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„ Les Ivoiriens résisteront à la nouvelle guerre de Ouattara « Entretien avec Alain Toussaint, conseiller de
Laurent Gbagbo
Afrik.com
Abidjan, Côte d'Ivoire, 2011-01-02 (Afrik.com) - Untitled 5
„ Les Ivoiriens résisteront à la nouvelle guerre de Ouattara «
Entretien avec Alain Toussaint, conseiller de Laurent Gbagbo
Source: Afrik.com vendredi 31 décembre 2010
La crise post-électorale perdure depuis un mois en Côte d’Ivoire. La
médiation entreprise par la Communauté économique des Etats de
l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui n’exclut pas de recourir à la force,
ne semble pas avoir eu raison de la résistance de Laurent Gbagbo,
reconduit à son poste de Président par le Conseil constitutionnel. En
dépit du soutien de la communauté internationale, Alassane Ouattara,
déclaré vainqueur de la présidentielle ivoirienne par la Commission
électorale indépendante, n’exerce pas seul la fonction suprême. Alain
Toussaint, conseiller du Président Laurent Gbagbo chargé des
relations avec l’Union européenne, explicite la position de son camp
dans cette nouvelle crise ivoirienne. Entretien.
Alors qu’Alassane Ouattara, le Président ivoirien élu selon la
Commission électorale indépendante, vient de lui lancer un ultimatum
qui expire ce vendredi à minuit, Laurent Gbagbo n’est pas près de
quitter le pouvoir, confirme Alain Toussaint, son conseiller chargé des
relations avec l’Union européenne. Selon lui, l’un des deux Présidents
ivoiriens prône le dialogue pour trouver une issue à la crise politique
que traverse son pays depuis le 2 décembre. Les "Jeunes patriotes",
conduits par le ministre de la Jeunesse Blé Goudé, menacent, eux, de
„ libérer « après le 1er janvier « le Golf Hôtel, où Alassane Ouattara a
trouvé refuge, sous la protection des Nations unies, également
menacées par les partisans de Laurent Gbagbo.
Afrik.com : Laurent Gbagbo conteste la victoire d’Alassane Ouattara
mais le fait qu’on ait vu ses partisans empêcher la proclamation des
résultats par la Commission électorale indépendante (CEI) ne
constitue-t-il pas une preuve de sa défaite ?
Alain Toussaint : Pas du tout ! La CEI est contrôlée à 90&percnt par
les membres du RHDP (le Rassemblement des Houphouétistes pour la
paix, coalition qui s’est formée autour d’Alassane Ouattara au second
tour, ndlr). La commission électorale en Côte d’Ivoire est partisane et
largement dominée par des intérêts politiques. Les représentants de
LMP (La majorité présidentielle, ndlr) au sein de la CEI ont souhaité
qu’aucun résultat ne soit rendu public sans qu’il n’y ait validation et
accord entre les différents intérêts représentés. C’est compte tenu de la
violation de ces règles que les représentants de LMP ont empêché la
proclamation des résultats provisoires de trois régions qui étaient
acquises au Président Gbagbo comme on l’a constaté plus tard. Ce
sont des régions - Agneby, Moyen Cavally et Sud Comoé - où le
Président Gbagbo est arrivé largement en tête.
Afrik.com : N’aurait-il pas été plus équitable que le Conseil
constitutionnel, qui devait juger du contentieux, réorganise les
élections pour l’évacuer ? D’autant que les contestations du camp
Gbagbo concernent le Nord qui n’est pas son fief naturel. Alassane
Ouattara avait largement remporté le scrutin dans ces régions lors du
premier tour de la présidentielle.
Alain Toussaint : Le Président Gbagbo ne conteste pas les résultats de
l’élection puisqu’il a été déclaré, lui, vainqueur selon la loi ivoirienne.
Le Conseil constitutionnel a proclamé Laurent Gbagbo Président de la
République de Côte d’Ivoire et M. Alassane Ouattara comme celui qui
a perdu les élections. Le Conseil constitutionnel a jugé recevable les
recours en annulation introduits par le Président Laurent Gbagbo […]
Dans plusieurs régions du Nord du pays, où les élections ne se sont pas
déroulées dans des conditions de transparence et de sécurité ; et
lorsque le vote a pu avoir lieu, les PV dans la plupart des
circonscriptions ont été trafiqués par les partisans de M. Ouattara.
