Les pouvoirs du CSA à l`égard des radios privées : entre

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Les pouvoirs du CSA à l`égard des radios privées : entre
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Lexbase La lettre juridique n˚639 du 14 janvier 2016
[Audiovisuel] Jurisprudence
Les pouvoirs du CSA à l'égard des radios privées : entre
autonomie de qualification et nécessaire prise en compte des
particularismes éditoriaux
N° Lexbase : N0781BWT
par Lauréline Fontaine, Professeure de droit public, Université de la
Sorbonne Nouvelle Paris III
Réf. : CE 4˚ et 5˚ s-s-r., 27 novembre 2015, n˚ 374 373, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9218NXP)
Dans un arrêt rendu le 27 novembre 2015, le Conseil d'Etat valide la restriction du périmètre de la liberté
d'expression par le CSA en procédant à une interprétation neutralisante d'une obligation imposée par cette
autorité mais sanctionne l'application de l'exigence de pluralisme à une radio d'"opinion", notion à laquelle
il recourt pour la première fois.
Les missions du CSA sont assez fréquemment discutées : on le sait, il peut, dans le cadre de son contrôle, apporter
des limites à la liberté d'expression qui vont au-delà des limites prévues par la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté
de la presse (N° Lexbase : L7589AIW) et diverses dispositions du Code pénal (1). Les exploitants de services
radiophoniques, privés notamment, signent ainsi avec le CSA une convention déterminant leurs obligations dans le
cadre de l'exploitation du service (loi n˚ 86-1067 du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication, art.
28 N° Lexbase : L8240AGB). Le respect par les exploitants de ces conventions (2), conditionne en grande partie le
renouvellement de leur autorisation de diffusion. La conséquence est que, pour avoir usé de sa liberté d'expression
au-delà du cadre fixé par la convention, sans par ailleurs être justiciable ni civilement (la diffamation ou l'injure n'est
pas constituée par exemple), ni encore moins pénalement (il n'y a pas de provocation directe à la haine raciale par
exemple, ni apologie des crimes ou délits correspondant), un service radiophonique peut se voir sanctionné par une
décision du CSA, puis, à la suite, perdre son autorisation de diffusion. Les dispositions des conventions élaborées
par le CSA qui élargissent le cadre des limitations de la liberté d'expression sont considérées conformes au droit, et
notamment à la loi du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication, comme le rappelle implicitement
le Conseil d'Etat dans cette décision du 27 novembre 2015.
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Il existe ainsi, en matière de liberté d'expression audiovisuelle, pour employer un néologisme, une "CSAbilité" distincte de la justiciabilité ordinaire (I). Toutefois, il semble dans cette affaire, qui n'est pas la première concernant
la "célèbre", mais néanmoins très parisienne, Radio Courtoisie, que le CSA ait non seulement commis une maladresse dans le choix de la motivation de sa mise en demeure à l'égard de l'exploitant, mais en plus a inscrit dans
la Convention une obligation qu'il ne pouvait pas imposer à l'exploitant : celle de veiller au respect du pluralisme
des courants de pensée et d'opinion, en particulier dans les émissions d'information politique générale. S'agissant
"d'un service radiophonique qui se donne pour vocation d'assurer l'expression d'un courant particulier d'opinion",
ces prescriptions, indique le Conseil d'Etat, "ne peuvent être légalement imposées". Se trouve ainsi rappelé que
l'exigence de pluralisme des courants d'opinion s'impose au CSA dans l'exercice de ses missions, mais pas nécessairement aux exploitants de services audiovisuels. Sans que l'on puisse tout à fait se convaincre de ce que
serait là reconnue la notion d'entreprise de tendance ou de conviction, on peut au moins dire que l'existence -ou
l'absence— d'un positionnement d'opinion explicite et statutaire d'une association -dès lors qu'il est conforme à la
loi— conditionne en partie l'application de l'exigence de pluralisme dans le domaine audiovisuel (II).
