentérique) est de 3-5% [316]. En cas d'insuffisance de la
valve aortique, il est prudent de monitorer la dimension du VG avec l'ETO.
La plupart du temps, on utilise des circuits pré-héparinés permettant de réduire la quantité d'héparine
systémique: alors que la dose normale est 300 UI/kg, on peut administrer seulement 100 UI/kg
d'héparine et rechercher un ACT de 250 secondes au lieu de 450 secondes. L'héparine est administrée
avant d'introduire les canules et l'ACT contrôlé 2-3 minutes plus tard. Quel qu'en soit le dosage,
l'héparinisation aggrave immédiatement l'hémorragie dans le champ opératoire. C'est la raison pour
laquelle on essaie de procéder à toute la dissection de l'intervention chirurgicale avant de canuler les
vaisseaux. Avec une basse héparinisation, on ne peut plus interrompre le débit de la machine une fois
que le circuit est rempli de sang à cause du risque de thrombose, qui a lieu en général dans
l'oxygénateur. Il existe donc un système de shunt permettant de maintenir une circulation minimale au
sein de la machine en cas d'interruption du débit dans le malade.
En chirurgie oncologique, il est habituel de ne pas utiliser de CellSaver™ à cause du risque
d'embolisation systémique de fragments tumoraux, bien que ce risque ne soit probablement réel que
pour les tumeurs à métastatisation hématologique. De toute manière, l'utilisation quasi systématique
des aspirations de la CEC est déjà responsable d'une autotransfusion; il n'existe aucune preuve que les
filtres du circuit veineux et artériel soient suffisants pour intercepter toute embolisation tumorale.
Monitorage
Pour l'anesthésiste, la mise en place d'un circuit de CEC impose le monitorage invasif habituel.
 Cathéter artériel: la voie radiale est en général préférable en cas de CEC fémoro-fémorale,
mais le choix de la position du cathéter dépend de la stratégie chirurgicale.
 Voie veineuse centrale: elle est nécessaire pour l'administration des substances vasoactives et
des agents d'anesthésie pendant la CEC, le débit des veines périphériques étant aléatoire.
 Cathéter pulmonaire de Swan-Ganz: il est surtout utile dans le postopératoire pour gérer
l'administration liquidienne et surveiller l'hémodynamique; en peropératoire, il renseigne sur
la part du débit assuré par le coeur, et permet de monitorer la SvO2.
 ETO: très utile pour contrôler la mise en place des canules intrathoraciques (positionnement
en OD), elle assure une surveillance optimale de la performance des ventricules et de la
volémie; l'ETO est nécessaire pour exclure ou monitorer une insuffisance aortique (risque de
dilatation ventriculaire) et un FOP (risque d'embolie paradoxale).
Comme le risque hémorragique est élevé, il est bon de disposer de voies veineuses périphériques de
gros calibre.
Lors d'une CEC de soutien, les échanges gazeux sont assurés à la fois par l'oxygénateur de la CEC et
par les poumons du malade, en fonction du débit relatif de chacun des deux composants. Pour évaluer
l'oxygénation, on dispose de quatre données.
 SpO2: la saturométrie périphérique traduit la quantité d'O2 circulant effectivement en
périphérie, mais elle est sujette à beaucoup d'artéfacts à cause des variations de résistance
artérielle périphérique et de température. Elle n'est fiable que si le moniteur affiche une courbe
correctement pulsée.
 SvO2: la saturation veineuse centrale est mesurée en continu dans le retour veineux de la
machine de CEC; elle est le meilleur indice de l'adéquation de l'apport d'O2 (DO2) par rapport
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
137
aux besoins de l'organisme (VO2). Sa précision est fonction de l'endroit où est capté le sang
par la canule veineuse (OD, VCI, veine iliaque). En dessous de 60%, le patient rentre dans la
zone à risque; en dessous de 50%, le DO2 effectif est insuffisant: le débit cardiaque et la
ventilation doivent être améliorés. L'équivalent d'une gazométrie veineuse centrale est obtenu
en effectuant un prélèvement au niveau du réservoir veineux.
 SaO2: placé sur le circuit artériel de la CEC, le capteur de SaO2 ne mesure que l'efficacité de
l'oxygénateur de cette dernière; pour l'anesthésiste, il est une fausse sécurité parce que sa
valeur voisine normalement 100%.
 Gazométrie artérielle: elle doit être effectuée au niveau du cathéter artériel périphérique, et
non dans le circuit de CEC, où elle ne contrôlerait que le fonctionnement de l'oxygénateur.
Il n'est pas rare que les différents capteurs de SO2 donnent des valeurs différentes. Il faut toujours être
alerté par la valeur la plus basse et ne pas se consoler avec la SaO2 fournie par le perfusioniste. Dans le
doute, il faut effectuer une gazométrie artérielle périphérique (idéalement dans l'artère radiale) et
relever la SvO2 du retour veineux de CEC. La pertinence de la SvO2 mesurée au niveau du cathéter
pulmonaire de Swan-Ganz est fonction du débit sanguin effectif à travers les poumons, c'est-à-dire du
rapport entre le débit du coeur et celui de la pompe.
