séquence 09

Transcription

séquence 09
Séquence 9
SÉQUENCE 09
CHAPITRE 10 : L’ENTREPRISE ET L’ACTIVITE COMMERCIALE...................................................... 89
I. APPROCHE JURIDIQUE DE LA NOTION D’ENTREPRISE ................................................................... 89
A. NOTION JURIDIQUE DE L’ENTREPRISE ..........................................................................................................89
1. Absence de personnalité morale de l'entreprise.....................................................................................................89
2. émergence d'un statut juridique de l'entreprise......................................................................................................90
B. TERMINOLOGIE JURIDIQUE DE L’ENTREPRISE ............................................................................................90
1. Classification selon le mode d’exercice de l’activité ............................................................................................90
2. Classification fondée sur la nature de l’activité et la personne de l’entrepreneur .................................................91
II. L’ENTREPRISE COMMERCIALE ............................................................................................................ 96
A. LES CRITERES DE COMMERCIALITE ...............................................................................................................96
1. Les conditions d’accès à la qualité de commerçant...............................................................................................96
2. Les caractéristiques de l’activité commerciale......................................................................................................97
3. La distinction entre le statut d’artisan et le statut de commerçant.........................................................................97
B. LE REGIME JURIDIQUE APPLICABLE A L’ENTREPRISE COMMERCIALE ................................................98
1. Le régime juridique des actes de commerce..........................................................................................................98
2. Les droits et obligations du commerçant...............................................................................................................98
EXERCICES D’ENTRAINEMENT A NE PAS ENVOYER A LA CORRECTION.................................... 103
CORRIGE DES EXERCICES D’ENTRAINEMENT.................................................................................... 104
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Séquence 9
PRESENTATION DE LA SEQUENCE 09
NUMERO DU CHAPITRE ET DUREE
COMPETENCES
D’ETUDE THEORIQUE MOYENNE
MOTS-CLES
Chapitre 10
Approche juridique de la notion Identifier les conséquences de l’absence de Acte de commerce
d’entreprise
personnalité morale de l’entreprise.
Artisan
Commerçant
Différencier les notions d’établissement,
Établissement
d’entreprise, d’unité économique et sociale,
Filiale
de groupe.
Groupe
Repérer l’émergence d’un statut juridique Personne morale
de l’entreprise dans les diverses branches Unité économique et sociale
du droit.
L’entreprise commerciale
(5 heures)
Identifier les conditions à remplir pour
acquérir la qualité de commerçant.
Caractériser l’activité commerciale.
Distinguer le commerçant de l’artisan.
Dégager les conséquences de la qualité de
commerçant
(compétence,
preuve,
obligations comptables, solidarité, etc.).
À retenir
Exercices d’entraînement à ne QCM
pas envoyer à la correction
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Séquence 9
CHAPITRE 10 : L’ENTREPRISE ET L’ACTIVITE COMMERCIALE
Le droit français ne reconnaît pas l’entreprise en tant que telle.
L’entreprise est une notion économique qui désigne un regroupement de biens et d’hommes dont le but
principal est la production de biens et de services vendus sur un marché en vue de réaliser des profits.
C’est un terme générique qui regroupe les entreprises individuelles et les sociétés.
Le droit a toutefois créé un régime spécifique pour l’entreprise commerciale. Des critères de
commercialité ont été fixés pour délimiter l’activité de ce type particulier d’entreprise.
I. approche juridique de la notion d’entreprise
A. Notion juridique de l’entreprise
Être capable de
Identifier les conséquences de l’absence de personnalité morale de l’entreprise et repérer
l’émergence d’un statut juridique de l’entreprise dans les diverses branches du droit.
1. Absence de personnalité morale de l’entreprise
a. Personnalité morale
La personne morale est capable de détenir un patrimoine propre, de passer des contrats, de défendre
ses droits devant la justice. Mais, l’identification de l’entreprise est nécessaire pour la reconnaître en
droit et la distinguer des personnes physiques qui en ont souhaité la création. Si c’est le cas,
l’entreprise disposera d’une dénomination sociale (le nom), d’un siège social (le domicile) et d’un
capital social (le patrimoine).
b. Conséquences de l’absence de personnalité morale de l’entreprise
L’entreprise est ainsi caractérisée en droit par l’absence de personnalité juridique : ce n’est donc pas
un sujet de droit. Elle n’acquiert la personnalité juridique que lorsqu’elle prend la forme d’une
société. Si elle n’est pas exploitée sous forme sociétaire, l’entreprise se confond avec la personnalité
et le patrimoine de son exploitant.
