Les chambres de compensation dans le transport public

Transcription

Les chambres de compensation dans le transport public
INSIGHT
LA LETTRE SIA PARTNERS
►LES CHAMBRES DE COMPENSATION DANS LE TRANSPORT PUBLIC
Au sein des grandes agglomérations, il arrive souvent que plusieurs opérateurs se partagent la gestion du transport
sous la supervision d’une ou plusieurs autorités organisatrices. Se pose alors la question de la facilité pour un usager
de voyager indifféremment sur la partie du réseau exploité par un opérateur ou un autre. Cette facilité dépend
essentiellement de l’interopérabilité des titres de transport, à savoir la possibilité d’utiliser un même titre de transport
quel que soit l’opérateur. Cette interopérabilité repose à la fois sur des aspects techniques, comme par exemple la
compatibilité des titres, mais également sur un ensemble de mécanismes de coopération entre opérateurs. Parmi ces
mécanismes, ceux liés à la collecte des revenus liés aux titres de transport et à leur répartition revêt une importance
particulière. Pour cela, les opérateurs de transport, à l’image de ce qui se fait dans le secteur bancaire, font parfois le
choix de recourir à des chambres de compensation (appelées aussi « clearing houses » en anglais). Ces chambres
peuvent prendre plusieurs formes et la manière d’organiser leur gouvernance ne fait pas forcément consensus entre
les parties prenantes. Quelles sont donc les spécificités des chambres de compensation dans le secteur du transport
public ? Quelles modèles de gouvernance existent ? Quelles perspectives existent pour de telles structures dans
l’avenir ? Vectrices de simplification, les chambres de compensation semblent promises à un bel avenir.
I/ Les chambres de compensation : organes de
simplification
Dans le domaine bancaire, une chambre de compensation
centralise les échanges financiers, calcule les différentiels
des montants dus entre l’ensemble des parties prenantes
et indique les compensations finales qui doivent être
menées. Cette centralisation permet d’éviter une
multiplication des échanges bilatéraux et simplifie
grandement les relations inter-opérateurs tout en
permettant une meilleure sécurité des échanges. Les
chambres de compensation contribuent donc à diminuer
les coûts de transaction.
Dans le transport public, une chambre de compensation,
s’appuyant sur les mêmes principes, peut être mise en
place dans le cadre de l’exploitation d’un système de
transport mutualisé entre différents opérateurs. Afin que
l’usager n’ait pas à se munir de titres de transport différents
au cours d’un même trajet, l’autorité organisatrice du
transport est souvent encline à exiger l’interopérabilité des
titres de transports. L’interopérabilité nécessite in fine
d’organiser la répartition des revenus, pour que les
encaissements ne se fassent pas en fonction du point
d’entrée de l’usager mais en fonction du trajet effectué.
Structurer, collecter et allouer les flux financiers relatifs aux
parcours de transport sont donc les objectifs principaux des
chambres de compensation. Cependant, le champ d’action
de ces chambres peut varier grandement, en fonction des
pouvoirs qui lui sont conférés. On distingue ainsi trois
grands types de chambres de compensation.
Figure 1 : La chambre de compensation ne gère que des
flux d’informations
La chambre de compensation comme organe central
de l’allocation financière
Ce second type s’inscrit dans une logique inverse au
premier. Il s’agit de confier à la chambre de compensation
la centralisation de l’ensemble des flux financiers ainsi que
la gestion de l’ensemble des flux d’informations relatifs à
l’utilisation du réseau. Par la suite, la chambre est chargée
du calcul et de l’allocation des montants aux opérateurs en
fonction de ces informations d’utilisation du réseau. Ce
type de chambre demande une forte intégration et
nécessite une coopération accrue entre les opérateurs,
notamment au travers de systèmes mutualisés de collecte
des montants des titres de transport pour unifier la
remontée des flux financiers au sein de la chambre de
compensation.
La chambre de compensation comme simple outil
d’information financière
La chambre de compensation enregistre les différentes
transactions, et calcule en fin de séance le différentiel entre
les montants reçus et perçus entre les différents opérateurs
et les montants à régulariser. La chambre ne gère donc
que les flux d’informations et laisse aux opérateurs la
souveraineté de la gestion des flux financiers. Le point
handicapant de ce système est qu’il ne permet pas de
diminuer le nombre de transactions financières en cours de
séance, mais constitue une aide précieuse dans la
détermination du solde final.
Figure 2 : La chambre de compensation centralise les flux
financiers
1
www.sia-partners.com
S i a
Pa r t n e r s

