Forces et contraintes perçues au moment de l`émergence des

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Forces et contraintes perçues au moment de l`émergence des
1 Cahier 22
Forces et contraintes perçues
au moment de l’émergence des
collaborations Université du Québec en
Outaouais avec des institutions
mauriciennnes
Partie 1 :
Profil social et épidémiologique de Maurice
Francine Major, inf., M.Sc., Ph.D. (c)
Août 2010 2 Silence is the ocean river in which all the rivers of all the religions discharge themselves. Thayumanuvar 3 A Nirlma ek Sweety, mo tifi a Moris
4 Table des matières Introduction 1
Description de la collectivité 1.1
1.2
1.3
2
Sources d’information Description générale Description de la population Profil social 2.1
2.2
2.3
2.4
2.5
2.6
2.7
2.8
2.9
2.10
2.11
2.12
2.13
2.14
La composition de la population Les langues et les cultures Les religions Les systèmes politique et juridique L’économie La pauvreté Le logement La famille L’éducation Le mode de vie La sécurité La mentalité Les ONG (organisations non gouvernementales) Les principales problématiques de santé sociale 2.14.1 La santé mentale 2.14.2 Le tabagisme 2.14.3 Le VIH‐Sida et problèmes reliés 2.14.4 Le contrôle démographique 2.15 Le système de santé 3
Profil épidémiologique 4
Profil comportemental et environnemental 5
Bilan des forces et des contraintes à Maurice Conclusion Bibliographie 5 Introduction Tout commence bien simplement. Une rencontre fortuite : « Pouvez‐vous nous aider à former des infirmières dont le diplôme sera reconnu internationalement? » « Où? » « À Maurice ». Moi qui suis bonne en géographie, j’ignorais même le nom de ce pays. Encore moins sa position sur la planète. Brèves recherches. Pour faire des découvertes surprenantes : un pays à la nation arc‐en‐ciel, aux clichés historiques de Paul et Virginie de Bernardin de St‐Pierre, du Dodo éteint et de l’île Paradis, jusqu’aux visions d’un leadership africain fondé sur une démocratie vivante et une économie en essor. Sans négliger la constance des paradoxes comme celui de la liberté de presse (sous pression quand même!) et du possible renvoi de son poste de travail pour un seul mot de travers. Au fil du temps, depuis novembre 2002, j’ai développé, comme bien d’autres, un intérêt qui s’est transformé en passion pour ce pays et surtout pour les Mauriciens. En général, les gens qui vont en visite à Maurice ne songent qu’à y revenir un jour. Il m’a fallu attendre plus de 5 ans avant d’y mettre pied. J’ai fait un séjour de 7 semaines en 2008 et de 5 semaines en 2010. Je découvre un nouvel aspect de Maurice chaque semaine et je suis toujours intriguée par la diversité et les subtilités des relations sociales de ses habitants. J’ai produit ce document dans le but d’aider toute personne qui s’y rendra, étudiant, personne chargée de cours, professeur, à mieux appréhender le pays, ses habitants et leurs façons de vivre. Je remercie les étudiantes Audrey‐Anne Cusson, Véronique Bonin, Caroline Huot, Mélanie Fortin, Geneviève Temblay‐Cloutier, Nadia De Grandpré et Sophie Tijanic‐
Lafitte pour le partage de certains contenus de leurs travaux. Bienvenue aux confins de l’Afrique, de l’Europe et de l’Asie. L’envers de la carte postale. 6 1. Description de la collectivité Les forces et les contraintes à Maurice sont nombreuses, variées, subtiles alors qu’il est facile d’avoir un biais réducteur ou amplificateur pour un profane et même pour un citoyen mauricien. Je suis donc consciente de mes limites à décrire ces forces et contraintes de façon à rendre justice au pays et à ses habitants. Il peut sembler que certaines descriptions sont sans complaisance, surtout parce que l’auteure n’est pas mauricienne; qu’il suffise au lecteur de savoir que les faits rapportés dans ce document sont du domaine public et ne feront pas sursauter un mauricien, même si la réalité peut être difficile. Si pour le touriste, Maurice est une île paradis, nous avons souvent entendu des mauriciens affirmer : « Bienvenue en enfer! » Entre le paradis des touristes et l’enfer des pauvres miséreux, Maurice est un pays arc‐en‐ciel de métissages avec toutes les nuances de terroirs, d’appartenances, d’alliances, de mythologies. Afin de donner une structure à cette description, j’ai choisi d’utiliser le modèle de PRECEDE‐
PROCEED de Green et Kreuter (1991), précisément la première partie, soit PRECEDE. 1.1 Sources d’information Les sources d’information du présent rapport sont les suivantes : les documents des différents ministères du gouvernement mauricien qui sont disponibles en ligne, des articles de journaux disponibles en ligne entre 2003 et 2010 (principalement Le Mauricien, L’Express, Le Week‐End mais également Le Matinal, DéfiMédia et RadioMoris), des volumes généraux et des livres d’auteurs mauriciens reconnus, et pour certaines parties, les travaux des étudiantes du cours et du stage Groupes et collectivités. Enfin, des entretiens et des vécus au quotidien avec des canadiens d’origine mauricienne, des mauriciens provenant de toutes les origines ethniques et religieuses que j’ai rencontrés au cours de mes deux séjours totalisant 12 semaines en 2008 et 2010 constituent d’autres sources tirées de ma mémoire et de mes notes personnelles. 1.2 Description générale Maurice est un pays africain, à l’est de Madagascar et constitue avec Rodrigues et plusieurs autres petits archipels tels Agalega, les Chagos et Tromelin, la République de Maurice. Autrefois appelé « île de France » lors de la colonisation française, Maurice est une île du sud‐
ouest de l'Océan Indien. Située au cœur de l'archipel des Mascareignes, entre l’île de la Réunion (Département français, aussi appelée l’île soeur) au sud‐ouest et l'île Rodrigues à l'est. 7 nt, elle couvre une superfficie de 1 866
6 km² et messure dans sess plus grandees Géogrraphiquemen
dimen
nsions 65 km de longueur et 45 km de largeur. Issuee de l’activité volcanique o
océanique, l’île est plutôt plate et elle possèdee un relief peu
u accidenté, m
mises à part ttrois chaînes de montagnees de la population. et un plateau. C’esst sur ce dernier qu’habite la majorité d
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L’île bénéfficie d’un clim
mat tropical avec plus de p
pluie en été (de novembree à avril) qu’een hiver (mai à octob
bre). En été, lees pluies sont généralemeent d’intensité torrentiellee et créent dees dations par en
ndroit. De plus, le pays esst dans une zzone cycloniq
que tropicale. Des cyclonees inond
peuveent se forme
er durant les mois les plus p
chauds, de décemb
bre à mars. Le climat esst générralement chaud, entre 27 et 37 °C en été, avec unee humidité de plus de 80%
%. En hiver, le climatt est tempéré
é, entre 15 et 28 ° C; les ttempératuress les plus froides sont obsservées sur lees plateaaux le long des d villes priincipales (enttre Port‐Louiis, la capitalee située au nord‐ouest, n
e
et Curep
pipe, au centrre du pays). Tout le litttoral est occu
upé par de petits villages et par des in
nstallations hôtelières. Prèès de 50
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n. Maurice esst consid
déré comme une île parad
dis et de par ses installatio
ons d’hébergement, est une destinatio
on 8 touristique de choix pour les amants du soleil et des plages sablonneuses, du golf. L’île reçoit près de 1 million de touristes par an. La clientèle visée est surtout formée de gens aisés et du jet set européen. La clientèle aisée provenant de l’Inde et de la Chine est ciblée pour les prochaines années. 1.3 Description de la population Le recensement de la population totale de l’île en 2009 fait état de 1 284 264 habitants, ce qui représente en moyenne 688,24 habitants par kilomètre carré, une des plus fortes densités au monde. Les autorités divisent les catégories d’âge ainsi : • 0‐14 ans: 22.5%; 15‐64 ans : 70.4%; 65 ans et plus: 7.1%; âge moyen : 31.9 ans. La majorité de la population, environ 1 million, vit dans les villes du plateau central le long d’une bande ayant quelques kilomètres de largeur et s’étendant sur une quarantaine de kilomètres entre Port‐Louis et Mahébourg. On peut comparer cette bande à la ville de Gatineau mais où quatre fois plus d’habitants y résident dans de nombreuses villes et faubourgs. La société mauricienne se particularise, sans doute, par sa diversité ethnique, religieuse et linguistique à l’intérieur d’un si petit territoire. Les particularités sociales du pays seront élaborées dans le profil social. L’île fut, au cours de son histoire, sous trois occupations différentes soit hollandaise, française et britannique. Les néerlandais furent les premiers à s’approprier l’île en 1516 pour y exploiter les ressources forestières d’ébène et y introduire la canne à sucre. C’est d’ailleurs au prince de Hollande Mauritius Van Nassau que l’île doit son nom. Les français en prirent possession en 1715 suite à l’abandon de l’île par les Hollandais et la cédèrent officiellement à l’Angleterre en 1814 selon les clauses du traité de Paris mettant fin aux rivalités franco‐
britanniques après la défaite de Napoléon 1er. L’île a été une escale stratégique pour le transport maritime entre l’Asie et l’Europe jusqu’à l’avènement du canal de Suez. D’où l’intérêt d’y avoir une base solide pour le ravitaillement et la réparation des navires. L’abolition de l’esclavage aux alentours des années 1830 a forcé les propriétaires terriens à « engager » sous contrat une main d’œuvre d’immigrants dont les conditions de travail et de vie se démarquaient à peine de celles reliées à l’esclavage. Depuis l’indépendance vis‐à‐vis l’empire britannique en 1968, l’économie du pays s’est promptement développée, en grande partie parce qu’elle a bénéficié des accords privilégiés avec la Grande‐Bretagne et l’Europe sur le prix du sucre. L’économie est basée sur trois secteurs : la culture et l’exportation du sucre, l’établissement d’industries manufacturières textiles et l’industrie touristique. Les deux premiers secteurs étant en déclin (les accords sur le prix du sucre sont venus à échéance en septembre 2009, avec une baisse de 36% du prix du 9 sucre), le pays développe des services d’externalisation (outsourcing) en finance, en technologies de l’information et des communications, des services d’investissement immobilier résidentiel pour étrangers (integrated resort scheme), le tourisme médical, l’industrie de la transformation du poisson (food hub) et le développement des savoirs (dit knowledge hub). La monnaie du pays est la Roupie mauricienne, fortement tributaire de l’euro. La valeur de la Roupie oscille entre Rs 25 et Rs 30 pour un dollar canadien. 2. Profil social Le profil social de Maurice est décrit à partir de thèmes arbitraires et il comprend la composition de la population, les langues et les cultures, les religions, l’économie, le logement, la famille, le mode de vie (l’exercice, l’eau et l’électricité, les magasins, le transport, la corruption, la hiérarchie sociale), la sécurité, la mentalité, les organisations non gouvernementales, les principales problématiques de santé sociale et le système de santé. 2.1 La composition de la population La société mauricienne est l’aboutissement d’immigrations massives. Les descendants de l’oligarchie franco‐mauricienne et anglo‐mauricienne forment une petite minorité très discrète mais puissante économiquement et financièrement. En général, le mot créole fait référence aux habitants qui sont nés dans une île, y compris les descendants des blancs. Plusieurs nuances sont rattachées à ce mot aujourd’hui. À Maurice, le mot créole désigne les descendants des noirs d’origine africaine. Alors que le kréol morisyen désigne la langue parlée par tous les habitants. Les descendants métis (ancien mot : mulâtres) des colons français et anglais et certains Indiens (dits white creoles) de Pondichéry (île au sud de l’Inde, ancien protectorat français) ainsi que les descendants des esclaves africains (dits colored creoles) habitent l’île avec les indo‐mauriciens (originaire de l’Inde) et les sino‐mauriciens (originaires de la Chine) dans une harmonie apparente mais toute relative. Le communautarisme socio‐
politique et religieux (c'est‐à‐dire l’offre de privilèges selon l’appartenance religieuse ou politique ou sociale) reste très ancré chez les mauriciens et il teinte toute la vie sociale, souvent de façon inconsciente. Cependant, une conscience d’être avant tout « mauricien » tend à s’affirmer de plus en plus auprès de la nation arc‐en‐ciel. 10 2.2 Les langues et les cultures La diversité ethnique et culturelle explique la pluralité des langues parlées et les nombreuses coutumes. Le créole mauricien est issu d’un français appris oralement alors que la population esclave ou engagée n’était pas autorisée à parler leur langue d’origine ni à l’enseigner à leurs enfants. C’est la langue la plus répandue (plus de 80%). Le français est compris par la majorité des habitants et il est utilisé avec les étrangers dans les villes et les villages, et pour les affaires. Quant à l’anglais, qui est la langue officielle du pays et qui est utilisée par l’administration pour toute correspondance officielle, elle est une langue très peu parlée par la population (moins de 1%). C’est ainsi qu’au cours des dernières élections en 2010, des observateurs étrangers du processus électoral ont dû se fier aux dires des politiciens eux‐
mêmes car étant d’Afrique du Sud, ils ne pouvaient comprendre les discours et les échanges verbaux en kréol ni ceux écrits car les articles de journaux sont écrits presque entièrement en français avec des citations en kréol et quelques articles en anglais. En fait, les journaux, la radio et la télévision sont trilingues au minimum, avec une nette prépondérance du français. À la télé, si vous manquez les informations en français, il est possible de les écouter soit en anglais, soit en kréol et aussi en hindi et en bhojpouri. Les émissions d’une même chaîne peuvent être dans une ou plusieurs langues. Les animateurs passent d’une langue à l’autre dans les échanges verbaux en studio ou encore il y a des sous‐
titres. Les débats au parlement sont largement reproduits au moment des informations télévisées, mais comme ils se déroulent presque exclusivement en anglais, ils sont sous‐titrés en français! Les panneaux publicitaires sont dans une, deux ou trois langues!! Le kréol est essentiellement une langue parlée et chantée alors que des efforts sont faits pour sa promotion dans la littérature écrite. Les mauriciens ont de la difficulté à lire le kréol car la graphie est récente et n’est pas encore enseignée dans les écoles. À titre d’illustration, en 2010, un enseignant au primaire a à sa disposition des volumes en anglais, il écrit au tableau en anglais alors que simultanément il s’adresse aux enfants en français et en kréol pour donner des explications tout en reprenant les mots‐clés en anglais dans ses échanges avec les élèves. Ces derniers doivent écrire en anglais mais ils ont de la difficulté à le lire, davantage encore à le comprendre lorsque entendu. Évidemment ils ne le parlent pas. Tous les examens sont en anglais et la réussite du Certificat d’études primaires sanctionne l’accès au collège (secondaire) alors que les résultats déterminent la qualité du collège dans lequel l’élève pourra être admis. Le résultat est évident : tous peuvent se débrouiller dans plusieurs langues et ce, dès leur plus jeune âge. Par contre, il y a très peu de personnes qui peuvent s’exprimer correctement dans une langue ou l’autre, tant à l’oral qu’à l’écrit. Plusieurs autres langues sont également parlées dont le bhojpuri (12%), une langue orale dérivée de plusieurs langues indiennes. D’autres langues sont enseignées en option dès la 11 première année du primaire telles que certaines langues indiennes (hindi, télégou, ourdou, tamoul), l’arabe et le mandarin (et en janvier 2011, le kréol morisyen et le bhojpuri). Toutes ces cultures ont leurs poètes et écrivains célèbres, leurs chanteurs populaires. À l’université, l’anglais est la langue d’enseignement mais les explications sont données en créole mauricien ou en français s’il n’y a pas d’objections soulevées par les étudiants. Pour ce qui est du français parlé, les mauriciens disent mieux comprendre notre accent québécois que celui des Français! Les Créoles sont d’origine africaine, surtout de Madagascar et des pays de l’est, dont la Tanzanie et le Mozambique. Ils ont leur culture propre qui est très vivante avec une communauté artistique bien en vue et un festival créole très fréquenté. Le sega est la musique et la danse du pays, tous ont ce rythme dans la peau dès leur plus jeune âge. Le seggae, un mélange de sega et de reggae qui a été popularisé par le chanteur Kaya, est entendu partout sur les ondes. Kaya est mort en 1999, en prison, dans des circonstances nébuleuses qui ont entraîné de nombreuses émeutes. Il demeure une idole de la communauté créole. L’histoire particulière de la colonisation fait en sorte qu’aujourd’hui Maurice est une société plurielle, tant par les différentes ethnies que les religions et langues qu’elle abrite. Migration et composition culturelle à Maurice Composition ethnique Indo‐Mauriciens Créoles Sino‐Mauriciens Franco et Anglo‐Mauriciens Religions Hindouisme Église catholique romaine Autres chrétiens Islam Autres Non‐spécifié Aucune Composition linguistique Créole Bhojpuri Français Anglais (officiel) Autres Non‐spécifié (CIA The World Factbook) 68 % 27 % 3 % 2 % 48,0 % 23,6 % 8,6 % 16,6 % 2,5 % 0,3 % 0,4 % 80,5 % 12,1 % 3,4 % < 1 % 3,7 % 0,3 % 12 2.3 Les religions Au temps de l’esclavage et de l’engagisme (indentured), soit jusque dans les années 1910, les propriétaires terriens – les planteurs‐‐ interdisaient aux créoles et aux indiens de pratiquer leur religion et les forçaient à se convertir. Sans grand succès apparemment. Dans le Maurice moderne, il n’y a pas d’extrémisme religieux. Par contre, toutes les tendances et tous les syncrétismes s’y retrouvent. Une famille hindoue peut participer aux fêtes commémorant la mort du saint catholique vénéré par tous, le Père Laval, au début de septembre; une famille chrétienne participera avec ses voisins hindous à la Fête de Diwali en octobre ou novembre. Un hindou pourra être accueilli par une communauté musulmane soufie (orientation contemplative) pour cheminer avec elle. Les mariages mixtes sont relativement peu nombreux mais ils existent depuis plus de 30 ans, avec des conséquences plus ou moins dramatiques poru les époux et leurs enfants. Les lieux de cultes abondent dans tous les villages, les villes et les campagnes. Un mandhir (lieu de prière hindou) peut se retrouver au coin de la rue, sur une plage ou au milieu d’un champ de légumes. Une grotte catholique peut se retrouver dans un parc ou aux abords d’une crique. Tous ces lieux sont fréquentés et entretenus par les gens de la place. En ville, sur une même rue, on peut retrouver une église catholique, un temple anglican ou baptiste, une mosquée et un temple hindou et un autre tamoul. Les cérémonies religieuses sont fréquentées assidument par les fidèles. Des ashrams (lieux de développement spirituel hindous ou ermitages) se retrouvent dans des lieux discrets tant en ville qu’à la campagne. Nous en avons visité à Souillac, Réduit, Quatre‐Bornes et Pointe‐des‐Lascars. Les leaders religieux s’expriment publiquement dans les media. Leur autorité et leur sagesse sont honorées par tous, indépendamment de leur religion. Sur les lieux de travail, même dans les bureaux des services publics, il est courant de retrouver un autel avec des statues de dieux ou de saints, ou des images au mur. Il en est de même dans les maisons : un mandhir ou un autel est présent dans la cour et dans la maison. De nos jours, les mauriciens sont méfiants et hésitent même à se saluer. Dans les villages, les coutumes persistent plus longtemps qu’en ville. Les hindous se saluent par « Namasté » en joignant les mains (« Que nos deux cœurs se rejoignent comme nos deux mains se joignent »), les musulmans par « Salaam Alléikhum » (« Que la Paix soit avec toi ») et les chrétiens par « Bonjour !». Il est toujours plus prudent quand on est une femme et qu’on ne connaît pas son interlocuteur d’attendre son geste de salutation avant de tendre la main. En effet, un homme musulman peut faire une accolade à un homme mais saluera une femme par un signe de tête sans la toucher, ni même la regarder dans les yeux. Cela dit, la poignée de main est facilement échangée chaque fois qu’un ami est rencontré sur la rue ou au travail. La tradition est encore plus visible à Rodrigues. 