je me réveillerais contre le ventre de la fille je serais lovée
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je me réveillerais contre le ventre de la fille je serais lovée
DU MEME AUTEUR Si encore l’amour durait, je dis pas (roman) Page à Page, 2000/Pocket N°11557 Tu vas me faire mourir, mon lapin (roman) Page à Page, 2002/Pocket N°11558 Push the push button (roman) Page à Page, 2003/Pocket N°12513 Tour le monde est allongé sur le dos Page à Page, 2004 Un cow-boy sur le dos (nouvelle pour Lille 2004) in Migrations Page à Page, 2004 Carnet de voyage à Lille-Moulins (carnet de voyage, illustrations Pascal Goudet) Maison Folie de Moulins, 2005 La fin du chocolat (présenté par Jean-Marc Flahaut) Les Carnets du Dessert de Lune, 2005 LZ, 329 in Carnet d’un Dessert de Lune à 46 pieds au-dessus du niveau de la mer du Nord Les Carnets du Dessert de Lune, 2005 Fanny Chiarello est née en 1974 dans le Pas-de-Calais. Après avoir vécu à Lille jusqu’en 1991, elle habite désormais à Lambersart où elle se consacre à l’écriture. http://fannychiarello.com je me réveillerais contre le ventre de la fille je serais lovée contre son ventre comme un immense nombril sa peau me réveillerait le matin élastique et chaude comme le soleil quand il s'étire parce que c'est l'heure, hop, debout je me réveillerais au soleil de son ventre on serait heureuses de se voir, la fille et moi après toutes ces heures on se ferait des tas de bisous après on boirait du thé et on mangerait des tartines avec des trucs sucrés dessus et on se raconterait nos rêves la bouche pleine il y aurait peut-être la radio pas très fort quelque part dans la cuisine ou ailleurs dans l'appartement les chats bâilleraient et ça nous ferait rire parce qu'il ne faut pas grand-chose pour rire quand on est en vie et qu'on s'aime tout est simple quand on est en vie et qu'on s'aime, les coquelicots poussent sous nos semelles tandis que nous traversons les pelouses gorgées de rosée en nous tenant par une partie du corps avec les sourires simples des gens en vie qui s'aiment on serait là heureuses comme des imbéciles la fille et moi au milieu du monde qu'on sentirait être le nôtre par tous les pores ajoutés de nos peaux et on ne gâcherait jamais rien du soleil, de la pluie ni du vent avec des considérations à la con, la fille et moi ce ne serait pas notre genre (et si ça l'avait été, ce ne serait plus le cas maintenant qu'on serait en vie et qu'on s'aimerait) pleurer ne serait qu'une occasion de bisous, de chocolat chaud et de bandes dessinées la fille je pourrais reposer ma tête au creux d'elle parce que je saurais qu'aucune bête inquiétante ne nicherait au creux d'elle qu'aucun cafard n'en surgirait pour s'infiltrer dans mes narines jusqu'au cerveau et y creuser des galeries de douleur tandis que les yeux écarquillés je regarderais la fille hausser les épaules en disant qu'elle n'y peut rien non il n'y aurait aucun cafard ni aucune bête inquiétante tapie dans un recoin de la fille attendant de me faire bouh et de me regarder étalée là sur le sol à tenir mon coeur qui lâche prise, déjà tout le sang a déserté ma tête et mes mains bleues non je pourrais reposer ma tête au creux de la fille et fermer les yeux parce que la fille il ne lui faudrait pas constamment autre chose que ce que nous avons alors si je fermais les yeux je serais assurée qu'elle soit encore là quand je les rouvrirais alors j'oserais les fermer alors plus jamais je ne me sentirais si fatiguée je me réveillerais lovée contre son ventre comme un immense nombril et on se ferait des tas de bisous parce qu'on serait tellement contentes d'être en vie et de s'aimer qu'on ne gâcherait pas un rayon du soleil, pas une goutte de pluie à souhaiter ce qui ne serait pas Imprimé à la maison en corps Bodoni en octobre 2006 sur des chutes de papiers offerts par Jean-Paul Louis des éditions du Lérot. Ce 16ème titre de la collection Dessert La vie qui va, ainsi Dépôt légal : D /2006/7094/8 ISBN 2-930235-72-1 Exemplaire N° Collection Dessert Fanny Chiarello Je respire discrètement par le nez Éditions Les Carnets du Dessert de Lune