CRFPA BY ISP – SESSION 2016 NOTE DE SYNTHÈSE CB
Transcription
CRFPA BY ISP – SESSION 2016 NOTE DE SYNTHÈSE CB
CRFPABYISP–SESSION2016 NOTEDESYNTHÈSE CBSUPPLEMENTAIRE:LALOYAUTÉDELAPREUVE Documentn°1:IsabelleCORNESSE,DuprincipedeloyautédelapreuveoulapreuveparS.M.S., LamyDroitdesaffaires,2007,n°21. Documentn°2:C.cass.,Civ.1ère,17juin2009,07-21796 Documentn°3:LudovicBELFANTI,DelarecevabilitédesSMScommemodedepreuveen matièrededivorce,LamyDroitdel’immatériel Documentn°4:MyriamQUEMENER,Lagéolocalisationàl’épreuvedelaprocédurepénale, LamyDroitdel’immatériel,2013,n°99. Documentn°4bis:ChristopheRADE,Preuve.Dispositifdesurveillancedessalariés.Loyauté. Prohibitiondesstratagèmes,Droitsocial2008p.608 Documentn°5:C.cass.Crim.,4juin2008,08-81045 Documentn°6:C.cass.,Crim,7janvier2014,n°13-85246 Documentn°7:DidierThomas,ValérieBosc,ChristineGavalda-Moulenat,PhilippeRamon, AudeVaissière,Lestransformationsdel’administrationdelapreuvepénale,Archivesde politiquecriminelle,n°26Pedone,2004,p.113. Documentn°8:ChristopheRADE,Preuve.Constatd'huissier.Loyauté.Prohibitiondes stratagèmes,Droitsocial,2008,p.610 Documentn°9:E.Chevrier,Laloyautédelapreuvel'emporte,mêmeendroitdela concurrence,Dallozactualité12janvier2011 Documentn°10:JulienLarregue,Loyautédelapreuveetsiteinternet«d’infiltration»Gazette duPalais,14juin2014n°165,P.20 Documentn°11:LudovicLauvergnat,Loyautédelapreuve,GazetteduPalais,25mai2013 n°145,P.28 Documentn°12:AnneDEBET,Ledroitdelapreuveetl'article6:suite,maiscertainementpas fin...,Revuedescontrats,01avril2005n°2,P.472 Documentn°13:FrançoisFourment,Lesmursavaientdesoreilles,GazetteduPalais, 13mai2014n°133,P.41 Documentn°14:Dudroitdelapreuveaudroitàlapreuve,questiondemotsouchangement decap?,Petitesaffiches,31mai2013n°109,P.5-Tousdroitsréservés Documentn°15:MikaëlBenillouche,Secretprofessionnel,GazetteduPalais,02août2007n° 214,P.8 Documentn°16:Jurisclasseur,Procéduredecontrôledespratiquesanticoncurrentielles,fasc. N°380. Documentn°17:Jurisclasseur,Enquêtepréliminaire,Fasc.20 DOCUMENTN°1:ISABELLECORNESSE,DUPRINCIPEDELOYAUTEDELAPREUVEOULA PREUVEPARS.M.S.,LAMYDROITDESAFFAIRES ,2007,N °21. Cass.soc.,23mai2007,no06-43.209,P+B+R+I Si l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectué à l’insu de l’auteur des proposinvoqués,estunprocédédéloyalrendantirrecevableenjusticelapreuveainsiobtenue, iln’enestpasdemêmedel’utilisationparledestinatairedesmessagesécritstéléphoniquement adressés, dits S.M.S., dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur. L’évolution des nouvelles technologies suppose un certain nombre de précisions voire d’adaptations des règles de droit existantes. « La collision des relations de travail et de l’informatique crée incontestablement des situations inédites » (Darmaisin S., L’ordinateur, l’employeuretlesalarié,Dr.soc.2000,p.580)etparlàmêmeuncontentieuxinédit.Leprincipe vaut pour toute nouvelle technologie. Ainsi, les magistrats de la chambre sociale de la Cour de cassation ont-ils eu à se prononcer sur l’admission d’un nouveau mode de preuve : le Short MessageServiceouS.M.S.L’intérêtdelasolutiondépasselargementleseuldomainedudroitdu travail. Madame Y, négociatrice immobilière dans une SCP titulaire d’un office notarial, est licenciée pour faute grave. L’employeur lui reproche d’avoir abusé de ses fonctions, à des fins personnelles, au préjudice des clients de l’étude. Celle-ci avait proposé à un vendeur d’acheter unterrainpoursonproprecompte,endéclarantfaussementvouloiryétablirsonhabitation,et tenté dans le même temps de le revendre à un tiers à un prix très supérieur. Elle avait ainsi utilisésonpostepourtenterderéaliseruneopérationàsonseulprofitcontrairementàl’éthique desaprofession.Lasalariéesaisitleconseildesprud’hommespourcontestersonlicenciement en faisant état d’un harcèlement sexuel. La Cour d’appel d’Agen, statuant sur renvoi après cassation,décidedansunarrêtdu5avril2006quelelicenciementnereposaitpassurunefaute grave. Elle reconnaît par ailleurs l’existence d’un harcèlement sexuel en se fondant sur l’enregistrement d’une conversation téléphonique et des messages écrits, téléphoniquement adressés,ditsS.M.S.L’employeursepourvoitencassation.Dansunpremiermoyen,ilreprocheà laCourd’appeld’avoirécartélafautegrave.Lachambresocialerejettel’argumentenconstatant « que la cour d’appel, qui a retenu que le fait reproché à la salariée n’avait suscité aucune remarquedelapartdel’employeur,apuendéduirequesoncomportementn’empêchaitpasson maintiendansl’entreprisependantladuréedupréavisetneconstituaitpasunefautegrave». Dans un second moyen, l’employeur conteste les modes de preuve du harcèlement sexuel retenus par la Cour d’appel. Il estime que l’enregistrement et la reconstitution d’une conversation ainsi que la retranscription de messages, lorsqu’ils sont effectués à l’insu de leur auteur, constituent des procédés déloyaux rendant irrecevables en justice, les preuves ainsi obtenues. Pour la Cour de cassation « si l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal, rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n’en est pas de même de l’utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits S.M.S., dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur ». Ainsi elle reconnaît au vu de ces messagesetdesautresélémentsdepreuvel’existenced’unharcèlement. Silepremiermoyennesoulèveguèrederemarque(cf.,toutefoissurlaquestiondeladéfinition delafautegrave,Cass.soc.,27sept.2007,no06-43.867,P+B+R),teln’estpaslecasdusecond. C’esteneffetlapremièrefoisquelaCoursuprêmeseprononcesansambiguïtésurlalicéitéde ce mode de preuve que constituent les S.M.S. L’affirmation du principe ne laisse pas de doute maislaisseprésagerdedifficultésàvenir. LEPRINCIPEÉNONCÉDEVALIDITÉDELAPREUVEPARS.M.S. Selonl’article9duNouveaucodedeprocédurecivile,«ilincombeàchaquepartiedeprouver conformémentàlaloilesfaitsnécessairesausuccèsdesaprétention».LaCourdecassationena clairement dégagé un principe de loyauté de la preuve dans l’arrêt Néocel rendant « illicite l’enregistrementparl’employeur,quelsqu’ensoientlesmotifs,d’imageoudeparoleàl’insudes salariés,pendantletempsdetravail»(Cass.soc.,20nov.1991,no88-43.120,Bull.civ.V,no519, Dr. soc. 1992, p. 28, rapp. Waquet Ph., D. 1992, jur., p. 73, concl. Chauvy Y.). Le principe fut clairementréaffirméparla2echambrecivilesousledoublevisadel’article9duNouveaucode de procédure civile et de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales qui pose quant à lui le principe du droit à un procès équitabledontl’égalitédesarmesestl’unedesmanifestations(Cass.2eciv.,7oct.2004,no0312.653,Bull.civ.II,no447,D.2005,p.122,obs.BonfilsPh.,RTDciv.2005,p.135,obs.MestreJ. etFagesB.,JCPG2005,II,no10025,noteLégerN.).Lerespectduprincipedeloyautésuppose alors de rejeter toute preuve obtenue à l’insu de son auteur (comp. en droit pénal, Béal S. et Ferreira A., La preuve à l’épreuve des nouvelles technologies, JCP S 2007, 1639). Très logiquement, les magistrats ont-ils, dans l’affaire commentée, considéré que « l’enregistrement d’uneconversationtéléphoniqueàl’insudel’auteurdesproposinvoqués,estunprocédédéloyal rendantirrecevableenjusticelapreuveainsiobtenue». «C’est(...)lapremièrefoisquelaCoursuprêmeseprononcesansambiguïtésurlalicéitédece modedepreuvequeconstituentlesS.M.S.». LaquestiondelavaliditédelapreuveparS.M.S.étaitcependantpluscomplexe.Pourautant,la solutionnesurprendguèresicen’estqu’elleporteenl’espècesurlavaleurd’unmodedepreuve en l’absence d’information préalable de l’employeur et non du salarié. Ainsi, les juges poursuivent : « il n’en est pas de même de l’utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquementadressés,ditsS.M.S.,dontl’auteurnepeutignorerqu’ilssontenregistréspar l’appareilrécepteur».Laneutralitédelaformulelaissesupposerqueleprincipeestapplicable que la preuve soit apportée par le salarié ou par l’employeur. Pourtant, dans ce dernier cas, l’article L. 121-8 du Code du travail impose que tout dispositif de collecte d’information concernantpersonnellementunsalariéouuncandidatàl’emploisoitpréalablementportéàleur connaissance. L’article L. 432-2-1 double cette information individuelle d’une information du comité d’entreprise lorsque celui-ci existe. Mais deux fondements peuvent être invoqués à l’appuidecettevaliditédeprincipedelapreuveparS.M.S.enl’absenced’informationpréalable. D’une part, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion d’admettre la recevabilité de preuves obtenues, en l’absence d’information préalable des salariés, par des dispositifs dont l’objectif immédiat n’est pas la surveillance des salariés alors même que leur existence n’a pas été préalablementportéeàlaconnaissancedessalariés.Ainsi,laCourdecassationaénoncéquesi l’employeursedevaitd’informerlessalariésdelamiseenplacededispositifdestinéàsurveiller leuractivité,ilretrouvaitsalibertélorsquelesystèmedevidéosurveillanceétaitinstallédansun entrepôtdemarchandisesetqu’iln’enregistraitpasl’activitédesalariésaffectésàunpostede travail déterminé. Dès lors, l’enregistrement vidéo est un mode de preuve admissible du vol commisparunsalariémêmeenl’absenced’informationpréalable(Cass.soc.,31janv.2001,no 98-44.290, Bull. civ. V, no 28, D. 2001, p. 2169, obs. Paulin). De même, « ne constitue pas un mode de preuve illicite la production par l’employeur des relevés de facturation téléphonique qui lui ont été adressés par la société France Télécom pour le règlement des communications correspondantaupostedusalarié»(Cass.soc.,11mars1998,no96-40.147;Cass.soc.,15mai 2001, no 99-42.937, Bull. civ. V, no 168). Plus largement, la jurisprudence a reconnu que certaines situations pouvaient être licites sans information préalable du salarié lorsque « le contrôlen’appellel’organisationd’aucundispositifparticuliermaisrésultedelaseuleutilisation detechniquesconnuesetlégitimesdesuividel’activitédel’entreprise»(TeyssiéB.,Lapreuve endroitdutravail,inLapreuve,sousladir.deC.Puigelier,Economica,2004,p.78). Cet argument est également susceptible d’une autre analyse, mise en lumière dans l’affaire commentée. Ces différentes techniques de suivi de l’activité de l’entreprise, qu’il s’agisse de l’utilisation du téléphone ou de l’outil informatique, reposent sur l’enregistrement de données. Ainsi, il est possible d’invoquer, par ailleurs, un second fondement, celui de l’information implicitelorsquelapreuveestapportéegrâceàunetechniquedontchacunsaitqu’ellepermetla conservation de données susceptibles d’être retranscrites en cas de besoin devant le juge. Les deuxprincipesdoiventsecombiner:c’estparcequelapreuveaétéobtenueparunprocédéne visantpasdirectementlasurveillancedessalariésquel’informationexpliciteetindividuelledes salariésn’estpasexigée.Eneffet,toutdispositifayantpourobjectiflasurveillancedessalariés doit être porté à leur connaissance alors même qu’ils ne peuvent sérieusement ignorer son existence(Cass.soc.,7juin2006,no04-43.866,Bull.civ.V,no206,RJS2006,no1143;JSL,no 194, p. 3, JCP S 2006, 1614, obs. Corrignan-Carsin C.). Cette dernière solution ne semble pas remiseencauseparl’arrêtaujourd’huicommenté. Loind’assouplirlesconditionsdevaliditédesmodesdepreuve,lasolutionconfirmelecaractère illicitedesinformationsobtenuesclandestinement.LapreuveparS.M.S.n’estadmisequeparce que la technique repose sur l’enregistrement des données et la Cour de préciser : « ce que l’auteur[dumessage]nepeutignorer». LESDIFFICULTÉSANNONCÉESDELAPREUVEPARS.M.S. La solution donnée en l’espèce ne doit cependant pas tromper : si la preuve par S.M.S. est par principerecevable,cen’estpassanscondition.Ledébatsoulevéparcetarrêtnedoitpasfaire oublierqueleprincipedeloyautésupposeégalementquelespreuvesproduitesn’aientpasété obtenuesenviolationdesrèglesprotégeantlavieprivéeoulesecretdescorrespondances.Par ailleurs,latechniquemêmeimposedes’interrogersurlafiabilitéetl’intégritédelapreuve. Le principe du respect de la vie privée se décline de deux façons. Tout d’abord, le principe de respect de la vie privée suppose que toute preuve, même obtenue légalement, apportée par le destinataired’unécritàl’encontredesonauteurneportepasatteinteàl’intimitédecedernier (Metzger M.-J., Le secret des lettres missives, RTD civ. 1979, p. 291). Le principe est sans nul doute applicable aux S.M.S. dont chacun s’accorde à souligner qu’ils constituent un écrit empruntantsimplementunmodedetransmissionparticulier(BossuB.,Licenciement:leS.M.S. n’estpasunmodedepreuvedéloyal,notesousCass.soc.,23mai2007,no06-43.209,P+B,JCP S2007,1601). Ensuite,celaposelaquestiondel’accèsàlapreuvelorsqueledemandeurn’estniledestinataire nil’auteurdel’écrit.Eneffet,l’affaireaujourd’huicommentéesoulèveuneautreinterrogation: dans quelle mesure l’employeur peut-il avoir accès aux S.M.S. reçus par un salarié sur son portableprofessionnellorsqu’iln’enestpasl’auteurafindelesproduireausoutiendesonaction judiciaire ? Pour répondre à cette question, il est possible de prendre appui sur les solutions dégagées à propos des fichiers informatiques. En effet, un autre défi relatif à l’évolution des technologies que la chambre sociale de la Cour de cassation a eu à relever fut celui de la délimitationducontrôleducontenudesordinateursmisàladispositiondessalariésauregard du principe de respect de la vie privée de ces derniers. S’appuyant sur l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, l’article 9 du Code civil et l’article 120-2 du Code du travail, les magistrats de la Cour de cassationontposé,danslecélèbrearrêtNikon(Cass.soc.,2oct.2001,no99-42.942,Bull.civ.V, no291,JSL,no88,p.2,SemainesocialeLamy,no1045,p.6,concl.Kehrig,RJS12/01,no1394,D. 2001,p.3148,obs.GautierP.-Y.,D.2001,p.3286,chr.LangloisP.,D.2002,p.2296,obs.CaronC., RTDciv.2002,p.72,obs.HauserJ.,Dr.soc.2001,p.920,obs.RayJ.-E.,JCPE2001,p.1918,note PuigelierC.),leprincipeselonlequel: «lesalariéadroit,mêmeautempsetaulieudetravail,aurespectdel’intimédesavieprivée; quecelle-ciimpliqueenparticulierlesecretdescorrespondances;quel’employeurnepeutdès lorssansviolationdecettelibertéfondamentaleprendreconnaissancedesmessagespersonnels émisparlesalariéetreçusparluigrâceàunoutilinformatiquemisàsadispositionpourson travail,etcecimêmeaucasoùl’employeurauraitinterdituneutilisationnonprofessionnellede l’ordinateur». Par la suite, les magistrats ont précisé que l’interdiction de principe ne jouait pas en présence d’unrisqueoud’unévénementparticulier(Cass.soc.,17mai2005,no03-40.017,Bull.civ.V,no 165, D. 2005, p. 1873, obs. de Quenaudon R., Dr. soc. 2005, p. 789, obs. J.-E. Ray, JCP S 2005, 1031, note Favennec-Héry F.) et qu’elle ne s’appliquait qu’aux fichiers formellement identifiés parlesalariécommeétantpersonnels(Cass.soc.,18oct.2006,no04-47.400,Bull.civ.V,no308, D.2006,p.2753).Lesautresdocumentsdétenusparlesalariédanslebureaudel’entreprisemis àsadispositionsontprésumésavoiruncaractèreprofessionnel,ensortequel’employeurpeuty avoiraccèshorssaprésence.Or,leparallèleaveclesS.M.S.sembletrouvericisalimite.Dansune récenteaffairedanslaquelledesS.M.S.étaientégalementproduitsenjustice,laCourd’appelde Bordeauxajugéquelefaitqu’untéléphoneportableappartienneàunesociétéetsoitmisàla disposition d’un salarié ne fait pas perdre aux S.M.S. émis par ce dernier grâce à ce téléphone leur caractère privé (CA Bordeaux, 3e ch. corr., 17 janv. 2007, jurisdata no 2007-331751. V. Malvina Mairesse, Relisez bien vos sms avant envoi ! <www.village-justice.com>). Le prévenu qui a demandé à un huissier de dresser un procès-verbal des messages découverts sur le téléphone professionnel de son frère doit donc être condamné pour violation du secret des correspondances.RestelavoiedégagéeparunautrearrêtdelachambresocialedelaCourde cassationdu23mai2007selonlequel:«lerespectdelaviepersonnelledusalariéneconstitue pasenlui-mêmeunobstacleàl’applicationdesdispositionsdel’article145duNouveaucodede procédure civile dès lors que le juge constate que les mesures qu’il ordonne procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées » (Cass. soc., 23 mai 2007, no 05-17.818, P + B + R + I, JSL, no 214, p. 2, RJS 8-9/07, no 989, D. 2007, p. 1590, note Fabre A., JCP S 2007, 1451, Barège A. et Bossu B.). Si l’employeur ne peut seul,saufcasexceptionnel,prendrel’initiatived’ouvrirunfichierpersonnel,teln’estpaslecas du juge qui, dans le cadre du pouvoir qui lui est conféré par l’article 145 du Nouveau code de procédurecivile,doitalorss’assurerdubienfondédelademande.Eneffet,deslimitessont-elles poséesauprincipeénoncéparl’arrêtNikondèslorsquelesrestrictionsapportées,surlemodèle de la jurisprudence relative à l’ouverture des armoires, sont justifiées par un but légitime de protectiondesdroits,nécessairesàlaréalisationdecebutetproportionnéesàcemêmeobjectif. En effet, les juges relèvent également « que l’huissier avait rempli sa mission en présence du salarié»,cequidémontrelecaractèremesurédel’atteinteàlaviepersonnelledusalarié. Enfin, la preuve par S.M.S. soulève une dernière question que les faits de l’espèce n’ont pas permisd’aborder.Lapreuvemêmelibresedoitd’êtrefiable,c’est-à-direrespecterl’identitéde sonauteuretl’intégritédumessage.Laquestiondéjàabordéeàproposdesmails(comp.Cass. soc.,2juin2004,no02-45.269,TPS2004,étude17,PeschaudH.,Cyberpreuvedel’identitéde l’auteurd’uncourrielantisémite)seposeàl’identiquepourleS.M.S.Ainsi,bienquel’employeur nes’ensoitpasdéfenduenl’espèce,cemodedepreuven’estpasàl’abridelacritique,quel’on songe simplement à l’utilisation par une autre personne du téléphone portable sans que son propriétaire ne s’en aperçoive. Les magistrats semblent en être conscients en prenant soin de préciser que l’existence du harcèlement a été établie par la cour d’appel par une appréciation souverainedesmessagesécritsadresséstéléphoniquementàlasalariée«etdesautreséléments depreuvesoumisàsonexamen». Ainsi,lesmagistratsdelachambresocialedelaCourdecassationviennent-ilsdeconsacrerle rôledecemodecontemporaindecommunicationqui,rappelons-le,àl’originen’avaitvocation qu’à transmettre des messages de service provenant d’opérateurs téléphoniques. Un fabuleux destinquineselimitepasauseuldroitdutravailmaisdontilnefaudrapasnégligerlestravers. DOCUMENTN°2:C.CASS.,CIV.1ERE,17JUIN2009,07-21796 Cassation. BULLETINCIVIL-BULLETIND'INFORMATION-RAPPORTDELACOURDECASSATION. Statuant sur le pourvoi formé par Mme Pascale X..., divorcée Y..., domiciliée [...],contre l'arrêt rendule20mars2007parlacourd'appeldeLyon(2echambrecivile,sectionB),danslelitige l'opposant àM.EmmanuelY...,domicilié[...], défendeuràlacassation; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présentarrêt; MoyenproduitparlaSCPCélice,BlancpainetSoltner,avocatauxConseilspourMmeX.... Ilestfaitgriefàl'arrêtattaquéd'AVOIRprononcéledivorcedesépouxY...-X...auxtortsexclusifs deMadameX...; AUXMOTIFSQU'"ilrésulteduprocès-verbaldeconstatdresséle16avril2004parMaîtreJean SIMON,huissierdejusticedeLYON,queMadameX...-Y...aexposéàl'officierministérielqu'elle avait retrouvé le téléphone portable perdu de son époux et qu'elle souhaitait faire certifier les messagesvisuelsquiapparaissentsurledittéléphone;quelescourriersélectroniquesadressés par le biais de téléphone portable sous forme de courts messages appelés communément SMS relèventdelaconfidentialitéetdusecretdescorrespondances;quelalecturedecescourriers personnelsàl'insudeleurdestinataireconstitueuneatteintegraveàl'intimitédelapersonne, etced'autantquel'officierministérieln'avaitpasétéautorisépardécisiondejusticeàprocéder àlalectureducontenudel'appareiltéléphonique;qu'ilconvientenconséquenced'écarterdes débatsleprocès-verbaldeconstatdeMaîtreJeanSIMON;que,contrairementàcequesoutient MadameX...-Y...,MonsieurY...contestel'existencedelarelationadultèrepuisqu'ilécritque«le caractèreetlaréalitédecetterelationnesontdoncpasétablis»etqu'ilconclutaurejetdela demandededivorcedesonépouse;qu'iln'yadoncpasaveud'adultèreetquecegriefn'estpas loyalementétabliparMadameX...»; ALORS QU'en matière de divorce la preuve se fait par tous moyens ; que les juges du fond ne peuventécarterdesdébatsunecorrespondanceéchangéeentreunconjointetuntiersques'ils constatentquecettepièceaétéobtenueparviolenceouparfraude;qu'aucasd'espèce,aprivé sa décision de base légale au regard de l'article 259-1 du Code civil la cour d'appel qui, pour écarter des débats un constat d'huissier relatant le contenu de messages écrits adressés téléphoniquement,s'estbornéeàretenirquelalecturedecescourriersconstituaituneatteinteà lavieprivée,sansrecherchersicesmessagesavaientétéobtenusparviolenceouparfraude. Vulacommunicationfaiteauprocureurgénéral; LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 mai 2009, où étaient présents : M. Bargue, président, Mme Trapero, conseiller référendaire rapporteur, M. Pluyette, conseiller doyen, Mme Pascal, MM. Rivière, Falcone,MmesMonéger,Bignon,M.Chaillou,conseillers,MmeAuroy,M.Chauvin,MmesBobin, Chardonnet, Vassallo, conseillers référendaires, M. Sarcelet, avocat général, Mme Aydalot, greffierdechambre; Surlemoyenunique: Vulesarticles259et259-1ducodecivil; Attenduqu'enmatièrededivorce,lapreuvesefaitpartousmoyens;quelejugenepeutécarter desdébatsunélémentdepreuveques'ilaétéobtenuparviolenceoufraude; Attendu qu'un jugement du 12 janvier 2006 a prononcé à leurs torts partagés le divorce des épouxY...-X...,mariésen1995;que,devantlacourd'appel,MmeX...aproduit,pourdémontrer le grief d'adultère reproché à M. Y..., des mini-messages, dits "SMS", reçus sur le téléphone portable professionnel de son conjoint, dont la teneur était rapportée dans un procès-verbal dresséàsademandeparunhuissierdejustice; Attenduque,pourdébouterMmeX...desademandereconventionnelleetprononcerledivorceà sestortsexclusifs,lacourd'appelénoncequelescourriersélectroniquesadressésparlebiaisde téléphoneportablesouslaformedecourtsmessagesrelèventdelaconfidentialitéetdusecret descorrespondancesetquelalecturedecescourriersàl'insudeleurdestinataireconstitueune atteintegraveàl'intimitédelapersonne; Qu'enstatuantainsi,sansconstaterquelesmini-messagesavaientétéobtenusparviolenceou fraude,lacourd'appelaviolélestextessusvisés; PARCESMOTIFS: CASSEETANNULE,danstoutessesdispositions,l'arrêtrendule20mars2007,entrelesparties, parlacourd'appeldeLyon;remet,enconséquence,lacauseetlespartiesdansl'étatoùellesse trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrementcomposée; CondamneM.Y...auxdépens; Vul'article700ducodedeprocédurecivile,rejettelademandedeM.Y...; DitquesurlesdiligencesduprocureurgénéralprèslaCourdecassation,leprésentarrêtsera transmispourêtretranscritenmargeouàlasuitedel'arrêtcassé; DOCUMENTN°3:LUDOVICBELFANTI,DELARECEVABILITEDESSMSCOMMEMODEDE PREUVEENMATIEREDEDIVORCE ,LAMYDROITDEL ’IMMATERIEL Cass. 1 civ., 17 juin 2009, n° 07-21.796, FS-P+B+R+I (Trézéguet M., Preuve par SMS d’un adultère, RLDI, 2009/52, n° 1725) re La 1 chambre civile apporte de nouvelles précisions sur le principe de liberté de la preuve en matière de divorce : un sms re peut ainsi être produit à titre de preuve à condition de ne pas avoir été obtenu par violence ou par fraude. 1. La loi du 26 mai 2004 (1) portant réforme de la procédure de divorce (2) a modifié l’architecture des procédures anciennes tout en conservant le divorce pour faute malgré de vives critiques (3) et alors que plusieurs pays européens l’ont supprimé (4). L’une des critiques faite à ce type de divorce est l’exposition de l’intimité des époux sur la scène judiciaire. Une telle immixtion dans cette sphère première de la vie privée pose, en effet, des difficultés récurrentes au regard notamment du droit de la preuve. Puisque, s’agissant de faits juridiques, « la preuve de la violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage (...) imputable à son conjoint et rendant intolérable le maintien de la vie commune » (5) est libre, comment conjuguer cette liberté avec la nécessaire protection de la vie privée ? 2. C’est à cette difficulté que se heurte l’arrêt du 17 juin 2009. En l’espèce, l’épouse avait interjeté appel du jugement ayant prononcé le divorce aux torts partagés et avait produit, pour démontrer le grief d’adultère reproché à son mari, des SMS reçus sur le téléphone portable professionnel de ce dernier, dont la teneur était rapportée dans un procès-verbal dressé à sa demande par un huissier de justice. Dans son arrêt du 20 mars 2007, la Cour d’appel de Lyon déboutait l’épouse de sa demande et prononçait le divorce à ses torts exclusifs, considérant que « les courriers électroniques adressés par le biais de téléphone portable sous la forme de courts messages relèvent de la confidentialité et du secret des correspondances et que la lecture de ces courriers à l’insu de leur destinataire constitue une atteinte grave à l’intimité de la personne ». 3. L’épouse formait un pourvoi qui devait aboutir à la cassation, au motif que les juges du second degré ne s’étaient pas interrogés sur le fait de savoir si les mini messages (6) avaient été ou non obtenus par violence ou fraude. Le présent arrêt permet de retenir qu’en matière de divorce, si la preuve est libre quant à son mode d’expression (I), elle est aussi nécessairement limitée quant à son mode d’obtention (II). I. – LE PRINCIPE DE LIBERTÉ DE LA PREUVE QUANT À SON MODE D’EXPRESSION 4. Le SMS (7), dit aussi mini message dans sa forme francisée, peut-il constituer un mode de preuve recevable en matière de divorce ? C’est une réponse positive qu’apporte la 1 chambre civile, adaptant ainsi sa jurisprudence aux nouveaux modes de re preuves liés à l’évolution technologique. La solution retenue, s’agissant du mode de communication électronique, est conforme au droit commun de la preuve (A) dont la préoccupation est de rechercher la vérité. Ce souci légitime doit se conjuguer avec le souci tout aussi légitime de protection de la vie privée qui semble toutefois régresser (B). A. – Conformité de la solution retenue au droit commun de la preuve 5. L’une des finalités de tout procès est la recherche de la vérité (8). Cette quête implique pour chaque partie l’obligation de produite la preuve des faits qu’elle allègue (9). En matière de divorce, les fautes peuvent être prouvées par tout moyen s’agissant de faits juridiques. C’est ce que rappelle l’article 259 du Code civil qui dispose que « les faits invoqués en tant que causes de divorce ou comme défenses à une demande peuvent être établis par tout mode de preuve, y compris l’aveu ». Aussi, lorsque la 1 chambre civile affirme dans re un attendu de principe « qu’en matière de divorce, la preuve se fait par tout moyen», elle se contente de rappeler le droit commun en la matière. Ce principe revêt toutefois aujourd’hui une dimension particulière puisque dans le sillon de la consécration d’un droit processuel fondamental, la jurisprudence n’hésite plus à consacrer un véritable droit à la preuve (10). Ce droit s’entend comme une faculté offerte aux parties de réunir un arsenal de preuves, sans que leur nature même ne soit enfermée dans tel ou tel standard. Ce faisant, les courriers électroniques adressés par le biais d’un téléphone portable sous la forme de courts messages, ou SMS, sont recevables comme mode d’expression de preuve. 6. La prise en compte de ce nouveau mode de preuve apparaît conforme à la jurisprudence relative au divorce qui a toujours été encline à admettre les preuves les plus variées mais aussi les plus intimes. L’examen de la jurisprudence en la matière (11) permet de retenir l’idée que toute preuve, quel que soit son mode expression – oral, écrit ou dématérialisé – peut être admise dès qu’il s’agit de démontrer les griefs reprochés à un époux. Ainsi, au-delà de l’aveu (12), mode d’expression oral de la preuve (13), les juridictions ont-elles accepté d’abord les modes d’expression écrits, par exemple la production par un époux de lettres missives (14) adressées à son conjoint et contenant des informations confidentielles (15), ou encore la production du journal intime (16) faisant état de relations adultères de l’épouse avec un autre homme (17). Le droit de la preuve ne peut rester imperméable au progrès technologique dont la pratique se saisit naturellement. L’apparition des nouvelles technologies a induit, en miroir, des modes de preuve électroniques (18) et numériques, lesquels ont donné lieu à des discussions judiciaires. Avec réalisme, la Cour de cassation a admis la production de courriels (19) comme éléments de preuve d’un adultère. Ceci rappelle que le législateur a, par une loi du 13 mars 2000 (20), reconnu à l’écrit sous forme électronique (21) une dimension identique à l’écrit sur support papier, lui conférant ainsi le statut de preuve littérale (22). La preuve par SMS s’inscrit donc dans la suite logique de cette évolution qui doit pouvoir s’appliquer aux MMS (23) ou autres réseaux sociaux que sont Twitter ou encore Facebook. Le droit de la preuve ne peut rester imperméable au progrès technologique dont la pratique se saisit naturellement. 