Anesthésie
Le démarrage d'une CEC partielle représente toujours un moment d'instabilité à cause de
l'hémodilution soudaine par le volume d'amorçage de la pompe, et du risque de vider le malade en
captant trop de sang dans le retour veineux vers le réservoir. La CEC de soutien présente des
caractéristiques bien particulières.
 Deux pompes artérielles distinctes: le coeur du patient et la machine de CEC;
 Une précharge commune: le volume de l'OD ou de la VCI;
 Deux systèmes de ventilation parallèles: les poumons et l'oxygénateur.
Le résultat est un équilibre plus ou moins stable entre le système-patient (coeur et poumons) et le
système-machine (pompe et oxygénateur). Il dépend de la contribution proportionnelle de chacun au
débit artériel et à la ventilation. Cela va de la décharge complète du coeur à l'assistance partielle pour
normaliser la température ou l'oxygénation, et se traduit par une courbe de pression artérielle quasidépulsée dans un cas ou une simple augmentation de la diastolique dans l'autre. Il est prudent de
maintenir une éjection ventriculaire résiduelle pour prévenir la formation de thrombus
intraventriculaire. Une décharge insuffisante du VG se traduit par une dilatation ventriculaire qui met
en danger la survie.
Le partage de la précharge conduit à des transvasages liquidiens massifs et des échanges
médicamenteux constants entre les deux circuits, alors que les pressions artérielles sont assurées par
deux pompes séparées et indépendantes. Il faut admettre un certain degré de "roulis rythmique" entre
les pressions mesurées en artère radiale et en artère fémorale, et éviter toute sur-correction qui aggrave
ce balancement. La méthode la plus fiable est de jouer sur la capacité de la CEC à stocker du sang: le
perfusionniste augmente son retour veineux et emmagasine provisoirement du volume dans le
réservoir en cas d'hypertension, ce qui diminue la précharge du coeur. Au contraire, il freine son retour
en cas d'hypotension, ce qui augmente la précharge du coeur; il rajoute du volume dans la machine
pour maintenir le débit de celle-ci. La précharge de la CEC est réglée par le débit de sortie du réservoir
veineux.
La postcharge (résistance artérielle systémique) est commune aux deux systèmes, mais la pression
générée est fonction de la participation respective du coeur et de la pompe. L'administration d'agent
hypo- ou hypertenseurs intraveineux n'intervient que lorsque la pression ne peut pas être équilibrée par
le jeu du réservoir veineux ou l'adjonction de volume. En général, le débit-machine ne doit pas
descendre en dessous de 1.0 L/min à cause du risque de thrombose dans l'oxygénateur. L'adéquation
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
138
du débit global est jugée par la SpO2, la gazométrie artérielle périphérique, la SvO2 et la diurèse, qui
doit être idéalement de 0.5-1 mL/kg/heure.
Le malade est ventilé à la fois par l'oxygénateur de la CEC et par le respirateur, la proportion de
chaque système étant fonction du débit relatif de la CEC et de l'artère pulmonaire. Lorsqu'on utilise un
halogéné comme agent d'anesthésie, il est important d'en régler une concentration inspirée identique
sur l'oxygénateur et sur le respirateur, sans quoi le gaz qui entre par un système va ressortir par l'autre.
Il est prudent d'avoir une réserve de sang et de facteurs de coagulation suffisante parce qu'une
hémorragie profuse est courante lorsqu'on anticoagule un patient au cours d'une intervention
chirurgicale majeure ou pendant un soutien circulatoire de plus de 24 heures. Des hémorragies jusqu'à
1000 mL/h peuvent survenir dans 20% des cas [316].
CEC de soutien
Un circuit de CEC peut être nécessaire pour maintenir l’hémodynamique et/ou la ventilation pendant
des interventions non-cardiaques mettant momentanément hors-circuit le cœur ou les poumons.
Particularités :
- Deux pompes : le cœur et la machine de CEC (concurrence potentielle)
- Une seule précharge : retour veineux cave
- Deux système ventilatoires : les poumons et l’oxygénateur
- Température minimale 32°C (risque de fibrillation ventriculaire < 32°C)
- Monitorage comme en chirurgie cardiaque
- Surveiller SpO2 et SvO2
- Fi des gaz identique sur le respirateur et l’oxygénateur
- Gérer la pression artérielle en variant la précharge par le réservoir veineux de la CEC
Assistance ventriculaire percutanée
Au lieu de monter tout un circuit de CEC pour soutenir le VG dans un passage critique, il est possible
de recourir à un système d’assistance ventriculaire externe plus simple (voir Chapitre 12 Dispositifs à
court terme). Cette assistance est monoventriculaire et permet de maintenir la perfusion des organes
pendant un épisode de choc cardiogène, ou de procéder à des interventions percutanées à haut risque
sous couvert d’une prothèse circulatoire [259]. Ces systèmes sont conçus pour fonctionner pendant
une courte durée, au maximum 2 semaines [282]. Ils sont implantables par canulation fémorale, mais
peuvent aussi être placés dans d’autres vaisseaux selon les circonstances (sortie de CEC, par exemple).