C u l t i v e z
v o t r e
2
e s p r i t
eme
trimestre 2014
d ’ i n d é p e n d a n c e
INSIGHT
LA LETTRE SIA PARTNERS
La chambre de compensation comme dispensateur
final
système ne favorise pas la coopération entre eux,
notamment sur les aspects de mutualisation de
l’infrastructure de systèmes de tarification, notamment pour
remonter et de consolider les flux financiers.
Ce troisième type de chambre de compensation est une
structure hybride. Les opérateurs collectent les paiements
de titres de transport. La chambre de compensation
centralise dans un premier temps l’ensemble des flux
d’informations liés à l’utilisation du réseau. En fonction de
ces données, la chambre calcule et centralise les flux
financiers liés aux compensations nécessaires en fonction
des montants collectés par chacun. Si un opérateur est en
position de débiteur, il règle un différentiel à la chambre de
compensation. Si un opérateur est en position de créditeur,
il reçoit une compensation de la part de la chambre. Ce
système permet de se dispenser d’un système de collecte
intégré des achats de titres de transport entre les différents
opérateurs et simplifie les échanges entre l’ensemble des
opérateurs : ces derniers n’ont plus qu’un seul
interlocuteur, la chambre de compensation, qui leur indique
si leur position est créditrice ou débitrice.
La gouvernance de la chambre de compensation par
une alliance d’opérateurs
Ce modèle met l’accent sur une gestion mutualisée entre
les opérateurs de transport, sans participation des autorités
organisatrices. Les bénéfices attendus est une meilleure
coopération entre ces derniers. Mais cela fait peser des
interrogations sur le niveau de transparence de la
chambre, les autorités organisatrices n’ayant plus de
véritable
visibilité
sur
le
fonctionnement
des
compensations.
La gouvernance de la chambre par un groupement de
collectivités et d’opérateurs
Dans ce modèle, opérateurs et collectivités sont associés.
Cette participation commune permet de dépasser les
limites des modèles précédents. La coopération est
favorisée au travers de l’implication des opérateurs et une
transparence minimum est assurée au travers de
l’implication des collectivités à la gouvernance.
Au final, à l’image du niveau d’interopérabilité en place, la
gouvernance de la chambre de compensation doit refléter
dans sa composition le niveau d’intégration des acteurs du
système, mais aussi traduire les orientations voulues pour
la gestion des flux financiers : l’accent doit-il être mis sur la
transparence du système, ou sur la coopération entre
acteurs ?
Figure 3 : La chambre de compensation au cœur du
mécanisme de compensation
III/ Les principaux enseignements du développement
des chambres de compensation dans le transport
public.
Les rôles et responsabilités attribués aux chambres de
compensation dans le transport public varient en fonction
des principaux objectifs qui leur sont associés : doiventelles centraliser les flux financiers, ou doivent-elles
simplement traiter l’information financière ? Au-delà de la
typologie retenue, le modèle de gouvernance mis en place
influe également sur la gestion inter-opérateurs.
Mettre en place une chambre de compensation peut être
un exercice relativement complexe et couteux. Au-delà de
requérir une forte volonté de la part des autorités
organisatrices, il faut être capable d’un point de vue
technologique de mettre en place un système
d’informations si ce n’est commun tout du moins
compatible entre les différents opérateurs. Par ailleurs,
d’un point de vue financier, il faut que le système à
déployer ne soit pas trop couteux, afin que l’intérêt
économique soit maintenu.
II/ Les modèles de gouvernance des chambres de
compensation dans le transport public
Dans le domaine du transport public, la manière
d’organiser
la
gouvernance
des
chambres
de
compensation influe notamment sur le degré des synergies
possibles entre opérateurs, et le niveau de contrôle des
autorités organisatrices sur la structure en place.
Mettre en œuvre des systèmes d’informations compatibles
ou mutualisés facilite la mise en place des chambres de
compensation. Plus l’information transite aisément entre
les différents systèmes, utilisant les mêmes référentiels de
données, plus il est facile de consolider les informations et
organiser les compensations financières. Ainsi, certaines
métropoles, à l’instar d’Oslo, ont elles choisi de
standardiser les systèmes de tarification entre les différents
opérateurs : l’ensemble des données liées à l’utilisation du
réseau, mais également les données financières,
remontent de manière uniforme au sein de la chambre de
Une gouvernance de la chambre de compensation par
une alliance de collectivités.
La chambre de compensation est pilotée par les
collectivités, sans participation des opérateurs de transport.
Ce modèle permet aux régulateurs d’avoir un contrôle total
sur la manière d’allouer les revenus. Elle garantit donc
l’impartialité du traitement des opérations financières. A
l’inverse, l’absence d’implication des opérateurs dans le
2
www.sia-partners.com
S i a
Pa r t n e r s