I — La déontologie audiovisuelle en matière de liberté d'expression : au-delà de la justiciabilité, la "CSAbilité"
Le CSA dispose d'un éventail de moyens normatifs, de la suspension d'une catégorie ou partie de programme, au
retrait de l'autorisation d'exploitation du service, en passant par des sanctions pécuniaires. Ce pouvoir de sanction
s'exerce après mise en demeure de l'exploitant de respecter ses obligations en vertu de la convention signée avec
le CSA, qui, selon ses propres termes, a donc "valeur d'avertissement". La mise en demeure, prévue à l'article 42
de la loi du 30 septembre 1986 (3), n'est pas en elle-même constitutive de la procédure qui conduirait à la sanction
maximale, et en est seulement un préalable. C'est sans doute la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a considéré
que la mise en demeure, bien qu'elle fasse grief (4), n'avait pas le caractère d'une sanction (5). Malgré cela, et
parce que la mise en demeure marque le début de la période pendant laquelle le CSA pourra prendre une sanction
(pour des faits distincts cependant, c'est-à-dire en cas de "récidive"), le Conseil a pris l'initiative de graduer encore
plus l'échelle de son intervention en procédant, avant de recourir à la mise en demeure, à des mises en garde et
l'envoi de lettres de rappel ferme à la réglementation, ce dont par ailleurs Radio Courtoisie avait déjà fait l'objet
dans le passé d'exploitation (le CSA avait envoyé des lettres et des mises en garde à cette radio à une fréquence
annuelle environ, et l'avait sanctionné en novembre 2006 en lui imposant la lecture d'un communiqué au début de
l'émission à l'origine de la sanction (6).
Si évidemment la liberté d'expression dans le cadre audiovisuel obéit aux règles définies par la loi du 29 juillet
1881 et à celles définies par le Code pénal, le CSA veille, selon la loi du 30 septembre 1986, à ce que les programmes de radio et de télévision ne véhiculent, d'une manière générale, aucun discours de haine : un discours
ou des propos peuvent ainsi n'être pas justiciables civilement ou pénalement, mais faire l'objet d'une sanction de
la part du CSA qui exerce ainsi la mission qui lui a été confiée (de la même manière d'ailleurs que son contrôle
des conditions de délivrance de l'information va au-delà des possibilités de poursuites judiciaires (7)). Les termes
de la loi de 1986 n'étant pas ceux de la loi de 1881, l'appréciation du CSA est autonome, sous le contrôle du juge
administratif (l'article 28-1 de la loi de 1986 fait d'ailleurs une distinction entre les deux textes comme fondement
du non renouvellement d'une autorisation d'exploitation par le CSA). Si, notamment, en dépit des difficultés d'appréciation qu'ils occasionnent, les termes de la loi du 1881 sur la provocation à la haine raciale sont relativement
précis, le cadre fixé par le CSA l'est moins, qui à la fois autorise beaucoup d'interprétations et ne manque pas qu'on
puisse s'interroger sur la portée de la liberté d'expression dès lors qu'elle a comme support des services audiovisuels. L'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication audiovisuelle indique que "le
Conseil supérieur de l'audiovisuel [...] veille [...] à ce que les programmes mis à disposition du public par un service
de communication audiovisuelle ne contiennent aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de
race, de sexe, de mœurs, de religion ou de nationalité". Ces spécificités dans les obligations sont inscrites dans la
convention élaborée par le CSA que signe le titulaire de l'autorisation d'émettre, et qui prévoit donc que l'exploitant
ne doit pas "encourager des comportements discriminatoires à l'égard des personnes en raison de leur origine, de
leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée". Or, l'"encouragement à des comportements discriminatoires", c'est évidemment moins fort que
provocation à la haine. Dans la décision "Sud Radio" du 26 février 2014, le Conseil d'Etat a ainsi validé une mise
en demeure fondée sur la convention signée avec l'exploitant qui imposait effectivement dans son article 2-4 type,
de veiller "à ne pas encourager des comportements discriminatoires à l'égard des personnes en raison de leur [...]
appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion
déterminée". Les propos visés par la mise en demeure avaient été tenus dans le cadre d'une émission précisément
intitulée "Cardoze/Mazet, liberté de parole", qui impliquait donc presqu'en elle-même qu'elle fut pointée par le CSA !
Ca n'est pas simplement le fait d'avoir évoqué l'existence d'un lobby juif qui était mis en cause par le CSA, mais
le fait que l'un des animateurs se soit réjoui d'une intervention en ce sens d'une auditrice, elle-même précédée
quelques heures plus tôt d'une intervention identique. Le CSA a ainsi considéré que ces propos présentaient un
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caractère antisémite, ce que le Conseil d'Etat a confirmé.
