Reportage ( PDF 350Ko ) - Architecture Hospitalière

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Reportage ( PDF 350Ko ) - Architecture Hospitalière
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Médipôle Lyon Villeurbanne : un nouveau pôle
hospitalier d’importance sur la métropole lyonnaise
Le futur Médipôle Lyon Villeurbanne va regrouper les activités de la Mutualité française du Rhône et du groupe Capio. Ce Médipôle donnera
naissance à l’un des plus importants projets hospitaliers aujourd’hui en Europe. Il s’inscrit dans une concentration accélérée des opérateurs
hospitaliers confrontés à une obligation de moderniser leurs infrastructures qui débouche sur une double conséquence : la diminution du
nombre de sites et l’augmentation de leur taille. La Mutualité va ainsi intégrer à ce projet ses cliniques de Lyon, de l’Union et du Grand
Large ainsi que l’établissement de SSR les Ormes. De son côté, le groupe Capio va regrouper les activités de la Clinique du Tonkin et de
son centre de SSR Bayard. Ces deux entités, pourtant très différentes, ont donc choisi de mettre leurs ressources en commun pour assurer
leurs travaux de modernisation et de développement. La Mutualité Française et le groupe Capio espèrent ainsi répondre de façon plus
adaptée aux besoins de la population en partageant leurs compétences et leurs ressources. Pour réaliser ce projet d’envergure, les maîtrises
d’ouvrage ont décidé d’unir leurs partenaires respectifs. Setrhi-Setae, qui intervient régulièrement aux côtés du groupe Capio, est une
société de maîtrise d’œuvre spécialisée dans la conception d’établissements de santé et collabore majoritairement avec des partenaires
privés. Son équipe regroupe près de 60 experts collaborateurs architectes, ingénieurs, programmistes, économistes ou techniciens. L’agence
SUD Architectes (siège social Lyon), partenaire de la Mutualité Française du Rhône, regroupe une équipe multidisciplinaire d’architectes,
d’urbanistes, de designers d’intérieur et d’ingénieurs. Active en France et à l’international, SUD dispose des compétences et des connaissances adaptées à la ville contemporaine. Son expertise touche différents domaines : l’urbanisme, le logement, le tertiaire, l’industrie,
l’éducation, le commerce, le loisir, le design et, bien sûr, la santé. Pour SUD et Setrhi-Setae, ce projet représente l’occasion unique d’allier
leur expérience et leurs compétences afin d’intégrer au mieux ce nouveau Médipôle dans le tissu urbain villeurbannais.
Présentation avec Pierrick Lelard, architecte associé, directeur pôle Santé pour Sud
Architectes, et Christophe Cruvellier, directeur du développement au sein de Setrhi-Setae.
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La société Setrhi-Setae...
Christophe Cruvellier : Setrhi-Setae a pour cœur de métier la
conception de bâtiments de santé sur l’ensemble de la France. Près
de 90% de nos opérations concernent des établissements privés de
santé. Ainsi, nous intervenons majoritairement dans la conception de
cliniques équipées de zones de bloc, de maternité ou de réanimation,
des établissements fortement orientés MCO (Médecine et Chirurgie
Obstétrique). Nous collaborons notamment au regroupement des
trois cliniques du groupe Courlancy de Reims, un projet pour lequel
nous entretenons un partenariat avec l’architecte rémois Jean-Michel
Jacquet. Nous participons également au regroupement des cliniques
de Nouméa, à la restructuration et à l’extension en site occupé de la
clinique de la Sauvegarde de Lyon ou encore au regroupement des
cliniques de Melun. Outre la réalisation du Médipôle Lyon Villeurbanne,
nous collaborons avec le groupe Capio sur la conception de ses établissements d’Orange et de Domont. Nous avons aussi participé à des
partenariats publics privés, à l’image de la Cité Sanitaire de Saint-Nazaire
ou à la conception - construction du pôle de santé de Villeneuve-sur-Lot.
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Architecture hospitalière - numéro 10 - Médipôle Lyon Villeurbanne
Comment accompagnez-vous les grands groupes privés
dans leurs différents projets ?