7. La preuve par SMS, si elle fait son apparition en matière de divorce, a déjà été consacrée récemment en matière de droit du travail, dans un arrêt du 23 mai 2007 (24) aux termes duquel la Cour de cassation a admis qu’un SMS puisse prouver le harcèlement sexuel d’un employeur envers sa salariée, la Cour retenant que « si l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectuée à l’insu de l’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n’en est pas de même de l’utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits SMS, dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur ». Dans cette affaire, le SMS émanait directement de l’employeur qui, en utilisant un mode de communication permettant une traçabilité, a implicitement autorisé son destinataire à en faire un libre usage. Cette situation est radicalement différente de celle qui nous occupe puisque les SMS litigieux étaient destinés, non à l’épouse, mais au mari qui les a reçus sur son téléphone portable professionnel. Il en va de même en matière pénale (25) : des menaces envoyées par SMS (26) sur le téléphone de la victime peuvent revêtir la qualification de menaces de mort réitérées (27). L’incrimination d’appels téléphoniques malveillants réitérés en vue de troubler la tranquillité d’autrui (28) peut aussi être retenue lorsque le prévenu adresse à sa victime de nombreux SMS, dont la réception se manifeste par l’émission d’un signal sonore (29). B. – Primauté du principe sur le droit au respect à la vie privée 8. La sphère de l’intimité du couple, on l’a dit, est nécessairement un lieu de confrontation entre droits fondamentaux concurrents de valeurs égales. Le principe de la liberté de la preuve en général et de la recevabilité du SMS en particulier doivent être mis en balance avec ces droits. En cette matière, ce sont les articles 9 et 259 du Code civil (30) qui peuvent s’entrechoquer, tout comme les articles 8 et 6.1 de la Convention EDH (31). Quel droit fondamental doit l’emporter sur l’autre ? La Cour de cassation adopte un raisonnement conforme au droit européen en évaluant la proportionnalité des atteintes portées à la vie privée et au but poursuivi. 9. L’arrêt commenté illustre assurément l’existence d’un conflit de droits. Il aboutit à deux lectures si ce n’est opposées, du moins différentes : la confidentialité et le secret des correspondances préférées par la Cour d’appel, la nécessité du contrôle préalable de l’obtention de la preuve, proclamée par la Cour de cassation. Pour écarter, en effet, la demande de l’épouse tendant à voir prononcer le divorce aux torts exclusifs de son mari, la Cour d’appel énonce que « les courriers électroniques adressés par le biais de téléphone portable sous la forme de courts messages relèvent de la confidentialité et du secret des correspondances et que la lecture de ces courriers à l’insu de leur destinataire constitue une atteinte grave à l’intimité de la personne ». Cette position de principe posée par les juges du fond protège sans conteste le droit au respect de la vie privée au détriment du droit à la preuve contenu dans l’article 259 du Code civil. Or, en censurant l’arrêt d’appel, la Haute juridiction permet de retenir qu’au-delà du droit à la vie privée, coexistent des règles propres à la preuve en matière de divorce, tout aussi essentielles, qu’il importe d’articuler avec le droit au respect de la vie privée. Ce raisonnement a déjà été utilisé par la Cour de cassation dans d’autres domaines que le divorce. Elle a tour à tour considéré qu’interdire à une partie de faire la preuve d’un élément de fait essentiel au succès de ses prétentions emportait violation du principe d’égalité des armes opposé au respect de la vie privée (32) ; elle a, en revanche, rejeté un moyen de preuve lorsque celui-ci était ni nécessaire au regard des besoins de la défense ni proportionné au but recherché (33). En définitive, face à des normes de hiérarchie équivalente, le juge doit rechercher leur équilibre et, le cas échéant, privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime (34). 10. Cette démarche, d’inspiration conventionnelle, a naturellement été adoptée par la Cour EDH dans deux affaires récentes de divorce. Dans un premier arrêt (35), la Cour de Strasbourg a fait grief aux juridictions françaises d’avoir retenu, parmi plusieurs éléments de preuve produits, un compte-rendu opératoire d’un époux faisant état de son alcoolisme, en considérant qu’il y avait eu violation du droit au respect de la vie privée et du secret des données médicales. En effet, en présence d’autres éléments de preuve, les juridictions françaises auraient dû écarter la pièce médicale qui n’apparaissait pas nécessaire (36). Dans le deuxième arrêt (37), la Cour a entériné l’admission par les juges nationaux de lettres versées par l’épouse faisant état de relations homosexuelles de son mari, la Cour considérant en particulier qu’il n’était pas démontré que l’entrée en possession des éléments de preuve avait été irrégulière. 11. Refuser ou altérer le principe de liberté de la preuve en matière de divorce, à raison du droit à la vie privée, reviendrait à interdire à l’un des époux de prouver la faute de l’autre et aurait pour conséquence de rompre le juste équilibre entre les parties. Au fond, la cassation opérée par l’arrêt commenté fait obligation de garantir le droit à la preuve. Ce faisant, les normes relevant du domaine du droit procédural ne l’emportent-elles pas sur le domaine des normes de fond ou du droit matériel ? II. – LES LIMITES DE LA LIBERTÉ DE LA PREUVE QUANT À SON MODE D’OBTENTION 12. Si la preuve en matière de divorce peut être faite par tout moyen, il n’en demeure pas moins que des limites encadrent son obtention (A). Si ces limites permettent un contrepoids, encore faut-il tenter d’en mesurer la portée (B). A. – Les limites légales et jurisprudentielles au principe de liberté de la preuve 13. Les limites au principe de la liberté de la preuve sont contenues dans l’article 259-1 du Code civil qui énonce qu’« un époux ne peut verser aux débats un élément de preuve qu’il aurait obtenu par violence ou fraude » (38). Cette disposition est de nature à assortir de garanties suffisantes l’utilisation des données relevant de la vie privée. La détermination du mode d’obtention des preuves est le point d’orgue de cet article, dont l’intérêt est de permettre d’exclure des débats un moyen de preuve obtenu illégalement, quelle que soit sa pertinence. La marge d’évaluation ainsi accordée par la loi s’inscrit dans le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond (39). 14. Toutefois, l’examen du moyen annexe à l’arrêt commenté permet de noter que la Cour d’appel de Lyon a évoqué le principe de loyauté (40) en considérant que le grief d’adultère n’a pas été « loyalement établi » par l’épouse, ajoutant que « l’officier ministériel n’avait pas été autorisé par décision de justice à la lecture du contenu de l’appareil téléphonique ». Ces références n’incitent-elle pas à retenir l’idée que les juges du fond ont implicitement mais nécessairement admis que la détention du téléphone portable et l’exploration de son contenu caractérisaient la fraude ? Cela ne revient-il pas à ériger le principe de loyauté des preuves comme un standard qui serait autonome voire supérieur à l’article 259-1 du Code civil ? Dans cette hypothèse, le principe de liberté contenu dans la loi ne serait-il pas vidé de sa substance dès lors que la preuve toucherait l’un des attributs de la vie privée ? Accueillir un principe de loyauté probatoire en matière de divorce, parfaitement indépendant des limites légales, aurait assurément pour effet de réduire au silence la vérité (41). 15. Le recours au principe de loyauté n’est pas nouveau et suscite la controverse (42). Il trouve un fort écho en matière de preuve (43), dont on a déduit l’existence par la combinaison des articles 9 du Code de procédure civile et 6.1 de la Convention EDH. La jurisprudence civile, commerciale et pénale ont tour à tour eu recours à ce principe pour écarter ou au contraire admettre des moyens de preuve affectant la vie privée. C’est en matière d’écoutes téléphoniques que la question de la loyauté s’est posée avec le plus d’acuité. Ainsi, la 2 chambre civile (44) a été amenée à rejeter le moyen de preuve e constitué par une cassette contenant l’enregistrement d’une conversation téléphonique effectué par le prêteur à l’insu de l’emprunteur (45). La chambre commerciale (46) avait également écarté, dans un litige relatif à des pratiques anticoncurentielles, un enregistrement téléphonique clandestin. Toutefois, la juridiction de renvoi (47) vient de prendre le contre-pied de cette analyse(48). De son côté, la chambre criminelle (49) a validé la production par un époux d’un procèsverbal d’huissier retranscrivant l’enregistrement d’une conversation téléphonique avec son épouse, dans laquelle celle-ci reconnaissait le caractère mensonger d’une attestation qu’elle avait produite pour l’accuser de violences à son encontre. La chambre criminelle considère que l’enregistrement litigieux était justifié par la nécessité de rapporter la preuve des faits dont l’époux était accusé, pour les besoins de sa défense. Cette démarche transforme une preuve obtenue de façon déloyale en preuve licite (50). L’approche est radicalement différente s’agissant de la police judiciaire (51) qui doit rechercher les preuves de manière loyale. 16. En matière de divorce, si le principe de loyauté de la preuve existe, il ne peut être que contenu dans l’article 259-1 du Code civil qui exclut expressément les preuves qui sont obtenues par violences ou fraudes. Ce texte accrédite l’idée de légalité de l’administration de la preuve (52), aspect de la légalité procédurale (53) qui a pour ancrage le droit au procès équitable. B. – La portée incertaine de ces limites 17. Que recouvrent la fraude ou la violence énoncées par l’article 259-1 du Code civil dans le contexte conjugal d’intimité ? Par quels actes ou comportements sont-ils constitués ? Qui doit prouver cette violence ou cette fraude ? Le présent arrêt contribue, en proclamant le principe de liberté de la preuve, à renforcer les droits de la défense (...) sans pour autant que ne soient nécessairement affectés les autres droits concurrents que sont le droit à la confidentialité et au secret des correspondances (...). À dire vrai, la démonstration de l’obtention illicite de la preuve est un art difficile. Ce fardeau est tel qu’il peut vider cet article de sa substance. Il faut que la violence ou la fraude soient particulièrement criantes pour parvenir à la démontrer (54). Ainsi, a pu être considérée comme irrégulière la production de lettres que le mari avait récupérées après avoir forcé l’armoire de son épouse et fouillé dans le sac qui y était rangé (55). Dans le même ordre d’idée, a été rejeté l’email intercepté par l’épouse grâce à l’introduction dans l’ordinateur professionnel de son mari, en se procurant son mot de passe (56). Il convient aussi d’écarter des débats des courriers électroniques échangés par l’époux avec des internautes qui avaient été obtenus grâce à l’installation par l’épouse d’un logiciel espion (57). L’enregistrement clandestin d’une communication téléphonique (58) entre un époux et un tiers devrait sans nul doute être écarté tout comme la captation des SMS à distance (59). Au-delà du rejet, une telle captation entre dans les prévisions de la loi pénale (60) et peut aboutir à des condamnations (61). Toutefois, la situation pourrait être différente si un époux laissait, en toute connaissance de cause, sur la messagerie de son conjoint, des propos de nature à révéler un adultère (62). 18. Tout ceci ne doit pas éluder d’autres difficultés qui tiennent au caractère immatériel de la preuve. En effet, comment peut-on s’assurer à la fois de l’intégrité du message et de l’identité réelle de son expéditeur (63) ? Rien n’interdit de penser qu’un époux puisse recourir à une machination pour piéger son conjoint en faisant envoyer des SMS tendancieux par un complice. Ces écueils ne facilitent sans doute pas la tâche des juges qui doivent analyser une situation dans son ensemble et l’apprécier in concreto. 19. Que peut-on dire des SMS, consignés par procès-verbal d’huissier, produits au procès par l’épouse ? Cette dernière indiquait avoir retrouvé le téléphone professionnel égaré de son époux tandis que celui-ci soutenait une subtilisation (64), sans pouvoir en rapporter la preuve. Cependant, le simple fait d’énoncer une collecte illicite et en tout cas l’absence de remise volontaire de téléphone ne fait pas présumer la fraude (65). C’est au contraire une présomption d’obtention licite qui jaillit, facilitant sans doute la recherche de la vérité. Dès lors qu’il invoque la violence ou la fraude, l’époux doit nécessairement en rapporter la preuve (66). Incontestablement, pour accéder aux messages destinés exclusivement à son mari, l’épouse a accompli des actes positifs : manipulation du téléphone et lecture des courriers électroniques enregistrés dans la mémoire de l’appareil. Ces actes doivent-ils être considérés comme frauduleux ? La démarche n’est-elle pas la même lorsqu’un époux lit un courrier adressé à son conjoint, examine son journal intime ou consulte un courriel qui ne lui est pas destiné ? Cela étant, peut-on caractériser la fraude dès lors que l’appareil en cause n’est ni sécurisé ni verrouillé par un code ? L’absence d’obstacle interdisant toute consultation ne rend-il pas, de fait, les SMS libres d’accès ? C’est à ces questions que devra notamment répondre la Cour d’appel de renvoi. 20. En définitive, le présent arrêt contribue, en proclamant le principe de liberté de la preuve, à renforcer les droits de la défense – en ce sens que chaque partie peut produire tout mode de preuve – sans pour autant que ne soient nécessairement affectés les autres droits concurrents que sont le droit à la confidentialité et au secret des correspondances, dès lors que les juges du fond s’assurent des modalités d’obtention de la preuve, qu’elle qu’en soit son support. Ainsi, cette démarche permet-elle, à n’en pas douter, de privilégier la découverte de la vérité et rappelle à tout un chacun l’adage bien connu : verba volant scripta manent (67). DOCUMENTN°4:MYRIAMQUEMENER,LAGEOLOCALISATIONAL’EPREUVEDELA PROCEDUREPENALE ,LAMYDROITDEL ’IMMATERIEL ,2013,N °99. Le présent article est consacré à la preuve numérique à l’heure de la géolocalisation. Il est inutile de souligner sa grande actualité dans la mesure où il est l’occasion de présenter les deux arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 22 novembre 2013 intervenus sur ce thème. L’évolution de la criminalité de plus en plus organisée, numérique et internationale a abouti à un renouvellement des modes d’administration de la preuve pénale(1) qui ont dû s’adapter à l’univers désormais numérique. En effet, le développement des technologies a bouleversé les méthodes d’enquête, si bien que les procédures pénales et les investigations portent sur l’exploitation de données récupérées dans, par exemple, les ordinateurs, les smartphones, les tablettes et qu’il faut agir vite et efficacement en raison du risque de dépérissement des preuves. L’administration de la preuve pénale comprend, à ce titre, deux étapes fondamentales : d’une part, elle intègre la phase incontournable de recueil des éléments probatoires menée principalement par les officiers et agents de police judiciaire sous la direction du procureur de la République ainsi que par le magistrat instructeur ; d’autre part, elle englobe l’opération de recevabilité de ces mêmes éléments dirigée par le juge répressif. Si le progrès dans les nouvelles méthodes d’enquête – concomitant à la modernisation de la criminalité – est commandé par le souci d’accroître la réponse pénale et l’efficacité de la répression, ces technologies sont des moyens qui s’immiscent toujours davantage dans la sphère d’intimité de l’individu. Le praticien du droit est donc aujourd’hui confronté à des difficultés liées au recueil de ces indices numériques dont la validité peut être contestée et faire l’objet de requêtes en nullité. La preuve doit être recueillie loyalement ou de façon licite, c’est-à-dire dans le respect de ce qui est exigé par la loi. Cette exigence du procès équitable a pour corollaire le principe de la loyauté des preuves. Or en France si la liberté de la preuve est affirmée par l’article 427 du Code de procédure pénale, la difficulté vient du fait que le législateur n’a pas entièrement réglementé le domaine du numérique et que de nouveaux outils technologiques, comme la captation de données à distance ou la géolocalisation, sont apparus pour trouver des indices numériques. Le processus pénal doit en outre tenir compte du droit national mais aussi supranational avec principalement les exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (Convention EDH) et de la jurisprudence qui en découle. En matière pénale, il apparaît une tendance à privilégier le principe d’efficacité, de recherche de la vérité, au détriment parfois du principe de loyauté surtout dans le cas où les parties privées apportent des preuves au procès. La chambre criminelle de la Cour de cassation adopte ainsi une conception large des méthodes d’admission des modes de preuve(2), ce qui conduit le juge national à admettre parfois des procédés déloyaux ou illégaux. Il convient cependant de distinguer le cas des preuves produites par les parties, de celui où les preuves sont fournies par les autorités publiques. La notion de « preuve licite et loyale » est en fait à géométrie variable selon qu’elle est produite par des autorités privées ou publiques, ces dernières étant soumises à une obligation renforcée de loyauté(3). Pour les parties privées, leprincipe de la loyauté de la preuve est atténué et il est de jurisprudence établie que la preuve illégalement obtenue peut être produite en justice. Pour les personnes publiques en revanche, il est clairement affirmé que le principe de loyauté prime sur le principe d’efficacité. Les enquêteurs ne peuvent utiliser que des preuves dont la nature est prévue par la loi et dans le respect des droits et libertés fondamentaux. Dans un arrêt du 11 mai 2006(4), la chambre criminelle de la Cour de cassation a conclu à la déloyauté d’une preuve obtenue à la suite d’une provocation à l’infraction « par un agent de l’autorité publique ou par son intermédiaire ». La chambre criminelle va jusqu’à étendre le champ d’application du principe de loyauté au recueil d’indices provenant de l’étranger en annulant une procédure ouverte en France sur la base d’une provocation à l’infraction d’origine étrangère. En effet, par un attendu de principe, elle indique que « la provocation à la commission d’une infraction par un agent public, fût-elle réalisée à l’étranger par un agent public étranger, ou par son intermédiaire, porte atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit au procès équitable». Cette décision(5) doit être saluée dans la mesure où elle est conforme aux exigences de notre ordre public qui ne peut souffrir d’une dualité de régimes selon que la preuve est obtenue en France ou à l’étranger. Il reste à espérer qu’elle constitue un préalable à une autre unification, à savoir celle de la preuve administrée par une partie privée qui continue d’être exclue du principe de loyauté, et celle fournie par des officiers de police judiciaire, par exemple. I. – GÉOLOCALISATION : DE LA LIBERTÉ À LA LÉGALITÉ DE LA PREUVE PÉNALE La justice est donc désormais constamment confrontée à la recherche d’indices numériques et le cas de la géolocalisation, de plus en plus utilisée pour établir des infractions graves, par exemple le terrorisme, est d’actualité et pose des interrogations sur le plan juridique. En effet, la géolocalisation(6) permet une surveillance de suspects de façon proactive en temps réel contrairement au bornage qui intervient a posteriori et qui est moins précis. Ces derniers moyens en ayant recours à des réquisitions auprès d’opérateurs téléphoniques afin de localiser les bornes ayant été activées par un téléphone portable ne sont pas visées par ces décisions. La géolocalisation donne lieu à des décisions illustrant la complexité de la question du recueil de la preuve et constitue une illustration parfaite du dilemme dans lequel se trouve la Juridiction suprême, entre les exigences processuelles de l’article 8 de la Convention EDH et l’efficacité répressive pour assurer la protection de l’intérêt national de l’État. Par un important arrêt(7), la Cour européenne s’est prononcée en 2010 sur la compatibilité avec les dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales d’une surveillance par GPS, qui est un système de géolocalisation par satellite, ordonnée dans le cadre d’une enquête pénale. Dans sa décision, la Cour a tout d’abord relevé que les autorités d’enquête avaient véritablement « pisté » les déplacements du requérant en public, ce qui l’a amenée à conclure à l’existence d’une ingérence dans la vie privée de l’intéressé, telle que protégée par l’article 8, § 1, de la Convention EDH. Ayant vérifié que cette ingérence était bien « prévue par la loi » au regard des dispositions du Code de procédure pénale allemand, elle a relevé que la surveillance était réalisée dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de la prévention des infractions pénales (terrorisme) et de la protection des droits des victimes, qu’elle avait seulement été ordonnée après l’échec d’autres mesures moins intrusives, et mise en œuvre pour une courte durée, ne « touchant » le requérant que lorsqu’il se déplaçait dans la voiture de son complice. Elle en a déduit que la surveillance était proportionnée aux buts légitimes poursuivis et donc « nécessaire dans une société démocratique », au sens de l’article 8, § 2, de la Convention EDH. En droit français, la mesure, consistant à mettre en place, sur un véhicule automobile, un dispositif technique tendant à suivre les déplacements de celui-ci, ne fait pas l’objet d’une réglementation spécifique dans le Code de procédure pénale et son fondement légal paraît dès lors devoir être recherché dans les articles 81 et 151 du Code de procédure pénale qui permettent au juge d’instruction d’effectuer, sur commission rogatoire, tous actes utiles à la manifestation de la vérité. La chambre criminelle a vu dans ces dispositions une base légale suffisante pour justifier des mesures d’investigation non comprises dans la nomenclature légale, même lorsqu’elles étaient attentatoires aux droits de la personne. Il convient de rappeler que la chambre criminelle, saisie du pourvoi formé contre la décision d’une chambre de l’instruction ayant rejeté la requête en annulation des réquisitions délivrées dans le cadre d’une enquête préliminaire à un opérateur de téléphonie relatives à la communication des informations concernant les appels reçus et adressés avec localisation des relais déclenchés, au motif que celles-ci n’avaient pas été autorisées par une ordonnance du juge des libertés et de la détention, a déjà estimé que l’établissement du parcours d’un individu grâce aux déclenchements de relais n’était pas de même nature que des écoutes téléphoniques. Puis elle a indiqué que la chambre de l’instruction, ayant déclaré régulières lesdites réquisitions, avait justifié sa décision, dès lors que ces réquisitions tendaient uniquement à la mise à disposition d’informations utiles à la manifestation de la vérité(8). Cependant, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne, au-delà de l’existence d’un fondement légal, il faut que la loi qui prévoit la possibilité de prendre des mesures de surveillance soit accessible et prévisible et qu’il existe des garanties adéquates et suffisantes contre les abus. Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne, au-delà de l’existence d’un fondement légal, il faut que la loi qui prévoit la possibilité de prendre des mesures de surveillance soit accessible et prévisible et qu’il existe des garanties adéquates et suffisantes contre les abus La chambre criminelle a été récemment saisie d’un pourvoi formé contre la décision d’une chambre de l’instruction ayant refusé d’annuler des mesures de géolocalisation effectuées grâce à la mise en place d’un dispositif technique placé sur un véhicule en l’espèce, dans le cadre d’une information suivie, notamment, des chefs d’infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs ; le juge d’instruction avait prescrit, par commission rogatoire distincte, la mise en place d’un dispositif technique, dit « de géolocalisation », sur un véhicule utilisé par les suspects aux fins d’en déterminer les déplacements. Rejetant le pourvoi, elle a énoncé que caractérise la prévisibilité et l’accessibilité de la loi, et la proportionnalité de l’ingérence réalisée dans l’exercice, par les personnes concernées, du respect de leur vie privée, au regard de l’article 8, § 2, de la Convention EDH, la chambre de l’instruction qui retient, d’une part, que l’apposition sur un véhicule automobile d’un dispositif technique dit « de géolocalisation » a pour fondement l’article 81 du Code de procédure pénale et, d’autre part, que la surveillance a été effectuée sous le contrôle d’un juge et que, s’agissant d’un trafic de stupéfiants en bande organisée portant gravement atteinte à l’ordre public et à la santé publique, elle était proportionnée au but poursuivi et nécessaire au sens du texte conventionnel susvisé(9). Elle a constaté que la chambre de l’instruction ne s’est pas contentée de se référer au fondement légal de la mesure, tel qu’il résulte des articles 81 et 151 du Code de procédure pénale, mais qu’elle a également vérifié, conformément à la décision de la Cour européenne, que cette mesure, qui constitue une ingérence au sens de l’article 8 de la Convention, était bien proportionnée au but poursuivi. II. – LA GÉOLOCALISATION : UNE INGÉRENCE DANS LA VIE PRIVÉE La chambre criminelle de la Cour de cassation par deux arrêts du 22 novembre 2013(10) vient de préciser qu’il se déduit de l’article 8 de la Convention EDH que la technique dite « de géolocalisation » constitue « une ingérence dans la vie privée dont la gravité nécessite d’être ordonnée sous le contrôle d’un juge garant du respect des libertés individuelles ». En l’espèce, il s’agissait de procédures, d’une part, d’association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes de terrorisme et, d’autre part, d’infractions à la législation sur les stupéfiants où les téléphones portables des mis en examen avaient fait l’objet d’une géolocalisation. La Haute Cour casse et annule uniquement la décision sur la géolocalisation prescrite durant l’enquête préliminaire et non pas durant l’information judiciaire dans le cadre de laquelle d’autres mesures de surveillances ont été ordonnées sous le contrôle d’un juge d’instruction(11). Implicitement, on comprend aussi qu’il appartient à un juge indépendant de contrôler ces measures, ce qui n’est pas le cas du magistrat du parquet(12) qui n’est pas considéré comme indépendant(13). On remarque cependant que la chambre criminelle vise non pas seulement l’article 8, § 1, de la Convention EDH énonçant que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance », mais l’article 8 dans son intégralité, c’est-à-dire aussi le § 2 de l’article, qui dispose « qu’il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ». La chambre criminelle réaffirme ici l’exigence du contrôle du juge pour toutes les mesures intrusives visant à rechercher des éléments de preuves numériques, contrôle absent au stade de l’enquête, ce qui justifie la cassation. Ces arrêts vont avoir des conséquences importantes et entraîner des requêtes en nullité relatives à des procédures où la géolocalisation a été ordonnée non seulement en enquête préliminaire mais également en flagrance(14). III. – ENCADRER LA GÉOLOCALISATION PAR LA LOI En visant l’article 8 de la Convention EDH dans son intégralité, la Haute Cour exprime implicitement la nécessité de légiférer(15) en matière de géolocalisation ou de « tout dispositif technique de surveillance des déplacements en temps réel » comme c’est déjà le cas pour toutes les techniques intrusives comme l’interception, l’infiltration, la