C’est tout cela qui a motivé la décision du Conseil constitutionnel qui
a agi en toute responsabilité. Le Conseil constitutionnel n’a fait
qu’appliquer la Constitution. Il y a des recours en annulation. Les
recours sont jugés recevables, et par conséquent le Conseil
constitutionnel proclame les résultats définitifs de l’élection
présidentielle après avoir étudié et examiné ces recours-là. Il ne s’agit
nullement de fiefs de Ouattara dans le Nord ni de fiefs de Gbagbo dans
le Sud, il s’agit d’une élection nationale et le président de la
République a obtenu des voix partout sur le territoire, et notamment
dans le Nord du pays. M. Ouattara y a inversé les résultats en
organisant des fraudes massives et en empêchant les électeurs de voter
lorsqu’il sentait que ceux-là étaient proches de Gbagbo.
Afrik.com : Vous parlez du Conseil constitutionnel qui a appliqué les
lois ivoiriennes. Mais à Pretoria, en 2005, les parties prenantes du
conflit ivoirien se sont engagées à respecter la certification du
processus électoral par les Nations unies. Autonomes, les chiffres de
l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire, correspondent à ceux
communiqués par la CEI. Le Conseil constitutionnel peut être juge du
contentieux mais ce n’est pas à lui de valider les résultats puisque cet
aspect des choses à été confié aux Nations unies, du moins selon
l’accord de Pretoria…
Alain Toussaint : Ce n’est pas l’accord de Pretoria qui le dit. Aucun
accord ne dit que les Nations unies doivent certifier les résultats des
élections. C’est dit dans l’Accord politique de Ouagadougou, qui a été
signé en mars 2007, que les Nations unies certifient les résultats
définitifs proclamés par le Conseil constitutionnel et les résultats
définitifs sont ceux annoncés par le Conseil constitutionnel. Les
résultats annoncés par la CEI ne sont que des résultats provisoires. Le
Conseil constitutionnel était le seul habilité à proclamer des résultats
définitifs. L’ONU et son représentant n’avaient pas le droit de faire
croire au monde que les résultats annoncés par M. Bakayoko étaient
les résultats définitifs puisque dès le dimanche soir, compte tenu d’un
certain nombre d’irrégularités et des violences qui se sont déroulées
dans le Nord du pays, le candidat Gbagbo avait introduit plusieurs
recours devant le Conseil constitutionnel.
Afrik.com : Les Nations unies ne certifient pas des résultats définitifs
par mimétisme. Il faut que ceux publiés par les autorités compétentes
concordent avec les siens…
Alain Toussaint : Ces résultats correspondent puisque M. Ouattara a
fraudé, a manipulé les votes et a trafiqué les bulletins de vote dans
plusieurs départements, notamment dans le Nord du pays.
Afrik.com : La Communauté économique des Etats de l’Afrique de
l’Ouest, qui a menacé de faire usage de la force pour obliger Laurent
Gbagbo à quitter le pouvoir, concentre actuellement ses efforts sur le
terrain diplomatique. Que pensez-vous de sa position actuelle ?
Alain Toussaint : Dans cette crise post-électorale, quelle que soit la
position négociée, il n’y aura pas de vaincu. Le problème, c’est qu’on
a voulu avec la mission des chefs d’Etat imposer une solution, à savoir
le départ du Président Gbagbo. Si on maintient cette approche, on
échouera forcément. L’Onu, la France et les Etats-Unis ont échoué en
Côte d’Ivoire. L’opération qu’ils ont tenté, en voulant installer
M. Ouattara au pouvoir, a été à la fois un fiasco politique et
diplomatique. Aujourd’hui, on ne peut venir avec une solution dictée
par la France et les Etats-Unis. Bien au contraire, il faut renouer avec
le dialogue. C’est ce que la Cedeao a décidé de faire, c’est ce qu’elle
doit continuer de faire. Le recours à la force, une intervention militaire
n’est pas réaliste. La Cedeao l’a compris et il faut saluer son sens des
responsabilités.
Afrik.com : A quoi aboutirait le dialogue ?