C.C : Globalement, nous accompagnons la plupart des grands
groupes privés dans leur politique immobilière, de leurs premières
réflexions relatives au choix du site, de l’étude de trafic et du bilan
financier, jusqu’à la programmation et au dimensionnement du
bâtiment, au regard des données dont nous disposons et des objectifs
de la maîtrise d’ouvrage. Pour ce projet d’entreprise, nous abordons
tous les sujets avec les dirigeants de l’établissement. Aujourd’hui,
par leurs performances en matière de DMS et de taux de rotation,
certains des bâtiments sur lesquels nous sommes intervenus,
témoignent que les praticiens peuvent exercer dans des conditions
optimales tout en développant une prise en charge satisfaisant
pleinement le patient. Nous nous servons de ces références comme
benchmark dans l’approche des nouveaux projets et des discussions
avec les équipements de l’établissement. Une fois le capacitaire de
l’établissement défini, nous déterminons la surface nécessaire pour
accueillir le nombre de postes souhaités. Par la suite, nos architectes spécialisés dans les process et les prises en charge des
patients étudient et schématisent les flux internes afin d’optimiser
les interactions entre les services et les distances parcourues par
le personnel et les patients. Enfin, Setrhi-Setae fait partie du groupe
d’ingénierie française Artelia au sein duquel nous sommes le pôle
spécialisé dans le secteur privé de la santé. À ce titre, nous
employons des ingénieurs en interne pour tout ce qui a trait à la
conception technique des cliniques. Il s’agit d’une conception très
spécifique, différente d’une zone technique d’hôpital.
Pour SUD Architectes, qu’a apporté la collaboration avec
Setrhi-Setae ?
Pierrick Lelard : Ce partenariat est très enrichissant car il nous
permet de bénéficier du savoir-faire de Setrhi-Setae en matière de
conception hospitalière primaire, notamment dans le secteur privé.
Cette collaboration fonctionne également grâce à la complémentarité de Setrhi-Setae et de SUD Architectes, qui apporte son expérience en matière de conception et de mixité d’entités diverses à
l’échelle de la ville. En tant qu’architectes, notre rôle est de schématiser les réflexions de Setrhi-Setae autour du fonctionnement de
l’établissement, pour réaliser un plan et une ébauche de bâtiment.
Au-delà de l’intérêt que représente la fédération autour d’un projet
d’entreprise commun, la confrontation de nos idées autour de
l’organisation et de la conception est tout aussi enrichissante. Ce
fonctionnement est bénéfique pour tous et nous éloigne des
stéréotypes de la construction hospitalière, avant tout, par une
importante activité de benchmark de la part de Setrhi-Setae, nous
permettant de définir les moyens dont nous disposons pour améliorer les procédures de prise en charge. Parallèlement, SUD Architectes apporte sa vision architecturale pour définir quelles solutions
peuvent être envisagées au regard de l’intégration du projet dans
le site. Grâce à ces échanges, nous faisons évoluer le projet quotidiennement et satisfaisons pleinement le maître d’ouvrage. Notre
collaboration autour d’un projet novateur est efficace surtout dans
un secteur de santé privé qui recherche des solutions innovantes
pour proposer de la qualité à moindre coût.
Quel a été votre rôle dans ce projet autour du Médipôle Lyon
- Villeurbanne ?
C.C : Le premier élément important auquel nous avons participé
dans ce projet est le choix du site parmi les différentes possibilités
qui s’offrait à nous pour l’implantation de ce Médipôle. Lors de notre
travail sur la maîtrise d’œuvre, nous avons abordé les avantages et
les inconvénients des deux sites concurrents : un site existant sur
Décines et un site potentiel sur Villeurbanne. Lors de nos études
nous nous sommes assurés que certains critères comme le trafic et
les flux autour du site ou l’espace disponible nous permettraient de
réaliser ce bâtiment de plus de 50 000m2. Nous avons également
privilégié le site le plus avantageux en matière d’accessibilité.
