Programme histoire terminale L/ES Regards historiques sur le
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Programme histoire terminale L/ES Regards historiques sur le
Programme histoire terminale L/ES Regards historiques sur le monde actuel Th1- Le rapport des sociétés à leur passé Les mémoires: lecture historique I- Mémoire et histoire: définitions et questionnements 1- Tentatives de définitions •Pour Pierre Nora, la mémoire était, dans les sociétés traditionnelles, la transmission des savoirs et des gestes de génération en génération, en partie inconsciente. •Ce qu’on appelle « mémoire » aujourd’hui ne correspond pas à la même idée puisque cela signifie conserver ou reconstruire la trace d’une époque révolue définitivement. Pour lui, le besoin de mémoire est donc un besoin d’histoire. Ce qui ne signifie pas pour autant que les deux notions sont synonymes. La mémoire, c’est donc… « La mémoire est un ensemble de souvenirs individuels et de représentations collectives du passé. » Enzo Traverso, L’histoire comme champ de bataille, la Découverte, 2011 « La mémoire est la vie, toujours portée par des groupes vivants et, à ce titre, elle est en évolution permanente, ouverte à la dialectique du souvenir et de l’amnésie, inconsciente de ses déformations successives, vulnérable à toutes les utilisations et manipulations, susceptible de longues latences et de soudaines revitalisations. » Pierre Nora, « Entre Mémoire et Histoire. La problématique des lieux », in Les lieux de mémoire, I. La République, (Pierre Nora dir.), Paris, NRF/Gallimard, collection « Bibliothèque illustrée des histoires », 1984, p XIX-XX. Alors que l’histoire… « L’histoire, quant à elle, est un discours critique sur le passé : une reconstitution des faits et des événements écoulés visant leur examen contextuel et leur interprétation. » Enzo Traverso, L’histoire comme champ de bataille, la Découverte, 2011 « L’histoire est la reconstruction toujours problématique et incomplète de ce qui n’est plus. » Pierre Nora, « Entre Mémoire et Histoire. La problématique des lieux », in Les lieux de mémoire, I. La République, (Pierre Nora dir.), Paris, NRF/Gallimard, collection « Bibliothèque illustrée des histoires », 1984, p XIX-XX. Elles sont distinctes mais en relation… On peut sans doute reconnaître à la mémoire un caractère matriciel bien antérieur à la prétention de l’histoire à devenir une science. Se concevant comme un récit objectif du passé élaboré selon des règles, l’histoire s’est émancipée de la mémoire, tantôt en la rejetant comme un obstacle (les souvenirs éphémères et trompeurs soigneusement écartés par les fétichistes de l’archive), tantôt en lui attribuant un statut de source susceptible d’être exploitée avec la rigueur et la distance critique propre à tout travail scientifique. La mémoire est donc ainsi devenue un des nombreux chantiers de l’historien ; l’étude de la mémoire collective s’est progressivement constituée en véritable discipline historique. Les relations entre la mémoire et l’histoire sont devenues plus complexes, parfois difficiles, mais leur distinction n’a jamais été remise en cause et reste, au sein des sciences sociales, un acquis méthodologique essentiel. Enzo Traverso, L’histoire comme champ de bataille, La découverte, 2011 La mémoire est un phénomène toujours actuel, un lien vécu au présent éternel ; l’histoire, une représentation du passé. Parce qu’elle est affective et magique, la mémoire ne s’accommode que de détails qui la confortent ; elle se nourrit de souvenirs flous, télescopants, globaux ou flottants, particuliers ou symboliques, sensible à tous les transferts, écrans, censure ou projections. L’histoire, parce que opération intellectuelle et laïcisante, appelle analyse et discours critique. La mémoire installe le souvenir dans le sacré, l’histoire l’en débusque, elle prosaïse toujours. La mémoire sourd d’un groupe qu’elle soude, ce qui revient à dire, comme Halbwachs l’a fait, qu’il y a autant de mémoires que de groupes ; qu’elle est, par nature, multiple et démultipliée, collective, et individualisée. L’histoire, au contraire, appartient à tous et à personne, ce qui lui donne vocation à l’universel. La mémoire s’enracine dans le concret, dans l’espace, le geste, l’image et l’objet. L’histoire ne s’attache qu’aux continuités temporelles, aux évolutions et aux rapports des choses. La mémoire est un absolu et l’histoire ne connaît que le relatif. Au cœur de l’histoire, travaille un criticisme destructeur de la mémoire spontanée. La mémoire est toujours suspecte à l’histoire dont la mission vraie est de la détruire et de la refouler. L’histoire est délégitimation du passé vécu » Pierre Nora, « Entre Mémoire et Histoire. La problématique des lieux », in Les lieux de mémoire, I. La République, (Pierre Nora dir.), Paris, NRF/Gallimard, collection « Bibliothèque illustrée des histoires », 1984, p XIX-XX. La mémoire est donc dans la proximité alors que l’histoire est dans la distance. 