Les musées prennent leurs aises
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Les musées prennent leurs aises
Architecture 13 mars 2016 | Le Matin Dimanche 59 Ci-dessus: le nouveau bâtiment du Kunstmuseum de Bâle est relié à la maison mère par un passage souterrain. Ci-contre: blanc et lumineux dedans, en brique et toit de cuivre dehors, le nouvel édifice du Musée Unterlinden de Colmar s’intègre parmi les bâtiments anciens sans dénaturer l’ensemble. Kunstmuseum Basel/Julian Salinas - Peter Mikolas/ Herzog de Meuron - Ruedi Walti/Herzog de Meuron Les musées prennent leurs aises Extensions Ajouter harmonieusement du neuf à de l’existant n’est pas toujours facile. Les bureaux Herzog & de Meuron et Christ & Gantenbein relèvent le défi avec panache à Bâle, à Zurich et, en France, à Colmar. Mireille Descombes D ans le paysage architectural, les musées représentent une espèce à part. Indispensables mais pas nécessaires, ce sont de drôles d’oiseaux dont l’existence est semée d’obstacles et dont la gestation à elle seule peut durer des lustres. Une fois terminés, certains sont déjà presque périmés, en tout cas plus tout à fait en phase avec les nouveaux besoins. Parallèlement, d’autres défis attendent les institutions bien établies qui, avec les ans, se retrouvent à l’étroit tout en ayant besoin d’un sérieux lifting. Grandir ou s’étioler? Le choix est vite fait. Mais pas facile à mettre en œuvre en période de restrictions budgétaires. Après d’infinis débats, Genève vient de voir ses rêves brisés net en votation populaire. Le projet de Jean Nouvel pour le Musée d’art et d’histoire ne se fera pas. D’autres villes et institutions ont mieux négocié le virage de la «rénovation-extension». En Suisse, les agrandissements du Kunstmuseum de Bâle et du Musée national suisse de Zurich sont quasi terminés, et s’annoncent des plus intéressants. En France, le Musée Unterlinden de Colmar a lui aussi brillamment réussi sa métamorphose, signée Herzog & de Meuron. Les célèbres Bâlois sont interContrôle qualité venus à la fois sur le plan urbanistique, architectural et muséographique. Inauguré fin janvier, le nouveau Musée Unterlinden comprend désormais deux édifices. D’un côté de la place, le couvent médiéval, avec la chapelle, le cloître et un jardin. De l’autre, le nouveau bâtiment d’exposition baptisé Ackerhof. Avec sa forme qui renvoie à la chapelle, ses murs en brique et son toit en cuivre, il s’impose sans ostentation ni violence dans le mélange des styles environnants. Il forme, avec les anciens bains municipaux eux aussi annexés par le musée, une deuxième cour agréablement abritée et plantée de pommiers. Sur la place, le canal de la Sinn, dont les eaux s’écoulent sous la vieille ville de Colmar, a été rouvert et voisine avec une curieuse petite maison qui reprend la position, la volumétrie et la forme du bâtiment d’entrée de la ferme qui s’y trouvait autrefois. Ludique, un peu magique, cette cabane pour adultes, réalisée avec les mêmes matériaux que l’Ackerhof, fonctionne comme un puits de lumière et permet aux curieux de jeter un œil dans la galerie souterraine qui relie l’ancien bâtiment au nouveau. Un périple parfois déroutant Pour tout amateur d’art, le Musée Unterlinden, c’est d’abord le célèbre retable d’Issenheim, de Grünewald. Ce chef-d’œuvre du début du XVIe siècle n’a pas été déplacé. Il reste exposé dans la chapelle attenante au A Zurich, l’extension du Musée national suisse comprend également la rénovation des parties anciennes.Roman Keller cloître dont l’espace a été clarifié. Après l’avoir détaillé avec recueillement, le visiteur part à la découverte des collections qui vont de l’art médiéval à nos jours. Le début d’un périple plein de surprises, et par instants déroutants, rythmé par des ouvertures en ogive et balisé par des escaliers en spirale qui constituent à eux seuls de magnifiques sculptures. Dès la mi-avril, le voyage de Colmar s’imposera doublement. A l’aller ou au retour, on s’arrêtera à Bâle pour admirer l’extension du Kunstmuseum conçue par le bu- «Le nouveau bâtiment parle la même langue que l’ancien, mais il raconte une nouvelle histoire» Emanuel Christ et Christoph Gantenbein, bureau Christ & Gantenbein reau Christ & Gantenbein. Bâlois comme Herzog & de Meuron, mais plus jeunes – ils ont 45 ans – les architectes ont habilement tiré profit d’un contexte urbain difficile. Reprenant la géométrie particulière du site situé à l’intersection de deux rues, le nouvel édifice donne l’impression de deux bâtiments réunis en un seul. Relié à la maison mère par un passage souterrain, il dialogue avec elle par le traitement très graphique de sa façade en brique grise. «Le nouveau bâtiment parle la même langue que l’ancien, précisent les architectes, mais il raconte une autre, une nouvelle histoire.» Restons avec Christ & Gantenbein, mais partons pour Zurich, où le bureau bâlois signe également l’extension du Musée national suisse. Pour joindre les deux ailes de l’ancien édifice de style historiciste – un curieux château que l’on aperçoit depuis la gare – Emanuel Christ et Christoph Gantenbein ont imaginé un bâtiment résolument contemporain en forme de pont sculptural en béton de tuf. Pas question de strict mimétisme, d’autres règles ont été imaginées pour créer l’équilibre entre le nouveau et l’ancien. «Il nous fallait trouver un poids spécifique, une densité d’événements architecturaux similaire entre les deux», nous avait expliqué Emanuel Christ en 2013. L’inauguration est fixée au 31 juillet prochain. La fin d’une longue et parfois difficile aventure qui a commencé en 2002. U