C u l t i v e z
v o t r e
2
e s p r i t
eme
trimestre 2014
d ’ i n d é p e n d a n c e
INSIGHT
LA LETTRE SIA PARTNERS
lors, plus rien ne semble s’opposer à la mise en place
d’une structure telle que la chambre de compensation.
compensation. Pour cela, il a fallu mettre en place une
infrastructure SI robuste, capable de gérer les millions de
données transports générées chaque jour. Il a fallu
également être capable de prendre en charge les
particularités liées à chacun des systèmes d’informations
des opérateurs. Ces deux problématiques, robustesse et
convergence, ont pu être plus facilement adressées grâce
à l’essor technologique : de nouveaux composants, de
nouvelles infrastructures, mais aussi de nouvelles solutions
se sont développées. Cela a permis de diminuer les coûts
d’acquisition associés.
Ces technologies, notamment le NFC, ouvrent également
la voie à la multiplication des usages en dehors du
domaine du transport. Les smartphones équipés de ces
technologies, en plus de prendre en charge les titres de
transport, peuvent également servir de moyens de
paiement pour de multiples autres usages : achats en
commerce de proximité, achats de services (ex : tickets de
cinéma,…). Par voie de conséquence, les transactions et
les flux financiers à gérer impliquent beaucoup plus
d’acteurs au-delà du périmètre du secteur du transport
public. La chambre de compensation aurait ainsi d’autres
types de transactions à gérer, comme c’est déjà le cas
dans des métropoles comme Séoul ou Singapour.
En particulier l’essor des systèmes billettiques facilite la
mise en place des chambres de compensation. La
billettique est une forme particulière de billetterie,
matérialisée sur un support électronique (souvent une carte
à puce), permettant un stockage groupé et sécurisé des
titres de transport. La mise en place d’un système
billettique est l’occasion d’harmoniser la remontée des
données de transport et d’établir un langage commun
facilitant l’interopérabilité. Ces systèmes constituent donc
un terreau fertile pour la mise en place d’une chambre de
compensation. Or, comme ces solutions billettiques ont
tendance à se développer au sein des grandes métropoles,
le recours aux chambres de compensation devrait se
généraliser.
Conclusion
Dans le transport public, les chambres de compensation
constituent donc un outil précieux pour simplifier les
transactions financières entre plusieurs opérateurs de
transport public. Plusieurs modèles de gouvernance et de
gestion existent et l’organisation type à retenir doit se faire
selon les orientations stratégiques et opérationnelles des
autorités organisatrices du transport en concertation avec
les opérateurs. Portés par l’essor technologique,
notamment au travers des supports billettiques et la
technologie NFC, les chambres de compensation devraient
devenir des acteurs incontournables pour assurer
l’efficience de la gestion du transport public.
Autre tendance : l’émergence des technologies NFC, qui
réduisent le coût de la numérisation des données transport,
augmente l’intérêt économique de consolider les données.
Nul doute que l’expansion de ces nouveaux types de
support favorisera l’établissement de normes communes
entre opérateurs, et facilitera l’échange des données. Dès
 Plus d’infos sur www.sia-partners.com
Si vous souhaitez nous faire part de vos commentaires ou vous abonner, contactez-nous : [email protected]
I N S I G H T est édité par Sia Partners  SAS au capital de 200.000 euros  RCS Paris B 423 507 730
18 boulevard Montmartre  75009 Paris  Tel : 01 42 77 76 17  Fax : 01 42 77 76 16  Web : www.sia-partners.com
Directeur de la publication : Matthieu Courtecuisse
3
www.sia-partners.com
S i a
Pa r t n e r s

C u l t i v e z
v o t r e
2
e s p r i t
eme
trimestre 2014
d ’ i n d é p e n d a n c e