Globalement, notre approche a été la plus objective possible avec
pas forcément un point de vue commun pour tous les acteurs
concernés. Ainsi, à l’époque de nos premières conclusions, le terrain
le plus intéressant était déjà celui de Villeurbanne, qui formait un
triangle et était particulièrement bien positionné. Cependant, il
nécessitait le rachat à un bailleur privé d’un hectare au centre du
site. Or, ce rachat n’étant initialement pas prévu, cette situation
rendait ce terrain difficilement exploitable. De son côté, le site de
Décines offrait des avantages certains en matière de disponibilité,
mais il souffrait de lacunes importantes en matière d’accessibilité
et de visibilité. Finalement, nos conclusions concernant le site de
Villeurbanne ont rassemblé les deux maîtres d’ouvrage et un
consensus s’est formé autour de ce terrain qui offrait une belle
visibilité et une grande accessibilité. Après le choix du site, nous
sommes intervenus sur les groupes de travail et l’étude des spécificités médicales. En tant que maîtrise d’œuvre, nous avons donc
été chargés de mettre en place ces groupes de travail rassemblant
les futurs utilisateurs. Plus généralement, notre mission dans ce
type de projets privés est d’échanger avec les différents acteurs
concernés, et de les questionner sur leur vision et leurs attentes
relatives à leur futur établissement. Ainsi, nous définissons avec
eux quels pourraient être les axes fondamentaux en matière de
logistique, de restauration et d’organisation des soins. Nous interrogeons la direction générale pour définir la manière dont elle
souhaite organiser cet établissement. Avec cette méthode, lorsque
nous abordons des aspects comme l’organisation des services, nous
pouvons composer entre notre fonctionnement habituel et les
exigences des praticiens, et entretenir le dialogue avec les utilisateurs,
le bâtiment que nous concevons restant, avant tout, leur outil de
travail. C’est la raison pour laquelle nous nous efforçons de mettre
en place et d’animer les groupes de travail afin que nous puissions
proposer rapidement, après quelques réunions, un projet adapté aux
attentes de la maîtrise d’ouvrage et de leurs collaborateurs.
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Le choix du terrain a-t-il influencé le programme hospitalier ?
La Mutualité du Rhône et le groupe Capio sont deux entités très
différentes sur le plan hospitalier. Lors de nos premières réflexions,
les maîtrises d’ouvrage nous avaient commandé deux entités architecturales et fonctionnelles distinctes, rendant ainsi le projet particulièrement complexe. Finalement, il a été convenu qu’une mutualisation
servirait mieux la lisibilité du projet. Nous avons donc conçu un
bâtiment unique comportant les différentes unités et l’administration
de chaque organisation. Le groupe Capio assume les activités de
chirurgie et du plateau « chaud », tandis que la Mutualité gère les
opérations de SSR et de médecine. L’espace réduit de ce terrain de
5 hectares nous a permis de faire accepter plus facilement aux
personnels de Capio et de la Mutualité le fait qu’ils devaient aborder
leur collaboration de manière plus imbriquée. Le bâtiment est
organisé afin que l’on retrouve sur un même niveau soit les activités
mutualistes, soit les activités du groupe Capio. L’ensemble des fonctions
supports, comme la logistique par exemple, se fait à l’échelle du
bâtiment et les flux sont distribués aux installations mutualistes
comme à celles du groupe Capio. Ce fonctionnement est très intéressant et témoigne du fait que, progressivement, les maîtres d’ouvrage
ont adopté cette organisation, favorisant l’efficacité de la prise en
charge et de l’accueil du patient. La taille du bâtiment a permis la
mise en place d’organisations assez exceptionnelles par plateau.
Sur un niveau, nous pouvons installer six services d’hébergement,
soit 180 lits. Le premier niveau est ainsi capable d’accueillir l’ensemble
des installations du bloc opératoire, de l’ambulatoire, tous les lits
« chauds », ainsi qu’un service d’hébergement et de chirurgie. Ce
qui apparaissait comme une contrainte, au départ, se révèle être à
l’origine d’un gain majeur en matière de fonctionnalité. Par ailleurs,
un bâtiment de consultation devrait être implanté sur l’axe Léon
Blum. Cette « Maison Médicale » a fait l’objet de propositions de
notre part en ce qui concerne l’organisation interne du bâtiment et
ses liaisons fonctionnelles avec le Médipôle. En tant que maîtrise
d’œuvre, notre rôle est d’être force de proposition pour la maîtrise
d’ouvrage, mais nous devons également l‘accompagner dans son
cheminement et ses réflexions en interne, afin qu’elle s’approprie
la solution la plus adaptée.
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Comment abordez-vous l’intégration du projet dans son
environnement ?
