Après les combats, la peur d`une volontaire iraquienne

Transcription

Après les combats, la peur d`une volontaire iraquienne
P a r o l e s
d e
s u r v i v a n t s
Après les combats,
la peur d’une
volontaire iraquienne
On l’appelle désormais « la fossoyeuse ». Pour Inass
Mouaiid, une jeune volontaire du Croissant-Rouge de l’Iraq
âgée de 25 ans, enterrer plus de 50 corps a été une épreuve
terrible. Elle a également eu le courage de transporter
des blessés à l’hôpital alors que les combats faisaient rage.
Malgré les pressions d’une société traditionnelle réticente
à voir les femmes participer activement aux opérations
de secours sur le champ de bataille, Inass a risqué sa vie
pour préserver la dignité de ses concitoyens.
Inass Mouaiid, une volontaire du Croissant-Rouge
de l’Irak, a eu du mal à convaincre ses collègues et
sa famille qu’elle pouvait avoir un rôle actif dans
les opérations de secours pendant les combats.
Les cartes figurant dans cette publication ont une
valeur strictement informative et/ou indicative.
Elles sont dénuées de toute signification politique.
« A chaque fois, j’ai saisi
la tête par une oreille et j’ai
enfoncé mon autre main dans
la boue sous le crâne pour
la sortir avec précaution »
IRAK
Après des journées entières de travail particulièrement éprouvantes pour
les nerfs, Inass et ses collègues volontaires du Croissant-Rouge iraquien
partagent leurs expériences vécues pendant les opérations de secours.
Celle qui a eu lieu à l’université de Basra, où Inass, Israa, une autre femme,
et Mohamed ont dû transporter des corps à la morgue en ambulance et
en camionnette, est certainement la plus triste de toutes.
Le complexe universitaire ainsi que le petit lac à proximité étaient jonchés
de soldats morts. Inass est tombée sur deux têtes à moitié enterrées dans
la boue près du lac. Ses deux collègues n’ont pas pu les ramasser ; alors
Inass s’est proposée pour le faire.
Corps démembrés et putréfiés
« J’ai essayé de tirer la première tête par les cheveux, en vain : elle était trop
bien enfoncée dans la terre », se souvient-elle jusque dans les plus horribles
détails. Agenouillée dans ce champ de la mort, elle a hésité un instant,
tentée d’abandonner cette effroyable tâche. « Mais j’ai pensé que cet
homme avait une famille, peut-être même des enfants, qui attendait d’avoir
des nouvelles de lui. Cela m’a donné du courage pour essayer de nouveau »,
raconte Inass.
« A chaque fois, j’ai saisi la tête par une oreille et j’ai enfoncé mon autre
main dans la boue sous le crâne pour la sortir avec précaution. Je procédais
avec des gestes lents afin de préserver ce qui restait des traits du visage.
Il fallait qu’on puisse prendre une photo pour identifier la victime »,
remarque-t-elle.
Inass n’oubliera jamais cette seconde tête sans corps. Ses yeux étaient fixés
sur elle, comme s’ils l’imploraient, plaintivement : « Je t’en prie, enterremoi. » « Cela m’a rendue malade, mais nous avions encore fort à faire. »
Il y avait beaucoup de cadavres dans le petit lac près de l’université de
Basra. Plusieurs jours étaient passés depuis la fin des combats, et les corps
avaient commencé à se décomposer. Comme Inass et Israa ne savaient
pas nager, c’est Mohamed qui a dû plonger dans l’eau fétide. Il a attaché
le premier corps à une corde, même s’il craignait qu’il ne se désagrège
au moment de le tirer jusqu’à la rive.
Les deux jeunes femmes ont tiré doucement le corps vers la berge. « Cela
nous a pris des heures pour déposer ainsi chaque corps sur le brancard et
transporter les victimes depuis le lac jusqu’à la camionnette », se souvient
Inass.
Inquiète au sujet de sa sécurité
Maintenant que les opérations militaires ont pris fin en Iraq, Inass est
inquiète au sujet de sa sécurité personnelle et a peur de se faire enlever. Les
rues de son quartier, qu’elle connaît par cœur, lui semblent aujourd’hui
plus obscures. Des rumeurs courent selon lesquelles des bandes enlèvent
des femmes, les violent puis les tuent.
Mais cela n’a pas empêché Inass, qui porte le foulard et qui a été élevée
dans une famille religieuse et traditionnelle, d’être ouverte au monde.
Elle a ainsi rendu visite à chaque personne qu’elle avait réussi à amener
à l’hôpital. « J’ai pensé que toutes ces gens blessés avaient autant besoin
d’un sourire et d’une marque d’affection que de soins médicaux.
Je n’ai pas hésité à leur exprimer ma sympathie. »
Malgré la fin des opérations militaires, l’insécurité reste
un problème majeur en Irak.
Inass est fière de ce qu’elle a fait pendant les combats, car elle a osé
être elle-même malgré la pression sociale. Le principal problème que
rencontraient les volontaires femmes du Croissant-Rouge iraquien était de
convaincre la société traditionnelle qu’elles pouvaient participer activement
aux actions de secours durant les opérations militaires.
« Ma famille, mes voisins et même des gens dans la rue m’ont dit que les
champs de bataille n’étaient pas un endroit pour les femmes », explique-telle. Cette attitude n’a fait que m’inciter davantage à prouver que les
femmes peuvent apporter leur aide en période de guerre. »
« Tous les travaux menés dans le cadre du Croissant-Rouge ne sont pas
si épouvantables », confie Inass. « Je participe maintenant à des activités
de soutien psychologique dans un camp d’été pour enfants. M’occuper
d’eux me donne l’énergie et la motivation nécessaires pour continuer
mon travail de volontaire. »
XXVIIIe
Conférence internationale
de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
Genève 2003
XXVIIIth
International Conference
of the Red Cross and Red Crescent
Geneva 2003
XXVIII
Conferencia Internacional
de la Cruz Roja y de la Media Luna Roja
Ginebra 2003
Comité d’organisation
Case postale 372, CH -1211 Genève 19,
Suisse
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