L’entreprise n’a pas de patrimoine : elle n’a ni biens ni dettes. Elle est directement intégrée dans le
patrimoine de l’entrepreneur. La responsabilité de l’entrepreneur s’exerce donc sur l’ensemble de ses biens
propres. Si des difficultés financières de l’entreprise surgissent, l’ensemble des biens, y compris les biens
personnels, familiaux de l’entrepreneur, pourront être saisis par les créanciers de l’entreprise.
L’entreprise ne peut agir en son nom propre : c’est l’entrepreneur qui passe les contrats.
L’entreprise ne peut défendre ses droits et agir en justice en son nom.
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L’entreprise n’est soumise à aucune formalité de création.
Le chef d’entreprise est seul responsable de ses actes.
2. Émergence d’un statut juridique de l’entreprise
L’entreprise ne peut toutefois exister que par la volonté de la ou des personnes qui la composent.
Ainsi, elle se dote, par leur intermédiaire, de moyens humains, matériels et immatériels afin
d’exercer une activité économique. Les tribunaux estiment que cette combinaison de moyens
constitue une entreprise.
Mais de nombreux intérêts entrent alors en jeu : ceux, par exemple, des associés, des salariés, des
consommateurs, etc., et il convient de sécuriser les transactions qui naissent entre eux. Cette protection est
assurée par le droit communautaire et par le droit national. Bien que la personnalité juridique de l’entreprise
ne soit pas reconnue par le droit, de nombreuses dispositions légales lui accordent une certaine autonomie.
Le droit fiscal reconnaît l’entreprise pour l’imposer (ex. : impôt sur les bénéfices).
Le droit du travail organise les relations de travail au sein de l’entreprise en permanence malgré le
changement de l’entrepreneur. Les salariés sont liés à l’entreprise plus qu’à l’entrepreneur (l’acquéreur de
l’entreprise doit continuer les contrats de travail).
Le droit commercial dissocie le sort de l’entreprise de celui de l’entrepreneur (en particulier en ce qui
concerne les entreprises en difficulté).
Le droit de la concurrence s’applique aux entreprises en les protégeant, par exemple, contre la concurrence
déloyale.
B. Terminologie juridique de l’entreprise
Être capable de
Différencier les notions d’établissement, d’entreprise, d’unité économique et sociale, de groupe.
Les entreprises peuvent être classées selon trois critères : le mode d’exercice de leur activité, la
nature de l’activité et la personne de l’entrepreneur.
1. Classification selon le mode d’exercice de l’activité
Les entreprises les moins importantes exercent une seule activité en un seul lieu ; par exemple, le
commerçant à l’intérieur de sa boutique.
Mais, si l’entreprise se développe, elle peut avoir plusieurs branches d’activités en plusieurs lieux. C’est
alors que l’on distinguera l’entreprise et l’établissement, l’entreprise et la succursale, l’entreprise et l’unité
économique et sociale, l’entreprise et le groupe, l’entreprise et la filiale.
L’établissement
C’est une unité d’exploitation dépendant d’une entreprise individuelle ou sociétaire. Il
n’a pas la personnalité morale.
Cette notion d’établissement est utilisée notamment dans :
– le registre du commerce et des sociétés où il est dit qu’une inscription complémentaire
doit être prise au lieu de chaque établissement secondaire ;
– la détermination du domicile : le Code civil le fixe au lieu du principal établissement ;
– le respect de l’environnement : les établissements dangereux et insalubres sont
réglementés ;
– le droit du travail : un comité d’établissement joue le rôle du comité d’entreprise au
niveau de chaque établissement.
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La succursale
C’est une unité d’exploitation rattachée à une entreprise individuelle ou sociétaire (elle
n’a pas de clientèle propre et n’a pas de personnalité juridique) et disposant :
– d’une autonomie matérielle : elle a ses propres installations et peut fonctionner par ses
propres moyens ;
– d’une autonomie juridique : le salarié ou le mandataire qui la dirige dispose d’une
certaine liberté d’action et peut contracter avec les tiers ; elle fait aussi l’objet d’une
inscription propre au RCS.