Aujourd’hui, nous menons un important travail d’urbanisation sur la
partie de Villeurbanne qui constitue l’environnement du projet, du
quartier Grand Clément jusqu’au boulevard périphérique. Nous devons
restructurer le site et redonner un aspect urbain et plus résidentiel
à l’ensemble de ce quartier qui est aujourd’hui très industriel. Dans
le cadre de cette intégration du projet au sein de son environnement,
nous avons participé à une réunion, qui a été très enrichissante et
qui s’est parfaitement déroulée, avec les représentants des conseils
de quartier. En règle générale, un bâtiment de santé est toujours
bien accueilli par la population. De plus, étant situé en centre-ville,
le Médipôle générera une activité bénéfique aux commerces de
proximité et au quartier dans son ensemble. L’idée globale du projet
architectural est de développer une architecture résidentielle plus
qu’hospitalière, en donnant à ce bâtiment un aspect d’immeuble de
logement et non pas d’hôpital. Nous avons surnommé ce bâtiment
les « 3 Nefs », étant donné qu’il se décompose en trois éléments
soutenus par un socle de deux niveaux assez important, symbolisant
le concept « d’architecture domestique ». Le socle comporte les installations du plateau technique, des soins intensifs et autres, alors
que les parties supérieures accueillent les zones d’hébergement.
Un point également important réside dans l’encadrement du terrain
qui est cerné par la voie Léon Blum, très structurante sur la ville de
Villeurbanne, et par la rue Frédéric Fays, qui va également bénéficier
d’une restructuration plus urbaine, ainsi que par une ligne de Tramway. Nous avons fait le choix de placer le bâtiment à proximité de
la rue Frédéric Fays, afin de faciliter la restructuration et l’ouverture
de l’hôpital sur l’axe Léon Blum et sur la ville. Cette orientation nous
permet aussi de minimiser les nuisances dues à la circulation du
périphérique à proximité. Nous allons notamment collaborer avec
la société Arcadys dans le cadre d’études de trafic.
Son ouverture sur la ville…
Le Médipôle sera un bâtiment imposant de 26 mètres de hauteur
pour 170 mètres de long et 80 mètres de large. En comptant le
bâtiment de consultation, cette construction représentera près de
60 000 m2. Nous avons donc longuement abordé les différents types
d’accès rendus possibles par les rues structurantes. Le projet comporte ainsi des accès logistiques et des accès dédiés en périphérie
de la rue Frédéric Fays et à l’intérieur du terrain, afin de concevoir
un fonctionnement proche d’une rue de commerce en ville, par
exemple. Nous avons donc fait en sorte que la dialyse, les urgences,
les laboratoires, l’imagerie médicale ou le SSR disposent d’un accès
dédié tout en y ajoutant une entrée principale. Nous développons
également un élément de parvis tourné sur la rue Léon Blum, faisant
office de place et permettant d’accéder à l’entrée du bâtiment. À
l’intérieur, nous avons développé une conception de rue centrale
irriguant l’ensemble des unités. Au regard de la taille et de la largeur
du bâtiment nous faisons pénétrer la lumière naturelle par le biais
de six patios imposants qui apportent un éclairement naturel des
étages supérieurs, jusqu’aux niveaux semi-enterré. Le bâtiment a
été posé sur une douve, ce qui permet d’aérer son rez-de-chaussée
afin de faciliter l’apport de lumière dans les différents services
situés en sous-sol, notamment la logistique. Nous avons été sollicités
pour travailler la toiture et définir un geste architectural qui renforce
l’aspect domestique et résidentiel tout en trouvant des percements
aux niveaux des hébergements, comme pour une zone de logement.
À cette idée architecturale générale s’ajoutent des formes et des
volumes différents qui s’harmonisent, ainsi que des pleins, des vides
et un découpage conceptuel du bâtiment.
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Architecture hospitalière - numéro 10 - Médipôle Lyon Villeurbanne
Quel a été le rôle de l’architecte au conseil de la ville de
Villeurbanne ?
Nous avons collaboré et nous poursuivons notre collaboration avec
l’architecte Nicolas Michelin qui est en charge de l’aménagement
du quartier de Grand Clément. Nous organisons des réunions régulières au sein du Grand Lyon et nous progressons par étape pour
trouver un terrain d’entente avec leurs services, notamment le
service juridique, ainsi qu’avec M. Michelin qui est l’architecte en
chef de l’ensemble du projet. Cela nous permet d’échanger avec
des acteurs qui se questionnent davantage sur le projet, avec plus
de recul que les acteurs directement concernés par ce dernier, ce
qui est particulièrement intéressant pour nous, d’un point de vue
architectural. Nicolas Michelin est à la fois architecte et urbaniste,
il dispose donc d’une très bonne vision globale de la ville. En laissant de côté le fonctionnement de l’hôpital, il parvient à se focaliser
sur l’intégration du bâtiment dans le quartier. Actuellement, nous
évoquons avec lui les matériaux que nous pensons utiliser, l’effet
que nous recherchons et le traitement des couleurs. Les intentions
d’urbanisation que nous fournit M. Michelin sont analysées et étudiées,
puis nous vérifions que ces propositions sont cohérentes au regard
du budget fixé par la maîtrise d’ouvrage. Par la suite, nous pouvons
les intégrer au projet ou en rediscuter lors de la réunion suivante.