S'agissant de la convention signée avec l'association émettant Radio Courtoisie, l'article 2-4 contenait exactement
la même obligation consistant "à ne pas encourager des comportements discriminatoires à l'égard des personnes
en raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race
ou une religion déterminée, et s'engager à promouvoir les valeurs d'intégration et de solidarité qui sont celles de la
République". C'est ainsi que le Conseil d'Etat a pu considérer comme légale la mise en demeure adressée à Radio
Courtoisie de respecter les dispositions de l'article 2-4 de la convention pour avoir diffusé les propos suivants tenus
par son animateur : "le mariage homosexuel devrait susciter l'horreur tellement il est contre-nature, tellement il est
scandaleux [...] le mariage homosexuel est tellement abject [...] il faudrait être inconscient pour ne pas comprendre
à quel point l'Islam est dangereux et radicalement incompatible avec notre identité [...] A première vue, il n'y a aucun
rapport entre le mariage des homosexuels et le déferlement des immigrés et pourtant la loi scélérate qui autorise
le mariage contre la nature entre deux personnes de même sexe découle de la même source idéologique que
la politique d'ouverture de la France à l'immigration, elles ont l'une comme l'autre pour but de porter atteinte aux
fondements de notre identité nationale" (8).
Par ailleurs, et de la même manière, l'article 2-10 prévoit que le titulaire de l'autorisation doit mettre en œuvre
les procédures nécessaires pour assurer, y compris dans le cadre des interventions des auditeurs, la maîtrise de
l'antenne. Ce concept de maîtrise de l'antenne, présent dans toutes les conventions du CSA (9), est assez important
car si des propos peuvent être condamnés par le CSA qui ne le seraient pas devant un juge pénal, il faut par ailleurs
distinguer entre la responsabilité de l'exploitant d'un service radiophonique ou télévisuel, et celle de toute personne
qui serait amenée à s'y exprimer : des propos tenus lors d'une émission de radio ou de télévision peuvent ainsi
relever du droit civil ou pénal sans que la responsabilité de l'exploitant soit engagée si, par exemple, l'un de ses
agents (un animateur le plus souvent) a relevé lui-même, au moment où les propos ont été tenus, qu'ils étaient
condamnables pénalement. Une affaire concernant le journaliste et polémiste Eric Zemmour illustre ces différences
de mission et de responsabilité : le CSA, par une délibération du 30 mars 2010 (répondant à la demande du CRAN), a
estimé en effet que, "si certains des propos étaient en contradiction avec le respect de la personne humaine et de sa
dignité", "ils ont toutefois été aussitôt relevés comme tels par l'animateur de l'émission, qui a rappelé la qualification
pénale de ce discours. La maîtrise de l'antenne a donc été assurée". Le 18 février 2011, la dix-septième chambre
correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris condamnait les propos du polémiste pour "provocation à la
haine raciale" (10).
En revanche, dans la décision "Sud Radio" précitée, le fait que le deuxième animateur de l'émission ait exprimé
aussitôt sa réprobation n'a pas suffit à ôter à l'exploitant sa responsabilité, sans doute parce que non seulement
les propos en question, à caractère antisémite ont considéré le CSA et le Conseil d'Etat, avaient été eux-mêmes
tenus par un animateur de la radio et pas simplement par un auditeur, mais aussi parce qu'il y avait eu, dans la
même journée, deux auditeurs à tenir des propos dans le même sens. On peut donc considérer par ces deux
éléments que l'exploitant n'a pas réussi à assurer une maîtrise de l'antenne. Il apparaît en effet de l'ensemble de la
"jurisprudence" du CSA qu'une distinction assez nette est faite entre les propos tenus par des "invités" des services
audiovisuels, à propos desquels le CSA ne peut "en aucun cas, intervenir" avant la diffusion des programmes (11),
et ceux tenus par les personnes responsables de l'antenne. C'est ainsi qu'il faut faire une différence entre les propos
tenus, par une même personne, en tant qu'invité, et ceux tenus sur l'antenne en tant que chroniqueur. C'est ce qui
a conduit le CSA à mettre en garde une station de radio, degré supplémentaire par rapport à la mise en demeure,
parce que non seulement les propos du chroniqueur étaient bien de nature à "encourager des comportements
discriminatoires vis-à-vis des populations expressément désignées, et de pouvoir inciter à la haine ou à la violence
à l'encontre de celles-ci", mais aussi parce que la chronique avait été communiquée préalablement par son auteur
aux responsables de la station, qui auraient donc dû ne pas permettre la diffusion de ces propos, en raison de leur
obligation de maîtrise de l'antenne (12). L'auteur de la chronique avait déclaré à l'antenne que "les grandes invasions
d'après la chute de Rome sont désormais remplacées par les bandes de tchétchènes, de Roms, de Kosovars, de
Maghrébins, d'Africains qui dévalisent, violentent ou dépouillent". La notion de maîtrise de l'antenne doit cela dit
s'entendre essentiellement de la diffusion "en direct" des émissions, car les précautions de présentation ne suffisent
pas à ôter aux propos leur caractère discriminatoire dès lors que le diffuseur en connaissait préalablement la teneur :
le fait de qualifier une séquence que l'on s'apprête à diffuser en tant qu'émanation de la chaîne de télévision comme
un "dérapage", est insuffisant pour les faire échapper à la mise en demeure du CSA (13). Dans l'arrêt commenté,
le Conseil d'Etat ne s'attarde pas du tout sur cette question, en estimant que la mise en demeure de respecter
l'article 2-10 était légale, sans doute parce que, si en effet ce sont des propos tenus par l'animateur de la radio qui
étaient en cause, il sagissait surtout de mettre en valeur l'obligation de l'article 2-4 sur le non encouragement à des
comportements discriminatoires.