L’unité économique et C’est un ensemble d’entreprises juridiquement distinctes, mais présentant des liens sur
le plan économique et social ; par exemple, services communs (comptabilité, achats,
sociale
gestion du personnel…), activités identiques ou complémentaires, pouvoir de direction
concentré entre les mêmes personnes…
Cette notion est essentiellement utilisée en droit du travail pour la mise en place de la
représentation du personnel dans la mesure où l’effectif global des salariés doit être pris en
compte.
Le groupe de sociétés
C’est un ensemble formé par une société dite société mère ou société dominante, ses
filiales et les sociétés dans lesquelles elle détient une participation significative. Le
groupe se caractérise par l’unité de direction, exercée par la société dominante sur les
sociétés contrôlées.
Cet ensemble n’a pas la personnalité morale. Les sociétés contrôlées sont économiquement
dépendantes puisque le choix des stratégies et des activités est décidé au niveau du groupe
par la société dominante, et juridiquement indépendantes car elles conservent leur
personnalité morale et leur patrimoine.
Le groupe de sociétés n’a pas la personnalité juridique.
La filiale
C’est une société dont plus de 50 % du capital est détenu par une autre société appelée
société mère.
Elle exploite généralement une branche d’activité particulière.
Elle a la personnalité juridique.
2.
Classification fondée sur la nature de l’activité et la personne de
l’entrepreneur
a. Selon la nature de l’activité
On distinguera :
– les entreprises civiles : agriculture, immobilier, professions artistiques et libérales…
– les entreprises commerciales : commerçants et sociétés commerciales.
b. Selon la personne de l’entrepreneur
On distinguera :
– l’entrepreneur, personne physique : entreprise individuelle, commerçant, avocat…
– l’entrepreneur, personne morale : sociétés.
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DOCUMENT 1
L’Entreprise, n° 232, mars 2005
Questions
1. Qu’est-ce que le CFE ?
2. Quel est son rôle principal ?
3. Quelle autre fonction remplit-il ?
Votre réponse
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Réponses
1. Le CFE est le Centre de Formalités des Entreprises.
2. Il centralise toutes les informations relatives à la création de l’entreprise puis les transmet aux organismes
concernés (centre des impôts, caisses de protection sociale...) et remet un récépissé de dépôt de déclaration.
3. Il peut proposer également des prestations de conseil ou d’assistance.
DOCUMENT 2
Liquidation judiciaire et absence de personne morale
OUVERTURE DE LA PROCÉDURE
128. Société sans personnalité morale
Cass. com., 11 févr. 2004, Me F. Brucelle, ès qual. c/ SA Dalpes : Juris-Data n° 2004-022278
La procédure de liquidation judiciaire de la société Impériale a été étendue à la société créée de
fait Royale II. L’un des associés de cette dernière, la société Dalpes, entend contester la décision
d’extension.
1. – Une première remarque s’impose : la société Royale II est une société créée de fait. En
l’occurrence, il s’agirait plutôt d’une société en participation puisqu’elle est pourvue d’un gérant.
Mais la qualification exacte n’a pas d’incidence dès lors que seules les personnes morales de droit
privé relèvent du domaine d’application des procédures collectives.
Aucune extension n’est possible à l’encontre d’une société dépourvue de personnalité morale,
société en participation comme société créée de fait (V. A. Martin-Serf : J.-Cl. Sociétés Traité,
Fasc. 41-10, n° 56 et les décisions analysées). En revanche, chaque associé pourrait être l’objet
d’une procédure collective (en ce sens A. Martin-Serf, op. préc., n° 55).
De la même façon, si les effets du jugement d’ouverture s’étendent aux associés tenus
indéfiniment et solidairement du passif social, l’application de l’article L. 624-1 du Code de
commerce suppose la personnalité morale de la société elle-même (en ce sens, A. Cerati-Gauthier,
op. préc., n° 16).
2. – L’associé de la société créée de fait entendait contester la décision d’ouverture. Selon les
motifs retracés par le pourvoi, les juges ont considéré que la société Dalpes était directement
concernée en tant qu’associé indéfiniment et solidairement responsable du passif social et aurait dû
être attraite devant eux. La difficulté portait alors sur la nature de la voie de recours : appel ou
tierce-opposition ?
