7 De l`impact sans précédent de la loi ALUR sur le

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7 De l`impact sans précédent de la loi ALUR sur le
CONSTRUCTION - URBANISME - REVUE MENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - MAI 2014
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Dossier
De l’impact sans précédent de la loi ALUR
sur le dossier du lotissement
Patrice CORNILLE,
avocat au barreau de Bordeaux
Le droit des lotissements est bouleversé sous le titre « Mobiliser les terrains issus du lotissement » pour
permettre d’y construire des logements neufs, principalement destinés aux populations les plus défavorisées.
La réforme est directe dans son esprit : faire en sorte d’éradiquer toute forme d’obstacle, ancien comme
récent, formulé comme implicite, d’origine règlementaire comme purement conventionnelle à l’application
exclusive et sans entrave des règles d’urbanisme locales (PLU) dans les lotissements.
Mais l’effet attendu des nouveaux textes sera très probablement contrarié par leur complexité à la fois de
rédaction et de mise en œuvre, laquelle complexité cache mal les efforts accomplis pour surmonter leur
probable inconstitutionnalité et inconventionnalité. Ce sentiment premier est très préoccupant en pratique,
car, s’il y a beaucoup de contentieux à attendre de l’application de la réforme, l’incertitude en découlant
risque de décourager les initiatives et de conduire à encore plus d’immobilisme et de surprotection que par
le passé.
1. Élargissement de la catégorie
des règles d’urbanisme sujettes
à caducité dans les lotissements
de plus de dix ans
1 - L’article 159-I de la loi ALUR, élargit la catégorie des règles
d’urbanisme sujettes à caducité en vertu de l’article L. 442-9 du
Code de l’urbanisme.
Le nouvel article L. 442-9 1er alinéa prévoit que toutes les
règles d’urbanisme régissant les lotissements, sans aucune exclusive, et quel que soit le document dans lequel elles sont contenues, deviennent caduques au terme de dix années à compter
de la délivrance de l’autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un PLU ou un document d’urbanisme en
tenant lieu.
On remarque, toutefois, que le texte ne semble viser que des
normes écrites, littérales et non celles figurant dans des plans, des
graphiques.
Chacun sait que les règles d’urbanisme contenues dans le
règlement (ce document constituant leur siège naturel, puisqu’il
s’agit d’un acte administratif), ainsi que dans le cahier des
charges approuvé (autrefois par le Préfet, avant la réforme des
lotissements de 1976-1977) cessent de s’appliquer lorsque plus
de dix ans se sont écoulés depuis l’autorisation de lotir, si la
commune s’est dotée de règles d’urbanisme locales (PLU ou
carte communale, par exemple).
La loi ALUR ne modifie pas la « donne » sur ce point, qui
demeure inchangée dans ses fondamentaux depuis 1986. C’est
ainsi qu’après dix ans, comme par le passé, une règle d’urbanisme contenue dans un règlement ou un cahier des charges
approuvé n’a plus à être prise en considération par le service
instructeur d’une autorisation d’occuper le sol (C. urb.,
art. L. 315-2-1 ancien, devenu C. urb., art. L. 442-9).
Ce qui est nouveau est que la réforme frappe aussi de caducité
les « règles d’urbanisme » contenues dans les « clauses de nature
règlementaire du cahier des charges s’il n’a pas été approuvé ».
N’est donc pas clairement résolue la question de savoir si est
concerné, non seulement le cahier des charges non approuvé,
mais aussi celui d’abord approuvé puis devenu exclusivement
contractuel par l’effet de l’écoulement du délai de dix ans
emportant caducité des règles d’urbanisme (C. urb., art. L.4429).
Quoiqu’il en soit, toutes les règles d’urbanisme paraissent
vouées à disparaître de l’ordonnancement juridique, à condition
que soit établie « leur nature règlementaire » si le permis
d’aménager a été délivré il y a plus de dix ans et que la commune
s’est dotée d’une planification locale.
Ce qui est nouveau, aussi, est que le deuxième alinéa de
l’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme est modifié au point de
faire totalement disparaître la faculté pour une majorité de colotis (même calculée suivant la nouvelle règle des 1/2-2/3 ou
2/3-1/2, V. infra C. urb., art. L. 442-10) de demander le maintien
de ces règles à l’autorité compétente.
La réforme, et tel était sans doute son but, dépasse donc le
cadre strict de l’instruction et de la délivrance des autorisations
d’occuper le sol dans les lotissements.
Il ne s’agit évidemment pas de rendre inopposables aux
services instructeurs, des « clauses de nature règlementaire »
contenues dans les cahiers des charges non approuvés.
Il ne viendrait évidemment à l’idée de personne d’aller instruire
un permis de construire dans un lotissement au regard des stipulations d’un cahier des charges contractuel, lorsqu’il ne
comporte aucune mention d’approbation par une quelconque
autorité publique.
Le but de la réforme est ailleurs mais il n’est pas dépourvu
d’ambigüité : il s’agit selon nous de mettre un terme définitif à
ce que la pratique identifie sous les termes de « contractualisation des règles d’urbanisme », courant qui constitue un obstacle
à la mobilisation des terrains dans les lotissements, et auquel la
Cour de cassation a prêté une oreille bienveillante 1.