Alain Toussaint : Nous attendons de ce dialogue, qui doit très
rapidement se nouer, que ce ceux qui se sont confinés inutilement à
l’hôtel du Golf le quittent et retournent chez eux. M. Ouattara habite à
l’hôtel du Golf le quittent et retournent chez eux. M. Ouattara habite à
15 ou 20 m de l’hôtel. Il faut mettre fin à ce confinement médiatique
qui va permettre à nos frères et amis, qui sont là-bas, de retrouver leur
dignité. Maintenant, ce qu’on propose au cours d’un dialogue, c’est
pendant les négociations que les différentes parties se mettront
d’accord. Aucun sacrifice ne peut être trop grand pour préserver la
paix en Côte d’Ivoire. M. Ouattara doit le comprendre et c’est ce que
nous lui disons depuis plusieurs semaines. Il faut discuter calmement
parce que M. Ouattara a été à la base de tous les conflits politiques en
Côte d’Ivoire. Il est le plus grand commun diviseur de la Côte
d’Ivoire. Aujourd’hui, le vrai pouvoir en Côte d’Ivoire est à Abidjan et
c’est celui que Gbagbo a. Le pouvoir n’est pas dans des
représentations diplomatiques. Le Président Gbagbo ne quittera pas le
pouvoir. Il a été élu pour cinq ans. C’est en 2015 qu’il le quittera. C’est
un combat qui va au-delà de la simple crise post-électorale parce que
les Occidentaux veulent faire main basse sur la Côte d’Ivoire. La
France et les Etats-Unis veulent faire main basse sur nos richesses.
C’est une guerre du pétrole, du cacao, du café…C’est une guerre
économique à relent de recolonisation.
Afrik.com : Comment envisagez-vous l’issue de cette crise en Côte
d’Ivoire qui se retrouve avec deux Présidents ? Vous allez céder ?
Alain Toussaint : Les parties en conflit se mettront autour d’une table
en dehors de la communauté internationale, c’est à dire en dehors de
la France et des Etats-Unis qui sont en réalité les deux puissances qui
exacerbent les tensions en Côte d’Ivoire...
Afrik.com : Laurent Gbagbo parle de „ complot franco-américain «…
Alain Toussaint : Il a raison. On sait que la France soutient Ouattara et
Soro, et on sait que les Etats-Unis poussent Ouattara également. C’est
un complot que nous avons découvert et dénoncé. Nous le combattons
et nous le combattrons. Les Etats-Unis, la France et l’Union
européenne n’ont aucun respect pour les pouvoirs africains. La crise
actuelle est un signal fort qui est envoyé aux autres dirigeants
africains. Quelles que soient nos lois, ces grandes puissances estiment
qu’elles peuvent faire ce qu’elles souhaitent sur le continent africain.
Aujourd’hui, il faut que M. Ouattara et le Président Gbagbo renouent
le fil du dialogue parce que ce sont eux les principaux concernés. Le
Président de la République va pouvoir discuter avec le candidat
malheureux à l’élection, M. Alassane Ouattara...
Afrik.com : Selon la CEI, le Président Ouattara a été élu par les
Ivoiriens…
Alain Toussaint : M. Ouattara est un candidat vaincu à l’élection
présidentielle que les Occidentaux veulent imposer coûte que coûte.
[…] S’il y a un conflit en Côte d’Ivoire, les déflagrations de ce conflit
toucheront tous les pays de la sous-région. La responsabilité de la
Cedeao, ce n’est pas de brandir une épée contre le Président Gbagbo,
c’est d’envisager les voies et moyens pour sortir de cette crise
post-électorale. La Côte d’Ivoire n’a déclaré la guerre à personne. Le
dialogue est la seule voie de sortie de cette crise. Nous voulons la
paix, revenir à la stabilité de la Côte d’Ivoire. Dans l’histoire, ce n’est
pas Gbagbo le rebelle, mais Ouattara.
Afrik.com : Selon vous, c’est „ Ouattara le rebelle «…
Alain Toussaint : Ce n’est pas selon moi. C’est la réalité des faits…
Afrik.com : Quelles sont vos preuves ? Laurent Gbagbo ne les a pas
fournies non plus lors du débat précédent le second tour.