3. – Les juges du fond ont exclu l’appel au motif que la société Dalpes n’avait pas la qualité de
partie en première instance. Or l’appel suppose la qualité de partie en première instance (en
matière contentieuse, NCPC, art. 547).
De surcroît, l’article L. 623-1 du Code de commerce réserve l’appel au débiteur, c’est-à-dire à la
société à qui la procédure a été étendue et non à ses associés. Il va de soi que le débiteur, la société
Royale II, n’ayant pas d’existence juridique ne peut faire appel, même si, par erreur, le tribunal a
décidé de lui étendre une procédure de liquidation déjà ouverte. Son « associé de fait », la société
Dalpes, ne le peut non plus pour les raisons déjà évoquées.
(...)
6. Les associés d’une société créée de fait sont censés se représenter mutuellement compte tenu de
leur intérêt commun. Or le gérant qui a été convoqué en justice est en même temps associé. Donc
le gérant a représenté en justice les autres associés.
Malgré les apparences, on ne peut convoquer une société sans personnalité morale. Dans ces
sociétés, la gérance ne concerne que les relations entre les associés. Vis-à-vis des tiers le gérant
n’engage que lui-même. Il n’a aucun pouvoir de représentation identique à celui des gérants de
sociétés immatriculées (J. Derruppé : J.-Cl. Sociétés, Fasc. 47-30, n° 42. – A. Gauvin, Le gérant
de la société en participation : Gaz. Pal. 1998, 2e sem., doct. p. 850 s.). La gérance présente donc
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des particularités qui excluent la représentation en justice de la société toujours pour la raison que
la société est dépourvue de personnalité morale.
7. – L’argument tiré de la représentation des associés par leur gérant également associé n’est donc
pas pertinent (en ce sens, D. Cholet, art. préc., n° 21). En conséquence, seule la tierce-opposition
est ouverte aux associés d’une société créée de fait ou en participation qui entendent contester sa
mise en liquidation judiciaire.
Droit des sociétés – Revue mensuelle du JurisClasseur, juillet 2004, p. 24
Questions
1. Quelle est la particularité de la société Royale II ?
2. Quelle est la conséquence sur l’application des procédures collectives ?
3. Pourquoi la société Royale II ne peut pas faire appel ?
4. Et la société Dalpes ?
5. Peut-on convoquer une société sans personnalité morale ?
6. Quelle est la position du gérant vis-à-vis des tiers ?
7. Quelle est la seule possibilité ouverte aux associés d’une société non immatriculée qui entendent contester
sa mise en liquidation judiciaire ?
Votre réponse
Réponses
1. La société Royale II est une société créée de fait.
2. Elle ne relève pas du domaine d’application des procédures collectives.
3. Elle n’a pas d’existence juridique.
4. Dalpes, « associé de fait », n’a pas non plus d’existence juridique.
5. La convocation d’une société sans personnalité morale n’est pas possible.
6. Là, le gérant n’engage que lui-même. Seuls les gérants des sociétés immatriculées ont un pouvoir de
représentation.
7. La tierce-opposition.
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DOCUMENT 3
Patrimoine et personne morale
PERSONNE MORALE
205. Affirmation du principe selon lequel le patrimoine est indissociablement
lié à la personne
Cass. com., 12 juill. 2004, n° 03-12.683, GAEC des Villains/Assoc. L’interprofession des vins du
Val-de-Loire : Juris-Data n° 2004-024789
Cet arrêt relatif à la fusion d’organisations interprofessionnelles est extrêmement important pour
l’ensemble du droit des sociétés (deux autres arrêts ont été rendus le même jour à propos de la
même opération). En l’espèce une organisation interprofessionnelle agricole habilitée à percevoir
des cotisations auprès des membres des professions concernées a absorbé une autre organisation
de même nature. L’absorbante entendait se faire communiquer les éléments nécessaires au calcul
des cotisations mais s’est heurtée au refus d’un exploitant invoquant l’absence de dissolution de
l’absorbée. Dans la mesure où une loi était nécessaire pour dissoudre l’absorbée la question de
l’étendue des droits transférés se posait nécessairement (la Chambre commerciale a retenu, à
propos d’une question voisine, que l’absorbante qui recueille par l’effet de la fusion l’intégralité
du patrimoine de l’absorbée peut se voir opposer la chose jugée à l’égard de cette société : V. Cass.
com., 18 févr. 2004 : Dr. sociétés 2004, comm. 84 note H. Hovasse ; JCP E 2004, 739, note F.G. Trébulle).