captation de données à distance. À la suite de ces deux arrêts, la Direction des affaires criminelles et des grâces de la chancellerie a adressé aux chefs de juridiction une dépêche le 29 octobre 2013(16), selon laquelle la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation, « d’application immédiate », devait être considérée comme applicable « à toutes les formes d’enquêtes diligentées sous l’autorité du procureur de la République » et impliquait, « dans l’attente d’une indispensable réforme législative », « que ces surveillances intrusives en temps réel des portables et des balises en cours dans de telles enquêtes soient interrompues et que soit requise l’ouverture d’une information judiciaire dans les dossiers pour lesquels ces opérations apparaissent nécessaires au bon déroulement des investigations ». Un projet de loi de programmation militaire(17) instaure dans son article 13, actuellement en débat, un régime juridique spécifique et, pour l’instant, dans un cadre administratif, pour la géolocalisation en temps réel en matière de prévention du terrorisme. Cependant, le législateur va certainement poser les contours de ces techniques intrusives dans un cadre judiciaire. En effet, les procureurs de la République ont demandé au Gouvernement d’adopter « d’urgence » un texte sur la géolocalisation dans les enquêtes préliminaires. CONCLUSION ET PERSPECTIVES Le développement de l’univers numérique concerne désormais largement le domaine de l’administration de la preuve ; ce qui amène à ajouter d’autres critères que ceux de la loyauté, comme ceux de la légalité, de la proportionnalité et du respect de la vie privée. L’harmonisation des règles de preuve entre particuliers et puissance publique apparaît nécessaire compte tenu des techniques d’intrusion que les premiers peuvent utiliser en dehors de tout contrôle. Par ailleurs, il apparaît nécessaire d’harmoniser les régimes juridiques des techniques d’investigation intrusives, surtout lorsqu’elles sont occultes, et de les limiter dans le temps. La recherche d’un équilibre entre loyauté de la preuve et recherche de la vérité, entre protection de la vie privée et protection de l’ordre public est essentielle afin de garantir un procès équitable en préservant les droits de chacune des parties, mais cette démarche est devenue complexe à l’ère numérique et nécessite une intervention du législateur afin de rappeler les grands principes de proportionnalité au regard des enjeux en présence. DOCUMENTN°4BIS:CHRISTOPHERADE,PREUVE.DISPOSITIFDESURVEILLANCEDES SALARIES .LOYAUTÉ .PROHIBITIONDESSTRATAGÈMES ,DROITSOCIAL2008P .608 L'essentiel Si l'employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l'activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en oeuvre un dispositif de surveillance clandestin et a ce titre déloyal. Constitue un stratagème des vérifications effectuées par des agents EDF mandatés par le chef de centre, qui s'étaient rendus dans l'établissement tenu par l'épouse de l'intéressé en se présentant comme de simples clients, sans révéler leurs qualités et le but de leur visite. Cour de cassation (Chambre sociale) 18 mars 2008 M. Gérard Bonnici c/ Syndicat CGT des énergies EDF/GDF et a Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., entré en 1975 au service d'EDF-GDF, exerçait depuis 1993 les fonctions d'opérateur intervention, chargé à ce titre d'assurer le relevé des compteurs, au centre d'exploitation d'Avignon ; qu'après l'avoir convoqué le 24 novembre 2000 à un premier entretien, puis informé le 20 décembre 2000 de son renvoi devant la commission secondaire du personnel, qui s'est réunie en dernier lieu le 12 avril 2001, l'employeur a notifié le 28 mai 2001 à cet agent sa mise à la retraite d'office ; que, contestant la régularité de la procédure suivie par l'employeur et la cause de sa révocation, M. X... a saisi le juge prud'homal de demandes indemnitaires ; Sur le premier moyen : Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir jugé régulière et fondée la sanction prise par EDF-GDF alors, selon le moyen, que pour assurer l'impartialité de la procédure disciplinaire, l'agent qui s'est trouvé mêlé directement et à titre personnel aux faits motivant la comparution de l'agent incriminé devant la commission secondaire, ne doit prendre part ni aux débats, ni aux délibérations ; que si l'interdiction concerne « essentiellement », selon le paragraphe 2321 de la circulaire Pers. 846, le coauteur ou le complice de l'agent incriminé, elle concerne indistinctement tout agent ayant eu à connaître directement et à titre personnel des agissements de l'agent incriminé, tel le supérieur hiérarchique à l'origine des contrôles destinés à le confondre ; qu'en retenant que la circulaire Pers. 846 interdit de siéger exclusivement au coauteur ou complice de l'agent incriminé, la Cour d'appel a violé l'article 3 du statut national du personnel des industries électriques et gazières, ensemble la circulaire Pers. 846 ; Mais attendu que le paragraphe 2321 de la circulaire Pers. 846 n'interdit de prendre part aux débats et aux délibérations de la commission secondaire qu'aux agents qui se sont trouvés mêlés directement et à titre personnel aux faits motivant la comparution de l'agent incriminé devant cette commission ; qu'en jugeant que le seul fait que M. Y... ait exercé des prérogatives de supérieur hiérarchique, en organisant un contrôle de l'activité de M. X..., ne lui interdisait pas de participer aux travaux de la commission secondaire appelée à se prononcer sur son cas, comme représentant de la direction, la Cour d'appel a fait une exacte application de ce texte ; que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le troisième moyen : Vu l'article 9 du Code de procédure civile ; Attendu que si l'employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l'activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en oeuvre un dispositif de surveillance clandestin et à ce titre déloyal ; Attendu que, pour juger que la sanction prononcée à l'encontre de M. X... était régulière et fondée, la Cour d'appel a retenu que si l'employeur a demandé à des cadres de l'entreprise d'aller prendre leur repas dans l'établissement qu'exploitait l'épouse de l'agent, en leur fournissant des photographies de l'intéressé, afin d'établir un rapport dont il résultait que le salarié assurait le service du restaurant en partie pendant son temps de travail, il n'avait pas été porté atteinte à la vie privée de ce dernier, dès lors que l'établissement était ouvert au public, que les agents mandatés ne s'étaient pas cachés pour procéder aux constatations, qu'ils n'étaient pas tenus de révéler leurs fonctions, ni le but de leur visite, agissant en simples clients comme aurait pu l'être tout agent EDF venu inopinément dans l'établissement ; que la plainte avec constitution de partie civile déposée par M. X... pour atteinte à la vie privée a donné lieu à une ordonnance de non-lieu ; que le recours à des témoins pour faire constater l'activité d'un agent pendant ses heures de travail ne constitue pas un procédé déloyal ou clandestin ; et que les contrôles ponctuels ne se sont pas réalisés à l'insu du salarié, les agents s'étant présentés au restaurant sans se dissimuler, alors que M. X... faisait le service au vu et au su de l'ensemble des clients quels qu'ils puissent être ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que des agents EDF, mandatés par le chef de centre, s'étaient rendus dans l'établissement tenu par l'épouse de l'intéressé en se présentant comme de simples clients, sans révéler leurs qualités et le but de leur visite, ce dont il résultait que leurs vérifications avaient été effectuées de manière clandestine et déloyale, en ayant recours à un stratagème, la Cour d'appel, qui a retenu à tort comme moyen de preuve les rapports établis dans ces conditions, a violé le texte susvisé ; Par ces motifs, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juillet 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne EDF-GDF Avignon Grand Delta aux dépens ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, condamne EDF-GDF Avignon Grand Delta à payer à M. X... la somme de 2 500 € ; Mme Collomp, prés., M. Bailly, cons. rapp. , M. Aldigé, av. gén [pourvoi n° 06-45.093, arrêt n° 555 FS-P+B, D. 2008. 992, obs. B. Ines] Observations Le principe de la loyauté de la preuve constitue incontestablement un principe fondamental du droit de la preuve. Depuis l'arrêt Néocel rendu en 1991, cette exigence se fonde sur l'article 9 du Code de procédure civile (Cass. soc., 20 nov. 1991, RJS 1992, n° 1, rapp. P. Waquet ; D. 1992, p. 73, concl. Y. Chauvy). Depuis, la loi du 31 décembre 1992 est venue préciser l'obligation d'informer préalablement à leur mise en oeuvre le candidat à l'emploi « des méthodes et techniques d'aide au recrutement utilisées à son égard » (C. trav., art. L. 121-7), ainsi que des dispositifs de collecte d'informations, cette obligation concernant d'ailleurs également tous les salariés (C. trav., art. L. 121-8). L'article 9 du Code de procédure civile reçoit parfois le secours des articles 8 de la convention EDH et 9 du Code civil, pour assurer le respect de la vie privée des salariés (ainsi dans l'arrêt Nikon : Cass. soc., 2 oct. 2001, Dr. soc.2001, p. 920, chron. J.-E. Ray), mais pas nécessairement. Dans de nombreuses hypothèses, en effet, c'est le seul caractère clandestin de la méthode qui suffit à écarter les preuves du débat. C'est la raison pour laquelle il a été jugé que « si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de son personnel durant le temps de travail, il ne peut ( ) mettre en oeuvre un dispositif de contrôle qui n'a pas été porté à la connaissance des salariés » (Cass. soc, 15 mai 2001, D. 2001, p. 3075, note T. Aubert-Montpeyssen). En revanche, la production en justice d'un SMS adressé par un employeur à un salarié est licite dans la mesure où ce dernier n'est pas sans savoir que le contenu du message s'affichera sur le téléphone du salarié et pourra être lu par toute personne (Cass. soc., 23 mai 2007, n° 06-43.209, Société civile professionnelle (SCP) Laville-Aragon, Lexbase hebdo n° 262 du 31 mai 2007, éd. Soc., et la chron.). C'est cette jurisprudence qui se trouve ici confirmée. Dans cette affaire, un agent d'EDF avait été licencié pour avoir participé, sur son temps de travail, à l'activité professionnelle de son épouse qui tenait un restaurant. Pour parvenir à l'établir, l'employeur avait demandé à des cadres de l'entreprise d'aller prendre leur repas dans cet établissement, en leur fournissant des photographies de l'intéressé, et ce afin d'établir le rapport servant de base aux poursuites disciplinaires. La Cour d'appel avait admis la recevabilité de cette preuve, après avoir relevé que l'établissement était ouvert au public, que les agents mandatés ne s'étaient pas cachés pour procéder aux constatations, qu'ils n'étaient pas tenus de révéler leurs fonctions, ni le but de leur visite, agissant en simples clients comme aurait pu l'être tout agent EDF venu inopinément dans l'établissement, et que les contrôles ponctuels ne se sont pas réalisés à l'insu du salarié, les agents s'étant présentés au restaurant sans se dissimuler, alors que l'agent mis en cause faisait le service au vu et au su de l'ensemble des clients quels qu'ils puissent être. Cet arrêt est cassé, la Haute Juridiction considérant, après avoir visé l'article 9 du Code de procédure civile, que « si l'employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l'activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en oeuvre un dispositif de surveillance clandestin et à ce titre déloyal », que ces « agents EDF, mandatés par le chef de centre, s'étaient rendus dans l'établissement tenu par l'épouse de l'intéressé en se présentant comme de simples clients, sans révéler leurs qualités et le but de leur visite, ce dont il résultait que leurs vérification avaient été effectuées de manière clandestine et déloyale, en ayant recours à un stratagème ». La solution n'est guère surprenante au regard de la jurisprudence dégagée classiquement par la cassation qui reprend ici les termes de la solution dégagée dans l'arrêt Néocel, la Cour faisant référence, de manière quasi-inédite (Cass. soc., 16 janv. 1991, Bull. civ. V, n° 15. - Cass. crim., 4 déc. 02-86353, inédit), à la prohibition de tous « stratagèmes » et en affirmant que la mise en oeuvre d'un de surveillance clandestin est « à ce titre déloyal ». Cour de toutefois 2002, n° dispositif Cette jurisprudence pourrait sembler sévère dans la mesure où elle conduit à donner raison à un salarié dont les fautes sont patentes. Elle semble toutefois nécessaire pour assurer le respect du principe de loyauté dans les relations professionnelles. Lorsqu'il se trouve dans l'entreprise, le salarié sait pertinemment que tous ses faits et gestes peuvent valablement être observés et consignés par son encadrement. Mais en dehors de l'entreprise, le salarié n'a pas à redouter la présence de tiers, ni celle de ses collègues. Certes, il faut un certain humour pour suggérer, comme le fait la Cour de cassation dans cet arrêt, que les salariés venus pour « espionner » leur collègue auraient dû l'informer de l'objet de leur visite... L'employeur n'aura donc d'autre choix que d'avoir recours à un huissier de justice pour garantir la recevabilité de ce genre de preuve, et encore à condition de respecter un certain nombre de principes rappelés dans un autre arrêt rendu le même jour (cf. infra ). Mots clés : LICENCIEMENT * Procédure * Preuve*Loyautéde la preuve * Stratagème * Vie privée CONTRAT DE TRAVAIL * Obligation de l'employeur * Obligation de loyauté * Contrôle et surveillance * Stratagème * Vie privée DROIT ET LIBERTE FONDAMENTAUX * Vie privée * Vie privée du salarié * Contrôle et surveillance * Stratagème * Preuve illicite DOCUMENTN°5:C.CASS.CRIM .,4JUIN2008,08-81045 Vul'article6§1delaConventioneuropéennedesdroitsdel'hommeetl'articlepréliminaire ducodedeprocédurepénale,ensembleleprincipedeloyautédespreuves; Attenduqueporteatteinteauprincipedeloyautédespreuvesetaudroitàunprocèséquitable, la provocation à la commission d'une infraction par un agent de l' autorité publique, en l' absenced'élémentsantérieurspermettantd'ensoupçonnerl'existence;queladéloyautéd'un telprocédérendirrecevablesenjusticelesélémentsdepreuveainsiobtenus,quandbienmême ce stratagème aurait permis la découverte d' autres infractions déjà commises ou en cours de commission; Attendu que, le 11 mars 2004, le service des douanes et de l' immigration des Etats- Unis informait la direction centrale de la police judiciaire française de ce que Cyril X... s' était connecté,danslanuitdu9au10septembre2003,surunsitedepornographieinfantilecrééet exploité par le service de police de New- York, unité criminalité informatique, aux fins d' identifier les pédophiles utilisant internet ; que la transmission de ladite information a donné lieu à une enquête préliminaire en France puis, le 17 décembre 2004, à l' ouverture d' une information contre personne non dénommée des chefs d' importation et détention d' images pornographiquesdemineurs;que,le19octobre2005,uneperquisitioneffectuéeaudomicilede Cyril X..., inconnu des services de police jusqu' à cette date, a permis la découverte de deux ordinateursportables,deCD-ROM,dedisquettesetd'unecléUSB,dontl'examenarévéléqu' ilscontenaientdesimagespornographiquesdemineurs;que,le21octobre2005,àlasuited'un réquisitoire supplétif du ministère public, l' intéressé a été mis en examen des chefs précités ainsiquedediffusiondecesimages; Attendu que, pour rejeter la requête en annulation formée par Cyril X... au motif que la procédureconduiteenFranceseraitfondéesurunstratagèmedesautoritésaméricainesayant provoquél'intéresséàlacommissiond'uneinfraction,l'arrêtretientquesilaprovocationàla commission d' une infraction porte atteinte au principe de loyauté des preuves, il n' en va pas ainsidelamiseenplaced'undispositifpermettantderévélerdesinfractionsdéjàcommisesou se poursuivant ; que les juges ajoutent qu' en l' espèce, la détention d' images pédopornographiques par le mis en examen était antérieure à sa connexion au site ftp et à la sollicitation d' un tiers non identifié dont il invoque l' existence ; que c' est dans un contexte préexistantderecherchesd'imagespédopornographiquesetalorsqu'ilavaitdéjàcommisdes infractionsendétenantdetellesimagesqu'ils'estconnectéausiteftpaméricain;quelacourd' appelendéduitquel'opérationmiseenplaceparlesautoritésaméricainesneconstituepasune provocation à la commission d' une infraction, n' étant que le moyen de révéler une infraction préexistante; Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que découverte de la détention d' images pornographiques n' a été permise que par la provocation à la commission d' une infraction organisée par les autorités américaines et dont les résultats avaient été tranmis aux autorités françaises, la chambre de l' instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci- dessus rappelé; D'oùilsuitquelacassationestencouruedecechef; Parcesmotifs: CASSEetANNULE,entoutessesdispositions,l'arrêtsusvisédelachambredel'instructiondela cour d' appel de Versailles, en date du 25 janvier 2008, et pour qu' il soit à nouveau jugé, conformémentàlaloi, RENVOIElacauseetlespartiesdevantlachambredel'instructiondelacourd'appeldeLyon,à cedésignéepardélibérationspécialepriseenchambreduconseil; ORDONNE l' impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambredel'instructiondelacourd'appeldeVersailles,samentionenmargeouàlasuitedel' arrêtannulé; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatrejuindeuxmillehuit; Enfoidequoileprésentarrêtaétésignéparleprésident,lerapporteuretlegreffierdechambre ; Titrages et résumés : CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 § 1 - Equité-Officierdepolicejudiciaire-Constatationdesinfractions-Provocationàlacommission d'uneinfraction-Provocationréaliséeàl'étrangerparunagentpublicétranger-Compatibilité (non) Porte atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, la provocation à la commission d'une infraction par un agent de l'autorité publique, en l'absence d'éléments antérieurs permettant d'en soupçonner l'existence. La déloyauté d'un tel procédé rend irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus, quand bien même ce stratagème aurait permis la découverte d'autres infractions déjà commises ou en cours de commission PREUVE - Libre administration - Etendue - Limites - Atteinte au principe de la loyauté des preuves-Cas-Provocationàlacommissiond'uneinfractionparunagentpublicétranger DOCUMENTN°6:C.CASS.,CRIM ,7JANVIER2014,N°13-85246 Vu l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article préliminaire du codedeprocédurepénale,ensembleleprincipedeloyautédespreuves; Attenduqueporteatteinteaudroitàunprocèséquitableetauprincipedeloyautédespreuves lestratagèmequienvicielarechercheparunagentdel'autoritépublique; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, dans le cadre d'une information ouverte à la suite d'un vol à main armée, le juge d'instruction a, par ordonnance, prisesurlefondementdesarticles706-92à706-102ducodedeprocédurepénale,autoriséla miseenplaced'undispositifdesonorisationdanslescellulesdegardeàvued'uncommissariat depolice;queMM.Y...etX...,identifiéscommeayantpuparticiperauxfaitsobjetdelapoursuite, ont été placés en garde à vue dans deux cellules contiguës et ont pu, ainsi, communiquer pendantleurspériodesderepos;qu'aucoursdecespériodes,ontétéenregistrésdesproposde M.X...parlesquelsils'incriminaitlui-même;quecelui-ci,misenexamenetplacéendétention provisoire,adéposéunerequêteenannulationdepiècesdelaprocédure; Attenduque,pourécarterlesmoyensdenullitédesprocès-verbauxdeplacementetd'auditions en garde à vue, des pièces d'exécution de la commission rogatoire technique relative à la sonorisationdescellulesdegardeàvueetdelamiseenexamen,prisdelaviolationdudroitde setaire,dudroitaurespectdelavieprivéeetdeladéloyautédanslarecherchedelapreuve,la chambredel'instructionénoncequelemodederecueildelapreuveassociantlagardeàvueet la sonorisation des cellules de la garde à vue ne doit pas être considéré comme déloyal ou susceptibledeporteratteinteauxdroitsdeladéfense,dèslorsquelesrèglesrelativesàlagarde àvueetlesdroitsinhérentsàcettemesureontétérespectésetquelasonorisationaétémenée conformémentauxrestrictionsetauxrèglesprocéduralesprotectricesdesdroitsfondamentaux poséesexpressémentparlacommissionrogatoiredujuged'instructionetqu'ilpeutêtrediscuté toutaulongdelaprocédure; Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la conjugaison des mesures de garde à vue, du placement de MM. Y... et X... dans des cellules contiguës et de la sonorisation des locaux participait d'un stratagème constituant un procédé déloyal de recherche des preuves, lequel a amenéM.X...às'incriminerlui-mêmeaucoursdesagardeàvue,lachambredel'instructiona méconnulestextessusvisésetleprincipeci-dessusénoncé; D'oùilsuitquelacassationestencourue; Parcesmotifs: CASSEetANNULE,entoutessesdispositions,l'arrêtsusvisédelachambredel'instructiondela cour d'appel de Versailles, en date du 4 juillet 2013, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformémentàlaloi, DOCUMENTN°7:DIDIERTHOMAS,VALERIEBOSC,CHRISTINEGAVALDA-MOULENAT, PHILIPPERAMON,AUDEVAISSIERE,LESTRANSFORMATIONSDEL’ADMINISTRATIONDELA PREUVEPENALE ,ARCHIVESDEPOLITIQUECRIMINELLE ,N °26PEDONE ,2004,P .113. Lapreuve,selonDomat,est«cequipersuadel’espritd’unevérité».Elleconstitue,parvoiede conséquence,labasedetoutprocèsetlaconditionsinequanond’unebonneadministrationdu systèmejudiciaire.L’absencedepreuveesttraditionnellementconsidéréecommeayantuneffet déterminantsurlaprocédure,révéléparlamaximelatineIdemestnonesseetnonprobari. Partantdececonstat,l’EquipedeRecherchesurlaPolitiqueCriminelle(E.R.P.C.)del’Université deMontpellierI,répondantàunappeld’offresduG.I.P.«MissionderechercheDroitetJustice», aélaboréunprojetderechercheconsacréauxtransformationsdel’administrationdelapreuve pénale. La démarche retenue a consisté à établir un état des lieux du système probatoire français,toutenélaborantunoutildepolitiquecriminelle. Envisagé sous l’aspect spécifique du droit pénal, le rôle de la preuve est, en effet, encore plus capital puisque, pour imputer une infraction à un suspect et obtenir ultérieurement sa condamnation, il faut parvenir à renverser la présomption d’innocence, d’où le terme particulièrementévocateuretsignificatifde«fardeau»delapreuve.Ainsi,entantqu’ensemble desrèglesapplicablesàlaconstatationd’uneinfraction,quecetteconstatationsoitrelativeaux faits ou à la personnalité du suspect, la preuve occupe une fonction stratégique au cœur du procèspénallargosensu–etdansledroitpénalengénéral.Cetteplaceestcependantmouvante en raison d’un procès pénal à géométrie variable et, en tout cas en constante extension, et du développementdestechniquestoujoursplusscientifiquesderassemblementdespreuves. La question de la preuve est donc essentielle dans le contentieux juridictionnel et plus particulièrementdanslecontentieuxpénal,certainss’accordantmêmeàdirequelesrèglesqui régissentlapreuvesont«lemiroir»delasociété,laquelleestenquêted’unéterneléquilibre entrelarecherchedesaprotectionetl’atteintequecettedernièrerisquedeporterauxlibertés individuelles. Ainsi,malgréunebaisseglobaledeschiffresdeladélinquance,estconstatéeuneaugmentation decertainescatégoriesd’infractions,notammentlesviolencescontrelespersonnes.Parailleurs, les interrogations affluent autour de l’endiguement d’une criminalité transnationale et d’une délinquanceliéeàl’essordesnouvellestechniques. Lanaturedeladélinquancevarieetserenouvelle,présentantensubstanceundoubleaspectet provoquant inéluctablement le déclenchement du processus d’internationalisation du droit pénal. Le premier aspect de la criminalité est en relation avec les mutations mondiales concernant particulièrement les différentes formes du crime organisé. Sa seconde nature a été mise en évidence par la découverte de crimes horribles, perpétrés en violation des principes fondamentauxdudroithumanitaire.Ellerésulted’unbouleversementdesvaleursetimposeune prise de conscience de la société internationale sur le caractère indispensable de l’édiction de normes supranationales aux fins de sanctionner des crimes pour lesquels la communauté internationaledanssonintégralitéestdirectementintéressée. La transformation de la délinquance est également liée au développement de technologies nouvelles qui ont une incidence directe sur le comportement de la criminalité. Cette dernière devient de plus en plus sophistiquée, opaque et ingénieuse. Parallèlement, la justice pénale bénéficiedesavancéesliéesauprogrèsdestechniques. Le processus pénal est encore atteint par l’affirmation de principes directeurs de la procédure pénale issus principalement des exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (C.E.S.D.H.) et de la jurisprudence qui en découle. L’influence de ce texte supranational s’opère en France par le jeu d’une applicabilité directe aux termes de l’article 55 de la Constitution. L’intégration par la Cour de justice des Communautés européennes des principes dégagés par la Cour Européenne des Droits de l’Homme(C.E.D.H.)renforcel’impactdecesderniers. Dans ce contexte, l’étude de l’administration de la preuve présente un intérêt majeur ; elle est effectivement la phase centrale du droit de la preuve et, par là même, la plus sensible aux phénomènessusmentionnés. L’administration de la preuve pénale comprend, à ce titre, deux étapes fondamentales pour la gestiondesmodesdepreuve.D’unepart,elleintègrelaphaseincontournablederecueillement des éléments probatoires menée principalement par les officiers et agents de police judiciaire ainsiqueparlemagistratinstructeur.D’autrepart,elleenglobel’opérationderecevabilitédeces mêmesélémentsdirigéeparlejugerépressif. Dèslors,vouloirobjectivementsesoucierdestransformationsdel’administrationdelapreuve pénale implique nécessairement une double adaptation visible au plan interne ainsi qu’à l’écheloninternational. Or, l’adaptation du système probatoire français aux évolutions pratiques et théoriques constatées est logiquement subordonnée à la démonstration de ses carences. Une réflexion de fonda,parconséquent,étéengagée–premieraxedelarecherche(I)–surleslacunesrelatives auxdiversaspectsdel’administrationdelapreuvepénale,tanttechniquesetscientifiques,que pragmatiques,ouencorethéoriquesenrapportaveclesgrandsprincipesdeprocédure. Effectivement, si le progrès dans les nouvelles méthodes d’enquête – concomitant à la modernisation de la criminalité – est commandé par le souci d’accroître la réponse pénale et l’efficacitédelarépression,cestechnologiesoffrentauxenquêteursdesmoyensquis’immiscent toujours davantage dans la sphère d’intimité de l’individu. Les interrogations quant à la légitimité du recours à de tels moyens ne doivent pas occulter la question essentielle de la suffisance ou non de cette adaptation. Cette dernière semble par ailleurs subordonnée à l’élaboration d’un système probatoire, si ce n’est commun et unifié, reposant toutefois sur les mêmes principes. L’harmonisation des règles de preuve apparaît désormais pour nombre de nations, en particulier européennes, comme un véritable défi. La raison découle des particularités et disparités procédurales existant en matière de preuve dans la législation des diversEtats.C’estainsilaconservationdespreuvesdecomportementsdélinquantsmultipleset variés,impliquantdenombreuxacteursetterritoiresqu’ildevientimportantdemaîtriser. Pourtant, un tel effort, basé sur la prise de dispositions compatibles entre elles et ponctuellementcommunes,s’avèreindispensablepourrenforcerlaluttecontreladélinquance nouvelle.Enoutre,ellen’ariend’utopiqueauregarddel’avènementd’unejusticeinternationale etdelasignatured’accordsetdeconventionsenmatièredeprotectiondesintérêtsfinanciersde l’Union européenne. Cependant, elle demeure délicate en raison de la permanence d’obstacles étatiques,tellelasouveraineténationale. Le second axe du projet a été motivé par la recherche d’un nécessaire amélioration des règles guidant l’administration de la preuve pénale aux évolutions de la société actuelle (II). Des propositions ont alors été élaborées pour permettre une meilleure adéquation du système probatoire français et pour favoriser le renforcement de la lutte contre la délinquance transnationale.Ellesonttraitauxtransformationsindispensablesdel’administrationinternede la preuve pénale et à la recherche primordiale et utile d’une harmonisation de la preuve à l’échelleeuropéenne. I-Leconstatd’unsystèmeprobatoirelacunaire Le constat des lacunes du système probatoire actuel résulte d’une part, d’une insuffisante adaptation aux évolutions de la criminalité et aux nouvelles techniques de preuves. Notre système est, en raison de sa rigidité, trop souvent inadapté, ce qui gêne considérablement la résolutiondecertainesaffairescriminelles(A). Elleest,d’autrepart,laconséquencedecertainescarencesdusystèmetraditionneldelapreuve pénale,tenantpourl’essentielaunonrespectdesprincipesfondamentauxdudroitpénaletdela procédurepénale(B). A-Unemodificationdel’économiedusystèmetraditionneld’administrationdelapreuve L’adaptation de l’administration de la preuve pénale est rendue nécessaire en raison de l’apparition et du développement de nouvelles formes de délinquance auxquelles s’associent inévitablementdenouveauxmodesdepreuves(1). Au premier rang de ces récents procédés probatoires figure la preuve scientifique dont le recourscroissantsoulèvequelquesdifficultés(2). 