Ce Kata de karaté, composé de 10 séries, a été créé en 1974, dans
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Ce Kata de karaté, composé de 10 séries, a été créé en 1974, dans
Ce Kata de karaté, composé de 10 séries, a été créé en 1974, dans le cadre du "Centre Rhénan Budo" (qui devint par la suite "Centre de Recherche Budo"), dans une approche classique de la discipline et sur des bases techniques du Shotokan, du Wado-ryu et, à moindre degré, du Goju-ryu. Le but étant à la fois : - de disposer d'un outil de progression qui pouvait être commun à des pratiquants de styles (et de langues) différents. - d'introduire un nouveau concept de Kata exécuté avec l'aide d'un partenaire, qui est à la fois Tori et Uke lors d'un même échange, et responsable à part égale du déroulement harmonieux de l'ensemble (qui reste toujours plus "Kata" que "Kumite"). Ces 10 séries reposent techniquement sur des échanges entre partenaires issus de diverses écoles classiques et mentalement sur une réelle progression mutuelle et la non sacralisation de l’ego, contrairement aux Kata classiques (séquences en solo) où une telle dérive apparaît trop souvent. Une variante portant sur plusieurs séries de ce Kata a été introduite en 2007 pour en permettre l'exécution dans l'esprit comme dans la forme à des pratiquants rencontrant des difficultés dans certaines techniques de jambe de la forme Shotokan (en réalité un problème qui n'est pas toujours propre à des pratiquants plus âgés). Dans l'une comme dans l'autre de ses deux formes d'exécution, ces Kumite-katas (*) (Kumite-no-kata), déjà "anciens" (Koryu), continuent d'être enseignés et pratiqués dans les dojos du "Centre de Recherche Budo-Institut Tengu", et sa maîtrise fait partie des tests d'évaluation lors des passages de grades organisés par l'école (Ryu), dès ceux de Shoshi-ho (1er dan Tengu). L'idée centrale de la "Voie Tengu" (Tengu-no-michi), celle de « ne pas se battre, ne pas subir », était d'ailleurs déjà fortement présente dans ces séquences, réels échanges techniques et mentaux, entre Uke et Tori ! (*) Au cours du temps, depuis 1974, l'habitude fut prise, à tort, de parler "des Kumite-katas" (avec un pluriel à la française) pour évoquer les "10 séries du Kumite-kata"... Voici cette dérive rectifiée. Par ailleurs : dans les textes de ce document le mot "Kata" peut apparaître soit avec majuscule (et jamais au pluriel), lorsque l'accent est mis sur son sens japonais, soit avec le pluriel "katas" si le descriptif est fait à la française. Pour une Tradition vivante Avant-propos rédigés par Sensei Habersetzer en septembre 1995 à l'occasion de la publication des Kumite-katas, en un fascicule interne à l'association "Centre de Recherche Budo - Institut Tengu". J'ai très vite pensé, et il y a déjà longtemps, qu'il existait quantité de façons, dans une vie, d'être en quête du meilleur qui peut exister en l'homme. De se mettre en route sur ce que nous, pratiquants d'arts martiaux, appelons "Do" ou "Michi", la "Voie", le chemin qui, en exigeant sans cesse de nous le dépassement de notre être "primitif" doit nous mener à l'état d'être "véritable". Comme vous, j'ai un jour choisi de faire confiance à la voie traditionnelle des arts martiaux de l’Extrême-Orient pour assouvir ce que l'on peut définir comme un "besoin de perfectionnement". Parce qu'elle m'a paru le mieux répondre à la fois à mon tempérament et à toutes ces questions que je me posais à mesure que je sentais l'énergie vitale grandir en moi. Elle m'a déjà donné beaucoup de réponses et, je le sais déjà, m'en donnera d'autres encore. Cette Voie ne prend jamais fin. Seul le temps du cheminement nous y est mesuré. Ce qui ne dépend pas de nous. Mais d'autres l'emprunteront après nous, avec la même sincérité et la même humilité. Heurté par l'inévitable évolution sportive des arts martiaux, notamment du Karaté (on a perdu très vite la qualification de "Karate-do") et par la pratique effrénée de la compétition, qui m'est apparue être en soi la négation même de l'esprit de l'enseignement traditionnel (qui vise à construire l'homme, non à le détruire gratuitement, dès lors que le besoin de survie n'est pas réellement en jeu), déçu par l'incapacité de nombre de chefs de file (y compris japonais) à rectifier les dérives avec tout le poids qu'aurait pourtant pu leur donner leur autorité en ces temps pionniers, outré par les faux-semblants et les discours trompeurs de tous ceux qui n'ont jamais vu dans la Voie qu'un alibi pour satisfaire leur ego, j'ai voulu dire, à travers de nombreux écrits, que l'esprit de la Tradition ne souffrait pas d'être accommodé avec des arrangements faciles. La Tradition est un tissu éducatif fait de l'humus culturel accumulé de génération en génération. Elle est d'Orient comme d'Occident, du Nord comme du Sud. Sa préciosité réside dans le fait qu'il suffit de savoir la respirer pour se sentir au diapason de cette sorte de vibration universelle qui a été celle de tous les hommes de tous les temps en quête de l'Essentiel. Avec les