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ZIC’ACTUELLES
BANANE SONGS
© Illustration : Mélanie Kochert
Les gens qui croient aux extraterrestres devraient faire un saut au 112, à Terville, le jeudi 19 mai. Ils en verront un de près. Il parle
le Terrien, mais il chante en Marsien. Double masculin de Brigitte Fontaine, Philippe Katerine l’excentrique agite la chanson française et les critiques. Dans son sillage, des remous, et l’envie irrésistible de lâcher du lest et de chanter sous la douche.
J
e suis la reine d’Angleterre et je vous pisse entonne la chanson du même nom. D’autres,
à la raie. » Rassurez-vous, ces mots, interloqués, préfèrent déserter les lieux. « C’est
très shocking, ne sont pas sortis de la du foutage de gueule », s’insurge l’un d’eux.
bouche de Sa Majesté, du moins en Mystère Katerine a encore frappé. D’aucuns
public. Pour écrire des choses pareilles, diront que son dernier album frise le ridicule,
il faut s’appeler Philippe Katerine. La simple avec des titres parfois proches « des gargarismes
évocation de ce chanteur fantasque et décalé – de salle de bain ». Dur, mais peut-être un peu
sans doute le plus déroutant de la scène fran- vrai. Les autres encenseront son authenticité,
çaise – suffit à provoquer des remous dans les son humour noir, sa salutaire liberté, et ce côté
commentaires. L’extraterrestre a coupé la France Orangina qui secoue la chanson gauloise et
les mentalités bien pensantes.
en deux : on aime ou on déteste. On y croit ou on n’y croit
« J’écris des chansons où Adeptes de Vincent Delerm,
pas. Ses partisans le prescrivent on peut chercher toute une s’abstenir…
pour la santé, ses détracteurs
Le Vendéen n’a jamais cavie ce qu’il y a dedans »
collent un autocollant d’imché sa propension à procréer
posteur et d’escroc artistique sur les fesses de des chansons de pur divertissement, dans un
ce troubadour jubilatoire. Dans les médias, les monde policé et policier qui en a bien besoin.
jugements sont tout aussi manichéens.
Et puis il y a les paroles qui cachent bien des
Lors de son dernier passage au Printemps de choses. « J’écris des chansons où on peut chercher
Bourges, dont il était l’une des têtes d’affiche, toute une vie ce qu’il y a dedans », glisse-t-il, sil’artiste déjanté a consacré l’essentiel de ses mor- byllin. Avec son dernier-né, le trublion de la
ceaux à son dernier album, baptisé sobrement pop française fait plutôt dans la monosyllabe,
Philippe Katerine. Il a surtout marqué les es- le phrasé minimaliste. « Mes chansons sont mises
prits. Dans la salle, des spectateurs adhèrent, à nu. C’est aux gens de leur trouver des vêtements,
gesticulent, lui balancent des bananes quand il comme si on habillait des petites Barbie », illustre
le compagnon de Julie Depardieu, qui partage public, et qui, aujourd’hui, désosse les codes de
la bienséance. « Je monte sur scène comme si j’alle même grain de folie.
Cinq ans après le succès de Robots après tout, lais acheter mon pain. » Toute la question est de
dont sont issus les tubes Louxor j’adore et 100% savoir si c’est en slip et talons - un accoutrement
VIP, l’énergumène est allé plus loin dans l’absur- dont il a été le mannequin - qu’il dit bonjour à
dité, la déconne sans airbags, le grand n’importe la boulangère…
quoi. Mais il assume l’incompréhension générée Alors, chanteur fantaisiste le parangon du délire?
par sa plume délurée et décadente. « Mon objec- « Il y a des chansons d’Annie Cordy, de Carlos ou
tif n’est pas d’être compris, mais écouté, plaide-t- d’Antoine, que je trouve beaucoup plus profondes
il. Je ne me fais pas d’illusion, car
que des chansons de Brassens ou
chaque personne a une compréLui, qui se forçait à ses Gainsbourg », réplique l’intéreshension différente de son voisin. » débuts à aller au devant sé, en laissant la porte ouverte
au débat. Un débat que l’on
Ceux qui ont été déclarés aptes
de son public, et qui,
pour ces trouvailles lunaires se- aujourd’hui, désosse les pourrait élargir à tous ces tubes
ront sans doute dans la salle du
codes de la bienséance. anglo-saxons qui perdraient de
leur splendeur et sonneraient
112, à Terville, le jeudi 19 mai.
Au risque de voir l’extraterrestre abandonner bien creux si on les traduisait en français.
son enveloppe vestimentaire. Rien d’étonnant, Comme le succès planétaire Born to be alive, qui
quand on connaît sa propension à finir ou à ap- a valu à son auteur français, Patrick Hernandez,
paraître sur scène en petite tenue qui confine un destin doré. Convertie dans la langue de Moparfois à la ringardise. Mais quand on chante lière, on s’aperçoit que Philippe Katerine n’a rien
Laissez-moi manger ma banane tout nu sur la inventé dans la catégorie simpliste. Mais avec
plage, comment pourrait-il en être autrement ? lui, au moins, on s’amuse !
Comme quoi, la timidité, ça se soigne ! Lui, qui
Maxime Lapierre
se forçait à ses débuts à aller au devant de son
Le19 mai à 20h30 au 112 de Terville