1-Uneinadéquationauxnouvellesformesdedélinquance L’histoire de la preuve suit celle de la criminalité. En raison des figures diverses et malignes qu’empruntecettedernière,ledroitdelapreuveestdansl’obligationdes’adapter.Laseconde moitié du XXème siècle a vu se développer deux nouvelles formes de délinquance face auxquelleslesprocédésprobatoiresclassiquessontinexistantssinonobsolètes:ladélinquance économiqueetfinancièred’unepartet,d’autrepart,ladélinquanceinformatique. Par ailleurs, le constat d’une inadéquation du système actuel d’administration de la preuve pénale est renforcé lorsque cette délinquance aux moyens techniques accrus est conjuguée au développement d’une délinquance transnationale. En témoigne la nature hétérogène de la criminalité d’affaire qui lui permet de recouvrer différentes formes, de la pratique individuelle utilisant les nouvelles technologies de pointe – l’outil informatique notamment – à de vastes opérationsmenéesauplaninternationalpardesgroupeshyperstructurésetparfoisconnectés au crime organisé. Si la criminalité organisée n’est pas un phénomène nouveau, sa mondialisationenestunemanifestationrécenteetexponentielle.Ladérégulationdeséchanges, la sophistication des moyens de communication, l’existence d’un archipel planétaire de places spécialisées dans la gestion tolérée de la criminalité financière et l’absence d’une solide coopération internationale ont favorisé une telle évolution. Même lorsque l’infraction est commisesurleterritoirenational,certainesopérations,élémentsconstitutifsmatériels,peuvent avoir été commises à l’étranger. Quant aux produits du délit, ce sont souvent des sommes d’argent dont l’existence et la provenance se perdent au fil des transits dans diverses banques étrangères. 2-Uneinadaptationaudéveloppementdenouvellestechniquesderassemblementdespreuves Le droit de la preuve a longtemps reposé sur l’aveu, alors que, de nos jours, il s’appuie essentiellementsurunsupportscientifiqueettechnique.Eneffet,l’aveud’aujourd’huin’aplusla même consistance, ni le même rôle que celui d’hier et bien souvent ce sont des procédés scientifiques qui viennent le corroborer. La preuve scientifique peut ainsi s’analyser comme la résultanted’unedémarcherationnellefondéesurl’observationetl’expérience. L’usage de la science pour élucider les affaires pénales est donc devenu indispensable notamment pour lutter activement contre de nouvelles formes de criminalité. A partir de ce constat se sont développées au cours des dernières décennies des nouvelles méthodes pour lesquellesilafallus’interrogersurleurfiabilitémais,aussietsurtout,surleurconformitéavec lesidéauxirriguantlaprocédurepénale.Delàsedégagentdesméthodesàproscrire,d’autresà développeretcertainesàn’envisagerqu’avecprudence. Emblèmedecesnouveauxprocédés,lapreuvegénétiqueaacquisuneplaceprépondérante.Or, l’identificationgénétiquen’adevaleurquecomparative.Lacartegénétiqueétablieàpartird’un indiceestenelle-mêmeinexploitablesiellenepeutêtrecomparéeàcelled’unautreéchantillon prélevésurunsuspect,unevictimeoufigurantdansunfichier.Dèslorsseposelaquestiondu récolementd’ADNpermettantd’offrirunoutildecomparaison. Le prélèvement d’empreintes génétiques a suscité des réactions divergentes et controversées puisque ce procédé touche au plus profond de l’être humain : son intégrité physique. Aussi un encadrementstrictdelatechniques’imposeafindenepasrompreavecdesprincipesessentiels du droit notamment celui de l’inviolabilité du corps humain. Si dans ce sens des efforts appréciables ont été réalisés, il s’avère cependant que la réalité en matière génétique suscite encored’importantesdiscussions. B-Lescarencesdel’administrationtraditionnelledelapreuvepénale L’administration traditionnelle de la preuve pénale s’accommodait d’un principe de loyauté malmené(1)etd’unprocessuspénalinadapté(2). 1-Lenonrespectduprincipedeloyauté L’article 427 du code de procédure pénale prévoit que « hors les cas où la loi en dispose autrement,lesinfractionspeuventêtreétabliespartoutmodedepreuve….» Nulnepeutalorslecontester,lapreuveestlibre.Cecinesignifiepaspourautantquetoutesles preuvessontadmissiblesetquetoutmoyenpourlesrecueillirestacceptable.Unfortconsensus doctrinal s’est organisé à ce propos. Il est tout à fait contraire à la volonté de préserver une justice démocratique, et ce au regard de principes de morale, d’équité et d’éthique judiciaire, d’admettre sans cesse des preuves illégalement obtenues sous prétexte d’une recherche nécessairedelavérité. L’ouvragerécemmentécritparChristianDEVALKENEERtémoignedecetintérêtactueletfondé pour de telles pratiques. « L’étude de la tromperie dans l’administration de la preuve peut apparaître,àpremièrevue,commeincongrue.Véritéetjusticenesont-ellespasintrinsèquement liées ? Dans cette perspective, la tromperie ne serait qu’une forme de déviance judiciaire ou policièrequ’ilconviendraitd’appréhendersousl’angledel’irrecevabilitédespreuves». L’étude du principe de loyauté a conduit à la constatation d’un cautionnement fréquent de la tromperieparlaloiouparlajurisprudence,«autraversdudéveloppementdesstratégiessouscouvertures». Iln’estdésormaisplussouhaitabled’accepterl’illégalitémanifeste.Ilenvadelacrédibilitéetde lalégitimitédenotresystèmepénal. Dans ce contexte, il apparaît utile, voire indispensable de renforcer le caractère loyal de la preuve. La loyauté dans la recherche des preuves apparaît comme un impératif procédural dont les objectifssonttangiblesàl’examendelajurisprudenceetdelalégislationeuropéennes. Commel’écrivaitdéjàleDoyenBouzat,«Laloyautéestunemanièred’êtredelarecherchedes preuves,conformeaurespectdesdroitsdel’individuetàladignitédelaJustice».Enencadrant strictement certaines pratiques policières – telle l’infiltration –, le législateur a enfin pris consciencedelanécessitédeprotégerleprincipedeloyautéquiconstitueincontestablementla règlefondamentaledevantrégirl’administrationdelapreuve. Aussi ce principe devrait-il s’appliquer en toute logique sans limite aucune. Pourtant, des atteintes au principe de loyauté sont commises ; concrètement, elles tiennent à l’utilisation de certains procédés probatoires, tout autant qu’à un système de protection de la loyauté encore imparfait.Ainsi,l’absencededispositionsécritessurlerôledespartiesprivéesdanslarecherche despreuvesalaisséunelargemargedemanœuvreauxjugesqui,dansunsouciderépression croissanteet«d’impunitézéro»,ontprogressivementpermisauxpartiescivilesdeproduireà l’instancepénaledespreuvesdéloyalementobtenues.Auprismed’unevolontédeprivilégierla manifestationdelavérité,lesjuridictionsinternesenarriventàadmettredesenregistrements d’imagesréalisésparunecaméradansuneofficinedepharmaciesefondant,pourcefaire,sur l’absence de prévision légale concernant l’intervention des parties privées dans la phase de recherchedespreuves. 2-L’inadaptationduprocessuspénalactuel Les modifications susmentionnées ont entraîné une véritable inadéquation tant des règles gouvernantledéroulementduprocèspénalquedesacteursdeceprocessus.Ainsi,l’insuffisance manifesteduprincipeducontradictoiretantdansl’enquêtedepolicequ’aucoursdel’instruction préparatoirenepermetpasd’avoirundroitàlapreuvejusteetéquitable.L’informationentant quecomposanteduprincipeducontradictoireseraitdanslaphasepréparatoireduprocèspénal trèsimparfaite. Concernantl’enquêtedepolice,cetteconsidérationrenvoiealorsaurôlejouéparl’avocatlorsde son intervention pendant la mesure de garde à vue, ce dernier disposant de 30 minutes pour s’entreteniravecsonclientmaisnerecevantaucuneinformationsurlesélémentsdefaitdéjàà ladispositiondesservicesdepolice. Relativementàl’instruction,l’équilibredesdroitsdespartiesn’apasencoreétéatteintmalgré les réformes successives de la procédure pénale. Nous considérons qu’il est donc justifié d’évoquer à ce stade de la procédure un certain déséquilibre des droits des parties, allant à l’encontre des dispositions de l’article préliminaire du Code de procédure pénale. En effet, le Parquetrestelargementfavoriséparrapportauxpartiesprivées.Ainsi,leParqueta-t-ilaccèsau dossierenpermanencealorsquel’article114,al.2duCodedeprocédurepénaleprévoitquela procédure est mise à la disposition des avocats des parties « durant les jours ouvrables, sous réservedesexigencesdubonfonctionnementducabinetd’instruction». Si la preuve constitue l’un des objets premiers du processus pénal, il n’en demeure pas moins quesarecherchenedoitpass’effectueraudétrimentdesgarantiesindividuelles. A l’identique, le bouleversement du système d’administration de la preuve pénale doit s’accompagner nécessairement d’une redéfinition du rôle des acteurs du procès pénal en général,etdelapreuvepénaleenparticulier. II-Larecherched’uneaméliorationdusystèmeprobatoire L’améliorationdusystèmed’administrationdelapreuvepénalereposesurlamiseenexergue delafinalitéduprocèspénaletlaplaceconséquenteaccordéeàlapreuvedanscecontexte.En tant qu’élément substantiel, fondement de tout processus pénal, l’amélioration du système de preuvepénaledoitveilleràrenforcerlaprotectionindividuelle(A)maiségalementl’efficacitéde la répression (B). Effectivement, l’objectif du procès pénal est originellement un objectif de répression tandis que l’influence des préceptes européens commande une justice pénale soucieusedeslibertésindividuellesetdesdroitsdel’homme. A-Unrenforcementdelaprotectionindividuelle Le développement du recours à la preuve scientifique impose un renforcement des libertés individuelles par un encadrement strict de son utilisation (1). L’intégration des préceptes européensapparaîtcommeuneétapefondamentaledanscetteoptique(2). 1-Unrecoursàlapreuvescientifiquestrictementdéfini L’un des principaux vices de la preuve scientifique est qu’elle sous-entend pour beaucoup la notiondecertitude.Cependant,laquestiondoitêtreposée:lapreuvedevient-ellefiable,voire mêmeinfaillible,dèslorsqu’ellerevêtlecaractèrescientifique?Anotresens,ceraccourcidoit absolumentêtreévitéafind’empêcherdesissuesregrettables. Certes, la preuve technique permet aujourd’hui d’accroître sensiblement l’efficacité de la répression, néanmoins cet usage doit être combiné avec l’exploitation des preuves plus classiques.Laraisonenestsimple:chaquepreuve,qu’ellesoittraditionnelleouplusmoderne, comporte des limites qui l’empêchent de servir d’unique fondement à une condamnation. De plusleprincipemêmedel’intimeconvictioninterditunetelleacception. Dansuneperspectivedeprotectiondeslibertésindividuelles,despropositionsvisantàencadrer lerecoursàlapreuvescientifiqueontétéformulées: -Renforcerlatransparenceenmatièrederécolementdesempreintesgénétiques. -Encadrerstrictementlapossibilitédesesoumettreàunprélèvement. - Renforcer la formation des enquêteurs afin d’éviter les erreurs de manipulations pouvant engendrerunedestructiondesindices,voireunrisqued’erreurjudiciaire. - Limiter le récolement des empreintes dans le FNAEG aux infractions les plus graves, en particulier les infractions contre les personnes et l’atteinte à la sûreté de l’Etat, l’atteinte aux droitsdelapersonnenedevantpasêtredisproportionnée. -Limiterl’utilisationdelaméthodeauxcrimesetdélitslesplusgavesafinderéduirelescoûts, l’impact économique suscité par l’introduction de la génétique dans les pratiques judiciaires n’étantpasànégliger. 2-Uneintégrationdesprécepteseuropéensendroitfrançais Malgrél’absence,danslestermesmêmesdelaConventioneuropéennedesdroitsdel’homme, deprincipesdirecteursspécifiquesàl’administrationdelapreuveenmatièrepénale,ilressort de la jurisprudence des instances européennes que le « mode de présentation des moyens de preuve»doitrevêtiruncaractèreéquitable.«Larecevabilitédespreuvesrelèveaupremierchef des règles du droit interne et il revient en principe aux juridictions nationales d’apprécier les éléments recueillis par elles. La tâche de la Cour consiste donc à rechercher si la procédure examinéedanssonensemble,ycomprislemodedeprésentationdesmoyensdepreuve,revêtait uncaractèreéquitable»(C.E.D.H.,Deltac/France,17décembre1990). L’intégration des préceptes européens en droit français au regard du procès équitable doit imposerunrenforcementdesprincipesdirecteursdel’instance: -Développerlesdroitsdeladéfensedansl’enquêtedepolice. - Informer les personnes gardées à vue non seulement de la nature de l’infraction mais égalementdesraisonsdefaitetdedroitquiontmotivélamesure. -Rétablirl’informationsurledroitausilencedugardéàvue. - Assurer l’équilibre des droits des parties durant l’instruction en exigeant que les juges d’instructionmotiventendroitetenfaitlerejetdesdemandesd’actesformuléesparlesavocats desparties. - Poser le principe selon lequel, à peine d’irrecevabilité du témoignage, la défense doit être en mesure d’interroger ou de faire interroger tout témoin à charge. Lorsque les autorités compétentes ont fait preuve de diligence pour permettre la confrontation, le témoignage non contradictoirepeutnéanmoinsêtrereçu,maisilnesauraitconstituerleseulélémentsurlequel reposelacondamnation. L’idée des droits de l’homme est également un vecteur d’harmonisation des législations qui tendent,lorsqu’ellesseveulentdémocratiques,àseconformeràcertainsprincipesdeprotection etderespectdeladignitéhumaine,sanspourautantnégligerl’efficacitédelarépression. B-Unrenforcementdel’efficacitérépressive L’harmonisation européenne en œuvre (1) par l’intermédiaire de multiples accords et conventionss’avèreinsuffisanteetnécessiteencoreplusdecoopération(2). 1-L’élaborationd’unsystèmeprobatoireàl’écheloneuropéen «Ledroitnepeutéchapperàlamondialisation,lesQuinzedoiventmontrerl’exemple».Ainsi s’exprimaitleProfesseurMireilleDelmas-Marty,le28novembre2000,dansunarticleintitulé« PourunvraiProcureurEuropéen»parudanslequotidienLibération. Ilyétaitquestiond’unepropositiondelaCommission,soutenueparleParlementeuropéen,de création d’un Procureur Européen qui, dans des matières spécifiques liées à la protection des intérêts financiers communautaires disposerait de pouvoirs forts d’investigation sur tout le territoiredesEtatsmembressansavoirbesoinderecouriràdescommissionsrogatoiresouàla procédured’extradition. Quelleavancéedanslaconstructiond’une«Europedelajustice»! La France, trop attachée à sa culture juridique et judiciaire spécifique et à une souveraineté qu’elle désirait protéger « coûte que coûte », a longtemps été réticente quant à l’adoption de tellespropositions. LaFranceetd’autresnationsontfinalementperçul’enjeudecesévolutionsprocéduralespourla constructioneuropéenneetpourlarépressiond’unecriminalitétransnationale.Lesévénements terroristes du 11 septembre 2001 ont accéléré la création du mandat d’arrêt européen, tandis quel’adoptionduProcureureuropéenfaitencoredébat. Lavolontéd’élaborerunsystèmeprobatoiresinonunifié,toutaumoinsharmonisé,àl’échelon européenconstituel’unedespréoccupationsmajeuresdesgouvernementseuropéensàl’heure actuelle. Les projets européens en cours de réalisation, voire déjà adoptés, reflètent cette ambitiondifficileàconcrétiserenraisonprincipalementdesdisparitésprocéduralesexistanten matièreprobatoiredanslesdifférentspayseuropéens. 2-L’approfondissementdesperspectiveseuropéennesd’harmonisation Les problèmes rencontrés par notre système national se sont vus apporter diverses solutions. Toutefois certaines propositions sus-évoquées s’intègrent plus facilement dans le cadre d’une harmonisationeuropéenne. Ainsienest-il,notamment,despointssuivants: -DévelopperauplaneuropéenunfichiercomparableànotreFNAEG,accessibleauxdifférentes institutionsdesEtatsdel’Unionetreposantsurdescritèrescommuns. - Accélérer la mise en œuvre du mandat d’arrêt européen en incitant les Etats signataires à l’intégrerauplusvitedansleurlégislation. - Favoriser la coopération policière et l’entraide judiciaire en élargissant le domaine d’applicationdesdroitsd’observationetdepoursuitetransfrontalièreinstituésparlesaccords Schengen et en limitant les hypothèses dans lesquelles les Etats signataires peuvent refuser l’exercicesurleurterritoiredudroitdepoursuite. - Créer un Procureur européen disposant de compétences suffisantes pour poursuivre sur l’ensemble des pays de l’Union Européenne les crimes et délits graves portant atteinte aux intérêtsdel’Union. Conclusion Le constat des lacunes du système probatoire français nous a conduit à préconiser certaines modificationsdequelquesdispositionsducodedeprocédurepénale. Trente-quatre propositions concrètes ont ainsi été formulées dans le rapport définitif, disponible depuis juin 2004, propositions constituant des pistes éventuelles pour une améliorationdenotresystèmeprobatoireinterne. Cespropositions,présentéesexplicitementsousformed’articles,sefondentsurlesnécessaires adaptations de l’administration traditionnelle de la preuve pénale en droit français. Elles se combinent également aux préceptes, plus spécifiques, présentés comme vecteurs d’une harmonisationdesrèglesprobatoiresàl’écheloneuropéen. S’agissant,parexempledelagardeàvue,laprohibitiondesinterrogatoiresexcessifspassepar l’adjonction d’un nouvel alinéa à l’article 63 du code de procédure pénale qui pourrait être rédigéainsi:«L’interrogatoiredespersonnesàl’encontredesquellesilexistedesindicesgraves etconcordantsd’avoirparticipéauxfaitsdontl’officierdepolicejudiciaireestsaisi,nepeutêtre poursuivi. L’officierdepolicejudiciairedoit,alorsimmédiatementenaviserleprocureurdelaRépublique afinqu’ilapprécielessuitesàdonneràlaprocédure». Demêmeleprincipeducontradictoire–dontl’articlepréliminaireducodedeprocédurepénale rappellepourtantqu’ilconcerne«toutepersonnesuspectée»–seraitmieuxprotégésil’article 63-1précisait,commel’exigepourtantlajurisprudenceeuropéenne,quetoutepersonneplacée engardeàvueestimmédiatementinforméedelanaturedel’infraction«etdesraisonsdefaitet dedroitquiontmotivélamesure». DOCUMENTN°8:CHRISTOPHERADE,PREUVE.CONSTATD'HUISSIER.LOYAUTE. PROHIBITIONDESSTRATAGEMES,DROITSOCIAL,2008,P.610 L'essentiel Si un constat d'huissier ne constitue pas un procédé clandestin de surveillance nécessitant l'information préalabledusalarié,ilestenrevancheinterditàcetofficierministérield'avoirrecoursàunstratagèmepour recueillirunepreuve. C.cass.,Soc.,18mars2008,SociétéColomc/MmeStéphanieDelaide Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Limoges, 13 décembre 2005), que Mme Delaide, vendeuse dans un magasin exploité par la société Colom, a été licenciée pour faute grave le 6 août2004aprèsconstatation,parunhuissier,del'absenceencaisseàdeuxdatesdéterminées du montant d'achats effectués en espèces auprès d'elle aux mêmes dates, ces faits constituant selonlalettredelicenciementdesdétournementsd'espèces; Attendu que la société Colom fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement de la salariée n'étaitpasjustifiéparunefautegrave,etdel'avoircondamnéeaupaiementdediversessommes, alors,selonlemoyen: 1°/queconstitueunmodedepreuveliciteunconstatdresséparunhuissierquis'estbornéà effectuerdesconstatationspurementmatériellesdansunlieuouvertaupublic;qu'enécartant ce mode de preuve, le constat d'huissier produit par l'employeur après avoir constaté que l'huissieravaiteffectuédesconstatationsdanslesmagasinsdelasociété,lieuouvertaupublic,la Courd'appelaviolélesarticles9duCodedeprocédurecivileetL.120-2duCodedutravail; 2°/ que l'objet du litige est fixé par les prétentions respectives des parties ; que la salariée reconnaissait dans ses écritures qu'il lui arrivait parfois de décaler la vente d'un jour sur le lendemainetdenepasenregistrerlejourmêmelesventeseffectuées;quepourlaventedu21 juillet2004viséedanslalettredelicenciement,MmeDelaideavaitaffirmén'avoirinscritcette vente sur le cahier des ventes que le 22 juillet 2004 ; que ce fait était expressément reproché dans la lettre de licenciement adressé à Mme Delaide ; qu'en affirmant que la production du cahier de caisse était inopérante pour rapporter la preuve du fait reproché dès lorsque l'on ignore quelles sont les ventes réglées en espèces que Mme Delaide n'aurait pas mentionnées danslecahierprévuàceteffetetdontellen'auraitpasremisencaisseleproduitenl'absencede tout autre élément de preuve que le constat, alors que la salariée reconnaissait ne pas avoir mentionné les ventes du 21 juillet 2004, fait reproché dans la lettre de licenciement, la Cour d'appelamodifiélestermesdulitigeetviolélesarticles4,7et12duCodedeprocédurecivile; Mais attendu d'abord, que si un constat d'huissier ne constitue pas un procédé clandestin de surveillance nécessitant l'information préalable du salarié, en revanche il est interdit à cet officierministérield'avoirrecoursàunstratagèmepourrecueillirunepreuve; Et attendu ensuite que la Cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, que l'employeur s'était assuré le concours d'un huissier qui avait organisé un montage en faisant effectuer, dans les différentes boutiques et par des tiers qu'il y avait dépêchés, des achats en espèces puis en procédant, après la fermeture du magasin et hors la présence de la salariée, à un contrôle des caisses et du registre des ventes ; qu'en l'état de ces constatations, dont il ressortait que l'huissier ne s'était pas borné à faire des constatations matérielles, mais avait eu recours à un stratagèmepourconfondrelasalariée,elleenaexactementdéduitqueleconstatétablidansces conditionsnepouvaitêtreretenucommepreuve;quelemoyenn'estpasfondé; EtattenduenfinquelaCourd'appel,sansdénaturerlestermesdulitige,s'estbornéeàrelever que les faits de détournement d'espèces, seuls faits visés par la lettre de licenciement, ne résultaient pas des cahiers de caisse, en l'absence d'autres éléments de preuve ; que le moyen n'estpasfondé; Parcesmotifs: Rejettelepourvoi; Observations L'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers dispose que ces derniers « peuvent être commis par justice pour effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter ; ils peuvent également procéder à des constatations de même nature à la requêtedeparticuliers;dansl'unetl'autrecas,cesconstatationsn'ontquelavaleurdesimples renseignements». Lasituationdeshuissiersdejusticeauregarddudroitdelapreuveesttoutefoisassezdifficileà cerner. Il est en effet admis que « un constat d'huissier ne constitue pas un procédé clandestin de surveillancenécessitantl'informationpréalabledusalarié»(CE8/3SSR,7juin2000,n°191828, S.A.Roulle.-Cass.soc.,5juill.1995,Bull.civ.V,n°235).LaCourdecassationamêmerécemment admisqu'unhuissierdejusticen'apasàs'identifier,dèslorsqu'ilsetrouvedansunlieupublic (Cass. soc., 6 déc. 2007, n° 06-43392, inédit). Les huissiers peuvent également, « à seule fin d'éclairer leurs constatations » (Cass. soc., 6 déc. 2007, n° 06-43392, inédit), interroger les personnesprésentes.Maisilsnesauraientsemontrerplusactifseninterrogeantdessalariés,en dehors de l'hypothèse exceptionnelle où ils cherchent à expliciter leurs propres constatations (ainsiCass.soc.,29oct.2002,Bull.civ.V,n°326.-28avr.2006,Bull.civ.V,n°153),nimener d'enquête (Cass. soc., 22 mars 2006, n° 03-43602, inédit), ni procéder à un contrôle d'identité (Cass.soc.,2mars2004,Bull.civ.V,n°69;LexbaseHebdon°111du11mars2004,éd.soc.,etla chron.),niprocéderàunefilature(Cass.soc.,24janv.2002,Bull.civ.V,n°35). Renouantavecuneexpressionquin'avaitjusquelàquetrèsrarementétéutiliséeparlaCourde cassation (v. supra), la chambre sociale précise, dans l'arrêt n° 559 en date du 18 mars 2008, qu'« il est en revanche interdit à cet officier ministériel d'avoir recours à un stratagème pour recueillirunepreuve».Constituepareilstratagèmetouteprovocationàlapreuve(Cass.soc.,16 janv.1991,préc.),lefaitd'écouteruneconversationtéléphoniquesansquelecorrespondantne sachequecelle-ciétaitécoutéeparuntiers(Cass.soc.,29janv.2008,n°06-45814,inédit),oule faitdeprendre«unefaussequalitépourobtenirdesrenseignementsd'uninterlocuteur»(Cass. soc.,5juill.1995,Bull.civ.V,n°237). C'est dans ce courant extrêmement strict que se situe ce nouvel arrêt. Dans cette affaire, une caissièreavaitétélicenciéepourfautegraveaprèsquesonemployeureutfaitconstater,parun huissier,l'absenceencaisseàdeuxdatesdéterminéesdumontantd'achatseffectuésenespèces auprèsd'elleauxmêmesdates.CesconstatsavaientétéécartésdesdébatsparlaCourd'appel,et le licenciement considéré comme dénué de cause réelle et sérieuse, ce que contestait bien entendu l'employeur dans son pourvoi. Ce dernier faisait valoir que l'huissier s'était « borné à effectuerdesconstatationspurementmatériellesdansunlieuouvertaupublic»(circonstance relevéedernièrementparlaCourdecassationpourvaliderdesconstats:Cass.soc.,6déc.2007, préc.)L'argumentn'apasconvainculaHauteJuridictionquirelève,àlasuitedelaCourd'appel, que « l'employeur s'était assuré le concours d'un huissier qui avait organisé un montage en faisanteffectuer,danslesdifférentesboutiquesetpardestiersqu'ilyavaitdépêchés,desachats enespècespuisenprocédant,aprèslafermeturedumagasinethorslaprésencedelasalariée,à un contrôle des caisses et du registre des ventes », ce qui caractérisait « un stratagème pour confondrelasalariée». Cettesolutionestparfaitementconformeauxsolutionsadmisesetquidénienttoutevaleuraux constatsopérésdanslecadred'uneprovocationàlapreuve(Cass.soc.,16janv.1991,préc.).Ni l'employeur, ni un huissier de justice ne peuvent donc piéger un salarié en provoquant la situation illicite justifiant des sanctions disciplinaires, ce qui est bien conforme au principe de loyautéquigouverneledroitdelapreuveetauxrèglesduprocèséquitable,ausensdel'article 6-1delaconventionEDH(enmatièrepolicière,Cass.crim.,11mai2006,Bull.crim.n°132.-7 févr. 2007, n° 06-87753, publié). L'huissier doit donc se contenter d'observer passivement les faits, sans que par son intervention il puisse, à un titre quelconque, influer sur le cours des événements. Motsclés: LICENCIEMENT * Procédure * Preuve * Loyauté de la preuve * Stratagème * Constat d'huissier CONTRAT DE TRAVAIL * Obligation de l'employeur * Obligation de loyauté * Contrôle et surveillance*Stratagème*Constatd'huissier DOCUMENTN°9:E.CHEVRIER,LALOYAUTEDELAPREUVEL'EMPORTE,MEMEENDROITDE LACONCURRENCE ,DALLOZACTUALITE12JANVIER2011 Ass.plén.,7janv.2011,P+B+R+I,n°09-14.316 Résumé Saufdispositionexpressecontraireducodedecommerce,lesrèglesducodedeprocédureciviles'appliquent au contentieux des pratiques anticoncurrentielles relevant de l'Autorité de la concurrence. Dès lors, l'enregistrementd'unecommunicationtéléphoniqueréaliséàl'insudel'auteurdespropostenusconstitueun procédédéloyalrendantirrecevablesaproductionàtitredepreuve. Onnereviendrapassurlesétapesdelaprocédurenisurlesthèsesenprésence,déjàamplement commentéesetargumentées.Toutjusterappellerons-nousqueleConseildelaconcurrence(n° 05-D-66du5déc.2005,BOCC29avr.2006;D.2006.Pan.1385,obs.Claudel;ibid.AJ225,obs. Chevrier ; RTD com. 2006. 325, obs. Claudel ; AJ pénal 2006. 125, obs. Roussel ), suivi par la cour d'appel de Paris (Paris, 19 juin 2007, BOCC 16 nov. 2007 ) avait conclu à la liberté de la preuveenmatièredepratiquesanticoncurrentielles. Cette approche avait été censurée par la cour régulatrice estimant que l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé par une partie à l'insu de l'auteur des propos tenus constitueunprocédédéloyalrendantirrecevablesaproductionàtitredepreuve,conformément àl'article6,§1,delaConventioneuropéennedesdroitsdel'homme(ConventionEDH-Com.3 juin2008,Bull.civ.IV,n°112;D.2008.Chron.C.cass.2753,obs.Salomon;ibid.Pan.2822,obs. Delebecque;ibid.2476,noteBoursier-Mauderly;ibid.AJ1687,obs.Chevrier;RTDcom.2009. 431, obs. Bouloc ). Loin de s'incliner, les magistrats parisiens, en formation solennelle, avaient réitéré leur précédente solution (Paris, 29 avr. 2009, BOCC 17 juill. 