13 Sans faire partie d’aucune religion, les pratiques vaudous sont toujours présentes à Maurice et dans toutes les religions, surtout chez les créoles et les indo‐mauriciens hindous. Les pratiques visent surtout à se prémunir de malheurs éventuels, mais tous craignent aussi les malheurs qui découlent de ces pratiques. La magie noire et les superstitions entraînent parfois des scissions au sein des familles et des groupes. Les changements dans la société mauricienne des années 1990, avec l’entrée massive des femmes sur le marché du travail, avec les conséquences pour les familles et les soins des enfants, a été l’occasion pour un petit groupe de leaders religieux de se réunir pour apprivoiser le « mieux vivre ensemble » et promouvoir les valeurs familiales. Regroupés aujourd’hui dans le Conseil des religions, ces leaders ont entrepris d’offrir à leurs dirigeants religieux respectifs des outils pour soutenir les familles et l’importance de la vie humaine. Par exemple, en 2009, ils ont publié un manuel à l’intention des prêtres, pasteurs, pandits et imams, pour les informer sur les faits entourant la propagation du VIH‐Sida et encourager le port du condom. Cette mesure n’est pas vue comme un moyen de contraception mais bien comme un moyen de sauvegarder des vies et de préserver une qualité de vie pour les proches. Dans un contexte où près de 2% de la population est atteinte du VIH‐Sida, où la consommation de drogues injectables est en hausse (Maurice détient le record non enviable pour l’Afrique), les leaders religieux ont décidé d’appuyer les efforts de l’ONU dans leur campagne de communication et d’information visant à changer les mentalités. Le Conseil des religions joue un rôle important à Maurice dans le développement d’une identité mauricienne qui encourage la cohésion nationale et le dialogue entre croyants de diverses confessions. Au‐delà de la simple tolérance, les leaders veulent contribuer à créer une identité mauricienne qui soit à la fois indépendante de la religion (exempte de communalisme) tout en continuant à vivre concrètement les valeurs de chaque religion par‐delà les dogmes de chacune. En juillet 2010, le Conseil des religions a formé une branche féminine qui va appliquer quatre stratégies. D’abord, mettre à la disposition des parents, des outils et les informations nécessaires pour l’éducation convenable des enfants. Ensuite, organiser des forums sur les divers thèmes touchant la famille. Puis, promouvoir une valeur par mois, où toute la nation mauricienne sera impliquée pour la pratiquer. Enfin, traduire en action concrète la lutte contre la VIH/sida. Les « conversions » d’une religion à une autre ont toujours existé à Maurice. Il fut un temps où les patrons catholiques recrutaient des engagés hindous à la condition qu’ils se convertissent avec leurs familles. On leur offrait un bon salaire et des conditions décentes. À une époque où l’alternative consistait à mourir de faim, plusieurs ont fait un choix difficile. De nos jours, les chrétiens (autres que les catholiques) sont prosélytes, ce qui peut occasionner des tensions car les hindous ne peuvent comprendre ce concept et le recrutement chrétien se fait surtout parmi les hindous. 14 On peut dire qu’à Maurice, il existe une tolérance religieuse – plus que n’importe où au monde‐‐ car les mauriciens reconnaissent le fait que toutes les religions mènent à Dieu. Plusieurs mettent un seul Dieu comme réalité suprême existante et pour eux, les différentes pratiques religieuses sont une manière de l’atteindre. La tolérance se trouve au cœur même de cette vision. Ainsi la tolérance religieuse pourrait passer par deux voies : soit la voie laïque qui reconnaît comme égales les religions, et qui n’en privilégie ou défavorise aucune; soit par la voie mystique qui met le divin si haut, et en même temps si près, que tous les chemins, même les plus sinueux, mènent au Divin. Même s’il y a séparation des pouvoirs entre le religieux et le politique, il est considéré tout à fait naturel qu’un chef religieux prenne position publiquement sur un enjeu social ayant une connotation politique. Maurice est donc républicaine et laïque garante de la libre expression de toutes les fois (foi au pluriel). 2.4 Les systèmes politique et juridique La République de Maurice a un système politique et institutionnel qui est de type parlementaire. D’ailleurs, son indépendance a été acquise en 1968 et son statut de république date de 1992. Maurice est un des rares pays africains à avoir tenu des élections démocratiques sans interruption depuis son indépendance. Le Parlement est dirigé par le premier ministre. Il y a 66 députés élus dans 21 circonscriptions électorales. Il y a 3 députés élus par circonscription et 3 députés qui sont nommés parmi les non élus ayant les meilleurs résultats et représentant des minorités ethniques du pays (le Best Loser System), tels les sino‐mauriciens et la population générale (formée des Créoles et des Franco‐mauriciens et Anglo‐mauriciens). Les élections ont lieu à tous les cinq ans. Le président de la République est élu (nommé ?) pour cinq ans par l'Assemblée nationale. De plus, hérité du droit napoléonien, le droit d'origine française, le Code civil, est appliqué de même que la Common Law, d’origine anglaise. Le système juridique de Maurice est une autre particularité semblable avec ce qui se passe au Québec. Sur le terrain, les enquêtes se font « à la française » avec des reconstitutions des faits mais tous les écrits et les échanges en cour se déroulent en anglais. Et en kréol bien entendu pour les apartés. La République fonctionne selon le modèle "westminstérien", qui est un modèle politique britannique. Les trois principaux partis politiques de Maurice sont le parti travailliste (qui est actuellement au pouvoir, 3e mandat jusqu’en 2015), le mouvement militant mauricien et 15 le mouvement socialiste militant. Chaque élection voit se former des alliances diverses entre les principaux partis et ceux de moindre importance. Quoiqu’il en soit, le pays jouit d’une stabilité politique très enviée dans la région de l’Afrique. Les dernières élections générales on eu lieu en mai 2010. La fonction publique emploie 80 000 personnes, incluant le personnel médical et paramédical et les enseignants. Ce sont des emplois prisés compte tenu des avantages sociaux offerts. Les « officiers » publics sont recrutés selon des critères stricts et leur niveau de formation est excellent quoique la fonction publique souffre de l’absence d’un plan de formation continue. La télévision est une télévision d’état, contrôlée par l’état et au service de l’état. Depuis peu, il y a des stations radiophoniques libres et la presse est libre, quoique sous forte pression. 2.5 L’économie Au niveau économique, Maurice est passé d’un pays en voie de développement au statut de pays nouvellement industrialisé. D’une économie agricole reposant uniquement sur la culture de la canne à sucre, le pays a procédé avec succès à la diversification de sa base économique en développant le secteur textile, le tourisme et les services financiers. Voici un tableau récapitulatif des secteurs économiques et des dépenses du pays. Économie PIB : 6.346 millions dollars US Parité de pouvoir d'achat : 15.502 millions dollars US PIB par habitant : 11.944 dollars US Agriculture, forêt, pêche : 6.0% du PIB Mines, manufactures, constructions, services publics : 29.8% du PIB Services : 64.1% du PIB (2004) Dépenses des administrations publiques : 14.3% du PIB Exportation de biens et services : 54.5% du PIB Importation de biens et services : 56.8% du PIB Dépenses pour l'éducation : 4.7% du PIB Utilisateurs d'Internet : 146.0 ‰ de la population (22,4% de la population en 2010) Dépenses de santé : 2.9% du PIB (exclut services aux aînés et services sociaux) (CIA The world factbook) (en italique : commentaire de l’auteur) 16 Maurice est un pays qui vit une rapide ascension sur le plan économique, un boum qui en moins de 20 ans a transformé le territoire et ses habitants, passant d’une économie primaire à secondaire puis tertiaire. Plusieurs tirent leur épingle du jeu, et c’est la grande majorité, car les mauriciens sont scolarisés et occupent des emplois rémunérateurs. Des villes entières poussent de terre, les structures du pays se développent rapidement (centres commerciaux, tout‐à‐
l’égoût, autoroutes, buildings écologiques) alors que d’autres peinent à emboîter le pas (parc routier sans système d’échappement antipollution, système d’éducation avec des laissés pour compte, cherté du logement pour les plus pauvres). Comme bien d’autres pays africains, la téléphonie sans fil à Maurice est devenue un bien désiré et accessible à presque tous. Les téléphones publics et les boîtes vocales n’existent pas mais les SMS ou textos sont gratuits et très utilisés (1,12 milliards de SMS échangés en 2009). Ainsi, il y a un seul téléphone fixe par résidence mais chaque membre de la famille aura son portable (cellulaire). En 2009, 86% des gens ont un portable. (Il n’y a pas de frais pour recevoir un appel sur un portable et de même pour faire un appel à partir d’un téléphone fixe ou en recevoir (frais mensuels seulement). Le code du pays, le 230, inclut aussi Rodrigues sans frais interurbains. Le système est parfois surchargé aux heures de pointe et par mauvais temps, la réception peut laisser à désirer.) Mais dans l’ensemble, le système téléphonique est fiable. En 2009, 22,4 % des gens ont internet et la connexion à haut débit est disponible partout dans le pays. Même si le pays est considéré nouvellement industrialisé, il est rapidement passé à l’étape post‐industrielle avec les services financiers et les centres d’appel. Cela n’empêche pas que le taux de chômage est à 8,3% (fin 2009) comparativement à une estimation de 8% au début 2009, contre 7,4% en 2008. Les terres occupées par la canne à sucre sont recyclées pour du développement immobilier et d’autres infrastructures, ce qui occasionne des pertes d’emploi pour plusieurs ouvriers de la canne pour lesquels on n’a pas prévu de formation pour les réorienter sur le marché du travail (15 000 pertes d’emploi depuis septembre 2009). En fait, il manque cruellement de main‐d’œuvre dans le domaine de la construction et des manufactures de textile, ce qui entraîne l’importation de main‐d’œuvre provenant des pays asiatiques. Il en manque aussi dans les domaines spécialisés de l’informatique comme celui des enquêtes criminelle de cyberfraude, la sécurité informatique pour les compagnies et le gouvernement, ce qui pousse les jeunes diplômés à aller se spécialiser dans d’autres pays. 17 2.6 La pauvreté Selon le Central Statistical Office of Mauritius, 10% de la population vit en dessous du seuil de la pauvreté. L’analyse des statistiques permet également d’affirmer que c’est dans les zones rurales que la pauvreté est la plus extrême. La pauvreté touche toutes les cultures et ethnies, mais surtout les Créoles. Au 8 juin 2010, le portrait de la pauvreté était le suivant : 125 000 personnes formant 30,000 familles vivent dans 229 poches de pauvreté avec moins de Rs 12 000 par mois (environ $400 CA) et parmi eux, 40 000 personnes formant 7 800 familles vivent dans la pauvreté absolue (avec des revenus de moins de Rs 5 000 par mois, parfois tout juste avec Rs 2 000 par mois ‐‐environ $65 CA). Sujet très préoccupant, la pauvreté est le problème social prioritaire. Plusieurs mesures d’intégration sociale et d’empowerment (visant les femmes au foyer non scolarisées) ont été introduites depuis 2005 et commencent à porter du fruit tout en souffrant d’un manque de concertation, surtout pour la mise en marché des produits. Le nouveau gouvernement élu en mai 2010 a créé un ministère entièrement dédié à l’intégration sociale et aux mesures visant l’empowerment économique. Dans les milieux défavorisés, il y a beaucoup de mères monoparentales ou de mères au foyer dont le mari est absent pour son travail et qui doivent s’occuper aussi d’un parent âgé ou handicapé. Les aînés qui ne touchent que la pension de vieillesse reçoivent Rs 2 800 par mois (environ 112 $ CA), ce qui est insuffisant pour vivre de façon autonome. La pauvreté peut prendre d’autres visages à Maurice. On les appelle les « nouveaux pauvres ». La pauvreté peut résulter de l’absence de certaines mesures sociales qui ne sont pas accessibles pour les employés d’entreprise (contrairement aux employés de l’état), par exemple, les congés de maladie et d’invalidité, ou l’assurance‐emploi. C’est ainsi qu’une famille peut se retrouver du jour au lendemain sans revenu si le père est invalide et que la mère doit quitter son emploi pour prendre soin de son mari, ce qui compromet également les études des enfants. L’éducation est gratuite mais pas les examens de fin de programme, ni les fournitures scolaires, les uniformes et les leçons particulières qui sont devenues presque obligatoires. Les parents font d’énormes sacrifices pour offrir à leurs enfants un accès à une éducation de qualité. Il y a aussi le fait que la classe moyenne doit travailler très dur pour obtenir une qualité de vie passable. Plusieurs mauriciens cumulent un emploi à temps plein et plusieurs petits boulots informels pour arrondir les fins de mois. Le coût des biens et des services est sensiblement le même qu'au Canada alors que le salaire moyen est de trois à cinq fois moins élevé. 18 2.7 Le logement Le logement prend plusieurs formes tant à la campagne qu’en ville. L’enceinte de la cour est clôturée d’une haie ou d’un mur de pierre (mais pas à Rodrigues). Le pattern général est celui où les familles vivent dans la courée de l’aïeul avec des logements construits à côté ou au‐
dessus de la maison principale, ou dans des maisons attenantes. Dans la courée, ces logements ont remplacé les vergers et jardins légumiers, ce qui contribue à fragiliser la sécurité alimentaire du pays. À leur mariage, les filles quittent la maison paternelle pour joindre la famille de leur mari (chez les musulmans et les hindous). Ainsi, seuls les garçons mariés ont accès à un bout de terrain de la cour pour y construire une maison s’ils en ont les moyens. Cette tendance prévaut parce que l’achat d’une terre est très onéreux, et constitue un obstacle qui empêche les jeunes couples de s’installer ailleurs. En ville, un terrain peut coûter plus de Rs 1 million, la construction de la maison un autre million. Les familles mauriciennes arrivent en majorité à se loger, mais dans bien des cas elles vivent à plusieurs sous un même toit. Par exemple, les grands‐parents habitent presque toujours chez un de leurs garçons, car les pensions de retraite sont très faibles. Il est encore rare qu’un jeune homme et encore moins une jeune femme s’établisse seul ou en colocation dans un appartement, même en ville. La réprobation sociale en dissuade plus d’un. Ainsi, une jeune fille ou un jeune homme qui quitte la courée peut être renié par toute sa famille et être ainsi privé d’un soutien fort important pour trouver un emploi, faire des études, avoir de l’aide, etc. Les maisons sont en majorité des constructions en béton qui résistent mieux aux cyclones. Depuis quarante ans, ces dernières ont remplacé les maisons en tôle, qui existent encore dans les quartiers les plus pauvres, chez les squatters (familles qui construisent des habitations illégales sur un terrain privé ou appartenant à l’État) qui vivent le long des autoroutes ou sur les terrains des propriétaires sucriers et parfois sur des terrains vagues dont les propriétaires habitent à l’étranger. Ces squats sont presque tous des bidonvilles où les habitations ne sont pas toujours salubres, où les enfants jouent dans les déchets; il y présence de maladies de peau, les chiens errants côtoient les cochons et les poules en liberté, il y a un minimum d’électricité et un accès à l’eau potable pour tous, pas nécessairement dans chaque demeure. Le gouvernement tente de relocaliser les squatters mais plusieurs refusent car les gens qui y habitent sont attachés à l’endroit et ne veulent pas déménager. Comme plusieurs sont des parents proches, ils veulent que toute la communauté reste ensemble s’ils sont déplacés, ce qui ne leur est pas toujours offert. Les anciennes maisons coloniales en bois et toit de chaume sont très rares car elles nécessitent beaucoup d’entretien et résistent moins bien aux tempêtes tropicales. On peut en 19 voir dans les villes comme Quatre‐Bornes, Rose‐Hill, Beau Bassin et dans les campagnes. Certaines belles demeures d’autrefois font partie du patrimoine national comme au Jardin de Pamplemousses ou comme les résidences officielles du Président de la République et du Premier ministre à Réduit. Les maisons sont diversement entretenues et il faut dire que la présence d’un jardin nécessite un entretien constant, vu la végétation luxuriante. Quant à l’entretien intérieur, il varie également. Certains ont tendance à négliger les réparations mineures, ce qui rend certaines installations non utilisables après un certain temps. Par exemple, si une toilette (ou un robinet) ne peut être utilisée et qu’une seconde commodité est disponible dans la maison ou dans la cour, la toilette défectueuse sera réparée... on ne sait pas quand. On peut constater cela, même dans une maison luxueuse. Le même laxisme est observé dans les endroits publics et dans les hôtels de catégorie moyenne. Le tout‐à‐l’égout n’est pas installé partout dans le pays mais est en voie de l’être; il y a des travaux majeurs dans toutes les villes du pays depuis 2007. Cela est devenu une priorité car la nappe phréatique commençait à être contaminée. 