perceptions et les moyens de leurs époques respectives. Faisons de même. Respirons, vibrons, découvrons à notre tour, puis transmettons pour enrichir à notre manière cet humus dans lequel d'autres viendront puiser pour aller encore plus loin. La Tradition est un corps vivant : elle s'atrophie et disparaît un jour si l'on ne fait que s'en nourrir pour le seul plaisir du "moi" superficiel. Elle devient alors sans intérêt pour le devenir de la collectivité. Elle devient folklore vide de sens et n'a plus rien à voir avec l'esprit de la "Voie". Il me semble que notre siècle, qui a certes vu tant de guerres et qui n'est toujours pas à l'abri d'autres conflits, mais qui se targue d'avoir hissé l'humanité à un niveau culturel et social jusque-là inégalé, grâce notamment à une technologie qui ne cesse de rétrécir l'espace et le temps, pouvait de quantité de manières enrichir à son tour ce dont il s'est largement nourri pour être ce qu'il est. Qu'il le devait. Que chacun de nous le devait, avec ses moyens et à son niveau. Parce que c'est ainsi que l'on progresse et que la vie a un sens. C'est ce que j'ai essayé de faire à mon tour dès lors que j'ai compris qu'au-delà des techniques, et par le biais des techniques, l'esprit de l'art martial traditionnel, fait de violence et de paix, devait survivre dans un monde tant de fois novateur par ailleurs. Je peux me tromper. J'aurai du moins essayé de donner corps à une conviction profonde. Très fort. Depuis longtemps. C'est dans cet esprit que j'ai composé en 1974, en même temps que je rompais avec le comportement des groupes et fédérations qui ne voyaient plus dans le Karatedo qu'un sport, un Kata classique dans ses techniques mais quelque peu moderne dans son esprit, différent de celui des Kaisho-katas, traditionnels. I1 s'agit plus exactement de 10 séries de mouvements, qui ont fini par être appelées les "10 Kumite-katas", que j'ai depuis démontrés et enseignés dans de très nombreux pays et jusqu'au Japon, mais qui constituent en fait un Kata unique. "Kata" parce qu'il s'agit d'une "forme-mère" transmettant des techniques issues de trois grands styles (Shotokan, Wado-ryu, Goju-ryu), "Kumite" parce que c'est un combat dans lequel Tori et Uke entrent réellement en contact et où attitudes et comportements découlent réellement de l'effet de contact physique et de la notion de distance. Je n'ai pas voulu codifier pour le plaisir de codifier, ou donner dans le spectaculaire. Le sens des 10 Kumite-katas est ailleurs : j'ai voulu marquer mon respect pour les maîtres d'antan, en empruntant fidèlement leurs techniques, en même temps qu'introduire un esprit de tolérance et de respect mutuel afin que les pratiquants de différents styles s'entraînent ensemble, sans préjugés, sur le même chemin. Enfin, et peut-être surtout, j'ai pensé qu'il ne fallait pas donner une importance exagérée à l'entraînement du "moi" à travers cet alibi qu'est trop souvent le Kata que l'on exécute seul, face à un jury ou un public qui juge ou applaudit à la performance. Point n'est besoin de rajouter à la vanité naturelle de l'homme... Les séries de mon Kumite-kata sont une incitation constante à progresser "ensemble" avec un partenaire et non un adversaire, dans des échanges où, certes, l'un "gagne" et l'autre "perd", mais seulement aux yeux de ceux qui les voient évoluer de l'extérieur (ce qui est sans importance...). Tori et Uke savent que rien n'est possible sans accord mutuel et que leur Kata ne sera valable que si chacun d'eux entre dans le rythme de l'autre et que si leurs sensations se rejoignent. Un Kata est trop souvent l'occasion de briller et de paraître. Le Kumite-kata est un rappel à l'ordre : être est bien plus important que paraître. Et on ne peut être en refusant l'existence des autres. Le Kumite-kata est une façon d'aller vers l'autre, d'apprendre avec lui la paix à travers la violence apparente, première. Il est langage et lieu de rencontre. Il est école de vie et de coexistence. Il résume l'enseignement que j'essaie de transmettre dans le cadre des dojos de mon "Centre de Recherche Budo". Il constitue ma modeste tentative de nourrir à mon tour la Tradition. Le Do-jo, ce "lieu où souffle l'esprit de la Voie" doit rassembler pour qu'on y fasse chemin ensemble, vraiment. Je suis persuadé qu'il faut, par tous les moyens et sans relâche, rappeler aux hommes qu'il leur faut gagner leur avenir. C'est là loin d'être acquis. J'ai trop peur pour les générations à venir qu'à force d'avoir été incités à gagner toujours seuls, les uns contre les autres, pour la plus grande gloire éphémère de leur ego, les hommes et les femmes de demain ne verront que trop tard qu'ils se sont ainsi eux-mêmes programmés à perdre collectivement. Le message de tout art martial véritable est pourtant clair et inchangé depuis des siècles : vaincre, c'est d'abord se vaincre soi-même... Comprenez cette clé de sagesse, aujourd'hui et demain encore, en étudiant sans cesse ces dix Kumite-katas du "Centre de Recherche Budo". Bon courage, et bonne route.