Radio Courtoisie n'en n'est en effet pas, de ce point de vue, à sa première mise en demeure et c'est la deuxième fois
que le Conseil d'Etat, à propos d'un contentieux opposant le CSA et l'association des auditeurs de radio solidarité
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qui exploite Radio Courtoisie, se détermine clairement sur la légalité des clauses figurant dans la convention. A
propos de la mise en demeure du 12 juin 2012, portant sur les propos tenus par l'animateur de la radio, par lesquels
il affirmait l'existence de "races inférieures" et de "races supérieures" , le Conseil d'Etat s'était prononcé sur l'article
2-4 cité plus haut de la convention et qui comprend deux parties : une partie en quelque sorte "négative" ("ne pas
encourager des comportements discriminatoires"), et une partie "positive" ("promouvoir les valeurs d'intégration
et de solidarité qui sont celles de la République"), qui, strictement, pouvait en effet se voir comme imposant des
obligations positives à l'émetteur. En parlant de promotion des valeurs républicaines, la clause pouvait s'analyser
comme orientant la liberté d'expression et donc comme la bornant. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat
avait opéré à son propos une interprétation neutralisante de ses effets limitatifs, en considérant que "les dispositions
de l'article 2-4 [...] relatives à la promotion des valeurs d'intégration et de solidarité qui sont celles de la République
ont pour seul objet de faire obstacle à ce que le titulaire de l'autorisation d'émettre en fasse usage pour diffuser des
contenus contraires aux valeurs de la République" (14).
Le CSA, lorsqu'il estime que les propos qu'il vise par ses mises en garde ou mises en demeure relèvent d'une
infraction pénale, peut saisir lui-même le procureur de la République, comme il l'avait par exemple en 1997 lorsqu'un
invité de Radio courtoisie avait nié la réalité des chambres à gaz pendant la seconde Guerre mondiale, propos
"susceptibles de constituer l'infraction de contestation de crimes contre l'humanité, prévue et réprimée par la loi du
29 juillet 1881". En deçà, il dispose en quelque sorte de son propre pouvoir d'appréciation.
II — Les conditions d'application de l'exigence de pluralisme dans le domaine audiovisuel sont conditionnées par l'absence ou l'existence d'un positionnement d'opinion explicite et statutaire du service audiovisuel (dès lors qu'il est conforme à la loi)
Comme le rappelle le CSA sur son site internet, "l'objectif du pluralisme est de garantir que les téléspectateurs et les
auditeurs, qui sont au nombre des bénéficiaires de la liberté de communication, disposent d'une information politique
diversifiée qui ne les privent pas de la capacité d'exercer leur liberté d'opinion et de choix dans la mesure où ils sont
aussi des électeurs". A ce titre, la loi du 30 septembre 1986 prévoit que le CSA "assure le respect de l'expression
pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en
particulier pour les émissions d'information politique et générale" (article 13). Il ressort assez clairement des termes
de la loi que c'est bien au CSA qu'incombe l'obligation d'assurer le respect du pluralisme. Et l'article 28 alinéa
2 de la loi du 30 septembre 1986 dispose précisément que, "dans le respect de l'honnêteté et du pluralisme de
l'information et des programmes et des règles générales fixées en application de la présente loi et notamment de
son article 27, cette convention fixe les règles particulières applicables au service, compte tenu de l'étendue de
la zone desservie, de la part du service dans le marché publicitaire, du respect de l'égalité de traitement entre les
différents services [...]". Il revient ainsi au CSA de prendre les mesures nécessaires à l'existence et au maintien
de ce pluralisme. Dans ces conditions, il apparaît assez naturellement que, dans le cadre de la délivrance des
autorisations d'émettre des services audiovisuels, le CSA doit faire en sorte qu'il existe à la fois une diversité et
donc un pluralisme des courants d'opinion : l'auditeur et le téléspectateur doivent avoir, autant qu'il est possible, le
"choix". Cela signifie que si la communication est "libre", la possibilité de recourir aux moyens audiovisuels peut être
limitée dans le cadre du respect de cet objectif de valeur constitutionnelle qu'est le pluralisme (15). Le CSA estime
par ailleurs qu'il doit aussi veiller à ce que, pris individuellement, chaque service de radio ou de télévision assure luimême ce respect. En période électorale, cette exigence paraît bien découler de la loi (16). Hors période électorale,
et d'une manière générale, le CSA indique qu'il "veille au respect de l'expression pluraliste des courants de pensée
et d'opinion dans les services de radio, en particulier dans les émissions d'information politique et générale". C'est
ainsi que le CSA a inséré dans les conventions d'autorisation d'exploitation une disposition selon laquelle "le titulaire
assure le pluralisme des courants de pensée et d'opinion, en particulier dans les émissions d'information politique
et générale". Telle était la clause en cause dans l'arrêt ici commenté, figurant à l'article 2-3 de la convention. Pour
la première fois, le Conseil d'Etat est amené à considérer que la mise en demeure qui se fondait sur cette clause
ne pouvait pas être valide, car une telle obligation ne peut être légalement imposée "à l'exploitant d'un service
radiophonique qui se donne pour vocation d'assurer l'expression d'un courant particulier d'opinion".