2.8 La famille La structure familiale est patriarcale et élargie. Les marques de respect aux aînés sont manifestes. On leur témoigne de la déférence et nous n’avons jamais vu quelqu’un les contredire ouvertement. Dans la famille, un oncle ou une tante et leurs conjoints sont considérés comme l’extension du père ou de la mère, et un cousin ou une cousine et leurs conjoints sont considérés comme des frères et des sœurs. Le droit d’aînesse prévaut encore et est mentionné dans le vocable quand une personne s’adresse à une sœur ou à un frère aîné, à qui elle doit respect, cela impliquant également de ne pas les contrarier. Lors des fêtes de famille, les aînés sont toujours servis en premier. En général, les familles occupent un terrain ou des terrains contigus depuis plusieurs générations. Il n’y a pas de numéro civique visible sur la plupart des maisons et les affiches des noms de rues sont parfois absentes, même en ville. Les facteurs connaissent toutes les familles. Il est ainsi relativement aisé de retrouver quelqu’un, en autant qu’on sache demander son chemin à qui de droit et le nom de famille de la personne recherchée. Les familles mauriciennes se réunissent les dimanches après‐midi. C’est une priorité pour chaque famille. À tel point qu’il est difficile de trouver un chauffeur de taxi le dimanche! Les familles prennent le repas ensemble, vont pique‐niquer au parc ou à la mer. Les plages 20 publiques sont envahies durant les vacances estivales de décembre et janvier. Ceux qui peuvent se le permettre possèdent un chalet, appelé un « campement » au bord de la mer. Les liens familiaux sont donc tissés serrés, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur concerne l’entraide et le soutien affectif dans les moments difficiles. Si un père se retrouve sans emploi, quelqu’un dans la cour va étendre un fil électrique vers la maison, un autre va fournir de l’eau ou apporter de la nourriture, etc. Le pire concerne les conflits interpersonnels. L’exiguïté des lieux et la promiscuité y contribuent. Certaines familles doivent quitter la cour car des conflits perpétuels minent leur qualité de vie. Ces conflits risquent de se produire par exemple, quand une famille est perçue comme ayant des avantages enviés, tel des enfants qui étudient ou travaillent à l’étranger, des enfants qui réussissent mieux dans leurs études. D’autres vont quitter parce que certains membres de leur famille élargie vont les harceler par exemple, avec des pratiques vaudou (sorcellerie). En général, si leurs enfants ont la chance d'aller étudier à l'étranger, les parents feront tout pour les y encourager. L'accès à l’éducation supérieure est souvent la préoccupation principale des parents pour leurs enfants, mais ils n'ont souvent pas les moyens de payer tous les frais. Leurs enfants doivent alors essayer d'être dans les premiers de classe pour espérer gagner une bourse donnant accès à une université à l’étranger ou un programme universitaire délocalisé à Maurice. La force des coutumes pèse encore lourd sur la société mauricienne. Par exemple, une jeune femme d’affaires qui mange seule au restaurant et paye sa facture, en plus d’être une rareté, est une curiosité, les femmes étant en général accompagnées. Par ailleurs, il est très mal vu pour une jeune femme non mariée d’être accompagnée d’un jeune homme qui ne fait pas partie de sa famille immédiate. Une jeune femme ne peut sortir avec un jeune homme sans qu’il y ait promesse de mariage. Un groupe de jeunes peuvent sortir ensemble … mais le jour seulement. Ces coutumes ont tendance à se relâcher, non sans tensions familiales. Les jeunes filles veulent sortir dans les boîtes de nuit sans être chaperonnées par exemple. Les femmes qui veulent garder leur indépendance et le contrôle de leurs allées et venues vont choisir le célibat. Mais elles devront rester chez leurs parents… À Maurice, les femmes sont très fières, indépendamment de la couche sociale d’où elles proviennent. Elles sont élégantes, bien coiffées, maquillées et au temps des mariages, le mehendi (tatou avec une pâte de henné appliquée sur la peau avec des motifs variés) orne bras et jambes. Dans la rue, on peut croiser tous les styles vestimentaires, européen, nord‐américain, hindou avec chauridar, kurtee ou sari. Pour travailler, les hommes s’habillent à l’européenne avec chemise, cravate et pantalon. Un style libre est utilisé par les femmes sauf dans les entreprises où on a voulu minimiser l’appartenance visible à une communauté religieuse et où le port de l’uniforme est obligatoire. Les enfants sont généralement bien vêtus même quand ils vivent dans des maisons sur la terre battue. S’il y a une sortie, tout le monde sera vêtu de ses plus beaux atours. Les gens vous invitent spontanément chez eux, c’est un honneur pour eux de 21 vous recevoir et il est de coutume d’offrir et surtout de votre part d’accepter un breuvage quand on visite une maison pour la première fois, cela porte chance. Les coutumes sont bien vivantes également en ce qui concerne le mariage. Un mariage hindou dure cinq jours, du jeudi au lundi inclusivement, presque jour et nuit. La famille et les amis de la mariée se réunissent dans la cour familiale pour plusieurs rituels qui sont tous empreints de signification. La famille du marié fait de même de son côté. Les futurs époux se retrouvent ensemble le dimanche midi pour la cérémonie du mariage religieux. Le mariage civil peut avoir lieu avant ou en même temps. Des échanges de cadeaux entre les familles ont lieu les jours précédant le mariage. Un mariage peut coûter trois ans de salaire pour chaque famille. Les mariés peuvent changer de tenue plusieurs fois par jour et les habits et saris sont tous plus richement ornés les uns que les autres, sans parler des parures et bijoux. Des formules plus « modernes » existent depuis quelques années : un mariage sur deux jours, un mariage à Grand Bassin (lieu sacré) suivi d’une réception intime. Chez les musulmans et les chrétiens, le mariage dure une journée. Le nombre de mariages diminue (10 400 en 2009 contre 11 000 en 2008) alors que le nombre de divorce a doublé en 10 ans (2 150 en 2009). L’homosexualité est un sujet qui arrive depuis peu dans le domaine public quoique toujours jugé moralement inadéquat et surtout toujours illégal dans le pays. Les homosexuels qui s’affichent sont rares et ils ou elles ne peuvent s’attendre à la protection de la police, au contraire. Par contre, les touristes homosexuels, s’ils sont discrets, sont de mieux en mieux acceptés par la population, surtout dans les villes et les zones touristiques. 2.9 L’éducation L’éducation est une autre composante importante de la société mauricienne. Le taux total d’alphabétisation de la population est de 85,6 %. Il est de 88,6 % chez les hommes et de 82,7 % chez les femmes (The World Factbook, CIA). De plus, un mauricien passe en moyenne environ 14 ans à l’école. L’école est obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans. L’école est facultative avant l’âge de 5 ans mais plusieurs écoles publiques et privées offrent des programmes préscolaires aux tout‐petits. Pour la majorité des parents, il est valorisant de pouvoir envoyer son enfant à l’école. Parfois, les enfants manquent l’école, soit parce qu’ils doivent aider leur famille avec d’autres tâches, soit parce que les conditions climatiques ou de santé (épidémie de grippe, de gastro‐entérite, de conjonctivite) font en sorte qu’ils ne peuvent aller à l’école. Auparavant, le manque d’investissement dans les services de transport pouvait également empêcher certains jeunes d’avoir accès à l’éducation, mais ce problème est maintenant largement résolu car le transport scolaire est subventionné par l’état. 22 Une autre difficulté au sujet de l’apprentissage est due à la pluralité langagière du pays. Étant donné que la langue officielle est l’anglais, les livres d’école sont dans cette langue. Pourtant, pour que les enfants comprennent le contenu, les enseignants doivent parler en créole et traduire le contenu du matériel scolaire, y compris les questions d’examen. De plus, les élèves doivent souvent apprendre une autre langue dans le but de garder des liens culturels issus de leur origine ethnique. Ces cours optionnels sont dispensés dans les écoles par des enseignants spécialisés en langues. Au primaire, les classes débutent un peu avant 9h00 et se terminent à 15h30. Les élèves ont une pause de 10 minutes vers 10h00 et vers 13h15 et une pause‐déjeuner entre 12h00 et 12h30. Le maître d’école a coutume de s’adresser en kréol ou en français aux élèves dans la cour au début de la matinée pour les consignes du jour et l’hymne national en anglais. Le Food Act, promulgué en 2009, interdit la vente de fritures, de bonbons et de boissons gazeuses dans les cantines qui desservent les écoles; depuis janvier 2010, en plus des fruits frais, seuls les faratha, dholl puri (sorte de crêpes farcies de pois secs écrasés), rôtis (crêpes et patates assaisonnés d’achards et de piments) sont les mets en vente dans les cantines; et seulement de l’eau embouteillée est disponible comme breuvage. Cela n’empêche pas les enfants de se procurer des friandises et boissons gazeuses à la boutique du coin avant d’entrer dans la cour de l’école et d’apporter de la maison des bonbons appelés « gâteaux ». Ces changements ont fait l’objet d’intenses négociations entre les autorités du Ministère de la santé et celui de l’Éducation et les cantiniers. Ces derniers considéraient que leurs revenus allaient chuter alors que le ministère voulait influencer l’offre au plus vite à cause des taux d’obésité chez les jeunes et du diabète. Les cantiniers et les préposés à l’entretien de la cour d’école sont des employés ayant toute leur importance puisqu’ils sont les yeux et les oreilles des députés qui les ont nommés à ces postes. Le personnel enseignant et le maître d’école ont tout intérêt à favoriser la bonne entente avec ces personnels. Les classes sont généralement peu décorées et verrouillées même pour la pause. Les élèves et l’enseignant s’y entassent comme ils peuvent. Toutes les écoles disposent d’une salle équipée avec des ordinateurs – le plus souvent des dons d’entreprise‐‐ mais les postes d’enseignant en charge des classes d’informatique ne sont pas toujours comblés; la classe reste alors inutilisée ou elle sert d’entrepôt. Malgré qu’il y ait des gardiens, les écoles font régulièrement l’objet de vol et de vandalisme. Les études primaires sont sanctionnées par un examen, le CPE—Certificate of Primary Education, délivré par Oxford (Grande‐Bretagne). Un élève qui échoue bénéficie d’une année supplémentaire au primaire pour se représenter à l’examen. Il n’est pas rare qu’un élève termine son primaire sans pouvoir écrire une phrase. Les difficultés éprouvées sont d’ordre divers et rarement d’origine cognitive : environnement familial instable, toxique ou violent, pauvreté, analphabétisme des parents. Certaines écoles bénéficient du programme « ZEP », Zones d’éducation prioritaire, financé par les Nations Unies pour le Développement (PNUD), qui 23 vise la réduction de l’absentéisme dans les écoles et l’augmentation du taux de réussite aux examens de fin d’études primaires. Les enfants de ces écoles reçoivent un pain rond tous les jours pour pallier au fait qu’ils peuvent recevoir à la maison un seul repas ou rien du tout. De plus, les comités enseignants‐parents mettent en place un service de parents visiteurs qui font le suivi entre les familles à risque pour l’absentéisme et les enseignants de l’école. Certains programmes subventionnés par des ONG offrent un repas chaud le midi à la condition que les enfants se présentent à l’école toute la journée. Les entreprises hôtelières locales s’impliquent en offrant aux jeunes des visites leur permettant de rencontrer des modèles de rôles parmi leurs employés. Dans certaines écoles, les résultats sont probants. Par exemple, une école a amélioré son taux de réussite au CPE qui est passé de 23% à 52% en 3 ans avec ce programme. Les élèves les plus performants aux examens du CPE peuvent accéder aux collèges les plus prestigieux, publics et privés, généralement situés dans les villes. Certains élèves ayant réussi le CPE mais avec des résultats moyens ou faibles peuvent avoir de la difficulté à se trouver un collège. Le B. E. C. (Bureau d’éducation catholique) qui gère un réseau d’écoles primaires et secondaires, offre aux jeunes de toutes origines plusieurs options dans l’optique de les tenir dans le réseau éducatif le plus longtemps possible: des collèges qui les accueillent dans le cursus régulier, des collèges qui offrent une initiation aux métiers. Enfin, pour les élèves qui ont échoué le CPE, des écoles d’alphabétisation et d’intégration sociale (dites écoles ANFEM non formal education network) sont ouvertes pour aider les jeunes à terminer leur primaire ou encore leur montrer un métier avec lequel ils pourront assumer leur vie et devenir des citoyens responsables. Quant aux enfants de la rue, qui ont entre 5 et 18 ans, plusieurs organisations non gouvernementales, issues des forces vives locales, s’occupent de les regrouper dans des centres de soutien à la scolarisation, en leur offrant des fournitures scolaires, des uniformes, des repas, un milieu parental substitut avec un encadrement aux devoirs et beaucoup de câlins. Le B.E.C. a pour vision une éducation intégrale de l’enfant qui vise à aider le jeune à avoir confiance en soi et à trouver sa place dans le monde. Les études du collège (le secondaire) sont sanctionnées également par un examen d’Oxford, le SC, Secondary Certificate. Selon les résultats, un jeune estime ses chances et la bourse de ses parents, et effectue une (LSC Lower School Certificate) ou deux années supplémentaires pour se présenter aux examens du HSC, Higher School Certificate, l’équivalent de deux années de CEGEP au Québec. Le coût d’un examen frôle les Rs 10 000, l’équivalent du salaire d’un mois pour la moyenne des gens. Les familles plus démunies bénéficient d’une aide gouvernementale qui ne couvre pas entièrement les frais. Les élèves ayant les meilleurs résultats aux examens reçoivent des bourses d’études universitaires pour l’étranger. C’est la consécration pour les collèges dont ils sont issus, pour les familles et les jeunes qui font la une des journaux chaque année en février. Les jeunes filles ont tendance à persister plus longtemps aux études et à avoir de bons résultats : aller à l’école signifie pour elles la liberté de sortir de la maison car l’alternative est de rester à la maison ‐‐sous surveillance parentale‐‐ à attendre une proposition de mariage. 24 À Maurice, plusieurs institutions d’enseignement supérieur, dont certaines sont des extensions d’institutions étrangères (de l’Angleterre, la France, l’Australie), offrent des programmes délocalisés notamment en gestion, en administration, en informatique, certains menant à des diplômes équivalant au baccalauréat (la licence) et d’autres à des maîtrise et doctorat. Très peu de programmes en sciences humaines sont disponibles (sciences sociales à l’Université de Maurice, counseling à l’Université de Technologie, langues au Mahatma Gandhi Institute). Les enseignants et les infirmiers sont formés dans des écoles d’État et leur certificat de fin d’études correspond à un diplôme d’études collégiales techniques au Québec. Il existe à Maurice deux universités reconnues par le TEC (Tertiary Education Commission), la University of Mauritius et la University of Technology. Les étudiants qui bénéficient de bourses d’études à l’étranger ne décident pas tous de rentrer au pays à la fin de leurs études. Plusieurs émigrent définitivement ou reviennent à leur retraite. L’éducation est donc centrée sur la performance. Ainsi, presque tous les enfants ont des leçons particulières, avant ou après les heures de classe et les jours de congé. Ces leçons ont lieu chez des particuliers ou dans les salles de classe. Selon les parents qui paient ces leçons, c’est la seule façon de faire pour que leur enfant ait une chance de se démarquer aux examens. La pression est énorme sur le dos des enfants, et elle s’accentue quand ils passent en 5e et 6e années. Ces derniers n’ont pas d’enfance et peu de loisirs. Dans le but de pallier au fait que l’éducation est très formelle à Maurice et ne permet pas le développement intégral de l’enfant, le Ministère de l’Éducation a tenté de remplacer les leçons particulières par des programmes parascolaires sociaux et sportifs en 2009, sans succès. Les examens d’Oxford sont une barrière à toute tentative de modification des habitudes au sujet des leçons particulières. Les enseignants et les étudiants des cycles supérieurs y trouvent également leur compte, en arrondissant leurs fins de mois. À Maurice, 6 000 enfants ne vont pas à l’école. Dans le réseau public, il n’y a pas de structure pour intégrer tous les enfants sans discrimination. Ce que le B.E.C. tente de pallier avec des écoles spéciales. Cependant, des services ont été concrétisés par le Ministère de l’Éducation pour intégrer les enfants « autrement capables », soit qui vivent avec un handicap. L’intégration ne se fait pas dans les classes régulières mais dans des classes spécialisées. Une classe régulière peut avoir jusqu’à 40 enfants et l’enseignant n’a pas les ressources pour intégrer un enfant autrement capable. En 2010, le Ministère de l’Éducation, en collaboration avec le Ministère de la Santé et de la Qualité de vie, a offert une formation d’une journée à un enseignant par collège pour qu’il développe un ‘Club de santé’ dans son milieu. L’accueil de cette initiative est très mitigé. Sans que les motifs n’aient été ouvertement évoqués, on peut observer que les enseignants choisis ne sont pas motivés et ne voient pas l’utilité de ces clubs en promotion de la santé. On peut se questionner sur le soutien offert aux enseignants après cette unique journée de formation, sur la préparation des enseignants à être des agents d’animation et de changement dans leur milieu, et sur la priorité accordée au Club de santé par rapport aux autres composantes de leur tâche, qui elles, sont évaluées par les examens de fin de programme et le taux de réussite des 25 élèves. Enfin, les enseignants craignent la réaction des parents aux sujets qui pourraient être traités. Certains parents étant plutôt conservateurs. 2.10 Le mode de vie Le passage d’une ère agricole à une ère post‐industrielle ne va pas sans conséquence sur la population mauricienne. L’évolution d’une vie de travailleur agricole à celle de travailleur de bureau pour une grande partie de la population a entraîné un défi majeur alors que ce nouveau mode de vie a diminué significativement la quantité d’activité physique au quotidien. Avec les revenus qui augmentent, les familles peuvent se procurer une voiture – qui, en passant, coûte entre trois et quatre fois plus cher qu’au Canada‐‐ et les déplacements impliquent moins de marche, comme lorsqu’il fallait prendre le bus par exemple. La proximité et la facilité d’accès des commodités peuvent aussi avoir un effet sur la santé. Avant, les gens devaient cuisiner leur nourriture à partir d’aliments « de base » et ils marchaient pour aller à la boutique au coin de la rue ou au marché local pour se procurer les aliments. Maintenant, la nourriture préparée est accessible partout dans les comptoirs ambulants qui offrent beaucoup de fritures et d’aliments à valeur nutritive faible. Les supermarchés offrent de plus en plus des aliments en format « fastfood ». Manger vite, sur le pouce, pour ensuite retourner au boulot. Les critères de stress, d’inactivité physique et de malbouffe peuvent indiquer des risques potentiels pour les générations futures qui seront prises dans cet engrenage. Les heures de repas sont très variables même pour les bureaux et les commerces. Quand les laboureurs travaillaient aux champs, ils avaient une pause d’une demi‐heure vers 10h30 pour le déjeuner et le repas du soir se prenait tôt vers 16h30. Plusieurs mauriciens ont conservé ces habitudes de manger un pain à 10h00 le matin, puis de manger un léger repas en arrivant à la maison après le travail. Puis, le repas du soir a lieu vers 20h00 ou 21h00. Les bureaux en ville et les ministères ont pris la coutume occidentale du lunch entre 12h00 et 13h00. Dans la courée où cohabitent plusieurs familles avec de jeunes enfants, l’aïeule va recevoir les belles‐filles et les petits‐enfants pour l’heure du thé à la sortie de l’école. Moment de bavardage, de jeux pour les enfants, d’échange de nouvelles et aussi pour la mère des fils de prendre le pouls de l’humeur de ses belles‐filles et être médiatrice au besoin... Il ne faut pas négliger les bons côtés du développement. Selon le World Factbook de la CIA, toute la population a accès à l’eau potable (sauf à Rodrigues où l’eau potable est disponible en bouteille). Par contre, l’approvisionnement en eau dépend non seulement de la pluviométrie selon la saison mais également de la gestion des réservoirs d’eau du pays et du système de distribution de l’eau. Cette gestion est sous la responsabilité d’un organisme de l’état, la Central 26 Water Authority (CWA). Certaines priorités prennent le pas comme l’approvisionnement des grandes propriétés sucrières pour les champs de canne à sucre et l’approvisionnement des établissements hôteliers de luxe. Par exemple, depuis plus d’un an, une école en zone rurale et tout le quartier environnant subit une coupure d’eau entre 10h00 le matin et la fin de l’après‐