Cette décision est censurée par l’arrêt rapporté qui observe que « la transmission universelle à la
personne morale absorbante du patrimoine de la personne morale absorbée est indissociable de la
dissolution de cette dernière et ne peut se réaliser tant que cette personne morale n’est pas
dissoute ». Ce faisant, la Cour replace les conséquences des opérations de fusion dans leur ordre
chronologique : ce n’est que la dissolution de l’absorbée qui permet d’opérer le transfert universel
de patrimoine à l’absorbante et tant que cette étape décisive n’a pas été franchie, il n’est pas
possible à celle-ci de prétendre exercer les droits de celle-là. Par voie de conséquence, jusqu’à ce
que la loi opérant la dissolution de l’organisation absorbée intervienne, elle seule peut agir en
justice en vue de la perception des cotisations qui lui sont dues. Si la personne morale est dissoute
à la suite de la fusion-absorption, ce n’est que lorsque la dissolution est acquise que le transfert
s’opère.
La solution est parfaitement satisfaisante et l’on peut être surpris que la Cour d’appel n’ait pas
relevé la difficulté qu’il y a à admettre que le transfert de patrimoine soit opéré tant que la
personne morale qui en est titulaire est toujours existante.
L’intérêt majeur de cette décision réside dans le fait que la solution ainsi retenue l’a été au visa du
« principe selon lequel le patrimoine est indissociablement lié à la personne » et c’est pour avoir
violé ce principe que l’arrêt d’appel est cassé.
De même que la personne physique ne peut céder son patrimoine de son vivant, la personne
morale ne peut le faire tant que n’est pas survenue sa dissolution. Dans un cas comme dans l’autre,
le transfert de l’universalité est possible, mais il est strictement subordonné à la disparition de la
personne du titulaire du patrimoine en cause.
Bien sûr, il est envisageable de transmettre certains biens, voire des ensembles de biens et de
droits, notamment par la voie de l’apport partiel d’actif, mais le transfert de l’intégralité du
patrimoine est irréductible à cette figure particulière de transfert d’une universalité que l’on
rencontre également en cas de cession de fonds de commerce.
« L’homme ne perd son patrimoine qu’en perdant sa personnalité, ce qui ne peut avoir lieu que
par suite de son décès » (ibid.). Appliquée aux personnes morales, cette observation conduit
effectivement au résultat auquel la Cour est arrivée : la personne ne perd son patrimoine qu’en
perdant sa personnalité, c’est-à-dire par suite de sa dissolution.
F.-G. T.
Droit des sociétés – Revue mensuelle du JurisClasseur, décembre 2004, p. 18
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Questions
1. À partir de quand le transfert de l’universalité du patrimoine est-il possible que ce soit pour une personne
physique ou une personne morale ?
2. Pourquoi la transmission n’est-elle pas possible dans l’arrêt ci-dessus ?
3. Quel principe est affirmé par la décision de la Cour de cassation ?
Votre réponse
Réponses
1. À la disparition de la personne du titulaire du patrimoine en cause.
2. La personne morale n’est pas dissoute.
3. Le patrimoine est indissociablement lié à la personne.
II. L’ENTREPRISE COMMERCIALE
A. Les critères de commercialité
Être capable de
Identifier les conditions à remplir pour acquérir la qualité de commerçant, caractériser l’activité
commerciale, distinguer le commerçant de l’artisan.
1. Les conditions d’accès à la qualité de commerçant
a. Les conditions relatives à l’état de personnes
Ne peuvent devenir commerçants que ceux qui répondent à certaines conditions légales :
– Le commerçant ne doit pas souffrir d’incompatibilité avec certaines autres professions (fonctionnaire,
profession libérale).
– Le commerçant ne doit pas subir de déchéance d’exercer la profession commerciale (condamnations pour
vol, escroquerie, abus de confiance…). Cette condition a été imposée afin d’assainir et de moraliser la
profession commerciale.