Le débit pulmonaire et les échanges gazeux sont en général assurés par le VD et les poumons du
patient. Ces dispositifs sont indiqués dans des circonstances où le cœur gauche ne peut plus assurer la
survie.
 Choc cardiogène : infarctus massif, sortie de CEC impossible (stunning), myocardite aiguë,
intoxication médicamenteuse, contusion cardiaque traumatique ;
 PCI complexe (tronc commun) en cas de dysfonction gauche sévère ;
 Stabilisation avant chirurgie cardiaque : ischémie active, CIV, IM degré IV ;
 Attente d’une solution à long terme comme une transplantation d’urgence ou une assistance
implantée.
La mise en place a lieu sous contrôle fluoroscopique et échocardiographique. Ces systèmes demandent
une anticoagulation complète avec de l’héparine (ACT > 300 secondes). Leur performance dépend de
plusieurs conditions [282].
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
139




VD fonctionnel ; un support inotrope est souvent nécessaire en continu pour soutenir le VD ;
Echanges gazeux satisfaisants ;
Absence d’insuffisance aortique (IA degré > I) (risque de dilatation aiguë du VG) ;
Vaisseaux fémoraux de bonne taille (risque d’ischémie du membre canulé).
En assistance monovenriculaire gauche, ces systèmes fournissent seulement une pression aortique
moyenne ; dans ce cas, l’absence de PAs peut compromettre la perfusion coronarienne systolique du
VD, notamment en présence de dysfonction droite et/ou d’hypertension pulmonaire (Figure 7.53).
A
Figure 7.53 : Assistance
ventriculaire
gauche
percutanée. A: système
Impella™
(Abiomed,
Danvers, MA, USA); la
canule
introduite
par
l’artère fémorale ou l’aorte
ascendante (en cas de
sternotomie) est à cheval
sur la valve aortique. La vis
d’Archimède qui tourne à
l’intérieur (B) aspire le
sang dans le VG et le
renvoie
dans
l’aorte
ascendante. C: système
TandemHeart™ (Cardiac
Assist
Technologies,
Pittsburgh, USA); la canule
veineuse introduite par voie
fémorale prélève le sang
dans l’OG en traversant le
septum
interauriculaire
(D); le sang est renvoyé par
une pompe centrifuge (E)
dans l’artère fémorale.
C
B
D
O
G
O
D
E
 L’Impella™ (Abiomed, USA) consiste en une vis d’Archimède montée dans un cathéter placé
à travers la valve aortique qui aspire le sang dans le VG et le renvoie dans l’aorte ascendante.
Le système est aussi utilisable en assistance monoventriculaire droite entre le VD et l’artère
pulmonaire. Le placement de la canule à cheval sur la valve aortique est très précis, sinon la
valve peut devenir insuffisante ou le débit de la pompe peut dilater le VG ;
l’échocardiographie transoesophagienne est très utile pour en contrôler l’adéquation.
 Le TandemHeart™ (Cardiac Assist Technologies, USA) draine le sang veineux de l’OG par
une canule trans-septale (21F) introduite par voie fémorale et le renvoie dans l’artère fémorale
(canule 15-17F) au moyen d’une pompe centrifuge qui débite jusqu’à 4 L/min à 7'500
tours/min.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
140
 Le Lifebridge™ (Medizintechnik GmbH, Allemagne) est un nouveau système modulaire
semi-automatique comprenant un oxygénateur et une pompe centrifuge permettant un débit de
4 L/min par canulation périphérique ou 6 L/min par canulation centrale. Le système est
portable, muni de batteries, et peut fonctionner en extra-opératoire.
La possibilité de prendre en charge un arrêt circulatoire réfractaire par une assistance ventriculaire
aisée à installer pose un problème majeur : comment évaluer les chances de récupération à long terme
de la fonction cardiaque et de la fonction neurologique ? Deux critères sont à prendre en compte : 1) la
durée de débit cardiaque nul (no-flow), et 2) la durée de bas débit cardiaque (low-flow). On peut
considérer les éléments suivants comme une indication possible à l’assistance circulatoire [297] :
 Durée de débit cardiaque nul < 5 minutes ;
 Durée de bas débit cardiaque (en réanimation) < 100 minutes et PeCO2 > 10 mmHg.
Il est évident que ces critères simples sont à mettre en balance avec les circonstances de l’arrêt
cardiaque (âge, traumatisme, hypothermie, etc).