1. Cass. 3e civ., 8 mai 1983 ; Bull. civ. 1983, III n° 117. – Cass. 3e civ., 4 nov.
1998, n° 96-13.122 : JurisData n° 1998-004148 ; Bull. civ. 1998, III n° 207 ;
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Rappelons d’ailleurs que cette évolution, certainement
contraire au but de la nouvelle loi, a été consacrée, à certaines
conditions, par l’article L. 111-5 du Code de l’urbanisme 2.
En d’autres termes, il s’agit ici de faire obstacle à l’application
après dix ans, de clauses contraires à la densification et la mixité
sociale dans les lotissements par le juge judiciaire, après qu’elles
aient perdu toute force normative à l’égard de l’autorité administrative compétente.
Le premier alinéa du nouvel article L. 442-9 du Code de l’urbanisme présente sous cet angle, à l’évidence, diverses malfaçons
(ou au contraire « traits de génie ») de rédaction (tout dépend
sous quel angle on le lit).
2 - La première est, bien sûr, qu’il oblige désormais à distinguer, à l’intérieur d’un cahier des charges non approuvé, les
« règles d’urbanisme contenues dans les clauses de nature règlementaire », de celles qui n’ont pas cette nature.
On souhaite bien du plaisir à ceux qui se livreront à l’exercice.
Il a été jugé que la caducité du règlement emporte par voie de
conséquence la caducité de toutes les dispositions contenues
dans ce document, que ces dispositions soient ou non qualifiables de « règles d’urbanisme » : le contenant l’emporte sur le
contenu 3.
La Cour de cassation avait donc plutôt opté pour un critère
formel de distinction avant la réforme, écartant en principe toute
possibilité de discussion à partir du contenu intrinsèque des
clauses.
L’usage de cette méthode est manifestement révolu, de sorte
qu’on butera encore plus qu’autrefois sur la question de savoir,
d’abord, ce qu’est véritablement une « clause de nature règlementaire » et ce qui la distingue d’abord d’une règle d’urbanisme, ensuite d’une clause contractuelle.
Comme nous le suggérons perfidement plus haut, il n’est pas
exclu que cette ambigüité ait été plus voulue que subie.
Est-ce qu’une clause interdisant de subdiviser les lots est, par
exemple, une « clause de nature règlementaire pouvant être
contenue dans un cahier des charges non approuvé » ?
Étant rappelé que, selon le désormais célèbre arrêt « Hoffmann », il est interdit d’interdire de diviser, on ne voit pas
comment cette clause pourrait encore être de nature règlementaire, et partant disparaître après dix ans si elle est contenue dans
un cahier des charges non approuvé 4. Cette partie du texte
comporte donc une part importante de risque contentieux.
La distinction entre les règles qui disparaissent et celles qui vont
se maintenir est encore plus aventureuse quand on sait que n’est
pas abrogée la partie du texte selon laquelle :
« Les dispositions du présent article ne remettent pas en cause
les droits et obligations régissant les rapports entre colotis
définis dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode
de gestion des parties communes.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux
terrains lotis en vue de la création de jardins mentionnés à
l’article L. 111-5-4 ».
3 - La deuxième malfaçon est que l’article L. 111-5 du Code de
l’urbanisme, qui règlemente la « contractualisation des règles
Constr.-Urb. 1999, comm. 64 ; Defrénois 1999, p. 535, obs. S. Perignon. –
Cass. 3e civ., 15 déc. 1999, n° 97-20.503 : JurisData n° 1999-004457 ;
Constr.-Urb. 2000, comm. 77 ; BJDU 6/1999, obs. C. Masson-Daum ;
Defrénois 2000, p. 453, obs. Pérignon.
2. L. n° 2000-1208, 13 déc. 2000, dite loi SRU.
3. Cass. 3e civ., 26 janv. 2005, n° 03-15584, Sté Mana c/ Manducka et a. : JurisData n° 2005-026654 ; Constr.-Urb. 2005, comm. 72, note P. Cornille ; Bull.
civ. 2005, III, n° 17 ; BJDU 2005, p. 250, obs. Nesi ; Defrénois 2005, p. 811,
note Benoit-Cattin ; Gaz. Pal. 14 juin 2005, 1, somm. 17 et 6.
4. CE, 27 juill. 2012, n° 342908, Hoffmann : JurisData n° 2012-016814 ; BJDU
6/2012, concl. X. de Lesquen.
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d’urbanisme », notamment en écartant toute contractualisation
fortuite, n’est pas non plus abrogé.
Cela signifie-t-il qu’il est toujours possible, aux conditions
posées par le texte, de contractualiser des règles d’urbanisme
dans un cahier des charges non approuvé, même pour valoir
seulement pendant dix ans 5 ?
Du point de vue du but poursuivi par la loi, la réponse est non,
mais il faut bien concéder que l’articulation des textes conduit
à l’incertitude.
La date d’application de la nouvelle caducité des clauses de
nature règlementaire des cahiers des charges non approuvés fait
aussi difficulté.
