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L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n
Gardien de la chose
Responsabilité du fait des choses n° 82
Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be
Tribunal de 1ère Instance de Bruxelles (8ème ch.), Jugement du 15 juin 2007
Siég. Mme Jacquemin
Le fait qu'une marche non signalée se situe au milieu d'une pièce d'un magasin et dans le parfait alignement du carrelage rend
sa présence imprévisible. Cet élément imprévisible et non annoncé est une caractéristique anormale du sol qui est par
conséquent vicié. Qu'on entend par vice de la chose « une caractéristique anormale qui la rend en certaines circonstances,
susceptible de causer un dommage».
Que trois éléments constitutifs apparaissent dès lors:
- le vice doit donner lieu à une caractéristique ou une disposition de la chose qui l'écarte de son modèle;
- la caractéristique ou la disposition doit être anormale;
- la caractéristique ou la disposition anormale doit être susceptible d'occasionner un dommage à des tiers
Que le gardien de la chose atteinte d'un vice doit, s'il veut s'exonérer de la responsabilité, prouver que le dommage est dû à un
cas fortuit ou à la faute de la victime. L'utilisateur normalement prudent ne pouvait ni ne devait raisonnablement s'attendre à la
présence de pareil obstacle, ni être en mesure de l'éviter. (RGAR 2008 n° 14437)
Jugement du 15 juin 2007
Le Tribunal,
« ... nous avons vu (après coup malheureusement) que
cette marche non signalée et se confondant avec la
décoration générale était fort dangereuse … »;
3. - Discussion.
(…)
2. - Les faits.
Attendu que les faits utiles à la solution du litige
peuvent être synthétisés comme suit: - le 21 mai 2005,
la demanderesse s'est rendue dans un magasin
appartenant à l'assurée de la défenderesse, la s.a. Jacfre;
- alors qu'elle était à l'intérieur du magasin, la
demanderesse fut surprise par l'existence d'une marche
et chuta;
- elle consulta un médecin qui diagnostiqua une
fracture de l'épaule ainsi que d'autres contusions et fut
hospitalisée;
- la demanderesse étant dans l'incapacité de rédiger sa
déclaration de sinistre, c'est sa cousine qui adressa une
déclaration de sinistre à son assureur protection
juridique, le 7 juin 2005, en ces termes:
« ... Le 21 mai 2005, visitant un magasin de fleurs situé
à 1970 Wezembeek-Oppem, 73 Lange Eikstraat du
fleuriste Jacfre, ma cousine a fait une chute brutale
contre une petite marche haute de ± 5 cm, que rien
n'annonçait, ni sa nécessité, ni son revêtement qui pour
des raisons décoratives sans doute se confondait
parfaitement avec le revêtement de l'ensemble de la
surface, ni aucun signe distinctif quelconque ... ;
- le sinistre a eu deux témoins, lesquels ont notamment
déclaré ce qui suit:
« Nous avons pourtant insisté sur le fait que cette
marche non signalée se confondant avec la décoration
en mosaïque était dangereuse mais il n 'y a rien eu à
faire ... ;
1° Responsabilité.
Attendu que la demanderesse met en cause la
responsabilité de l'assurée de la défenderesse en sa
qualité de gardien d'une chose affectée d'un vice,
conformément à l'article 1384, alinéa 1er, du Code
civil;
Que cette disposition institue une présomption de
responsabilité du fait des choses que l'on a sous sa
garde qui découle du vice de la chose, la victime ne
devant pas démontrer une faute dans le chef du gardien
(J.-L. Fagnart, « La responsabilité civile - Chronique de
jurisprudence 19851995 », in Les dossiers du Journal
des tribunaux, Bruxelles, Larcier, 1997, pp. 77 et s.);
Que le demandeur qui agit sur la base de l'article 1384,
alinéa 1er, du Code civil est cependant tenu de prouver
le vice de la chose;
Qu'on entend par vice de la chose « une caractéristique
anormale qui la rend en certaines circonstances,
susceptible de causer un dommage» (Cass., 1er
décembre 1994, J. T., 1995, p.340; R.O.Dalcq et G.
Schamps, « La responsabilité délictuelle et quasi
délictuelle: examen de jurisprudence », R.C.J.B., 1995,
p. 625);
Que trois éléments constitutifs apparaissent dès lors:
- le vice doit donner lieu à une caractéristique ou une
disposition de la chose qui l'écarte de son modèle;
- la caractéristique ou la disposition doit être anormale;
- la caractéristique ou la disposition anormale doit être
susceptible d'occasionner un dommage à des tiers (L.
Corne lis, Principes du droit belge de la responsabilité
extracontractuelle, Bruylant, Bruxelles, 1991, pp. 502
et s.);
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Gardien de la chose
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Responsabilité du fait des choses n° 82
Attendu qu'en l'espèce, la réalité de l'accident est
établie à suffisance de droit et qu'il n'est pas contesté
que l'assurée de la défenderesse était gardienne du sol
sur lequel la demanderesse a fait une chute;
Attendu qu'il ressort à suffisance des éléments du
dossier que ledit sol était atteint d'un vice;
Qu'en effet, la marche litigieuse est située au milieu de
la pièce et le parfait alignement du carrelage de la
marche et du sol implique plus une continuité qu'une
rupture, ce qui rend cette marche imprévisible;
Qu'au moment de l'accident, rien n'avait été prévu par
les exploitants des lieux pour signaler le danger;
Que tant les photographies que les diverses attestations
déposées au dossier confirment le caractère dangereux,
anormal et fort peu visible de la marche;
Qu'il n'est nullement établi que la bande jaune présente
sur la marche plusieurs mois après l'accident l'était déjà
lors de la survenance de celui-ci;
Qu'à cet égard, le rapport d'expertise déposé par la
demanderesse ne fait que constater une situation
postérieure de plusieurs mois à celle du sinistre;
qu'aucune valeur probante ne peut dès lors lui être
conférée;
Que de même, la défenderesse ne démontre pas que son
assurée aurait prévenu la demanderesse du caractère
dangereux de l'obstacle;
Que l'utilisateur normalement prudent ne pouvait ni ne
devait raisonnablement pas s'attendre à la présence
d'une petite marche peu visible au milieu du magasin ni
être en mesure de l'éviter;
Que cet obstacle imprévisible et non annoncé est une
caractéristique anormale du sol qui était par conséquent
vicié;
Que ce vice est en relation, causale directe avec le
dommage;
Attendu que le gardien de la chose atteinte d'un vice
doit, s'il veut s'exonérer de la responsabilité, prouver
que le dommage est dû à un cas fortuit ou à la faute de
la victime;
Qu'il n'est pas établi en l'espèce que la demanderesse
aurait manqué de prudence ou aurait commis une faute;
Que la défenderesse, en sa qualité d'assureur, est dès
lors tenue de réparer le dommage subi par la
demanderesse;
(…)