– Le commerçant doit être une personne physique majeure et capable dans la mesure où l’exercice d’une
activité commerciale comporte de nombreux risques.
b. Les conditions relatives à l’activité
Certaines activités commerciales sont interdites ou réglementées.
– Activités interdites : celles qui sont contraires à la moralité publique, celles qui compromettent la santé
publique (commerce de drogue), celles qui pourraient concurrencer des monopoles publics (timbre-poste).
– Activités réglementées : celles qui nécessitent une autorisation administrative (ex. : vente d’armes) et
celles qui sont soumises à l’obtention d’un diplôme (ex. : pharmacie).
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2. Les caractéristiques de l’activité commerciale
Selon l’article L. 121-1 du Code de commerce : « Sont commerçants ceux qui exercent des actes de
commerce et en font leur profession habituelle. »
Ainsi, deux critères permettant de déterminer une activité commerciale sont à retenir :
– l’accomplissement d’actes de commerce,
– l’exercice de la profession de commerçant à titre habituel.
a. La réalisation d’actes de commerce
La loi ne définit pas l’acte de commerce en lui-même, mais elle en distingue deux catégories.
Actes de commerce par nature (ou objectifs)
L’article 632 du Code de commerce donne une
énumération, non limitative, des actes de commerce par
nature :
– l’achat en vue de la revente de biens meubles ou
immeubles,
– les opérations de banque, change et courtage,
– les actes accomplis par les entreprises de location de
meubles, de manufactures, de fournitures de services,
de transport, de vente aux enchères, de spectacles
publics, d’exploitation des mines, d’agences et
bureaux d’affaires,
– le crédit-bail et la franchise.
Actes de commerce par accessoire (ou subjectifs)
Un acte civil est présumé devenir un acte de commerce
par accessoire à deux conditions :
– son auteur doit être commerçant,
– il doit être accompli pour les besoins du commerce.
Par exemple, il peut s’agir de l’achat d’un ordinateur
par un commerçant pour effectuer sa comptabilité.
Actes de commerce par la forme
Ce sont toujours des actes commerciaux quelle que soit
la personne qui les effectue (ex. : la lettre de change).
b. L’exercice des actes de commerce à titre de profession habituelle et
indépendante
L’acte de commerce doit être réalisé de manière répétée, dans un cadre organisé et dans le but
d’obtenir un revenu régulier : « Il n’y a pas d’activité commerciale s’il n’y a pas de but lucratif. »
L’acte de commerce doit être réalisé au nom et pour le compte de son auteur. Ainsi, ne sont pas
commerçants les salariés qui effectuent des actes de commerce pour le compte de leur employeur et les
dirigeants qui agissent au nom et pour le compte d’une société commerciale.
3. La distinction entre le statut d’artisan et le statut de commerçant
Un artisan est un travailleur manuel, indépendant (ce qui le distingue du salarié), assisté d’un
nombre restreint de collaborateurs. Il a un statut particulier : il n’est pas soumis à certaines
obligations du droit commercial, mais il bénéficie de certaines de ses règles qui lui sont favorables.
Il doit participer personnellement à l’exécution du travail. Il vend le produit de son travail, source
principale de ses revenus.
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Sont artisanales les activités de :
– production : objets d’art ou de luxe exigeant une habileté manuelle ;
– transformation des biens appartenant à autrui (ex. : couture) ;
– réparation en matière immobilière (ex. : peinture) ou en matière mobilière (ex. : électricité) ;
– prestation de services (ex. : coiffure).
L’artisan n’est pas commerçant : les actes qu’il accomplit (avec clients et fournisseurs) sont de nature
civile et soumis à la compétence des tribunaux civils. Cependant, l’artisan bénéficie de l’application de
dispositions du droit commercial qui lui sont favorables.
Enfin, il est soumis à un régime fiscal particulier : par exemple, il ne paie pas la taxe professionnelle ou la
taxe d’apprentissage. Il est inscrit à la chambre des métiers.
B. Le régime juridique applicable à l’entreprise commerciale
Être capable de
Dégager les conséquences de la qualité de commerçant (compétence, preuve, obligations
comptables, solidarité).
