Les atteintes hépatiques liées aux médicaments
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Les atteintes hépatiques liées aux médicaments
Céline Villier Centre de Pharmacovigilance de Grenoble Epidémiologie des hépatites médicamenteuses 14 cas pour 100 000 habitants par an 12% hospitalisation 6% décès Chez les sujet âgés de plus de 60 ans, présentant une anomalie du bilan hépatique, l’atteinte est liée au médicament dans 50% des cas Hépatites fulminantes médicamenteuses : environ 500 cas par an en France. « Mésaventures » au paracétamol à doses thérapeutiques (incidence en augmentation dans les pays développés) Banalisation de la consommation Association à l’alcool (binge drinking) Inducteurs enzymatiques, dénutrition, insuffisance rénale On connaît environ 1000 principes actifs « hépatotoxiques ». Dans les RCP, la fréquence de survenue classique se situe entre 1/10000 et 1/100000 Les essais cliniques incluent 3000 patients au mieux -> détection des fréquences >1/1000 La toxicité hépatique est la 1ère cause de retrait des médicaments du marché. Clinique et biologie Asymptomatique Pauci-symptomatique Nausées, vomissement Diarrhée Douleur hypocondre droit Ictère Asterixis et encephalopathie Diagnostic essentiellement biologique Cytolyse : transaminases Cholestase ○ PAL >> GGT ○ Bilirubine totale Les grands types d’atteinte Mécanisme Immuno-allergique : Principe actif ou métabolite allergisant Toxique : principe actif ou métabolite réactif Lieu de l’atteinte Cytolyse Cholestase ○ Intrahépatique ○ Extrahépatique Vasculaire ○ Peliose ○ Sus-hépatique Infiltrats ○ Stéatose ○ Granulomes La présentation des hépatopathies médicamenteuses recouvre l’ensemble du spectre des pathologies hépatobiliaires aiguës et chroniques connues Une idée fausse…trop répandue La conclusion va dépendre du moment où le rapport est calculé ! Cytolyse Mécanisme toxique direct sur l’hépatocyte = fréquent Statines (10 à 50% des patients, effet moindre de la rosuva) Azolés Pyrazinamide, rifabutine, rifampicine+ isoniazide Isoniazide (chez les acetyleurs lents) Mécanisme immunoallergique = rare, imprévisible Sulfamides, allopurinol, FQ Pyrazinamide Carbamazépine, phénytoïne (époxydes réactifs) On peut conclure sur un mécanisme immuno-allergique si présence d’hyperéosinophilie, éruption cutanée associée, infiltrat lymphocytaire, éosinophile, neutrophile à la biopsie ○ Cas particulier des DRESS avec cytolyse Possibilité d’œdème lésionnel -> compression des voies biliaires intra-hépatiques -> possibilité d’une cholestase dans un 2ème temps Cytolyse – Diagnostic différentiel Hépatites virales A, B, C, D, EBV, CMV, HIV, et surtout hépatite E D’autant plus que le sujet est jeune Bactériennes : mycobactéries… Auto-immunes : CBP Maladie de Wilson Cancéreuses : Kaposi, lymphomes, carcinome Vasculaires / Thrombotiques Génétiques : déficit en alpha-1 antitrypsine, hémochromatose Bas débit cardiaque Clinique évocatrice IR concommittante Cytolyse régression Amorce de descente des enzymes rapide en qq jours si mécanisme immuno-allergique Régression complète en 3-4 semaines Eventuellement plus si cholestase associée Sauf si médicament à ½ vie longue Amiodarone Mefloquine Cholestase Obstacle intrahépatique ou extrahépatique Différents types d’atteinte Immuno-allergique ○ Réaction oedémateuse / inflammatoire au niveau de l’épithelium des voies biliaires => Ductopénie (Vanishing Bile Duct Syndrome) Anomalies des transporteurs ○ Inhibition de la BSEP : rifampicine, ciclosporine , rifamycine, bosentan, troglitazone, erythromycine, glibenclamide ○ Inhibition MRP2 : ciclosporine ○ Mutation MDR3 : cholestase aux oestrogènes Obstacle médicamenteux ○ Sludge vésiculaire liés à la précipitation de sels calciques de ceftriaxone Accumulation d’acides biliaires Cytotoxicité –> Possibilité de cytolyse dans un 2ème temps Cholestase –diagnostic différentiel Cholestase post-opératoire Production accrue de