Implications pour l’anesthésie
Bien que certains systèmes percutanés puissent être théoriquement implantés sous sédation, une
anesthésie générale est requise pour la mise en place d’une assistance (voir Chapitre 12 Anesthésie et
assistance ventriculaire). Un cathéter artériel est obligatoire, puisque les pompes rotatives ou axiales
fournissent une pression dépulsée, équivalente à la PAM. Le site de canulation artérielle est choisi en
fonction des canulations de l’assistance. Une voie veineuse centrale est également nécessaire pour la
surveillance de l’éventuelle dysfonction droite (PVC > 12 mmHg) et pour l’administration d’agents
inotropes ; un cathéter de Swan-Ganz est très utile, mais il n’est pas toujours possible de le mettre en
place dans les conditions difficiles de l’urgence et du choc cardiogène profond. Dans les situations où
les minutes comptent, on est souvent contraint à un monitorage minimal. L’échocardiographie
transoesophagienne (ETO), par contre, est aisée à installer ; elle fournit des renseignements
indispensables sur la valve aortique (absence d’IA), sur la position des canules, sur la décharge du VG
et sur la fonction du VD.
Systèmes d’assistance ventriculaire percutanée
Systèmes d’assistance gauche percutanés (voie fémorale):
- Impella® : vis d’Archimède à cheval sur la valve aortique (2.5 – 5.0 L/min), pompe le sang
dans le VG et le propulse dans l’aorte ascendante
- TandemHeart® : pompe le sang dans l’OG par une canule trans-septale et le propulse dans
l’artère fémorale
- Lifebridge® : système modulaire semi-automatique avec pompe et oxygénateur
La mise en route d’une asistance gauche peut précipiter une défaillance droite.
La mise en route d’une assistance monoventriculaire gauche peut toujours conduire à une défaillance
droite aiguë parce que la dysfonction du VD était masquée par celle du VG et parce que la pompe
augmente soudainement le retour veineux systémique à droite ; d’autre part, la décompression du VG
modifie la géométrie du septum interventriculaire et annule sa participation à l’éjection droite. Cette
menace de défaillance droite implique de prendre les mesures nécessaires au soutien du VD avant que
ne se manifeste un choc cardiogène.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
141
 Hyperventilation avec maintien d’une Pit moyenne aussi basse que possible ;
 Perfusion d’agent inotrope (milrinone + adrénaline) ;
 Perfusion de noradrénaline ou de vasopressine pour maintenir la pression de perfusion
coronarienne ;
 Vasodilatateur pulmonaire : NO, prostacyclines, nitroglycérine.
CEC de réchauffement
Les capacités d'échange thermique de la CEC en font une excellente solution pour réchauffer
rapidement les accidentés hypothermes. L'idée en revient à Kugelberg qui a le premier ramené à la
normothermie un patient dont la température centrale était de 21.7°C [192]. Outre un réchauffement
homogène, la CEC offre un support qui écarte le risque d'effondrement hémodynamique sur
fibrillation ventriculaire (seuil de FV: ≤ 28°C) et qui améliore la perfusion tissulaire par hémodilution.
Le coeur est réchauffé avant le reste de l'organisme, et le débit peut être augmenté lors de la
vasodilatation périphérique qui s'installe avec la normothermie.
Indications
La CEC est le traitement de choix pour tous les patients dont la température centrale est inférieure à
28°C, quel que soit leur état hémodynamique, et pour ceux qui sont en collapsus circulatoire. Audessus de 32°C, un réchauffement par voies externe (couverture chauffante, pièce chaude) et interne
(lavage gastrique, perfusions chauffées, dialyse péritonéale) est suffisant. Entre 28° et 32°C, le
réchauffement non invasif est recommandé si le rythme cardiaque est sinusal et la pression maintenue.
Chez les accidentés, le problème majeur est l'association de polytraumatismes et d'hypoxie préalable.
Les chances de survie sont meilleures si le refroidissement a eu lieu sans étouffement, ou plus
rapidement que l'installation de l'hypoxie. La situation idéale pour la victime d'avalanche, par
exemple, est d'être peu habillée, peu profonde, et d'avoir une poche d'air devant le visage. Si le
refroidissement est rapide, la demande en O2 baisse avant que la suffocation et/ou le collapsus
circulatoire n'effondrent l'apport d'O2, et la survie est bonne. En cas de noyade en eau froide, la survie
est pénalisée à cause de l'asphyxie concomitante par l'eau, sauf si la tête n’a pas été immergée. La
présence de lésions traumatiques (fractures, lésions viscérales, TCC) aggrave dramatiquement le
pronostic; lors du réchauffement, le risque d'hémorragie massive et de crush syndrome est très élevé.
Les chances de succès sont également différentes selon les circonstances. Les victimes d'avalanche ou
d'accidents nautiques sont en général des sportifs en bonne santé, alors que les hypothermes rencontrés
en milieu urbain ou dans la campagne sont souvent sans-abris, alcooliques ou drogués. La jeunesse ne
semble toutefois plus être un avantage en dessous de 26°C.