À première vue, la sortie d’effet par caducité de ces règles est
subordonnée à l’écoulement d’un délai de dix ans à compter de
la délivrance du permis d’aménager (le texte fait toujours état d’
« autorisation de lotir », mais sur ce point, il paraît générique) si,
à cette date, le lotissement est couvert par une planification
locale.
La loi paraît donc d’application immédiate, sans effet différé à
la parution d’un décret, non seulement pour les lotissements de
plus de dix ans, mais pour ceux qui sont encore dans le cours de
ce délai, et dont les clauses ne deviendront caduques qu’à son
terme.
2. Application immédiate des règles
d’urbanisme locales dans les
lotissements où le règlement a été
maintenu à la demande des colotis
4 - On se souvient que, lorsque les colotis ont demandé le
maintien des règles d’urbanisme du lotissement à l’ancienne
majorité de l’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme (2/3 – 3/4
ou 3/4 – 2/3), ces règles d’urbanisme ont continué à s’appliquer
dans le lotissement même après dix ans quel que soit le document duquel elles sont issues 6.
Lorsqu’elles ont été maintenues, les règles d’urbanisme des
règlements ou des cahiers des charges anciennement approuvés
demeurent donc opposables aux demandes d’AOS et peuvent
même fonder une action en démolition 7.
Cette faculté, décidée à la majorité qualifiée, des colotis de faire
survivre entre eux des règles d’urbanisme dérogatoires à la loi
d’urbanisme commune, a vécu.
Le deuxième alinéa de l’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme est brutal : dès l’entrée en vigueur de la loi ALUR, soit, sur
le point qui nous concerne ici, dès le 27 mars 2014, les règles
d’urbanisme qui ont pu être maintenues volontairement par le
passé par des colotis deviennent automatiquement caduques.
Ces règles particulières disparaissent de l’ordonnancement juridique, l’autorité compétente en matière d’urbanisme n’ayant
plus à en tenir compte pour la délivrance des autorisations
d’occuper le sol dans le lotissement. C’est le PLU ou le document
d’urbanisme en tenant lieu en vigueur qui, seul, gouverne la délivrance des autorisations.
Bien sûr, ce sont la densification et le but de mixité sociale qui
motivent ce bouleversement par rapport à ce qu’ont manifestement voulu les colotis, et par rapport à ce pourquoi ils ont voté
majoritairement par le passé.
5. Comp. C. Masson-Daum, Lotissements : évolution ou stabilité ? : RD imm.
2010, p. 147.
6. Cah. charges ou règlement : CE, 3 oct. 2003, n° 232564, Cne Roquebrune
Cap Martin : JurisData n° 2003-065937.
7. CA Caen, 1er juin 2003 : Constr.-Urb. 2003, comm. 11, obs. Cornille.
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On ne le mesure pas encore nécessairement, mais il est clair
que la valeur d’un terrain à bâtir dans un lotissement n’est plus
la même depuis le 26 mars 2014.
Manifestement, la caducité des règles anciennes volontairement maintenues par les colotis est d’application immédiate.
3. De la caducité à compter de la
promulgation de la loi des clauses
contractuelles des cahiers des
charges non publiés
5 - Il s’agit, à n’en pas douter, de la disposition la plus novatrice, la plus « politique » tout en étant la plus déconcertante de
la loi ALUR pour un privatiste.
En résumé, l’article 159-I de la loi ALUR instaure la disparition,
après cinq ans, des clauses non règlementaires des cahiers des
charges même strictement contractuels, lorsqu’ils n’ont pas été
publiés au Service de la publicité foncière ou au Livre foncier.
6 - Rechercher la portée de la réforme oblige à l’examiner au
travers de chaque membre de phrase.
– « Toutes dispositions non règlementaires » (sujettes à caducité) : l’expression vise manifestement n’importe quelle clause
contractuelle d’un cahier des charges, insusceptible d’être lue
dans un document d’urbanisme. Encore une fois, déterminer de
quelle clause il s’agit est un exercice difficile. On peut toutefois
s’y risquer. Selon nous, par exemple, la clause de superficie
minimale pour construire ne peut plus être, de nos jours, qu’une
règle contractuelle. Stipulée dans un cahier des charges mutuellement convenu, par exemple, en 2017 après l’entrée en vigueur
de la loi ALUR, la sortie de vigueur d’une telle clause est le
26 mars 2019, à moins que le cahier des charges, comme on va
le voir ci-dessous, ait pu être entre temps publié ;
– « ... ayant pour objet ou pour effet » : on retrouve, ici, la
volonté constante du législateur en la matière (V. l’ancienne définition du lotissement : C. urb., art. R. 315-1 ancien) d’embrasser dans un même élan, ici pour mieux l’étouffer, à la fois l’intention (du lotisseur ou des colotis) et le résultat (des mêmes... dont
l’intention, par hypothèse, serait sujette à interprétation) de déroger à la loi commune d’urbanisme (le PLU). Un exemple peut
être celui de la clause réservant les lots à une « construction à
usage d’habitation mono-familiale ». L’intention, dans cette
clause, est probablement d’éviter des immeubles collectifs verticaux, mais le résultat est aussi d’empêcher la mise en copropriété, même verticale, d’une maison d’un étage sur rez-dechaussée, en deux lots de copropriété. Dans les deux