Est ainsi prise en compte, par l'effet de la décision du Conseil d'Etat, la catégorie de radio d'opinion qui, dans
la nomenclature du CSA, n'existe pas. Si plusieurs critères de classification des stations de radios privées sont
pris en compte, en fonction de leur caractère associatif ou commercial, de leur caractère local ou national, et de
leur caractère thématique ou généraliste, celui de l'orientation idéologique, politique ou confessionnelle n'en fait
pas partie. Le CSA classe ainsi les radios en cinq catégories, de A à E, la catégorie A comprenant les "services
non commerciaux", c'est-à-dire toutes les radios associatives, dont Radio Courtoisie. S'y trouvent aussi toutes les
radios qu'on appelle communément les "radios communautaires", mais qui n'obéissent à aucune règle spécifique
si ce n'est celle des associations, celles du droit commun, et celles de la communication audiovisuelle telles que
mises en œuvre et "surveillées" par le CSA.
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Il n'existe pas, en France, de législation, ni de réglementation spécifiques aux organisations dite de tendance, ni
même d'ailleurs spécifiques aux organisations confessionnelles. La Cour européenne des droits de l'Homme, dans
son arrêt "Siebenhaar c/Allemagne" du 3 février 2011 (17) et selon une jurisprudence constante, indique, en se
référant également à une Directive européenne (Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un
cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail N° Lexbase : L3822AU4), que "la
nature particulière des exigences professionnelles imposées à la requérante résulte du fait qu'elles ont été établies
par un employeur dont l'éthique est fondée sur la religion ou les convictions". La Directive du 27 novembre 2000
indique effectivement que "les Etats membres peuvent prévoir qu''une différence de traitement' [...] ne constitue pas
une discrimination lorsque, en raison de la nature d'une activité professionnelle ou des conditions de son exercice,
la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que
l'objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée". Mais c'est l'article 4 § 2 qui doit ici retenir l'attention,
car il indique que l'interdiction de la discrimination posée est "sans préjudice du droit des églises et des autres
organisations publiques ou privées dont l'éthique est fondée sur a religion ou les convictions [...], de requérir des
personnes travaillant pour elles une attitude de bonne foi et de loyauté envers l'éthique de l'organisation", disposition
qui clairement constitue une reconnaissance de l'existence des entreprises de tendance au sens de la Directive,
c'est-à-dire d'"organisations publiques ou privées dont l'éthique est fondée sur la religion ou les convictions" (lire
aussi le point 24 des motifs de cette Directive).