Livide, hypertonique, sans pouls, en mydriase et en apnée, un patient froid n'est pas un patient mort,
mais il lui ressemble furieusement ! En extra-hospitalier, si les voies aériennes sont libres, on procède
à une réanimation cardio-respiratoire selon les recommandations habituelles, avec massage cardiaque
selon le rythme standard en cas d'asystolie, et défibrillation en cas de fibrillation ventriculaire. On ne
déclare le décès que si les voies aériennes sont obstruées et le patient en asystolie. Au déchocage, il
faut des critères de viabilité pour démarrer des procédures de réchauffement invasives, car on ne peut
pas savoir si une asphyxie a précédé l'hypothermie, ou si cette dernière a protégé l'organisme pendant
le collapsus circulatoire et l'arrêt ou la fibrillation ventriculaire. La FA est courante lorsque la
température centrale est < 32°C ; la fibrillation ventriculaire survient en général < 28°C. La T° centrale
se mesure dans le tiers inférieur de l’oesophage.
Selon les recommandations suisses pour la prise en charge des accidents de montagne, l’hypothermie
est classée en 4 stades [105].
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
142




Stade I :
Stade II :
Stade III :
Stade IV :
32-35°C, patient conscient et frissonnant ;
28-32°C, état de conscience altéré, pas de frissons ;
24-28°C, patient inconscient, mais signes vitaux présents ;
< 24°C, signes vitaux absents.
La CEC de réchauffement est clairement indiquée au stade IV, et au stade III si l’hémodynamique est
instable ou le réchauffement non-invasif inefficace. Par régression logistique, on a pu faire ressortir
trois critères qui sont indépendamment associés à la survie [328] :
 Kaliémie < 12 mmol/L ;
 PaCO2 < 80 mmHg ;
 Absence de traumatisme sévère.
Au-delà de ces valeurs, les chances de survie sont nulles parce que des dégâts irréversibles ont eu lieu
avant que le malade ne soit refroidi. En deçà de ces valeurs ou en leur absence, il faut réanimer
activement en se souvenant que "No one is dead until warm and dead". Toutefois, ces critères ne
semblent pas s'appliquer aux enfants; en effet, dans une série de 12 enfants de 2 à 12 ans réchauffés en
CEC après noyade en eau froide et température corporelle inférieure à 25°C, ni le pH, ni le potassium,
ni la PaCO2 ne se sont révélés être des facteurs discriminants entre les survivants et les non-survivants.
Chez les adultes, un potassium > 12 mmol/L est le critère déterminant de lésions irréversibles. Aucun
patient n’a survécu au réchauffement à ce niveau d’hyperkaliémie, alors que ceux qui ont une T°
centrale abaissée jusqu’à 14°C n’ont présenté aucune séquelle neurologique après réanimation [58].
Technique
Actuellement, l’ECMO (voir Chapitre 12 Dispositifs à court terme) est préférée à une CEC standard
car les résultats sont sensiblement meilleurs, surtout parce que le SDRA qui survient très fréquemment
après la réanimation est mieux pris en charge par une ECMO dans les heures qui suivent [58]. La
canulation de l'artère et de la veine fémorale permet de mettre rapidement en route la CEC sans
interférer avec les mesures de réanimation (MCE, intubation, etc); elle assure un débit de 4 L/minute
chez l'adulte, ce qui autorise à monter la température de 1°C par 5 minutes. Le gradient de température
entre le sang du patient et l'échangeur thermique ne doit pas dépasser 10°C. La température du sang ne
doit en aucun cas être supérieure à 37°C. L'utilisation de circuits héparinés permet de réduire la dose
d'héparine systémique, donc les hémorragies secondaires. Chez les enfants, les vaisseaux fémoraux
sont souvent trop fins pour permettre un débit satisfaisant; une sternotomie est alors nécessaire pour
procéder à une canulation conventionnelle.
En général, le rythme cardiaque se rétablit entre 25° et 30°C, mais souvent le coeur commence par
fibriller; cette fibrillation est habituellement réfractaire aux chocs électriques en dessous de 30°C. Si
aucune activité cardiaque n’a repris à 32°C, l’arrêt est définitif [58]. Les patients manifestent des
signes de réveil lorsque la température centrale dépasse 32°C. Les altérations des facteurs de
coagulation et de l'adhésivité plaquettaire au froid rendent l'hémostase difficile et demandent des
perfusions de facteurs de coagulation et de plaquettes. Dans le postopératoire, le SDRA (42%), la
pneumonie (22%) et l'insuffisance rénale (20%) sont courants [369].
Résultats
La littérature comprend essentiellement des rapports de cas isolés. Les quelques séries publiées
donnent un taux de succès sans séquelles neurologiques d'environ 55% [58,328,369,373].