Alain Toussaint : Ce débat-là est clos. Tout le monde sait que Ouattara
est le chef de la rébellion. Les preuves surabondent, elles sont
connues. Au nom de la paix, nous avons fait le choix de les ranger en
pensant que M. Ouattara se comporterait en homme politique
responsable. En réalité, l’élection était pour lui un prétexte.
M. Ouattara veut être Président coûte que coûte. Quel que soit le
candidat que M. Ouattara aurait eu en face de lui, on aurait eu une
situation identique parce que ses parrains, la France et les Etats-Unis
et toutes les confréries maçonniques, veulent l’installer au pouvoir.
Afrik.com : En dehors de la France et des Etats-Unis, d’autres pays
condamnent ce qui se passe en Côte d’Ivoire. Pour une fois, la
communauté internationale semble unanime, y compris les pays
africains… Alain Toussaint : Je parcours le monde. Ce que vous
appelez la communauté internationale, je ne l’ai jamais rencontrée.
C’est une dame invisible, à la limite une prostituée parce qu’elle se
met avec les gens au gré des intérêts du moment. La communauté
internationale est une prostituée et les proxénètes sont la France et les
Etats-Unis.
Afrik.com : Vous dites que Laurent Gbagbo veut la paix, mais des
exactions sont commises en Côte d’Ivoire, des atteintes aux droits de
l’Homme. Jeudi 16 décembre, les Forces de l’ordre ont tiré sur des
civils. Il paraît que dans les quartiers dit pro-Ouattara, elles viennent
chercher des gens. Certains sont tués et les corps disparaissent dans la
foulée. Que dites-vous de toutes ces atteintes aux droits de l’Homme ?
Alain Toussaint : M. Ouattara est celui qui a introduit la violence en
Côte d’Ivoire. En 1999, il a fait un coup d’Etat contré Bédié. En 2000,
il a tenté de faire assassiner le Général Gueï…
Afrik.com : Ce sont des accusations pour lesquelles vous n’apportez
pas de preuves …
Alain Toussaint : M. Ouattara a amené la rébellion avec son lot de
violences. Vous parlez des manifestations du jeudi. C’est vrai qu’il y a
eu des victimes civiles. Mais des éléments des forces de l’ordre ont été
également tués. Va-t-on manifester avec des fusils d’assaut ? Une
enquête a été ouverte par le gouvernent du Président Gbagbo et c’est à
la justice d’établir les responsabilités des uns et des autres. Pour en
revenir aux violences en Côte d’Ivoire, aux atteintes aux droits de
l’Homme : depuis 2002, par la faute de sa rébellion, des dizaines de
milliers de familles ivoiriennes ont été endeuillées, des femmes ont été
violées, des enfants ont été égorgés sans que cela n’émeuve le monde
entier. Il faudra une justice pour tout le monde. Ces familles attendent
aussi que justice soit faite. Il ne faut pas une justice à deux vitesses :
les partisans de Ouattara n’ont pas plus droit à la justice que les autres
citoyens ivoiriens. […] Les premiers responsables des tueries de jeudi
sont les responsables de l’opposition.
Afrik.com : Pour vous, il n’est pas question de défaite de Laurent
Gbagbo à la présidentielle. Néanmoins, d’aucuns pourraient trouver
normal qu’il ait perdu ces élections, quand on entend tant d’Ivoiriens
se plaindre de leur situation économique, qui s’est dégradée en une
décennie, et des gaspillages dont seraient à l’origine les
"Refondateurs" (les proches du régime Gbagbo)... Ce mauvais bilan ne
pouvait-il pas conduire à un vote sanction ?
Alain Toussaint : Laurent Gbagbo n’a pas perdu. Aujourd’hui, la
majorité des Ivoiriens a voté pour lui. Pour ce qui du bilan, ce n’est
pas l’heure puisque Laurent Gbagbo a été élu en octobre 2000 et en
septembre 2002, et que M. Ouattara est venu avec une rébellion. De
2002 à 2010, on a eu des gouvernements dans lesquels on trouvait
notamment les rebelles de M. Ouattara. C’est un chef de guerre qui a
amené la guerre en Côte d’Ivoire et, avec ses alliés, ils sont de
nouveau prêts à nous imposer une guerre. Les Ivoiriens résisteront à la
nouvelle guerre de Ouattara.