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MORENO Moreno Boléro Jazz Manouche Sam ... à Tchan-Tchou (Moreno) Stefan -2- ‘‘J e suis né en 1963 a la frontière allemande entre Sarguemines et Saarbrück. Pour nous autres, manouches de l’est, peu importe que l’on soit d’un pays ou de l’autre. Nous n’avons pas de frontière. Curieusement, pour certains manouches nés en région parisienne, nous faisons un peu figure d’étrangers. Nous parlons encore le rom alors que dans certaines familles la langue s’est parfois perdue. J’ai passé ma jeunesse à voyager entre l’Alsace et les Saintes-Maries de la Mer. Certains hivers ont été très rudes et peu à peu on s’est sédentarisé. Notre famille s’est installée dans une HLM mais nous avons gardé la caravane pour l’été. Le besoin de bourlinguer était toujours là. Tout comme la musique. Mes trois frères, Angelo, Barro et Tonino, jouaient de la guitare et j’ai commencé l’accompagnement de façon naturelle. J’ai perdu mon père très tôt mais aussi loin que je me souvienne, je le revois également avec une guitare. Mes frères aînés m’ont transmis leur savoir. Il suffisait d’ouvrir les oreilles, d’observer, d’essayer de reproduire les doigtés. Parfois, l’enseignement était dur et je me prenais quelques coups sur les mains quand je faisais une erreur mais ils ont vite remarqué que j’étais doué. Il faut dire que je ne pensais qu’à ça. Le soir, lorsqu’il y avait une fête entre guitaristes, je faisais semblant de dormir dans la caravane mais je me tenais à l’affût derrière la lucarne. Dès que je voyais un accord inconnu, je reproduisais la position des doigts sur mon avant-bras gauche puis je prenais ma guitare qui était toujours cachée à côté de moi et, tout en restant allongé, je plaquais les accords en silence. Personne n’était au courant. Évidemment, comme beaucoup d’autres guitaristes en herbe, j’écoutais Django. J’ai encore les disques qui m’ont servi à étudier, tous rayés à force de reculer l’aiguille. Mais je les garde comme des reliques. Je suis ensuite parti faire la manche dans des petits cafés de la région de Toulon. Un jour, je jouais à une terrasse de bistro et je vois passer un petit monsieur bien habillé avec costume, moustache et chapeau. Il m’aborde et me dit : « Tu viens d’Alsace, ça se sent à ta manière de jouer. » C’était Tchan Tchou : -3- un guitariste manouche que l’on a baptisé ainsi à cause de ses yeux bridés et de son air un peu chinois. Tchan Tchou était un personnage dont j’avais toujours entendu parlé, que j’avais écouté sur disques et que j’avais souvent rêvé de rencontrer. Pour parler de cet homme, il me faudrait des heures. Le soir même de notre rencontre, nous avons fait le bœuf ensemble et il y a eu aussitôt une forte complicité. J’étais nerveux et très impressionné. Quand il faisait deux notes, j’en faisais dix. Mais j’ai vite compris que je n’étais pas à la hauteur, que j’étais encore un jeune chien fou alors que lui prenait le temps de poser tranquillement ses phrases. J’ai décidé de rester à Toulon, je me suis installé dans une caravane et je l’ai accompagné pendant près de quatre ans. Il m’a appris l’essentiel, notamment l’art de la valse, le sens de la mesure, la musicalité d’un phrasé. C’est quand on est séparé d’un homme comme lui, que l’on ne joue plus avec lui directement que l’on réalise pleinement tout ce qu’il a pu transmettre. Encore aujourd’hui je pense à sa manière de jouer et je le garde en référence. Dans une vie de musicien, c’est une énorme chance de trouver un maître comme Tchan Tchou. Lorsque je suis monté à Paris, les gens ont été surpris par mon style, un mélange de mes racines de l’est et de l’influence sudiste de Tchan Tchou. J’ai écumé les restaurants, les clubs de jazz, essentiellement le milieu de la musique manouche. Paris est une ville terrible, il faut constamment faire ses preuves, relever les défis, marquer son territoire et savoir garder son public. Il faut aussi savoir s’entourer, trouver les partenaires qui comprennent ce que l’on veut faire. C’est un parcours de longue haleine. Il y a des rencontres déterminantes, comme celle de Maurice Dupont, un luthier installé à Cognac et qui mérite d’être davantage connu. Il fait un magnifique travail et, surtout, il sait écouter et s’adapter aux besoins de chaque musicien. Grâce à lui, je pense avoir enfin une guitare qui corresponde à ma personnalité. La relation à son instrument est fondamentale. Car le plus important est de trouver son identité, sa vraie coloration sonore, de ne pas perdre ce que l’on a en soi, toutes les choses que l’on a à exprimer. Dans notre musique, quand on a la fonction de soliste il ne faut jamais oublier que l’on parle au nom d’un peuple, que l’on raconte une histoire et qu’il faut faire honneur à ses racines. Il y a aussi quelque chose de religieux dans le partage des émotions et la communication -4- avec les autres. Chez nous, on pense que la musique est un don de Dieu et quand on trouve la note exacte, le son juste, l’harmonie parfaite dans le groupe, on se sent parfois touché par la grâce. Il y a une force et un mystère qui nous échappent. Propos recueillis par Noël Balen -5- ‘‘I was born in 1963 on the French-German border, between Sarguemines and Saarbrück. For us gypsies of the East, it doesn’t matter if we’re