Diao Yinan, Walter Murch

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Diao Yinan, Walter Murch
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première dès le 27 août
les cinémas du grütli
Diao Yinan,
Walter Murch
Du 27 août au 18 septembre, première de l’étonnant Black Coal, troisième
long-métrage du réalisateur chinois Diao Yinan justement récompensé de
l’Ours d’or du meilleur film à la Berlinale 2014. Les 17 et 18 septembre,
exceptionnel hommage, en sa présence, au grand monteur Walter Murch.
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On sait que nous viennent de Chine depuis
maintenant plusieurs années, des films dressant
un portrait sans fard de la société chinoise avec la
dureté stupéfiante de ses rapports sociaux, l’obsession de l’argent, les inégalités, la corruption,
la criminalité florissante… Black Coal, Ours
d’or mérité à Berlin cette année, partage une telle
vision avec le puissant A Touch of Sin de Jia
Zang-ke, récemment vu. Moins directe et frontale toutefois que celle de Jia Zang-ke, l’approche
de Diao Yinan est plus ouverte à l’humain, plus
portée aussi vers des formes, comme il le dit,
« qui nous mettent à distance et font travailler
davantage notre imaginaire », établissant des
passerelles surprenantes entre la réalité sociale la
plus prosaïque et une fantaisie surréalisante, à la
frontière du rêve et de la réalité.
Black Coal, film au charme prenant, réalise
le tour de force d’être à la fois un vrai film noir,
d’un cinéaste connaissant tout du genre qu’il
revisite, et un formidable documentaire sur la
société chinoise. Du film noir, il tient l’intrigue
criminelle : les restes d’un corps découpé, mêlés
au charbon extrait d’une mine, sont retrouvés aux
quatre coins d’une province du Nord de la Chine,
pendant l’été caniculaire de 1999. Un homme à la
dégaîne de boxeur qu'on a vu incapable d’empêcher la séparation d’avec sa femme sur un quai
de gare, se révèle être un flic, l'inspecteur Zhang
Lili. Il sera chargé de l’enquête. Comme dans
tout polar, celle-ci implique sa dose de prises de
renseignements, de planques en bagnoles, de filatures. Mais rien de routinier dans la narration
jouant sur l’étirement et la contraction du temps:
l’arrestation des suspects dans un salon de coiffure est l’occasion d’un plan-séquence incroyable
où au calme apparent de la situation succède,
l’espace d’une seconde de distraction, un déchaînement extrême de violence. Au plan suivant,
une ellipse toute en élégance: nous suivons une
voiture de police s’engouffrant dans un tunnel, en
été 1999 pour en ressortir en hiver 2004. Sur le
a
séquence finale, renvoyant au nom de ce bar, est
un moment de pur poésie qui ne résout nullement
l’énigme…
Outre sa liberté narrative, le film tire sa
force, on l’a dit, de la précision documentaire du
regard porté sur la Chine. Regard d’artiste en
même temps comme en témoigne une photographie conférant une sorte de beauté étrange à une
ville ingrate, pauvre, torride en été, glaciale en
hiver, semblable à celle où est né Diao Yinan, et
dont les habitants sont d’après lui « très directs ».
D’où peut-être cette proximité avec ses personnages, qu’il humanise en s’écartant du typage
«Black Coal» © Frénétic Films
bord de la route, cuvant son vin, Zhang Lili dont
on apprend qu’il a quitté la police. Désormais
agent de sécurité, le hasard ou le destin le mettra
sur la piste d’un crime semblable à celui d’il y a
cinq ans. Il reprendra, tel un revenant, l’enquête
pour son compte, d’autant que dans les deux cas,
elle conduit à une blanchisserie employant une
jeune femme aussi belle que vulnérable, veuve de
la première victime…
Comme dans les classiques du genre adaptés
des romans de Raymond Chandler ou Dashiell
Hammet (le Faucon maltais de Huston) l’intrigue
est plutôt confuse et il est difficile d’en dénouer
les fils. Ce défaut n’en est pas un car l’essentiel
est ailleurs: dans la liberté formelle qu’un tel
défaut justement autorise. Le film avance ainsi
dans une logique souvent surprenante, établissant
des correspondances surréalistes: une séance de
patin à glace au rythme d’une valse viennoise
renvoie à l’arme d'un crime. D’une grande roue
de Luna Park (hommage au Troisième Homme?),
lieu d’une étreinte longtemps désirée, s’aperçoivent les néons d'un bar nommé “Feu d'artifice en
plein jour” (le titre chinois du film) dont la
patronne est peut-être également suspecte. La
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habituel du film noir. Son flic a finalement bon
cœur et sa femme fatale, loin d’être une mante
religieuse, l’aidera à se reconstruire. L’espoir
dans cette société atomisée qu’est la Chine relèverait-il du privé ?
Walter Murch
Monteur passionné par le son, on lui doit la
bande-son d’Apocalypse Now de Coppola qui lui
vaut en 1979 l'Oscar du meilleur mixage de son:
une bande-son inoubliable pour laquelle ce passionné de technique avait - une première - recouru au mixage numérique muti-canal. Remarqué
dès sa première collaboration avec Coppola en
1974 pour Conversation secrète (The
Conversation), film dont le thème central est précisément la captation du son, il remporte en 1996
à nouveau l'Oscar du meilleur mixage de son,
mais aussi l'Oscar du meilleur montage pour Le
Patient anglais d'Anthony Minghella, personne
n’ayant à ce jour reçu les deux récompenses. Il
viendra présenter Conversation secrète le 17 et
Le Patient anglais le 18 septembre. Une occasion
à ne pas manquer!
Christian Bernard
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