midi sans que personne ne sache la raison de ces coupures, ni quand elles cesseront. De plus, même si l’eau est présente, il peut y avoir manque de savon et de papier hygiénique dans plusieurs commodités sanitaires publiques du pays. Le pays est entièrement électrifié et les mêmes remarques s’appliquent pour le système de distribution d’électricité. Les équipements électriques sont variés et les fiches des prises de courant proviennent de France, de Grande‐Bretagne ou d’Australie, selon l’équipement disponible (important de le savoir quand on est voyageur!!). Une institution paragouvernementale gère la distribution, la Cenral Electricity Board (CEB). Depuis quelques années, le pays a mis de l’avant le concept de « Maurice, île durable » qui a permis de faire prendre conscience à la population des enjeux de vivre sur une île densément peuplée en lien avec l’environnement, l’énergie, la gestion des déchets, la préservation des populations endémiques de la faune et de la végétation. Par exemple, les barrières de corail qui entourent le pays et font des lagons des pépinières de reproduction des poissons sont présentement menacées par les activités humaines reliées au tourisme. Des initiatives locales sont en cours mais les efforts concertés sont difficiles à mettre en œuvre. Autre exemple, la diversification des sources d’énergie : les capteurs solaires ont fait l’objet de subventions aux particuliers en 2009 et un parc d’éoliennes est à l’étude. Tous les types de magasins, de foires et de marchés sont disponibles, de la « boutique » du chinois au coin de la rue – les dépanneurs— aux supermarchés de style Loblaws, du marchand sur la rue qui tente d’écouler ses légumes en surplus ou tout autre type de marchandise. Les commerçants dans les centres‐villes commencent à trouver que les affaires sont difficiles car le stationnement est peu disponible et les habitudes des acheteurs changent avec les centres commerciaux. Les prix ne sont pas affichés sur les étals dans la rue, dans les commerces et les foires. Le principe numéro un est que tout prix est négociable. Surtout si vous êtes un touriste, car on vous a vu venir. Plus vous achetez d’articles au même marchand, plus il peut vous faire une réduction intéressante. L’idéal est de négocier un prix qui vous conviendra et satisfera aussi le marchand, si vous réussissez à conclure trop en dessous, il ne sera pas content... En général, les ‘foires sous la tente’ offrent déjà des prix en solde qui sont peu négociables. Chaque village et ville a un marché aux fruits et légumes un jour de la semaine – généralement le samedi‐‐ et une foire pour tout autre type de marchandise de maison – vêtements, tissus, quincaillerie, bijoux, etc—un autre jour de la semaine. Certains marchés sont réputés comme celui de Mahébourg (le lundi), celui de Quatre‐Bornes (le jeudi et le samedi) et celui de Goodlands (le jeudi). Quant à Port‐Louis, son marché est ouvert tous les jours. Un autre type de commerce florissant est la joaillerie. Maurice est réputé pour la qualité de sa joaillerie et l’originalité de ses artisans créateurs. Les bijouteries sont nombreuses partout dans l’île. 27 Le transport est un sujet qui semble d’intérêt public au quotidien autant que la météo (c’est étonnant tout ce qu’on peut dire sur la météo entre 15 et 35 degrés!!). Le pays possède un système routier en assez bon état, quoique les chaussées soient souvent endommagées après de fortes pluies, surtout dans les campagnes. Le système de bus est assez efficace entre les villes principales. Les horaires sont approximatifs mais les bus sont fréquents, quand ils ne sont pas en panne car le parc d’autobus est très vieux. La majorité de la population se déplace en bus mais également en taxis‐train qui sont des chauffeurs particuliers effectuant des navettes régulières pour les travailleurs entre les villages à un tarif compétitif. Les écoliers et les étudiants de 18 ans et moins voyagent gratuitement sur les heures de classe et les personnes âgées également. Pour se déplacer entre le Nord et le plateau central vers Curepipe, il faut au moins trois transferts et payer le maximum à chaque fois, soit Rs 24 (environ .90 Cent CA) en 2010. Dans le bus, il faut s’assurer que le percepteur nous remette un reçu qui peut être contrôlé à la sortie; s’il est contrôlé sans reçu, c’est le client qui est fautif et il doit payer le double tarif maximal. Enfin, oubliez l’anonymat : il faut déclarer l’endroit exact où on se rend au percepteur qui fixe le tarif et par le fait même, informe les autres passagers de votre destination! L’avantage de ce système, c’est que les passagers ou le percepteur vous aviseront de l’arrêt où vous devez descendre! Enfin, la prudence est de mise constamment pour les piétions car les compagnies de bus se livrent une course à la clientèle en attente au prochain arrêt, ce qui occasionne un chassé‐croisé entre bus qui peut être dangereux voire mortel, ou encore frustrant si vous êtes un client abandonné à un arrêt jugé pas assez rentable. La façon de conduire des mauriciens est un peu « déroutante » : les piétons, les vélos, les mobylettes, les motos, les voitures et les camions partagent les rues en ville mais aussi l’autoroute qui traverse le pays. Il n’y a pas de règles pour les piétons qui ont souvent des comportements dangereux : plus de 70 piétons meurent d’accident de la route chaque année. La conduite se fait à gauche, en théorie du moins. Les règles ne sont pas respectées non plus par les conducteurs. Tous partagent l’ensemble de la largeur de la route selon les besoins du moment! Le premier qui actionne le klaxon (en ville) ou les phares (sur l’autoroute) ne signifie pas la frustration du chauffeur ou le signalement d’une patrouille mais bien l’intention de doubler; c’est celui qui impressionnera le plus qui sortira gagnant de l’épreuve et aura la priorité de passage, parfois coincé entre deux voitures qui s’écartent au dernier moment. La route est un ballet constant, parfois dangereux, voire mortel. Il est difficile de conduire à plus de 60 km heure lorsqu’il y a un peu de trafic. En ville, les hauts murs des propriétés nuisent à la visibilité, alors, un coup de klaxon avise le chauffeur au volant d’une voiture dont le nez avance trop à un croisement qu’il doit céder le passage. En ville, les rues existaient avant l’utilisation de l’automobile et elles sont donc très étroites. Les rues en ville comportent d’autres écueils puisque la chaussée est bordée de bornes en béton aux endroits où les caniveaux sont profonds, mais les bornes ne sont pas remplacées si elles ont été détruites. La nuit, le point de repère du bord de la route disparaît alors. Seules les rues principales en ville ont des trottoirs dont les niveaux varient selon les utilisations des 28 propriétés attenantes. Aller prendre une marche pour le loisir? C’est un pensez‐y bien, car il faut choisir son itinéraire, son heure, son trajet de retour, tout cela avant le départ. Il n’est pas recommandé de sortir seul le soir, l’éclairage est inégal, toute voiture est un danger potentiel d’accident ou d’agression, et les chiens errants sont plus agressifs. Ces derniers sont moins présents depuis 2009 car une fourrière s’occupe de les ramasser en zone touristique – le jour!— alors que c’est la nuit qu’ils se regroupent en bandes rivales qui hurlent périodiquement, tant en ville qu’à la campagne. Il reste qu’ils sont moins présents sur les plages en 2010. Les heures de pointe sont pénibles pour les mauriciens car la principale route du pays passe par la capitale. Des travaux majeurs sont en cours pour construire des routes de contournement de Port‐Louis (la capitale), Triolet (village s’étendant sur 5 km) et Goodlands. Il y avait 370 000 véhicules enregistrés à la National Transport Authority (NTA) en 2009. Parmi ces derniers environ 115 000 véhicules carburent au diesel. Maurice importe chaque année 4 000 véhicules de ce type. Le pays a une stratégie de promotion de carburants et de véhicules moins polluants. Cette stratégie, commencée depuis 2003 par le ministère de l'Environnement, n’est pas encore « sentie » concrètement. D’ici là, se retrouver en montée derrière un camion ou un bus est une épreuve olfactive suffocante! La corruption à Maurice est plus discrète qu’en d’autres pays, mais elle est visible dans la vie quotidienne. Par exemple, une personne qui veut obtenir son permis de conduire peut glisser dans sa demande quelques centaines de roupies au préposé – préférablement une connaissance ou un ami d’un ami— qui « oubliera » de lui faire passer l’examen de conduite et lui remettra son permis. Un policier qui arrête un conducteur pour excès de vitesse, s’il se voit remettre le permis de conduire avec un billet à l’intérieur, donnera un avis verbal au lieu d’une contravention. S’il n’en voit pas, il s’étonnera… pour donner une seconde chance au conducteur et ne pas perdre cette obole! Il est possible de transposer ces « petites » corruptions à une plus grande échelle. Soucieux de son image sur le plan international, le gouvernement de Maurice a débuté une campagne visant à dénoncer la corruption à tous les niveaux et à éduquer le public pour qui elle fait partie de sa vie quotidienne au point de ne pas la remettre en question. Par exemple, le Ministère de l’Éducation a introduit un module d’enseignement aux élèves sur la nature de la corruption et ce que tout citoyen peut et doit faire pour l’éviter et la dénoncer. C’est ainsi qu’on espère introduire une certaine éthique dans les rapports entre les citoyens et les institutions mauriciennes. 29 2.11 La hiérarchie sociale Tous sont égaux devant la constitution du pays. Une harmonie est apparente car tous se côtoient dans la sphère publique, l’école, le lieu de travail, les sorties. Mais la hiérarchie sociale et la discrimination sont présentes partout, dès qu’on gratte un peu les apparences. Le système de caste n’existe pas (comme en Inde d’ailleurs!!) mais il est subtilement intégré dans la vie mauricienne. Par exemple, on s’interroge sur l’exigence tacite de faire partie de la communauté Vaish, la caste des marchands, pour avoir du succès en politique et surtout pour aspirer à être Premier ministre. Pour la majorité des mauriciens, élire un PM métis ou créole blanc est impensable (le cas s’est présenté). Un Noir, encore moins! Les indo‐mauriciens qui ont la peau plus foncée savent qu’ils ne pourront pas progresser dans l’échelle sociale au‐delà de certaines limites. Ils pourront être maraîchers, chauffeurs de taxi mais pas un officier du ministère. C’est ce qu’on a appelé le « préjugé de couleur » et qu’aujourd’hui on appelle le racisme de la pigmentocratie. Depuis toujours, avoir une peau pâle est valorisée; selon un ami mauricien, on est plus « beau » si on a la peau pâle. Les Mauriciens fuient le soleil, même sur la plage. Lu ce 19 août 2010 sur un blog du journal Le Mauricien : À Maurice c'est si courant (et banal) qu'on vous juge et qu'on vous fasse des remarques sur la votre couleur de peau! Quand les bébés naissent, souvent les parents sont fiers qu'ils aient la peau CLAIRE, quand un couple se marie, les gens se soucient si la fille a la peau claire ou 'brine'!(brune) Pour les mariés de plus en plus aussi, sauf que les hommes ont toujours voulu que leurs compagnes aient la peau claire même si eux sont aussi noir que charbon, et qui n'a pas autour de lui jamais entendu dire 'ayo li trop noir sa tifi la li pas pou gagne garcon pou marier" (Traduction : AH! – expression de dépit‐‐cette fille est bien trop noire, elle ne pourra jamais se trouver un garçon pour se marier) Malgré cela, plusieurs mauriciens nous ont affirmé spontanément qu’ils vivaient en bonne harmonie avec les Blancs, qu’« ils font leur vie derrière les murs de leurs propriétés et que nous, on fait la nôtre derrière les murs de notre case (maison) » (sic). Jusqu’à tout récemment, il était interdit aux mauriciens de couleur de résider à l’hôtel ou même d’entrer dans les hôtels pour un repas ou un verre, sans y être invités par des résidents. Des surveillants assurent la garde en ce sens dans les hôtels. Les franco‐mauriciens et les anglo‐mauriciens ont tendance à faire leurs activités entre eux, et surtout, à ne pas faire de mariages avec des mauriciens d’autres souches, même avec des Créoles blancs. Ils vont préférer explorer toute l’étendue de leurs familles et connaissances qui vivent en Europe ou ailleurs dans le monde plutôt que d’exposer leur famille à vivre avec des descendants métis. Et si cela arrive, ces derniers sont méprisés. Il faut expliquer que les Français qui ont immigré à Maurice sont issus pour certains de la noblesse qui a fui la Révolution 30 française à la fin du XVIIIe siècle. Même s’ils ont perdu leur titre de noblesse, ce sont eux qui possèdent la majorité des terres et des possessions du pays, alors, les alliances à travers les mariages ont toute leur importance. Certaines familles franco‐mauriciennes ont contracté des alliances avec des familles anglo‐mauriciennes. Jusqu’aux années 1970, l’aîné mâle d’une famille de Blancs se voyait octroyer la succession des affaires familiales et le second fils devenait prêtre. Jusqu’aux années 1970, aucun métis ou noir ne pouvait aspirer à devenir prêtre ou religieuse, ni même infirmier ou enseignant. Seuls les Créoles blancs étaient tolérés parmi les infirmiers et les enseignants. Toute tentative dans le sens de faire une demande officielle d’admission à une école d’infirmier ou un couvent ou un séminaire était tuée dans l’œuf. On faisait comprendre au postulant qu’il n’avait pas la « qualité » pour faire une demande. Encore aujourd’hui, plusieurs exemples sont rapportés par les médias où des personnes de la communauté créole de descendance africaine et malgache auraient été traitées comme des citoyens inférieurs. Par exemple, une femme entrepreneur à qui l'accès au restaurant d'un club sportif privé a été refusé, sous motif qu'il « n'est pas ouvert aux Mauriciens ». 2.12 La sécurité Outre les précautions habituelles à prendre quand on se déplace à pied dans la rue ou sur les routes, la sécurité personnelle concerne aussi les biens à domicile ou portés sur soi, tels les bijoux, les montres, les téléphones portables, les ipods, les ordinateurs, les caméras. En général, mieux vaut être discret car un touriste ne peut passer inaperçu, il est une minorité visible. En séjour à Maurice, un minimum de précautions s’avère utile pour éviter d’être une proie facile. Presque toujours, les mauriciens sont avenants, serviables, accueillants et curieux de connaître les étrangers. Cependant, la sécurité est une préoccupation constante à Maurice et pas seulement pour les touristes. Il y a des incidents isolés (cambriolages, agressions) qui s’accroissent en nombre quand des récidivistes (les HB Habitual Criminals) sont périodiquement en liberté. De plus, l’adage qui dit : « L’occasion fait le larron » est on ne peut plus vrai : une porte non verrouillée ou une fenêtre ouverte non sécurisée est une invitation à entrer dans la maison. Ce n’est pas tant la pauvreté qui pousse au crime que les besoins reliés à l’approvisionnement en drogue dure qui ont fait augmenter l’insécurité au pays depuis 20 ans. Quant aux vols à la tire, ils sont facilités par le fait que les mauriciennes portent des bijoux de valeur en or. Pour les mauriciens d’origine indienne, les bijoux reflètent le statut social. Il y a plusieurs corps policiers et une armée de terre (la Special Mobile Force, SMF). La force policière comporte 12 400 membres. Dans les prisons, il y a 2 500 détenus qui coûtent à 31 l’État Rs 140 000 par an par prisonnier. Parmi ces prisonniers, 75% purgent des peines reliées à des affaires de drogue. Présentement, il n’y a pas de programme de réhabilitation pour les prisonniers. En 2009, une baisse dans le taux de criminalité est rapportée avec une chute de 16 % du nombre de cas de vol et de cambriolage. Au chapitre de la lute contre la drogue, les données enregistrées par la police révèlent que le nombre de cas d'importation d'héroïne est toujours en hausse, soit une vingtaine de cas en 2009 contre neuf en 2008. Quelques 9,5 kilos d'héroïne ont été saisis l'année dernière contre 11,5 kilos en 2008. Par ailleurs, 71 kilos de gandia (marijuana), soit une progression de 42 % comparativement à 2008, ont été saisis et 44 990 plants de gandia déracinés. Un peu moins de 5 000 comprimés de psychotropes, principalement de Subutex, ont été également saisis lors d'opérations de l'Anti‐Drug and Smuggling Unit (ADSU). En 2008, une seule saisie de Subutex a dénombré plus de 25 000 comprimés. Avec l'introduction des radars sur les routes à partir de décembre 2008, le nombre d'infractions au Code de la route a accusé un bond de 31%. En 2009, la police a dressé des procès‐verbaux dans 40 063 cas d'excès de vitesse contre 17 711 en 2008. La sécurité aérienne et navale est assurée par des ententes avec la France (La Réunion), l’Inde (Océan indien) et les États‐Unis (Diego Garcia). La piraterie présente sur les mers à l’est de l’Afrique est une source de préoccupation pour la sécurité des Mascareignes, particulièrement pour Maurice qui a un port‐franc et beaucoup de transit maritime. Des mesures sont prises par le gouvernement pour assurer une meilleure sécurité dans un pays où le tourisme est la principale industrie. Tout établissement hôtelier de plus de 10 chambres doit avoir un système d’alarme et un coffre‐fort dans chaque chambre, en plus des barreaux aux fenêtres. La police assure une présence constante aux points « chauds » de la capitale, des gares d’autobus dans les villes et des zones touristiques. Des caméras de surveillance ont entraîné une réduction considérable des crimes en 2009 dans la région de Flic‐