1. Le régime juridique des actes de commerce
Les actes de commerce sont soumis au régime de la liberté de preuve : selon l’article L. 110-3 du
Code de commerce, à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous
moyens. Ce principe de liberté de preuve ne s’applique pas si l’une des parties n’est pas
commerçante.
Les dettes des commerçants sont présumées solidaires ; ce qui signifie qu’en cas de pluralité des débiteurs, le
créancier peut exiger le paiement de l’intégralité de la dette à l’un quelconque des débiteurs. Le débiteur
poursuivi pourra alors se retourner contre les codébiteurs pour obtenir le paiement de leur part dans la dette.
C’est la présomption de solidarité.
Enfin, en cas de litige relatif à l’acte de commerce, il relève de la compétence du tribunal de commerce ;
cela permet aux commerçants d’être jugés par leurs pairs selon une procédure rapide et simplifiée.
2. Les droits et obligations du commerçant
Deux obligations essentielles s’imposent au commerçant.
a. L’immatriculation au Registre du commerce et des sociétés (RCS)
Toute personne physique ayant la qualité de commerçant doit demander son immatriculation au
plus tard dans un délai de 15 jours à compter de la date du début de son activité au greffe du
tribunal de commerce dans le ressort duquel elle est située. Elle se traduit par l’attribution d’un
numéro d’identification.
Cette inscription entraîne une présomption simple de commercialité : la personne est présumée avoir la
qualité de commerçant. C’est aussi une mesure de publicité visant à informer les tiers.
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Séquence 9
b. Les obligations comptables
Le Code de commerce fixe des principes comptables (documents comptables réguliers et sincères)
qui s’appliquent à tous les commerçants et des obligations comptables qui varient selon le régime
fiscal et la taille de l’entreprise.
La comptabilité peut servir, entre commerçants, de moyen de preuve pour les actes de commerce. Elle
facilite également le contrôle de l’administration fiscale.
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Séquence 9
À RETENIR
Entreprise : de l’absence de personnalité juridique à son émergence.
pas de patrimoine
propre : les biens
appartiennent à
l'entrepreneur
Absence de
personnalité
juridique
Conséquences
entrepreneur : pouvoir
de décision
entrepreneur responsable
devant créanciers
Entreprise
Début de
reconnaissance
Droit du travail : représentants du
personnel, participation avec
bénéfices, poursuite du contrat de
travail ...
Droit fiscal : régime de l'impôt sur les
bénéfices, taxe professionnelle
Droit commercial : régime juridique
des entreprises en difficulté
Droit européen
interdiction des ententes,
des monopoles
statut juridique des
sociétés européennes :
associés nécessairement
de nationalités différentes,
capital social minimum
de 100 000 €
Personne physique
Par la personnalité
juridique de
lʼentrepreneur
Classification des
entreprises
Par la nature
de lʼactivité
entreprises individuelles
(artisans, commerçants,
agriculteurs, professions
libérales)
Personne morale
entreprises sociétaires,
GIE, associations
Entreprises civiles
entreprises agricoles,
professions libérales,
sociétés civiles
Entreprises
commerciales
commerçants et
sociétés commerciales,
industries
établissements
Par le mode
dʼexercice de
lʼactivité
Subdivision
dʼune entreprise
filiales
Regroupement
dʼentreprises
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succursales
groupe
UES : unité
économique
et sociale
100
Séquence 9
individuelle
commerciale
Entreprise
commerciale
personne physique ou EURL
par la forme de la société
sociétaire
commerciale
par l’objet de la société
REMARQUE
Naissance de la personnalité juridique : immatriculation au RCS.
Entreprise
unipersonnelle
Si
personnalité
juridique
EURL, SASU, EARL
à
but
lucratif
GIE
commerciales
sociétés de capitaux : SA, SAS
sociétés
Entreprise avec
au moins
1 associé
sans
but
lucratif
sociétés de personnes : SNC,
sociétés en commandite simple
par actions
syndicats
civiles
(immobilière,
professionnelle)
SARL
associations
REMARQUE
Depuis la loi Madelin du 11 février 1994, en cas de difficulté, les créanciers doivent saisir en priorité les biens
professionnels.
par nature :
achat pour revente, activités
industrielles, prestation de services...