hypothèses, la clause concernée est de toute façon sommée de
« sortir » de l’ordonnancement juridique du lotissement après
cinq ans, même si elle est contenue dans un cahier des charges
purement contractuel ;
– d’« interdire ou de restreindre le droit de construire ou encore
d’affecter l’usage ou la destination de l’immeuble (...) » : difficile,
ici, de concevoir une rédaction plus large pour intimer aux lotissements de se soumettre à la loi commune d’urbanisme. Il s’agit,
à n’en pas douter, de signifier aux colotis qu’ils sont désormais
privés d’en appeler à une norme, quel que soit son siège, sa
formulation, son but, dès lors qu’elle ferait obstacle, de quelle
que manière que ce soit, à la densification ainsi qu’à la mixité
sociale dans leur lotissement. Exit la faculté d’exiger le respect
d’une destination d’habitation, par exemple. Dès lors que le PLU
le permet, ainsi qu’il en dispose dans l’article 1 et dans l’article 2
de la zone, le commerce, l’artisanat, les locaux professionnels,
pourquoi pas même industriels, peuvent être autorisés dans le
lotissement, même si ce dernier n’a été conçu, lorsqu’il a été
approuvé, ni surtout commercialisé, dans un autre but que
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d’accueillir des logements. Pareillement, toute clause limitant la
hauteur, prescrivant un prospect, protégeant les terrains de
nuisances supposées telles, quelles qu’elles soient (zone non
aedificandi) est promise à disparaître, purement et simplement,
par application du principe de la caducité juridique des actes ;
– « cesse de produire ses effets dans le délai de cinq ans à
compter de la promulgation de la loi n° 2014-366 du 24 mars
2014 » : étant rappelé que la loi ALUR a été promulguée le
26 mars 2014, cela signifie mécaniquement que les clauses
contenues dans les cahiers des charges non approuvés qui ont
pour but ou pour effet d’empêcher l’ouverture à l’urbanisation
des lotissements, toujours dans un but de mobilisation des
terrains en vue de leur densification, ou de favoriser la mixité
sociale, disparaîtront au plus tard le 26 mars 2019 ;
– « ... si le cahier des charges n’a pas fait l’objet, avant l’expiration de ce délai, d’une publication au Bureau des hypothèques
ou au Livre foncier » : cette partie du nouveau texte est surprenante. Il est rare, à notre connaissance, que l’entrée en vigueur,
le maintien ou ici la disparition de la force obligatoire d’un
contrat (C. civ., art. 1134) dépende de sa publication foncière,
suivant un régime qui n’a pas été conçu dans un autre but que
la protection des tiers ayant acquis des droits concurrents sur un
même immeuble.
Le cahier des charges, en tant qu’on peut le comparer à un
réseau de servitudes de droit privé entre les lots, a toujours vu son
opposabilité aux tiers dépendre de sa publication au service de
la publicité foncière (C. urb., art. R. 315-27 ancien) 8. Mais entre
colotis dont les actes d’acquisition contiennent le cahier des
charges, en annexe, ou le reproduisent, la force obligatoire du
cahier ne dépend pas, en principe, de sa publication au service
de la publicité foncière.
Et bien, même ces règles classiques sont remises en cause :
après cinq ans, même entre colotis qui ont acquis leurs lots en
parfaite connaissance d’une clause qui leur interdit par exemple
de construire à moins de quatre mètres de la limite divisoire de
leur lot, ces derniers ne pourront plus chicaner sur ce point, à
moins que le cahier des charges ait été publié au service de la
publicité foncière ou au Livre foncier ;
– « (...) la publication au Bureau des hypothèques ou au Livre
foncier est décidée par les colotis (...) à la majorité définie à
l’article L. 442-10 » : on aura compris que la publication du
cahier des charges est, selon le point de vue sous lequel on se
place, la dernière chance ou le risque ultime, de conserver une
force contractuelle au cahier des charges, c’est-à-dire, pour le
dire de façon moins politiquement correcte, de rester « entre
soi » dans un lotissement.
Mais pour publier, il faut un acte authentique, et pour avoir un
acte authentique, il faut un acte administratif (solution que l’on
peut éliminer par avance en la matière), ou un acte judiciaire
(solution peu probable compte tenu de « l’esprit » de la loi), ou
bien enfin un acte notarié.
De là, bien sûr, une question technique : un notaire peut-il
accepter de recevoir un « acte de dépôt » d’un cahier des
charges ancien (ou même d’un cahier des charges récent) à la
demande d’un ou plusieurs colotis, cherchant à conserver le
statut privilégié de leur environnement, et en opérer la publication au service de la publicité foncière ou au Livre foncier ?
La réponse est certainement négative.
8. Cass. 3e civ., 23 mai 1991, n° 89-19.363 : JurisData n° 1991-001211 ; Bull.
civ. 1991, III, n° 151. – Cass. 3e civ., 20 déc. 2000, n° 99-14.372 : JurisData
n° 2000-007486 ; BJDU 1/2001, p. 26, obs. C. Masson-Daum. – Cass.
3e civ., 11 mai 2006, n° 05-19.972 : JurisData n° 2006-033526 ; Bull. civ.
2006, III, n° 122. – Cass. 3e civ., 23 janv. 2002, n° 00-17.005 : Bull. civ.