Une telle reconnaissance n'existe pas en tant que telle en France, ce que d'ailleurs la commission a relevé dans
sa communication 225 final/3 du 2 septembre 2008 adressée au Conseil, au Parlement européen, au comité économique et social européen et au comité des Régions. Cette absence n'empêche cependant pas que la question
se pose régulièrement au juge français, notamment en droit du travail qui est le principal domaine concerné par
la question et l'objet d'ailleurs de la Directive 2000/78/CE à propos de laquelle la Chambre sociale de la Cour de
cassation a récemment posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, question encore
pendante devant elle (18). On doit donc pour l'heure compter sur un ensemble disparate de dispositions juridiques
et de décisions de justice permettent de dire que, quand même, l'existence d'entreprises de tendance est dans
l'ensemble plutôt reconnue comme justifiant l'application particulière des règles, notamment en matière de liberté
de religion et plus généralement en matière de liberté d'expression. C'est en matière d'enseignement privé sous
contrat que ce type de question a souvent été posé. Le Conseil constitutionnel a ainsi validé l'idée de lien entre le périmètre de la liberté d'expression et la structure d'emploi, en validant l'idée de "caractère propre de l'établissement" :
"considérant qu'ainsi l'abrogation de la disposition de la loi du 25 novembre 1977, imposant aux maîtres enseignant
dans les classes sous contrat d'association l'obligation de respecter le caractère propre de l'établissement, n'a pas
pour effet de soustraire les maîtres à cette obligation qui découle du dernier alinéa de l'article 1er de la loi du 31
décembre 1959 ; qu'une telle obligation, si elle ne peut être interprétée comme permettant qu'il soit porté atteinte
à la liberté de conscience des maîtres, qui a valeur constitutionnelle, impose à ces derniers d'observer dans leur
enseignement un devoir de réserve" (19). Est célèbre aussi la jurisprudence du 19 mai 1978 de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, "Dame Roy c/Association pour l'éducation populaire Sainte-Marthe" (20), qui valide
le licenciement d'une enseignante d'une école catholique qui s'était remariée après un divorce, car les convictions
religieuses étaient "une partie essentielle et déterminante" du contrat de travail. L'institution concernée, attachée
"au principe de l'indissolubilité du mariage, avait agi en vue de sauvegarder la bonne marche de son entreprises,
en lui conservant son caractère propre et sa réputation". L'actuel article L. 1121-1 du Code du travail (N° Lexbase :
L0670H9P) indique enfin que "nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but
recherché", rejoignant finalement assez bien dans l'esprit les termes utilisés par la Cour européenne de droits de
l'Homme qui parle de la particularité des exigences professionnelles. Il y a bien un lien à faire entre l'activité, le
cadre de l'activité et l'étendue de la liberté d'expression (21).
Il est plutôt inhabituel que la question de l'entreprise de tendance, ou encore de "conviction", surgisse ailleurs que
dans un conflit du travail. De surcroît, elle concerne toujours une mesure visant à empêcher l'expression d'une opinion ou d'une religion. De ce point de vue, la décision commentée est doublement originale, puisque ne concernant
pas un conflit du travail et ne concernant pas non plus, dans l'une de ses parties, une mesure d'empêchement mais,
au contraire, une disposition imposant une expression particulière.
Nonobstant ce contexte, le CSA incluait une clause de pluralisme dans les conventions de catégorie de type A. A
première lecture, cette disposition peut ne pas choquer, au regard de l'exigence de pluralisme posée par la loi
du 30 septembre 1986, mais elle limite en réalité et singulièrement la possibilité pour les exploitants de services
radiophoniques et télévisuels de défendre et de promouvoir une ou des opinions en particulier et évidemment ne tient
pas compte de l'orientation délibérée de certaines radios. Comme déjà indiqué, l'orientation, politique, religieuse
ou philosophique n'est pas un critère de classification. Cela ne signifie pourtant pas que le CSA n'en tienne pas du
tout compte dans l'exercice de sa mission. S'agissant de l'exploitation de services radiophoniques ou audiovisuels,
celle-ci en effet n'a jamais été réservée à des entreprises ou des groupements n'affirmant aucun positionnement
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politique, idéologique ou confessionnel : il existe des radios et des télévisions à vocation confessionnelle, comme il
existe ce type de services à vocation idéologique ou politique, comme Radio Courtoisie l'illustre en se revendiquant
comme une radio "de toutes les droites", ou encore Radio libertaire, radio dont le credo est "sans dieu, sans maître
et sans publicité, la voix de la Fédération anarchiste". Toutes ces radios émettent avec l'autorisation du CSA.