2009 ; D. 2009. Pan. 2716, obs.Delebecque;ibid.AJ1352,obs.Chevrier;RTDcom.2010.73,obs.Claudel),provoquant une critique presque unanime (V., toutefois, J. Raynaud, L'admissibilité des preuves déloyales devantl'Autoritédelaconcurrence:raisonnableetnonpasillicite,JCPE2010,n°1347). Lapositiondel'assembléeplénièreétaitdèslorstrèsattendue.Celle-cicasse,denouveau,l'arrêt delacourdeParis,etaffirmedoncsonattachementauprincipedelaloyautédelapreuve,qui s'appliqueentoutdomaine,ycomprisendroitdelaconcurrence.Àcetégard,lesvisasutilisés parlacoursuprêmesontrévélateurs.Outreletraditionnelarticle6,§1,delaConventionEDH, les hauts magistrats visent « le principe de loyauté dans l'administration de la preuve » confirmantainsiquelaloyautéprobatoireauneassisebeaucouppluslargequ'unesimplerègle de procédure (que l'on pourrait chahuter au gré des principes de proportionnalité et du contradictoire),etqu'elleestuneexigencejudiciaireissued'unprincipegénéraldudroit(V.,sur cepoint,M.-E.Boursier,Leprincipedeloyautéendroitprocessuel,coll.«Nouvellebibliothèque dethèse»,Dalloz,2003,n°249,citéeparE.Claudel,RTDcom.2010.73). Plus encore, est ici visé l'article 9 du code de procédure civile - alors même que ce visa, traditionnellementutiliséparleschambrescivilesenlamatière,étaitabsentdeladécisiondu3 juin2008-etilestrappeléque«saufdispositionexpressecontraireducodedecommerce,les règles du code de procédure civile s'appliquent au contentieux des pratiques anticoncurrentielles».Cevisapermetdeuxchoses. D'abord, de clarifier la nature du recours formé contre les décisions de l'Autorité de la concurrence.Ainsi,àdéfautdedispositionsexpressémentdérogatoiresprévuesparlecodede commerce, c'est le droit commun de la procédure civile qui a vocation à s'appliquer (sur ce point, V. le très explicite arrêt : Com. 3 mars 2009, Bull. civ. IV, n° 29 ; D. 2009. AJ 805, obs. Chevrier;JCPE2009,n°12,p.7;CCC2009,n°140,obs.Decocq;Gaz.Pal.2010.485,etlesobs. ;RJDA2009,n°894;RDLC2009,n°2,p.183,obs.Momege;Procédures2009,n°163,obs.H.C.; Procédures 2010. Chron. 1, spéc. n° 13, par Leroy et Ruy). Dès lors, il n'existerait pas d'autonomieprocessuelledel'Autoritédelaconcurrencequijustifieraitunrégimedérogatoire, plus proche de celui admis en procédure pénale, et dont le législateur lui-même a pu pourtant permettre l'assimilation (l'article L. 450-4 ne soumet-il pas les investigations du droit de la concurrence aux règles de procédure pénale ? - V., toutefois, Crim. 8 sept. 2010, BICC 15 déc. 2010,n°1882;Dallozactualité,19oct.2010,obs.Chevrier;AJpénal2010.557,noteLasserre Capdeville;JCPE2010,n°1944;CCC2010,n°282,obs.D.B.). Ensuite, de sauvegarder la particularité du principe de la loyauté de la preuve en matière répressive. Comme le souligne le communiqué de presse de la Cour de cassation à la suite de l'arrêtcommenté,«enfondantlacassationsurlevisadel'article9ducodedeprocédurecivile, [la Cour de cassation] affirme aussi sans ambiguïté son attachement au maintien de la jurisprudencedelachambrecriminelletenantcomptedelaspécificitédelaprocédurepénale». Motsclés: AFFAIRES*Concurrence-Distribution CIVIL*Procédurecivile DOCUMENTN°10:JULIENLARREGUE,LOYAUTEDELAPREUVEETSITEINTERNET« D ’INFILTRATION»GAZETTEDUPALAIS ,14JUIN 2014N °165,P.20 Despreuvescollectéesàpartird’unsiteinternet«d’infiltration»,quin’estpasouvertàtouset quineproposeriend’autreàsesmembresqu’unemiseenrelationavecd’autresmembres,sontellesadmissiblesdanslecadred’uneprocédurepénale?C’esttoutelaquestiondeladistinction entreprovocationàlapreuveetprovocationàl’infractionquisepose. Gazette–Loyauté–internet–surveillance–infractions–carding–infiltration–constatation– provocationàl’infraction–provocationàlapreuve–autoritésétrangères Cass.crim.,30avr.2014,no13-88162, Alors que les débats sur la surveillance généralisée d’Internet par les autorités américaines s’épaississent chaque jour et à chaque nouvelle révélation 1 , la question de la sécurité numériqueestprogressivemententraindeglisserducontre-espionnageàlaprocédurepénale. Quelesdonnéesainsicollectéessoientutiliséesparlesservicesderenseignementetdesécurité intérieureestunfaitgénéralementbienacceptédespopulations.Maisquiddel’utilisationplus banaledecettesurveillance?Quelsusagesplusoumoins«limites»d’Internetsontautorisésen matière de recherche des auteurs d’infractions ? L’arrêt rendu par la chambre criminelle de la Courdecassationle30avril2014apportequelquesélémentsderéponseàcetteproblématique dontnousn’avonssûrementpasentendulederniermot… Il s’agissait d’une affaire dans laquelle des autorités publiques américaines avaient assez finementcrééunsiteInternetdecardingd’infiltration«permettantauxutilisateursdediscuter dediverssujetsliésàlafraudeàlacartebancaireetdecommuniquer,entreautreschoses,des offresd’achats,deventeetd’échangesdebiensetservicesliésàlafraudeàlacartebancaire». La création de ce site web leur permettait non seulement de savoir qui se connectait au site internet,dontl’accèsétaitlimité«auxpersonnesayantdesconnaissancesdemiseenplacedes techniques de carding », mais aussi d’enregistrer les discussions et les messages envoyés par l’intermédiaire du site. Un faux lieu de rencontre pour délinquants en quelque sorte. Et parmi ces délinquants, il s’avère justement que deux personnes, de nationalité française, furent identifiées par les autorités américaines. Les autorités françaises averties, une instruction est alors ouverte. La perquisition qui s’en suit permet de découvrir « divers éléments confirmant l’existence d’activités frauduleuses sur internet à partir de cartes bancaires », preuve que ces messieursnesetrouvaientpaslàparhasard! S’estimant piégés, les mis en examen saisissent la chambre de l’instruction de demandes de nullité de la procédure, estimant – c’est l’argument qui semble le plus en leur faveur – que la procédurepénaleconduiteestdéloyalecarlesautoritésaméricaineslesontincitésàcommettre uneinfraction.Maiscesdemandessontrejetéesparlachambredel’instruction,quisoulignaque lemisenexamen«n’apuaccéderàcesitequeparcequ’ilavaitdéjàmanifestésurd’autressites unintérêtcertainpourlestechniquesducardingoupourl’utilisationillégaled’Internet»,et« qu’aucunélémentdelaprocédurenedémontrequecesitedediscussionsurdiverssujetsliésà la fraude à la carte bancaire avait pour objet d’inciter les personnes le consultant à passer à l’acte».Ilsdécidentalorsdeformerunpourvoiencassation,ens’appuyantnotammentsurles articles6,7et8delaconventioneuropéennedesdroitsdel’Homme(CEDH).Seloneux,lamise enrelationparleFBIde«diversindividusdotésdeconnaissancescomplémentaireslesrendant capables,ensemble,demettreenplaceunefraude»vaau-delàd’unesimplecollectedepreuves. Non pas une provocation à la preuve, comme l’a estimé la juridiction d’appel, mais une provocationàl’infraction. LaquestionposéeàlaCourdecassationétaitdoncrelativementsimple:despreuvescollectées à partir d’un site internet « d’infiltration », qui n’est pas ouvert à tous et qui ne propose rien d’autre à ses membres qu’une mise en relation avec d’autres membres, sont-elles admissibles danslecadred’uneprocédurepénale?Autrementdit,lacréationetlasurveillanced’untelsite internetsont-ellesdéloyales? Pourlahautejuridiction,laréponseestnégative.Ellerejettelesdeuxpourvoisdefaçonlapidaire : « il n’y a pas eu, de la part des autorités américaines, de provocation à la commission d’infractions». Enfait,deuxchosessemblentavoirconduitàlaconfirmationdel’arrêtd’appel.Deuxéléments quicorrespondentauxcritèresd’évaluationdelaloyauté:l’existenced’uneactivitédélictueuse antérieureàl’acted’enquêtecontesté(I),etl’absencedetouteincitationdelapartdesautorités publiques(II). I–L’existenced’uneactivitédélictueuseantérieure LaCourdecassationaconsciencequel’exigencedeloyautéentreparfoisenconflitaveccellesde célérité et d’efficacité des enquêtes. Cette réalité l’a conduite à développer une distinction désormais bien connue entre provocation à la preuve et provocation à l’infraction 2 . Si la provocationàl’infractionestdéloyale,laprovocationàlapreuvenel’estpas.C’est-à-direque« la chambre criminelle, tout en continuant de veiller à ce que l’agent n’ait pas provoqué la commission de l’infraction, s’est montrée soucieuse de prendre la compte la difficulté particulièreàrapporterlapreuvedecertainesinfractionsdufaitdeleurcaractèreocculte»3. La CEDH donne une définition précise de la provocation à l’infraction : « Il y a provocation policièrelorsquelesagentsimpliqués–membresdesforcesdel’ordreoupersonnesintervenant à leur demande – ne se limitent pas à examiner d’une manière purement passive l’activité délictueuse,maisexercentsurlapersonnequienfaitl’objetuneinfluencedenatureàl’inciterà commettre une infraction qu’autrement elle n’aurait pas commise, pour en rendre possible la constatation, c’est-à-dire en apporter la preuve et la poursuivre » 4 . Inversement, il n’y a pas provocation à l’infraction mais à la preuve, lorsque l’intervention des enquêteurs « a eu pour seul effet de permettre la constatation d’une infraction […] dont ils n’ont pas déterminé la commission»5. L’existence d’une activité délictueuse antérieure montre justement que l’intervention des enquêteursn’apasconditionnélacommissiondel’infraction.LaCourdecassationnemanque pas de le souligner dans l’arrêt commenté : « M. X avait déjà manifesté sur d’autres sites son intérêtpourlestechniquesdefraudeàlacartebancaireetpourl’utilisationd’internetàcettefin ».C’estcemêmecritèrequiavaitpermisàlaCour,en2007,dansuneaffaireàcertainségards similaire,d’estimerquel’infractionavaitétéprovoquée6.Danscetteautreaffaire,lesautorités américainesavaientcrééunsitedepédopornographieetavaientidentifiéuninternautefrançais. Mais ce dernier, « inconnu des services de police jusqu’à cette date » 7 , avait vu la procédure pénale française annulée pour déloyauté. Peu importait qu’une perquisition subséquente ait permis de découvrir qu’il détenait de nombreuses images pédopornographiques. Il ne suffisait pasquedesimagessoientdétenuesetqu’uneinfractionaitétéeffectivementcommise.Ilaurait fallu,parailleurs,quelesenquêteurslesachentavantlaprovocation.L’arrêtde2014vientdonc préciserceluide2007,ilestenquelquesortesoncomplémentacontrario.Celaestd’autantplus clairque,dansl’affairelaplusrécente,l’accèsausiteinternetétaitlimitéaux«personnesayant des connaissances de mise en place des techniques carding ». Inversement, aucune restriction n’existait dans l’affaire de 2007, puisque toute personne pouvait se connecter au site internet, sans avoir préalablement dû montrer un intérêt poussé pour la pédopornographie – la seule chosequ’onexigeaitdeluifutd’avoircherchélesiteactivementsurlesmoteursderecherche. Cepointdedivergenceentreledossierdepédopornographiede2007etledossierdecardingde 2014expliquequelaprocédurepénalesubséquente,etnotammentlaperquisitionetlessaisies réaliséessuiteàl’informationdonnéeparlesautoritésétrangères,soitrégulièredansuncaset irrégulièredansl’autre,etaufinalquecetteprocéduresoitjugéeloyaledansl’affairede2014,et déloyaledansl’affairede2007.Cequerefuselajuridictionsuprême,c’estquel’onprovoqueà tout-va, sans considération de la personne provoquée. Risque réel avec le développement des technologies numériques, lorsque l’on connaît la quantité d’informations qui circulent chaque joursurinternet.Onlevoit,lasimpleconnexionàunsiteinternetpeutêtreenregistrée.Iln’est pas difficile d’entrevoir ce que cela comporte de risques vis-à-vis des libertés individuelles. Si bien qu’à travers le concept de « loyauté », la Cour de cassation en vient à protéger des droits individuels et à proposer un équilibre parfois compliqué à préserver entre la recherche des auteursd’infractionsetlaprotectiondeslibertés fondamentales.D’autantqu’iln’yaqu’unpas entreconstateruneinfractionetlaprovoquer. II–Lareconnaissanced’unrôleactifdesenquêteurs Unpasquelesautoritésaméricainesn’ontpasfranchi,retiendralaCour.Cen’estpourtantpas faute pour les demandeurs au pourvoi d’avoir souligné le rôle actif des autorités publiques étrangèresàplusieurségards.Toutd’abord,«lesiteCarderprofitnes’estpaslimitéàfaciliterla collectedepreuves,maisamisencontactdesinternautesqui,prisisolément,n’étaientpasen mesure de commettre des infractions informatiques à la carte bancaire ». Mais, surtout, ils avaientétéinvités«surleforumCarderprofitparunagentinfiltréduFBI».Argumentsbalayés par la cour d’appel, que vient appuyer la Cour de cassation : « le site de surveillance et d’enregistrement des messages échangés a seulement permis de rassembler les preuves de la commission de fraudes à la carte bancaire et d’en identifier les auteurs, aucun élément ne démontrantqu’ilaiteupourobjetd’inciterlespersonnesquil’ontconsultéàpasseràl’acte».À la lecture de l’arrêt de 2007, l’on se rend compte que le site pédopornographique offrait plus qu’une simple mise en relation avec d’autres internautes, puisqu’il offrait « à quiconque de recevoiretd’adressergratuitementetanonymementdesimagesinterdites».Defait,lesiteen causedansl’affairede2014n’offraitrien,sinonunepossibilitédecommuniqueravecd’autres internautes.Aucunepropositionconcrètequiauraitirrémédiablementconsommél’infraction. Il n’en demeure pas moins que l’invitation à participer aux échanges serait provenue d’un enquêteur. Mais, alors, on peut faire le parallèle avec une autre jurisprudence, plus ancienne encore. Un fonctionnaire de police s’était fait passer pour l’ami d’une personne décédée par overdoseauprèsdufournisseurdecettedernière,etavaitprétenduvouloiracheterdeladrogue. Laventeeffectuée,lefournisseurestpénalementpoursuivi.Auxargumentsdel’intéresséselon lesquels il aurait été provoqué par l’officier de police judiciaire, la chambre criminelle répond que,siprovocationilyaeu,cen’estqu’àlapreuve,etnonàl’infraction8.Stratagèmequipeut êtrerapprochédel’invitationdel’agentinfiltréduFBIdansl’affairede2014. Resteàsavoirsicesdeuxcritèresd’activitédélictueuseantérieureetd’absencedeproposition concrètesontcumulatifs,ousil’undesdeuxsuffitpourbasculerdelaprovocationàl’infraction verslaprovocationàlapreuve,deladéloyautéverslaloyauté.Lapropositiondel’agentinfiltré aurait-elle été loyale si l’on n’avait pas révélé une activité délictueuse antérieure ? La confrontationdesdiversesjurisprudencessurlaquestionnousporteàpenserquenon.Critère centraldedistinctionentrelaprovocationàlapreuveetprovocationàl’infraction,sonabsence auraitentraînél’annulationdelaprocédurecontestéeparlesdemandeurs. Maislaconnaissanced’unetelleactiviténerendpaspourautantacceptablen’importequelacte d’enquête. S’il faut nécessairement que l’intéressé ait trahi en amont son intention criminelle, pourautantlapreuvedecetteintention,établiemaisimpalpableouinsuffisante,nesauraitêtre «arrachée».Ilapparaîtquelasolutionestdifférenteselonquel’enquêteur«reçoit»ou«donne »,maisaussiselonquel’échangedel’«objet»suffitounonàcaractériserl’infraction.Ilnepeut donner ou proposer de donner (des images pédopornographiques, par exemple) mais peut recevoir(deladrogue).Dansuncascommedansl’autre,laréceptionouledonsuffisaientpour caractériser l’infraction. Par contre, l’on peut très bien admettre la validité du don ou de la proposition de don lorsque l’échange ne conduit pas à constituer une infraction : aussi le don d’un « accès » au site internet Caderprofit ne constituait-il pas une provocation à l’infraction maisàlapreuve,toutsimplementcarlesimplefaitdeseconnecteràcesiteneconstituaitpasen lui-mêmeuneinfraction. Cette solution, juridiquement cohérente, a par ailleurs le mérite de favoriser l’entraide et la coopération policières et judiciaires. Si la question d’une jurisprudence Bosphorus 9 à la française ne se pose pas pour l’heure, il n’en demeure pas moins que les conventions internationalesratifiéesparlaFranceetlesÉtats-Unis,etnotammentcelledePalermede2000, militent en faveur d’un tel rapprochement : « l’objet de la présente Convention est de promouvoir la coopération afin de prévenir et de combattre plus efficacement la criminalité transnationaleorganisée».C’estdoncautourdecettelignedeforcequel’équilibreestfaitentre l’exigence de protection des droits fondamentaux et la nécessaire recherche des auteurs d’infractions, c’est-à-dire entre les dispositions conventionnelles de la CEDH d’une part, et les dispositionsconventionnellesdel’ONUd’autrepart. DOCUMENTN°11:LUDOVICLAUVERGNAT,LOYAUTEDELAPREUVE,GAZETTEDUPALAIS, 25MAI2013N°145,P.28 Cass.soc.,6févr.2013,no11-23738,MmeYc/M.X(rejetpourvoic/CAGrenoble,29juin 2011),M.Lacabarats,prés.;SCPMasse-Dessen,ThouveninetCoudray,SCPOrtscheidt,av. 1.Bienquemartelantladéloyautédelapreuveobtenueparl’enregistrementd’uneconversation téléphoniqueàl’insudel’auteurdespropos,laCourdecassationouvrepetitàpetit,aufildeses décisions, la voie à une pratique faisant, en la matière, du constat d’huissier un élément probatoiredifficilementcontournable.Lerespectdesarticles9duCodecivilet6alinéa1erdela Convention européenne des droits de l’Homme relatifs à la protection de la vie privée 89 demeure une priorité : le procédé probatoire est déloyal pour le cas où l’enregistrement des dires serait corrompu par une clandestinité suspicieuse. Ainsi, « si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps du travail, tout enregistrement, quels qu’en soient les motifs, d’images ou de paroles à leur insu, constitue un mode de preuve illicite » 90 . La haute juridiction a dès lors systématiquement rejeté, comme déloyales, les preuves constituées par des enregistrements téléphoniques effectués à l’insu de l’auteur des propos 91 . En sens inverse, l’enregistrement de conversations téléphoniques redevientrecevabledansl’hypothèseoùl’auteurdesproposaétédûmentaverti:«l’employeur aledroitdecontrôleretdesurveillerl’activitédesessalariéspendantletempsdutravail;(…) seull’emploideprocédéclandestindesurveillanceestillicite;(…)lacourd’appel,quiarelevé quelessalariésavaientétédûmentavertisdecequeleursconversationstéléphoniquesseraient écoutées,apudéciderquelesécoutesréaliséesconstituaientunmodedepreuvevalable»92. 2.QuidenmatièredeSMS?Dansunarrêtdu23mai200793,lachambresocialeavaitadmisà titredepreuve,commeuneexceptionàlarègle,leconstatd’huissierportantretranscriptionde SMS:«Sil’enregistrementd’uneconversationtéléphoniqueprivée,effectuéàl’insudel’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n’en est pas de même de l’utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits SMS, dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareilrécepteur».Parhypothèse,l’auteurdesSMSavaitconsciencedel’enregistrementdes messages,cequirendaitlapreuveapportéeparlaretranscriptionparfaitementrecevable. 3.Quidenmatièredemessagestéléphoniquesvocauxlaisséssurunrépondeur?Telestl’objet de l’arrêt du 6 février 2013 qui ne fait qu’étendre et confirmer la jurisprudence de 2007. L’attendu de principe y est repris avec les modifications nécessaires au besoin de la cause. En l’espèce,ilnes’agissaitnonpasd’unconstatdeSMSmaisd’uneretranscriptionparhuissierde messagestéléphoniquesvocauxlaissésparl’employeursurleportabledusalarié.Étaitenjeula qualification d’un licenciement. Eu égard aux propos constatés, les juges du fond avaient souverainement admis que le salarié avait fait l’objet d’un licenciement verbal. En bref, si l’auteurdesdiresn’apasàsubiràsoninsul’enregistrementd’uneconversationprivée,encore ne doit-il pas lui-même laisser les traces de ses propos. De là découle une sorte de « responsabilisation » de celui qui parle, avec quand même un amalgame entre l’enregistrement du message et sa conservation. Il ne fait en effet pas de doute que l’auteur du message a consciencedel’enregistrement;ilenestàl’origineetsouhaiteseulementquesespropossoient entendusparledestinatairesanspourautantqu’ilspuissentêtreconservéssanslimitedetemps unefoislebutatteint.Autrementdit,s’ilnepeutignorerl’enregistrement,l’auteurdumessage n’a pas forcément conscience que les propos puissent être conservés une fois entendus. L’enregistrement sur un répondeur n’est qu’une alternative malheureuse à une discussion avortéeetdontlecaractèreinstantanéseseraitopposéàtouteconservation.Quoiqu’ilensoit,le retour de bâton pour l’employeur, en l’espèce, est réel. La leçon à retenir est alors simple : en matière d’enregistrement de messages, si les murs n’ont résolument pas d’oreille, chacun se méfiera des messages écrits ou sonores laissés sur un répondeur, lesquels pourraient bien resurgiràunmomentoùl’ons’yattendlemoins! DOCUMENTN°12:ANNEDEBET,LEDROITDELAPREUVEETL'ARTICLE6:SUITE,MAIS CERTAINEMENTPASFIN ...,REVUEDESCONTRATS ,01AVRIL2005N °2,P.472 Cass.civ.2e,7octobre2004,pourvoino03-12653,àparaîtreauBulletin;JCP2005,II,10025, noteN.Leger,D.2005,p.122,noteP.Bonfils;Comm.com.électr.,2005,no11,notePh.StoffelMunck « Viole les articles 9 NCPC et 6 CEDH, la Cour d'appel qui admet une cassette contenant l'enregistrement d'une conversation téléphonique comme mode de preuve, alors que l'enregistrementd'uneconversationtéléphoniqueprivéeeffectuéetconservéàl'insudel'auteur des propos invoqués est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue». Conventioneuropéennedesdroitsdel'homme,article6;modesdepreuve;loyautédelapreuve LaCourdecassationconfirmedanssonarrêtdu7octobre2004savolontéd'appliquerl'article6 delaConventioneuropéennedesdroitsdel'hommeaudroitcivildelapreuve.Onsesouvienten effetqueladeuxièmechambrecivileavaitesquisséunpremierpasencesensdansunarrêtdu 10 mars 2004 qui avait suscité de nombreuses interrogations et critiques (v. à ce sujet notre commentaire,RDC2004,p.1080).Lesdoutesexposésàcetteoccasionn'empêchentpaslaCour decassationdecontinueràtracersonchemindebonneélèvedel'écoleeuropéenneetd'étendre continuellementlechampd'applicationdel'article6. Dans l'affaire du 7 octobre 2004, le problème portait sur la recevabilité d'une preuve par enregistrement.Enl'espèce,unefemmeavaitreçulasommede150000Fd'undesesvoisinset ami, qui décéda peu après. Elle prétendait que l'argent lui avait été donné, alors que les héritièresdudecujusconsidéraientqu'ils'agissaitlàd'unprêtetquelavoisineindélicatedevait, enconséquence,restituerl'argent.Cettedernièreinvoquaitl'existenced'undonmanuel.Comme elleétaitenpossessiondel'argent,ellepouvaitseprévaloirdelafonctionprobatoiredel'article 2279 du Code civil et ainsi bénéficier d'une présomption de titre. Il appartenait, dès lors, aux héritièresdeprouverqu'iln'yavaitpaseudedon.Celles-ciarguantquel'argentavaitétéprêté etlasommeenquestionétantlargementsupérieureà800euros,auraientdûproduireunécrit comme l'exige l'article 1341 du Code civil. Cependant, la Cour d'appel de Versailles, dans son arrêtdu16janvier2003,avaitadmisqu'ildevaitêtrefaitexceptionàcetterèglecarilexistait une impossibilité morale de rapporter la preuve. Les relations des cocontractants étaient, en effet,delonguesrelationsdevoisinagedenaturequasifamiliale.Conformémentàl'article1348, la preuve du prêt pouvait donc être rapportée librement. Les héritières produisaient, à l'appui de leurs allégations, une cassette contenant l'enregistrement d'une conversation téléphonique effectuéeparledecujusàl'insudesavoisineetinterlocutrice. La Cour d'appel avait fait droit aux demandes des héritières en acceptant ce mode de preuve. Elle avait en effet jugé, d'une part, que le secret des correspondances n'était pas opposable au prêteur(niàseshéritières),quiavaitpuvalablementenregistrerunedesesconversations,et, d'autre part, que le contenu de l'enregistrement qui ne concernait que le prêt ne portait pas atteinteaudroitaurespectdelavieprivéedel'emprunteuse(bienquecettedernièreaittenté de montrer que l'entretien faisait apparaître ses difficultés financières). La Cour de cassation refuse de la suivre dans son raisonnement. Elle casse l'arrêt au visa des articles 9 NCPC et 6 CEDH. La Cour d'appel avait violé ces textes puisque l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué et conservé à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédédéloyalrendantirrecevableenjusticelapreuveretenue. Le principe de loyauté de la preuve, sans être explicitement visé, est donc reconnu dans le domaineciviletrattachéàl'article6delaConventioneuropéennedesdroitsdel'homme. Cetarrêtserasansdoutesaluéparceuxquisouhaitentlaprogressionduprincipedeloyautéen droit interne et, plus spécifiquement, en droit processuel. Il faut cependant, dès à présent, remarquer que la jurisprudence de la Cour européenne n'exigeait sans doute pas une telle consécration.Sansreprendrelesdéveloppementsprésentésdansnotredernièrechronique,on peut rappeler que l'article 6 CEDH (« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractèrecivil,soitdubien-fondédetouteaccusationenmatièrepénaledirigéecontreelle(...)») necontientaucunedispositionrelativeàlapreuvedansledomainecivil.LaCoureuropéennea, de plus, affirmé à de très nombreuses reprises qu'elle laissait à chaque État le soin de régler l'admissibilité, la force probante et la charge de la preuve (v. l'arrêt de principe sur cette question:arrêtSchenkc/Suisse,sérieA,no140,§46). Dansledomainepénal,toutefois,laCoureuropéenneaacceptéd'exerceruncertaincontrôle,en particulier (mais pas exclusivement) dans des hypothèses où la preuve de l'infraction était rapportée grâce à des écoutes téléphoniques. Elle l'a fait tout d'abord sur le fondement de l'article8,c'est-à-diredudroitaurespectdelavieprivée,etonsesouvientdelacondamnation de la France dans les arrêts Kruslin et Huvig (CEDH, 24 avr. 1990, série A, Kruslin et Huvig c/ France, no 176-A et B). Elle l'a fait ensuite sur le fondement de l'article 6 dans l'arrêt Schenk précité. Dans cette affaire, le requérant considérait que son procès avait été inéquitable car sa condamnations'appuyaitessentiellementsurunenregistrementdesesproposréaliséàsoninsu et, selon lui, en violation du secret des correspondances. La Cour européenne des droits de l'homme,aprèsavoirrappelélamarged'appréciationdel'Étatenmatièredepreuve(v.supra)et affirméqu'ellenesauraitexclureinabstractol'admissibilitéd'unepreuverecueilliedemanière illégale,examinenéanmoinssileprocèsprésentait,danssonensemble,uncaractèreéquitable. Elleaboutitàunconstatdenon-violationdel'article6pourplusieursraisons:lerequérantavait eu la possibilité de contester l'authenticité de l'enregistrement et d'en combattre l'emploi. L'enregistrement n'avait pas constitué le seul mode de preuve produit au procès. La Cour européenne a confirmé sa jurisprudence. Elle a même admis que l'enregistrement puisse constituerleseulélémentprisencomptepouraboutiràunecondamnation(CEDH,12mai2000, 3e sect., Khan c/ Royaume-Uni, req. no 35394/97 : non-violation de l'article 6, violation de l'article 8), tout en tempérant parfois cette admission dans des hypothèses spécifiques où le droitdenepass'auto-incriminerétaitencause(CEDH,5nov.2002,4esect.,Allanc/RoyaumeUni,req.no48539/99). Même dans le domaine pénal, la Cour de Strasbourg est disposée à admettre la preuve par enregistrement,serait-elleobtenuedemanièreillégale,àpartirdumomentoùcettepreuveapu être discutée au cours des débats, c'est-à-dire où les droits de la défense ont été respectés. La Courdecassationa-t-ellevoulutransposercettejurisprudenceendroitcivil? Une telle volonté semble bien étrange de la part d'une chambre civile, alors que la Chambre criminellenemanifestepas,loindelà,untelenthousiasmeeuropéen.Eneffet,commelemontre un auteur, « la procédure pénale ne consacre pas encore une obligation absolue de loyauté, notamment dans la recherche des preuves » (S. Guinchard et alii., Droit processuel, Droit communetcomparéduprocès,PrécisDalloz,2eéd.,2003,no544,p.861).Sipoliciersetjuges d'instruction sont théoriquement tenus d'administrer la preuve de manière loyale, sans stratagème ni artifice, la mise en oeuvre de ce principe ne va pas sans difficulté (pour un tel constat : M.