L`inéluctabilité de la bugne
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L`inéluctabilité de la bugne
L’inéluctabilité de la bugne De la symbolique des formes de base Il en va ainsi des aliments et de toutes choses ; on peut les rapporter à de simples formes géométriques de base : le cercle, le carré, le triangle, le rectangle, le losange, l’ellipse. Il en va ainsi de la bugne. En effet, la forme de base d’une bugne relève d’un simple rectangle. D’un point de vue symbolique le rectangle relève du carré, qui signifie l’imperfection du monde terrestre et la matérialité. Ceci sachant que le rectangle présenté à la française (c'est-à-dire à la verticale) s’avère plus dynamique que dans sa présentation à l’italienne (à l’horizontale) qui crée un effet panoramique : De l’origine de la chose Comme à chaque fois que l’on aborde une question contemporaine, l’on peut dire que l'origine des bugnes est très ancienne : il s'agissait déjà d'une spécialité dans la Rome antique qui se dégustait à l'époque du carnaval. En italien, on les appelle chiacchiere, qui signifie faire un brin de causette. 1 Traditionnellement, à Saint-Étienne, les charcuteries proposaient des bugnes juste avant le mardi gras afin de se rappeler au bon souvenir des stéphanois qui allaient commencer le carême et donc délaisser leurs commerces. Les particuliers avaient également l'habitude d'en faire, afin de ne pas gâcher les matières grasses (huile de cuisson) dont l'usage était interdit par le carême. De nos jours, les boulangeries les proposent également, mais en respectant tout de même l'époque de mardi gras. Du marquage géographique et culturel Il s’avère évident que l’on trouve aujourd’hui deux types de bugnes. Les unes, dites lyonnaises, sont jaunes, plates et croustillantes. Elles sont cuites dans une huile très chaude et la pâte est très fine. Les autres, les bugnes stéphanoises, sont plus « rouges » et plus moelleuses. Elles sont réalisées à partir d'une pâte plus épaisse. Les boulangeries proposent généralement les deux types au moment des bugnes. On aura vite compris que le finesse s’oppose, là aussi, à la rudesse rougeoyante ; mais qu’il n’en demeure pas moins la moelleusitée. Bugne stéphanoise 2 De l’essentialisme de la bugne Il apparaît ici évident que la présence annuelle de la bugne relève à la fois d’une tradition religieuse et d’une invention mercantile. Ainsi elle renverrait à la fois à un rituel durablement installé (une espèce de scansion annuelle) et à un implicite de son avènement. On se trouverait donc là confronté à l’inéluctabilité d’un acte gourmand confronté lui-même à un sens plus ou moins perdu de vue. Histoire de dire que lorsque nous mangeons une bugne, nous dégustons, bien sûr, de la matière, mais aussi de la mémoire et de la symbolique. Et ce n’est pas rien. De la perspective de la chose In fine, l’on pourrait imaginer l’installation quelque part dans la ville de Saint-Etienne d’’une apparition à la Claes Oldenburg qui soit consacrée à la bugne. Pierre Faurand / 12/04/15 3