bilirubine = hémolyse Cytokines inflammatoires qui inhibent le transport biliaire Obstruction des VB extra hépatiques Souvent après intervention longue avec transfusion ou CEC Ictère à J2 avec maxi à J10, régression en 2 à 3 semaines Obstacle sur les voies biliaires (tumeur calcul) Cholestase régression Régression à l’arrêt du traitement plus longue que la régression d’une cytolyse Habituellement en 6 semaines Sauf si médicament à ½ vie longue En cas de ductopénie, l’élévation des PAL peut durer jusqu’à 6 mois après l’arrêt du traitement (temps de réparation des voies biliaires intrahépatiques) Stéatose (1) Dysfonction mitochondriale -> anomalie de la beta-oxydation De nombreux médicaments, ou leur métabolites, forment des esters du coenzyme A (CoA), et séquestrent ainsi le CoA, qui ne alors peut plus assurer l’oxydation des substrats endogènes ○ Syndrome de Reye et salicylés ○ Valproate Analogues nucléosidiques de incorporation dans l’ADN mitochondrial (ddC, d4T, AZT, ddI) Accumulation dans les mitochondries ○ Amiodarone (+ association dans les lysosymes->phospholipidose) ○ Nutriton parentérale ○ Nifédipine, diltiazem, tamoxifène Majoration par l’alcool Syndrome dysmétabolique induit Neuroleptiques Corticothérapie Inhibiteurs de calcineurine Rétinoïdes Inconnu : MTX Stéatose (2) Clinique et paraclinique : Elévation des transaminase inexistante ou modérée Elévation de GGT Acidose lactique +/- ammoniémie dans les formes sévères Surtout visible à l’écho Surtout hépatomégalie Evolution : 15% à 50% des stéatoses évolueront vers une stéato-fibrose, 7% à 16% vers une cirrhose Diagnostic différentiel Obésité Diabète mal contrôlé Hypertriglycéridémie Alcool Hépatite C Hépatiques granulomateuses 30 % des granulomatoses hépatiques sont médicamenteuses En général, il s’agit d’une forme évoluée d’une hépatite d’hypersensibilité de type 4 allopurinol, pénicillines, sulfamides, quinidine, diltiazem Accumulation Laxatifs huileux Diagnostic différentiel Sarcoïdose Mycobactéries Brucellose Cirrhose biliaire primitive Shistosomiase Hépatites auto-immunes Généralement non médicamenteuses Association à des auto-Ac généralement fortuite Parfois induction d‘AC anti-noyau, d‘AC anti-muscles lisses et moins souvent d‘AC anti-microsomes de type 1 (anti LKM1) et anti-cytosol Quelques médicaments peuvent induire des hépatites avec auto-AC Dihydralazine (AC anti CYP1A2) Diclofenac (Anti-CYP 3A4 et anti-UGTs) Halothane (Anti-CYP 2E1 et anti-UGTs) Phénobarbital, phénytoïne, carbamazépine (Anti-CYP 3A1) Minocycline Nitrofurantoïne Rifampicine Statines Ibuprofene Tumeurs hépatiques Généralement pas médicamenteuses Adenome avec oestrogènes Angiosarcome avec la testostérone et dérivés Elévation enzymatiques sans atteinte du parenchyme Elévation de GGT avec les inducteurs enzymatiques carbamazepine, fosphenytoine, oxcarbazepine, phenobarbital, phenytoine, primidone efavirenz, nevirapine rifabutine, rifampicine Doit être interprété comme un marqueur de l’imprégnation En pratique (1) Ne pas stopper tous les médicaments simultanément On peut prendre le temps de faire des arrêts étagés pour identifier le coupable S’orienter vers les derniers médicaments introduits Vers les hépatotoxiques notoires Quand on n’a aucun coupable idéal, stopper les médicaments les moins utiles Se donner 1 bonne semaine entre chaque arrêt de traitement pour apprécier les mouvements enzymatiques … sauf dans les hépatites fulminantes Si tous les médicaments ont été stoppés ensemble Réintroduction progressive des médicaments les plus utile et les moins suspects En pratique (2) Atteinte immuno-allergique On ne réintroduit pas Très peu de données sur les réactions croisées Pas de testing allergologique possible Atteinte toxique On peut réintroduire à dose plus faible Sous surveillance des enzymes N’oubliez pas la déclaration [email protected] [email protected] Tel : 04 76 76 51 45 Fax : 04 76 76 56 55 Tous le canaux