-E. Boursier, Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèquedethèses»,2003,no165,p.104).Enoutre,lespartiesnesontpassoumisesaux mêmescontraintes,ellespeuventeneffet«produireenjusticedespreuvesétabliesdemanière déloyale, voire au prix d'une infraction » (S. Guinchard et alii., op. cit., no 544, p. 862) et, par exemple, des enregistrements provenant d'écoutes illicites. Les juges apprécieront ensuite la valeurprobantedecesélémentsdepreuveetlessoumettrontàundébatcontradictoire.Cette distinction, fondée sur un critère intuitu personae, ne reflète en rien la position de la Cour européenne. La deuxième Chambre civile de la Cour de cassation semble elle aussi, malgré la référence explicite à l'article 6 CEDH, tracer son chemin toute seule. La présence de cette disposition au seinduvisanefaitd'ailleursl'objetd'aucuneexplication.Onnesaitpasquelaspectdudroitau procèséquitableestencauseici.IlfautcependantreleverquelaCoureuropéenne,elle-même, danslesarrêtsprécitésrelatifsàlamatièrepénale,n'estpasnonplustrèspréciseetsecontente d'uneinvocationassezvaguedel'équitéquedoitrevêtirl'ensembledelaprocédure.Endehors de ce laconisme, l'arrêt du 7 octobre 2004 ne semble pas réellement manifester une prise en compte de la jurisprudence européenne. Tout d'abord, la Cour de Strasbourg a toujours statué dans le domaine du droit pénal et dans des hypothèses où les déloyautés critiquées avait été commises par les autorités de poursuite. La transposition de cette jurisprudence au droit civil n'est donc pas évidente, surtout au vu de la très grande marge d'appréciation des États s'agissantdudroitdelapreuve. Si l'on admet néanmoins la possibilité d'une telle transposition, il est utile de revenir aux principes établis par la Cour européenne. D'abord, le procès est équitable si les droits de la défense ont été respectés et si l'élément de preuve litigieux a pu être contesté. Or en l'espèce, l'enregistrement avait, comme toute pièce relative au litige, été soumis au principe du contradictoire.L'emprunteuseavait,àl'évidence,eulapossibilitédecontesterl'authenticitéde cetenregistrement,ceàquoilesjugesinternessemontrentattentifs.Etelleavait,dèsledébut de la procédure, admis que l'enregistrement était fidèle, ne tentant d'apporter qu'un démenti tardif et peu convaincant devant la Cour d'appel. Ensuite, la cassette constituait vraisemblablementl'élémentdepreuveprincipalapportéparlesparties.Néanmoins,iln'estpas certainqu'ilétaitleseuletqued'autresélémentsnesoientpasvenusleconfirmer.Onavuque laCoureuropéennedesdroitsdel'hommenesemblaitplusfairedecetteconditionunpréalable àlareconnaissanceducaractèreéquitabledelaprocédure.Ainsi,sajurisprudencen'incitaitpas forcémentaurejetdelapreuveapportéeparleshéritières. L'arrêtdu7octobre2004s'inscritdoncplutôtdansuneévolutionjurisprudentielleinterne,dont onapeut-êtrevoulurenforcerl'assiseenl'ancrantdansledroiteuropéendesdroitsdel'homme. C'estd'aborddansledomainedudroitsocialquelavolontédelaCourdecassationdemoraliser le droit de la preuve est apparue. En effet, on se souvient que, dès 1991, la Chambre sociale affirmait que « si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendantletempsdetravail,toutenregistrement,quelsqu'ensoientlesmotifs,d'imagesoude parolesàleurinsu,constitueunmodedepreuveillicite»(Cass.soc.,20nov.1991,D.1992,p. 73, concl. Chauvy). Figurait alors au visa, comme dans l'arrêt de 2004, l'article 9 NCPC (« il incombeàchaquepartiedeprouverconformémentàlaloilesfaitsnécessairesausuccèsdesa prétentions»).D'autresarrêts,asseznombreux,sontvenusconfirmercettepositionstricte.La Chambre sociale continuait de fonder ses décisions de cassation parfois sur le seul article 9 NCPC (v., par exemple, pour le refus de prendre en compte une filature organisée par l'employeur : Cass. soc., 4 févr. 1998, Bull. civ. V, no 64). Elle a parfois enrichi son visa d'une référence au droit au respect de la vie privée garanti par l'article 9 du Code civil et/ou par l'article8delaConventionEDH(v.encoreausujetd'unefilature:Cass.soc.,26nov.2002,Bull. civ. V, no 352), ou d'une invocation de dispositions spécifiques au droit du travail comme l'articleL.120-2(Cass.soc.,10déc.1997,Bull.civ.V,no434).Danscesdécisions,elleévoquait pour exclure les preuves produites non leur déloyauté, mais, plus généralement, leur illicéité, c'est-à-direleurnon-conformitéaudroitprisdansunsenstrèslarge. Cettejurisprudenceétait,àl'origine,limitéeaudroitdutravail,cequis'expliquaitaisément,en partieparlecaractèretrèsspécifiquedelarelationexistantentresalariéetemployeur,fondée surunliendesubordination.L'inégalitédespartiesjustifiaitainsilanécessitédefairerespecter des règles plus strictes en matière de preuve (v. en ce sens, M.-E. Boursier, op. cit., no 367, p. 211). Néanmoins,laCourdecassationn'apashésitéàétendrelasolutionaudomainedudroitcivilau sein d'autres relations contractuelles. Avant l'arrêt du 7 octobre 2004, elle l'a fait dans les relationsconcédant-concessionnaire.LaChambrecommercialea,eneffet,estimédansunarrêt du25février2003(Contrats,conc.consom.2003,no104,obs.L.Leveneur,Comm.,com.électr. 2004, no 43, obs. Ph. Stoffel-Munck) que le concessionnaire ne pouvait prouver l'abus dans la rupture du contrat de concession au moyen d'un entretien téléphonique enregistré à l'insu de sonconcédant,cemoyendepreuvesousformesonoreayantétédéloyalementobtenu.LaCour de cassation faisait donc déjà explicitement référence au principe de loyauté de la preuve. L'arrêtde2004montrequelaHautejuridictioncontinuedanslamêmevoieet,cettefois,plus ouvertement puisqu'il fait l'objet d'une publication au Bulletin. Cette nouvelle progression du droit à un procès équitable peut sans doute être diversement appréciée. On peut, à l'instar de notrecollègueetami,PhilippeStoffel-Munck,s'interrogersurlaréellenécessitédeconsacrerun principedeloyautédespreuvesenmatièrecivileetsurlesconséquencespratiquessouventtrès injustes qui résultent d'une telle consécration (v. en ce sens les commentaires précités de l'auteur). En effet, il apparaît que, au moins devant la Cour de cassation, ce sont le concédant malhonnêteetl'emprunteusedéloyalequitriomphent... Onpeutenfins'interrogersurlaportéedecettenouvelleposition(endehorsdesdomainesoù desdispositionsspécifiquesexistentcommeendroitdudivorce).Faut-ilvoirdanslesarrêtsde 2003etde2004unenouvellemanifestationdel'exigencedebonnefoicontractuelleappliquée respectivementauxrelationsconcédant-concessionnaireetprêteur-emprunteur,oufaut-illeur accorder une portée beaucoup plus vaste ? L'absence de référence à l'article 1134 et aux liens contractuels milite, à l'évidence, en faveur de la seconde solution. Il reste donc maintenant à attendrelessuitesdecettejurisprudencenovatrice! DOCUMENTN°13:FRANÇOISFOURMENT,LESMURSAVAIENTDESOREILLES,GAZETTEDU PALAIS,13MAI2014N°133,P.41 La conjugaison des mesures de garde à vue, du placement de deux personnes mises en cause dans des cellules contiguës et de la sonorisation des locaux sont un stratagème d’un agent de l’autorité publique constitutif d’une atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyautédespreuves,encequ’ilaamenéungardéàvueàs’incriminerlui-même. Cass. crim., 7 janv. 2014, no 13-85246, ECLI:FR:CCASS:2014:CR06606, Meshal X, FS–PBI (cassationCAVersailles,ch.instr.,4juill.2013),M.Louvel,prés.,M.Pers,cons.rapp.,M.Cordier, av.gén.;MeSpinosi,av. Voir également – Dalloz actualité, 9 janv. 2014, obs. A. Portmann ; ibid., 27 janv. 2014, obs. S. Fucini;LexbaseHebdo,éd.privée,n°562,p.2,obs.G.Beaussonie;Gaz.Pal.8févr.2014,p.19, 165y9,noteO.Bachelet;D.2014,p.264,interview,S.Detraz;ibid.,p.407,noteE.Vergès;JCPG 2014,272,noteA.Gallois;Dr.pén.2014,comm.32,obs.A.MaronetM.Haas;Procédures2014, comm.83,obs.A.-S.Chavent-Leclère Considéréesisolément,lesmesuresprisesparl’officierdepolicejudiciaire,d’unepart,deplacer en garde à vue deux personnes mises en cause au cours d’une instruction ouverte dans une procédure de délinquance et de criminalité organisées, et de les installer dans des cellules contiguës, et par le juge d’instruction, d’autre part, d’ordonner une opération de sonorisation des locaux étaient régulières. C’est, comme le souligne la chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt du 7 janvier 2014, la « conjugaison » de ces deux termes qui « participaitd’unstratagèmeconstituantunprocédédéloyalderecherchedespreuves(…)[ayant] amené [un gardé à vue] à s’incriminer lui-même au cours de sa garde à vue ». Ce conclusif est serviaprèsunattendudeprincipeauxvisaettermestoutaussiremarquables:«Vul’article6de laConventioneuropéennedesdroitsdel’Hommeetl’articlepréliminaireduCodedeprocédure pénale,ensembleleprincipedeloyautédespreuves;Attenduqueporteatteinteaudroitàun procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche parunagentdel’autoritépublique». Pour mémoire, lors de la discussion en 2000 du projet de loi « renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes », l’Assemblée nationale a refusé d’insérer dansl’articlepréliminaireduCodedeprocédurepénaleuneréférenceauprincipedeloyautédes preuves.Danscesconditions,laportéedel’arrêtdu7janvier2014mérited’êtreappréciée.Dans la mesure où il a déjà été largement commenté, nous procéderons seulement par une série de remarques. Lasolutiondelachambrecriminellenevautqueparcequec’estunagentdel’autoritépublique qui a monté ce stratagème. Cet arrêt ne remet pas en cause le courant de jurisprudence ne sanctionnantpasladéloyautédanslemoded’obtentiondepreuved’unepartieoud’untiersnon intermédiaired’uneautoritépublique. Cetarrêtestintéressantencequ’ilappliqueàlaprovocationàlapreuvedelacommissiond’une infractionunraisonnementsurlaloyautéjusque-làaprioriplutôtretenuencasdeprovocation à la commission d’une infraction. Cette observation doit être immédiatement tempérée par la circonstance suivant laquelle le stratagème procède d’un juge d’instruction et d’un officier de police judiciaire sous commission rogatoire, et non pas d’un fonctionnaire de police judiciaire agissant d’initiative en enquête (ce qui était en l’occurrence exclu, rapporté au mode d’investigation–lasonorisation–misenœuvre). L’articulationdel’attendudeprincipeaveclathéoriedelanullitédesactesdeprocédurepeut paraître ambiguë. La chambre criminelle ne qualifie pas la cause de nullité de nullité d’ordre public,alorspourtantque,danslalogiquedelajurisprudencedelaCoureuropéennedesdroits del’Homme(déloyauté,auto-incrimination),legardéàvueaiciétéprivéabinitiodetoutprocès équitable. Il y aurait même un mot de cet attendu qui pourrait faire ressortir cette cause de nullité de la catégorie des causes de nullité d’ordre privé, mais avec « grief nécessaire », selon toute vraisemblance : le stratagème « vicie la recherche » de la preuve. En d’autres termes, le stratagèmea«nécessairementportéatteinteauxintérêts»delapartiequ’ilconcerne. Cetarrêtsanctionnantuneopérationdesonorisationd’unecelluledegardeàvueneremetpas en cause celui du 1er mars 2006 par lequel la chambre criminelle a admis la sonorisation du parloird’undétenu1:lepropred’uneconversationauparloirestdepouvoirêtreentenduepar lesurveillant2. Souvenons-nous que, dans un arrêt du 3 avril 2007, la chambre criminelle a considéré que l’officierdepolicejudiciairenepeuttranscrire,contrelegrédugardéàvue,desproposquilui sont tenus officieusement 3 . Cette décision a été rendue au visa de l’article 62 du Code de procédure pénale, mais aux motifs d’une atteinte aux droits de la défense et du principe de loyauté. C’est au visa de l’article préliminaire du Code de procédure pénale, mais encore en considérationdemotifsprisdesdroitsdeladéfense,quelachambrecriminelle,dansunarrêtdu 5mars2013,aconsidéréquelesofficiersdepolicejudiciairenepeuventdavantageretranscrire surprocès-verbalderenseignementlesconfidencesfaitesparunepersonnemiseenexamenau coursdesontransfertàlamaisond’arrêt4. L’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 7 janvier 2014, derrière la grandiloquencedesestermes,rappellequelagardeàvueestune«gardeàl’ouïe»5,c’est-àdirelemode,devenuexclusif,decaptationdelaparoled’unsuspectsouscontraintepolicière,eu égard aux garanties qui y sont attachées (notamment, devant le risque de déclarations autoincriminantes, le droit à l’assistance d’un avocat), et sauf au gradé à vue à y renoncer expressément(auditionlibre). DOCUMENTN°14:DUDROITDELAPREUVEAUDROITALAPREUVE,QUESTIONDEMOTSOU CHANGEMENTDECAP?,PETITESAFFICHES ,31MAI2013N °109,P.5-TOUSDROITS RESERVES EntretienavecCamilleBroyelle,professeuràl’universitéParisII(Panthéon-Assas),AnneDebet, professeur à l’université Paris-Est Créteil, Cyril Grimaldi, professeur à l’université Paris 13, et MustaphaMekki,professeuràl’universitéParis13 Le 21 mai dernier, l'Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française organisaitunejournéeparisiennesurlethèmede«Lapreuve»,journéequiseprolongeradu3 au 7 juin prochains à Amsterdam et Liège. L'occasion pour Camille Broyelle, professeur à l'université Paris II (Panthéon-Assas), Anne Debet, professeur à l'université Paris-Est Créteil, Cyril Grimaldi, professeur à l'université Paris 13, et Mustapha Mekki, professeur à l’université Paris 13, de revenir sur les problématiques actuelles de la preuve, qui bénéficie de peu de recherches dans l'ensemble et qui, selon eux, mériterait, du moins en matière de justice administrative,uneréformeafindedégagerlesgrandsprincipesgénérauxetuniformesdudroit delapreuve. LesPetitesAffiches—Pourquoiuncolloquesurlethèmedelapreuve? Cyril Grimaldi — Peu de recherches d'ensemble ont été menées sur le sujet. Ainsi n'existe-t-il qu'unfaiblenombred'ouvragesconsacrésàlapreuve,tantendroitprivéqu'endroitpublic. Il est vrai que le droit de la preuve ne constitue pas une matière universitaire à part entière puisqu'elle est en général enseignée en première année de droit à l'occasion du cours d'introduction au droit, à un moment où les étudiants ne bénéficient pas d'un recul suffisant pouraborderlesujet. Il est à ce titre heureux que le rapport annuel de la Cour de cassation rendu public le 24 mai dernierportesurlethèmedelapreuve.Lenuméro6delaHenriCapitantLawReviewportera égalementsurcethème. LPA—Quelleestlavocationdececolloque? CG—Réunirplusieursrapportssurquatrethèmes:«Preuveetdroitsfondamentaux»,«Preuve et pouvoirs exorbitants de la puissance publique », « Preuve et nouvelles technologies », « Preuve et vérité », élaborés à partir de questionnaires adressés aux rapporteurs des différents pays.Unrapportdesynthèse,parJérômeHuet,viendraclorelesdiscussions. Lesrapportssontd'oresetdéjàdisponiblessurlesitedel'AssociationHenriCapitantdesamis delaculturejuridique. LPA—Commentrésoudrelesconflitsdedroitsfondamentauxrelatifsàlapreuve? CG — Traditionnellement, l’on opère une balance des intérêts en présence et l’on vérifie que l'atteinteauxdroitsfondamentauxqueréalisel'Administrationd'unepreuverespectelescanons deprévisibilité,denécessitéetdeproportionnalité. Aujourd'hui cependant, l'on voit émerger en jurisprudence un « droit à la preuve », lui-même érigéendroitfondamental,envuedefaciliterl'administrationdespreuvesetderapprocherla véritéjudiciairedelavéritédesfaits. LPA — Les moyens probatoires peuvent notamment aller à l'encontre de la vie privée (testsADN,écoutestéléphoniques,GPS...).Lalégislationencadre-t-ellesuffisammentces nouveauxmodesdepreuve? CG—Derèglegénérale,denombreuxmodesdepreuveontétépassésetcontinuentdel'êtreau crible des droits fondamentaux. On remarque à cet égard que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme est finalement plus audacieuse que celle du Conseil constitutionnel. Il reste que si certains moyens de preuve constituent une ingérence dans la vie privée et familialed'autrui,ilssontaussiparfoislemoyendepréservercelledurequérant.L'exempledes testsADNesttrèsrévélateurcarenmêmetempsqu'ilsportentatteinteàlavieprivéedecelui quilessubit,ilspermettentd'assurerledroitaurespectdelavieprivéeetfamilialenormalede celuiquichercheàfaireétablirsafiliation. LPA—Lavéritéscientifiques’oppose-t-elleàlavéritéjuridique? MustaphaMekki—Lavéritéscientifiqueestgénéralementprésentéecommeunevéritéabsolue à la différence de la vérité juridique et, spécialement, judiciaire qui serait une vérité relative. Cette opposition dogmatique peut être discutée. De nombreux économistes tels que Maurice Allais ou Karl Popper ont démontré que les découvertes scientifiques, et plus largement la science, constituaient souvent une suite d’erreurs. À l’instar des autres vérités, la vérité scientifiqueestrelative. Ilestvrai,cependant,quelavéritéscientifiqueasesraisonsquelaraisonjuridiqueignore.Plus précisément,endroit,lapreuvescientifiqueproposeetlejugedispose. Lapreuvescientifiqueestutileaujuge.Ilestaujourd’huifréquentquelejugeutiliselapreuve scientifiquepourétablirl’existenceobjective,«réelle»decertainsfaits.Ilenestainsienmatière de filiation, la Cour de cassation consacrant l’expertise biologique de droit. La matière pénale fournit de nombreux exemples, que ce soit pour établir un certain nombre d’infractions routières ou de la lutte contre l’antidopage. En outre, dans un monde dominé par l’incertain (santé,environnement,économie),lapreuvescientifiqueestuneaideprécieuseàladécision. Iln’enrestepasmoinsquelapreuvescientifiquedoitresterauserviceduprocèsquinepoursuit pas, coûte que coûte, la vérité, mais recherche une solution juste. Ce faisant, le juge doit conserverlederniermotlorsqu’ilditledroit.Lavéritéjudiciairepeutainsiêtreendécalageavec la vérité scientifique. En droit de la responsabilité, par exemple, la causalité scientifique peut ainsi faire défaut sans pour autant exclure une éventuelle causalité juridique. Il faut veiller en permanenceàcequelapreuvescientifiqueresteauservicedelapreuvejudiciaire. LPA—Lesmoyenslégauxexistantssont-ilssuffisants? CG—Endroitfrançais,traditionnellement,lavéritéjudiciairen'estpasaussiexigeantequ'elle ne l'est dans les pays de common law, pour différentes raisons, notamment de coût, de temps. Ainsi,ledroitfrançaisneconnaîtpasdeprocéduredediscovery. Silapreuveestparprincipelibreendroitfrançais,exceptionfaite,enmatièrecivile,delapreuve desactesjuridiquesquidoitenprincipeêtrefaiteparécrit,denombreusesrèglesdefondoude procédure intéressent la charge, l'objet et les modes de preuve. Aujourd'hui, le « principe de loyauté » des preuves suscite de nombreuses questions, tant dans son domaine que dans sa portée. LPA—Lavéritél’emporte-t-elleaudétrimentdelaloyautéprobatoire? MM — L’exigence de loyauté probatoire, qui doit être distinguée de la légalité probatoire, renvoieàl’idéequ’onnepeutopposeràunepartieàunprocèsunélémentdepreuveobtenude manière « clandestine », « à l’insu de » la personne concernée. Cette exigence, qui n’est pas formellementunprincipeduprocèséquitable,permetdemoraliserleprocessusprobatoirede recherchedelavérité. Cependant,sonchampd’applicationévolueendentsdescie.Alorsquecetteexigences’impose dans le procès civil et a été étendue au droit de la concurrence, rendant ainsi les preuves obtenuesdemanièredéloyaleirrecevables,elleconserveundomained’applicationrestreinten matièrepénale.Seuleslespersonnespubliquessontsoumisesàcetteexigencedeloyautédans l’obtention des éléments de preuve, dans un cas bien précis d’ailleurs qui est la provocation à l’infraction. En revanche, les personnes privées peuvent produire en justice des éléments de preuve obtenus de manière déloyale ou illégale à la condition que cet élément de preuve soit débattu de manière contradictoire et que le juge n’en fasse pas le seul élément de sa décision (principedecorroborationselonJ.Pradel). Ce recul de l’exigence de loyauté ne cesse de s’intensifier. La déloyauté est fréquemment, en quelque sorte, « excusée » en faisant appel, dans tous les domaines du droit de la preuve, aux droitsdeladéfense,àl’égalitédesarmesouàunprincipetrèsgénéralducontradictoire.D’une certainemanière,ladéloyautéenamontestexcuséeparundébatcontradictoireenaval.Cette tendanceestcritiquablecarilnefautpasoublierque«prouver,c’estfaireapprouver»selonH. Lévy-Bruhl. Selon le sociologue, la décision ainsi rendue, la vérité ainsi découverte doit être « homologuéeparlacollectivité».Àdéfautd’êtreacceptée,lavéritédoitêtreacceptable.Iln’est pas certain qu’en encourageant l’obtention déloyale ou illégale de preuve compensée par un débatcontradictoire,ladécisionpuisseêtre«homologuéeparlacollectivité»! LPA—Desréformessont-ellesenvisagéesenvued'améliorerledroitdelapreuve? AnneDebet—LesrapportsTerréetCatalaproposantuneréformedudroitdescontratsetdu droitdesobligationscontiennentdesdispositionssurledroitdelapreuve.Leprojetderéforme actuellementencoursreprendrapeut-êtrecertainesdecespropositions. LPA—Qu'enest-ilducôtédudroitadministratif? Camille Broyelle — Sur ce terrain, la question est spécifique. L'Administration détient en effet des pouvoirs exorbitants. Tout d'abord, celui qui découle du privilège du préalable : l'Administrationprendunilatéralementdesdécisionsobligatoires,sansavoirbesoinderecourir aupréalableaujuge.Encesens,pouragir,l'Administrationn'apasà«prouver»ausensstrict (c'est-à-dire devant un juge) la véracité des faits sur lesquels elle se fonde. Ensuite, l'Administrationdétientdesprérogativesexorbitantesaustadedelarécoltedespreuves. Sansdouteexiste-t-ildesgarde-fousmaispasàtouteslesphasesdelaprocédureadministrative. Au stade de l'instruction de la décision par l'Administration, des garanties existent, en particulier pour les décisions qui « font mal », je pense aux sanctions administratives. Ces garanties ont été considérablement étoffées, sous l'effet notamment de la jurisprudence européenne.Aujourd'hui,quasimenttouteslesexigencesduprocèséquitabledel'article6dela Conventioneuropéennedesdroitsdel'Hommes'appliquentàcestade.Enrevanche,s'agissant delaphaseantérieureàl'instructionadministrative,laphasederécoltedesfaits,lesgaranties sontminces,puisqu'àceniveau,nes'appliquentnileprincipeducontradictoire,nilesdroitsde ladéfense,nil'article6delaConventionEDH(1). Certes, certaines enquêtes administratives sont encadrées par des textes. C'est le cas des enquêtesfiscalesouencoredesinvestigationsmenéesparl'AMFoul'Autoritédelaconcurrence. Mais en dehors des textes spéciaux qui réglementent des procédures particulières, il manque cruellementundroitcommundel'enquêteadministrative. AD — Pour des besoins de cohérence il faudrait d'ailleurs dégager des principes généraux communs aux différentes autorités administratives indépendantes, tels que des principes régissant l'accès aux documents, l'accès au domicile... et pour garantir plus de clarté dans ce droitaujourd'huiéclaté. CB — Précisément, peut-être les choses sont-elles en train d'évoluer. Jusqu'à présent, on s'en tenait à l'idée que, dès lors qu'au stade de l'instruction l'intéressé bénéficie des droits de la défenseetdesexigencesdel'article6delaConventionEDH,cen'estfinalementpastrèsgravesi ces droits ne sont pas garantis au stade de l'enquête. C'est l'idée qui inspire une décision du Conseild'Étatdu30mars2007,Predica. AD — Depuis, le Conseil d'État a appliqué l'article 8 de la Convention EDH — droit de toute personneaurespectdesavieprivéeetfamiliale,desondomicileetdesacorrespondance—au stade des contrôles s'agissant de deux décisions de la Commission nationale informatique et libertés.Enl'espèce,laCnilavaitprononcédeuxsanctionsfinancièresàl'encontredessociétés Pro Décor et Inter Confort qui commercialisent des fenêtres et qui avaient recours à de la prospectiontéléphoniquesansrespecterledroitd'oppositiongarantiparlaloiinformatiqueet libertés. Le 6 novembre 2009, le Conseil d'État a considéré qu'« en raison de l'ampleur des pouvoirs » de contrôle de la Cnil, l'ingérence dans le droit au respect du domicile — que constituelecontrôlesurplace—n'estproportionnéequesielleaété«préalablementautorisée parunjuge»ousilapersonneresponsabledeslieux«aétépréalablementinforméedesondroit des'opposer»aucontrôle.Cetteinformationpréalablen'ayantpasétéréalisée,leConseild'État aannulécesdeuxsanctionsdelaCnil(2). CB — Oui, et surtout, une autre évolution se dessine, celle résultant peut-être d'un arrêt du Conseild'Étatdu15mai2013,SociétéalternativeLeadersFrance(no356054)qui,elle,pose,à proposdesenquêtesdel'AMF,quemêmesilesdroitsdeladéfensenes'appliquentpasaustade de l'enquête, il ne faut pas qu'ils soient altérés de façon irrémédiable au cours de cette phase d'investigation. Les droits procéduraux ne doivent pas, en somme, être « tués dans l’œuf ». Ce principepourraitdésormaisêtresollicitépourdégageruncorpusderèglesapplicablesaustade del’enquête.EspéronsqueleConseild’Étatiradanscesens. LPA—Existe-t-ilencoreaujourd'huidesproblèmesdepréservationetd'authenticitéde lapreuvenotammentenraisondesnouvellestechnologies? AD—S'agissantdesnouvellestechnologies,ondistingued'uncôtélesnouvellestechnologiesde l'information et de la communication dites NTIC (documents électroniques et contrats sur internet) et, de l'autre, la preuve scientifique, catégorie à laquelle appartient notamment l'empreintegénétique. Concernant les NTIC, une des difficultés tient à la directive européenne no 1999/93/CE du ParlementeuropéenetduConseildu13décembre1999relativeàlasignatureélectronique,qui pose, pour certaines signatures, des exigences de sécurité beaucoup trop difficiles à atteindre, voire quasi impossibles à atteindre. Il n'y a jamais de document signé avec une signature électroniquesécurisée.Onpeutsedemanderfinalementsiletexteeuropéenestvraimentutile. En2006,dansundesesrapports,laCommissioneuropéenneconstataitlalenteurdeladiffusion dessignaturesélectroniquesavancéesouqualifiées.Actuellement,ilyad'ailleursunprojetde modificationdecettedirective. Danslesactessurinternet,ilyatoujoursunproblèmed'identificationdelapersonne.Uncertain nombredepaysonttentéderésoudreceproblèmeparunepuceinséréedanslacarted'identité qui permet aux personnes de s'identifier sur internet. Cependant, le Conseil constitutionnel a empêchélamiseenœuvred'unetellesolutionenFranceeninvalidantcertainesdispositionsdu projet de loi relatif à la protection de l'identité qui n'étaient pas suffisamment précises. Finalement,quandonregardelajurisprudence,iln'yapastantdecontentieuxquecela.Cesont souvent des mails qui sont produits en tant que preuve et qui constituent un mode de preuve assez largement admis. Une des difficultés réside toutefois dans l'existence de conventions en matièredepreuvesurinternetdanslesconditionsgénéralesdesprestataires.Lajurisprudence garantit,certes,ledroitàlapreuvecontrairemaisenpratiqueilseradifficileauconsommateur de rapporter la preuve contraire par rapport au relevé informatique d'un prestataire. La Commission des clauses abusives a eu l'occasion de rendre un avis sur certaines clauses relativesàlapreuve. Concernant,parailleurs,laquestiondelafiabilitéetdel'authenticitédel'empreintegénétique,il y a des problèmes très importants. Ainsi, on a vu dans l'affaire de la Tuerie de Chevaline que l'ADN prélevé sur place était celui non du meurtrier présumé mais d'un expert en balistique. Dans une autre affaire, l'ADN trouvé était, apparemment, celui d'une personne qui était en prison au moment des faits. Le laboratoire avait inversé deux prélèvements faits dans deux affairesdifférentes.Commel'empreintegénétiqueestconsidéréecommeunepreuveparfaite,on se rend compte que si les conditions de collecte et de traitement des empreintes ne sont pas bonnes—etl'erreuresthumaine!