Une étude hélvétique a rapporté un taux de survie de 47% (15 patients sortis vivants de l'hôpital sur 32
accidentés hypothermes avec une température moyenne de 21.8°C); le status neurologique est normal
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
143
chez 14 patients, un seul présentant un léger handicap [373]. Les causes de l'hypothermie étaient
l'avalanche, la chute en crevasse, l'immersion en eau froide ou le suicide. Tous étaient en arrêt
circulatoire et en mydriase fixe à l'arrivée. La durée moyenne entre la découverte des blessés et la CEC
était de 141 minutes, et la durée de CEC de 98 minutes.
Un groupe finlandais a publié une étude groupant 75 patients hypothermes, dont 42 ont pu être
réchauffés par des moyens non invasifs parce qu'hémodynamiquement stables [328]. Sur les 25
patients en collapsus cardio-circulatoire, un seul présentait un TCC sévère et un autre une asphyxie
préalable; les autres souffrait d'une exposition à l'air froid ou d'une immersion en eau froide. Ces 23
patients, arrivés à l'hôpital sous MCE, avaient une température moyenne de 24°C et ont été massés
pendant 106 minutes avant le début de la CEC; celle-ci a duré en moyenne 137 minutes. Quatorze
(61%) sont sortis vivants de l'hôpital.
Il n'y a pas de corrélation entre le taux de survie à long terme et le délai depuis l'accident jusqu'au
réchauffement ou la température à l'arrivée pour autant qu'elle soit supérieure à 12°C. Comme la
récupération fonctionnelle des survivants est excellente, il y a tout lieu d'être agressif dans la prise en
charge des hypothermes profonds.
CEC de réchauffement
Indications : hypothermie accidentelle avec T° centrale < 24°C et instabilité hémodynamique ou
arrêt circulatoire. Survie sans séquelles neurologiques dans 55% des cas. Conditions de succès :
- Refroidissement survenu sans asphyxie préalable ni traumatisme majeur
- Kaliémie < 12 mmol/L
- PaCO2 < 80 mmHg
Technique de CEC ou d’ECMO fémoro-fémorale artério-veineuse
- Réchauffer de 1°C par 5 minutes
- Gradient maximal entre T° du sang et de l’échangeur thermique : 10°C
- Température du sang jamais > 37°C
Comme la récupération fonctionnelle des survivants est excellente, il y a tout lieu d'être agressif dans
la prise en charge des hypothermes profonds, dont on ne peut pas savoir s’ils sont décédés avant
d’avoir été réchauffés
Perfusion isolée de membre
Introduction
La perfusion isolée d’un membre (ILP : Isolated Limb Perfusion) permet d’y administrer des quantités
importantes d’antimitotiques tout en réduisant la toxicité systémique de ces substances. Cette
technique autorise également le maintien du membre en hyperthermie (environ 40 °C), ce qui
augmente l'efficacité cytolytique des agents. Elle s'adresse à des malades présentant des métastases en
transit de mélanome ou de sarcome, isolées à un membre, sans dissémination systémique. La survie de
ces patients est en général inférieure à 6 mois, même après désarticulation du membre. Le traitement
permet le sauvetage du membre dans 80% des cas, avec une survie moyenne de 3 à 5 ans [203].
La machine de CEC est connectée aux vaisseaux iliaques ou fémoraux (respectivement axillaires pour
le membre supérieur); elle comprend pompe, oxygénateur et réservoir comme une CEC standard, mais
n'alimente que le membre isolé de la circulation générale de l'organisme (Figure 7.54).
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
144
Les substances utilisées dans l’ILP varient selon les indications. Ce sont :
 Pour les mélanomes : TNFα + Interféron-gamma (IFN) + melphalan ;
 Pour les mélanomes très distaux chez des personnes âgées : melphalan seul ;
 Pour les sarcomes : TNFα + melphalan.
Température
du sang
Contrôle
de pression
Oxygénateur
Echangeur
thermique
Trappe à
bulles
O2
Air
Eau
41-43°C
Températures
cutanée et
musculaire
Matelas
chauffant
enveloppant
le membre
Pompe
Débitmètre
Figure 7.54 : Système de circulation extracorporelle pour une perfusion isolée du membre inférieur selon la
technique de Lejeune [203].
Les fuites systémiques à partir du membre isolé sont inévitables, mais leur importance dépend de la
relative surpression créée dans le membre par le débit de la CEC ; elles sont peu significatives lorsque
ce débit est maintenu à 45 mL/min par litre de volume du membre. Ces fuites se soldent par des effets
secondaires dont l’intensité est proportionnelle à leur importance et à la toxicité systémique de la
substance utilisée, le plus violent étant le TNF.