en‐Flac sur la côte Ouest et en 2010 dans la région de Grand‐Baie au Nord. Il reste que la coutume mauricienne veut qu’on doive envoyer un texto pour rassurer les amis ou la famille quand on est arrivé à bon port, lors d’un déplacement en voiture ou en bus longue distance. Le soir et la nuit, les arnaques sur les routes surviennent encore. Dès la tombée de la nuit, vers 18h00 ou 19h00, les mauriciens ont tendance à rester chez eux ou à proximité. Sauf dans les régions touristiques où les boîtes de nuit s’animent les fins de semaine vers 1h00 du matin jusqu’au lever du jour. Somme toute, la meilleure sécurité consiste à vivre en compagnie des mauriciens eux‐
mêmes. Ils mettront tout en œuvre pour assurer votre sécurité, en sollicitant tout leur réseau de connaissances s’il le faut, par exemple, quand il s’agit de trouver un chauffeur de taxi fiable pour une dame qui doit se déplacer seule le soir d’un bout à l’autre du pays. En effet, il n’y a pas de répartiteur pour les courses en taxi – l’expérience tentée il y a 7 ans s’est avérée un échec‐‐ et chaque chauffeur ayant une licence est un travailleur autonome qui doit monter sa clientèle. 32 C’est ainsi que les déplacements prévus d’avance peuvent être réservés et négociés avec un chauffeur qui peut servir de guide en même temps. Il ne coûte pas plus cher de réserver un chauffeur toute une journée (en 2010 : entre Rs 1 400 et Rs 2 000 selon la distance parcourue et le nombre d’heures) que de louer une voiture (Rs 1 200 et plus, l’essence en sus), avec l’atout de la sécurité en plus. 2.13 La mentalité Aucun autre sujet que celui‐ci n’est plus délicat à traiter, par une auteure non mauricienne. Il faut renoncer à la tentation de comparer. La comparaison est facile, puisque nos deux peuples sont issus de l’immigration et ont connu la colonisation des français puis celle des anglais. Là s’arrête la comparaison. Les Créoles ont connu l’esclavage au temps des colons Français dont les profits dépendaient directement de cette main d’œuvre esclave. Puis sous les Anglais, l’engagisme, avec des ouvriers recrutés principalement en Inde, a remplacé l’esclavage. Plusieurs colons français sont restés à Maurice et ont continué leurs pratiques esclavagistes avec les engagés. Quant aux Créoles affranchis, ils ont quitté les exploitations sucrières, sauf ceux qui avaient des postes de surveillant (sirdar) et de contremaître. À cette époque (XIXe et début XXe siècles), les Blancs avaient moins de mépris pour un Noir que pour un Indien. Le contrat prévoyait un salaire pour les engagés laboureurs. Une pénalité de deux jours de salaire était retirée pour toute journée non travaillée indépendamment de la cause, maladie ou accident de travail compris, et ce entre 1869 et 1909. La famine régnait, les épidémies abondaient, les insultes et les coups de fouet pleuvaient sous tous les prétextes. Plusieurs ouvriers pouvaient travailler des mois sans recevoir aucun salaire. Il leur était interdit de pratiquer leur religion, de parler leur langue, d’apprendre à lire, de se marier légalement, de se réunir. Les représailles étaient sans pitié : balancé sur un tas de roches, attaché nu à un cactus et fouetté jusqu’à perte de connaissance; en remplacement du bœuf, attelé pour tirer le chariot rempli de cannes coupées avec, en prime, des insultes accompagnées de coups de fouet; enfermement strict pendant 15 jours dans une cage en fer d’un mètre sur un mètre cinquante; et parfois les quatre à la suite. Ce ne sont pas toutes les exploitations sucrières qui avaient des conditions semblables, mais elles variaient peu compte tenu du besoin constant des patrons d’écraser toute pensée de révolte. Chez les laboureurs et leurs familles, l’impuissance, la honte et l’humiliation faisaient partie du quotidien. Nous n’avons pas abordé le sort réservé aux femmes et filles des laboureurs pour qui les propriétaires possédaient des droits. 33 En tenant compte de ce passé, le mot qui peut résumer le plus la mentalité mauricienne est « une résignation lucide » (Unnuth, 2001, Sueurs de sang, p. 112) qui pourrait se traduire par : « On voit bien ce qui se passe, mais à quoi bon faire quoi que ce soit? » Chez les mauriciens, l’indécision et l’attentisme font partie intégrante du changement alors que la force de l’inertie s’oppose à la force de l’espoir. C’est comme si chaque fois qu’un problème se pose, on préfère laisser les choses en suspens s’accumuler et que finalement, on finisse écrasé sous le poids de leur inertie. Même si elle est désespérante, l’inertie est une attitude qui permet de conserver l’acquis connu, d’envisager les conséquences de le perdre, alors que l’espoir entraîne inévitablement avec lui un risque de dérapage dont les conséquences inconnues peuvent être pires encore. « Un tien vaut mieux que deux tu l’auras ». Cela signifie que plutôt que dire sa pensée, même aujourd’hui, un mauricien va choisir de se taire. Parfois, ses yeux parlent. Ou il s’exprimera en proverbes ou jeux de mots qu’on appelle à Maurice des sirandanes. Celles‐ci sont tirés du roman d’Unnuth (2001, op cit) •
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« Un boeuf qui chute dans le sable fait tout pour se protéger les yeux » « On croit monter au ciel et on échoue dans un bosquet de cactus » « Le malin ne se soucie que de lui, l’imbécile se tracasse pour autrui » « Du bambou dont on fabrique les flûtes, on fabrique aussi les paniers » « On n’a pas un sou et on traîne au marché » « À quoi bon se plaindre quand l’oiseau a picoré tout le grain? » « Quand le lait monte trop, il finit par déborder » « Pourquoi chercher des ennuis au crocodile alors qu’on vit dans le même marigot? » « Zafer mouton na pa zafer kabri » : Il ne faut pas se mêler de ce qui ne vous regarde pas. L’impuissance imprègne la mentalité de plusieurs mauriciens. Même s’ils détestent cette impuissance. Ils se sentent handicapés par la peur qui paralyse. Certaines actualités leur donnent raison quand des tracasseries administratives ou des décisions arbitraires s’abattent subitement sur certains, sans que rien ni personne ne puisse rien faire. Une peccadille peut devenir une catastrophe publique si elle a heurté des personnes haut placées. C’est ce défaitisme par exemple qui fait ignorer par les automobilistes les sirènes d’une ambulance prise dans le trafic. Qui fait tolérer la corruption sous toutes ses formes ou les champs vagues non entretenus en ville et remplis de détritus. Par contre, c’est l’indignation de la révolte qui provoque des mini émeutes si un citoyen est injustement arrêté selon ses voisins, obligeant les policiers à demander du renfort ou à retraiter. Ou au contraire, à mettre en prison une personne pour la protéger de la furie de son entourage qui veut la juger manu militari. Habituellement stoïque devant les événements de la vie, les mauriciens peuvent aussi être très émotifs dans des mouvements de foule imprévisibles. Ils peuvent également se plaindre sans relâche aux autorités ‐‐‐ sans avoir nécessairement de réponse ni même d’accusé réception, tout étant une question de moment propice et de connexion avec le pouvoir ‐‐‐ pour faire bouger les choses dans leur quartier ou leur ville. Ils sont les « forces vives » qui s’expriment et se regroupent pour faire avancer leur qualité de vie. 34 En général, les mauriciens sont très travailleurs et persévérants. Ils sont patients quand il le faut. Ils prévoient pour les études et l’établissement de leurs enfants. On nous dit que les Créoles n’ont pas ce penchant pour le labeur… et préfèrent vivre au jour le jour sans se soucier du lendemain. Nous n’avons pas encore fréquenté la communauté créole et ne pouvons confirmer ou infirmer cette affirmation. Il est un fait cependant que plusieurs Créoles qui avaient des diplômes et qui avaient les moyens financiers ont émigré massivement dans les années qui ont entouré l’indépendance du pays. Comme il arrive dans ces cas, ce sont ceux qui n’ont ni l’un ni l’autre qui restent pour peiner et se débrouiller. La diaspora (en fait, l’émigration car personne n’a dû quitter Maurice par contrainte) mauricienne est établie partout dans le monde, particulièrement en Europe (France, Grande‐
Bretagne, Irlande, Italie), en Australie, en Amérique (États‐Unis et Canada). La grande majorité contribue au développement de leur pays d’origine, soit en aidant leur famille restée à Maurice, soit en mettant leurs compétences professionnelles au service de Maurice. Dans ce portrait du mode de vie, nous n’avons pas abordé la flore et la faune, la forêt, les fruits et les légumes locaux, les mets typiques mauriciens, les paysages et les bords de mer. Ces informations sont un peu plus faciles à trouver ailleurs. Qu’il suffise de dire qu’ils contribuent à la douceur de vivre à Maurice, qu’ils sont une source inépuisable pour le plaisir des sens et le partage de joies avec les mauriciens. Ah, les odeurs des fleurs de frangipaniers, celles des ylang‐ylangs, la vue des bougainvilliers et de la fleur du talipot, le balancement des fleurs de canne au vent austral, l’ombre rafraîchissante des banians et la brise dans les filaos! Ah, les rougailles, les sept caris, le bryani de cabri, les mines frites ‐‐‐ pas les mines frites la gare!!‐‐, les bonnes sauces dans les carayes, les achards de mangues, les chatinis de pommes d’amour! Le cri des martins, le vol gracieux du paille en queue et le chant vigoureux du coq multicolore! Que dire des plages, parmi les plus belles au monde, Mont‐Choisy, Péreybère, Trou‐
au‐Biche, Belle‐Mare, Flic‐en‐Flac, l’île aux Cerfs, Blue Bay, bien entretenues par une armée de balayeurs! Ah, les lagons turquoise avec les brisants à l’horizon! Ah, les montagnes du Pieter Both, celle du Corps de garde, et celle de la montagne du Pouce! Sans parler de Rodrigues et des rodriguais, charme pastoral et convivialité avec le sourire! Les mauriciens ont l’art de vivre. Certains regrettent l’époque coloniale quand les Anglais imposaient leur discipline naturelle à toutes les sphères de la société. Au moins, selon eux, les choses allaient bon train avec les Anglais! En contrepartie, nous avons exprimé à nos amis mauriciens que la manière un peu échevelée de gérer le pays était largement compensée par leur accueil du moment présent pour en faire un événement gravé dans notre mémoire. « Il est en retard? » Péna problem!! « Pas de souci, il va arriver tôt ou tard. » Et quand il arrive, pas un mot de reproche, c’est l’accueil dans la joie de retrouver un ami qui est arrivé sain et sauf. Les mauriciens vivent le moment présent car, qui sait ce que demain sera fait? Nous n’avons pas abordé non plus le péché mignon et parfois pas si mignon que cela des mauriciens : les paris aux courses de chevaux (Le Turf), les casinos et plus récemment La Loto. Maurice possède la piste de course la plus ancienne de tout l’hémisphère sud et elle en est fière. Cette passion dévorante pour le jeu est en train de devenir un autre problème de santé 35 publique. Avec les profits de la Loto, l’état a l’intention de financer des programmes sportifs pour inciter les mauriciens à faire davantage d’exercice physique… Il n’est pas nécessaire ici de nous étendre sur ce sujet que nous connaissons bien au Québec. 2.14 Les organisations non gouvernementales (ONG) En 2009, le gouvernement a décidé de remplacer les déductions fiscales pour les entreprises (au profit des ONG) par une contribution annuelle obligatoire de 2% des profits après impôts des entreprises dans un fonds dit Corporate Social Responsibility (CSR). Chaque compagnie décide de l’utilisation des fonds et détermine les critères de sélection. Les secteurs dans lesquels les compagnies assurent une présence sont notamment l'éducation et la formation, l'allègement de la pauvreté, la santé, l'environnement, le patrimoine et le sport. Le CSR vise les activités d’environ 500 ONG qui sont chapeautées par le MACOSS (Mauritius Council of Social Services). Les ONG commencent à exister sur la toile et plusieurs restent très difficiles à localiser même sur le terrain. Lors d’une foire au Centre Swami Vivekananda à Pailles les 28 et 29 juin 2010, plus de 100 entreprises et 200 ONG se sont retrouvées sous le même toit, les uns pour offrir leurs deniers, les autres leurs services et projets. Nous en avons profité pour prendre contact avec plusieurs d’entre eux et ajouter à notre liste d’organismes connus. Plusieurs ONG sont très actives à Maurice, surtout celles qui s’occupent des plus démunis, des exclus. Dans le domaine de la santé, des ONG s’occupent des personnes atteintes de cancer (transport pour les soins, soutien social), de maladies rares moins connues à Maurice (thalassémie, sclérose amyotrophique latérale, maladie de Duchenne), de personnes vivant avec un handicap physique ou mental (« les personnes autrement capables » qui sont peu prises en charge par le système de santé) comme les sourds, les aveugles, les personnes ayant un déficit cognitif. Plusieurs ONG se consacrent à l’alphabétisation fonctionnelle notamment pour aider les adultes à se rendre au travail ou à être plus efficace avec leur petit commerce mais aussi pour leur donner des moyens concrets d’encourager leurs enfants à aller à l’école. Plusieurs ONG ont un caractère plus religieux ou social. Une association religieuse pourra faire la promotion d’un site patrimonial ou faire des demandes pour qu’une langue spécifique soit ajoutée au programme scolaire; une association sociale pourra faire la promotion des sites environnementaux à préserver comme les barrières de corail ou encore encourager le compostage et le recyclage des déchets comme une responsabilité citoyenne importante pour une île. 36 2.15 Les principales problématiques de santé sociale Selon plusieurs sources, le VIH, la pauvreté, le suicide, le tabagisme, la consommation de drogue et la prostitution sont les sujets de l’heure à Maurice. 2.15.1 La santé mentale Le taux de suicide à Maurice est de 16 hommes et 4,8 femmes pour 100 000 habitants, en 2007 selon l’OMS (comparable au Canada). Comme il n’existe pas de services psychosociaux ni d’études psychosociales, il est difficile d’évaluer la prévalence des idées suicidaires chez les jeunes ou les personnes aînées par exemple. Cependant, l’étude des statistiques des causes d’admission aux urgences nous incitent à penser que les tentatives de suicide sont relativement fréquentes. Mais on ne peut présumer des décès. Les psychologues et psychothérapeutes sont environ une trentaine dans le pays et très peu vivent de leur profession. Consulter un psychologue est un sujet tabou à Maurice. Le seul hôpital psychiatrique public du pays reçoit des patients chroniques, c’est‐à‐dire pour qui la maladie psychiatrique est juxtaposée à une problématique sociale de pauvreté, à des déficits cognitifs et à une consommation d’alcool, de tabac et/ou de drogue. Ces patients sont presque toujours abandonnés par leurs familles. Une ONG a ouvert une clinique privée (qui a fermé en août 2010) pour soigner la clientèle qui a besoin de soins de courte durée. Inutile de dire que les troubles de comportement sont peu identifiés dans les écoles, en partie par le fait que les parents refusent les services parce qu’ils ne veulent pas être stigmatisés en admettant que leur enfant porte une étiquette qui le ferait basculer dans la catégorie hors norme. Une difficulté croissante à Maurice concerne les comportements difficiles chez les jeunes. On appelle cela « l’indiscipline des élèves ». Tant les enseignants que les parents sont désemparés et ne savent que faire dans un pays où le respect des autorités et des aînés est une loi tacite qui semble transgressée pour la première fois. Des formations d’appoint à l’intention des enseignants ont été organisées à partir de 2010 sur l’intervention auprès des jeunes qui ont des comportements indisciplinés. Les ressources en psychologues et en psychopédagogues sont très limitées. De 2007 à ce jour, 5 955 cas ont été rapportés par les enseignants. Environ 1 500 cas par année. Cependant, les cas rapportés ne sont pas évalués encore moins traités par manque de ressources humaines et financières pour les rémunérer. Dans les prochaines années, on prévoit plusieurs postes de psychologues spécialisés en éducation. Plusieurs écoles et ONG apprennent par essais et erreurs comment intervenir auprès des jeunes. Les besoins de formation et d’encadrement des « intervenants sociaux » et « agents sociaux » sont immenses selon les organisations concernées que nous avons consultées. Plusieurs intervenants vivent des épuisements professionnels sans aucun soutien. 37 Un des grands besoins chez les jeunes est d’avoir confiance en eux. L’estime de soi est un travail de base auprès des jeunes dans les ZEP, zones d’éducation prioritaire, qui comportent également des zones de pauvreté. Il semble que ce besoin de base doive être abordé avant toute intervention en promotion de la santé sur d’autres sujets plus précis comme la sécurité dans les relations amoureuses, ou un environnement physique sécuritaire en lien avec les maladies transmissibles comme le VIH ou l’hépatite. Enfin, nos observations sur les jeunes enfants nous portent à croire que les difficultés vécus par les parents au sujet de l’encadrement, de l’attention et des rapports de force de part et d’autre sont courants à Maurice, tout comme au Canada. Certains phénomènes sociaux semblent être planétaires. 