2- Quelles questions cela pose-t-il? •À partir des années 1970, « obsession de la mémoire » (P.Joutard), en raison de l’émergence des identités locales et également de la fin des utopies (E.Traverso) qui pousse à tourner le regard vers le passé. •Entrée de la figure de la victime sur le devant de la scène (E.traverso) Concurrence et guerres de mémoires “Devoir de mémoire” La mémoire collective devient objet d’histoire •Plus notre société est coupée de son passé, plus elle ressent une sorte de fièvre patrimoniale et commémorative. •L’historien, qui ne peut lui-même se couper de la demande sociale, éprouve davantage de difficultés à se tenir à distance, posture cependant nécessaire à sa discipline. •D’où l’inflation en France des « lois mémorielles » qui ne sont autre chose que des usages politiques de l’histoire. Les deux exemples proposés par le programme n’occupent pas la même place en tant qu’objets d’histoire: •La Seconde Guerre mondiale, commence à connaître un traitement plus apaisé au fur et à mesure qu’elle s’éloigne de nous. •La guerre d’Algérie, reconnue comme telle depuis 1999 seulement, est encore l’enjeu de conflits de mémoire très vifs, ce qui a un impact sur le travail des historiens voir article du Monde sur la censure dont a été victime G.Pervillé (fiches sur l’historien et les memoires de la guerre d’Algérie) II- L’historien et les mémoires de la seconde guerre mondiale 1- D’une mémoire à l’autre: l’histoire des mémoires de la seconde guerre mondiale 1ère période- 1944-1971: une lecture unanimiste de la Résistance Pendant cette période, surgissement de la mémoire de la Shoah (1961: procès Eichmann) 2ème période- 1972-1995: l’ère du soupçon généralisé 3ème période- 1995-2004: une approche plus complexe et plus conceptualisée pour dépasser les guerres de mémoires. Les différentes mémoires de la 2de guerre mondiale : •La mémoire repliée des prisonniers de guerre •La mémoire blessée de la déportation •Dont la mémoire de la Shoah, d’abord inaudible puis prenant presque toute la place à partir des années 1970 •La mémoire sur la défensive des travailleurs français en Allemagne •La mémoire de la Résistance, elle-même divisée: - La mémoire communiste: parti des fusillés - La mémoire gaullienne: mémoire rassembleuse - La mémoire gaulliste: vénération de de Gaulle - La mémoire socialiste: encore peu structurée - La mémoire de la droite non gaulliste Quels documents pour faire cette histoire des mémoires? •Discours de Malraux lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon en 1964 •Extraits de manuels d’histoire des années 1960 •Extrait du film « Le chagrin et la pitié » (1969/1971) mais aussi du film « Nuit et brouillard » sur l’absence de visibilité de la Shoah •DVD « Passeurs de mémoire » du Scéren pour travailler sur la notion de témoin, de transmission de la mémoire individuelle et/ou collective. •Extraits du livre de R.O.Paxton, et de celui de Pierre Laborie Le chagrin et le venin (2011) qui remet en cause la “nouvelle vulgate” créée par le film Le chagrin et la pitié. •Textes de la demande de lecture de la lettre de Guy Môquet… •Sur le rôle des mots, la place des témoins, de la fiction aussi comme « déclencheur d’histoire », voir le livre d’Annette Wierviorka, L’heure d’exactitude (2011) http://clioweb.free.fr/enjeux/laborie.htm (conférence de P.Laborie) III- Le rôle et la construction de la mémoire dans la société française 1- A quoi sert-elle? À se souvenir de ce qui n’existe plus. À donner une certaine représentation du passé. À créer ou souder une identité. « La mémoire est une véritable construction mentale qui utilise l’oubli comme matière première. En d’autres termes, la mémoire se définit soit par ce qu’elle rejette (soit parce qu’elle le juge insignifiant, soit parce qu’elle n’en veut pas), autant que par ce qu’elle retient. Elle se définit aussi par sa capacité de recours au symbolique et par son aptitude à créer des mythes, mythes qui ne sont pas des visions fausses de la réalité, mais une autre façon de décrire le réel, une autre forme de vérité.(…) Ce qui est trop souvent considéré comme faiblesse du témoignage oral en constitue une de ses grandes richesses et nous en apprend autant que les renseignements exacts qu’ils contiennent aussi en abondance. » Philippe Joutard in Quand les mémoires déstabilisent l’école, sous la direction de Sophie Ernst, INRP, 2008 2- Qui s’en sert? Les groupes mémoriels, minorités ethniques, religieuses, sexuelles, groupes idéologiques, culturels, communautés en tous genres. L’Etat. 3- Dans quel but? Conforter l’idée de la Nation. Réconcilier la population après une période de déchirements (guerres de religion, Seconde Guerre mondiale). Soutenir les revendications de reconnaissance d’un groupe. Cette 3ème partie est la véritable nouveauté du programme qui demande de ne pas en rester à l’évocation des différentes mémoires de la seconde guerre mondiale mais de les étudier en tant qu’objets d’histoire.