Comment se déroule l’avancement du programme ?
Nous avons établi un premier programme comprenant un besoin
capacitaire, assorti d’un bilan de surface, d’un coût de travaux puis
d’un coût global, etc. Nous nous assurons que ce programme soit
compatible avec le budget et le business plan du maître d’ouvrage.
Nous retravaillons cette première proposition, qui satisfait rarement
l’ensemble des acteurs concernés, jusqu’à atteindre un programme
acceptable par tous. Ensuite, nous entamons la phase d’esquisse
du projet, et l’élaboration du programme détaillé qui nous permet
de rencontrer les utilisateurs. Ces derniers ont parfois des demandes
plus exigeantes ou différentes de ce qui avait été envisagé préalablement par les directions. Avec les différentes informations et
attentes recueillies, nous affinons notre programme. Actuellement,
nous avons finalisé notre programme détaillé qui devrait donner
lieu, très rapidement, au lancement d’un APS (Avant-Projet Sommaire)
et d’un permis de construire.
Quelle a été l’implication des acteurs politiques locaux visà-vis de ce projet ?
Les mairies de Villeurbanne et de Décines se sont grandement
impliquées dès les débuts du projet. Elles ont notamment été présentes
lors du choix du terrain car ce projet représente des enjeux colossaux.
Ce projet s’inscrit-il dans une démarche de développement
durable ?
Il s’agit d’un point important de ce projet sur lequel nous travaillons
beaucoup, et ce dès les premières étapes de conception. Cet élément
aborde grandement les consommations futures de l’établissement
et sa maintenance. Traiter l’aspect de développement durable ne
se résume pas à traiter le bâtiment, mais aussi la vie sociale et l’environnement de l’hôpital.
Quels éléments vont contribuer à améliorer le confort du patient ?
Nous abordons largement les process de prise en charge des
patients. Actuellement, le confort du patient se caractérise plutôt
par la qualité du service apporté au patient et sa prise en charge
que par la qualité de la chambre et de son équipement. Aujourd’hui,
le développement de l’ambulatoire aidant, l’hôpital a tendance à
accélérer les processus de prise en charge. Ainsi, nous favorisons
la marche en avant du patient pour une prise en charge rapide et
de qualité. Notre contribution pour améliorer cette prise en charge
et le confort se fait donc par une réflexion accentuée autour de l’ambulatoire. Le pôle ambulatoire du Médipôle disposera d’un fonctionnement « marche en avant » qui reprend toutes nos dernières
avancées en la matière, et adapté aux différents types de prise en
charge ambulatoire. Aujourd’hui, les meilleurs taux de satisfaction
sont obtenus dans des établissements où la prise en charge du
patient est rapide et efficace. Nous avons également réalisé un
important travail sur l’apport de lumière naturelle dans les différentes zones du bâtiment, notamment les chambres, car cet élément
a son importance pour le bien-être et le confort du patient. Une
grande partie des zones d’attente a une vue sur les patios végétalisés.
Outre la gestion des flux et l’apport de lumière, nous allons développer
une prise en charge très innovante dans le domaine de la néonatalogie.
Cette unité novatrice permet d’apporter les soins nécessaires au
nouveau-né, avec un monitorage permanent, tout en le laissant dans
une chambre avec sa maman plutôt que d’être placé dans une bulle
de verre située dans une unité différente. Cela symbolise le principe
de confort apporté au patient : favoriser la qualité des soins et le
rapport humain.
Comment définiriez-vous la réussite d’un tel projet ?
Cette réussite se résume par les deux axes majeurs que sont la
proximité pour le patient et la performance pour le personnel soignant.