2.15.2 Le tabagisme Un autre sujet qui semble préoccuper les autorités sanitaires est le taux très élevé de tabagisme. Selon nos sources, 46% des hommes et 5% des femmes sont fumeurs réguliers de cigarette à Maurice. Ce serait également le pays où le taux de fumeurs est le plus élevé en Afrique. Une récente loi interdit la vente du tabac et sa publicité aux moins de 18 ans. De plus, le tabagisme dans les lieux publics est interdit ce qui a permis de freiner la consommation et même de réduire légèrement le taux de fumeurs. Cependant, nos observations nous ont permis de constater que la loi n’est pas appliquée dans les points de vente (interdiction de vendre les cigarettes à l’unité ou par paquet de 10) ni dans les restaurants et les bars. Tout serait‐il une question de liens privilégiés des propriétaires des boîtes de nuit avec les autorités locales? Il ne semble pas clair non plus qui a la responsabilité de faire appliquer la loi et comment les inspecteurs sont avisés des infractions. 2.15.3 Le VIH‐Sida et problèmes reliés Une autre problématique très présente est celle de l’ascension constante du nombre de personnes infectées par le VIH‐Sida selon le Ministère de la santé et de la qualité de vie de Maurice. Au dire des ONG PILS (Prévention, information et lutte contre le sida) et ONU‐SIDA, il y aurait entre 12 000 et 15 000 cas de VIH‐Sida chez les 15‐49 ans. Cette problématique serait en 38 relation directe avec une autre, la toxicomanie. Selon le rapport annuel de 2008 de l'UNODC (United Nations Office on Drugs and Crime), le pays se situerait au deuxième rang mondial des plus grands consommateurs d’héroïne. Il est au troisième rang mondial pour la consommation des opiacés et au premier rang pour l’Afrique. En 2007, 80% des nouveaux cas répertoriés de SIDA étaient chez les UDVI (Usagers de Drogues par Voie Intraveineuse). En 2010, il y aurait près de 20 000 UDVI à Maurice qui consomment un minimum de 3 doses par jour pour un total de 57 kg/ mois qui entrent dans le pays. Les profits sont de l’ordre de Rs 1.5 milliards par mois. En outre, les toxicomanes sont les plus affectés par le sida qui dévore des sommes énormes pour des soins de longue durée. Et les trois quarts des détenus mauriciens sont des toxicomanes. Les réseaux de prostitution sont un autre problème majeur qui a une grande incidence sur le taux de personne infectées au VIH. L’ONG Chrysalide met d’ailleurs en évidence la relation entre la dépendance aux drogues et la prostitution. Les liens entre ces trois problèmes sociaux sont manifestes. Grâce à sa position géographique assurant les connexions entre l’Europe, l’Asie, l’Afrique et l’Australie, Maurice se trouve à être une plaque tournante pour le marché de la drogue dans le monde. La présence importante de substances illicites à Maurice influence évidemment la consommation locale qui est croissante. La propagation rapide du VIH‐Sida est en hausse car 50% des utilisateurs de drogues intraveineuses utilisent fréquemment les mêmes aiguilles. La distribution de seringues propres pour la population qui utilise les drogues injectables est disponible sur un seul site sanitaire. Bien que cela soit une grande avancée pour freiner la transmission du VIH‐Sida et l’hépatite, la ressource ne peut être utilisée que par les résidents qui habitent aux alentours de l’hôpital (à cause du transport). Or, les utilisateurs de drogues intraveineuses se trouvent partout sur le territoire selon les ONG. Nous avons pu le constater de visu en allant dans un petit village visiter un cimetière abandonné qui faisait office de cimetière de bouteilles et de seringues souillées aux abords d’un quartier pauvre. Aussi, 80 % de ces gens, dont une grande majorité font partie d’un réseau de prostitution, n’utilise pas de condom lors des pratiques sexuelles. La prostitution est un facteur contribuant à l’épidémie du SIDA. Le rapport de l’United States Department of States, décrit Maurice «comme un lieu de trafic et d’exploitation de personnes dont des enfants». Il semble que l’aéroport soit un lieu où certains chauffeurs de taxi agissent comme intermédiaires entre les touristes et l’univers de la prostitution. On note que les jeunes filles disposées à ce type d’activité ne se retrouvent pas sur les trottoirs en raison de leur sécurité personnelle qui s’en trouve menacée. De cette façon, ces filles âgées d’environ 16 ans pratiquent de plus en plus autour des collèges, endroit plus sécuritaire pour elles. C’est aussi un endroit de choix pour le chauffeur de taxi qui répond à la demande du touriste et devient l’intermédiaire favorisant la prostitution juvénile. Des jeunes filles encore plus jeunes viennent des villages périphériques pour exercer dans les endroits 39 suivants : Port‐Louis, Grand Baie, Rose‐Hill, Beau‐Bassin et Curepipe où elles ne risquent pas d’être reconnues. Souvent ces jeunes filles ne se voient pas comme des prostituées, elles répondent à un besoin qui est celui de se faire l’argent de poche pour se procurer de la drogue. Or, la consommation de drogue et les relations non‐protégées constituent des facteurs de risque importants pour la contraction du VIH. Enfin, certaines travailleuses du sexe qui prennent de l’âge vont même jusqu’à impliquer leurs propres filles, plus jeunes et donc plus en demande qu’elles, dans le but de ne pas perdre leur réseau de clients et donc un revenu familial confortable. Trois raisons poussent ces adolescentes à se prostituer : la situation économique difficile de la classe défavorisée, les mauvaises fréquentations à l’école et la dépendance à la drogue dure. La prostitution masculine est aussi présente sur l’île. Bien que celle‐ci demeure beaucoup moins importante que la prostitution féminine, elle n’est toutefois pas négligeable et se pratique pour les mêmes raisons. À ce jour, le gouvernement tarde à s’impliquer de façon directe et concrète dans la lutte contre la drogue et le VIH et la promotion de saines habitudes sexuelles. Il semble laisser les initiatives aux ONG qui oeuvrent sur le terrain tout en les supportant du bout des lèvres et souvent même en utilisant toutes sortes de tracasseries administratives et policières pour les empêcher de fonctionner. La saga de la parution du film Paradi An Dey (Un paradis en deuil) en juillet 2010 en témoigne alors que l’auteur et les promoteurs du film de sensibilisation aux conséquences sociales du commerce de la drogue ont fait l’objet de pressions pour empêcher la diffusion du document. Il faut comprendre que le lobby des barons de la drogue tisse ses tentacules partout dans un pays où tout est relié. Les ONG concernées se sont regroupées dans un collectif MAD (Mouvement Anti‐Drogue) pour sensibiliser la population à manifester sa désapprobation et son inquiétude pour ses enfants. La consommation d’héroïne, le plus souvent une forme grossière d’héroïne connue comme le «brown sugar», a tendance à diminuer relativement depuis quelques années au profit de la consommation de Subutex, un narcotique disponible sur le marché européen et qui fait l’objet d’un trafic intense à Maurice. Moins cher que l’héroïne, disponible en comprimés plus discrets, le Subutex se répand rapidement et augmente ainsi le nombre de personnes dépendantes. Le Subutex étant moins cher, de nouveaux marchés s’ouvrent comme celui des adolescents dans les collèges. Ce qui entraîne la prostitution organisée pour ce groupe d’âge. Deux autres fléaux sociaux sont présents à partir d’une production et consommation locales : la gandia (ou gandja, la marijuana) et l’alcool. L’éducation sexuelle et la sensibilisation aux pratiques à risque chez les jeunes constituent des pistes de solution à la problématique. Selon le National Multisectorial HIV and AIDS Strategic Framework (NSF) 2007‐2011, le manque d'éducation sexuelle et reproductive dans les institutions scolaires à Maurice est flagrant. Entre 2007 et 2010, nous avons pu constater une évolution importante sur les sujets de l’éducation sexuelle et sur le VIH : de sujets extrêmement tabou en 2007, ils sont facilement abordés en 2010 dans les écoles quand on les 40 intègre dans l’optique des relations amoureuses et du développement intégral de l’enfant, autrement dit, quand on va au‐delà des aspects « techniques » des relations sexuelles. En 2010, aucun programme n’est encore introduit dans les écoles mais plusieurs initiatives locales viennent appuyer les orientations que voudraient prendre le Ministère de l’éducation et les enseignants. Le principal obstacle à ces initiatives est le manque de collaboration et souvent l’opposition ouverte des parents qui croient qu’une éducation à la saine sexualité et la sensibilisation aux pratiques à risque vont entraîner les jeunes à ces pratiques. Toutes les religions interdisent les rapports sexuels avant le mariage et la pression sociale des familles est très forte. Or, les jeunes mauriciens diffèrent peu des jeunes vivant ailleurs dans le monde alors que certains parents et certains leaders religieux préfèrent garder l’illusion qu’ils peuvent avoir un contrôle absolu sur leurs adolescents et jeunes adultes. C’est ainsi qu’il est possible aux intervenants en promotion de la santé de discuter de sexualité et de prévention du VIH dans les écoles mais que les condoms restent difficiles à se procurer en vente libre ‐‐il faut les demander car ils sont derrière les comptoirs dans les commerces‐‐ sauf dans les magasins à grande surface qui sont moins accessibles pour les jeunes. Ne pouvant se fier sur les adultes pour s’informer, les jeunes ont une vision étriquée de la sexualité et des rapports amoureux : les revues pornographiques et internet sont leurs principales sources d’information. Une autre piste en développement est la mobilisation de la population qui souffre des conséquences du trafic de la drogue. Des familles entières sont dévastées. Chaque semaine, une vingtaine de jeunes entre 15 et 30 ans demandent de l’aide aux ONG pour se sortir de l’enfer de la drogue. 2.15.4 Le contrôle démographique La forte densité populationnelle a forcé les autorités à offrir des services de planification des naissances dès les premières années de l’indépendance du pays. À travers la Mauritius Family Planning Association (MFPA), plusieurs mesures ont été mises en œuvre telles qu’un réseau de 203 points de service qui offrent des sessions de counselling et de planification familiale, des centres de santé primaire qui offrent des services gratuits et le programme pour des mères vivant avec le VIH/sida. Tout n’est pas parfait : les dirigeants mentionnent que plusieurs « lacunes » ont été décelées dont le nombre de grossesses chez les adolescentes qui se situe à une trentaine par année, le pourcentage de césariennes qui a atteint plus de 40 % dans les hôpitaux, les avortements et un déclin dans le nombre de personnes ayant recours aux méthodes traditionnelles de planification familiale. Les avortements demeurent illégaux à Maurice et ils font l’objet de poursuites pour toutes les personnes impliquées quand ils sont découverts suite à des complications; cela signifie que les autorités n’ont pas de données sur le nombre d’avortements illégaux faits dans le pays et pour les plus nantis, à La Réunion. Il reste que le nombre de naissances par 1 000 habitants a diminué sensiblement et se situe à 1,5 en 41 2010, bien en deça du taux de renouvellement de la population (2,1). Il y a 25 naissances pour 42 décès en 2010, ce qui implique pour le pays une population vieillissante et déclinante. Depuis 30 ans, une famille mauricienne comporte un ou deux enfants, rarement plus. 2.15.5 La malaria et le chikungunia La malaria est éradiquée dans l’île depuis très longtemps. Les autorités sanitaires font un contrôle strict aux douanes en exigeant de toute personne ayant récemment habité ou transité par un pays où la malaria est endémique une preuve du contrôle. Comme Maurice est une île, les douaniers ont tendance à être exclusif plutôt qu’inclusif, c’est‐à‐dire qu’ils vont refouler toute personne qui ne peut montrer de preuve. Il est donc prudent de planifier en conséquence. Le chikungunia, communément appelé le chik, est une maladie infectieuse transmise par un moustique qui ressemble au maringouin. Les symptômes sont variables d’une personne à l’autre et d’une exposition à l’autre : ils ressemblent à ceux de la grippe, ils peuvent durer des semaines ou des mois et les douleurs musculaires peuvent aussi être accompagnées de douleurs aux articulations. Les autorités sanitaires surveillent les moments propices au chik, après les pluies diluviennes. Ils encouragent les habitants à ne pas laisser d’eau stagnante dans les bassins, pneus ou vases à fleur car le moustique s’y reproduit. Des campagnes de fumigation sont entreprises régulièrement dans les zones à risque et celles où des cas ont été répertoriés. Enfin, des campagnes publicitaires rappellent le port de vêtements à manches longues, l’utilisation des produits répulsifs et des moustiquaires pour la nuit. Les autorités sont conscientes du ravage que le chik peut faire sur l’image touristique du pays et elles sont donc vigilantes. Les périodes propices au chik sont entre novembre et mars, au moment des pluies d’été. 2.16 Le système de santé Cette description ne serait pas complète sans un regard sur le système de santé mauricien. La structure du système de santé public découle, tout comme le système canadien d’ailleurs, des accords d’Alma Ata en URSS en 1978. Ainsi, les soins de santé primaires sont assurés par 25 centres régionaux de santé (Area Health Centres), 126 centres communautaires de santé (Community Health Centres ou CHC). Pour les soins de santé secondaires et tertiaires, 42 Maurice a 5 hôpitaux régionaux, 4 hôpitaux spécialisés (ORLO, orthopédie, néphrologie et pneumologie) et un centre de cardiologie, pour une capacité totale de 3 550 lits. Il y a un seul hôpital psychiatrique public. En 2010, le gouvernement a annoncé la création d’hôpitaux spécialisés en géronto‐gériatrie, soins des femmes et pédiatrie. De plus, on dénombre 12 cliniques privées (Hôpitaux généraux et spécialisés). Les centres de santé reçoivent une minorité de consultations médicales, les patients préférant se rendre aux urgences des hôpitaux. Chaque année, les hôpitaux font plus de 3 millions de consultations pour 1.3 million de population. Les services publics de santé et les médicaments sont gratuits pour les citoyens mauriciens. Les pharmacies des hôpitaux font la distribution des médicaments, y compris le programme de substitution de l’héroïne par la méthadone. Les installations dans les hôpitaux varient d’équipements n’ayant pas changé depuis la construction en 1920 avec des salles (wards) de 30 lits en fer – qui ont perdu leur peinture depuis des lustres‐‐ et d’autres qui sont ultra modernes avec intégration de l’informatique. Les équipements de radiographies ou autres tests diagnostiques ont besoin d’un entretien spécial mais certains appareils peuvent rester en panne pendant des mois ou des années car les techniciens – que l’on doit faire venir de l’étranger‐‐ ne sont pas prévus au budget ou les pièces sont manquantes ou non prévues au contrat. Il ne semble pas y avoir d’initiatives locales pour contrer les problèmes à la source, par exemple, pour former le personnel à un entretien minimal, pour contrôler le taux d’humidité dans les salles ou pour empêcher que les rongeurs s’installent dans les appareils et fassent des ravages. La plupart des spécialités et interventions médicales sont disponibles à Maurice. Certains cas spécifiques de maladies rares sont traités en Inde, parfois avec l’aide financière du gouvernement. Celle‐ci est à hauteur de Rs 200,000 alors qu’une chirurgie, par exemple, en neurochirurgie, coûte au moins Rs 400 000; cela signifie que la famille doit débourser le reste. Le manque de spécialistes médicaux n’est pas la seule contrainte, le personnel infirmier en soins intensifs n’a pas la formation ni l’équipement requis pour le suivi des opérés. Comme le diabète est à l’état endémique à Maurice, les spécialités reliées aux complications comme l’ophtalmologie, l’hémodialyse et la cardiologie sont bien couvertes par les services. Ce qui implique que les spécialités reliées aux cas plus rares le sont moins. Une des causes de la hausse des césariennes depuis quelques années (près de 50%) est l’accès de plusieurs familles à une mutuelle (assurance‐maladie de l’employeur), ce qui incite les obstétriciens à offrir généreusement la césarienne à des jeunes femmes qui n’ont pas toutes les informations pour prendre une décision éclairée. Laconiquement, le Ministère indique qu’il étudie la question. La mortalité infantile chez les bébés de moins de cinq ans est de 16,9 pour 1000 en 2009 (23,1 en 1990). La mortalité maternelle est de 10 pour 1000 en 2009 (15 en 1990). Contrairement au personnel infirmier qui reçoit sa formation à Maurice, le personnel médical – dentiste compris‐‐ reçoit leur formation en partie à Maurice, puis ensuite en France, 43 en Angleterre, aux États‐Unis, en Ukraine ou en Afrique du Sud et même dans d’autres pays. L’Université de Maurice propose depuis 1997 des cours de BSc (Hons) Medical Science. Un accord a été signé en août 2010 entre l’université de Maurice et l’université de Genève pour que Maurice puisse délivrer des diplômes de médecine, sans que les étudiants mauriciens aient à se déplacer à l’étranger, comme c’est le cas à présent. La formation reçue à l’université de Maurice et ses partenaires semble recevoir une bonne cote, contrairement à celle reçue entièrement dans certaines universités à l’étranger dont la qualité de programmes n’est pas contrôlée et qui acceptent tous les étudiants qui font une demande d’admission. Les pharmaciens sont formés à l’étranger et les diplômes n’offrent aucune garantie de qualité sauf celle de la réputation de l’école. Les professionnels de la santé affichent généralement l’endroit où ils ont étudié en Europe ou aux États‐Unis sur la plaque annonçant leur cabinet. Les physiothérapeutes sont formés à l’Université de Maurice. Le personnel médical et paramédical est réparti selon les besoins par le Ministère de la Santé. Les ordres professionnels commencent à se structurer et à mettre de l’avant un code d’éthique. Les dentistes de l’état font des tournées dans les écoles mais leur seule intervention consiste à arracher les dents dites « pourries ». Toute autre intervention doit être réalisée au cabinet privé du dentiste et est aux frais des familles. Quand on sait que pour plusieurs familles, cela représente un grand coût de se procurer du dentifrice et des brosses à dents… alors le dentiste… L’hygiène dentaire est enseignée dans les écoles primaires vers la 5e et 6e année, soit par des officiers du ministère de la santé en promotion de la santé, soit par l’enseignant de la classe dans le programme de sciences (processus des caries, aliments favorables et défavorables). Le transport étant à la charge de l’employeur, le personnel est placé au plus près de sa résidence, sauf si l’employé fait l’objet d’un transfert punitif. Les causes de ces transferts peuvent être des plus banales comme la mutation d’un médecin directeur général en 2008 suite à des plaines de patients qui ne disposaient pas de couvertures durant les mois d’hiver (il faut lire entre les lignes que les couvertures se sont volatilisées des réserves au moment inopportun et qu’un journaliste a été avisé de la plainte). Un autre cas : si une infirmière fait visiter sa salle ou son hôpital à un étranger sans l’autorisation de son supérieur. La consigne générale est donc de ne pas faire de vague et de ne pas mettre dans l’embarras le personnel d’entretien ou les aides soignants (qui obtiennent un emploi par nomination politique) ou son supérieur immédiat. Dans le pire des cas, on vous transfère à Rodrigues, à 800 km à l’est. Il n’y a aucun suivi psychologique en santé, les psychologues étant rares, et les services sociaux sont structurés dans les ONG indépendantes et sans coordination avec les services de santé. Rappelons que les intervenants sociaux des ONG n’ont pas de formation de niveau tertiaire mais reçoivent une formation d’appoint selon les priorités des organismes dans lesquels ils oeuvrent. D’ailleurs, le Ministère de la sécurité sociale et de la solidarité nationale gère les services et les indemnités aux handicapés, aux personnes âgées et aux invalides. Les personnes âgées de 75 ans et plus ont droit à des services médicaux à domicile. Le médecin fait 44 des visites à domicile mais pas les infirmières. Les patients qui ont moins de 75 ans doivent se déplacer vers les centres de santé pour recevoir des services des médecins et des infirmières. Il y a environ 40 000 personnes vivant avec un handicap à Maurice, autant d’hommes que de femmes. Environ 2 000 d’entre elles sont à la recherche d’un emploi. Une embauche préférentielle d’au minimum 3% est prescrite par la loi pour toute entreprise qui a plus de 50 employés. Le respect de la loi étant un autre chapitre… Sur les 1,2 million d’habitants pour Maurice et Rodrigues, il y a 147 000 personnes âgées de 60 ans et plus, soit un peu moins de 10% de la population. L’âge de la retraite est de 60 ans mais le gouvernement veut le repousser à 63 ans. Lorsqu’une famille ne peut continuer à prendre soin d’un parent âgé, l’alternative consiste à un placement en hébergement. Ce dernier n’est pas réglementé et le plus souvent, il est dirigé par des ONG. Une partie de l’hébergement est réservé aux résidents qui paient un loyer et l’autre est allouée aux résidents non payants qui sont pris en charge par l’ONG, qui elle‐