—onaboutitàdeserreursjudiciairestrèsgraves. LPA—Quelssontlesfutursdéveloppementsdelapreuveaveclesnouvellestechnologies ? AD—L'utilisationdelabiométriepouridentifierlesindividusestsusceptibledesedévelopper. C'est un phénomène mondial et la France n'est pas épargnée. Cette utilisation de la biométrie (empreintesdigitalesouempreintesgénétiques,parexemple)posedesproblèmesdupointde vuedeslibertésfondamentales.OnapucréerenFranceunebase«Passeport»,contenantles empreintes digitales des personnes demandant un passeport, avec pour unique finalité la sécurisation de la délivrance des titres d'identité et de voyage et la lutte contre la fraude documentaire.Maislelégislateuraégalementvoulucréerunebased'empreintesdigitalespour les cartes d'identité qui a été invalidée par le Conseil constitutionnel car il y avait d'autres finalitésdepolicesadministrativeetjudiciairequiauraientpermis,parexemple,derechercher danscettebaselesempreintesd'unéventueldélinquant.Toutepreuvefondéesurlabiométrie devraveilleràrespecterlesdroitsfondamentauxmaiségalementàrépondreàunefinalitébien déterminéeetdélimitée. ProposrecueillisparValérieBOCCARA DOCUMENTN°15:MIKAËLBENILLOUCHE,SECRETPROFESSIONNEL,GAZETTEDUPALAIS, 02AOUT2007N°214,P.8 Crim.24AVRIL2007 Secret médical - Production devant le juge répressif de pièces d'un dossier médical - Officedujuge Un médecin ayant fait citer des époux devant le Tribunal correctionnel sous la prévention d'avoir dans une précédente procédure conclue par sa relaxe définitive du chef d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans, établi une attestation faisant état de faits matériellement inexactsproduiteauxdébatsparlespartiesciviles,aannexéàlacitation,envuedeladiscussion contradictoire à l'audience, plusieurs pièces du dossier médical et psychologique du fils des prévenus,majeurprotégé,présentdansl'établissementspécialiséoùilintervenaitenqualitéde médecinpsychiatreàladatedesfaitsdontilavaitétéaccusé.Lesépouxontdemandéauxjuges d'écarter ces pièces des débats au motif qu'en les produisant l'intéressé avait révélé des informations à caractère secret dont il était dépositaire par profession, délit prévu et puni par l'article226-13duCodepénal. Doit être cassé l'arrêt qui, pour rejeter cette demande, énonce qu'aucune disposition légale ne permetauxjugesrépressifsd'écarterlesmoyensdepreuveproduitsparlespartiesauseulmotif qu'ilsavaientétéobtenusdefaçonilliciteoudéloyale,etqu'illeurappartient,enapplicationde l'article 427 du Code de procédure pénale d'en apprécier la valeur probante après débat contradictoire. En se prononçant ainsi, sans rechercher si l'examen public et contradictoire devantlajuridictioncorrectionnelle,àlademandedumédecindel'établissementquiavaitpris en charge le fils des prévenus, de pièces de son dossier médico-social, couvert par le secret professionnel,constituaitunemesurenécessaireetproportionnéeàladéfensedel'ordreetàla protection des droits de la partie civile au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droitsdel'homme,laCourd'appeln'apasdonnédebaselégaleàsadécision. LaCour(...), Surlepremiermoyendecassation,prisdelaviolationdesarticles226-13,441-7duCodepénal, 427duCodedeprocédurepénale,6et13delaConventioneuropéennedesdroitsdel'homme; «En ce que l'arrêt attaqué a déclaré Marie-Claude X, épouse Y, coupable d'établissement d'une attestation comportant une mention inexacte, et l'a condamnée à la peine de 500 € d'amende avecsursis; «Aux motifs que : « Marie-Claude X, épouse Y, soutient que Jean-Claude A produit à l'appui de son argumentation des pièces provenant de dossiers médicaux, qu'il viole ainsi le secret professionnel, ce qui implique que les pièces litigieuses et illicites soient écartées des débats ; toutefois, aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale, et il leur appartient seulement, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante après débat contradictoire ; dès lors, les pièces produites,quecetteproductionvioleouneviolepasunsecretprofessionnel,nedoiventpasêtre écartéesdudébat»(arrêtp.5); «Alorsquelejugerépressifnepeutsefondersurdesmoyensdepreuveobtenusdefaçonillicite ;qu'endéclarantlecontraire,laCourd'appelaviolélestextessusvisés»; Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, 8 de la Convention européenne des droits de l'hommeetL.1110-4duCodedelasantépublique; Attenduquetoutjugementouarrêtdoitcomporterlesmotifspropresàjustifierladécisionet répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradictiondesmotifséquivautàleurabsence; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Claude A a fait citer les époux Y devant le tribunalcorrectionnelsouslapréventiond'avoir,dansuneprécédenteprocédureconclueparsa relaxe définitive du chef d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans, établi une attestation faisantétatdefaitsmatériellementinexactsproduiteauxdébatsparlesépouxZ,partiesciviles; qu'ilaannexéàlacitation,envuedeladiscussioncontradictoireàl'audience,plusieurspièces dudossiermédicaletpsychologiquedufilsdesprévenus,Jean-ClaudeY,majeurprotégé,présent dans l'établissement spécialisé où il intervenait en qualité de médecin psychiatre à la date des faits dont il avait été accusé ; que les époux Y ont demandé aux juges d'écarter ces pièces des débats au motif qu'en les produisant Jean-Claude A avait révélé des informations à caractère secret dont il était dépositaire par profession, délit prévu et puni par l'article 226-13 du Code pénal; Attenduque,pourrejetercettedemande,l'arrêténoncequ'aucunedispositionlégalenepermet auxjugesrépressifsd'écarterlesmoyensdepreuveproduitsparlespartiesauseulmotifqu'ils avaient été obtenus de façon illicite ou déloyale, et qu'il leur appartient, en application de l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante après débat contradictoire; Maisattenduqu'enprononçantainsi,sansrecherchersil'examenpublicetcontradictoiredevant la juridiction correctionnelle, à la demande du médecin de l'établissement qui avait pris en chargeJean-ClaudeY,depiècesdesondossiermédico-social,couvertparlesecretprofessionnel, constituaitunemesurenécessaireetproportionnéeàladéfensedel'ordreetàlaprotectiondes droits de la partie civile au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme,laCourd'appeln'apasdonnédebaselégaleàsadécision; D'oùilsuitquelacassationestencourue; Parcesmotifs, Etsansqu'ilsoitbesoinderépondreausecondmoyenproposé: Casseetannule,entoutessesdispositions,l'arrêtsusvisédelaCourd'appeldeBastia,endatedu 4octobre2006,etpourqu'ilsoitànouveaujugé,conformémentàlaloi; NOTE Del'extensionduprincipedeloyautédelapreuvepénaleauxpartiesprivées La loyauté de la preuve serait-elle en train de pénétrer les relations entre les parties privées danslecadred'uneinstancepénale?C'estcequecetarrêtsemblelaisserprésumer. En effet, la Cour de cassation était appelée à se prononcer sur une hypothèse où un médecin avaitétépoursuividuchefd'agressionsexuellesurmineurdequinzeansenraisond'uneplainte émanant d'un couple (les époux Y). La victime de ces faits aurait été leur fils, alors client du médecin. Suite à sa relaxe, le médecin avait agit au pénal contre les époux Y en raison de la fausse attestation ayant servi de fondement aux poursuites dirigées contre lui. À l'appui de son argumentation,lemédecininvoquaitdespiècescouvertesparlesecretprofessionnel. LaCourd'appeldeBastiaétaitsaisiedelademandedesépouxYd'écartercespiècesdesdébats enraisondeleurorigineillicite. Reprenant une formule classique, la Cour d'appel a rappelé « qu'aucune disposition légale ne permetauxjugesrépressifsd'écarterlesmoyensdepreuveproduitsparlespartiesauseulmotif qu'ilsavaientétéobtenusdefaçonilliciteoudéloyale,etqu'illeurappartient,enapplicationde l'article 427 du Code de procédure pénale, d'en apprécier la valeur probante après débat contradictoire». Saisied'unpourvoi,laCourdecassationreprochaitàlaCourd'appeldenepasavoirrecherchési l'examen public et contradictoire devant la juridiction de pièces couvertes par le secret professionnel«constituaitunemesurenécessaireetproportionnéeàladéfensedel'ordreetàla protection des droits de la partie civile au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droitsdel'homme».L'arrêtentreprisestdonccassé. La Cour de cassation apporte ici un éclairage nouveau sur plusieurs aspects en complétant sa jurisprudenceantérieuregrâceàunepositionnovatrices'appuyantsurl'article8delaCEDH. Ainsi,toutenparaissantétendrelapossibilitédes'affranchirdusecretprofessionnelauxparties civiles (I), la haute juridiction impose également de procéder à un contrôle plus étroit de la loyautédelapreuveàl'encontredespartiesprivées(II)etce,ensefondantsurl'article8dela Conventioneuropéennedesdroitsdel'homme. I.L'ARTICLE8delaCEDH,UNFONDEMENTTEXTUELJUSTIFIANTLAVIOLATIONDUSECRET PROFESSIONNEL Si la jurisprudence admet depuis longtemps que les droits de la défense puisse justifier la violation du secret professionnel (A), la chambre criminelle innove, en se référant à l'article 8, pourétendrecettepossibilitéauxpartiesciviles(B). A-Unfaitjustificatifclassiquelimitéauxdroitsdeladéfense Le médecin est astreint au secret professionnel. La méconnaissance de celui-ci est constitutive del'infractionprévueparl'article226-13duCodepénal. Lesecretprofessionneldumédecinn'estpasabsolu,mêmesidesarrêtsanciensleconsidéraient (1).Eneffet,ledroitpositifconnaîtplusieurshypothèsesdanslesquelleslaviolationdusecret professionnelestimposéeouautoriséeparlaloi.Ainsi,l'article226-14duCodepénalénumère plusieurshypothèsesoùl'infractionestjustifiée. Deplus,lajurisprudence,tantdesjuridictionsdefond(2)quecelledelaCourdecassation(3) admet que le professionnel puisse s'affranchir du secret lorsqu'il s'agissait pour lui de se défendredanslecadred'uneinstancejudiciaireetce,malgrél'absencededispositionlégislative prévoyantunetellepossibilité. Maisdèslors,quelestlefaitjustificatifjustifiantlaviolationdusecret? S'agit-il d'une interprétation large de l'article 122-4, alinéa 1er qui engloberait les droits de la défense dans la mesure où ceux-ci figurent parmi les règles du procès équitable, d'un fait justificatifadhoccrééparlajurisprudence,ouencored'unehypothèsed'applicationdelacause d'irresponsabilité d'état de nécessité figurant à l'article 122-7 du Code pénal et qui suppose d'accomplirunactenécessairefaceàundanger? Ilsemblequecettedernièreinterprétationprévaledanslamesureoùlajurisprudenceconsidère queleprofessionnelneméconnaîtlégitimementlesecretques'ilsetrouve«danslanécessitéde transgresserlesecretpourapporterauxjugeslespreuvesdebonnefoioudelaqualitédeses prestations, étant observée que la révélation doit être limitée aux strictes exigences de sa défense»(4).Danscejugement,ilestd'ailleursexplicitementfaitréférenceàlanotiond'étatde nécessité. C'est en prenant appui sur cette jurisprudence que la Cour de cassation a étendu le fait justificatifàlapartiecivile. B-Unfaitjustificatifrénovéétenduauxdroitsdelapartiecivile Enl'espèce,c'estleprofessionnel,suiteàsarelaxe,quiagissaitcontrelesauteursdelaplainte initiale. Danscecas,lajurisprudenceestmoinsprolifique,bienquelefaitjustificatifaitdéjàétéretenu (5),cequiparaîtlogiquedanslamesureoùlespartiesprivéesàlaprocédure,qu'ils'agissedela personne poursuivie ou de la partie civile, doivent pouvoir bénéficier des mêmes droits. Toutefois,laCourdecassationrenvoieàl'appréciationsouverainedesjuridictionsdefondqui doiventétablirlaconditiondenécessitédelaviolationetce,auregarddesdroitsdeladéfense (6). Dansl'espècecommentée,laCourd'appelsemblaitadmettreunetelleviolationdanslamesure où la preuve ainsi recueillie n'avait pas été écartée des débats. Pourtant, la Cour de cassation censureenprocédantàuncontrôlejusqu'alorsinéditauregarddel'article8delaConvention européenne des droits de l'homme. Ainsi, il appartient désormais aux juridictions de fond d'établirquelaviolationestàlafoisnécessaireetproportionnéeàladéfensedel'ordreetàla protection des droits de la partie civile au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droitsdel'homme. Lacaused'irresponsabilitésetrouvedoncrattachéeàuntexteexplicitement,àsavoirl'article8 delaConventioneuropéennedesdroitsdel'homme,maisaussiimplicitementàl'article122-7 duCodepénalrelatifàl'étatdenécessité,danslamesureoùcedernierfaitégalementréférence à ces deux conditions de « nécessité» et de « proportionnalité». Cette précision est heureuse dans la mesure où il paraissait délicat de rattacher l'hypothèse d'une action exercée par un professionnelaucasoùcelui-ciestamenéàsedéfendrelorsqu'ilfaitl'objetdepoursuites. Ilestdoncfaitréférenceàl'article8delaConventiondanslamesureoùlesecretprofessionnel protège des informations relevant de la vie privée et familiale. Toutefois, la formulation de la Courdecassationn'estpasexemptedecritiquesdanslamesureoùsiladéfensedel'ordreest bienunejustificationpermettantl'ingérenced'uneautoritépubliquedansl'exercicedudroitau respect de la vie privée et familiale figurant dans le paragraphe 2 de l'article 8, il en va différemmentdelaprotectiondesdroitsdelapartiecivilesicen'estindirectementlorsqu'ilest fait référence comme autre justification à une ingérence à la protection des droits et libertés d'autrui. Parmi les droits, il y aurait donc ceux attachés à la qualité de partie civile. Le paragraphe2del'article8justifieraitdonclaviolationdusecretprofessionneletce,àcondition derespecterlesconditionsposéesparl'article122-7duCodepénal. Une telle interprétation aurait aussi pour effet de modifier la jurisprudence rendue lorsque le professionnelestpoursuivi.Dèslors,ilseraitdoncdésormaispossiblederattacherégalementla violationdusecretprofessionnelàl'article8,maisalorsl'ingérencesejustifieraitparladéfense del'ordreetlaprotectiondesdroits...deladéfenseetnonplusdelapartiecivile. Toutefois,siladécisiondelaCourdecassationestriched'enseignementssurlaquestiondela possibilité de justifier la violation du secret professionnel, la haute juridiction s'est essentiellement prononcée sur l'applicabilité du principe de loyauté de la preuve aux parties privées. II. L'ARTICLE 8 de la CEDH, UN FONDEMENT TEXTUEL FAVORISANT L'EXTENSION DE LA LOYAUTÉDELAPREUVEAUXPARTIESPRIVÉES Si la Cour de cassation ne condamne pas la possibilité pour une partie privée d'obtenir une preuve en commettant une infraction (A), elle semble permettre d'étendre la loyauté de la preuve en imposant aux juridictions de fond de motiver l'examen public de la preuve ainsi obtenueauregarddesintérêtsenprésence(B). A-Lemaintiendelapossibilitédecommettreuneinfractionpourobtenirunepreuve Laloyautédelapreuveestundesprincipesrelatifsàlapreuvepénale(7).Elles'appliqueaux différentesautoritésd'investigations(8). Plus encore, la haute juridiction écarte les preuves obtenues par une partie privée agissant à l'initiatived'uneautoritéd'investigation(9).Ainsi,«porteatteinteauprincipedeloyautédes preuvesetaudroitàunprocèséquitable,laprovocationàlacommissiond'uneinfractionparun agent de l'autorité publique ou par son intermédiaire ; que la déloyauté d'un tel procédé rend irrecevablesenjusticelesélémentsdepreuveainsiobtenus»(10). Toutefois,endehorsdecettehypothèse,laloyautédelapreuvenesemblepasdevoirconcerner lespartiesprivées.D'ailleurs,enl'occurrence,telleestlapositiondéfendueparlaCourd'appel. Lajurisprudenceavaitd'ailleursdéjàétabliàplusieursreprisesdansuneformuledeprincipe« qu'aucune disposition légale ne permet aux juges répressifs d'écarter les moyens de preuve produits par les parties au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale ; qu'illeurappartientseulement,enapplicationdel'article427duCodedeprocédurepénale,d'en apprécierlavaleurprobante»(11). Une partie de la doctrine critique la position de la Cour de cassation qui peut être interprétée comme revenant « à admettre qu'un particulier puisse, dans un État de droit, se constituer illégalement une preuve et la produire valablement en justice, sans que la juridiction saisie ne doivereleverl'illégalitécommise»(12). Toutefois,selonlaCoureuropéennedesdroitsdel'homme,l'admissibilitédespreuvesrelèveen premierlieududroitinterne(13). Enconséquence,lemédecinpouvaitdoncprouverlebien-fondédesaprétentionenutilisantle produitdel'infractiondeviolationdesecretprofessionnel. LaCourdecassationavaitdéjàeul'occasiondeconnaîtreunehypothèsesimilairelorsqu'ellea admis qu'un salarié vole des documents dans son entreprise afin de se défendre dans le cadre d'uneinstancejudiciaire(14). Onauraitpus'attendreàcequelaCourdecassationreproduiselamêmeformulationquecelle issue de ces décisions; pourtant, la haute juridiction a rappelé implicitement l'exigence de loyautéenimposantauxjuridictionsdefonddemotiverauregarddesintérêtsenprésence. B-L'exigencedemotivationauregarddesintérêtsenprésence Ainsi, désormais, selon la Cour de cassation, pour admettre la preuve obtenue en raison de la violation du secret professionnel, la Cour d'appel aurait dû rechercher si l'examen de la pièce produitedevantlajuridiction«constituaitunemesurenécessaireetproportionnéeàladéfense del'ordreetàlaprotectiondesdroitsdelapartiecivileausensdel'article8delaConvention européennedesdroitsdel'homme». En conséquence, les juridictions de fond ne pourront plus accepter systématiquement d'examinerlapièce,maisdevrontrecherchersicelle-cipeutêtreproduiteenjusticeauregard desdifférentsintérêtsmentionnésparleparagraphe2del'article8delaCEDH.Lesjuridictions de fond sont donc invitées à procéder à un contrôle. En posant une telle obligation de motivation,laCourdecassationrenddoncnécessairepourlapartieprivéedejustifierauregard descritèresdel'article8,paragraphe2,laproductiondepiècesobtenuesdefaçondéloyale. S'il est excessif de considérer que la loyauté s'imposerait désormais également aux parties privées, il est possible de considérer que les parties privées, en devant justifier leur comportement,sontdorénavantsoumisesàune«obligationlégère»deloyautésemanifestantà travers la nécessité de justifier l'utilisation d'un procédé déloyal, alors que les autorités d'investigationsdemeurentastreintesàune«obligationapprofondie»deloyauté,carilleurest toutsimplementinterditdeméconnaîtreceprincipe. Cettedécisionestunenouvelleillustrationdel'influencedudroitdelaConventioneuropéenne des droits de l'homme sur la procédure pénale (15) et même plus précisément de l'article 8 récemmentutilisépourjustifierdespratiquessadomasochistes(16). Quoiqu'il en soit, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence à laquelle l'affaire a été renvoyée sera invitéeàprocéderàlabalancedesintérêtsenprésencetelqueproposéparlaCourdecassation. Ilneresteraplusalorsqu'àconnaîtrel'étendueducontrôleopéréparlachambrecriminelle. La loyauté de la preuve finira-t-elle par s'imposer aux parties privées, et dès lors renforcer l'effectivité de ce principe directeur du droit de la preuve pénale ? Nous ne pouvons que le souhaiter... DOCUMENTN°16:JURISCLASSEUR,PROCEDUREDECONTROLEDESPRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES ,FASC .N°380. … B. - Loyauté de la preuve et secret professionnel 26. – Le respect du principe du contradictoire ne s'impose pas lors de la phase d'enquête des pratiques anticoncurrentielles (CA Paris, 8 avr. 1994 :JurisData n° 1994-022686. – CA Paris, 26 oct. 2004 : JurisData n° 2004-252016 – Arrêts définitifs). La Cour de cassation a rappelé que l'article 6-3 de la Convention EDH était inapplicable au stade de la procédure de constatation des infractions (Cass. crim., 29 mars 1995, n°9481.778 : JurisData n° 1995-000988). 27. – La phase d'enquête est cependant régie par le principe général de la loyauté dans la recherche de la preuve, tel qu'il résulte de l'article 6-1 de la Convention EDH. La Cour de cassation a ainsi sanctionné, au visa de cette disposition, la cour d'appel de Paris qui avait admis la recevabilité d'un enregistrement réalisé à l'insu de l'auteur des propos, au motif que “l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé par une partie à l'insu de l'auteur des propos tenus constitu[ait] un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve”(Cass. com., 3 juin 2008, n° 07-17.147 : JurisData n° 2008-044217). Malgré cet attendu de principe, la cour d'appel de Paris, autrement composée a, par un arrêt en date du 29 avril 2009, jugé que l'article 6-1 de la Convention EDH n'emportait “aucune conséquence quant à l'admissibilité des preuves, qui demeur[ait] régie par le droit national, mais exige[ait] seulement que la procédure, prise dans son ensemble, garantisse un procès équitable”. La cour d'appel a considéré que les enregistrements en cause ne devaient être retirés des débats que “s'il [était] avéré que la production de ces éléments a[vait] concrètement porté atteinte au droit à un procès équitable, au principe du contradictoire et aux droits de la défense auxquels ils [étaient] opposés”, ce qui n'était selon elle, pas le cas en l'espèce (CA Paris, 29 avr. 2009, Produits d'électronique grand public). De la même manière, l'absence d'indication dans le procès-verbal d'audition de ce que l'objet de l'enquête a été porté à la connaissance de la personne entendue, indique que le principe de loyauté a été méconnu, dès lors qu'il ne ressort pas, par ailleurs, des énonciations du procès-verbal ou d'éléments extrinsèques à celui-ci, que cet objet a bien été indiqué (CA Paris, 12 déc. 2000 : JurisData n° 2000-132274. – Cass. com., 14 janv. 2003, n° 01-00518 : JurisData n° 2003-017373 ; Cons. conc., déc. n° 04-D-49, 28 oct. 2004, décision définitive. – Sur les informations qui doivent obligatoirement être communiquées aux personnes interrogées, V. infra, n° 52). Note de la rédaction – Mise à jour du 31/03/2013 27 . - Loyauté de la preuve C'est dans sa formation plénière que la Cour de cassation a de nouveau censuré l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui avait admis, à titre d'éléments de preuve, des enregistrements sonores produits par la saisissante en dépit du fait que ces enregistrements avaient été réalisés à l'insu de l'auteur des propos. La Cour a rappelé, au visa de l'article 9 du Code de procédure civile, et de l'article 6, § 1 de la Convention EDH, le principe selon lequel "sauf disposition expresse contraire du Code de commerce, les règles du Code de procédure civile s'appliquent au contentieux des pratiques anticoncurrentielles relevant de l'Autorité de la concurrence ; que l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve" (Cass. ass. plén., 7 janv. 2011, n° 0914.316 et 09-14.667 : JurisData n° 2011-000038). 28. – Le refus de fournir des renseignements ou une justification peut être fondé sur le secret professionnel. Ce secret peut être opposé aux agents enquêteurs, sauf si des mesures efficaces sont prises aux fins du respect de ce secret, pour permettre la communication des seuls renseignements intéressant les agents enquêteurs. Le secret médical a ainsi pu fonder le refus de fournir les documents demandés (Cass. crim., 17 juin 1980, n° 79-90354). De la même manière, la correspondance entre un avocat et son client est couverte, en toutes matières, par le secret professionnel, conformément à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971(modifiée L. n° 2004-130, 11 févr. 2004), et ne peut être saisie sauf si elle apporte la preuve de la participation de l'avocat à l'infraction présumée (Cass. com., 5 mai 1998, n° 96-30.115. – Cass. com., 9 mars 1999, n° 97-30.029). Il ressort de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, que les agents peuvent saisir des correspondances entre un avocat et son client lorsque celles-ci ne concernent pas les droits de la défense (Cass. crim., 7 mars 1994, n° 93-84.931 : JurisData n° 1994-000547. – Cass. crim., 30 juin 1999, n° 97-86.318 : JurisData n° 1999-002901. – Cass. crim., 27 juin 2001, n° 01-81.865). Si les documents concernent les droits de la défense, ils sont en principe insaisissables (Cass. crim., 20 oct. 1998, n° 96-30.117. – Cass. crim., 13 déc. 2006, n° 06-87.169) et doivent, dans cette hypothèse, être restitués(Ord. JLD de Nanterre, 9 avr. 2008, Sté DKT). Toutefois, en vertu de l'article L. 450-7 du Code de commerce, il est interdit aux services et établissements de l'État et aux autres collectivités publiques d'opposer aux agents enquêteurs le secret professionnel. Par ailleurs, l'article L. 462-9 du Code de commerce prévoit que l'obligation de secret professionnel ne fait pas obstacle à la communication, par les autorités de concurrence, des informations ou documents qu'elles détiennent ou qu'elles recueillent, à leur demande, à la Commission européenne et aux autorités d'autres États membres exerçant des compétences analogues et astreintes aux mêmes obligations de secret professionnel. DOCUMENTN°17:JURISCLASSEUR,ENQUETEPRELIMINAIRE,FASC.20 B.-Principesdirecteursdel'enquêtepréliminaire 36. – Au cours de l'enquête préliminaire, divers actes et investigations sont accomplis par la police judiciaire. Certains obéissent à des dispositions particulières prévues par le Code de procédure pénale, d'autres ne font l'objet d'aucune réglementation. Au-delà de cette dualité, touteslesenquêtespréliminairesobéissentàdifférentsprincipesquionttoutefoisévolué(V.J. Pradel,Traitédeprocédurepénale:Cujas,2011.–F.DesportesetL.Lazerges-Cousquer,Traité deprocédurepénale:Economica2009,n°1482à1525). Ces principes s'intègrent bien sûr dans les principes directeurs du procès pénal dont celui rappeléàplusieursreprisesparleConseilconstitutionneldel'équilibreentrelapréventiondes atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions et l'exercice des libertés constitutionnellementgaranties(V.parex.,Cons.const.,déc.30juill.2010,n°2010-14/22QPC: JurisDatan°2010-030610,cons.n°24et29). 1°Enquêtepréliminaire:acted'autoritépublique 37. – L'enquête pénale reste une prérogative de l'autorité publique qui l'assure par un service public,celuidelapolicejudiciaire,garantdel'égalitédetousdevantl'investigationpénale,dela neutralitédecettedernièreetdesalégalité. Au-delà de conséquences contentieuses complexes (V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, préc., n° 3688 s.), le monopole de l'enquête pénale au bénéfice de l'autorité publique étatique, comme son organisation en un service public, expliquent un certain nombre de solutions, notammentcellestouchantaudroitd'ouvriruneenquêteetrevêtentunintérêtrenouvelédans lecadredel'équilibredesgarantiesduprocèspénaletdel'égalitédetousfaceàcedernier. 2°Principededirectionjudiciairedel'enquêtepréliminaire 38.–Leprincipededirectiondelapolicejudiciaireparlesmagistratsvaau-delàdel'affirmation d'une simple nature judiciaire de l'enquête qui, en France, se traduit notamment par le statut particulierdesofficiersetagentsdepolicejudiciaire.Ilreposesurun doublefondement(V.A. Decoq,J.Montreuil,J.Buisson,Ledroitdelapolice:Litec1998,n°82s.–H.Vlamynck,Droitde lapolice:Vuibert2011,n°5s.etchap.5). Touteactivitéattentatoireauxlibertésindividuellesdoitêtrecontrôléeparl'autoritéjudiciaire. Mais, en outre, une enquête pénale n'a de finalité que judiciaire, ce qui implique sa direction effectiveparl'autoritéjudiciaireau-delàdupremierniveaudegarantieapportéparlesofficiers et agents de police judiciaire. La garantie judiciaire s'exerce donc à un double niveau : par un contrôledelégalité,denécessitéetdeproportionnalitémaisaussiparunedirectionaufondqui excèdeledroitàl'informationoudesimplespouvoirsd'autorisation.LeConseilconstitutionnel consacre ce principe de direction judiciaire dans lequel les politiques pénales des parquets trouventleurlégitimitéjuridique(Cons.const.,déc.10mars2011,n°2011-625DC). 39.–LadirectiondelapolicejudiciaireestexercéeparleprocureurdelaRépublique(CPP,art. 12).Ilbénéficiedetouteslesprérogativesdel'officierdepolicejudiciaire,etdirigel'activitédes officiersetagentsdepolicejudiciairedesonressort(CPP,art.41,al.2). 40.–Leprocureurpeutordonnerl'ouvertured'uneenquêtepréliminaire(CPP,art.75).Ilpeutle faireentoutecirconstanceetcedroitn'estbornéparrien(V.parex.,Cass.crim.,8déc.2004,n° 04-85.979 : JurisData n° 2004-026691). Lorsqu'elle est menée d'office par les enquêteurs, ces derniers doivent rendre compte de son état d'avancement lorsqu'elle est commencée depuis plus de six mois (CPP, art. 75-1) et dès qu'apparaissent des indices (ni graves ni concordants) laissantpenserqu'unepersonneidentifiéeapucommettrel'infractionconsidérée(CPP,art.752).Toutefoiscetteobligationd'informationduprocureurdelaRépubliquen'estpassanctionnée à peine de nullité (Cass. crim., 1er déc. 2004, n° 04-80.536 : JurisData n° 2004-026136 ; Bull. crim.2004,n°302.–Cass.crim.,23août2005,n°03-87.719,04-84.771,05-83.529.–Cass.crim., 19mars2008,n°07-88.684:JurisDatan°2008-043607;Bull.crim.2008,n°72)etl'avisn'apas nonplusàêtreimmédiatàpeinedenullité(Cass.crim.,11janv.2005,n°04-84.468). LeCodedeprocédurepénaledéclineenoutreceprincipededirectionjudiciaireparunesériede mesuresparticulièrespropresàdiversactesdel'enquêtepréliminaire. Enfinconformémentàl'articlepréliminaireduCodedeprocédurepénale,touteslesmesuresde contrainteexistantesenenquêtepréliminairesontplacéessouslecontrôleeffectifdel'autorité judiciaire. Notedelarédaction–Miseàjourdu05/05/2014 40.-DroitduprocureurdelaRépubliquedefaireprocéderàuneenquête Aucun texte de procédure pénale n'interdit au procureur de la République, lorsqu'il est destinataire de renseignements relatifs à desinfractionsdontseuleunepartieseraitprescrite, de faire procéder à une enquête aux fins d'identifier celles qui seraient susceptibles de faire l'objetd'unepoursuite(Cass.crim.,6nov.2013,n°12-87.130:JurisDatan°2013-024912). 3° Principe d'une coercition limitée par l'autorisation de la personne concernée ou de l'autoritéjudiciaire a)Principeinitialdelanon-coercitionsaufautorisationdelapersonneconcernée 41.–Leprincipedenon-coercitionquicaractérisel'enquêtepréliminaire,s'estaccommodé,au fil du temps, d'exceptions, justifiées par la volonté de donner toute effectivité aux enquêtes menées en préliminaire sans recours à l'information. Il a évolué, dès lors, vers un principe de soumissiondesactescoercitifssoitàaccordduparticuliersoitàautorisationjudiciaire. 42.–Traditionnellement,onreconnaissaitunprincipenon-coercitifàl'enquêtepréliminaire,qui luivenaitdel'enquêteofficieuse(Cass.crim.,19juin1957:D.1958,p.263,noteLePavec).Le Codedeprocédurepénalen'apasmodifiécetterèglefondamentalequivautpourtouslesactes pour lesquels les enquêteurs ne sont pas dispensés de solliciter l'autorisation des personnes concernées. b)Évolutionversunecoercitionautoriséepréalablementparl'autoritéjudiciaire 43. – De très nombreux actes peuvent désormais être imposés en enquête préliminaire sur autorisationjudiciaire,aumoinspourcertainesinfractionsdegrandecriminalitéousévèrement punies:perquisitionetsaisiessansassentimentouhorsheureslégalessurautorisation(V.infra n° 253), interceptions téléphoniques (V. infra n° 259), comparution forcée et rétention des témoins (V. infra n° 209), rétention au cours d'une perquisition (V. infra n° 173), contrôles et vérifications d'identité (V. infra n° 197 à 202), mandat de recherche (V. infra n° 203), garde à vue,investigationsphysiologiques(V.infran°221à228). 