from one country or another. We have no borders. Funnily enough, for certain gypsies born in the Paris are, we are foreigners. We still speak rom whereas in a lot of the families around Paris, the language is often just about lost. I spent my childhood travelling between the Alsace region and Saintes Marie de la Mer. Some winters were pretty harsh and little by little we settled down. Our family moved into a social housing flat but we kept the camper for the summers. The need to move was always there. Like music. My three brothers, Angelo, Barro and Tonino played guitar and it was only natural that I accompany them. My father died when I was very young, but as far as I can remember he always had a guitar with him. My older brothers taught me all they knew. All I had to do was open my ears, watch and try to copy the finger positions. Sometimes they were hard with me and they would slap my hands when I made a mistake, but they quickly saw that I was talented. I must say that all I thought about was playing the guitar. At night, when there would be guitar parties, I would pretend to be asleep in the camper and would watch carefully from behind the window. When I saw a chord I didn’t know I would quickly reproduce the finger positions on my left forearm. Then I would take my guitar that I always hid next to my bed and silently press the chords while lying in my bed. Nobody knew. Of course, like many young guitarists I listened to Django. I still have the records that used to study, scratched from so much playing. But I still keep them as relics. Then I busked in the cafés around Toulon. One day I was playing at a terrace café when a short, well-dressed man, wearing a hat and a moustache, came up to me. He said, “You’re from Alsace. I can tell by the way you play”. It was Tchan Tchou, a gypsy guitarist who got his nickname because of his slanted eyes. I had hear a lot about Tchan Tchou and had listened to his records. I had often dreamed of meeting him. I could talk for hours about him. The same night we met, we played together and immediately hit it off. I was nervous and very impressed by him. He played two notes for ten of my own. I quickly understood that I was nothing next to him. I was like a young puppy jumping around like crazy while he took his time to carefully place his phrases. I decided to stay in Toulon. I found myself a -6- camper and accompanied him for four years. He taught me the basics, in particular the art of waltzes, the notion of measure and the musicality of a phrase. It is when you are separated from someone like that you realise how much you learned from them. Today I still think of how he played and he remains a reference. I was extremely lucky to have met with someone like Tchan Tchou. When I first came to Paris, people were surprised by my style of playing that was the result of the blend of my roots from the East and the Southern influence of Tchan Tchou. I combed the restaurants and jazz clubs, mostly in gypsy music circles. Paris is a terrible city. You constantly have to prove yourself, take up challenges, mark your territory and work at keeping your public. You also have to know how to find partners who understand what you want to do. Its a long road. There are also encounters which make the difference, like with Maurice Dupont, a stringed-instrument maker in Cognac who deserves to be more widely known. He does beautiful work and, above all, knows how to listen and adapt to the needs of each musician. Thanks to him, I think I finally have the guitar that fits my personality. The relation with the instrument is fundamental. What is most important is to find one’s identity, one’s own sound, not to lose what you have inside you, all the things that you want to express. In our music, when you are a soloist, you always have to remember that you are talking in the name of a people, that you are telling a story and that you must honor your roots. There is something religious about sharing your feelings and communicating to others. For us, music is a gift of God and when you find the right note, the right sound, perfect harmony in a group, then you feel like you have been touched by the grace of God. There is a force and a mystery that are beyond us. -7- 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 BESAME MUCHO (C Velasquez) FATE (Gay) LA GITANE (Paul “Tcan-Tchou” Vidal) MORENO BOLÉRO (Moreno) TANT PIS OÙ TANT MIEUX (Paul “Tcan-Tchou” Vidal) CANDY (David) LA FOULE (E Dizeo/A Cabral) LES YEUX NOIRS (Trad.) SABOR A MI (A Carillo) LE TEMPS DU MUGUET “NUITS DE MOSCOU” (Soloviev/Sedoy) SEULE CE SOIR (R Noël/J Casanova/P Laurand) LES FLOTS DU DANUBE (J Ivanovicci) LES YEUX DE DOLORÈS (Paul “Tcan-Tchou” Vidal) MORENO (IN) BLUE(S) (Moreno) YOCHKA (Moreno) NUAGES (Django Reinhardt) 3’ 2’ 2’ 2’ 3’ 2’ 2’ 3’ 2’ 2’ 2’ 3’ 1’ 3’ 3’ 4’ 11’’ 52’’ 48’’ 35’’ 19’’ 34’’ 20’’ 01’’ 32’’ 27’’ 25’’ 17’’ 48’’ 16’’ 43’’ 22’’ Moreno joue sur guitare Maurice Dupont Moreno : Guitare Solo - Sam : 2me Guitare - Stefan : Contrebasse Mehdi Haddad : Percussions - Arach Khalathari :Percussions Merci à Alain Antonietto pour son aide précieuse. Michel Pagiras. Pour des informations sur les autres enregistrements “al sur” To get informations on other “al sur” productions www.alsur.fr -8-