Mais, comme le rappelle le rapporteur public Nicolas Polge, dans ses conclusions, "il paraît aussi peu propice à la
protection du pluralisme d'imposer à Radio Courtoisie [...] de donner une place à des idées de gauche que d'imposer
à une radio confessionnelle, comme il en existe beaucoup, en particulier catholiques, d'équilibrer sa présentation
du monde par les vues qui sont celles d'autres mouvement religieux". Ceux-ci peuvent donc délibérément et statutairement exclure de l'antenne l'expression d'opinions dont ils ne se revendiquent pas ou dont ils ne revendiquent
pas la "défense", et exprimer leurs opinions sans qu'il soit nécessaire qu'ils aménagent un temps pour l'expression
d'une opinion contraire. Tel est le cas de Radio Courtoisie. Le Conseil d'Etat décide ainsi que la mise en demeure ne
pouvait pas se fonder sur la clause qui impose le respect du pluralisme des opinions alors que l'exploitant autorisé
à émettre se donne précisément "pour vocation d'assurer l'expression d'un courant particulier d'opinion". Il résulte
en premier lieu de la décision du Conseil d'Etat du 27 novembre 2015 que l'exigence de pluralisme dans les médias
s'impose donc d'abord au CSA dans la délivrance des autorisations d'exploitation, mission à l'occasion de laquelle
il doit veiller à un bon équilibre de la représentation des différents courants d'expression et d'opinion. Il résulte en
second lieu de la décision du Conseil d'Etat que l'exigence de pluralisme s'impose ensuite aux exploitants, tant
qu'ils ne se donnent pas vocation d'assurer l'expression d'un courant en particulier. Ces deux éléments méritent
quelques développements.
Dans les faits, l'équilibre et le pluralisme de l'expression des différents courants d'opinion sont rendus possible
dès lors que, à l'instar de la presse écrite, coutumière du journalisme d'opinion, il existe suffisamment de supports
pour assurer le pluralisme : si le nombre de radios venait à se réduire considérablement, il paraît inévitable que
la question devrait peut-être se reposer, ce qui, du même coup, pose question... Le contexte actuel d'un grand
nombre de radios n'a pas été évoqué par le Conseil d'Etat dans sa décision. Le rapporteur public, en revanche,
s'est bien référé au "positionnement" et à "l'audience de Radio Courtoisie", ainsi qu'"à la diversité du paysage
radiophonique dans lequel elle s'insère" pour conclure qu'il n'y avait pas lieu d'imposer de lui imposer le respect
du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion. Les relations difficiles ces dernières
années entre le CSA et Radio Courtoisie, qui ont conduit le premier à ne pas accorder à la seconde d'autorisation
d'émettre dans de nouvelles zones, peuvent interroger sur la manière dont le CSA doit alors remplir l'exigence
de pluralisme. S'il refuse d'ouvrir l'antenne radiophonique à l'expression d'un courant particulier d'opinion, et que,
en conséquence, toutes les opinions ne sont pas représentées, il pourrait en résulter, soit qu'il pourrait imposer
aux services radiophoniques d'opinion de respecter le pluralisme, faute de pluralisme des services radiophoniques
émetteurs, et ce, mécaniquement, à raison de son contrôle (et non de la réalité des candidatures), soit qu'il ne
pourrait pas imposer une telle obligation, ce qui aurait pour conséquence de prolonger l'absence de pluralisme des
courants d'expression à la radio. C'est bien pour l'heure une "hypothèse fiction", mais la fiction ne dure pas toujours.
Par ailleurs, puisque, dans l'application de l'exigence de pluralisme de l'expression des courants d'opinion aux services radiophoniques, il y a lieu de faire une différence entre ceux qui ont statutairement une orientation idéologique,
politique, philosophique ou religieuse, et ceux qui n'ont pas déclaré une telle vocation, il est nécessaire à l'avenir,
pour le CSA, de fixer explicitement et avec les précision suffisantes les critères qui appuient cette différence. En
dépend l'applicabilité de la clause mise ici en cause par le Conseil d'Etat. S'agissant de Radio Courtoisie, sa page
web indique d'emblée son credo, sous forme de questions : "Faut-il faire allégeance aux idées de la gauche pour
pouvoir s'exprimer ?", "Vous êtes-vous déjà demandé : — où pouvaient encore s'exprimer tous les talents, toutes les
droites, sans détours et sans animosité ?", credo qui ressort également du dossier de candidature auprès du CSA
et des statuts de l'association. Le lien paraît évident, mais il est important de préciser qu'il ressort de l'ensemble
juridique, tant français qu'européen, qu'il est nécessaire que l'orientation idéologique, politique, philosophique ou
religieuse soit en lien avec l'activité de l'organisation. S'agissant des organisations religieuses, politiques ou syndicales, cela ne pose pas de difficulté, puisque c'est leur objet même. S'agissant des autres activités, cela pose
plus de difficultés : les fédérations sportives, par exemple, peuvent-elles se déclarer d'une tendance en particulier, y compris laïque, pour exiger par exemple l'absence de tout signe religieux de la part de leurs pratiquants ?