même, peut être financée en partie par l’État. Nous avons pu visiter une de ces résidences située à Calebasses et prise en charge par une organisation religieuse hindoue, suite au départ d’une communauté religieuse catholique en 1968. Le seva ashram (maison avec service) accueille les personnes de 40 ans et plus, de toutes origines, ayant un handicap physique ou mental, ou simplement en perte d’autonomie. L’ashram est situé sur un site enchanteur, dans un magnifique parc, avec des arbres centenaires; la résidence en pierre d’époque coloniale est entourée des bâtiments au commun comme la cafétéria et la chapelle, autour desquels sont situées les ailes des résidents. Les chambres sont à occupation multiple, entre 4 et 12, mais chacun a un lit et une armoire pour ses effets personnels. Les portes des chambres donnent sur une varangue (véranda ouverte) au niveau du sol et des sentiers de promenade relient les bâtiments. Le niveau d’autonomie varie beaucoup et il semble régner une liberté de mouvement (sauf pour les résidents ayant des troubles psychiatriques ou cognitifs). Nous avons vu d’autres installations de construction récente à Trou‐aux‐Biches et à Pointe aux Sables, mais sans pouvoir les visiter. L'alcoolisme reste la principale cause des hospitalisations à l'hôpital psychiatrique Brown Sequard. Les derniers chiffres indiquent que les patients ayant des troubles psychiatriques liés à la consommation d'alcool représentent 50,7% des admissions (2009). Près de 2 300 patients alcooliques y ont été hospitalisés pour cette raison en 2009, dont 61,6% de ces malades sont des hommes. Selon le ministère de la Santé, 58% des hommes mauriciens de plus de 20 ans sont buveurs et 28% des femmes de plus de 20 ans. Un homme sur cinq (19,1%) mais seulement deux femmes sur 100 (1,9%) boivent excessivement. À noter que 35% des admissions dans les wards médicaux, chirurgicaux et orthopédiques des hôpitaux régionaux sont attribuables à la consommation d'alcool. Par ailleurs, les autres causes d'hospitalisation à l'hôpital Brown Sequard sont au deuxième rang la schizophrénie (29, 2% des admissions soit 1308 patients), suivi par les épisodes psychotiques aigus (5,1% soit 228 cas). Au quatrième rang, 45 la dépression (4% soit 180 patients). Les psychoses épileptiques sont responsables de l'hospitalisation de 89 personnes, soit 2% des admissions. Le système de santé est accessible et nous avons dit que les gens préfèrent se rendre aux urgences qu’au centre de santé à proximité. Les mauriciens tolèrent très peu un temps d’attente qui dépasse une heure à l’urgence (casualties) et ils – eux‐mêmes et les membres de leurs familles qui les accompagnent‐‐ manifestent bruyamment leur impatience s’ils n’ont pas rapidement des soins par le médecin de service. Les infirmiers et infirmières sont très mal perçus par la population et leur cote de popularité est au plus faible en 2008‐10. On leur reproche leur impatience, leur impolitesse, le fait de ne pas être orienté vers la clientèle et ses besoins – mais rarement leur compétence. Ils semblent être le bouc émissaire de tout ce qui ne tourne pas rond dans le système de santé, sans que le Ministère se soucie de leurs conditions de travail, y compris d’offrir un environnement sécuritaire pour une pratique de qualité. Nous avons souvent affirmé aux infirmiers et infirmières qu’ils accomplissaient des miracles avec bien peu de moyens. En juin 2010, la nouvelle ministre de la santé, Mme Maya Hanoomanjee a introduit un système de rendez‐vous dans les hôpitaux pour les patients qui viennent régulièrement, au lieu du système qui convoque tout le monde à la même heure en matinée ou en après‐midi. Nous doutons du succès de cette initiative fort louable en soi car les mauriciens ont une conception circulaire du temps – d’autres priorités peuvent prendre le pas sur un rendez‐vous médical ‘scédulé ‘. De plus, les aléas du transport et du trafic routier rendent hasardeux l’efficacité du nouveau système de rendez‐vous, sans compter les retards fréquents de plusieurs heures par des médecins qui peuvent pratiquer tant dans le privé que dans le public. Avec les potentiels conflits d’intérêt que cela soulève… Une particularité récente (vers 2007) est l’intégration de la médecine ayurvédique (médecine indienne traditionnelle) dans le système de santé. Un centre de consultation existe à Pamplemousses et les patients atteints de diabète ou d’hypertension doivent choisir entre un traitement en médecine ayurvédique ou en médecine allopathique (médecine occidentale) car les deux ne sont pas compatibles. Il existe aussi à Calebasses un hôpital ayurvédique privé. Après évaluation, les patients ont des traitements de massage et de naturothérapie, en plus d’intégrer dans leur vie des principes en alimentation, en équilibre vital et en méditation. Même si le système de santé peut paraître accessible à première vue, il y a un bon nombre de ménages qui n’y ont pas accès par manque de ressources financières, le coût du transport en commun étant trop élevé pour eux. Aussi, étant donné que le système est à deux vitesses (public/privé), la qualité des soins et des infrastructures dans les centres de santé privés est de loin supérieure à celle des centres publics. Les cliniques (ce mot désigne les hôpitaux privés) visent la clientèle des bien nantis, tant les touristes que les mauriciens plus aisés. Un ‘tourisme médical’ se développe avec des spécialités en greffe des cheveux et chirurgie esthétique. Les SPAs de luxe sont présents un peu partout. Quant aux investissements dans les infrastructures du système public de santé, ils sont énormes ces dernières années, mais il 46 semble que l’organisation de la distribution des soins ne fasse l’objet d’aucune planification ou réforme depuis des dizaines d’années. En somme, sur le plan social, en lien avec la santé, nous pouvons faire ressortir des points importants : • Le chômage augmente malgré la post‐industrialisation du pays et le niveau élevé de formation des mauriciens; • Le manque de travail risque d’amener davantage de ménages dans la précarité; • Le risque de pauvreté relié au chômage peut entraîner des modifications dans les habitudes de vie comme par exemple l’alimentation; • L’industrialisation a entraîné des modifications dans les habitudes de vie (diminution de l’activité physique, malbouffe); • L’éducation est une valeur importante, mais ce n’est pas toute la population qui y a accès après le primaire; • Le manque d’éducation peut entraver la compréhension de l’importance d’avoir un mode de vie sain; • La pauvreté empêche l’accessibilité aux services de santé. Ces constatations risquent de nuire à la qualité de vie des Mauriciens. D’une part, l’industrialisation amène des modes de vie sédentaires et la malbouffe, ce qui favorise des risques pour la santé. D’autre part, le chômage et la pauvreté empêchent les gens de bien se nourrir, de se loger convenablement ou d’avoir accès aux services de santé, ce qui peut également diminuer la qualité de vie et l’impression de posséder la santé comme ressource de sa vie quotidienne (OMS, 1986). 47 3. Profil épidémiologique Selon Caroll (2006, p. 50), « l’évaluation épidémiologique vise à déterminer les besoins de la collectivité en matière de santé. » Pour ce faire, une analyse du statut de santé des Mauriciens est nécessaire. Le tableau suivant donne un aperçu des indicateurs de santé généraux. Le développement économique rapide du pays depuis les années 80 a eu un impact important sur les habitudes de vie de la population, en raison de l'industrialisation rapide et une amélioration générale du niveau de vie. Au Statut de santé Ile Maurice
cours de cette période, il y a eu un Espérance de vie à la Homme 70
changement important dans le profil des naissance en années maladies, passant d’une majorité de maladies Femme 77
de type transmissible à une majorité de maladies non transmissibles. Le gouvernement Espérance de vie en Homme 60
mauricien a donc mis en place un système de santé Femme 65
dépistage des maladies non transmissibles sous forme de cliniques ambulantes afin Probabilité de Homme 217
d’avoir un portrait limpide de la situation. C’est mortalité sur 1000 ainsi que le diabète Mellitus ou diabète de personnes entre 15 Femme 112
type 2 est l’une des maladies chroniques les et 60 ans plus courantes sur l’île. Le dernier OMS 2003, CIA 2009
recensement effectué en 2004 auprès d’une clientèle adulte âgée de plus de 18 ans démontre que la prévalence du diabète de type 2 est de 19.3% et qu’elle se retrouve autant chez la femme que chez l’homme. Si on ajoute à cette prévalence les prédiabétiques de type 2 qui s’ignorent et les diabétiques de type 1, c’est près de 50% de la population qui est concernée par le diabète. 48 Comme les statistiques du Ministère l’indiquent, le diabète Mellitus est la cause principale de décès dans le pays. Considéré comme causes sous‐
Top 10 des causes de mortalité tous âges jacentes de mortalité, 40% des personnes atteintes confondus de diabète sont en fait décédées d’un infarctus et Ile Maurice 30% d’un accident vasculaire cérébral. De plus, cette maladie affecte et handicape les Mauriciens par un Causes Mort
grand nombre de complications telles que Diabète Mellitus 22.8%
l'insuffisance rénale, la cécité par rétinopathie et les amputations secondaires à une maladie vasculaire Maladies cérébrovasculaires 9.5%
périphérique. En effet, selon le gouvernement mauricien, plus d'un décès sur cinq au pays est causé Autres maladie du système 5.9%
par les diverses complications du diabète. Au moins circulatoire 50 à 60% des patients traités par hémodialyse rénale Maladies cardiaques 19.6%
sont diabétiques de type 2 et il s’agit de la cause la plus fréquente de cécité dans le pays. Le Cancers 11.9%
gouvernement indique qu’environ 80% de toutes les Maladies respiratoires 6.4%
amputations effectuées au pays sont dues, elles aussi, au diabète. La situation actuelle est alarmante, Maladie du système digestif 5% d’autant plus que la fédération internationale du diabète (FID) a démontré qu’en Afrique, la plupart Trauma et causes externs 6% des personnes atteintes font partie de la tranche Maladies infectieuses 2.3%
d'âge productive (30 ‐ 60 ans). Mort entourant la périnatalité 2% À la fin des années 1990, la prévalence des Ministère de la santé et de la qualité maladies infectieuses a cédé le pas à celle des de vie Maurice 2009 maladies chroniques ou dites « non transmissibles ». En 2009, Maurice figure en haut du classement de la FID, dans la liste des pays où le taux de diabète est le plus élevé au monde. Les données les plus récentes se retrouvent dans l’enquête du Ministère de la santé et de la qualité de vie de Maurice publiée en 2004 : •
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La prévalence du diabète est passée de 14,3% en 1987 à 19,5% en 1998, pour ensuite diminuer légèrement et s'établir à 19,3% en 2004 (≥ 30 ans). En 2009, 26,9% des Mauriciens âgés entre 30 et 74 ans sont diabétiques et 24,2% de la population entre 25 et 74 ans sont en voie de l’être. Par regroupement ethnique, 25,1% des hindous sont touchés et 14,4% des Mauriciens d’origine chinoise; 22,6% des créoles et 22,4% des musulmans. Enfin, 47% des diabétiques ont un taux de sucre sanguin de 9 et plus. La prévalence de l'intolérance au glucose a diminué graduellement à partir de 19,3% en 1987 à 12,1% en 2004. En 2009, elle est à 7,8%. 49 •
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10% de la population mauricienne âgée de 20‐74 ans est obèse (IMC>30) et un autre 25% est en surpoids (25<IMC≤30). La prévalence de l'obésité et du surpoids chez les deux sexes confondus a montré une augmentation passant de 31% en 1987 à 41% en 1998 et une diminution subséquente à 36% en 2004. Elle est à 50,9% en 2009. La prévalence de l'hypertension n'a pas changé de manière significative de 30,2% en 1987 à 29,8% en 2004. La prévalence de l'hypercholestérolémie (cholestérol ≥ 5,2 mmol / L) est de 45% chez les hommes et 37% chez les femmes. La prévalence du taux de cholestérol élevé a montré une diminution régulière au cours de la période de 1987 à 2004 (soit de 56% à 45% chez les hommes et de 53% à 37% chez les femmes). 56,2% déclarent ne pas avoir de temps de loisirs pour pratiquer un sport. Avec 19.3% de la population atteinte de diabète, soit près d’une personne sur cinq (mais après 30 ans, une personne sur deux), Maurice se classe quatrième dans l’échelle mondiale. La FID soutient, dans la 4ième édition de l’atlas du diabète, que lors des 20 prochaines années, l'Afrique connaîtra le plus fort pourcentage d'augmentation de personnes atteintes de diabète, en raison de la rapide industrialisation et de l'amélioration générale des conditions de vie au cours des cinq dernières décennies. De plus, au moins 80 % des personnes atteintes de diabète et vivant en Afrique n'ont pas été diagnostiquées. Le National Service Framework for Diabetes for Mauritius est un plan d’action quinquennal mis en place en 2009 par le gouvernement mauricien pour diminuer les coûts sociaux et de santé reliés au diabète. Par exemple, un programme préventif en podologie et soins des pieds est organisé en 2010 pour offrir aux diabétiques un suivi afin de diminuer la pression sur le système de santé avec un nombre grandissant de plaies persistantes, de troubles de la circulation et d’amputations. Un autre programme concerne la prévention de la cécité. Selon la FID, une combinaison de facteurs est à la source du problème, soit les souches génétiques asiatiques de la population, la forte tendance au tabagisme, l’inactivité physique et l’obésité. Nous devons ajouter la consommation importante de riz blanc qui contrairement au riz entier a un indice glycémique élevé. Le riz entier est disponible au compte goutte, il coûte beaucoup plus cher alors que le riz est la base de l’alimentation pour la majorité de la population. La réalité serait encore pire que ce qu'indiquent les chiffres actuels, car les Mauriciens ne se soumettent pas volontiers au dépistage volontaire, pourtant gratuit, des maladies non transmissibles, et cela même si les cliniques de santé se présentent directement à leur porte ou dans leur milieu de travail. Ils ne réagissent pas non plus aux premiers symptômes et attendent l'apparition de complications sérieuses avant de se soigner. Selon Santé Canada, les principaux facteurs de risque du diabète de type 2 sont : •
l'âge : 40 ans ou plus; 50 •
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le surplus de poids (en particulier l'obésité abdominale); un membre de la famille atteint de diabète; avoir eu un diabète gestationnel; avoir accouché d'un bébé pesant plus de 4 kg (9 lb) à la naissance; l'hypertension artérielle; le tabagisme; l'hypercholestérémie ou autres lipides dans le sang; être membre d'un groupe ethnique à risque. La présence importante d’hypertension, d’hypercholestérolémie, de tabagisme et de surpoids dans la population mauricienne sont tous d’importants facteurs modifiables à considérer. 51 4. Profil comportemental et environnemental Selon Carroll (2006), «l’évaluation des facteurs comportementaux et environnementaux a pour but de cerner les facteurs contribuant de façon directe ou indirecte au problème de santé prioritaire retenu » (p.51). Un classement par ordre d’importance des facteurs de risques liés au comportement et à l’environnement est nécessaire afin d’avoir un portrait global de la situation. Les comportements qui favorisent le diabète de type 2 et qui sont retrouvés dans la population mauricienne sont les suivants : •
L’inactivité physique : en plus de contrôler le poids, l'exercice aide également les cellules du corps à employer l'insuline efficacement, ce qui facilite le contrôle de la glycémie. La prévalence de l'activité physique d’intensité modérée dans le groupe d'âge 35‐54 ans a augmenté chez les hommes, passant de 11,8% en 1987 à 24,5% en 2004 et chez les femmes à partir de seulement 1,4% en 1987 à 9,5% en 2004. •
L’alimentation : une mauvaise alimentation ne cause pas directement le diabète de type 2, mais comme il s’agit du principal agent de contrôle de poids, l’alimentation est un facteur important dans la prévention et la rémission du diabète. Une alimentation pauvre en glucides diminue les chances d’une hyperglycémie dommageable à plusieurs niveaux, en plus de favoriser la perte de poids et ainsi diminuer la résistance à l’insuline. Les habitudes alimentaires des mauriciens ont passé d’une alimentation traditionnelle riche en fruits et légumes et pauvre en viande à une alimentation de type fast‐food, riche en sucre, en graisses et en féculent et ce, depuis les années 1990. •