2002, III, n° 13 ; Defrénois 2002, p. 937, obs. Atias.
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L’article L. 442-9, 3) du Code de l’urbanisme n’admet la publication du cahier des charges que sur la base d’une décision des
colotis à la « nouvelle » majorité de l’article L. 442-10 du Code
de l’urbanisme, soit une majorité des deux tiers des propriétaires
détenant ensemble la moitié au moins de la superficie du lotissement, ou de la moitié des propriétaires détenant les deux tiers
de cette superficie.
Et même, dans cette hypothèse, est-il prévu que les colotis
peuvent revenir sur la publication du cahier des charges et
renoncer à sa force obligatoire en adoptant une nouvelle résolution à la nouvelle majorité ;
– « (...) les modalités de la publication font l’objet d’un
décret » : à notre avis, cela signifie, non pas que la caducité des
règles des cahiers des charges contractuels non publiés est différée jusqu’à la parution des décrets attendus, mais qu’il faut
attendre les décrets pour pouvoir s’opposer à la disparition des
règles concernées. En d’autres termes, les cahiers des charges
perdent toute force obligatoire, même pour leurs clauses
contractuelles contraires à la mobilisation du foncier ou la mixité
sociale dans les lotissements, au plus tard le 26 mars 2019, à
moins que des décrets permettent, dans le délai séparant la date
de promulgation de la loi de la date du 26 mars 2019, d’organiser la publication des cahiers des charges non approuvés au
service de la publicité foncière ou au Livre foncier. Comme il
n’est pas sûr que lesdits décrets paraissent d’ici là (et même nous
parierions volontiers qu’ils ne paraîtront jamais...) cela signifie
que rien ne pourra s’opposer à la caducité des clauses contractuelles des cahiers des charges à compter du 26 mars 2019,
qu’ils aient été rédigés avant cette date, entre cette date et le
26 mars 2019, ou même après le 26 mars 2019. Dans ces conditions, nous objectera-t-on, pourquoi tant de circonvolutions de
langage et de bricolage de la technique juridique ? N’aurait-on
pu simplement légiférer de la manière suivante : « Nouvel article
L. 442-9 : À compter du 26 mars 2019, il est interdit de
soumettre un lotissement à un cahier des charges contractuel
dont l’objet ou l’effet est de faire obstacle à l’application du PLU
en vigueur » ? Sans doute... mais il aurait été alors trop visible
que l’on porte atteinte au droit de propriété sans juste indemnisation, et le nouveau texte aurait été trop facilement critiquable
au regard de notre Constitution. Autrement dit, nous sommes
convaincus que l’application du nouveau droit des lotissements
issu de la loi ALUR entraînera un cortège de questions prioritaires
de constitutionnalité (QPC).
4. Plus faible majorité des colotis
exigée pour modifier les documents
du lotissement
7 - Après des décennies d’application, les règles de majorité
qualifiée prévues par le nouvel article L. 442-10 du Code de
l’urbanisme ne sont plus celles de l’ancien article L. 315-3.
Désormais les colotis peuvent demander ou accepter que les
documents du lotissement soient modifiés à la majorité :
– soit de la moitié des colotis représentant les deux tiers de la
superficie du lotissement ;
– soit des deux tiers des colotis représentant la moitié de la
superficie du lotissement.
L’autre portée incontestable du nouveau texte est qu’il permet
une modification, à la nouvelle majorité abaissée mais qualifiée,
non seulement du règlement du cahier des charges approuvé (ce
qui était déjà la portée possible de l’ancien article L. 442-10),
mais aussi des « clauses de nature règlementaire du cahier des
charges s’il n’a pas été approuvé ».
N’est donc pas clairement résolue la question de savoir si
l’autorité publique compétente peut approuver la modification
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d’un cahier des charges, non pas qui n’a jamais été approuvé,
mais qui a été d’abord approuvé puis est devenu exclusivement
contractuel par l’effet de l’écoulement du délai de dix ans
emportant caducité des règles d’urbanisme (C. urb., art. L. 4429).
Peut-on continuer à soutenir qu’un cahier des charges exclusivement contractuel depuis l’origine ou devenu exclusivement
contractuel, après l’arrivée du terme de dix ans, ne peut être
modifié qu’à l’unanimité des colotis et que l’approbation municipale de la modification majoritaire est sans objet ?
Avant l’arrêt « Commune de Saint Jean de Monts » de 2013, la
cour administrative d’appel de Marseille avait rendu un arrêt qui
permettait de continuer à le soutenir : un maire peut légalement
rejeter la demande de modification présentée par une majorité
de colotis dès lors que ce document est devenu purement
contractuel par l’effet de l’écoulement du délai de dix ans suivant
l’approbation du lotissement 9.
Avec le nouvel article L. 442-10, persister à défendre le contrat
auquel ont adhéré les colotis paraît beaucoup plus aventureux
que par le passé, sauf à poser une QPC avant que le juge saisi ne
rende son jugement puisque, sur ce sujet encore, le Conseil
constitutionnel n’a pas été interrogé avant de rendre sa décision
du 20 février 2014.