4°Principesdelégalité,delibertéetdeloyautédelapreuve 44.–Recevabilité–Iln'existepasdethéoriegénéraledelapreuvedansleCodedeprocédure pénale. Le principe de recevabilité des preuves est celui de la liberté de la preuve, basé sur l'article427auquelaétéattribuéuneportéegénérale(Cass.crim.,27janv.2010,n°09-83.395: JurisData n° 2010-051634 ; Procédures 2010, comm. 156, obs. A.-S. Chavent-Leclere. – Cass. crim., 9 mars 2010, n° 08-88.501 : JurisData n° 2010-004308). S'il existe des exceptions, elles proviennent de textes qui déterminent une nature particulière de la preuve en attribuant une forceprobanteparticulièreàcertainsprocès-verbauxdeconstatation(V.infran°102à108). 45. – Administration – En revanche l'administration de la preuve, notamment par l'autorité publique,estsoumiseàunprincipedelégalitésoitparunformalismeparticulieràunactesoità raisond'unprincipegénéral(respectdel'intimitédelavieprivéeetdesdroitsdeladéfensepar exemple). Cet encadrement s'est développé au fur et à mesure de l'apparition de modalités nouvelles d'investigations coercitives dans le cadre préliminaire, sachant que la Cour européenne des droits de l'homme soumet les actes coercitifs ou intrusifs, quitte à les hiérarchiserenfonctiondeleurintensité(V.infran°56),àuneexigencedeprévisionlégale(Sur ce point V. CEDH, 31 mai 2005, n° 59842/00 : D. 2005, p. 2575, note Hennion-Jacquet. – B. ThellierdePoncheville,Lapreuveilliciteauregarddelaconventioneuropéennedesdroitsde l'homme:Rev.pénit.2010,p.537).ElleaainsicondamnélaFrancesurlefondementdel'article 8delaConventionàproposdelasonorisationd'unappartementeffectuéeàl'époquesansautre textequel'article81duCodedeprocédurepénale(CEDH,31mai2005,préc.).Lajurisprudence nationales'orientedanslamêmedirection(Cass.crim.,21mars2007,n°06-89.444:JurisData n°2007-038466;Bull.crim.2007,n°89;Dr.pén.2007,comm.91,A.Maron;D.2007,p.1024, obs.Darsonville;ibid.p.1817,obs.CaronetMenotti;Rev.sc.crim.2007,p.841obs.Finielz; ibid.,p.897,obs.Renucci;Rev.sc.crim.2008,p.655,obs.J.Buisson). 46.–Enoutre,àl'exigenceaccruedelégalitédel'administrationdelapreuves'estajoutéecelle de sa loyauté. Toutefois ces deux exigences ne supplantent pas le principe de liberté qui demeuremaissecontententdelebornerpartiellement(V.JCl.Procédurepénale,Art.527à457, fasc. 20. – Rép. Pénal Dalloz, V° Preuve, J. Buisson. – J. Pradel, Manuel de procédure pénale : Cujas,n°405s.). a)Principedelibertédelapreuve 47. – Principe de liberté – Posé aux articles 427 et 428, il trouve sa traduction en matière d'enquête dans l'article 41 qui dispose que le procureur de la République procède ou fait procéderàtouslesactesnécessairesàlarechercheetàlapoursuitedesinfractionspénales. 48.–Lajurisprudenceafaitdenombreusesapplicationsdeceprincipe(Cass.crim.,13oct.1986 :Bull.crim.1986,n°282.–Cass.crim.,11juill.2001,n°00-84.832:JurisDatan°2001-010723; Bull.crim.2001,n°167;Dr.pén.2001,chron.44,obs.C.Marsat). Elleprécisequemêmesilaloiprévoitcertainsmodesdepreuveceux-cinesontpasexclusifsde modesgénéraux(Cass.crim.,24janv.1973:Bull.crim.1973,n°34.–Cass.crim.,31oct.2006,n° 06-81.809:JurisDatan°2006-036125;Bull.crim.2006,n°265). b)Principedelégalitédelapreuve 49. – Légalité du recueil des preuves par les enquêteurs – Les enquêteurs sont tenus au respectdesprincipesfondamentauxetdestextesnotammentceuxquiorganisentlerespectde lavieprivéeouencorelesdroitsdeladéfense. Ils ne peuvent agir que dans le cadre des pouvoirs qui leur sont conférés, en respectant leur finalité,àpeined'illégalitédeleursagissementspardétournementdeprocédure(V.B.Bouloc, Les abus en matière de procédure pénale : Rev. sc. crim. 1991, p. 221. – J. Pradel, Manuel de procédurepénale,préc.,n°422s.). Ils ne peuvent commettre d'infraction pour se procurer une preuve sauf autorisation expresse delaloi(danslecasdesoustractionsfrauduleusesdedocumentsbancaireseffectuéespardes "aviseurs" dans une banque suisse : Cass. crim., 28 oct. 1991, n° 90-83.693, 90-83.695, 9083.700,90-83.701,90-83.703,90-83.704:JurisDatan°1991-004008,n°1991-004005,n°1991004004,n°1991-004003;JCPG1992,II,21952,noteJ.Pannier). 50.–LaCoureuropéennedesdroitsdel'hommeestime,commeenmatièredepreuvedéloyale, quelaquestiondelarecevabilitédespreuvesrelèvedesdroitsnationaux.Ellenetraitedoncla question de la preuve illicite que sous l'angle de la violation éventuelle du droit à un procès équitable(R.Legeais,LedroitdelapreuveàlaCoureuropéennedesdroitdel'homme,inMél. Couvrat : PUF 2001, p. 255. – B. Thellier de Poncheville, La preuve illicite au regard de la conventioneuropéennedesdroitsdel'homme:Rev.pénit.2010,p.537). 51. – Il existe à cet égard une casuistique jurisprudentielle nuancée. La chambre criminelle a ainsisanctionnél'appeltéléphoniquedonnéparunsuspectsurlesinstructionsd'unpolicierqui dictaitlesquestionsetsuivaitlesréponsesàl'aided'unécouteur(Cass.crim.,12juin1952:Bull. crim. 1952, n° 53 ; JCP G 1952, II, 7241, note Brouchot). De façon plus récente, elle a invalidé l'enregistrement effectué de manière clandestine, par un policier (Cass. crim., 16 déc. 1997, n° 96-85.589:JurisDatan°1997-005498;Bull.crim.1997,n°427;Rev.sc.crim.1999,p.588,obs. Delmas Saint Hilaire. – Cass. crim., 3 avr. 2007, n° 07-80.807 : JurisData n° 2007-038632). Il s'agissaitdanslapremièreespècedeproposenregistrésparunsuspectàsoninsuaurestaurant etdanslasecondedepropostenushorsprocès-verballorsd'unegardeàvue.Toutefois,laCour a admis l'enregistrement clandestin de propos par un policier mais dans le but de prouver la réalitéd'uneinfractiondecorruptiondontilétaitpersonnellementvictime(Cass.crim.,19janv. 1999:Bull.crim.1999,n°9;JCPG1999,II,10156,noteD.Rebut;Dr.pén.1999,chron.24,obs. C.Marsat.–Pourunedécisioncontrairedansuneespèceprochemaiss'inscrivantdansuntrafic de stupéfiants dont elle ne constituait que l'accessoire : Cass. crim., 16 déc. 1997 : Bull. crim. 1997, n° 427). Elle a admis aussi l'enregistrement clandestin effectué par un gendarme en fonction,aumotifqu'ilneconstituaitquel'undesélémentsprobatoireslaissésàl'appréciation souveraine des juges (Cass. crim., 13 oct. 2004, n° 03-81.763 : JurisData n° 2004-025257 ; Dr. pén. 2005, comm. 2, obs. M. Véron ; Rev. pénit. 2005, p. 410, obs. Ambroise Castérot ; Rev. sc. crim.2005,p.66,obs.Fortis). 52.–Unequestionparticulièreseposeencasdecombinaisonmalicieusedesdifférentspouvoirs d'enquêteattribuéssoitàdesagentsenquêteursdistinctssoitaumêmeagent.Lamiseenoeuvre encomplémentaritédecespouvoirsest,ensoi,souhaitableetrégulière(Parex.,Cass.crim.,30 oct.1989:Bull.crim.1989,n°385;Dr.pén.1990,comm.134,obs.J.-H.Robert).C'estd'ailleurs le principe même de fonctionnement des groupements d'intervention régionaux (V. infra n° 315). Toutefois, ces pouvoirs ne doivent pas être utilisés à d'autres fins que celles pour lesquelles ils ont été conçus, notamment afin d'éluder les limites légales des compétences de certainsenquêteursquiprovoquentalorsl'entréeenscèneartificielled'autresagentsdotésde capacitésplusétendues. 53. – Détournement de procédure – Il en va ainsi d'agents des douanes sollicités par des fonctionnairesdesCRSpoursaisirdesdétecteursderadar(Cass.crim.,18déc.1989:Bull.crim. 1989,n°485;JCPG1990,II,21531,noteP.Chambon),d'agentsdesdouanesayantprocédéà une visite domiciliaire qui n'avait d'autre but que de permettre aux agents des impôts qui les accompagnaientlaconstatationd'infractionsfiscales(Cass.crim.,2juin1986:Bull.crim.1986, n°187;JCPG1987,II,20752,notePannier.–Cass.crim.,25mai1988:Bull.crim.1988,n°221), d'officiersdepolicejudiciairequi,setrouvantenenquêtepréliminaireetnepouvantprocéderà saisie,fontappelàdesagentsdesdouanes(Cass.crim.,11mai1992,n°92-81.484:JurisDatan° 1992-003293 ; Dr. pén. 1992, comm. 261, obs. J.-H. Robert ; Gaz. Pal. 1993, I, p. 244, note Pannier),d'agentsdufiscaccompagnantsansréquisitionniprestationdesermentdesofficiers de police judiciaire afin de pouvoir bénéficier du résultat de perquisitions (Cass. crim., 17 oct. 1994,n°94-82.780;Dr.pén.1995,chron.13,noteV.LesclousetC.Marsat.–Cass.crim.,6févr. 1997 : Bull. crim. 1997, n° 49), d'agents du fisc ne diligentant une enquête en matière de concurrencequepourpouvoirfaciliterlerelevéd'infractionsdedroitcommun(Cass.crim.,12 oct. 2005, n° 05-80.713 : JurisData n° 2005-030703 ; Bull. crim. 2006, n° 30 ; Dr. pén. 2006, comm.23,obs.A.Maron). Au-delàdeshypothèsesdecumuldepouvoirsentreagents,ledétournementdeprocédurepeut être constitué par le même agent utilisant les pouvoirs que lui confère la réalisation d'une perquisitionpouropérerenfaitunesonorisation(Cass.crim.,15févr.2000,n°99-86.623:Bull. crim.2000,n°68;Dr.pén.2000,comm.82,noteA.Maron). 54.–Lajurisprudencesurcethèmerestelimitéeetlavoieainsiouverteétroite(V.parex.Cass. crim.,12nov.2003,n°02-86.905).LaCourdecassationaainsirefuséd'annuleruneremisede documentsàdesenquêteursparunechambredesnotairesquiselesétaitprocurésgrâceàses pouvoirs d'inspection, même si était ainsi éludé le formalisme d'une perquisition en enquête préliminaire(Cass.crim.,21sept.2005,n°04-85.149). 55.–Impartialitédel'enquête–Prochedelasituationdedétournementdepouvoirsestcelle delapartialitédel'enquête.Commel'indiquelachambrecriminelle(Cass.crim.,14mai2008,n° 08-80.483:JurisDatan°2008-04418;AJP2008,p.328,obs.G.Roussel)"ledéfautd'impartialité d'unenquêteurpeutconstituerunecausedenullitédelaprocédure"parviolationdudroitàun procèséquitablequis'appliquedèslaphasepréalableduprocèspénal(CEDH,11juill.2000,n° 20869/92,Dikmec/Turquie).Enrevanche,lasanctiondudéfautd'impartialitéparlanullitéest soumiseàladémonstrationd'ungrief,selonl'arrêtprécité. La Cour européenne des droits de l'homme a rappelé l'exigence d'une enquête impartiale notammentdanslecasdemauvaistraitementinfligésparlesenquêteurs(CEDH,6avr.2000,n° 26772/95,Labitac/Italie.–CEDH,14avr.2009,n°16816/03,MecaïlÖzelc/Turquie). 56. – Respect du droit à l'intimité de la vie privée par les enquêteurs – La Cour de cassation a jugé que constitue une ingérence dans l'exercice du droit (CEDH, art. 8) au respect de la vie privéeetdudomicilelefaitpourdesenquêteurs: – de réaliser par eux-mêmes des interceptions téléphoniques en enquête préliminaire (Cass. crim.,27févr.1996:Bull.crim.1996,n°93); –dephotographierclandestinement,sanstexte,aussibiendespersonnesquedesvéhiculesse trouvant dans un lieu privé inaccessible aux regards depuis la voie publique (Cass. crim., 21 mars 2007, n° 06-89.444 : JurisData n° 2007-038466 ; Bull. crim. 2007, n° 89 ; Dr. pén. 2007, comm.91;D.2007,p.1024,obs.Darsonville;ibid.,p.1817obs.CaronetMenotti;Rev.pénit. 2009,p.195,noteJ.Buisson;Rev.sc.crim.2007,p.841,obs.Finielz;ibid.,p.897,obs.Renucci; Rev. sc. crim. 2008, p. 655, obs. J. Buisson ; Rev. pénit. 2007, p. 678, obs. E. Verny ; Rev. pénit. 2007, p. 678, obs. C. Ambroise-Casterot). Il est vrai que le véhicule a déjà été défini par la jurisprudence comme un lieu privé, même s'il circule sur la voie publique ce qui interdit notammentlaprisedephotographiesdesonintérieur(Cass.crim.,12avr.2005,n°04-85.637: JurisDatan°2005-028275;Bull.crim.2005,n°122).Ilenvademêmedel'installationdansles parties communes d'un garage, avec l'autorisation du syndic de l'immeuble, d'un dispositif techniquepermettantdecapteretdefixerlesimages(Cass.crim.,27mai2009,n°09-82.115: JurisDatan°2009-048558; Procédures 2009,comm.284,noteJ.Buisson;Rev.pénit. 2009,p. 624, note E. Verny). Seul l'article 706-96 permet, dans le cadre d'une instruction, la fixation d'images d'une personne dans un lieu privé, aucune disposition comparable n'étant, en l'état, applicableauxenquêtesdeflagranceoupréliminaire. En revanche, la jurisprudence a admis le constat d'une infraction de chasse par des gardes chasse postés à l'extérieur du domicile qu'ils observaient à l'aide de jumelles (Cass. crim., 23 août 1994 : Bull. crim. 1994, n° 291 ; Dr. pén. 1994, comm. 236, obs. J.-H. Robert). Mais dans cetteespèceiln'yavaitpaseufixationd'imageetladécisionrelèvequelesgardesontagisans artificenistratagème. 57.–LaCoureuropéennedesdroitsdel'hommeaeuàstatuersurl'emploidebaliseGPS(CEDH, 2sept.2010,n°35623/05,Uzunc/Allemagne:D.2010,p.2161,noteS.Lavric).Elleestimaque lerepérageconstantauquels'étaientlivréslesenquêteursconstituaituneingérencedanslavie privée du requérant mais souligna que cette ingérence était d'une moindre intensité que les interceptionsdecommunicationtéléphoniquescequiexcluaitlesgarantiesprévuespourcette dernière.EllenotaenoutrequeleCodedeprocédurepénaleallemandprévoyaitlerecoursàdes moyens techniques en particulier pour localiser l'auteur d'une infraction. Elle jugea que cette ingérence était nécessaire et proportionnée, remarquant qu'elle n'avait été employée qu'après l'échecd'autresmesuresetpourunecourtedurée. Le Code de procédure pénale français contient, pour sa part, une disposition relative à la surveillance,l'article706-80,applicableauxcasdecriminalitéorganiséedéfinisparlesarticles 706-73 et 706-74 (V. infra n° 270). Cet article prévoit très clairement le principe d'une surveillancedontilborneaumoinslessujetset,partiellement,l'objet. Enoutrelajurisprudenceadéjàstatuésurlarégularitédefilaturesetsurveillancesphysiques pour les admettre, le plus souvent en enquête de flagrance (Cass. crim., 4 févr. 1991, n° 9081.370 : JurisData n° 1991-004069. – Cass. crim., 11 mai 1993, n° 93-80.932 : Dr. pén. 1993, chron. 34, obs. V. Lesclous et C. Marsat. – Cass. crim., 2 juin 2010, n° 09-87.147 : JurisData n° 2010-011271;Bull.crim.2010,n°98). Ilsembledoncquel'exigencedeprévisibilitélégalepuisseêtreconsidéréecommerespectéepar notredroit. 58. – Respect des droits de la défense – La loi préserve à ce titre la confidentialité de la communicationavecunavocat(CPP,art.432)notammentlorsdelagardeàvue(CPP,art.63-4). Lesinterceptionstéléphoniquesenenquêtepréliminaire(CPP,art.706-95)doiventrespecterles règlesénoncéesparl'article100-5quiprohibelaretranscriptiondescorrespondancesrelevant del'exercicedesdroitsdeladéfense.Ellepréserveaussilecabinetetledomiciledel'avocatqui nepeuventêtreperquisitionnésqu'àcertainesconditionsposéesparl'article56-1applicableà l'enquête préliminaire. De façon générale, l'exercice des droits de la défense interdit toute intrusiondanslesrapportsentreunepersonneetsonavocatsaufàcequ'ils'agissedemettreen évidenceuneinfractionimputableàl'avocat. 59. – Le respect des droits de la défense comprend aussi le respect du droit à ne pas s'auto incriminerprévuàl'article14.3,g)dupacteinternationalrelatifauxdroitscivilsetpolitiques(V. F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer, préc., n° 592 s. – D. Roets, Le droit de ne pas s'auto incriminer dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme : AJP 2008, p. 119). La CEDH l'a consacré dans de nombreuses décisions (CEDH, 8 févr. 1996, n° 18731/91, JohnMurrayc/Royaume-Uni)etilformelabasedesajurisprudencerelativeàl'interventionde l'avocatengardeàvue(CEDH,15mars2011,n°20448/02,Beguc/Roumanie). Ledroitausilence,formaliséencasdegardeàvueàl'article63-1,estunecomposantedudroità nepass'autoincriminercommel'indiqueexpressémentcettedécision. c)Principedeloyautédelapreuve 60.–Loyautédurecueildelapreuve–Même s'il ne figure pas à l'article préliminaire il est fréquemmentprésentdanslajurisprudencedelachambrecriminelle(Cass.crim.,27févr.1996, n°95-81.366:JurisDatan°1996-000477;Bull.crim.1996,n°93;Gaz.Pal.1997,rapp.Guerder; D. 1996, p. 346, note C. Guéry. – Cass. crim., 16 déc. 1997, n° 96-85.589 : JurisData n° 1997005498;Bull.crim.1997,n°427;D.1998,p.354,notePradel;Rev.sc.crim.1999,p.588,obs. DelmasSaintHilaire). II a essentiellement trouvé à s'appliquer en matière de provocation à la commission d'une infraction que la jurisprudence distingue de la provocation à la preuve (V. F. Desportes, L. Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, préc. n° 569 s. et la bibliographie citée. – Ph. Conte, La loyauté de la preuve dans la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation:verslasolutiondelaquadratureducercle:Dr.pén.2009,étude8.–P.Lemoine,La loyautédelapreuve:Rapp.ann.C.cass.2004,p.165ets.–P.MaistreduChambon,Larégularité des"provocationspolicières",l'évolutiondelajurisprudence:JCPG1969,I,3422). 61. – Illicéité de la provocation à l'infraction – Pour la Cour européenne des droits de l'homme, viole l'article 6 une provocation policière ayant déterminé l'infraction (CEDH, 9 juin 1998, n° 25829/94, Teixeira de Castro c/ Portugal : Rev. sc. crim. 1999, p. 401, obs. KoeringJoulin). L'intervention d'un agent infiltré "circonscrite et entourée de garanties" ne méconnaît pasledroitàunprocèséquitablesaufutilisationd'élémentsrecueillisàlasuitedeprovocations policières (CEDH, 5 févr. 2008, n° 74420/01, Ramanauskas c/ Lituanie : Rev. sc. crim. 2008, p. 694). 62.–Lachambrecriminelleécartedesdébatslespreuvesobtenuesàl'aided'uneprovocationà lacommissionenfrappantdenullitélesactesquiontpermisdelesobtenir(Cass.crim.,27févr. 1996, préc. – Cass. crim., 9 août 2006, n° 06-83.219 : JurisData n° 2006-034897 ; Bull. crim. 2006, n° 202 ; Procédures 2006, comm. 278, note J. Buisson.– Cass. crim., 7 févr. 2007, n° 0680.108 : Bull. crim. 2007, n° 37). La Cour de révision (Cass. crim., 5 juin 1996, n° 95-85.561 : JurisDatan°1996-005468;Bull.crim.1996,n°240)afaitdroitàunedemandeconcernantdes condamnations pour vols car il avait été établi que pour des faits similaires commis antérieurementparlesmêmesindividus,levolaveceffractionavaitétéorganisé,àleurinsu,par desgendarmes. 63. – Provocations à la preuve autorisées par la loi – infiltration – Si, en matière de criminalité organisée, les enquêteurs peuvent être admis à infiltrer des organisations criminelles,auxtermesdel'article706-81,ilestpréciséexpressémentqu'“àpeinedenullitéces actesnepeuventconstitueruneincitationàcommettredesinfractions”. 64. – Autorisation de participations à des échanges électroniques – Il en va de même de la participation sous pseudonymes à des échanges électroniques dans le but de lutter contre les infractions de proxénétisme, de pédopornographie ou de corruption de mineurs. Les articles 706-35-1et706-47-3quiprévoientcettepossibilitécontiennentlamêmeformulequel'article 706-81.Ilenvademêmedel'article706-32quipermetl'acquisitionetlalivraisoncontrôléede stupéfiants. 65.–Enfin,pourconstaterlesinfractionsmentionnéesausixièmealinéadel'article24delaloi du29juillet1881(provocationàlacommissiond'infractionsgraves,notammentcellesportant atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État) commises par un moyen de communication électronique, il est permis aux agents de participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques(CPP,art.706-25-2,issudeL.n°2011-267,14mars2011).Toutefois,àpeinede nullité,cesactesnepeuventconstitueruneincitationàcommettrecesinfractions. 66.–Provocationsàlapreuveacceptées–Laprovocationàlapreuveestadmise,justifiéepar l'existence d'une activité délictueuse antérieure (Cass. crim., 2 oct. 1979 : Bull. crim. 1979, n° 266. – Cass. crim., 5 juin 1997 : Bull. crim. 1997, n° 229 ; Dr. pén. 1997, comm. 142, obs. A. Maron.–Cass.crim.,30avr.1998:Bull.crim.1998,n°147.–Cass.crim.,23nov.1999,n°9982.658:JurisDatan°1999-004765;Dr.pén.2000,comm.82,noteA.Maron;Bull.crim.1999,n° 269.–Cass.crim.,8juin2005:Bull.crim.2005,n°173). De surcroît, la provocation à une nouvelle infraction devient nécessaire lorsqu'elle est le seul moyen de rapporter la preuve d'une activité délictueuse habituelle (Cass. crim., 2 mars 1971 : Bull.crim.1971,n°71.–Cass.crim.,16mars1972:Bull.crim.1972,n°108.–Cass.crim.,20oct. 1979:Bull.crim.1979,n°266). 67. – Ruse – Cette mode de provocation à la preuve est admise, sauf si elle constitue un détournementdeprocédure(V.supran°52).Lavaliditédesconstatationsfaitesparunagentou unofficierdepolicejudiciairenesetrouvepasaffectéeparlefaitqu'iln'auraitpasfaitconnaître sa qualité à l'auteur des faits lors de la constatation d'une infraction flagrante (Cass. crim., 2 mars1999,n°98-86.465:JurisDatan°1999-001062;Bull.crim.1999,n°29)niétéporteurde son uniforme (Cass. crim, 21 janv. 1998, n° 97-82.269 : JurisData n° 1998-000904 ; Bull. crim. 1998, n° 31. – Cass. crim., 3 juin 2009, n° 08-87.434 : JurisData n° 2009-048943 ; Bull. crim. 2009,n°111)saufàcequ'untexteobligelesagentsàêtreporteurleuruniforme(Cass.crim.,20 sept. 2005, n° 05-82.072 : JurisData n° 2005-030058 ; Bull. crim. 2005, n° 232), auquel cas la nullitéestencouruesansgrief. Demeurent licites, le fait pour un policier de se déguiser, de se faire passer pour quelqu'un d'autre(CAParis,3avr.1987:JurisDatan°1987-023426.–CAParis,12févr.1988:JurisDatan° 1988-023105),desecacherdansunbureaupourassisteràuneremisedefondscaractérisantun délitdecorruptionactive(Cass.crim.,22avr.1992:Bull.crim.1992,n°169),deseprésenter commeunacheteurdedrogue(Cass.crim.,9juin1993:Bull.crim.1993,n°228),d'effectuerdes filatures, de faire le guet, de tendre des embuscades ou de fomenter des pièges, d'utiliser des indicateurs(Cass.crim.,6juill.1894:DP1899,1,p.171;4avr.1924:DP1925,1,p.10.–G.Di Marino, L'indicateur in Problèmes actuels de science criminelle : PUAM, 1990, p. 63 s.), d'employer des procédés techniques d'enregistrement tels qu'appareils photographiques, caméras,radars,cinémomètres(D.Thomas,Delarelativitédescontrôlesparcinémomètre:D. 1980,1,jurispr.p.129),magnétophones(Cass.crim.,18févr.1958:Bull.crim.1958,n°163.– Cass. crim., 16 mars 1961 : JCP G 1961, II, 12157, obs. J. Larguier) dès lors du moins que ces procédésneportepasatteinteàl'intimitédelavieprivée(V.supran°56). 68.–Loyautéetlégalitédelapreuveadministréepardespersonnesprivées–Lachambre criminelleestimerecevableslesélémentsdepreuveobtenusparlespartiesdefaçondéloyaleou illiciteetproduitsdirectementensuitedanslaprocédureouremisauxenquêteursdèslorsqu'ils neconstituentquedesmoyensdepreuvesoumisensuiteàunediscussioncontradictoire(Cass. crim.,2déc.1980:Bull.crim.1980,n°327.–Cass.crim.,18nov.1986:Bull.crim.1986,n°345. – Cass. crim., 26 avr. 1987 : Bull. crim. 1987, n° 173. – Cass. crim., 21 mars 1989 : Bull. crim. 1989,n°139.–Cass.crim.,10sept.1990:Bull.crim.1990,n°336.–Cass.crim.,11févr.1992: Bull.crim.1992,n°66.–Cass.crim.,23juill.1992:Bull.crim.1992,n°274.–Cass.crim.,15juin 1993:Bull.crim.1993,n°210.–Cass.crim.,6avr.1994:Bull.crim.1994,n°136.–Cass.crim., 30 mars 1999, n° 97-83.464 : JurisData n° 1999-001606 ; Bull. crim. 1999, n° 59 ; Procédures 1999,comm.215,obs.J.Buisson.–Cass.crim.,23juin1999,n°98-84.701.–Cass.crim.,11juin 2002,n°01-85.559:Bull.crim.2002,n°131.–Cass.crim.,11mai2004,n°03-80.254etn°0385.521:JurisDatan°2004-023993etJurisDatan°2004-023992;Bull.crim.2004,n°113et117 ;JCPG2004,II,10124,noteGirault;D.2004,p.2326,noteGaba;Rev.pénit.2004,p.875,note SaintPau;Rev.sc.crim.2004,p.635,obs.Fortis.–Cass.crim.,31janv.2007:Bull.crim.2007, n°27.–Cass.crim.,27janv.2010,n°09-83.395:JurisDatan°2010-051634). Les particuliers ne sont en effet pas tenus au formalisme procédural qui ne s'impose qu'aux agents publics concernés lesquels sont seuls à pouvoir accomplir des actes de procédure annulables.Lajustificationpeutenoutreêtretrouvéedanslesnécessitésdeladéfense. 5°Respectdeladignitédespersonnes 69.–Textesfondamentaux–Outrelesprincipesgénérauxdudroit,peuventêtreinvoquéesles Conventionsuniverselleeteuropéenne,contrelatortureetautrespeinesoutraitementscruels inhumainsoudégradants. 70. – Principe général de la procédure pénale – Ces principes figurent également dans l'article préliminaire du Code de procédure pénale, qui énonce que les mesures de contrainte visant les personnes suspectées ou poursuivies doivent être proportionnées à la gravité de l'infractionreprochéeetnepasporteratteinteàladignitédelapersonne.Laloin°2000-516du 15juin2000imposedeprendretouteslesmesuresutiles,dansdesconditionscompatiblesavec lesexigencesdesécurité,pouréviterqu'unepersonnemenottéeouentravéesoitphotographiée oufilmée(CPP,art.803).Demêmelaloin°2011-392du14avril2011ainsérédansleCodede procédurepénaleunarticle63-5visantaumeilleurrespectdeladignitéengardeàvue. Le décret n° 86-592 du 18 mars 1986(Journal Officiel 19 Mars 1986) établit un Code de déontologie de la police nationale qui souligne (C. déont. pol. nat., art. 7 et 10) qu'aucune violence,aucuntraitementinhumainoudégradantnedoiventêtreinfligés. 71. – Respect de l'intégrité physique, portée du principe – Des procédés tels que l'hypnotisme, l'injection de narcotiques ou l'emploi de détecteur de mensonges, même avec le consentement de la personne concernée ou le concours d'un expert, sont nécessairement attentatoiresàladignitéhumaine(V.Cass.crim.,12déc.2000,n°00-83.852:JurisDatan°2000007696;Dr.pén.2001,comm.38,noteA.Maron). 72. – Pour la Cour européenne des droits de l'homme, une condamnation est irrégulière lorsqu'elle se fonde, même partiellement, sur des éléments de preuve obtenus en violation de l'article3delaconvention(CEDH,11juill.2006,n°54810/00,Jallohc/Allemagne.–CEDH,1er déc.2009,n°21790/04,YuzufGezerc/Turquie). 73. – Atteintes légales à l'intégrité physique – Les seules atteintes qui sont reconnues légalement sont celles afférentes aux analyses et examens médicaux cliniques et biologiques prévusparlaloi(V.infran°218à232.–Parex.,C.route,art.L.234-3àL.234-9).Toutefois,ces vérifications ne peuvent pas être imposées de force à la personne concernée, mais celle-ci s'exposealors,encasderefus,auxsanctionsprévuesparl'articleL.234-9duCodedelaroute. 6°Principedusecretdel'enquêtepréliminaire a)Règledusecret 74. – Cadre légal – Le caractère traditionnellement secret de la procédure préalable au jugementestétenduàl'enquête(CPP,art.11). 75. – La loi du 15 juin 2000(L. n° 2000-516, 15 juin 2000, art. 96-1) a tempéré ce principe en ajoutant à cet article un alinéa permettant au procureur de la République, afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public, de rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure sans préjudicier de la culpabilité. 76.–Quantàl'article56duCodedeprocédurepénale,auquelrenvoiel'article76,ilprécisedans sesalinéas2etsuivantsleformalismesusceptibled'assurer,àl'égarddesdocumentssaisisdans le cadre d'une perquisition, le secret des correspondances et le secret professionnel (V. JCl. Procédurepénale,Art.53à73,fasc.20). 77. – Portée du secret – Le secret s'impose aux personnes qui concourent à la procédure, personnes chargées de l'enquête ou susceptibles de prendre connaissance de ses résultats : officiersetagentsdepolicejudiciaire,supérieurshiérarchiques,magistrats,secrétaires-greffiers destribunaux.Lesecretnes'imposeniaususpectniautémoincarl'unetl'autreneconcourent pasàlaprocédure. b)Limitesdusecret 78.–Lesenquêteurspeuventêtreconduitsàfaireétatauxindividusinterrogésdecequ'ilsont apprisparailleursconcernantd'autrespersonnes,parexemple,poursituerlapartrespectivede chacun des auteurs ou des complices de l'infraction. Cependant, cela doit être justifié par les nécessitésdel'enquête. 79. – Rapport avec la presse – Avec la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, le procureur de la République (et non le procureur général) est devenu l'interlocuteur privilégié de la presse et c'est dans l'exercice de son pouvoir de direction de l'enquête qu'il lui appartient d'apprécier l'opportunité de communiquer. Mais, la démultiplication des modes de communication, l'apparitionderéseauxsociaux,lesjeuxd'acteurs,posentdesdifficultésimportantesentermes destratégiesdecommunicationetdeluttecontrelesrumeursoulesdéstabilisations. 80.–Lecadrerestreintdel'article11estenréalitélargementdépassé.Dèslors,lesopérations decommunicationmaljustifiéesparletexteexistantdoiventêtreenvisagéesavecprudenceet notammentrespecterl'intimitédelavieprivéeetlaprésomptiond'innocence. S'agissantdelaprésencedejournalistessurleslieuxd'uneopération,ilconvientdeconsidérer qu'elle fait nécessairement prendre des risques à la procédure en termes de nullité, cette intrusioncontrevenantauxdispositionsdesarticles35terdelaloidu29juillet1881et11(et 803encasd'arrestation)duCodedeprocédurepénale.Ilenvatoutefoisautrementlorsquele manquement est extérieur à l'enquête. Il peut seulement ouvrir droit, pour ceux qui s'en prétendentvictimes,aurecoursprévuparl'article9-1duCodecivil(Cass.crim.,24nov.2010,n° 10-86.713:JurisDatan°2010-024677). 81. – Pour sa part, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 24 févr. 2009, n° 42716/02, Toma c/ Roumanie) a statué dans une espèce où des journalistes, appelés par la police, avaient été autorisés à filmer et photographier un gardé à vue. Certaines des images furent diffusées ou publiées par les médias concernés. La cour a rappelé que la notion de vie privéecomprendledroitàl'image(V.aussiCEDH,11janv.2005,n°50774/99,Sciacciac/Italie. –CEDH,17oct.2006,n°71678/01,Gourguenidzec/Georgie).