Comme l'a indiqué un conseiller à la Chambre sociale de la Cour de cassation, reconnaître l'entreprise de tendance
"laïque", par exemple, reviendrait à permettre à toute entreprise commerciale de se dispenser de l'application de
l'article L. 1121-1 du Code du travail. S'agissant d'un service radiophonique, la question pouvait se poser. C'est
ici qu'il faut faire la différence entre le service qui se donne précisément pour vocation l'expression d'un courant
particulier d'opinion, et celui qui, se donnant prioritairement une autre vocation, le divertissement par exemple, ou
l'information même, se déclare par ailleurs avoir une certaine orientation. On peut rapprocher cette question de
celle des journaux d'opinion, inscrits dans la tradition française. Si cette notion n'implique sans doute pas qu'une
entreprise puisse invoquer une orientation politique pour prononcer une sanction ou un licenciement à l'encontre
de l'un de ses salariés, on peut en revanche se demander quel type d'obligations le CSA pourrait imposer à une
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radio qui déclare une orientation tout en n'en faisant pas sa vocation. On répond à la question en la posant en ces
termes, dès lors que la motivation du Conseil d'Etat dans sa décision du 27 novembre est bien que l'exigence de
respect du pluralisme ne peut pas être imposée à un service radiophonique "qui se donne pour vocation de défendre
un courant particulier d'opinion". S'agissant de Radio Courtoisie, le CSA a donc délivré une autorisation en toute
connaissance de cause. Et si l'on veut relever la réciproque en indiquant que l'association de défense des auditeurs
de radio solidarité, qui émet Radio Courtoisie, a signé la convention dans laquelle figurait l'article 2-3 en cause, il
faut rappeler que cette convention n'a pas de caractère contractuel, comme l'a également rappelé le rapporteur
public dans ses conclusions (22). Le CSA demeure donc responsable de "l'expression pluraliste des courants de
pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions
d'information politique et générale" (article 13 de la loi du 30 septembre 1986).
(1) Lire nos obs., La liberté d'expression : quel droit de parler, écrire, mettre en scène ou représenter ?, Lexbase
Hebdo n˚ 262 du 10 octobre 2012 — édition publique (N° Lexbase : N3839BTD).
(2) Qui n'ont rien de contractuel, CE, 2 décembre 2009, n˚ 308 578 (N° Lexbase : A3310EPB), Rec. Tables, p. 934.
(3) Considéré conforme à la Constitution dans la décision n˚ 2013-359 QPC du 13 décembre 2013 (N° Lexbase :
A2569KRL).
(4) CE, 11 décembre 1996, n˚ 163 553 (N° Lexbase : A8308B7T), Rec. Tables, p. 1148.
(5) CE, 26 février 2014, n˚s 353 724, 353 725 et 353 726 (N° Lexbase : A4217KM7).
(6) CSA, délibération du 7 novembre 2006.
(7) Voir par exemple CSA, délibération du 6 janvier 2009 "Radio France", à propos d'une émission diffusée sur
France culture "à charge".
(8) Emission "Le libre journal d'Henry de Lesquen", 27 mai 2013, Radio Courtoisie.
(9) Pour les radios de catégorie A, voir plus loin cette notion.
(10) TGI Paris, 18 février 2011, condamnant les propos du polémiste pour "provocation à la haine raciale".
(11) Réponse du CSA en assemblée plénière le 8 avril 2015 à M. Hanotin, député de la Seine-Saint-Denis.
(12) Mise en garde du CSA en assemblée plénière le 4 juin 2014.
(13) CSA, mise en demeure, Assemblée plénière, 23 mars 2010, Salut les terriens.
(14) CE, 11 juillet 2014, n˚ 364 156 (N° Lexbase : A3131MUI).
(15) Cons. const., décision n˚ 84-181 DC du 11 octobre 1984 (N° Lexbase : A8097ACU).
(16) CSA, délibération n˚ 2011-1 du 4 janvier 2011, relative au principe de pluralisme politique dans les services de
radio et de télévision en période électorale.
(17) CEDH, 3 février 2011, Req. 18 136/02 (N° Lexbase : A1685GRT).
(18) Cass. soc., 9 avril 2015, n˚ 13-19.855, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3737NGI).
(19) Cons. const., décision n˚ 84-185 DC du 18 janvier 1985 (N° Lexbase : A8108ACB).
(20) Ass. plén., 19 mai 1978, n˚ 76-41.211 (N° Lexbase : A9566AAK), Bull. Ass. Plén., 1978, n˚ 1.
(21) Voir aussi CE, 20 juillet 1990, n˚ 85 429 (N° Lexbase : A5655AQI), Rec., p. 223.
(22) CE, 2 décembre 2009, n˚ 308 578, préc..
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