Il n’est pourtant pas douteux qu’est en cause le droit de
propriété de chaque coloti, auquel peut porter atteinte la modification majoritaire opérée, et cela sans juste et préalable indemnité.
Louer le but de mobilisation du foncier qui est l’âme du
nouveau texte n’interdit pas de blâmer la brutalité de ses effets
possibles...
Il existe cependant une nouvelle limite dans le nouveau texte
à la volonté des colotis ; cette limite est en revanche sans aucune
ambigüité : l’affectation des parties communes du lotissement
n’est pas « concernée » par la modification du dossier que
peuvent demander ou accepter les colotis.
Quand on y réfléchit, cette entrave à la volonté des colotis est
une surprise.
On la comprend mal : après tout, c’est bien dans le « réservoir » des terrains dépendant des « parties communes » (plus
exactement : patrimoine indivis des colotis ou celui de l’association syndicale libre les groupant, ou bien encore terrains et équipements dévolus dans le domaine privé – mais non public – de
la commune du lieu de situation du lotissement) que le législateur aurait pu débusquer le nouveau « foncier » à mobiliser qu’il
dit manquer tellement à ses projets.
Pourquoi donc cette exclusion laquelle, par voie de conséquence, limite la mobilisation du foncier par modification dans
les lotissements anciens aux parties de lots appartenant privativement à un ou plusieurs colotis ?
Serait-ce pour éviter une opposition de tous à la modification
de ce qui leur appartient à tous en commun, ce qui causerait
blocage insurmontable, précisément au motif que tous et non
pas seulement certains y trouvent intérêt ?
En tout état de cause, on observera que la volonté des colotis
comporte des limites et que, pour rendre constructible par
exemple un espace vert d’un ancien lotissement, il faudra passer
par une mise en compatibilité de l’article L. 442-11 du Code de
l’urbanisme sans pouvoir se contenter d’une modification majoritaire approuvée.
Pour le reste, les règles devenues traditionnelles de la modification majoritaire du dossier du lotissement demeurent applicables, à notre avis.
9. CAA Marseille, 21 oct. 2004, n° 01MA02623.
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C’est ainsi qu’il est toujours vrai que les règles de majorité
légales sont applicables nonobstant les dispositions du cahier des
charges subordonnant la modification à l’accord de tous les
colotis 10.
De même, n’est pas remise en cause la règle suivant laquelle
la majorité légale s’impose par préférence à toute règle différente
prévue soit au cahier des charges du lotissement soit aux statuts
de l’association syndicale 11.
Le nouveau texte ne tranche pas, et c’est regrettable, la divergence de jurisprudence entre les deux ordres de juridiction
s’agissant du choix du mode de calcul des majorités. Rappelons
que selon la Cour de cassation, il convient de procéder à un
décompte par lot, chaque propriétaire disposant d’autant de voix
que de lots 12 alors qu’à l’inverse, le Conseil d’État considère que
chaque propriétaire doit être pris individuellement, quel que soit
le nombre de lots qu’il possède 13.
Demeure pertinent, en revanche, le calcul de la superficie du
lotissement d’urbanisme qui doit exclure celle occupée par les
voies et espaces verts affectés à l’usage commun des colotis 14.
N’est pas tranchée non plus la divergence entre le Conseil
d’État qui juge que les propriétaires directement intéressés par
l’objet de la modification doivent être consultés, sans toutefois
exiger l’obtention de leur accord 15, et la Cour de cassation qui
ne semble pas y voir une condition de validité de la procédure
prévue par l’article L. 315-3 du Code de l’urbanisme 16.
En toute hypothèse, il reste de principe que l’objet de la modification porté à la connaissance des colotis doit être clairement
identifié 17 et qu’un simple accord de principe est insuffisant 18.
Enfin, le nouveau texte maintient que la volonté majoritaire est,
à elle seule, insuffisante puisque la modification du dossier de
lotissement nécessite une autorisation administrative préalable
et que l’autorité compétente dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier le bien-fondé de la demande des colotis.
L’arrêt Moulis 19 demeure donc applicable : « considérant qu’il
résulte de ces dispositions que l’autorité administrative, saisie
dans les conditions ci-dessus rappelées, d’une demande de
modification des documents d’un lotissement est tenue de refuser cette modification si celle-ci est incompatible avec la réglementation d’urbanisme en vigueur dans le secteur, qu’elle n’est,
en revanche, pas tenue dans le cas contraire de prononcer la
modification sollicitée (...) ».
Le nouveau texte limite l’ampleur de la modification par, on le
sait désormais, l’interdiction de modifier l’affectation des
« parties communes du lotissement » et de plus, la compatibi10. CE, 5 déc. 1973, n° 85896, Deburghraeve et Épx Ayoub : Rec. CE 1973,
p. 698 ; AJPI 1974, p. 909, note R. B.
11. Cass. 3e civ., 1er déc. 1993, n° 91-15.159, Charre c/ Courthial : JurisData
n° 1993-002161 ; Bull. civ. 1993, III, n° 158 ; JCP G 1994, IV, p. 46 ; JCP
N 1994, II, p. 123. – Cass. 3e civ., 20 mai 1998, n° 96-16.639 : JurisData
n° 1998-002116 ; Defrénois 1998, art. 36885, p. 1239, note S. Pérignon.