sont possibles, à vous de choisir Fiche ou pas fiche, à vous de choisir N’oubliez pas de donner des nouvelles a posteriori La conclusion sur les hépatopathies médicamenteuses n’est jamais immédiate Diagnostic différentiel ○ Hépatite E ? ○ Bilan AI ? ○ IRM voies bilaires ? Evolution enzymatique à l’arrêt ○ Bilan hépatiques faits en ambulatoire ? Céline Villier Centre de Pharmacovigilance de Grenoble Définition de l’IH Diagnostic biologique Taux de prothrombine < 50% Facteur 5 < 50% Parfois diagnostic clinique : Syndrome hémorragique Encéphalopathie Score semiquantitatif de Child Pugh IH des hépatites aiguës ≠ IH des cirrhoses Transaminases > 10N en cas d’atteinte aiguë Transaminases normales en cas de cirrhose Angiomes stellaires, erythrose palmaire , hypocratisme digital, ongles blancs en cas d’atteinte chronique Absence de corrélation entre les tests biologiques et la modification de pharmacocinétique des médicaments - > Difficultés d’adaptation posologique Conséquences de l’IH Modifications pharmacocinétiques Distribution du médicament ○ Hypoalbuminémie -> élévation de la fraction libre ○ 3ème compartiment en cas d’ascite Métabolisation hépatique ○ Phase 1 : oxydation Diminution de la métabolisation par les CYP ○ Phase 2 : conjugaison La glucuroconjugaison est peu impactée Elimination ○ Accumulation par altération du transport biliaire : ciclosporine ○ IR surajoutée en cas de syndrome hépato-rénal Modification pharmacodynamiques ○ Sensibilité accrue aux AINS ○ Sensibilité accrue aux morphiniques Paramètres d’adaptation Liaison aux protéines plasmatiques Coefficient d’extraction hépatique C’est le principal critère permettant d’asseoir l’adaptation posologique N’est pas connu pour l’ensemble des médicaments +++ L’extraction hépatique lorsqu’elle est élevée, dépend de l’approvisionnement en amont. C’est-à dire que les médicaments à fort coefficient d’extraction s’accumulent en cas d’IH et d’autant plus qu’il y a une diminution du débit sanguin hépatique ○ Si bas débit cardiaque ○ Si colatérales dans la cirrhose Médicaments à haut coefficient d’extraction hépatique (>60%) Médicaments « débits-dépendants » car clairance hépatique = débit sanguin hépatique PK influencé en cas de shunt Biodisponibilité généralement >40% Diminuer la dose de départ et la dose d’entretien En fonction de la biodisponibilité orale ○ Si biodispo de 30% : Dajustée : Dose normalex0,3 Médicaments concernés Analgesics Morphine (0.76), pentazocine (0.8), propoxyphene (n/a) Anthelmintics Praziquantel (n/a) Antianginal agents Isosorbide dinitrate (0.78), nitroglycerine (≈1) Anticholinesterases Tacrine (n/a) Antidepressants Dibenzepin (0.75), doxepin (0.72), imipramine (0.61), mianserin (0.67), sertraline (≈1), trimipramine (0.67), venlafaxine (0.73) Antihistamines Promethazine (0.76) Antihyperlipidemic drugs Fluvastatin (0.71), lovastatin (0.95) Antimigraine agents Sumatriptan (0.82) Antineoplastic and Ciclosporin (0.72), fluorouracil (0.71), idarubicin (≈1), mercaptopurine (0.80), sirolimus (n/a), tacrolimus immunosuppressive agents (0.75), vinorelbine (n/a) Antiparkinson drugs Bromocriptine (0.60), levodopa (n/a), selegiline (≈1), biperiden (n/a) Antipsychotics Chlorpromazine (0.68), chlorprothixene (n/a), flupentixol (n/a), quetiapine (0.91), perphenazine (0.8), sulpiride (n/a) β-adrenoceptor antagonists Labetalol (0.67), metoprolol (0.67), propranolol (0.75) Calcium channel antagonists Nicardipine (0.82), nisoldipine (0.96), verapamil (0.90) Hypnosedatives, antianxiety Buspirone (0.96), clomethiazole (0.9), midazolam (0.62), zaleplon (0.73) drugs Phosphodiesterase inhibitors Sildenafil (0.62) Prokinetic drugs Cisapride (0.65) Médicaments à extraction intermédiaire (entre 30 et 60%) PK parfois influencée en cas de shunt Si biodispo >40%, peu d’impact Démarrer à dose réduite et réduire la dose d’entretien De combien ? Si le médicament est conjugué : adaptation peu probablement