Echanges liquidiens entre le patient et la CEC ;
Hyperthermie systémique ;
Choc distributif par vasoplégie massive, en général accompagné d’hypertension pulmonaire ;
Fuite capillaire interstitielle (Capillary Leak Syndrome) ;
SDRA (survient entre 6 et 24 heures post-op) ;
Altérations hématologiques dues à la chimiothérapie ;
Dysfonctions organiques (insuffisance rénale, hépatique) dues au TNF.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
145
Technique d'anesthésie
La technique est superposable à celle utilisée pour la chirurgie cardiaque mais le patient est en général
endormi avant d’être équipé, sauf en cas de cardiopathie associée. Le monitorage et la prise en charge
diffèrent selon que la perfusion contient du TNF ou non, car le risque de choc distributif et son
intensité sont très différents dans les deux situations.
 Le monitorage comprend un cathéter artériel radial (très éventuellement fémoral controlatéral) et un cathéter pulmonaire de Swan-Ganz pour les cas avec peprfusion de TNF, ou un
cathéter artériel et une voie veineuse centrale pour les cas avec melphalan seul ; voies
veineuses de gros calibre.
 Antibiothérapie prophylactique.
 Induction : propofol ou etomidate selon le status cardiovasculaire.
 Entretion de l’anesthésie : sevoflurane, fentanyl, midazolam en appoint.
 Mise en route de la CEC ; le débit de pompe est de 45 mL/min par litre de volume du membre
(mesuré en préopératoire) ; des échanges liquidiens entre la CEC et le patient sont fréquents
pendant cette phase, obligeant à remplir ou à vasodilater le malade à la demande ; le
perfusionniste peut tempérer ces variations en réglant le niveau de son réservoir veineux. Le
liquide d’amorçage contient 200 mL de Ringer-lactate, 200 mL de colloïde et 50 mg héparine.
 Chauffage du membre à 40 °C (20-45 min), le patient étant posé sur le matelas à circulation
d’eau à 42 °C et le membre recouvert par le matelas Bair-Hugger™ à 42 °C . Les températures
monitorées sont : peau distale, muscle distal, peau proximale, muscle proximal, ligne artérielle
de la CEC, rectum, œsophage, sang de l’artère pulmonaire en cas de Swan-Ganz ; la CEC est
débutée lorsque la température-seuil de 38°C tissulaire est atteinte.
 Injection de sérum-albumine marquée au Technécium par voie systémique (10 mCi) et dans
la CEC (4 mCi) ; après équilibration (10-15 min), la caméra placée sur la région précordiale
estime les fuites entre le membre et la circulation systémique ; on doit obtenir un plateau
stable dans le comptage des isotopes, prouvant que ces fuites sont inférieures à 1 %, pour être
autorisé à injecter le TNF.
 Injection dans le réservoir de CEC des substances selon le protocole choisi : TNF et ou
melphalan. Circulation pendant 60 minutes (melphalan) ou 90 minutes (TNF).
 En fin de pompe, remplacement et rinçage du volume de CEC par 2000 mL de
Rhéomacrodex-saline® et de Ringer-lactate vierges de tout produit (jusqu’à 6000 mL lors de
perfusion avec TNF) ; lavage du membre par exsanguination jusqu’à ce que le liquide de
rinçage soit clair.
 Fin de la CEC ; décanulation, protamine selon ACT, reconstruction vasculaire et réveil du
patient.
Problèmes hémodynamiques
L’intervention chirurgicale présente un risque hémorragique important, nécessitant la plupart du temps
des transfusions sanguines. Pendant la CEC, des échanges liquidiens interviennent entre le membre
perfusé et la circulation systémique ; ils aboutissent à des surcharges ou à des spoliations de la
circulation-patient. D’autre part, la toxicité propre des substances utilisées provoque un état de choc
distributif caractérisé par un syndrome inflammatoire systémique massif (SIRS), une extravasation
liquidienne interstitielle importante (Capillary Leak Syndrome) et une diminution sévère des
résistances systémiques conduisant à une hypotension artérielle (choc distributif). Elle s’accompagne
en général d’une hypertension pulmonaire et d’un haut débit cardiaque. Le relâchement du garrot en
fin de CEC est le moment des plus grandes perturbations hémodynamiques, même pour les cas sans
TNF. Toutefois, il est évident que le TNF est le principal responsable des effets hémodynamiques, car
l’importance du choc distributif est proportionnel aux taux de TNF circulant, les résistances
systémiques sont bien plus basses dans les cas avec TNF que lors du simple relâchement du garrot
(effet tourniquet), et le débit cardiaque est significativement plus élevé [79]. Le rinçage du membre
contribue également à la spoliation sanguine. Bien que les taux de TNF enregistrés aient pu être
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
146
10'000 fois supérieurs à ceux observés dans les chocs septiques létaux, tous les épisodes de choc
distributif, quelle qu’en soit l’importance, ont été entièrement réversibles [106].
Une tachycardie soutenue est souvent le premier signe du choc distributif ; la vasodilatation survient
en général en fin d’intervention, après la CEC ; elle peut s’installer de manière très brusque.