12. Cass. 3e civ., 17 juill. 1993 : D. 1993, jurispr. p. 758, note Franck ; Bull. civ.
1993, III, n° 483.
13. CE, 7 janv. 1991, n° 89380, Cne Cruis c/ Moulin : JurisData n° 1991041827. – CE, 28 févr. 1996, n° 105846, SCI Tennis Park : Juris-Data
n° 1996-050089 ; BJDU 1996, n° 3, p. 186, concl. Loloum, jugeant aussi
que si le lot constitue l’assiette d’une copropriété, celle-ci ne compte que
pour une voix.
14. Cass. 3e civ., 3 oct. 2001, n° 00-10.550, Lojean c/ ASL des copropriétaires
de la Résidence du Golfe d’Ajaccio : JurisData n° 2001-011135 ; Constr.Urb. 2002, comm. 103, obs. Rousseau.
15. CE, 24 juill. 1981, Degardin : Dr. adm. 1981, comm. 335.
16. Cass. 1re civ., 25 juin 1991, n° 90-12.223 : JurisData n° 1991-002253 ; JCP
G 1991, IV, p. 340.
17. CE, 4 févr. 1976, n° 98088, Dujardin : Rec. CE 1976, p. 1186. – CE, 7 mai
1997, n° 136177, Poujol : JurisData n° 1997-050495 ; BJDU 1997, n° 5,
p. 347, concl. Delarue.
18. CE, 27 avr. 1994, n° 126502, Cne Vitrolles.
19. CE, 26 juin 1987, n° 63985 : JurisData n° 1987-042590 ; Rec. CE 1987,
p. 235.
Dossier
lité avec la réglementation d’urbanisme en vigueur doit être
toujours respectée.
Sur cette base, rappelons que l’autorité administrative est
fondée à motiver un refus de modification du dossier de lotissement en se fondant non seulement sur les règles du document
d’urbanisme mais également les dispositions du règlement national d’urbanisme (en l’espèce, refus sur la base C. urb.,
art. R. 111-4) 20 et que la modification ne doit pas procéder d’un
détournement de pouvoir, notamment lorsqu’il apparaît que la
modification n’a d’autre but que la régularisation d’une situation
irrégulière 21.
La jurisprudence administrative a reconnu à la décision
prononçant la modification, la nature d’acte administratif unilatéral et donc la possibilité de le contester par la voie du recours
pour excès de pouvoir. Par ailleurs, l’acte modificatif revêt le
caractère d’un acte réglementaire et n’est donc pas constitutif de
« droits acquis » au profit des colotis. Sous réserve du respect des
procédures imposées par l’article L. 442-10 du Code de l’urbanisme, il est lui-même sujet à des modifications, sans que les
colotis, en particulier celui qui a pu en être à l’origine et le principal bénéficiaire, puissent invoquer un droit à son maintien juridiquement protégé 22.
En conséquence de son caractère réglementaire, l’illégalité de
l’acte administratif modifiant le lotissement peut être invoquée
à toute époque par voie d’exception 23. Cette exception d’illégalité peut être soulevée notamment à l’occasion d’un recours
contre un permis de construire 24.
5. Élargissement de la faculté pour
l’autorité compétente de mettre
en concordance les documents
du lotissement avec le PLU
8 - Dans la droite ligne du très important arrêt « Cne de Saint
Jean de Monts » 25, la loi ALUR écarte définitivement toute
exception au pouvoir de l’autorité compétente (généralement le
Conseil municipal, après enquête publique) de mettre en
concordance non seulement le règlement, le cahier des charges
approuvé du lotissement, mais aussi désormais (c’est ici que se
situe l’apport de la réforme) les cahiers des charges non approuvés avec le PLU ou le document d’urbanisme en tenant lieu.
L’élargissement du périmètre de cette procédure autoritaire
n’est surprenant que dans la mesure où elle permet de mettre
totalement ou partiellement un terme définitif à l’application
d’un contrat par un acte émanant d’une autorité règlementaire
de niveau local, même si c’est après l’observation d’une procédure que l’on présente comme démocratique.
L’avenir dira si ce texte sera appliqué sans passer, là encore, par
les fourches caudines d’une QPC.
Pour le reste, la procédure et le régime de l’article L. 442-11 du
Code de l’urbanisme ne sont pas modifiés : l’atteinte que l’autorité administrative peut porter aux cahiers des charges n’est pas
20. CE, 4 févr. 1994, n° 103234, Luvisutto.
21. CE, 27 janv. 1978, n° 99560 et 99796, Min. Équip c/ Fourcade : Rec. CE
1978, p. 34. – CE, 5 juin 1985, n° 36200, François Descombes : JurisData
n° 1985-041083. – V. cependant CE, 8 juill. 1991, n° 107958, Cne Privas c/
Marion : JurisData n° 1991-044588. – CE, 28 juin 1993, n° 83071, Bouard :
JurisData n° 1993-045815. – CE, 19 févr. 1993, n° 90650, Cne Nevian c/
M. Garcia.
22. CE, 29 avr. 1983, n° 24909, SCI Le Clos de Cormelles.
23. CE, 13 juin 1980, n° 12319, SCI La Sablonnière : Rec. CE 1980, p. 276 ; AJPI
1980, p. 719, note F. Moderne ; JCP N 1980, II, p. 275, note F. Bouyssou.