Pour respecter ces lignes directrices, nous avons traité l’aspect
patient avec de nombreuses « adresses » indépendantes, lisibles et
accessibles depuis l’extérieur, en périphérie du bâtiment, ou depuis
la rue intérieure. Concernant le bâti, les plateaux sont regroupés
par spécialité et fonctionnent à l’horizontale. Les flux importants
sont gérés de manière simple et indépendante. Enfin, les hébergements
rassemblés en pôles de deux unités de 30 lits aboutissent à un
fonctionnement et un environnement relativement classiques. Des
études de trafic sont réalisées pour valider les flux et nous assurer
de la facilité de déplacements, à l’intérieur comme à l’extérieur du
bâtiment. Au niveau technique, et de la conduite du projet, l’expertise
des directeurs de projet et l’appui de toute une équipe dédiée en
back office garantissent la cohérence et un suivi rigoureux de l’opération à tous ses stades d’avancement. La marche en avant se réalise
par étapes, de manière très structurée, avec des phases importantes
de validation et un maître d’ouvrage constitué de deux organes
décisionnaires. Pour le bâtiment, notre expérience de plusieurs
opérations de taille approchante nous donne un peu de recul. L’architecte travaille beaucoup à donner une échelle humaine au bâtiment
à l’extérieur comme à l’intérieur. La conception se fait en plusieurs
étapes. Nous définissons le bâtiment, le concept architectural, la
fonctionnalité et la technique. Une fois ces éléments clarifiés, nous
retravaillons l’insertion générale de la structure et son ambiance.
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Architecture hospitalière - numéro 10 - Médipôle Lyon Villeurbanne
Quelle est votre vision de l’hôpital de demain ?
Christophe Cruvellier : L’hôpital de demain sera l’endroit de
dernier recours pour les pathologies importantes, au sens où elles
nécessiteront des interventions lourdes. La grande majorité des
actes chirurgicaux seront réalisés par des cliniques assimilées à
des centres ambulatoires. Des opérations de construction que nous
dimensionnions à 15 000 ou 20 000 m2 il y a quatre ans, ne dépassent
plus les 5 000 m2, peuvent fermer le week-end et mettent en œuvre
une marche en avant complète du patient et des processus très
optimisés. Néanmoins, ces structures fonctionneront plus efficacement
si elles demeurent à proximité d’un établissement majeur, capable
de prendre en charge les cas plus lourds ou complexes. Cette « déshospitalisation » d’envergure vers laquelle nous nous dirigeons,
devrait réduire de manière significative les besoins en matière
d’espace et une reconfiguration très importante. Le secteur privé
anticipe ce phénomène, les établissements publics doivent s’inscrire
également dans cette démarche en cherchant à rationaliser leur
immobilier. La deuxième évolution majeure qui caractérisera l’hôpital de demain est la flexibilité absolue de sa structure. Cependant,
l’opposition entre construction modulaire et construction « en dur »
est, pour moi, un faux débat. La construction modulaire n’est pas
moins chère et reste moins qualitative qu’une construction en dur.
Le vrai défi est de concevoir une enveloppe dure, au sein de laquelle
l’évolutivité puisse être complète. A titre d’exemple, une des solutions
proposées notamment par Setrhi-Setae est d’installer les locaux de
l’administration à proximité du service d’hospitalisation de jour, afin
de répondre aux besoins grandissants de l’activité ambulatoire en
supprimant certains locaux administratifs secondaires. Les technologies font de l’activité chirurgicale un acte de moins en moins intrusif
et de plus en plus rapide. L’immobilier doit s’adapter à cela.
Pierrick Lelard : Il est très difficile de répondre à cette question
malgré le nombre de personnes qui y réfléchissent. Il sera forcément
de plus en plus orienté vers l’ambulatoire. De son côté, la technicité
des appareils va continuer à augmenter. L’imagerie médicale est de
plus en plus intéressante et permet d’obtenir de nombreuses
réponses dans des délais très brefs. Les salles d’opération vont,
elles aussi, évoluer dans ce sens dans le futur. Les appareils
deviennent de plus en plus petits, libérant ainsi de l’espace. Que
va-t-il advenir de ces surfaces dans l’avenir ? L’hôpital de demain
sera un bâtiment qui ressemblera de moins en moins à un hôpital
et qui sera très intégré dans la ville avec une dimension hôtelière
et de vie différente de l’hôpital traditionnel. Il s’inspirera des malls
anglo-saxons, un lieu de passage avec boutiques et diverses activités.
C’est toute la ville qui viendra se fondre dans l’hôpital !
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