elle réalise des
actes de commerce
la nature
de son activité
elle doit accomplir les
actes de commerce
pour son propre compte
Lʼentreprise est
commerciale par
sa forme juridique
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caractère habituel
de la profession
commerciale
par accessoire :
acte civil accompli par un
commerçant pour son activité
quelle que soit son activité
pour les SA, SAS, SARL et SNC
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Séquence 9
être juridiquement capable
Conditions dʼaccès
à la profession
commerciale
hors profession incompatible :
fonctionnaire, officier ministériel, profession libérale
absence dʼinterdiction générale
dʼexercer le commerce (condamnation)
étrangers hors UE :
être titulaire dʼune carte de commerçant
Immatriculation au RCS1
(donne la personnalité morale aux sociétés et fait présumer de la qualité de
commerçant pour les personnes physiques), mesure de publicité
Obligations
tenir une comptabilité
autres :
ouverture d'un compte bancaire, obligations fiscales, droit du travail,
législation commerciale, procédure collective en cas de cessation de paiement
1Toutes les formalités obligatoires consécutives à l'ouverture d'un commerce s'effectuent en un lieu unique : le centre de formalités des
entreprises (CFE). Les informations utiles aux tiers sont centralisées au RCS.
de défense :
invoquer sa comptabilité, bénéficier
du régime juridique des actes de commerce
Droits
électoraux :
chambres de commerce et dʼindustrie,
tribunaux de commerce
au bail
et au renouvellement du bail
(fonds de commerce)
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Séquence 9
EXERCICES D’ENTRAINEMENT A NE PAS ENVOYER A LA CORRECTION
QCM : La notion d’entreprise – L’entreprise commerciale
Oui
Non
1. L’entreprise a la personnalité juridique.
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2. Une association est une personne morale.
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3. L’existence d’une association date de son immatriculation au RCS.
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4. Toute personne juridique a un patrimoine.
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5. L’entreprise possède un patrimoine.
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6. Le propriétaire d’une entreprise peut être une personne morale ou une personne
physique.
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7. Seul le propriétaire de l’entreprise possède un patrimoine.
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8. Le pouvoir est fondé sur la propriété.
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9. Le propriétaire d’une entreprise est seulement responsable de son activité.
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10. Dans une entreprise individuelle on peut distinguer le patrimoine professionnel du
patrimoine extra-professionnel.
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11. Une EURL est une entreprise utile à responsabilité limitée.
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12. Un GIE est un groupement d’intérêt économique.
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13. Une SASU est une Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle.
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14. Un acte mixte est un acte commercial pour une partie et civil pour l’autre.
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15. Pour intenter une action contre le commerçant dans le cas d’un acte mixte, seule la
juridiction commerciale est compétente.
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16. Une personne peut être commerçante uniquement du fait de son activité.
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17. Pour être commerçant, il faut remplir deux conditions : réaliser des actes de
commerce, exercer la profession de manière habituelle.
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18. Le CFE est le centre de formalités des entreprises.
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19. La preuve des actes juridiques se fait par tous moyens par le non-commerçant contre
le commerçant.
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20. Les avantages de l’arbitrage sont la confidentialité et la rapidité.
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21. Pour le commerçant personne physique l’immatriculation doit se faire dans les
quinze jours qui suivent le début d’une activité commerciale.
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22. La tenue d’une comptabilité est facultative.
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23. Un litige entre deux commerçants est du ressort du tribunal de commerce.
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Séquence 9
CORRIGE DES EXERCICES D’ENTRAINEMENT
QCM : La notion d’entreprise – L’entreprise commerciale
1. Non.
2. Oui.
3. Non, c’est le cas des sociétés. Pour une association c’est la date de parution de la constitution au JO.
4. Oui.
5. Non, ce n’est pas une personne juridique.
6. Oui.
7. Oui, c’est le principe de l’unicité du patrimoine.
8. Oui.
9. Non, il doit aussi assumer les risques.
10. Non, unicité du patrimoine.
11. Non, une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée.
12. Oui.
13. Oui.
14. Oui.
15. Non, la personne non commerçante peut choisir une juridiction civile ou commerciale.
16. Oui.
17. Non, 3 : il faut en plus accomplir les actes de commerce pour son propre compte.
18. Oui.
19. Oui.
20. Oui.
21. Oui.
22. Non, obligatoire ; elle peut seulement être simplifiée.
23. Oui.
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