24. CE, 16 févr. 1986, Lavarde : AJDA 1986, p. 270.
25. CE, 7 oct. 2013 n° 361934 : JurisData n° 2013-022140 ; Constr.-Urb. 2013,
comm. 168 et 169.
47
Dossier
limitée, et même peut être radicale, pourvu qu’il s’agisse véritablement d’une mise en concordance de la documentation du
lotissement avec la planification locale 26. On se souvient que
la mise en œuvre de cette procédure reste possible même après
l’échec de celle – volontaire – prévue par l’article L. 442-10 du
Code de l’urbanisme, ci-dessus 27.
Pour finir, on observera que, sans doute pour mieux légitimer
l’atteinte portée par la mise en concordance autoritaire du cadre
26. CE, 24 juill. 1981, Woll Brette ; Rec. CE 1981, p. 36.
27. CE, 31 janv. 1992, n° 72064, Copropriété Résidence du Château : JurisData
n° 1992-041329 ; Rec. CE 1992, tables. p. 1382 ; Gaz. Pal. 1992, 2, pan.
dr. adm. p. 129.
8
CONSTRUCTION - URBANISME - REVUE MENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - MAI 2014
de vie des colotis avec la loi d’urbanisme commune, le texte
ajoute que la procédure est justifiable
« au regard notamment de la densité maximale de construction résultant de l’application de l’ensemble des règles du
document d’urbanisme ».
Aucune disposition ne subordonne l’application du nouveau
texte à la parution d’un décret d’application. La nouvelle procédure de l’article L. 442-11 du Code de l’urbanisme est donc
applicable dès le 27 mars 2014. ê
Mots-Clés : Urbanisme - Loi ALUR - Lotissement
La réforme des droits de préemption en
matière d’urbanisme par la loi ALUR :
le changement dans la continuité
David GILLIG,
avocat associé, SELARL Soler-Couteaux/Llorens,
chargé d’enseignement à la faculté de droit de Strasbourg
Depuis la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985 relative à la définition et à la mise en œuvre de principes
d’aménagement, le régime juridique des droits de préemption en matière d’urbanisme n’a pas connu
d’évolution notable, sauf en ce qui concerne peut-être les finalités des droits de préemption et leurs champs
d’application matériel et géographique. Ce ne sont pourtant pas les occasions qui ont manqué. La loi ALUR,
qui comporte essentiellement des ajustements de nature technique, ne bouleverse pas l’architecture
actuelle de ces droits de préemption.
1 - Depuis plus de vingt ans, plusieurs propositions de réforme
ont visé à inscrire les droits de préemption « dans un meilleur
équilibre entre les prérogatives dont sont investies les collectivités territoriales et les garanties accordées aux parties à la transaction initiale » 1. Déjà en 1992, le Conseil d’État relevait que
l’utilisation des droits de préemption « est de plus en plus contestée, car ils représentent une atteinte mal comprise au droit de
disposer librement de son bien et ont engendré de nombreux
abus » 2. Il proposait notamment de réduire de deux à un mois,
le délai imparti au titulaire du droit de préemption pour opposer une irrecevabilité à une DIA, d’étendre la possibilité d’instituer le DPU à l’ensemble du territoire communal, dès lors que
ce droit est justifié au regard des objectifs du POS, ou encore de
supprimer la mention de l’identité de l’acquéreur dans le formulaire de DIA 3. Ces propositions n’ont pas eu d’écho particulier
au Parlement ou au Gouvernement. En 2006, ce dernier a
souhaité recueillir l’avis du Conseil d’État sur « l’évolution et la
1. CE, Le Droit de préemption : Doc. fr. 2008, p. 10.
2. CE, L’urbanisme : pour un droit plus efficace : Doc. fr. 1992, p. 127.
3. Rapp. préc., p. 143 et s.
48
pratique du droit de préemption urbain et sur les mesures qui
pourraient être mises en œuvre pour aboutir à une procédure
équilibrée permettant aux collectivités locales de faire face à
leurs besoins et à leurs obligations, notamment en matière de
construction de logements ; et assurant une garantie réelle des
droits des propriétaires et des habitants » 4. Dans son étude de
2007, le Conseil d’État conclut que le droit de préemption apparaît victime de plusieurs évolutions : d’une part, un désintérêt du
législateur à la cohérence de cet outil d’aménagement ; d’autre
part, le désemparement des élus qui y recourent de manière
abusive ; enfin, des pratiques déviantes. Il relève également que
la question de la compatibilité du régime des droits de préemption avec le droit européen mérite d’être posée 5. Fort de ces
constats, le Conseil d’État propose de « créer les bases d’une
législation de préemption qui soit ressentie comme plus juste,
c’est-à-dire dans laquelle un meilleur rapport de proportion
existe entre les fins d’intérêt général poursuivies, les prérogatives
de la puissance publique et les garanties apportées aux adminis4. Premier ministre, Lettre de mission, 31 juill. 2006.
5. CE, Le Droit de préemption : Doc. fr. 2008, p. 73.