L’administration de stimulant alpha (bolus de phényléphrine, perfusion de noradrénaline) doit
commencer dès les premiers symptômes. Une diurèse forcée est recommandée pendant plusieurs
heures (Vu > 1 mL/kg/heure). Des ESV multifocales peuvent êtres induites par le TNF et/ou par
l’hypokaliémie ; elles répondent à la lidocaïne.
Le traitement est fonction de l’intensité des symptômes :
 Remplissage : cristalloïdes et colloïdes, sang (maintenir Hb > 80 g/L) ; les besoins peuvent
être considérables (4-10 litres);
 Noradrénaline : perfusion 2-5 mcg/min ou plus, à titrer selon les RAS ; maintenir une PAM de
70-80 mm Hg pour un patient normotendu ;
 Dobutamine : 3-15 mcg/kg/min si défaillance ventriculaire ; maintenir un index cardiaque >
3.0 L/min/m2;
 Maintenir un débit urinaire supérieur à 1mL/kg/heure (perfusions, mannitol, éventuellement
furosemide si normovolémie).
Soins postopératoires
L’évolution postopératoire est simple s’il n’y a pas eu de relargage significatif de substance.
Cependant, il a été montré que, malgré un lavage extensif, une recirculation du TNF se produit dans la
plupart des cas. On observe un état fébrile et un état circulatoire hyperdynamique modéré, avec
élévation des besoins liquidiens. Lorsque le relargage est important, l’évolution est caractérisée par la
persistance ou l’apparition dans les 12 premières heures d’un choc distributif, d’une augmentation
généralisée de la perméabilité capillaire et d’un SDRA. Les patients peuvent également développer
une insuffisance rénale, une CIVD et des surinfections (baisse des résistances immunitaires) [203].
Ces symptômes ne se manifestent que dans les cas d’administration de TNF. Le membre perfusé doit
faire l’objet d’une surveillance attentive, vu les risques de syndrome de loge, d’ischémie ou de
thrombose vasculaire.
Perfusion isolée de membres
Une CEC à volume réduit permet de perfuser un membre en circuit fermé avec de hautes
concentrations d’antimitotique (TNF-α, melphalan) et en le réchauffant à 38-40°C. Indications :
mélanomes et sarcomes envahissant un membre mais sans métastases à distance.
Malgré les clamps et le garrottage du membre, des fuites systémiques se produisent, entraînant :
- Vasoplégie massive (premier signe : tachycardie réfractaire)
- Syndrome inflammatoire massif
- Syndrome de détresse respiratoire (capillary leak syndrome)
Les effets hémodynamiques sont maximaux au relâchement du garrot.
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147
Conclusions
Depuis le premier cas en 1953, la CEC a progressé à pas de géant au point de devenir une technique
banalisée. En grande partie à usage unique, elle comprend de nombreux systèmes de sécurité qui
n'existaient pas sur les premiers modèles: moniteur de bulles, filtres artériels et veineux, monitorage de
SaO2 et de SvO2, asservissement de la pompe au niveau du réservoir, etc.
La chirurgie à coeur battant (off-pump) a démontré que la CEC n’est pas responsable à elle seule de
toute la morbidité qu’on lui a attribuée: SIRS, complications neurologiques, rénales et pulmonaires,
etc. Une partie de ses inconvénients vient de l’anticoagulation, mais les nouveaux systèmes
biocompatibles permettent de réduire l’importance de l’héparinisation.
Actuellement, les travaux portent essentiellement sur la biocompatibilité des surfaces de contact, sur la
réduction de la réaction inflammatoire et sur la miniaturisation de tout le système. L’introduction de
nouvelles technologies informatiques vise une gestion plus fine de l’hémodynamique et une
sophistication plus poussée des systèmes de contrôle. En simplifiant la tâche du perfusioniste, la CEC
étend son domaine d’application en-dehors de la chirurgie cardiaque, comme lors de réanimation ou
lors de certaines opérations thoraciques et vasculaires invasives. Mais la prise en charge de systèmes
compacts sans réservoir veineux demande une vigilance accrue, parce que ces appareils sont moins
compliants et travaillent à flux tendu.
Précis d’anesthésie cardiaque 2013 – 07 Circulation extracorporelle
148
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Auteurs
Pierre-Guy CHASSOT
Ancien Privat-Docent, Maître d’enseignement et de recherche, Faculté
de Biologie et de Médecine, Université de Lausanne (UNIL), CH 1005 Lausanne
Ancien responsable de l’Anesthésie Cardiovasculaire, Service
d’Anesthésiologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV),
CH - 1011 Lausanne
Carlo MARCUCCI
Responsable
de
l’Anesthésie
Cardiovasculaire,
Service
d’Anesthésiologie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV),
CH - 1011 Lausanne
Former Assistant Professor of Anesthesiology, Duke University,
Durham (NC, USA)
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