Le tabagisme : le tabagisme peut augmenter la glycémie en diminuant la capacité du corps à employer l'insuline. Il peut également changer la manière dont le corps stocke la graisse excessive (Willi, Bodenmann, Ghali, Faris, & Cornuz, 2007). La consommation de tabac a diminué chez les hommes de 57,9% en 1987 à 35,9% en 2004, mais pour les femmes il est resté faible, à 7% en 1987 et 5,1% en 2004. La consommation d’alcool : l’alcool a une forte teneur en glucide, pouvant ainsi provoquer une augmentation de la glycémie, participant ainsi également à l’augmentation de la prise de poids. Par contre, une consommation modérée d’alcool diminuerait les risques de développer un diabète de type 2 (Koppes, Dekker, Hendriks, Bouter & Heine, 2005). La prévalence de la consommation abusive d'alcool chez les hommes a augmenté de 16% en 1998 à 19% en 2004. Chez les femmes, la consommation abusive d'alcool a augmenté de 0,5% en 1998 à 1,9% en 2004. •
52 L’environnement socioéconomique de l’ile Maurice est caractérisé par un rapide développement économique au cours des dernières décennies. Les gens des pays en développement subissent une série de changements liés à l'alimentation, à l'activité physique et à la santé générale. Souvent, les zones urbaines étant beaucoup plus engagées dans cette transition que les zones rurales, elles connaissent des taux plus élevés d'obésité. Le travail citadin est moins exigeant physiquement que le travail à la campagne. Et comme de plus en plus de femmes travaillent hors de la maison, elles n'ont plus le temps d'acheter, de préparer ou de cuisiner des repas sains à la maison. Le problème de surpoids est aggravé par le fait qu'un nombre croissant de gens habite en ville. Selon le World Factbook de la CIA, 42% de la population mauricienne vivait en milieu urbain en 2008 (À noter que certains villages ayant plus de 10 000 habitants n’ont pas encore le statut de ville tout en ayant les caractéristiques urbaines telles le même mode de vie). Je situerais ce pourcentage urbain à plus de 75%. Certaines caractéristiques de l’environnement de Maurice laissent croire à un environnement « obésogène » similaire à celui des pays développés. Même si on a observé une hausse de l’obésité dans les populations pauvres de pays en voie de développement, on peut se demander si l’obésité présente à Maurice découle de sa prospérité économique en vigueur depuis la fin des années 1980. D’abord, il y a une utilisation accrue de l’automobile comme moyen de transport au détriment de la marche et du transport en commun. Il est aussi reconnu qu’il y a peu ou pas de cours dédiés à l’éducation physique dans les écoles – ils doivent être réintroduits d’ici 2012‐‐ ni de cours d’éducation à la santé. Pourtant, il a été démontré que les écoles sont des milieux idéaux pour la promotion de la santé (Santé Canada, 2006). Selon Beeharry (2003) de l’Institut international pour la promotion de la santé, seulement 50 écoles du réseau public mauricien possèdent des structures de sports. Il y a peu d’activités parascolaires sportives car les élèves et leurs parents ne leur accordent pas la priorité. En effet, le système d’éducation mauricien est très académiquement compétitif, avec peu de temps consacré au développement des arts et à l’éducation physique. Bien que ce dernier cours apparaisse sur les horaires des classes, ce temps est généralement consacré à d’autres matières académiques, probablement en raison du manque de professeurs spécialisés (il y a 29 enseignants en éducation physique pour tout le pays) mais aussi parce que cette matière ne fait pas partie de l’évaluation. Il existe des structures facilitant l’activité physique dans la plupart des villages et bien sûr dans les villes, tels que des terrains de jeux mais ces derniers ont un entretien inégal et surtout pas d’animation sportive, encore moins une offre de service pour les adultes. Quant aux structures de pistes cyclables, elles sont inexistantes. Ce qui n’empêche pas le tourisme cycliste de prendre de l’ampleur depuis quelques années, au grand étonnement des mauriciens d’ailleurs. Qui ferait du vélo pour le plaisir? Alors que pour eux, il s’agit d’un moyen de transport qui s’avère être dangereux. De plus, l’industrialisation a fait apparaître un grand nombre de restaurants de type fast‐food et il existe une omniprésence de petits commerçants dans les rues, offrant de la 53 nourriture à forte teneur en glucides et en gras et ce, à faible coût. L’alimentation dans les écoles est fournie par des entreprises privées et le type de nourriture est réglementé depuis janvier 2010. Cependant, les enfants apportent de la maison des boissons gazeuses et des confiseries au lieu de les acheter à la cantine. Comme presque partout en Afrique, l’omniprésence de boissons gazeuses est phénoménale. Il est presque plus facile de trouver un Coca‐cola ou un Pepsi que de l’eau fraiche. Paradoxalement, l’insécurité alimentaire des personnes pauvres est un facteur environnemental ayant un impact important sur l’incidence du diabète. En effet, les familles à faible revenu adoptent l’alimentation la plus ‘riche’ – qui satisfait la faim immédiate ‐‐ à un moindre coût, d’où la popularité des commerçants de la rue. Un plan d’action 2008‐2013 a été élaboré par le gouvernement mauricien afin de lutter contre cette épidémie d’obésité. Les facteurs environnementaux pourraient être modifiés si le gouvernement mettait en place des lois et structures facilitant l’activité physique et effectuait du marketing social en matière de santé. Notamment sur le rapport aux lipides qui aurait avantage à être modifié pour inclure davantage d’oméga‐3 et moins d’oméga‐6, ces derniers étant présents dans les huiles de friture très utilisées dans les mets consommés quotidiennement par les mauriciens. L’origine ethnique de la majorité des mauriciens est aussi un facteur environnemental ayant une incidence importante sur le diabète, mais il s’agit d’un facteur non modifiable. En effet, des études démontrent qu’une personne avec un parent proche diabétique a un plus gros risque de développer la maladie. Ce risque accru est probablement dû à une combinaison de gènes en commun et de styles de vie communs. Environ 68% de la population est d’origine indienne, chez laquelle un gène prédisposant à l’insulinorésistance a été identifié. 54 5. BILAN DES FORCES ET DES CONTRAINTES À MAURICE Le présent rapport est loin d’être exhaustif mais il tente d’illustrer la nature de la société mauricienne, à partir du point de vue d’une étrangère. Les forces sont les suivantes : • Une économie en essor depuis plus de 20 ans; un leadership régional dans les Mascareignes et un ascendant auprès de toute l’Afrique; des partenariats avec les pays européens traditionnellement engagés envers Maurice comme la France et la Grande‐Bretagne; des partenariats avec l’Inde et la Chine. • Un système de santé public et un système d’éducation public payés par l’État; un souci de mise à jour des connaissances par les professionnels en santé et en éducation. Des hôpitaux régionaux et d’autres spécialisés, des centres de santé locaux et régionaux. Des cliniques (hôpitaux) privées financées par des investissements étrangers (Europe et Inde). Des écoles primaires et secondaires réparties sur tout le territoire selon les besoins. L’école obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans. • Une santé publique active, branchée sur les objectifs de l’OMS. • Deux universités reconnues et plusieurs instituts de formation supérieure. Plusieurs écoles spécialisées privées, la plupart sont des délocalisations. • Une production de recherche centrée sur les besoins de l’État ou des industries manufacturières (sucre et textile). Des chercheurs à la recherche d’une indépendance pour leurs travaux. • Des TICs bien développés et avec un bon soutien technique. • Un système politique démocratique depuis l’accession du pays à l’Indépendance en 1968. Un système de droit fonctionnel, appuyé par une force policière déployée dans tout le pays. • Un système de réseau routier bien développé, de même qu’un système de transport en commun par autobus. Un système de transport par taxi avec licence. • Une électrification et une distribution d’eau potable accessible dans tout le pays. • Une diversité ethnique, culturelle et religieuse, avec un apport spécifique de chacune au pays. • Une population bien éduquée. • Une myriade d’organismes non gouvernementaux impliqués dans le mieux‐être et le mieux‐vivre des mauriciens. • Une prise de conscience que la génération montante est la force du pays et doit être protégée contre les abus de toutes sources. • Une presse qui défend son indépendance bec et ongles. 55 Les contraintes : •
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Une population dont une partie, les plus pauvres, n’arrivent pas à tirer leur épingle du jeu de la progression économique. Des professionnels de la santé et de l’éducation qui sont dépassés par le développement des connaissances et dont la formation de base souffre d’un déficit qui ne peut être comblé par des formations « top‐up ». Des jeunes qui acceptent des emplois pour lesquels ils ne sont pas qualifiés parce que leurs qualifications ne trouvent pas preneur au pays ou bien ils décident d’émigrer. Des initiatives en santé publique qui ne sont pas toujours planifiées dans une perspective de changement organisationnel, avec pour résultat, une démobilisation des partenaires et un non engagement des clientèles visées. Des structures rigides qui encadrent les institutions de formation supérieure; tout en s’assurant de la qualité de la formation, ces structures ne favorisent pas la créativité pour trouver des solutions aux besoins de l’heure. Une seule autoroute traversant le pays et passant par la capitale, ce qui entraîne des bouchons quotidiens. Une distribution d’électricité et d’eau dont les bris ne dépendent pas toujours des aléas de la nature mais plutôt d’une gestion déficiente de leur entretien et développement. Une politique communaliste qui imprègne toutes les sphères de la société au quotidien. Une hypersensibilité facilement exacerbée entre les communautés du pays. Une discrimination entre les communautés et à l’intérieur d’elles également pour tout ce qui touche les avantages sociaux, au travail et les chances d’avancement. Des ONG en général très localisées, sans réseau entre elles, qui agissent sans concertation. Des habitudes bien ancrées et bien décriées pour lesquelles les résistances au changement limitent toute initiative pour le bien‐être de la population : les leçons particulières et les examens de fin de cycle sont des exemples. Une télévision d’État sans compétition. Une économie informelle galopante (dont l’État ne retire rien). 56 CONCLUSION Ce portrait descriptif de Maurice sur le plan social est bien entendu très partiel. Il passe aussi du général au particulier, des grandes tendances aux particularités bien ancrées dans la terre mauricienne. Il n’y a pas d’or sous les roches dans la terre contrairement aux mirages avancés pour convaincre les engagés indiens à faire un voyage périlleux au XVIIIe siècle jusqu’à Maurice. Il y a cependant bien d’autres choses plus précieuses dans la terre mauricienne: des habitants soucieux de valeurs humaines et qui les défendent à la moindre menace, un pays qui sait vivre sur la corde raide, une débrouillardise née de besoins qui ne sont pas pris en compte, un esprit critique fort développé même s’il ne se manifeste pas toujours ouvertement. Et j’en passe. L’avenir à Maurice? Nul ne sait. On a déjà qualifié ce pays de poudrière toujours prête à sauter. On oublie un facteur important : les leaders informels de toutes les origines qui ont tissé des liens personnels depuis l’enfance, dans le voisinage, à l’école, au travail et dans les loisirs. Ces liens appellent au respect des différences et au rassemblement des forces pour créer une synergie positive, j’en ai été témoin à plus d’une reprise. 57 Bibliographie ACIISC. (2003). Normes canadiennes de pratique des soins infirmiers en santé communautaire. Bandinah, C., & Arianaick, C. K. (2009). Labor force, employment and unemployment. Port Louis: Ministry of Finance and Economic Empowerment Beeharry, D. (2003). Country profile: Mauritius. Health Promotion in Schools: Promoting a healthy lifestyle Communication présentée au International institute for health promotion, Washington D.C. Carroll, G. (2006). Pratiques en santé communautaire. Montréal : Chenelière Education. 377p. CIA – The World Factbook. 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Ramasawmy, A. (2009, 13 décembre). Les Mauriciens négligent leur santé. lexpress.mu. Récupéré le 10 décembre 2009 de http://www.lexpress.mu/ Renaud, L. & Zamudo, M. G. (2002). Planifier pour mieux agir. Montréal : Réseau francophone international pour la promotion de la santé. 178p. Santé Canada. (2009). Page consulté le 20 novembre 2009 de http://www.hc‐sc.gc.ca/ Syfia international. Page consulté le 9 novembre 2009 de http://www.syfia.info/index.php5?view=agence 58 Willi, C., Bodenmann, P., Ghali, W. A., Faris, P. D., & Cornuz, J. (2007). Tabagisme actif et risque de diabète de type 2: Une revue systématique et une méta analyse. Jama, 298, 2654‐2665 Bibliographie Boyjoo, B. (2009, 15 novembre). Conférence sur le diabète Prévention : une nécessité dès le plus jeune âge. Page consulté le 30 novembre 2009 de http://www.lexpress.mu/ Center blog. (2009). La santé et l’éducation à Maurice. Page consulté le 15 décembre 2009 de http://investirmaurice.centerblog.net/6304630‐La‐sante‐et‐l‐education‐a‐
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Comparaison du profil de santé du Canada et de Maurice
Population totale
32, 876,000
Statistiques
Population utilisant des sources d’eau potable, 2006
1,252,000
Canada
Maurice
100%
100 %
97%
43 000
(Canada)
72%
28 000
20
3 400
0.4 %
0.2 %
0.2 %
0.1%
Nouveau-nés vaccinés contre le tétanos, 2007
Nombre estimatif de personnes (de tous âges)
vivant avec le VIH, 2007
Transmission de la mère à l’enfant, nombre de
femmes (âgées de plus de 15 ans) vivant avec le
VIH, 2007
Taux de prévalence du VIH chez les jeunes (15-24
ans), 2007, hommes
Taux de prévalence du VIH chez les jeunes (15-24
ans), 2007, femmes
Utilisation d’un préservatif lors des dernières
relations sexuelles à risque (%), 2002, 2007,
hommes
Utilisation d’un préservatif lors des dernières
relations sexuelles à risque (%), 2002, 2007,
femmes
Taux d’alphabétisation des jeunes (15-24 ans),
2000-2007, hommes
Taux d’alphabétisation des jeunes (15-24 ans),
2000-2007, femmes
Personnes utilisant internet, 2006
Espérance de vie, 2009
Taux de natalité, 2009
Taux de mortalité, 2009
Population sous-alimentée, 2009
Population en dessous du seuil international de
pauvreté, 2005
Taux d’emploi des contraceptifs, 2000-2007
Taux estimé de prévalence VIH-SIDA
Revenu national brut par habitant
Part de dépense totale consacrée à la santé par
habitant
Rapport prisonnier/habitants
12%
5%
-
73%
77%
81 ans
10%
7%
-
68%
1%
74 ans
14,41%
6,59%
5,5%
75%
0.4%
39 420 $
68%
27%
1.8%
10 640 $
9%
-
581 $/ habitant
22,5/100 000
61 Statistiques générales et sur la santé Mauritius View full size MAURITIAN HEALTH STATS: Top Stats All Stats Just Stats Sources Definitions Both Access to sanitation 86%
[60th of 129] Birth rate, crude > per 1,000 people 15.1 per 1,000 people Drug access 95%
[124th of 195] [19th of 163] HIV AIDS > Adult prevalence rate 0.1%
Hospital beds > per 1,000 people 3.07 per 1,000 people Infant mortality rate 15.57
[111st of 136] [51st of 149] [105th of 179] Life expectancy at birth > Male 70.28 years
Life expectancy at birth > Total population 73.75 years
Malaria cases > per 100,000 1
[108th of 226] [94th of 225] [91st of 94] Maternal mortality 21 per 100,000
[102nd of 136] Physicians > per 1,000 people 1.06 per 1,000 people Probability of not reaching 40 5.4%
[14th of 148] [96th of 111] Spending > Per person 120
[66th of 133] Suicide rate > Females 4.1 per 100,000 people [43rd of 80] Suicide rate > Gender ratio 4.8 per 100,000 people [16th of 76] Suicide rate > Males 19.8 per 100,000 people [31st of 80] Suicide rate > Young males 13.3 per 100,000 people [26th of 43] 62 1,284
Tobacco > Cigarette consumption [48th of 106] Tobacco > Total adult smokers 23.9
[78th of 121] Water availability 1,904 cubic meters [122nd of 169] ... View all Health stats SOURCES: CIA World Factbook, December 2003; World Development Indicators database; WHO (World Health Organization). 2001. Correspondence on access to essential drugs. Department of Essential Drugs and Medecines Policy. February. Geneva; All CIA World Factbooks 18 December 2003 to 18 December 2008; CIA World Factbook, 28 July 2005; UNHDR; UNICEF (United Nations Children?s Fund). 2002. Official Summary: The State of the World's Children 2002. New York: Oxford University Press.; UN 2001 via backone.pdf; World Bank. 2002. World Development Indicators 2002. CD‐ROM. Washington, DC; annual figures:WHO databank, National Bureaus of Statistics. Department of Economic and Social Information and Policy Analysis Population Division (1995). World population prospects. The 1994 revision. New York: United Nations. Partly computations: Department of Clinical Psychology, Psychiatric Clinic, University of W?rzburg, Germany; WHO, World Health Statistics Annual, 1994, Australian Bureau of Statistics, 1994; World Health Organization; World Health Organization2005; ALTERNATIVE NAMES: Mauritius, Republic of Mauritius MAURITIAN PEOPLE STATS: Top Stats All Stats View this page with: Just Stats Sources Definitions Both Age structure > 0‐14 years 24.4
[143rd of 226] Age structure > 15‐64 years 69.1
[31st of 226] Age structure > 65 years and over 6.6 % [96th of 225] Birth rate 14.64 births/1,000 population Chinese population 40,000
[146th of 226] [27th of 127] Death rate 6.55 deaths/1,000 population Divorce rate 0.47 per 1,000 people
[144th of 226] [25th of 34] 63 Ethnic groups Indo‐Mauritian 68%, Creole 27%, Sino‐Mauritian 3%, Franco‐Mauritian 2% Gender development 0.762
[57th of 141] Percentage living in urban areas 43%
[139th of 199] Population 1,274,189
Population growth rate 0.8%
Population in 2015 1,344
[152nd of 242] [138th of 235] [149th of 225] Sex ratio > 15‐64 years 1
[110th of 223] Sex ratio > Total population 0.97 male(s)/female
Sex ratio > Under 15 years 1.03 male(s)/female
Total fertility rate 1.83 children born/woman
Total Population 1,240,827
[143rd of 224] [148th of 224] [152nd of 225] [153rd of 227] Urban population 527,139.3 Urbanization 42
[150th of 195] [138th of 204] Source: http://www.nationmaster.com/country/mp‐mauritius/peo‐people consulté le 23 août 2010