nécessaire Si métabolisé par CYP ○ Child Pugh A : -50% ○ Child Pugh B : -25% ○ Adaptation en fonction de la clinique Médicaments concernés Analgesics Codeine (0.52), pethidine (meperidine) [0.52] Antiarrhythmics and Amiodarone (0.54), lidocaine (0.4) anaesthetic agents Antibacterial drugs Ciprofloxacin (0.4), erythromycin (0.38) Antidepressants Amitriptyline (0.6), clomipramine (0.5), mirtazapine (0.43), nortriptyline (0.34), paroxetine (0.38) Antifungal agents Itraconazole (0.4) Antihyperlipidemic drugs Atorvastatin (0.55), pravastatin (0.32), simvastatin (0.35) Antineoplastic and Azathioprine (0.4), etoposide (0.48) immunosuppressive agents Antiparkinson drugs Entacapone (0.48) Antipsychotics Amisulpride (0.52), clozapine (0.45), fluphenazine (0.47), haloperidol (0.55), olanzapine (0.4), zuclopenthixol (0.51) Antiulcer drugs Omeprazole (0.35), ranitidine (0.48) β-adrenoceptor antagonists Carvedilol (0.41) Calcium channel antagonists Diltiazem (0.55), felodipine (0.56), nifedipine (0.33) Progestogens Medroxyprogesterone (0.55) Prolactin inhibitors Lisuride (0.53) Psychostimulants Methylphenidate (0.54) Médicaments à faible extraction hépatique (>30%) et à faible fixation protéique (<90%) Médicaments « enzyme-dépendants » PK peu influencée en cas de shunt Biodisponibilité >70% Démarrer à dose normale et réduire la dose d’entretien De combien ? Si le médicament est conjugué : adaptation peu probablement nécessaire Si métabolisé par CYP ○ Child Pugh A : -50% ○ Child Pugh B : -25% ○ Adaptation en fonction de la clinique Médicaments concernés Analgesics Paracetamol (acetaminophen) Antibacterial drugs Doxycycline, metronidazole Antidepressants Citalopram, fluoxetine, fluvoxamine, moclobemide Antiemetics Metoclopramide Antiepileptics Carbamazepine, ethosuximide, lamotrigine, levetiracetam, phenobarbital, primidone, topiramate Antihistamines Diphenhydramine Antineoplastic and Cyclophosphamide, hydroxycarbamide (hydroxyurea), letrozole, melphalan, temozolomide immunosuppressive agents Antiparkinson drugs Pramipexole Antipsychotics Risperidone Benzodiazepines Alprazolam, bromazepam, clobazam, flunitrazepam, flurazepam, nitrazepam, triazolam Bronchodilators Theophylline Corticosteroids Methylprednisone, prednisone Tuberculostatic drugs Isoniazid Other hypnotics and sedatives Methaqualone, zopiclone Médicaments à faible extraction hépatique (>30%) et à forte fixation protéique (>90%) Médicaments globalement enzymes dépendants PK peu influencée en cas de shunt Difficultés à prévoir ce qui va se passer (surdosage ou sous-dosage) Dosages plasmatiques recommandés Mais pas disponibles pour tous les médicaments Surveillance clinique Médicaments concernés Analgesics Methadone Antiandrogens Cyproterone Antibacterial drugs Ceftriaxone, clarithromycin, clindamycin Anticoagulants Phenprocoumon Antidepressants Maprotiline, trazodone Antidiabetic drugs Glipizide, tolbutamide Antiepileptics Phenytoin, tiagabine, valproic acid Antiestrogens Tamoxifen, toremifene Antihyperlipidemic drugs Clofibrate, gemfibrozil Antineoplastic and Chlorambucil, mycophenolate mofetil Immunosuppressive agents Antiparkinson drugs Sertindole Antipsychotics Tolcapone Antiulcer drugs Lansoprazole Benzodiazepines Chlordiazepoxide, diazepam, lorazepam, oxazepam, temazepam Corticosteroids Prednisolone Tuberculostatic drugs Rifampicin (rifampin) Other hypnotics and sedatives Zolpidem Diminution des effets de médicaments Azathioprine par diminution de la formation de la 6-mercaptopurine Résistance à l’insuline Résistance aux diurétiques Diminution de l’efficacité de la vaccination contre HBV Diminution de l’absorption des vitamines liposolubles en cas de cholestase prolongée En pratique Theriaque : 3600 spécialités contre-indiquées en cas d’IH Beaucoup par manque d’étude 137 spécialités contre-indiquées en cas d’encéphalopathie hépatique Propranolol / pindolol Furosémide / Hydrochlorothiazide Cicletanine